Henri HASMAN – 46283

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Henoch Hasmann (ou Hasman) naît le 19 juin 1890 à Varsovie (en Pologne annexée par la Russie tsariste), fils de Berka (Bernard) Hassmann, né vers 1844, et de Golda (Goldé) Kahelew (Kachel), née à Varsovie le 5 juin 1858, son épouse.

Peu après, une date restant à préciser, alors qu’Henoch est encore enfant, sa famille vient s’installer en France, avec la nationalité russe. Ainsi, son frère Léon Hasman naît le 10 janvier 1894 à Paris 4e, chez leurs parents, domiciliés « de fait » au 5 rue du Figuier (quartier Saint-Gervais) « et de droit à Staszow (Russie) » (Pologne ?).

En 1911, Henoch, dit Henri, Hasman, âgé de 21 ans, « Russe naturalisé » (?), alors artisan tailleur, habite au n° 1 de l’Allée Nouvelle (ou rue Nouvelle) à Clamart (Seine / Hauts-de-Seine), avec plusieurs membres de sa famille : sa mère Golda, alors veuve ; Rachel (?), née en 1891 à Paris (désignée comme «  son épouse » ?) ; Marie Leroi, née à Paris en 1892, sa compagne (désignée comme « sa nièce » ?) ; sa fille, Claire, née le 28 décembre 1910 à Clamart; ainsi que plusieurs membres de la famille Goldman : son neveu (sic) Jacob Goldmann, né à Odessa (Crimée / Russie) en 1884 ; son autre neveu Bernard Goldmann, né à Paris en 1888 ; sa nièce Sarah Goldmann, né à Varsovie en 1887. La boutique de tailleur est installée à la même adresse.

En 1914, Henri Hasmann, alors mécanicien, est domicilié au 182, rue de la Convention (Paris 15e). Max Hasmann, 37 ans, né en 1877 à Varsovie, s’est installé avec sa famille comme tailleur au 4 allée Nouvelle.

Le 2 mai 1914 à Paris 15e, Henoch (Henri) Hassmann (sic) épouse Marie Rebecca Leroi, née le 19 avril 1892 à Paris 14e (22 ans), couturière, vivant avec lui et leur fille Claire, dont la reconnaissance est réitérée à cette occasion. Les témoins à ce mariage sont son frère Lazare Hasmann, 34 ans, né en 1880 à Varsovie, tailleur, domicilié 2 passage des Groux à Clamart, marié trois enfants, Max Hasmann et Simon Hasmann, 33 ans, né en 1882 à Varsovie, mécanicien, domicilié 8 rue des Roissys à Clamart.

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié rue d’Hastings à Dives-sur-Mer (Calvados – 14), pensionnaire chez un artisan mécanicien qui l’emploie comme ouvrier.

Selon une source, le 11 septembre 1914, à Paris, Henri Hasman s’engage volontairement au « 1er régiment étranger d’infanterie, en section hors rang » ; peut-être plus exactement au 1er régiment de marche de la Légion étrangère (à vérifier…). Mais, le 20 avril 1915, il est réformé n° 2 par la commission spéciale du Rhône.

En 1921, Henri Hasman habite au 134 bis, avenue Victor-Hugo à Clamart. Il est artisan mécanicien et Marie est couturière (chez Petit ?).

Les samedis 22 juin et 6 juillet 1929, paraissent successivement dans La Gazette Normande (Le Progrès), hebdomadaire de Dives, Cabourg, Houlgate et toute la région, deux articles polémiques qu’Henri Hasman a rédigé en se présentant comme membre du Club Sportif Divais et ex-secrétaire de la Fédération Sportive du Travail, exprimant son regret de la création de l’Union Divaise, moquant un “notable“ sportif local, et défendant la fusion des deux clubs de football de la petite commune

Le 26 octobre 1929, à Dives-sur-Mer (Calvados – 14), sa fille Claire, 19 ans, se marie avec Basile Sergeff, 35 ans, né en 1896 à Nowotcherkassk (Russie).

Au recensement de 1931 (clôt le 30 mai), Henri Hasman habite au 4 rue Foucher-de-Careil à Dives-sur-Mer, déclaré comme patron mécanicien. Le foyer familial abrite alors son épouse Marie, 39 ans, leur fille Claire, devenue comptable, Pierre (Basile) Sergeff, leur gendre, mécanicien dans l’atelier de son beau-père, Jacques Armand Alexandre Sergeff, leur petit-fils, né le 8 septembre 1930 à Dives, ainsi que Constantin Bochniakoff, né en 1900 à Kerson, pensionnaire, chauffeur, et Alexandre Achourkine, né le 14 avril 1901 à Nowotcherkassk (Russie), pensionnaire, mécanicien.

Le garage d’Henri Hasman est installé rue d’Hasting, à Dives, « en face » (?) de l’hostellerie Guillaume-le-Conquérant.

Document transmis par Christine Le Callonec.

Document transmis par Christine Le Callonec.

À Dives-sur-Mer existe alors une petite communauté russe immigrée travaillant à l’usine, composée notamment d’anciens cosaques du Don. Ainsi, pendant ses loisirs, Pierre (Basile) Sergeff réalise des icônes pour la petite chapelle orthodoxe installée dans un baraquement en dur de la cité ouvrière située près du terrain de football.

La mère d’Henri Hasman, Golda, décède le 2 juin 1933 au 10 rue des Royers, à Clamart, chez son petit-fils, Bernard Goldbaum.

Le 7 novembre 1933 le tribunal civil de Pont-L’Évêque (14) prononce le jugement de divorce entre Henri Hasman et son épouse.  Le 14 décembre 1935, à Villemomble (Seine / Seine-Saint-Denis), Marie Leroi, 43 ans, se re-marie avec Alexandre Achourkine, 34 ans.  Mais, au recensement de 1936, le nouveau couple est revenu habiter rue de la Gare à Dives-sur-Mer !

Dans cette période, la famille se désagrège et le garage d’Henri Hasman est en difficulté financière.

En 1936, sa fille Claire, son mari et leurs enfants Jacques et Pierrette habitent rue des Frères Lepaule, en face du passage à niveau, Basile Sergeff étant embauché à l’Électro de Dives-sur-Mer.

Dives-sur-Mer, entrée des usines de la Société générale d’électrométallurgie. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Dives-sur-Mer, entrée des usines de la Société générale d’électrométallurgie.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Peu avant la guerre, les Sergeff emménageront rue Pasteur à Cabourg, sur la rive gauche de la Dives.

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Henri Hasmann est domicilié rue d’Hastings à Dives-sur-Mer (14), alors pensionnaire (?) chez un artisan mécanicien qui l’emploie comme ouvrier ; lui a-t-il revendu son garage ?.

Dans la nuit du 1er au 2 mai 1942, il est arrêté à son domicile par la police française. Inscrit comme Juif sur une liste d’arrestations exigées par la Feldkommandantur 723 de Caen à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan – 14)

[1], il est conduit à la gendarmerie de Dives, puis passe par la Maison d’arrêt de Pont-L’Évêque le 3 mai, avec Lucien Lehmann, Chaïm et Henri Lewinsky.

Le 4 mai, remis aux autorités d’occupation, il est au “petit lycée” Malherbe de Caen où sont rassemblés les otages du Calvados. Il fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandise de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le 5 mai, en soirée. Henri Hasmann est très probablement interné dans le secteur “juif” du camp (camp “C”).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le 8 juillet 1942, Henri Hasmann est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46286 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Henri Hasmann.

Il meurt à Auschwitz le 27 juillet 1942, selon les deux registres du camp (appel, décès) ; trois semaines après l’arrivée de son convoi, âgé de 52 ans.

Le 26 août 1987 est inaugurée une stèle apposée par la municipalité de Caen sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi.

Le nom d’Henri Hasmann est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen côté avenue Albert Sorel afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Dans le cimetière de Dives-sur-Mer, le nom d’Henri Hasman a été ajouté (en 2013 ou avant) sur le monument déjà existant dédié Aux victimes des camps de concentration nazis.

Henri Hasmann est inscrit sur une des dalles, année 1942, du Mur des Noms au sein du Mémorial de la Shoah, au 17 rue Geoffroy-l’Asnier à Paris 4e.

À une date restant à préciser, Jacques Sergeff, petit-fils maternel d’Henri Hasman, rédige un carnet illustré par ses soins retraçant ses souvenirs de l’occupation et du débarquement allié dans le secteur de Dives-sur-Mer, où il se trouvait alors (voir sources). Page 11, il écrit :  « … en avril 1942, mon grand-père maternel, qui habitait Dives-sur-Mer, fut arrêté par la police française de Vichy pour “activités terroristes” trois jours avant de passer en Angleterre. Il n’est jamais revenu… »

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés, au Mont-Valérien (Hauts-de-Seine – 93) pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

 

Sources :

- Son nom (prénom orthographié « Henrich ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice biographique par Claudine Cardon-Hamet page 126.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 65, 74, 362 et 407.
- Jean Quellien (1992), sur le site non officiel de Beaucoudray, peut-être extrait de son livre Résistance et sabotages en Normandie, paru pour la première fois aux éditions Charles Corlet en 1992.
- Claude Doktor, Le Calvados et Dives-sur-Mer sous l’Occupation, 1940-1944, La répression, éditions Charles Corlet, novembre 2000, Condé-sur-Noireau, page 151.
- Christine Le Callonec, présidente de l’association Un fleuve pour la liberté, la Dives, et membre du collectif Histoire et Mémoire, messages et documents joints (04-2025).
- Site Mémoire Ouvrière, témoignages inédits des années 1930, Jacques Sergeff : https://www.memoireouvriere.fr/témoignages/années-1930/ ; https://www.calameo.com/read/00280381002d513a05e5b
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 429 (16808/1942).
- MémorialGenWeb, fiche individuelle.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-04-2025)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Paul HARDY – 45654

Extrait d’une photo de famille ci-dessous. © Jean Louis Pechin.

