André HUET – 45672

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

André, Émile, Eugène, Huet naît le 9 juillet 1899 à Caen (Calvados – 14), fils de Charles, Eugène, Huet, 32 ans, typographe, et de Aline Deberry, 27 ans, son épouse, domiciliés au 41, rue Basse.

André Huet commence à travailler comme mécanicien.

Alors qu’il était prévu qu’il commence à effectuer son service militaire en 1918, le conseil de révision ajourne son incorporation pour « faiblesse ». Le 4 octobre 1920, il rejoint le 3e régiment du Génie. Le 11 avril 1921, il est nommé caporal. Il est « envoyé dans la disponibilité, en permission libérable », le 24 février 1922.

Le 19 juillet 1926, André Huet est embauché par la Compagnie de chemin de fer de l’État qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 

[1].

Le 5 septembre 1925, au Plessis-Grimault, André Huet épouse Marie Bougeard. En octobre, le couple habite au 7, place Gambetta, à Lisieux (14), et en décembre au 10, rue Tour des halles, dans cette ville.

Le 20 mai 1932, à Caen, André Huet se marie en secondes noces avec Aimée Amélie Félicienne Moisy. Ils auront deux enfants, André, né le 2 mars 1933, et Daniel, né le 30 septembre 1935 (respectivement âgés de 9 et 7 ans en 1942). En septembre 1936, ils demeurent au 153, rue Saint-Jean, à Caen.

Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 39, rue d’Auge à Caen.

André Huet est alors ajusteur à l’arrondissement de Traction de Caen (SNCF), réseau de la région Ouest.

Dans la nuit du 1er au 2 mai 1942, il est arrêté par la police française ; il figure comme “communiste” sur une liste d’arrestations demandées par la Feldkommandantur 723 de Caen à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) [2]. Le 4 mai, remis aux autorités d’occupation, il est au “petit lycée” où sont rassemblés les otages du Calvados. Le soir même, il fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandise de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai en soirée.

Entre fin avril et fin juin 1942, André Huet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 5 juillet, il écrit à sa mère et à sa femme pour leur annoncer son proche départ pour l’Allemagne.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Huet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45672 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) : André Huet se déclare comme monteur ou installateur (Monteur). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Huet est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Affecté à un Kommando spécialisé, il est assigné au Block 4.

Le 13 août, il est admis à l’hôpital des détenus [1], au Block 21a.

André Huet meurt à Auschwitz le 24 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique comme cause mensongère une « Hydropisie cardiaque » (Herzwassersucht).Son nom est inscrit sur une plaque dédiée aux fusillés et morts en déportation sur le mur extérieur de la gare SNCF de Caen.

© Cliché Mémoire Vive.

© Cliché Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés, au Mont-Valérien (Hauts-de-Seine – 93) pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Cardon-Hamet, page 123.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 361 et 408.
- Jean Quellien (1992), sur le site non officiel de Beaucoudray, peut-être extrait de son livre Résistance et sabotages en Normandie, paru pour la première fois en 1992 aux éditions Charles Corlet.
- Archives départementales du Calvados, archives en ligne ; état civil de Caen, registre des naissance, année 1899, acte n° 527 (vue 137/278) ; registre matricule du recrutement militaire pour l’année 1919, bureau de Caen, n° 1001-1459, matricule 1318 (vues 398/564).
- Mémorial de la Shoah, Paris, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLIII-91.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 479.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès du camp (24479/1942) ; registre du Block 4, page 41.
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- :Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, page 790.
- Site Les plaques commémoratives, sources de mémoire (aujourd’hui désactivé – nov. 2013), photo de Jean-Jacques Guilloteau.
- Emmanuelle Huet, arrière-petite-fille d’André Huet (messages 02-2015, 12-2017).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-12-2017)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Roger HUART – 45671

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Roger, René, Huart naît le 7 novembre 1905 à Souvigné (Indre-et-Loire – 37), au bourg, fils d’Henri Huart, 40 ans, charron, et de Louise Lucas, 31 ans, son épouse. Roger a au moins deux frères plus âgés : Aurélien, né le 15 mars 1898, et Henri, dit Gabriel, né le 12 juillet 1901, tous deux à Souvigné.

Le 13 mars 1908, en début d’après-midi, leur mère accouche d’un enfant mort-né. Quelques heures plus tard, à une heure du matin le 14 mars, elle décède au domicile familial, âgée de 33 ans. Roger a deux ans et demi.

Au recensement de 1911, clôt le 1er mai, le foyer familial compte également Marthe Chartrain, née en 1881 à Tours (37), déclarée comme domestique, et son fils Kleber, Henri, né le 15 février 1910.

Puis, Marthe Chartrain met au monde Marceau, René, né le 7 mai 1911, et Hoche, Serge, né le 16 juillet 1912. Le 6 septembre suivant, Henri Huart épouse sa compagne. Dans l’acte de mariage, il déclare être père des trois garçons, qui portent désormais son nom patronymique. Le couple a encore Faidherbe, né le 17 septembre 1913, et Joffre, né le 5 février 1915.

Pendant un temps, Roger Huart habite au 24, rue de Madagascar à Tours et travaille comme télégraphiste.

Le 28 octobre 1928, à Tours, Roger Huart, 22 ans, se marie avec Odette Madeleine Boutreux, 19 ans, née le 1er octobre 1909 à Tours, couturière.

Au moment de son arrestation, Roger Huart est toujours domicilié à Tours. Ouvrier (?), il est employé aux PTT (poste, télégraphe et téléphone).

À des dates et pour un motif restant à préciser, il est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, Roger Huart est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roger Huart est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45671 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée 

[1]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Roger Huart.

Il meurt à Auschwitz le 2 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Notes :

[1] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 364 et 408.
- Archives départementales d’Indre-et-Loire, recensement de Louvigné, année 1906, (cote 6NUM5/251/015, image 11/30).
- Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France, L’Humanité n° 14025 du 12 mai 1937, page 4, “première liste…”.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 478 (34292/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 30-10-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Édouard HOYER – (45670 ?)

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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Édouard, André, Hoyer naît le 21 décembre 1893 à Paris 19e arrondissement, chez ses parents, Étienne Hoyer, 27 ans, boutonnier, et Marie Bichot, son épouse, 22 ans, blanchisseuse, domiciliés au 19, impasse du Puits.

Édouard Hoyer commence à travailler comme garçon grainetier.

Le 3 février 1913, une chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à un an d’emprisonnement pour vol.

Le 30 novembre 1913, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 5e bataillon d’infanterie légère d’Afrique, rejoignant son unité quatre jours plus tard. Il est en Tunisie du 1er décembre 1913 au 15 juin 1914, puis au Maroc occidental jusqu’au 1er août suivant.  À une date restant à préciser, il passe au 3e BILA. Par décret du 30 juillet 1914, il obtient la médaille agrafe du Maroc. Trois jours plus tard, le 2 août, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Édouard Hoyer reste mobilisé au Maroc, mais, cette fois-ci « contre l’Allemagne », jusqu’au 21 août 1919. Le 6 septembre suivant, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire chez ses parents.

Le 23 décembre 1920 à Paris 19e, Édouard Hoyer se marie avec Henriette Bernard.

En août 1925, ils habitent au 18, rue Desnoyez, à Paris 20e. En janvier 1934, ils demeurent au 160, avenue du Contrat, à Coubron (Seine-et-Oise / Seine-Saint-Denis).

En mars 1937 et jusqu’au moment de son arrestation, Édouard Hoyer est domicilié au 45, rue des Amandiers à Paris 20e, vers la rue des Partants.

Il est alors ouvrier couvreur (déclaré comme plombier après son arrestation).

Sous l’occupation, la police française le considère comme un « meneur communiste ».

Le 4 octobre 1940, Édouard Hoyer est arrêté à son domicile par la police française, pour activité communiste.

Le 7 octobre, inculpé d’infraction au décret du 26-9-1939, il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

À une date restant à préciser, il est jugé et condamné à huit mois d’emprisonnement. Le 14 novembre, il est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).

La maison d’arrêt de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La maison d’arrêt de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré. Le 7 avril 1941, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif.

Le 21 avril, Édouard Hoyer fait partie d’un groupe d’internés transférés (depuis le dépôt ?) au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 6 septembre, il fait partie d’un groupe de 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduit au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Édouard Hoyer est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Édouard Hoyer est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45670, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Édouard Hoyer.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés

[1]).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 371 et 395.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense (fichier central).
- Archives de Paris ; registre des matricules militaires, classe 1913, 1er bureau de recrutement de la Seine, volume 1001-1500 (D4R1 1719), n° 1400.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; archives des brigades spéciales des RG numérisées, affaires traitées 1940-1941, 9 octobre 1940.
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux ; centre de séjour surveillé d’Aincourt (1W76, 1W77).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 102.
- Archives départementales de la Vienne ; camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 477 (31852/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-01-2017)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Robert HOUVIN – (45669 ?)

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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Robert Houvin naît le 17 avril 1904 à Paris 18e, chez ses parents, Marcellin Houvin, 37 ans, serrurier, et Henriette Geiger, 36 ans, son épouse, domiciliés au 2, impasse du Ruisseau. Les témoins pour la présentation du nouveau-né à l’état civil sont Adrien Geiger, 69 ans, retraité, et, Henriette Geiger, 33 ans, professeur de violon, habitant tous les deux au 135, rue Ordener. Dès août 1904, Marcellin Houvin, son père, déclarera habiter au 196, rue Championnet, puis, en octobre 1905 au 11, cité de la Moscowa.

Robert Houvin est employé de commerce (livreur). Célibataire, il n’a pas d’enfant.

En 1938, il habite au 15, rue de Belleville.

Sous l’occupation, il est au chômage.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 12, rue Lesage à Paris 20e, immeuble dans lequel se trouve la société coopérative La Bellevilloise. Mais peut-être est-ce l’adresse de son lieu de travail et l’endroit où il a été arrêté, une source mentionnant le 31, rue de Belleville dans le 19e arrondissement.

Sous l’occupation, la police française le considère comme un « meneur communiste particulièrement actif ».

Le 23 novembre 1940, Roger Houvin est arrêté rue Rampal par des gardiens de la paix du commissariat du quartier Combat en flagrant délit de collage d’affichettes « communistes ». Après une perquisition à son domicile qui amène la découverte d’exemplaires de L’Humanité, de La Voix de Paris et d’un portrait de Staline, il est conduit au dépôt de la préfecture de police. Le lendemain, inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, il est écroué à la Maison d’arrêt de Santé (Paris 14e).

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 25 novembre, il comparaît – seul – devant la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine qui le condamne à six mois d’emprisonnement. Le 7 décembre, il est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À une date restant à préciser, il est transféré à la Maison centrale de Poissy (à vérifier…).

À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré : le 18 mai 1941, le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif. Il est demandé qu’il soit transféré au centre d’Aincourt.

À une date restant à préciser, Robert Houvin est conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Robert Houvin y est aussitôt transféré, « par les soins du préfet de Seine-et-Oise ».