Extrait d’une photo de famille ci-dessous. © Jean Louis Pechin.

Paul, Jules, Pierre, Hardy naît le 26 mai 1907 au Havre (Seine-Maritime 
[1] – 76), fils de Paul Hardy, 53 ans, négociant, et de Pauline Retout, 37 ans, alors non mariés (leur mariage sera contracté le 28 février 1913). Elle-même – veuve d’un premier mariage avec Eugène Marie (décédé à 30 ans le 8 août 1902) – a déjà une fille, Marthe, née le 10 septembre 1894, au Havre. Malgré leur différence d’âge, les deux enfants se considèrent comme frère et sœur.
Date inconnue. © Jean Louis Pechin.

Date inconnue. © Jean Louis Pechin.

Le 29 avril 1916, au Havre, sa sœur Marthe se marie avec Clément Sonnet, 23 ans, charron, mobilisé depuis son service militaire, en octobre 1913, au 6e régiment de dragons. Celui-ci est tué au combat le 16 juillet 1918 au nord d’Arthy (Marne), laissant une petite orpheline, Renée, née le 6 novembre 1917 au Havre, qu’il n’a pas connue. Le 27 septembre 1926, à Paris 18e, Marthe épouse en secondes noces Charles Pechin, chirurgien. Ensemble, ils ont un premier garçon, Charles, né en 1927.
Le 29 décembre 1928, au Havre, Paul Hardy se marie avec Augustine Forget, née le 13 juin 1909 au Havre. Ils auront une fille, Lilianne, née le 23 août 1934 à Courbevoie [2] (Hauts-de-Seine – 92). Trois semaines plus tôt, sa sœur aura mis au monde son deuxième fils : Jean Louis.

Augustine, Lilianne et Paul Hardy en 1935 ; extrait d’une série de quatre photos dont celles ci-dessous © Jean Louis Pechin.

Augustine, Lilianne et Paul Hardy en 1935 ; extrait d’une série de quatre photos dont celles ci-dessous © Jean Louis Pechin.

Au moment de son arrestation, Paul Hardy est domicilié avec sa famille, dont sa belle-mère malade, au 22, rue Danton à Courbevoie.

Paul Hardy est mécanicien (régleur, ajusteur) ; à partir de 1934 et jusqu’au moment de son arrestation, il travaille à la Société Cadum, 5 boulevard de la Mission-Marchand à Courbevoie. Son épouse est employée dans la même entreprise.

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Carte postale non datée. Impression lithographique à Bruxelles.
Coll. Mémoire Vive.

Adhérent au Syndicat général ouvrier des industries chimiques de la région parisienne, membre de sa commission exécutive, Paul Hardy est secrétaire de la section syndicale de son entreprise à partir de 1936 et délégué du personnel l’année suivante. Il est également adhérent au Parti communiste.

Au cours des vacances d’été en 1936, le docteur Charles Pechin, chirurgien au Havre, emmène sa famille et celle de Paul dans sa résidence secondaire de Vincelles (Yonne).

De gauche à droite : Paul Hardy, Pauline, sa mère, placée derrière le premier fils de Marthe, puis Renée, fille de Marthe, avec son petit frère Jean Louis, Marthe Pechin, soeur de Paul, Augustine Hardy, avec sa fille Lilianne. © Jean Louis Pechin.

De gauche à droite : Paul Hardy, Pauline, sa mère, placée derrière Charles, le premier fils de Marthe, puis Renée, fille de Marthe, avec son petit frère Jean Louis, Marthe Pechin, soeur de Paul, Augustine Hardy, avec sa fille Lilianne. © Jean Louis Pechin.

Le même jour. De gauche à droite : au premier rang (marches du bas), Augustine Hardy et sa fille Lilianne, Jean Louis Pechin et sa mère Marthe, le premier fils de celle-ci ; au deuxième rang, Pauline Hardy, Paul Hardy, Renée Pechin. © Jean Louis Pechin.

Le même jour. De gauche à droite : au premier rang (marches du bas), Augustine Hardy et sa fille Lilianne, Jean Louis Pechin et sa mère Marthe, Charles, le premier fils de celle-ci ; au deuxième rang, Pauline Hardy, Paul Hardy, Renée. © Jean Louis Pechin.

Syndicaliste, Paul Hardy est délégué du personnel de son entreprise à partir de 1937.

Le 26 août 1939, à la veille de la déclaration de guerre, étant de la classe 1927, il est rappelé sous les drapeaux. Au bout de treize mois, il est officiellement démobilisé le 3 septembre 1940.

La police française (RG) considère Paul Hardy alors comme un « meneur très actif », qui aurait été secrétaire de la cellule de son entreprise. Ultérieurement, Paul Hardy déclarera n’avoir jamais appartenu au Parti communiste. Son absence de Courbevoie pour cause de mobilisation, c’est-à-dire son empêchement d’y militer, ne sont absolument pas pris en compte. Tout juste est-il rentré du service armé, que son domicile est perquisitionné par la police française, sans résultat.

Quelques jours plus tard, le 9 décembre 1940, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, en application du décret du 18 novembre 1939, modifié par la loi du 3 septembre 1940. Paul Hardy est arrêté le jour même pour être conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Val-d’Oise – 95), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre. Paul Hardy est assigné à la chambre n° 41.

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Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,
le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Début décembre, Augustine Hardy écrit au préfet de la Seine afin de solliciter un complément d’enquête pour son mari, en certifiant « qu’il ne s’occupe plus de rien depuis longtemps ». Dès le lendemain, sa demande est transféré à la préfecture de police, qui transmet à son service des renseignements généraux.

Le 2 janvier 1941, Augustine Hardy écrit directement au préfet de police pour solliciter un complément d’enquête. Enregistrée le 4 février, sa demande est transmise aux renseignements généraux quatre jours plus tard.

Le 25 février, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Paul Hardy, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, émet un avis défavorable en s’appuyant sur le constat que cet interné « est resté communiste et son internement n’a pas modifié ses opinions », tout en lui reconnaissant une « attitude correcte ».

Les 27 février et 4 mars, Madame Hardy écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter une autorisation de visite pour elle et sa fille. Celui-ci lui répond en expliquant que son mari « ayant fait l’objet d’un arrêté de M. le Préfet de Police, ce haut fonctionnaire est seul qualifié pour statuer sur [cette] demande ».

Le 30 mars, Madame Hardy envoie une lettre recommandée au préfet de police pour demander de nouveau un complément d’enquête. En post-scriptum de sa lettre, elle sollicite une autorisation de visite à Aincourt pour elle et sa fille « qui s’ennuie bien de son papa et voudrait bien l’embrasser ». Le 10 avril, Le cabinet du préfet de police écrit au commissaire de Courbevoie pour lui demander de faire connaître à la requérante « que satisfaction ne peut lui être accordé, le règlement du camp interdisant les visites aux détenus ». Sans doute convoquée au commissariat, Augustine Hardy signe cette lettre sous la mention « Pris connaissance ».

Le 9 juin, Madame Hardy écrit au préfet de police pour lui demander « si cela est possible, une révision de dossier sur la personne de [son] mari ». À son courrier, elle joint deux timbres à 0,50 francs dans l’espoir de recevoir une réponse écrite.
Le 26 juillet, Le cabinet du préfet de police écrit au commissaire de Courbevoie pour qu’il fasse connaître à la requérante « que sa demande ne peut être accueillie favorablement dans les circonstances actuelles ». Le 3 août, Augustine Hardy signe au bas de cette lettre sous la mention « Reçu communication et deux timbres ».

Le 4 décembre, Madame Hardy écrit au préfet de police pour lui demander « si [elle peut] espérer la prochaine libération de [son] mari ». À son courrier, elle joint un timbre à 1 franc… qui ne lui sera pas retourné. Le 22 décembre, la délégation du gouvernement français dans les territoires occupés (ministère de Brinon) s’adresse au préfet de police afin que celui-ci lui fasse « connaître les raisons des mesures prises à l’égard de l’intéressé et [son] avis motivé sur l’opportunité de sa libération. [Son] rapport devant être soumis à la prochaine réunion des services de police anticommuniste, il y a lieu de [lui] faire parvenir sous huitaine ». L’argumentaire de réponse ne change pas, fondé sur le même A.S. : « … Durant plusieurs années, Hardy a été l’un des principaux organisateurs de la cellule communiste des établissements “Bébé Cadum” et, après la dissolution des groupements affiliés à la IIIe Internationale, il a continué à poursuivre son activité. Sa libération ne semble donc pas opportune dans les circonstances actuelles ». Le 5 janvier 1942, Le cabinet du préfet de police écrit au commissaire de Courbevoie pour qu’il fasse connaître à la requérante « qu’une mesure de clémence ne saurait être actuellement envisagée en faveur de M. Hardy ».

Le 11 août, le commissaire spécial commandant le camp transmet un rapport concernant plusieurs détenus dans lequel il donne un avis favorable à la libération de Paul Hardy « jamais puni, attitude correcte ».

Selon une note de la police (RG ?) datée du 18 février 1942, Paul Hardy figure sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion ».

Le 15 mars, le directeur du camp transmet au préfet de Seine-et-Oise 37 notices sur des détenus devant être exclus des listes d’otages. Paul Hardy est du nombre au motif qu’il « se tient à l’écart de toute activité politique » « au Centre ». Le 26 mars, le directeur signe un avis favorable à sa libération.

Le 5 mai, Paul Hardy fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure – 28). Enregistré sous le matricule 398, il n’y reste que cinq jours.

Le 10 mai, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Paul Hardy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45654 (sa photo d’immatriculation a été identifiée par comparaison avec des photos de famille conservées par son neveu, Jean Louis Pechin).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Paul Hardy.

Il meurt à Auschwitz le 2 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, qui indique pour cause mensongère de sa mort une « insuffisance cardiaque » (Herzmuskelinsuffizienz).

Son nom figure sur la plaque commémorative en Mairie de Courbevoie.