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 6 septembre 1941, il fait partie des 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français de (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Entre fin avril et fin juin 1942, Robert Houvin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Robert Houvin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45669, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Robert Houvin se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Robert Houvin.Il meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Après la guerre, une plaque commémorative est apposée sur l’immeuble où il habitait, au 31, rue de Belleville. Déposée au moment de la rénovation du quartier, elle n’a pas été remise en place.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 374 et 408.
- Claudine Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national des déplacés de la Seconde guerre mondiale).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 18e arrondissement, année 1904 (18N 315), acte n° 1812 (vue 10/31).
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 2 décembre 1940 au 25 février 1941 (D1u6-5852).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; registre de main-courante du commissariat du quartier Combat.
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 101.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- 1940-1945, La Résistance dans le 19e arrondissement de Paris, ANACR, éditions Le temps des cerises, Pantin septembre 2005, page 168.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 476 (38795/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

Roger HOUDARD – 45668

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Roger, Louis, Houdard (parfois orthographié Houdart) naît le 17 janvier 1911 à Versailles (Seine-et-Oise / Yvelines), chez ses parents, Georges Houdard, 36 ans, marchand Boulanger, et Hélène Villars, son épouse, 28 ans, domiciliés au 19 boulevard de la Reine.

Le 3 juin 1935 à Béton-Bazoches (Seine-et-Marne), il se marie avec Lucienne Gabrielle Gangnery. Ils ont un enfant.

En 1938 et jusqu’au moment de son arrestation, Roger Houdard est domicilié au 148, rue d’Avron à Paris 20e, quartier de Charonne, vers la Porte de Montreuil.

Il travaille comme manœuvre spécialisé ou journalier.

Il est membre du Parti communiste de 1936 à l’interdiction de celui-ci, militant dans la cellule « Hachette » (l’éditeur ?). Son engagement politique l’isole de ses parents.

Avant-guerre, il milite avec Raymond Luauté 

[1]. Par lui, il entre en contact avec Albert Bertolino – qui habite à deux pas de chez lui – et Robert Vonet (évadé de Rouillé, repris en juillet 1943 et fusillé le 26 janvier 1944).

Vers la fin de septembre 1940, sous l’occupation, Roger Houdard rencontre un ancien camarade de travail prénommé Gaston qui le sollicite en vue de participer à la propagande clandestine. Par la suite, lors de rendez-vous parfois fixés à la station Porte de Montreuil, il reçoit successivement de celui-ci une douzaine de paquets d’environ cent tracts, parmi lesquels il y a parfois des papillons gommés, qu’il est chargé de remettre à un nommé René lors de rendez-vous dont l’heure et le lieu varient.

Roger Houdard participe également à des réunions au sein d’un groupe du Parti communiste clandestin du 20e arrondissement. Lesquelles se tiennent généralement le dimanche matin chez Gabriel Buyse, 109 rue des Grands-Champs (vers la rue du Volga), en présence de Pierre Bertolino, Paul Clément et René Faure. À l’issue de ces rencontres, Gabriel Buyse remet à chacun une dizaine de tracts à diffuser dans leur voisinage et quelques “papillons” à coller à la vue des passants.

Début 1941, Roger Houdard distribue des tracts sur un marché de Montreuil-sous-Bois [2] (Seine / Seine-Saint-Denis) – commune située de l’autre côté des “Fortifs” – avec Pierre Bertolino, Paul Clément et René Faure, de Paris 20e.

Le 17 janvier 1941, vers 13 heures, une perquisition de la brigade spéciale anticommuniste (BS1) des Renseignements généraux chez Raymond Luauté, ancien secrétaire de la section d’arrondissement, amène la découverte de documents relatifs à l’organisation du Parti dans le 20e, malgré une tentative de l’épouse de celui-ci pour les détruire ; plusieurs militants sont ensuite appréhendés.

Le lendemain matin, 18 janvier, vers 6 h 30, Roger Houdard est arrêté à son domicile par les mêmes inspecteurs de la BS 1. La perquisition alors opérée amène la découverte de deux carnets de notes et d’un nombre important d’imprimés clandestins : dix-huit exemplaires du tract « Lettre à un camarade emprisonné », trente-huit exemplaires imprimés de L’Humanité numéro spécial de décembre 1940, sept exemplaires ronéotypés de La Vie Ouvrière de fin décembre, onze exemplaires imprimés de La Tribune des Cheminots de décembre, dix exemplaires ronéotypés de L’Éveil du 20e, n° 9 du 27 décembre 1940, et trente-huit affichettes illustrées intitulées « À bas le gouvernement des ploutocrates Pétain-Laval ».

Conduit dans les locaux des Renseignements généraux à la préfecture de police pour y être interrogé, Roger Houdard n’admet d’abord que son rôle d’agent de liaison. À nouveau « interpellé » sur les réunions de cellule clandestines, déjà connues des RG, il finit par reconnaître sa participation.

Le jour même, 18 janvier, au vu du rapport des inspecteurs et après les interrogatoires de Raymond Luauté, de René Faure, de Roger Houdard et de René Gaymard (voir Paul Clément), considérant que leur activité « avait pour but la diffusion des mots d’ordre de la IIIe Internationale communiste ou d’organismes s’y rattachant, par la distribution et la détention en vue de [leur] distribution de papillons, tracts et brochures d’inspiration communiste », André Cougoule, commissaire des renseignements généraux, officier de police judiciaire, les inculpe conjointement d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 et les fait conduire au Dépôt (la Conciergerie, sous le Palais de Justice, dans l’île de la Cité) à disposition du procureur de la République.

Le lendemain (?), Roger Houdard est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (à Paris 14).

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 31 mars 1941, la 12e Chambre du Tribunal correctionnel de la Seine juge Raymond Luauté et les neufs personnes interpellées à la suite. Roger Houdard est condamné à un an de prison.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 18 avril, il est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes (Seine / Val-de-Marne) ; correction 7241. Le 3 juin, la Cour d’appel de Paris (devant laquelle Roger Houdard est défendu par Maître Vianney) confirme le premier jugement. Pierre Bertolino et Roger Houdard ne sollicitent pas la cassation, d’ailleurs les pourvois déposés par leurs co-accusés sont rejetés en octobre.

À l’expiration de sa peine, le 19 octobre, Roger Houdard n’est pas libéré : le préfet de police signe un arrêté ordonnant son internement administratif.

Le 10 novembre, il fait partie des 58 militants communistes transférés (du dépôt ?) au « centre de séjour surveillé » (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne). Selon Roger Pélissou, Roger Houdard distrait ses compagnons « sous le déguisement de Méphisto » (dans le cadre d’un spectacle, probablement).

Le 22 mai 1942, Roger Houdard fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roger Houdard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45668 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [3]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Roger Houdard se déclare comme agriculteur ou jardinier (Lanwirt). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Roger Houdard.

Il meurt à Auschwitz le 21 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique « typhus » (Fleckfieber) pour cause crédible – mais pas forcément véridique – de sa mort.

Notes :

[1] Raymond Luauté est déporté le 8 mai 1943 vers le KL Sachsenhausen où il meurt le 15 février 1945).

[2] [[Fresnes et Montreuil-sous-Bois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948). Authentification confirmée par la description qu’a faite de lui Roger Pélissou qui l’a connu au camp de Rouillé : « un garçon assez grand, pas gros, brun avec les tempes assez dégarnies, nez courbé ».

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 374 et 408.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense (acte de décès pour l’état civil d’Auschwitz et Fichier national des déplacés de la Seconde guerre mondiale).
- Archives départementales des Yvelines, site internet du département, archives en ligne : registre des naissances de Versailles, année 1911 (4E 7667), acte n° 52 (vue 11/188).
- Archives Nationales : poursuites pour activités et propagande communiste conduites par le Parquet de la Seine, correspondance du 1er bureau de la Direction des Affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice, dossier 182-40-254R ; (31 w 19). BB18 7055
- Archives Départementales du Val-de-Marne, Créteil : établissement pénitentiaire de Fresnes, répertoire de registres d’écrou, hommes de 1940 à 1941 (2Y5 43).
- Lettre de Roger Pélissou à la veuve de Pierre Bertolino (22-03-1964).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossiers de la BS1 (GB 53), n° 101, « affaire Luauté – Faure – Houdard – Gaymard », 18-01-1941.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossiers de la BS1 (GB 53), n° 101, « affaire Luauté – Faure – Houdard – Gaymard », 18–01-1941.
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, t. 2, p. 895, I.100 (Raymond Luauté, né le 13-02-1905 à Paris, matr. 66590 au KL Sachsenhausen).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris : liste XLI-42, n° 100.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 464, orthographié « Hondard ».
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de G à K (26 p 841), acte n° 23363/1942.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Germain HOUARD – 45667

Germain, Roger, Houard naît le 5 mars 1909 à Chartres (Eure-et-Loir – 28), fils d’un terrassier. Il a deux frères et deux sœurs.

Le 6 août 1927, à Chartres, il épouse Léonie, Georgina, Églantine Lecoq, née en 1911. Ils ont un fils, Georges, né le 29 juillet 1931, à Jouy, où Germain Houard a trouvé du travail comme ouvrier agricole.

La famille s’installe ensuite à Mainvilliers, faubourg de Chartres, dans un petit pavillon situé rue de la République (métier ?).

Puis, ils emménagent à Chartres même, où Germain Houard est embauché aux usines Tessier-Rose-Brault (TBR – fabrication d’outils agricoles), quai des petites Filles-Dieu.

Il est alors pompier bénévole. Sportif, il est gymnaste au club laïque L’Avenir de la Beauce.

Licencié pour sa participation à un mouvement de grève dans son entreprise (1936 ou novembre 1938 ?), il retrouve un emploi comme chauffeur de camion à la Ville de Chartres (employé communal).

Militant communiste, Germain Houard serait secrétaire régional du Parti communiste en 1939. Il demeure alors rue de la Mairie, à Chartres.

Le 1er juillet 1941, il est arrêté et conduit à la prison de Chartres ; peut-être lors des arrestations préventives organisées par les autorités d’occupation

[1].

À une date restant à préciser, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il y reçoit une visite de son épouse et de son fils – lequel est autorisé à venir dans sa chambrée.

Entre fin avril et fin juin 1942, Germain Houard est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Germain Houard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45667 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Germain Houard est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Le 17 ou 18 mars 1943, il fait partie des dix-sept “45000” rescapés de Birkenau conduits à Auschwitz-I (en tout, 24 survivants sur 600 !). C’est peut-être alors qu’il est affecté à un Kommando du Jardin…
Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 29 août 1944, Germain Houard est parmi les trente “45000” [2] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL [3] Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin ; lui y est enregistré sous le matricule 94259. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont affectés au Block 66.

Début octobre, il est parmi les huit “45000” transférés avec d’autres détenus à Kochendorf (Kommando de Natzweiler-Struthof), dans le massif du Neckar, une ancienne mine de sel aménagée en usine souterraine pour la construction des V2. Fin mars 1945, le même groupe est dans une colonne de détenus évacués à marche forcée jusqu’à Augsbourg, puis en train jusqu’à Dachau, où ils arrivent le 8 avril (matr. 140715). Le camp est libéré par l’armée américaine le 29 avril 1945.

Après l’arrestation de son mari, Léone Houard a trouvé du travail comme serveuse au Khédiv, un débit de boissons de la rue Jehan-de-Beauce, puis à la cantine de la société du Gaz de France.

Après son retour, le couple tient un café.