Son nom est également inscrit sur le Monument à la mémoire des habitants de Courbevoie fusillés et morts en déportation en 1939-1945, situé dans le cimetière du RP Cloarec.
Le 15 juin 1946, sur un formulaire à en-tête de la FNDIRP, René Aondetto certifie sur l’honneur que Paul Hardy est décédé au camp d’Auschwitz à la date du… « janvier 1943 », selon ce qu’il croit savoir.

Le 24 septembre suivant, le bureau de l’état civil déportés du ministère des Anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) établi un acte officiel de décès fixé au 15 janvier 1943 (c’est-à-dire à la moitié du mois), transcrit au registre la mairie de Courbevoie le 23 octobre. Le 15 janvier 1947, à la mairie de Courbevoie, Augustine Hardy remplit un formulaire de demande d’inscription de la mention « Mort pour la France » sur l’acte de décès de son mari (avis favorable le 20 mars et transcription le 26 juin).

Le 1er février 1953, Madame Hardy remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté politique à titre posthume pour son mari. Le ministère des ACVG accorde ce titre le 7 octobre… 1957 (carte n° 1175.12401).

Domiciliée alors à La-Garenne-Colombes, Augustine Hardy est pendant un temps secrétaire du comité local de l’Union des Femmes Françaises (UFF), proche du Parti communiste.

Une fiche de contrôle du ministère des ACVG établie le 6 mai 1968 mentionne la date de décès mentionnée sur l’acte de décès du camp (2-09-1942) ; celui-ci semble être parvenu au ministère, peut-être par le centre de recherches d’Arolsen. Néanmoins, quand le service d’état civil de la mairie de Courbevoie établit un axerait d’acte de décès en février 1970, il est encore fait mention de la date approximative.

Sources :
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 403.
- Cl. Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : Archives municipales de Courbevoie – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (avis de décès).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w73, 1w74 (révision trimestrielle), 1w76, 1w122 (dossier individuel).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Appo, site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; cabinet du préfet (1w0512), dossier de Paul Hardy (13.517).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 427 (26832/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 92-Courbevoie, relevé de Francis Libaud (01-2008).
- Jean Louis Pechin, neveu de Paul Hardy, fils de Marthe, la sœur de celui-ci (messages 08-2015, photographies).MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-09-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Courbevoie : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Georges HANSE – 45653

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Georges Fernand Raymond Hanse naît le 2 juillet 1912 à Beauvais (Oise – 60), chez ses parents, Georges Louis Hanse, 25 ans, ouvrier en tapis, et Isabelle Jeanne Cresson, 22 ans, ouvrière en tapis, son épouse, domiciliés au 29 rue Tétard (?).

Le 10 octobre 1936, à la mairie de Saint-Just-des-Marais, Georges Hanse se marie avec Geneviève M., née le 19 avril 1917 à Beauvais. Il a au moins un fils, Hubert, né en 1934 (ou 1924 ?).

Au moment de son arrestation, il est domicilié à Saint-Just-des-Marais (60) ; son adresse reste à préciser. Un autre document le domicilie à Compiègne (60).

Georges Hanse est couvreur.

En septembre 1941 probablement, il est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il y est enregistré sous le matricule n° 1546.

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le 20 février 1942, le chef de la Feldkommandantur 580 à Amiens (Somme – 80) – ayant autorité sur les départements de la Somme et de l’Oise – insiste auprès du préfet de l’Oise, Paul Vacquier 

[1], afin que la fiche de chaque interné du Frontstalag 122 pour activité communiste demandée à l’administration préfectorale indique « son activité politique antérieure (très détaillée si possible), ainsi que les raisons qui militent pour ou contre sa prompte libération du camp d’internement ».

Le 10 mars, le préfet de l’Oise écrit au Ministre secrétaire d’État à l’Intérieur pour lui transmettre ses inquiétudes quant à cette demande : « Étant donné que parmi les internés du camp de Compiègne une vingtaine déjà ont été fusillés en représailles d’attentats commis contre les membres de l’armée d’occupation, il est à craindre que ces autorités aient l’intention de se servir de mon avis pour désigner de nouveaux otages parmi ceux pour lesquels j’aurais émis un avis défavorable à la libération. Me référant au procès-verbal de la conférence des préfets régionaux du 4 février 1942, qui précise “qu’en aucun cas les autorités françaises ne doivent, à la demande des autorités allemandes, procéder à des désignations d’otages”, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien me donner vos directives sur la suite qu’il convient de réserver à la demande dont je suis saisi… »

Le 24 avril, Paul Vacquier transmet à la Feldkommandantur 580 les notices individuelles des « personnes internées au camp de Compiègne, figurant sur la liste [qui lui a été] communiquée et domiciliées dans le département de l’Oise », et portant uniquement « des renseignements concernant l’état civil, la parenté et la situation matérielle ».

Le 13 mai, répondant à des directives concernant la désignation d’otages, le préfet de l’Oise demande au chef du gouvernement, ministre secrétaire d’État à l’Intérieur (Laval ?) d’intervenir afin de faire libérer 24 « personnes (…) non susceptibles d’être dangereuses ». Parmi celles-ci, figure Georges Hanse, « communiste peu dangereux et peu actif ».

Enfin, le 29 juin, Paul Vacquier écrit à la Feldkommandantur 580 pour essayer d’obtenir la sortie du Frontstalag 122 de soixante-quatre ressortissants de son département – dont Georges Hanse – au motif « qu’aucun fait matériel d’activité communiste n’a été relevé à leur encontre depuis l’arrivée des forces allemandes dans la région », envisageant la possibilité d’interner certains d’entre eux « dans un camp de concentration français ». Sa démarche ne reçoit pas de réponse.

Le mal est probablement déjà fait : quand elles ont procédé à des arrestations dans l’Oise entre juillet et septembre 1941, les forces d’occupation ne disposaient-elles pas déjà d’informations et d’appréciations transmises par certains services de la police française ? N’en ont-elles pas obtenu d’autres par la suite ? Le préfet craignait la fusillade. Ce sera la déportation.

Entre fin avril et fin juin 1942, Georges Hanse est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Georges Hanse est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45653 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Georges Hanse est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Georges Hanse est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I.
Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel,- qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Georges Hanse est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” [2] transférés au KL [3] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matr. 19907).

En janvier 1945, Georges Hanse est, avec Étienne Pessot et Camille Salesse, dans un groupe de détenus transférés vers le camp de Leitmeritz (Litomerice, en Tchécoslovaquie annexée), Kommando du KL Flossenbürg spécialisé dans l’armement et les huiles minérales.

On ignore les conditions de sa libération et de son rapatriement.

Georges Hanse décède à Beauvais le 7 avril 1974 ; il a 61 ans.

Notes :

[1] Paul Vacquier, nommé préfet de l’Oise le 22 mai 1940, au début de l’offensive allemande, cherche ensuite à maintenir un semblant de souveraineté française à l’échelon local, ce qui lui vaut son départ le 30 octobre 1942.

[2] Le transport de vingt-neuf “45000” vers Flossenbürg : les deux autres détenus sont un Polonais, Roman Sendal (matr. 62537), et un Français, Raymond Odouard, né le 3 février 1897 à Tours (37), déporté de Compiègne le 16 avril 1943 vers le KL Mauthausen, transféré au KL Buchenwald, puis à Lublin avant d’arriver à Auschwitz (matr. 190552). Il mourra au KL Flossenburg (19897) le 30 octobre 1944.

[3] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 346 et 347, 358, 369 et 407.
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet : archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), doc. IV-198.
- Archives départementales de la Somme, Amiens : correspondance de la préfecture sous l’occupation (26w809).
- Archives départementales de l’Oise, Beauvais : Exécutions d’internés, camp de Royallieu, mesures contre les communistes (33W 8253/1) ; Internement administratif (141w 1162).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 19-01-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Henri HANNHART – 45652

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Henri Hannhart dans les années 1950.
Collection Claude Hannhart. Droits réservés.

Henri Hannhart naît le 20 juillet 1906 à Paris 10e arrondissement (75), fils de Frédéric Hannhart, mécanicien-ajusteur, et d’Henriette Perquin, cartonnière, qui légitiment sa naissance par leur mariage en 1907.

Bien que ses parents soient plutôt de tendance anarchiste, il est élevé chez les pères jésuites. Lui-même est attiré très jeune par l’idéal communiste.

Le 8 septembre 1928, à Alfortville 

[1] (Val-de-Marne – 94), Henri Hannhart se marie avec Denise Robinot, perlière. Ils auront deux enfants : Denise, née le 27 novembre 1931 à Alfortville, et Claude, Henri, né 6 juin 1936 à Alfortville.

Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci habite au 40, rue Édouard-Vaillant, à Alfortville.

Henri Hannhart est mécanicien (fraiseur outilleur), comme son père. Il travaille aux usines de machines automatiques Bardet, vers Charenton ou à Paris vers la Porte de Charenton.

Militant communiste, il est est élu conseiller municipal d’Alfortville le 5 mai 1935 sur la liste menée par Marcel Capron [2] et désigné délégué sénatorial suppléant en 1935, puis titulaire en 1938. Il assiste à toutes les séances du conseil municipal jusqu’à la suspension de la municipalité.

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La mairie d’Alfortville, après la guerre.
Carte postale, collection Mémoire Vive

Le 4 octobre 1939, le Président de la République – Albert Lebrun -, par décret et « sur la proposition du ministre de l’intérieur, suspend jusqu’à cessation des hostilités les Conseils municipaux » de 27 communes de la banlieue parisienne à majorité communiste, dont celui d’Alfortville, et les remplace par des Délégations spéciales composées de notables désignés.

À la suite de la déclaration de guerre, Henri Hannhart est mobilisé comme affecté spécial, peut-être dans son entreprise.

Le 29 février 1940, le conseil de préfecture de la Seine déchoit Henri Hannhart de son mandat électoral pour n’avoir pas « répudié catégoriquement toute adhésion au parti communiste… », comme 17 autres élus municipaux d’Alfortville (dont Marcel Mougin et Gaston Ruan, futurs “45000”) – avec effet rétroactif au 21 janvier.

Le 25 juillet, avec Gaston Ruan et Gilbert Lasséchère, Henri Hannhart est l’un des organisateurs de la manifestation pour “reprendre” la mairie d’Alfortville à la délégation spéciale. La même action est tentée à la mairie de Maisons-Alfort (impliquant Fernand Saguet,…).

Le soir même, à 19 h, Henri Hannhart est arrêté à son domicile par les agents du commissariat de Charenton : son fils Claude (4 ans et demi) court derrière la voiture de police quand elle l’emmène.

Après le commissariat de Charenton, où sont regroupés d’autres militants d’Alfortville et Maisons-Alfort, tous sont conduits dans la nuit au commissariat du 12e arrondissement, puis au dépôt de la préfecture de police de Paris (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice , île de la Cité). Enfin, le lendemain, ils sont écroués à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 4 octobre, Henri Hannhart est relâché avec d’autres militants, à l’initiative semble-t-il de l’administration militaire allemande pour laquelle « vu la fragilité de (leur) cas, rien ne peut être retenu contre (eux) », et après qu’ils aient signé un engagement à « ne pas faire de propagande contre les autorités occupantes ».

Mais, le 7 octobre, le commissaire de Charenton en appelle au directeur des Renseignements généraux afin que tous soient de nouveau arrêtés, précisant : « Il est a peu près certain que tous ces militants vont reprendre une activité. Leur arrestation paraît s’imposer. »

Le 10 octobre suivant, à 6 heures du matin – comme la plupart des militants libérés quelques jours plus tôt -, Henri Hannhart est arrêté par des inspecteurs français qui viennent le chercher à son domicile pour le conduire au commissariat de Charenton. Un car de police vient les prendre pour les amener à la préfecture de police de Paris pour identification, puis au dépôt. Le lendemain, Henri Hannhart fait partie d’un groupe d’internés administratifs transférés en car au “centre de séjour surveillé” d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Il y partage une chambre avec Gilloux, Lasséchère, Gaston Ruan d’Alfortville et Fernand Saguet de Maisons-Alfort (les deux derniers seront des “45000”).

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement. Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Le 4 décembre, Henri Hannhart fait partie d’un groupe d’une centaine d’internés « choisis parmi les plus dangereux » transférés, par mesure préventive, à la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [3], près de Saumur (Maine-et-Loire ) ; leur transport s’effectue en car et sous escorte. Les détenus sont enfermés dans une grande salle commune de la Centrale. Ils apprennent que 70 communistes purgent une peine dans le secteur carcéral, parmi lesquels Charron, Maire de Vigneux et une vingtaine de jeunes.

    Fontevraud, l’ancien réfectoire des moines.     Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Fontevraud, l’ancien réfectoire des moines.
Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Le 20 janvier 1941, sans être informés de leur destination, la même centaine d’internés est conduite à la gare de Saumur où les attendent deux wagons de voyageurs à destination de Paris-Austerlitz. À leur arrivée, ils sont conduits à la gare de l’Est. Ils y rejoignent 69 autres militants communistes en attente de transfert. Dans son compartiment, Henri Hannhart se retrouve avec Saguet, Ruan, Guy (Maurice ?), Eugène Hénaff et Martin (?), encadrés par deux gendarmes.

Le train les amène à la gare de Clairvaux (Aube – 10). Henri Hannhart écrit : « La gare ? Petite, sans importance, et – alentour – nulle trace de prison. » En sortant des wagons, ils sont conduits, par rotation d’un unique fourgon cellulaire, à Maison centrale de Clairvaux. Dans le véhicule, Henri Hannhart partage une “cabine” avec Fernand Saguet. Plus loin dans son cahier, il ajoute : « …nous voyons toutefois que nous traversons un village et nous crions tous : “Ce sont des honnêtes gens qui passent votre village, nous sommes des communistes.” Le village se nomme Ville-sous-la-Ferté… »

Une fois arrivés, la direction les contraint à échanger leurs vêtements civils contre la tenue carcérale, dont un tour de cou bleu (“cravate”) et un béret. Ceux qui refusent sont enfermés une nuit en cellule (“mitard”), tandis que la plupart sont assignés à des dortoirs. Ils passent au service anthropométrique (photos ?). Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.

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Clairvaux. Porte n°2. Carte postale années 1960.
Collection Mémoire Vive.

Le 1er juin, Henri Hannhart écrit au préfet de la Seine, expliquant qu’ayant été « arrêté sans aucun motif ni inculpation », il a déjà écrit « à diverses autorités autorités, notamment à Monsieur le Ministre, pour lui en demander les raisons, mais sans réponse ». Il lui demande de procéder à une enquête à son sujet et de le faire libérer. Et, en attendant, de décider son transfert depuis la centrale vers un centre de séjour surveillé auquel ont droit tous les internés administratifs, « car ici nous côtoyons les condamnés : nous avons le même régime alimentaire, c’est-à-dire soupe le midi et un peu de pitance, et le soir soupe seulement, le tout dans des gamelles et assiettes rouillées. Nous n’avons même pas droit à nous procurer avec notre argent vin ou boisson quelconque et ne buvons que de l’eau, en un mot, le même régime que les droit commun. »

Le 25 juin, son avis ayant été sollicité par le 1er bureau de cabinet du préfet de police, le directeur des Renseignements généraux répond que « la libération de Hannhart ne paraît pas devoir être envisagée dans les circonstances actuelles ».

Le 23 septembre, J.-P. Ingrand, préfet délégué du ministre de l’Intérieur dans les Territoires occupés (à Paris), demande au préfet de l’Aube de retirer de Clairvaux les internés administratifs qui y sont « hébergés » (sic !) ; ordre rapidement exécuté. Le jour-même, le commissaire de police de Troyes vient informer les internés politiques qu’ils sont dorénavant considérés comme otages par les autorités allemandes. Il demande à trois anciens élus – Racamond, Philippot et Le Bigot – d’organiser la séparation des internés en deux groupes pour leur transfert, vers les camps de Gaillon et de Rouillé ; concours que ceux-ci refusent. Le lendemain, Henri Hannhart est parmi la centaine d’internés de Clairvaux transférés en train, via Paris, au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 9 février 1942, il est parmi les 52 « communistes » (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers.

Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils sont provisoirement installés dans un baraquement vide du camp C (« camp des Juifs ») avant d’être intégrés au camp A (« camp des communistes »).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Tout au long de sa détention jusqu’à son arrivée à Compiègne, Henri Hannhart rédige des cahiers témoignant de son vécu. Il fabrique également des jouets en bois (avion, bateau, coquetiers…).

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Cette bague en bois porte
les initiales de Denise.
Coll. Claude Hannhart.
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Collection Claude Hannhart. Droits réservés.
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Collection Claude Hannhart. Droits réservés.
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Le bateau de Claude (son nom y est gravé).
Collection Claude Hannhart. Droits réservés.

Ceux-ci, avec d’autres affaires rassemblées dans sa valise, parviendront à son épouse le 8 juillet, après le départ du convoi : elle le croira décédé…

Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Hannhart est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Sa famille ne reçoit pas de message jeté du train, ni de carte-formulaire de la direction pour la prévenir de son départ.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Henri Hannhart est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45652 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Henri Hannhart se déclare alors comme électricien. Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Henri Hannhart est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz (essentiellement les quelques 135 à 140 survivants des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août , il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) et mis en “quarantaine” au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Henri Hannhart est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 29 août , il est parmi les trente “45000” [4] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL [5] Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont affectés au Block 66.

Début octobre, Henri Hannhart est parmi les huit “45000” transférés avec d’autres détenus à Kochendorf (Kommando de Natzweiler-Struthof), dans le Bade-Würtemberg, dans une ancienne mine de sel aménagée en usine souterraine pour la construction des V2.

Fin mars 1945, le même groupe est dans une colonne de détenus évacués à marche forcée jusqu’à Augsbourg, puis en train jusqu’au KL Dachau, où ils arrivent le 8 avril.

Le camp est libéré par l’armée américaine le 29 avril. Sur sa carte de déporté, Henri Hannhart est déclaré libéré le 15 mai 1945, date probable de son retour ; il passe par l’hôtel Lutétia.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945.
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

Après l’arrestation de son mari, son épouse, Denise, met leurs deux enfants en nourrice à Arpajon (91), chez une gentille infirmière, veuve depuis la guerre 1914-1918. Elle leur rend visite le dimanche, ayant eu la chance d’être embauchée – grâce à des appuis militants – à la cantine d’entreprise de l’usine où son mari travaillait.

À son retour, après trois ans de séparation, son fils Claude a du mal à reconnaître l’homme très amaigri et malade qui se présente à lui.

Entretemps, selon l’arrêté du 4 novembre 1944 et malgré son absence, Henri Hannhart a été désigné par le Comité local de libération comme membre de la Délégation spéciale (Conseil municipal provisoire). Fidèle à son engagement politique, il retrouve son siège aux élections municipales du 19 octobre 1947. Il ne dira, ni n’écrira rien de sa déportation…

Henri Hannhart est homologué comme “Déporté politique” (carte n° 110116107).

Il travaille comme fraiseur-outilleur aux usines Citroën. Devenu parisien, il habite successivement à plusieurs adresses : 40, rue Édouard-Vaillant, 10e ; 11, rue Goethe, 16e ; 7 et 9 rue Léon Morane, 15e.

Il décède le 12 décembre 1966, à 60 ans.

Selon sa petite-fille, ce « petit bonhomme aux mains rugueuses », « sans amertume mais en colère… (…) se taisait avec pudeur sur ce qui l’avait blessé le plus : la difficulté à envisager que l’homme ait pu être à ce point mauvais. » Il a rapporté aux siens « que, l’une des rares fois où on lui avait servi de la viande à manger, c’était un doigt humain ; (ce qui) faisait beaucoup rire ses geôliers ». Cependant, les épreuves traversées n’ont pas empêché Henri Hannhart de « garder un humour féroce ».