Germain Houard est élu président départemental de la FNDIRP.

Il est homologué comme “Déporté politique” (carte n° 1101 14876).

Germain Houard se suicide à son domicile le 16 août 1965, au retour d’un voyage collectif à Auschwitz (son ami, Adolphe Honorine, de Chartres, était décédé le 14 août 1942…). Son épouse et son fils étaient absents, s’étant rendus dans le même temps au camp du Struthof. Ils ont découvert son décès à leur retour.

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] Les trente d’Auschwitz vers Sachso (ordre des matricules, noms de G à P) : Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Legal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).

[3] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilise l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 1990-1997, CD-rom, citant : Arch. PPo, carton 88 – État civil de Chartres.
- Témoignage de son fils, Georges Houard (19-05-2007).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 348 et 349, 363 et 408.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 1-10-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Adolphe HONORINE – 45666

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Adolphe, Pierre, Honorine, naît le 22 septembre 1915 à Chartres (Eure-et-Loir – 28), chez ses parents, Adolphe Xavier Charles Louis Honorine, 31 ans, mouleur, et Thérèse Eugénie Buffétrille, 29 ans, son épouse, domiciliés au 19 rue de la Corroirie (canton Nord).

Le 21 décembre 1914, le conseil de révision de l’Eure a reconnu son père bon pour le service armé. Le 22 février 1915, il a été incorporé comme soldat de 2e classe au 101e régiment d’infanterie. Le 12 juin suivant, il est passé au 117e R.I., « aux armées ».

Le 8 octobre, Adolphe Xavier Honorine est évacué, malade, rentrant au dépôt le 3 décembre. Deux jours plus tard, le 5 décembre, il est détaché comme mouleur aux Établissements Teisset, Chapron et Brault, à Chartres, travaillant pour la Défense nationale. Le 1er juillet 1917, il passe au 102e R.I. tout en restant détaché dans son entreprise (Teyset et Chapron). Le 8 mars 1919, il est envoyé en congé de démobilisation et rentre chez lui.

En 1920, la famille emménage au 5 rue de la Porte Guillaume à Chartres.

Chartres. Le pont Bouju et la rue (de la) Porte Guillaume, dans les années 1910. Le n° 5 devrait être la troisième maison à gauche après la lanterne. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Chartres. Le pont Bouju et la rue (de la) Porte Guillaume, dans les années 1910.
Le n° 5 devrait être la troisième maison à gauche après la lanterne.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

En 1931, Adolphe Pierre Honorine, 16 ans, qui habite chez ses parents, travaille comme typographe à l’imprimerie Durand. Son père est mouleur à la Grande Fonderie, sa mère est blanchisseuse. Il est possible que son père décède en 1936 (à vérifier…).

En 1939, Adolphe Pierre Honorine habite toujours au 5 rue Porte Guillaume.

À des dates et pour un motif restant à préciser, Adolphe Honorine est arrêté, puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Adolphe Honorine est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45666 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Albert Guillermou est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal, auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. En effet, pendant un temps, son nom est inscrit sur un registre du Block 28 de l’hôpital d’Auschwitz-I.

Albert Guillermou meurt à Auschwitz le 14 août 1942, d’après plusieurs registres du camp, cinq semaines après l’arrivée du convoi.

Sources :

- Son nom (orthographié « HANARINE Adolfe ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 363 et 408.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-05-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

René HOMMET – 45665

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Collection Roger Hommet. Droits réservés.

René Hommet naît le 25 janvier 1914 à Paris (14e), parce que ses parents – Charles Hommet, 24 ans, né à Grandcamp–Maisy (Calvados – 14), alors conscrit, et Aline Cauchard, 21 ans, née à Port-en-Bessin (14) – ne sont pas encore mariés. Ce sera chose faite le 16 juin 1915.

René est l’aîné d’une famille de sept enfants, les six autres étant nés à Port-en-Bessin : Clotilde, née le 12 avril 1920, Gilberte, le 19 janvier 1923, André, né le 16 mai 1925, Marcel, le 15 janvier 1930, Roger, le 17 mai 1932, et Charles, le 14 avril 1938.

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La famille Hommet, probablement fin des années 1930.
De gauche à droite : René (le poing levé), Gilberte, Clotilde et une cousine ; devant : André, roger et Marcel.
Collection Roger Hommet. Droits réservés.

Au moment de son arrestation, célibataire, René Hommet est domicilié chez ses parents, à l’angle de la rue Traversière et de la rue Michel-Lefournier à Port-en-Bessin.

Port-en-Bessin dans l’immédiat après-guerre. Carte postale oblitérée en août 1949. Coll. Mémoire Vive.

Port-en-Bessin dans l’immédiat après-guerre.
Carte postale oblitérée en août 1949. Coll. Mémoire Vive.

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René Hommet à Bayeux (Calvados), devant
la fontaine de la place Saint-Patrice.
Collection Roger Hommet. Droits réservés.

Il est peintre en bâtiment dans l’entreprise artisanale de son père, Charles Hommet.

Militant communiste, René Hommet participe – entre autres – à l’aide aux enfants espagnols réfugiés dans le Calvados après la défaite de la République espagnole.

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La famille fin 1939 ou début 1940.
De gauche à droite, derrière : Clotilde, René, Charles (leur frère),
leur mère Aline, et Gilberte ; devant : Roger et Marcel.
Collection Roger Hommet. Droits réservés.

Pendant, la “drôle de guerre”, René ne semble pas avoir été mobilisé ; peut-être pour problème de santé.

Le dimanche 2 juin 1940, à la suite de plusieurs perquisitions domiciliaires, et bien avant l’arrivée de l’occupant, son père, Charles Hommet, est arrêté comme « propagandiste communiste » par deuxgendarmes français sur décision du préfet du Calvados.