Dans le document élaboré par la section FNDIRP (Fédération des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) d’Alfortville (après 1987…), n’est retenu que son court passage par Dachau (où il a été libéré).

Notes :

[1] Alfortville : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Marcel Capron : peu après la signature du pacte germano-soviétique, le député-maire d’Alfortville prend ses distances avec la direction du PCF et finit par s’associer avec Marcel Gitton dans une tentative pour rallier le milieu ouvrier à la collaboration, notamment auprès des internés des camps.

[3] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.

[4] Les trente d’Auschwitz vers Sachso (ordre des matricules, noms de G à P) : Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Legal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).

[5] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claude Pennetier et Nathalie Viet-Depaule, notice dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 1990-1997 CD-Rom (citant : Arch. Dép. Seine, DM3 ; versement 10451/76/1 ; listes électorales et nominatives – Arch. PPo. 101 – État civil de Paris (10e et 15e arr.) et d’Alfortville – Arch. Com. d’Alfortville – Renseignements recueillis par Michèle Rault et Nadia Michel).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 348 et 349, 358, 387 et 407.
- Henri Hannart, Un épisode des années 40, Matricule : F 45652 (les intérêts de certains ont fait le malheur des autres), trois cahiers dactylographiés par son fils Claude (qui en a pris connaissance après le décès de sa mère).
- Témoignage et documents de Claude Hannhart et Sylvie Hannhart Andrac, petite-fille d’Henri Hannhart (05-2007).
- Archives municipales d’Alfortville, recherches menées par Corinne Nortier (divers documents…).
- Le nazisme à Alfortville (1940-1944), les victimes, document élaboré par la section FNDIRP d’Alfortville (après 1987…).
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA 2374 (camps d’internement…) ; BA 2397 (liste des internés communistes, 1939-1941) ; carton “PC” n°VII, A.S. du 20 décembre 1940 sur le CSS d’Aincourt.
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cote 1W122 (notice individuelle).
- Archives départementales de la Vienne, 109W75 (camp de Rouillé).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 97.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 1-10-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Yvan HANLET – 45651

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Yvan, Jean (Rodolphe), Hanlet naît le 8 mars 1920 à Paris 11e, fils d’Yvan, François, Hanlet, 26 ans, de nationalité belge, et de Marie Ratton, 30 ans, veuve de guerre, qui vivent en concubinage depuis décembre 1918 et auront en tout quatre enfants : Berthe, Yvonne, née le 2 septembre 1921 à Paris, Roger, né le 4 décembre 1922, Yvan et Odat (ou Odette ?), né(e) en 1929. Le père de famille s’est engagé volontairement en 1914. Mutilé sans pension, il est titulaire de la Médaille militaire et de la Croix de guerre.

Yvan obtient le certificat d’études primaires.

Début mars 1934, la famille s’installe au 4, rue Henri-Ranvier (escalier 11, porte 197 bis, un 3 pièces-cuisine), à Paris 11e, dans un immeuble d’HBM près de la rue de la Roquette. Pendant un temps, le père est magasinier aux établissements Jeumont, 194 avenue du Président-Wilson à Saint-Denis (Seine / Hauts-de-Seine). Sous l’occupation, la direction de cette entreprise le désignera comme suspect du point de vue politique, ayant peut-être milité au Parti communiste avant-guerre. Cependant, la police constate que « jusqu’ici, il n’a pu être pris en flagrante activité de propagande anti-nationale ». Lui-même reconnaîtra avoir eu une activité syndicale, notamment en 1936.

Au moment de son arrestation, Yvan Hanlet est domicilié chez ses parents, partageant chambre avec son frère Roger et sa sœur Berthe, Yvonne. Il est célibataire.

Yvan Hanlet est dessinateur industriel.

Son frère Roger distribue des tracts dès 1937.

De la classe 1940, Yvan est mobilisé le 8 juin 1940 (!) et réformé le 25 septembre.
Au cous de l’été 1941, Roger intègre les Bataillons de la Jeunesse, dans un groupe sous les ordres de Gilbert Brustlein.

Le 20 octobre, à l’entrée de la rue du Roi-Albert à Nantes (Loire-Inférieure / Loire-Maritime), Gilbert Brustlein abat de deux balles de 6,35 mm le lieutenant-colonel Karl Hotz, Feldkommandant de la région militaire,.

Dans la même période, Roger Hanlet est repéré par la police française à la suite de la filature d’un sympathisant ayant proposé de vendre au groupe Brustlein des armes récupérées par les égoutiers (l’homme a été dénoncé).

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Roger Hanlet, photographié par les
services de la préfecture de police
le 1er novembre 1941.

Le 30 octobre, vers midi trente, Roger Hanlet est arrêté chez lui, au domicile de ses parents, rue Ranvier, par des officiers de la brigade criminelle dirigés par le commissaire principal Georges Veber. Au cours de la perquisition, deux (ou trois ?) pistolets sont trouvés dans sa chambre et Roger conduit lui-même les policiers vers deux autres pistolets cachés dans la cave. Tous les membres de la famille présents dans l’appartement, dont Yvan, sont emmenés au 36 quai des Orfèvres.

Du 4 au 6 mars 1942, neuf membres du groupe des Bataillons de la jeunesse sont traduits devant un tribunal spécial allemand siégeant au Palais Bourbon : un procès “médiatique”. Le 9 mars, sept sont fusillés au fort du Mont-Valérien, à Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine). Hormis, Fernand Zalnikow, de Paris 20e, et Robert Peltier, de Goussainville (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), tous sont des jeunes du 11e arrondissement.

Le 13 mars 1942, après l’exécution de Roger et de ses six camarades, Yvan Hanlet et son père font partie d’un groupe de quatorze hommes et femmes de la même affaire mis à la disposition de la préfecture de police (renseignements généraux) sur ordre des autorités d’occupation : trois sont libérés, les onze autres sont internés administrativement, parmi lesquels Raymond Moyen, Henri Chlevitsky et Yvan Hanlet (fils).

Les trois mêmes sont dans le groupe de cinq détenus écroués au dépôt de la préfecture de police de Paris (sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité) en attendant leur transfert dans un camp, tandis que deux hommes de nationalité étrangère – dont Yvan Hanlet père (Belge) – sont envoyés à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier (Paris 20e). Les quatre femmes (dont Suzanne Momon et Rachel Zalnikow) sont internées à la prison de la Petite-Roquette. Transférées ensuite à la caserne des Tourelles, elles seront de nouveau remises aux Allemands le 7 août 1942.

Le 5 mai 1942, Raymond Moyen, Henri Chlevitsky et Yvan Hanlet (fils) font partie d’un groupe de 13 « communistes » conduits à la gare du Nord pour y être remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, avec 24 communistes extraits de la caserne des Tourelles et 14 « internés administratifs de la police judiciaire ». Tous sont transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Yvan Hanlet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Yvan Hanlet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45651 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée 

[1]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Yvan Hanlet.

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943.

Son père est interné au fort de Romainville le 7 août 1942, sous le matricule 563, avec les parents de Fernand Zalnikow et la mère de Gilbert Brustlein, Suzanne Momon. Il échappe aux exécutions d’otages, notamment à celle du 11 août 1942, au cours de laquelle de nombreux parents de “terroristes” sont fusillés. Il est libéré définitivement le 2 septembre 1942.

Notes :

[1] La photographie d’immatriculation à Auschwitz d’Yvan Hanlet a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 90, 371 et 407.
- Claudine Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Mairie du 11e arrondissement – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
- Message de Boris Dänzer-Kantof (17-04-2005).
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA ? (…).
- Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, Le sang des communistes, Les Bataillons de la jeunesse dans lalutte armée, Automne 1941, collection Nouvelles études contemporaines, Fayard, février 2004, pages 106-229, notes pp. 327-328.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Louis HAMEL – 45650

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Droits réservés.

Louis Hamel naît le 20 janvier 1904 à Bricquebosq (Manche – 50)

Au moment de son arrestation, il est domicilié rue Tour-Carré à Cherbourg (50). Il est célibataire.

Louis Hamel est contremaitre (dans quelle entreprise ; à vérifier…).

Militant communiste, il s’engage dans les Brigades Internationales pour lutter contre le franquisme en Espagne. Gravement blessé au bras gauche, il en reste handicapé. Réformé, il est rapatrié le 26 octobre 1937.

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Louis Hamel dans son uniforme de brigadiste. 
Droits réservés.

Arrêté le 19 septembre 1941 – comme Charles Mauger, d’Octeville, Léon Truffert, de Tourlaville, Léon Lecrées, d’Équeurdreville, et Marcel Hodiesne, d’Avranches (le 21) – Louis Hamel est conduit à la prison de Saint-Lô 

[1].

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Saint-Lô, chef-lieu de la Manche, la porte de la prison ; 
tout ce qu’il en reste après les bombardements alliés 
de la Libération, notamment celui du 6 juin 1944, 
qui y tua de nombreux de résistants détenus. 
Carte postale des années 1950. Collection Mémoire Vive.

Puis Louis Hamel est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Louis Hamel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45650 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. 
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 
Oświęcim, Pologne. 
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Louis Hamel meurt à Auschwitz à une date inconnue, probablement avant mars 1943.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 366 et 407. 
- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Cl. Caron-Hamet page 129. 
- Dossiers des brigades internationales dans les archives du Komintern, fonds du Centre russe pour la conservation des archives en histoire politique et sociale (RGASPI), Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), campus de l’Université de Paris X-Nanterre, microfilms acquis par la BDIC et l’AVER-ACER, bobine cote Mfm 880/48 (545.2.290). 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-11-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] La prison de Saint-Lô. Parce qu’elle constitue un nœud de circulation stratégique, la ville de Saint-Lô est bombardée par l’aviation américaine dans la nuit du 6 au 7 juin 1944, devenant la « capitale des ruines » (plus de 500 morts). La prison – construite en 1824 – est touchée. Les allemands y avaient laissé enfermées cent cinquante personnes dont 76 patriotes. Pour le symbole qu’elle représente, le conseil municipal de Saint-Lô a décidé d’en conserver la porte d’entrée, située place du Général de Gaulle, face à la mairie, et d’en faire le monument départemental de la Résistance. Une urne contenant des cendres de déportés est placée au pied de la porte. À l’intérieur est écrit « Aux victimes de la répression nazie » et sur le côté gauche à été apposée une plaque avec la photo du général de Gaulle.

Charles HADJADJE – 46282

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Charles Hadjadje naît le 10 août 1913 à Alger (Algérie)., fils d’Albert (Braham) Hadjadje, né en 1886 à Alger, employé, et d’Henriette Alliel, née en 1889 à Constantine. La famille compte cinq enfants, avec Denise, née en 1911, Lucienne, née le 17 octobre 1915, Gilbert, né en 1919, et une nièce, Mireille Alliel, née en 1915, tou.te.s à Alger.

Au printemps 1930, Charles Hadjadje emménage avec ses parents au 4, rue André-Messager, à Paris 18e (quartier Clignancourt), dans un immeuble de l’Office des habitations à bon marché.

En avril 1932, alors apprenti-confiseur, il est au chômage. Membre du sous-rayon du 18e arrondissement de la Fédération des Jeunesses communistes de France, il assiste le 1er avril à une réunion organisée par son groupement au 48, rue Duhesme à l’intention des conscrits de l’arrondissement (lui-même va avoir vingt ans…). Peu après, il est admis à l’administration des PTT comme releveur cycliste au bureau n° 18, rue de Clignancourt.

Le 21 juin 1932, à 11h45, à hauteur du 48, rue Letort, alors qu’il appose des affiches appelant à une assemblée populaire à l’intention des jeunes ouvriers parisiens et des étudiants pauvres devant se tenir le soir même, il est interpellé avec un autre militant par des gardiens du commissariat de police du quartier de Clignancourt. Ils sont relâchés à 18 heures « après les vérifications d’usage » ; cependant la direction des Renseignements généraux en est avisée ainsi que sa propre hiérarchie administrative…

À une date restant à préciser, Charles Hadjadje se marie avec Julie Frey, née le 8 août 1913 à Saint-Ouen

[1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), comptable. Ils auront un enfant.

En 1935, inscrit sur les listes électorales, il déclare habiter au 65 boulevard Victor Hugo à Saint-Ouen.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 20, rue Mathieu à Saint-Ouen, peut-être chez la mère de son épouse.

De septembre 1939 à juillet 1940, il est mobilisé au 11e régiment de dragons porté.

Après les début de l’Occupation et les lois antisémites du gouvernement de Vichy, Charles Hadjadje est licencié de son emploi administratif en tant que Juif et se retrouve au chômage.

Le 17 ou 18 mars 1941, sa sœur Lucienne, épouse Decaster en instance de divorce et vivant avec « son ami » Pierre Ladève au 13, rue Letort à Paris 18e, est arrêtée pour une affaire de diffusion de propagande clandestine dans le 18e arrondissement, suite à sa mise en cause par Maurice L., arrêté le même jour, auquel elle aurait remis à plusieurs reprises des paquets de tracts (L’Humanité et La Voix de Paris) afin qu’il les diffuse. Interrogée par les Renseignements généraux, Lucienne nie tout, sauf son adhésion au parti légal entre 1936 et septembre 1939. La fouille de son domicile n’a rien donné. Mais, ayant appris que Ladève louait une autre chambre dans le même groupe d’immeubles, les policiers y effectuent une perquisition au cours de laquelle ils découvrent 93 stencils vierges et 162 feuilles de papier. Le lendemain, inculpée d’infraction au décret du 26 septembre 1939, Lucienne Decaster est conduite au dépôt de la préfecture de police en attendant d’être présentée à un juge d‘instruction. Puis, elle est écrouée à la prison pour femmes de la Petite-Roquette (de son côté, Pierre Ladève sera du groupe de militants communistes qui s’évadera de la grande salle du Dépôt au début du mois de juillet suivant).

Le 26 juin 1941, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine condamne Lucienne Decaster à six mois d’emprisonnement (décision dont elle fait appel). Le 19 septembre suivant, à l’expiration de sa peine, le préfet de police signe un arrêté ordonnant son internement administratif comme « militante particulièrement active de l’ex-Parti communiste » ayant été condamnée. Elle est conduite à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier (Paris 18e).

La caserne des Tourelles, boulevard Mortier, avant guerre. Partagée avec l’armée allemande au début de l’occupation, elle servit surtout à interner les « indésirables étrangers ». Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne des Tourelles, boulevard Mortier, avant guerre.
Partagée avec l’armée allemande au début de l’occupation, elle servit surtout à interner les « indésirables étrangers ».
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 20 janvier 1942, elle prend part à un mouvement d’indiscipline à l‘intérieur des Tourelles et subit une mesure disciplinaire (?). Peu de temps après, à une date restant à préciser, son frère Charles adresse au directeur du camp un télégramme de protestation « dans lequel il s’élève contre les mesures frappant, non seulement sa sœur internée, mais toutes les détenues politiques, manifestation qui procède bien des méthodes habituelles mises en pratique par les communistes » selon la police qui le soupçonne « fortement » de se livrer à la propagande clandestine.

Le 26 janvier, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif de Charles Hadjadje en application du décret du 18 novembre 1940. Le jour même, celui-ci est conduit au Dépôt de la préfecture de police, le chef du Dépôt étant prié par une note du directeur des Renseignements généraux de le recevoir et de le garder « jusqu’à nouvel ordre ».

Charles Hadjadje fait partie de la quarantaine de militants communistes devant être transférés le 10 février suivant au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Mais, le 7 février, le préfet de Seine-et-Oise répond par un télégramme : «  Eu égard à évacuation imminente Aincourt et décision principe antérieurement prise, ai honneur vous rendre compte complète impossibilité transfert quarante nouveaux internés provenance Paris. ». Néanmoins, le groupe intègre le camp, puisque…

Le 26 avril, Charles Hadjadje est parmi les 77 détenus transférés au camp français (CSS) de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 231 et inscrit comme « indigène » (sic !), il ne reste que quinze jours dans ce camp.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 26 mars, les Renseignements généraux se sont opposés à la libération de sa sœur Lucienne et, le 11 mai, la section spéciale de la Cour d’appel de Paris porte sa peine à deux ans de prison. Elle est reconduite à la prison pour femmes de la Petite-Roquette, transférée quatre jours plus tard à l’établissement pénitentiaire de Fresnes, puis, le 19 mai, à la Maison d’arrêt pour femmes de Rennes (Ille-et-Vilaine).

Entre fin avril et fin juin 1942, Charles Hadjadje est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Charles Hadjadje est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46282 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172). Selon les listes reconstituées, il est considéré comme Juif.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Hadjadje.Il meurt à Auschwitz le 27 juillet 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) tenu par l’administration SS du camp ; trois semaines après l’arrivée du convoi.

Le 31 janvier 1944, sa sœur, Lucienne Decaster, est déportée depuis Compiègne dans un convoi de 959 femmes à destination du KL Ravensbrück, où elle reçoit le numéro d’immatriculation 27105 ; elle est libérée le 5 mai 1945 à Holleischen, un Kommando du camp de concentration de Flossenbürg, et rapatriée le 25 mai.

Le 17 avril 1948 à Paris 18e, elle se marie en secondes noces avec Émile Verger, né le 4 mars 1913 à Paris 13e ; ils auront une fille, Josiane, née le 30 octobre 1948.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de son frère Charles Hadadje (J.O. du 4-01-1994).

Et, à Saint-Ouen, le nom de celui-ci est inscrit sur la stèle érigée en « Hommage aux résistants, femmes, hommes, déportés à Auschwitz-Birkenau ».

Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”, inauguré le 24 avril 2005 dans le square des 45000 et des 31000 (photo Mémoire Vive).

Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”,
inauguré le 24 avril 2005 dans le square des 45000 et des 31000 (photo Mémoire Vive).

Le Mémorial de la Shoah. À gauche, dans son état en 2011, le panneau du Mur des noms pour les déportés de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés depuis l’achèvement du mur » (janvier 2005). De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942 y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.

Le Mémorial de la Shoah. À gauche, dans son état en 2011, le panneau du Mur des noms pour les déportés
de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés depuis l’achèvement du mur » (janvier 2005).
De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942 y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.

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Inscrit sur le Mur des noms…

Notes :

[1] Saint-Ouen : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

 

Sources :

- Son nom (orthographié « HADJADIE Karl ») et son matricule (avec une erreur : « 46280 ») figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 386 et 407.
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 5 juin au 22 septembre 1941 (D1u6-5857).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397), (BA 2374) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 1017-50983) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1665-78481).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (1W76, 300w46).
- Comité du souvenir du camp de Voves : liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Concernant sa sœur, Lucienne Decaster, site internet de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (FMD).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 29-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942

Bernard HACQUIN – 45649

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Bernard, Léon, Hacquin naît le 14 août 1905 à Longchamp

[1] (Aube), fils de Jules Hacquin, 29 ans, forgeron, natif de Nogent-en-Bassigny (Haute-Marne – 52), et d’Eugénie Laroche, son épouse, 26 ans, native de Saint-Dizier (52). Bernard a un frère et deux sœurs plus âgés : Léon Georges, né en 1900 à Lérouville (Meuse), Georgette, née en 1902 à Doulaincourt (52), et Léone, née en 1904 à Rimaucourt (52).

En avril 1907, la famille habite de nouveau à Doulaincourt. En 1911, ils sont domiciliés au quartier de la Forge, à proximité du maître de forges de l’entreprise Ulmo et Compagnie. La famille Hacquin s’est agrandie de Germaine, née en 1908, de Jeanne, née en 1909, et de Jules René, né en 1910.