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Charles Hommet.
Coll. René Hommet.

Interné administratif au camp de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn), il refuse de signer un acte de « fidélité à Pétain ».

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Sans commentaire !
Collection Roger Hommet. Droits réservé.

Charles Hommet est finalement déporté en Algérie par l’administration de Vichy, détenu à la redoute de Bossuet, près d’Oran.

La redoute de Bossuet sous la neige dans les années 1900. Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

La redoute de Bossuet sous la neige dans les années 1900.
Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Devenu chef de famille, René Hommet poursuit son engagement dans la Résistance.

Dans la nuit du 1er au 2 mai 1942, il est arrêté au domicile familial par les mêmes gendarmes qui avaient déjà pris son père. Il figure comme communiste sur une liste d’arrestations exigées par laFeldkommandantur 723 de Caen à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) 

[1]. Roger Hommet, son frère alors âgé de dix ans raconte : « Avec un autre frère, après les coups dans la porte, nous étions terrés, paralysés. Nous avons entendu l’arrestation à l’étage supérieur et surtout le “Non !” retentissant de notre mère. Les deux gendarmes étaient épaulés par les soldats allemands, restés dans la rue. » « Nous allons lui apprendre à faire dérailler les trains » disent les gendarmes français, selon sa sœur Gilberte.

Quatre heures après son arrestation, des policiers allemands viennent chercher René Hommet à la gendarmerie de Port-en-Bessin. Le 3 mai, il est emmené au “petit lycée” de Caen où sont rassemblés les otages du Calvados.

Le 4 mai au soir, René Hommet fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandise de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, René Hommet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. « Sur un pauvre morceau de papier », René Hommet parvient à transmettre à sa famille un message indiquant qu’il part dans un transport vers l’Est pour une destination inconnue.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Hommet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45665 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Hommet est dans la moitié des membres du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I, selon le témoignage de Henri Peiffer.

René Hommet meurt (à Birkenau) le 18 septembre 1942 selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).

Après son arrestation, et afin d’en éviter de nouvelles, sa famille se disperse. André, 17 ans, qui se trouve à l’École normale de Bayeux, se cache chez un copain d’école. Marcel, 12 ans, est mis à l’abri dans une Maison de jeunes (institution pétainiste) à Liancourt avec l’aide de copains parisiens vacanciers à Port-en-Bessin avant guerre. Clotilde, 22 ans, travaille à Paris une partie de la guerre (à Compiègne, elle tente de voir de Brinon [3] pour faire libérer René).

L’accumulation de ces épreuves entraînent la mort de leur mère, Aline, le 9 septembre 1943 ; son fils Charles, 10 ans, conservera peu de souvenir d’elle… C’est Gilberte qui, à 19 ans, prendra en charge les petits derniers : Roger et Charles.

Son père, Charles – à Alger après sa libération – apprend simultanément la mort de son épouse et la déportation de son fils aîné à Auschwitz.

En 1944, après le débarquement, son fils Marcel revient en stop à Port-en-Bessin en traversant le front.

Quand le père de famille revient en France, tous espèrent en la survie de René.

Au retour des déportés, il apparaît qu’il n’existe aucun survivant parmi les plus proches compagnons de déportation de René : ni les huit camarades de Bayeux, ni Gilbert Longuet d’Arromanches ne peuvent témoigner. Le 6 décembre 1945, sans se faire trop d’illusion, Charles Hommet écrit encore à des rescapés pour obtenir des informations sur le sort de son fils aîné.

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Collection Roger Hommet. Droits réservés.

Après-guerre, le nom de René Hommet a été pris par une cellule du PCF de Port-en-Bessin.

À une date restant à préciser, le Conseil municipal donne son nom à une rue de la commune.

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Renée Hommet, épouse de Roger, dégage la plaque
de rue. Collection Roger Hommet. Droits réservés.

Le nom de René Hommet (« de Port », sic) est gravé sur le monument aux déportés et fusillés de Bayeux, apposé sur l’ancien évêché, rue Larchet.

Bayeux, monument de la déportation, façade du palais épiscopal, Georges et Gilbert Hallier, architectes, bas-relief d’Ulysse Gemignani, sculpteur, 1906-1973. Qu’importe comment s’appelle Cette clarté sur leurs pas Que l’un fut de la chapelle Et l’autre s’y dérobât Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du cœur des bras Et tous les deux disaient qu’elle Vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au cœur du commun combat Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas (La rose et le réséda, extraits, Louis Aragon)

Bayeux, monument de la déportation,
façade du palais épiscopal,
Georges et Gilbert Hallier, architectes,
bas-relief d’Ulysse Gemignani, sculpteur, 1906-1973.
Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leurs pas
Que l’un fut de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du cœur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
(La rose et le réséda, extraits, Louis Aragon)

Photos : Daniel Mougin, 2024.

Photos : Daniel Mougin, 2024.

Reconnu au grade d’adjudant au titre de la Résistance intérieure française (J.O. du 5.10.1950), René Hommet est homologué comme “Déporté politique”.

Charles Hommet reprendra son entreprise de peinture à Port-en-Bessin, incitant ses deux plus jeunes fils à entrer à École d’apprentissage des métiers du Bâtiment à Douvres-la-Délivrande, près de Caen. Ayant obtenu son C.A.P. en 1948, Roger vient l’aider pendant un moment. Mais les affaires ne marchent plus suffisamment et l’entreprise finit par être mise en faillite. Charles Hommet tente sans succès de travailler en Algérie, puis se fait embaucher dans une entreprise de la région parisienne. Malade, il retourne chez sa fille Gilberte à Port-en-Bessin. Il décède le 14 novembre 1956. Dernière représentante de la famille sur la commune, Gilberte décède à son tour le 19 février 2007.