Le 2 août 1914, le père de famille, réserviste de l’armée territoriale, est rappelé à l’activité militaire au 52e régiment territorial d’infanterie. Le 17 mars 1915, il est renvoyé provisoirement dans ses foyers comme père de six enfants vivants. En septembre suivant, il est employé à la maison Ulmo fils, à Rimaucourt. Le 1er juillet 1917, il passe au 37e régiment d’infanterie tout en étant maintenu “détaché”. Démobilisé le 29 janvier 1919, il se retire à Doulaincourt.

En 1921, la famille habite dans la rue Pougny à Doulaincourt. Bernard a rejoint son père comme forgeron dans l’entreprise Ulmo fils et compagnie. En 1926, ils ont déménagés…

Au moment de son arrestation, Bernard Hacquin est domicilié rue du Grand-Pont (n° ?) – rue Aristide-Briant ? – à Joinville (52).

Marié, il est père de huit enfants.

Il est ouvrier à l’usine métallurgique de Bussy, commune de Vecqueville, comme Louis Bedet, Georges Collin, Edmond Gentil et Louis Thiéry.

Vecqueville près de Joinville. L’usine de Bussy  dans un méandre de la Marne.  Carte postale éditée après guerre. Coll. Mémoire Vive.

Vecqueville près de Joinville. L’usine de Bussy
dans un méandre de la Marne.
Carte postale éditée après guerre. Coll. Mémoire Vive.

Le 22 juin 1941, Bernard Hacquin est arrêté à Joinville, parmi une soixantaine de militants communistes et syndicalistes interpellés en quelques jours dans la Haute-Marne [1] (dont 15 futurs “45000”), puis rassemblés à la prison de Chaumont (52).

Le 27 juin, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Bernard Hacquin est sélectionné – malgré sa nombreuse famille – avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Bernard Hacquin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45649 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Bernard Hacquin.

Il meurt à Auschwitz le 9 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2], un mois après l’arrivée du convoi.

Son nom est inscrit sur le monument au morts de Joinville, sa commune de résidence.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 4-01-1994).

Notes :

[1] Longchamp devient Longchamp-sur-Aujon le 4 février 1919.

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Bernard Hacquin, c’est le 15 octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Son nom et son matricule (orthographié « HACQIN ») figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 82, 127 et 128, 366 et 421.
- Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 26.
- Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon (1630 W, article 252).
- Archives départementales de l’Aube (AD 10), site internet du conseil général, archives en ligne : recensement de population de l’année 1906 à Longchamp.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 420 (19007/1942).
- Raymond Jacquot, site internet Mémorial GenWeb, 2002.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Roger GUY – (45648 ?)

IDENTIFICATION INCERTAINE… Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne. Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Roger, Gustave, Guy naît le 23 août 1909 à la clinique d’accouchement Tarnier (hôpital Cochin), 89 rue d’Assas à Paris 6e, fils de Gustave Séraphin Guy, 36 ans, électricien, et d’Élise Gaillot, son épouse, 26 ans, couturière, domiciliés au 102, rue de L’Ourcq, Paris 19e.

Roger Guy poursuit des études jusqu’au brevet élémentaire.

Pendant un temps, il habite chez ses parents, alors domiciliés place Philibert-Pompée à Ivry-Sur-Seine (Seine / Val-de-Marne – 94). Il commence à travailler comme employé de commerce.

Le 23 avril 1930, Roger Guy est incorporé au 20e bataillon de chasseurs afin d’accomplir son service militaire. Le 16 octobre suivant, il est nommé caporal. Le 11 avril 1931, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Pendant un temps, Roger Guy est déclaré comme « représentant textilaire » ; il cotise au Syndicat des voyageurs-représentants. En dernier lieu, il est sans doute employé de commerce chez Haymann (?), au 2, rue d’Uzès à Paris.

En avril 1931, il habite au 38, avenue de l’île à Joinville-le-Pont

[1] (94). En janvier 1933, il demeure au 19 bis, avenue des Familles, dans un secteur pavillonnaire de cette commune, voie au milieu de laquelle s’ouvre le cimetière.

Du 17 juillet au 6 août 1933, il effectue une période de réserve au 31e BCS.

À Joinville, il fait partie du club de natation local (CAJ) et des Auberges de la Jeunesse.

Ancien adhérent des Jeunes communistes, il est secrétaire pendant un temps de la cellule Joinville-Polangis du PCF.

Le 2 juillet 1938 son père, Gustave Guy, décède à Joinville-le-Pont. C’est peut-être alors que – toujours célibataire – il s’installe avec sa mère infirme au 55, avenue des Familles, qui sera son domicile au moment de son arrestation.

Le 4 septembre 1939, Roger Guy est mobilisé au 235e régiment d’infanterie. Durant la Campagne de France, il participe aux combats dans les secteurs de Villers-Cotteret, Lézignan, de la Marne et de la Loire. Il est démobilisé en août 1940.

Sous l’occupation, il reste actif au sein du Parti communiste clandestin. Selon la police, il « s’emploie à la reconstitution des anciennes cellules de Joinville et participe à la propagande clandestine. » Il réunit chez lui des militants locaux dont un nommé Thomas qui sera interné.

Le 5 octobre 1940, Roger Guy est arrêté à son domicile, en application du décret du 18 novembre 1939, lors de la grande vague d’arrestations ciblées organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain à l’encontre des responsables communistes de la région parisienne avant guerre (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant.

Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Dès le 19 octobre, Roger Guy écrit au préfet de police afin de demander une contre-enquête sur son cas, ne voyant pas dans son passé des actes préjudiciables à la sûreté du pays ; son arrestation et son internement résulteraient d’une erreur de l’administration. Le 25 octobre, son courrier est transmis aux RG pour avis.

Le 11 janvier 1941, Roger Guy écrit au préfet de la Seine pour protester contre le sort fait à sa propre mère. Non seulement l’allocation de secours qui lui est versée est insuffisante pour vivre, mais l’administration l’astreint à « des prestations en nature, c’est-à-dire qu’on la convoque à sept heures du matin à un restaurant situé à plus d’un kilomètre de son domicile pour l’épluchage de légumes destinés à la soupe populaire de Joinville. Ma mère ne refuse pas d’effectuer un travail en rapport avec ses capacités physiques (elle est couturière), mais elle est presque impotente, ayant une jambe paralysée. En outre, son âge (60 ans), la température ainsi que la neige et le verglas ne lui permettent pas d’effectuer des trajets supplémentaires. Déjà, ceux imposés par le pointage lui demandent un effort considérable ». Roger Guy demande que lui soit accordée une allocation semblable à celle qu’elle touchait lorsque lui-même était mobilisé et de l’autoriser à effectuer les (prestations ?) obligatoires à son domicile.

Le 17 février, sa mère, Élise Guy, écrit au préfet de la Seine pour solliciter sa libération, argumentant que, restant à la maison pour la soigner après son travail, « il n’avait pas le temps de faire de politique ». Le 26, sa lettre est transmise aux RG pour « enquête et avis ».

Le 25 février, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Roger Guy, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, préconise « en raison de son attitude au Centre, serait à libérer », ajoutant à sa décharge : « attitude correcte » et rapportant son intervention lors du bombardement (paragraphe ci-dessous).

Le 15 mars 1942, le directeur du camp transmet au préfet de Seine-et-Oise trente-sept notices sur des détenus devant être exclus des listes d’otages. Roger Guy est du nombre au motif qu’il « s’est porté rapidement au secours d’un gendarme blessé le soir du bombardement du centre le 9 décembre 1940 et, de sa propre initiative, a rapidement éteint les feux imprudemment allumés. »

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940. Arch. dép. des Yvelines, (1W71).

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact après le bombardement
par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940. Arch. dép. des Yvelines, (1W71).

Le directeur du camp poursuit : « Lui ayant confié la direction des jeunes âgés de moins de 25 ans (50 internés), s’est toujours acquitté avec conscience de sa tâche et m’a beaucoup aidé dans l’application du règlement du camp ». Selon le témoignage de Fernand Devaux – un de ces jeunes -, Roger Guy, assigné à leur “dortoir”, n’a fait aucun excès de zèle en terme de discipline, restant un camarade très estimé. Dans un autre courrier, le directeur ajoute : « [Roger Guy] a, d’autre part, sa mère âgée de 60 ans à sa charge. »

Sanatorium de la Bucaille à Aincourt. Une salle de réfectoire. Peut-être celle du bâtiment où se trouvent les communistes internés et qui - vidé de ses tables - deviendra le dortoir des jeunes. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Sanatorium de la Bucaille à Aincourt. Une salle de réfectoire. Peut-être celle du bâtiment où se trouvent les communistes internés
et qui – vidé de ses tables – deviendra le dortoir des jeunes.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 5 mai 1942 – après vingt mois d’internement à Aincourt -, Roger Guy fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 401, il n’y reste que cinq jours.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai, Roger Guy est parmi les 81 internés remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.     L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, Roger Guy est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Roger Guy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45648, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Roger Guy.

Il meurt à Auschwitz le 30 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Joinville-le-Pont, situé dans le cimetière communal… ouvrant sur le 25 rue des Familles !

À la mi-1954, sa mère, qui habite alors au 18, rue Fauvet à Paris 18e, dépose une demande d’attribution du titre de déporté politique.