De son côté, Roger reprendra le flambeau de l’action militante. Avec son frère Marcel, il fait signer massivement l’Appel de Stokholm (pacifiste alors que la “guerre froide” se développe). Diffusant d’abord la presse liée au Parti communiste, il y adhère en 1951. Ayant rencontré Renée, qui faisait du camping avec ses parents et grand-parents sur les falaises de Port-en-Bessin lors des premiers congés payés d’après-guerre, il l’épouse en 1954 à Étrechy (Essonne), village où elle est née.

Lors de son assemblée générale de l’automne 2001, l’association Mémoire Vive des convois des 45000 et 31000 d’Auschwitz-Birkenau élit Roger Hommet comme président.

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés, au Mont-Valérien (Seine / Hauts-de-Seine) pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

[3] Fiches (de) Brinon : ancien journaliste et “ultra” de la collaboration, Fernand (de) Brinon était Délégué général du gouvernement de Vichy auprès des autorités militaires allemandes d’occupation. Quand des requêtes étaient formulées par les familles des détenus auprès de l’administration française, la Délégation générale les transmettait à la Commission d’armistice (bipartite), après enquête de la police ou de la gendarmerie pour s’assurer des conditions d’arrestation et de l’honorabilité du détenu. Une lettre était ensuite adressée aux familles sous couvert de l’organisme qui en avait fait la demande : elle leur annonçait que l’intervention avait eu lieu et leur faisait part de la réponse fournie par les autorités allemandes. Ainsi, un très grand nombre de fiches de la Délégation générale portent le nom de “45000” ; surtout après le départ du convoi, le 6 juillet 1942, et l’absence de nouvelles résultant de leur traitement “NN” à leur arrivée (cf. Kazimierz Smolen). La plupart de ces fiches se trouvent dans les dossiers d’état civil des déportés conservés au BAVCC (anciennement archives du secrétariat d’État aux Anciens Combattants).

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, pages 29, 63 et 64, 101.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 54-56, 74 et 75, 362 et 407.
- Jean Quellien (1992), sur le site non officiel de Beaucoudray, peut-être extrait de son livre Résistance et sabotages en Normandie, paru pour la première fois en 1992 aux éditions Corlet.
- Roger Hommet, frère de René et fils de Charles, témoignage.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 463 (31615/1942).
- Auschwitz 1940-1945, Les problèmes fondamentaux de l’histoire du camp, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 2011, vol. V, Épilogue, Danuta Czech, Chronologie des événements les plus importants de l’histoire de camp de concentration d’Auschwitz, page 172.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-11-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Isidore HOFFMANN – (46245) ?

Isidore Hoffmann naît le 17 octobre 1918 au Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime 

[1] – 76).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 3, rue de la Fontaine, au Havre.

Il est employé de commerce ou marchand forain.

Le 26 février 1942, Isodore Hoffmann est arrêté « comme otage israélite » à la suite de l’attentat de la place de l’Arsenal [2]. Selon une notice fournie par les Archives du Havre, il passe par le camp de Drancy avant son transfert, le 15 mai 1942, au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

On suppose qu’il a été sélectionné entre fin avril et fin juin 1942, avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Isidore Hoffmann est peut-être enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), sous le numéro 46245, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 7 novembre 1942, son nom est inscrit sur un registre de l’infirmerie (Revier).

On ignore la date de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943.

Dans la liste figurant à la fin de son ouvrage, Yves Lecouturier mentionne Berthe Hoffmann, née Gorodiczki, arrêtée en Seine-Maritime, mais sans davantage de précision ; s’agit-il de la mère ou de l’épouse d’Isidore Hoffmann ?

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] L’action de la place de l’Arsenal et la rafle de février 1942 : «  Le 23 février 1942, place de l’Arsenal au Havre, les jeunes des premiers “Bataillons de la Jeunesse” incorporés dans l’O.S , attaquent à la grenade un détachement de l’armée allemande. L’O.S. est l’ Organisation Spéciale qui à partir de septembre 1940 est la structure militante chargée de la protection des colleurs d’affiches et des distributeurs de tracts, elle est devenue le premier cadre de la résistance armée. Il y a là Michel Muzard, Jean Hascouet et le groupe “Léon Lioust”. C’est une des premières attaques d’un détachement de l’armée allemande dans la France occupée. » Albert Ouzoulias,Les bataillons de la Jeunesse, Éditions Sociales, Paris 1967, p. 201, 202. Claude-Paul Couture désigne comme auteur de l’attentat « le groupe Chatel de la 2e Cie FTP », En Seine-Maritime de 1939 à 1945, CRDP de Rouen, 1986, p. 15. En représailles, il y aura de nombreuses arrestations d’otages et vingt seront fusillés le 31 mars suivant.

AVIS

De nouveau, un attentat a été commis au Havre contre l’armée allemande et cela contre une colonne en route. Jusqu’à présent, le coupable n’a pas été découvert. Si, dans un délai de douze jours, c’est-à-dire jusqu’au 6 mars 1942 à midi, le coupable n’est pas retrouvé, trente communistes et juifs, parmi lesquels le coupable doit être recherché, seront fusillés sur l’ordre du Militaerbefehlshaber in Frankreich. Pour éviter cette sanction, la population est invitée à coopérer de toutes ses forces à la recherche et à l’arrestation du coupable.

Der Chef des Militaerbefehlshaber in Frankreich Von der Lippe, Generalleutnant

Le Journal de Rouen du 25 février 1942.