Notes :

[1] Joinville-le-Pont : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 388 et 407.
– Archives de Paris : registre des naissances du 6e arrondissement, année 1906 (6N 253), acte n° 2163 (vue 26/31) ; registres matricules du recrutement militaire, classe 1929, 3e bureau de la Seine (D4R1 2913), n° 6767.
– Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande” ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1448-15992) ; deux dossiers individuels du cabinet du préfet de police (1 W 732-28951 et 1 W 878-38342).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w73, 1w74 (révision trimestrielle), 1w76, 1w121 (dossier individuel).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 415 (33801/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 94-Joinville-le-Pont, relevé de Bernard Laudet (2000-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-04-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Maurice GUY – 45647

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Maurice, Édouard, Descaves naît le 18 septembre 1900 dans le village de Montchauvet (Seine-et-Oise / Yvelines), fils de Maria Descaves, 19 ans, elle-même fille d’un charron ; au recensement de 1901, elle vit avec son enfant chez son père, rue de Bretagne. Le 27 juin 1903 à Montchauvet, la jeune femme se marie avec Léopold Guy, ouvrier agricole de 25 ans né dans le village voisin de Dammartin-en-Serve. Au recensement de 1906, ils vivent ensemble dans la rue de Dreux à Montchauvet : deux autres enfants sont nés, Henri en 1903 et Ida en 1905, mais Maurice est encore dénommé Descaves. Au recensement de 1911, il a pris le nom de Guy. Une petite fille est née en 1908 : Odette..

Maurice Guy acquiert une formation de mécanicien et vient habiter au 72, avenue Jean-Jaurès à Puteaux (Seine / Hauts-de-Seine)

[1].

Du bureau de recrutement de Versailles, il est appelé à accomplir son service militaire le 6 octobre 1920 comme soldat de 2e classe au 44e régiment d’infanterie, arrivant au corps le lendemain. Le 24 mai 1921, il passe au 27e régiment de tirailleurs algériens. Il participe alors à la campagne de Syrie. Le 18 juillet 1922, il passe en subsistance au 46e RI. Le 26 septembre suivant, il est renvoyé dans ses foyers et se retire à Montchauvet.

Le 30 avril 1923, il loge à l’hôtel Magner, au 25 rue du Moulin-de-la-Tour à Gennevilliers (Seine / Hauts-de-Seine) [1].

Il habite bientôt chez la mère de sa compagne, au 15, avenue Chaudon à Gennevilliers. Veuve, celle-ci est établie marchande de vins, exploitant un débit de boissons.

Le 1er mars 1924 à Gennevilliers, Maurice Guy se marie avec Suzanne Truffy. Ils auront un fils, James, né le 13 août 1929.

À une date restant à préciser, Maurice Guy adhère au sous-rayon de Gennevilliers de la Fédération de la région parisienne du Parti communiste. Il est également membre de la section française du Secours rouge international.

Le 7 mars 1926, Maurice Guy est présenté aux élections municipales complémentaires de Gennevilliers sur la liste du Bloc Ouvrier et Paysan, mais n’est pas élu.

Ajusteur-outilleur de profession, il est responsable du Syndicat des Métaux CGT de Gennevilliers. Mais il est licencié après avoir dirigé plusieurs grèves.

Le 10 octobre 1929, Maurice Guy obtient le certificat de capacité de chauffeur de taxi. Il adhère alors à la Chambre syndicale des Cochers-chauffeurs de la Seine.

Le 14 juillet 1926, sur l’avenue des Champs-Élysées, avec deux camarades, il siffle des troupes qui y défilent. Ils sont interpellés par des gardiens de la paix, mais un de ses compagnons frappe un agent qui l’appréhendait. Après un passage par le commissariat de police du quartier des Champs-Élysées, ils sont conduits au dépôt de la préfecture de police pour rébellion et voies de fait, puis relaxés le lendemain. Cependant, l’affaire est alors confiée à un juge du tribunal correctionnel de la Seine. Le 29 octobre suivant, la 11e chambre condamne Maurice Guy à 4 mois d’emprisonnement avec sursis et 100 francs d’amende pour violence à agents.

En 1931, il est invité à Moscou par le gouvernement de l’URSS afin d’y assister aux fêtes du 1er mai avec d’autres militants, voyage connu de la Sûreté générale en France. Ayant obtenu son passeport le 9 avril, il part le 18 avril pour un séjour d’un mois.

Maurice Guy est élu conseiller municipal de Gennevilliers lors du scrutin de 1934, réélu le 5 mai 1935 et anime les Œuvres sociales à la mairie.

Gennevilliers. L’ancienne mairie. Carte postale oblitérée en 1935. Collection Mémoire Vive.

Gennevilliers. L’ancienne mairie. Carte postale oblitérée en 1935.
Collection Mémoire Vive.

À partir du 15 mai 1938, il habite au 70, rue du Ménil à Asnières-sur-Seine [1] (Seine / Hauts-de-Seine), où il est concierge de l’usine Millars.

Le 29 septembre 1939, il est rappelé au centre de mobilisation d’infanterie n° 213. Le 20 octobre il est classé inapte infanterie mais apte BOA pour « pachypleurite apicale avec adhérence axillaire et basale ». Le 7 novembre, la commission de Versailles le classe réformé temporaire n° 2 pour « état pulmonaire suspect à la radio, léger voile du sommet droit et symphyse du sinus costo-diaphragmatique ».

Le 9 février 1940, il est déchu de ses mandats municipaux « pour appartenance au Parti communiste ».

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Le Populaire, quotidien édité par la SFIO,
édition du 17 février 1940.
Archives de la préfecture de police, Paris.

Sous l’occupation, un rapport du  commissaire de police de la circonscription d’Asnières le présente comme un « agent actif de la propagande clandestine ».

Le 5 octobre 1940, Maurice Guy est arrêté à son domicile lors de la grande vague d’arrestations ciblées organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain à l’encontre des responsables communistes de la région parisienne avant guerre (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940. Arch. dép. des Yvelines (cote 1W71).

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact
après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines (cote 1W71).

Le 4 décembre, Maurice Guy fait partie d’un groupe d’une centaine d’internés « choisis parmi les plus dangereux » transférés, par mesure préventive ou disciplinaire (?), à la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [2], près de Saumur (Maine-et-Loire) ; leur transport s’effectue en car et sous escorte. Les détenus sont enfermés dans une grande salle commune de la Centrale. Ils apprennent que 70 communistes purgent une peine dans le secteur carcéral, parmi lesquels une vingtaine de jeunes.

À la fin décembre probablement, le maire de Mulcent, petit village voisin de Montchauvet, écrit à Gaston Bergery, ambassadeur de France (précédemment à Moscou, bientôt à Ankara), afin que celui-ci intercède en faveur de la libération de Maurice Guy. Le 3 janvier 1942, le haut fonctionnaire transmet cette requête au préfet de Seine-et-Oise, qui lui répond quelques jours plus tard que l’interné ne se trouve plus dans son département et que la décision d’internement est venue du préfet de police (à Paris) : une intervention n’est donc pas de son ressort.

Le 20 janvier 1941, sans être informés de leur destination, la même centaine d’internés de Fontevraud est conduite à la gare de Saumur où les attentent deux wagons de voyageurs à destination de Paris-Austerlitz. À leur arrivée, ils sont conduits à la gare de l’Est. Ils y rejoignent 69 autres militants communistes en attente de transfert.

Ce nouveau convoi les amène à la gare de Clairvaux (Aube) d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à la Maison centrale de Clairvaux.

Clairvaux. La Maison centrale après-guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Clairvaux. La Maison centrale après-guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Une fois arrivés, la direction les contraint à échanger leurs vêtements civils contre la tenue carcérale, dont un tour de cou bleu (“cravate”) et un béret. Ceux qui refusent sont enfermés une nuit en cellule (“mitard”), tandis que la plupart sont assignés à des dortoirs. Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.

Le 14 mai, Maurice Guy fait partie – avec Joseph Biffé – des 90 détenus transférés au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Atlantique), parmi lesquels plusieurs seront fusillés le 22 octobre : Guy Môquet, Charles Michels, Jean Poulmarch, Jean-Pierre Timbault, Maurice Ténine, Auguste Pioline… Selon un courrier officiel, ce convoi est « uniquement composé des principaux meneurs considérés comme dangereux à la maison centrale ». Maurice Guy y est enregistré sous le matricule 638.

Le 18 février 1942, l’ambassadeur Gaston Bergery écrit finalement au préfet de police (« Mon Cher Préfet, »), lui disant avoir reçu la visite du maire de Mulcent, qui « connaît admirablement toutes les communes avoisinantes » et qui lui a demandé la libération de Maurice Guy.

A une date restant à préciser, celui-ci est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Guy est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Maurice Guy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45647 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Maurice Guy.Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après  l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur les registres de décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [3]).

Le 20 octobre 1944, ignorant son décès, le Comité local de Libération de Gennevilliers le nomme membre de la Délégation spéciale (conseil municipal provisoire). Il est homologué comme “Déporté politique”.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès [4] (J.O. du 16-07-1994).

Son nom est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux Conseillers municipaux morts pour la France (hall de la Mairie de Gennevilliers).

Un stade de Gennevilliers rappelle sa mémoire.

Une brochure publiée après la Libération le décrit «  simple, vif, plein d’entrain, militant tout au service de la classe ouvrière et de son Parti ».

Notes :

[1] Gennevilliers et Asnières-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Maurice Guy, c’est le 31 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 31, page 172.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 150 et 153, 356, 380 et 418.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Archives de Gennevilliers (liste de déportés, noms de rues, biographie) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national).
- Archives départementales des Yvelines et de l’ancien département de Seine-et-Oise, site internet : archives en ligne : recensement de Montchauvet en 1901 (vue 10/14-15) ; registres des matricules militaires, bureau de recrutement de Versailles, classe 1920 (1R/RM 618), n° 1014 (vue 15/534).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, « militants communistes internés adm. par la PP à la MC de Clairvaux et transférés le 14 mai 1941 au CSS de Chateaubriant (L-I.) » (BA 2374) ; carton “PC” n°VII, A.S. du 20 décembre 1940 sur le CSS d’Aincourt ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 377-3356).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, dossier individuel (1W121).
- Louis Poulhès, Les camps d’internements de Châteaubriant, Choisel et Moisdon-la-Rivière, 1940-1945, éditions Atlande, Neuilly, septembre 1923, pages 68-70 et 213-215, liste finale, matricule n° 638.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 415 (31439/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-03-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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