AVIS

Le 23 février 1942, au Havre, on a jeté un engin explosif sur une colonne de route de la Kriegsmarine. Deux soldats allemands ont été blessés. Jusqu’à aujourd’hui, malgré ma demande à la population havraise, les auteurs de cette attaque si lâche sont restés inconnus. En suite, le vom Frankreich a ordonné, comme je l’ai menacé l’autre jour, la fusillade de communistes et juifs – dont appartiennent les malfaiteurs – pour expier cette nouvelle attaque. La fusillade a été exécutée aujourd’hui.

Saint-Germain-en-Laye, le 31 mars 1942 Der Chef des Militaerverwaltung Bezirkes A. Gez : Von der Lippe, Generalleutnant

Le Journal de Rouen des 4 et 5 avril 1942.

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 376 et 407.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 521.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie réalisée à Rouen en 2000, citant : Liste établie par Louis Eudier (45523), à la fin de son livre,Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945, Le Havre – Archives municipales du Havre (Madame S. Barot, Conservateur) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : liste Boisard (1968).
- Yves Lecouturier, Shoah en Normandie, 1940-1944, éditions Cheminements, Le-Coudray-Macouard (Maine-et-Loire), mai 2004, page 115, liste p. 262.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 30-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Marcel HODIESNE – 45664

Droits réservés.

Droits réservés.

Marcel, Maurice, Hodiesne naît le 18 avril 1898 dans le village des Douets sur la commune de Flers (Orne – 61), fils de Constant Hodiesne, 34 ans, charpentier, et de Maria Raimbault, 32 ans, dévideuse (tissage), son épouse ; ses parents seront décédés au moment de son arrestation.

De la classe 1918, Marcel Hodiesne est appelé au service armé par le bureau de recrutement de Montargis. Le 16 avril 1917, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 103e régiment d’infanterie. Il part « aux armées » le 20 octobre suivant, affecté au 9e bataillon, 36e compagnie. Le 27 mai 1918, au Mont Kemmel – point culminant (alt. 156 m) de la province de Flandre-Occidentale, en Belgique – il est blessé par un éclat d’obus qui lui occasionne une petite plaie à la face antérieure de la jambe gauche et une fracture du péroné. Il est cité à l’ordre du régiment : « Soldat dévoué et courageux, s’est particulièrement distingué

[…] dans une contre attaque au cours de laquelle il a été blessé ». Évacué, il retourne au front le 20 août suivant. Le 2 mars 1918, il passe au C.I.D. (?), dans la 12e compagnie, et, une semaine plus tard, au 1er bataillon, 3e Cie. Le 28 mai, il passe au C.I.D. (?), dans la 4e Cie. Le 20 octobre, il est évacué comme malade (suite blessure de guerre ?), rentrant au dépôt le 13 janvier 1919. Le 18 février, il passe au C.R.P.N., 2e Cie. Le 27 avril suivant, il passe au 84e régiment d’infanterie.

Le 23 juin 1919, son unité rejoint l’armée d’Orient (décret du 23 décembre 1919 ?). Le 17 octobre, en Cilicie, Marcel Hodiesne passe au 18e régiment de tirailleurs algériens ; il y est nommé caporal cinq jours plus tard. Le 1er mai 1920, il est nommé sergent. Le 28 mai, il est fait prisonnier à Chaïr Guidiek ou Guédick (?), puis interné pendant dix-sept mois à Césarée, en Anatolie. Rapatrié le 19 octobre 1921, il est « renvoyé dans ses foyers le dit jour », titulaire d’un certificat de bonne conduite. En novembre, il est cité à l’ordre de l’armée : « Sous-officier d’un courage remarquable, toujours volontaire pour les missions périlleuses, énergique, audacieux possédant les plus belles qualités de la race [sic], a secondé vaillamment son commandant de compagnie au cours des combats de Bozanti, particulièrement le 7 mai, où les Turcs avaient prononcé une attaque générale. Parti en reconnaissance avec quelques hommes au-delà de nos lignes, a surpris un poste turc qu’il a mis hors de combat. S’est également distingué à la sortie de Bozanti. Conduite magnifique en captivité » ; Marcel Hodiesne reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze.

La Croix de guerre 1914-1918 avec étoile de bronze. © MV

La Croix de guerre 1914-1918
avec étoile de bronze.
© MV

De ses campagnes militaires il ramène plusieurs tatouages, ultérieurement notifiés comme signes particuliers sur des fiches de police : un cœur traversé d’un poignard surmontant l’inscription « 1918 » sur l’avant-bras gauche, une tête de femme sur l’extérieur du bras gauche, une ancre de marine sur l’avant-bras droit, une pensée (la fleur) sur le bras droit et une « étoile du malheur » sur l’épaule droite.

Pendant un temps (avant ou après guerre ?), il est soutier à bord du Malte, bateau de la Compagnie des Chargeurs Réunis.

Le 9 octobre 1923 à Cuves (Manche – 50), Marcel Hodiesne épouse Julienne, Clémentine, Pian. Ils auront trois enfants : Maurice, né le 11 novembre 1925, Gérard, né le 10 mai 1930, et Michel, né le 9 juillet 1935.

Fin 1923, ils habitent au village de la Fontaine, à La Lande-Patry (61). En octobre 1925, ils habitent Avranches, puis, en mars 1927, au lieu-dit La Soudairie, à Cuves (50).

Début 1928, puis en mars 1936, ils sont installés rue de Ponts(-sous-Avranches), à Avranches.

Au moment de son arrestation, Marcel Hodiesne est domicilié au 74 ou 76, rue de la Liberté (dénommée ainsi quand ?) à Avranches.

Marcel Hodiesne est soudeur aux PTT (poste, télécommunication et télégraphe) ; début 1930, l’armée le classe affecté spécial comme agent de ligne aux PTT.

Il milite au Parti communiste. Lors des élections cantonales du 10 octobre 1937, le PCF le présente comme candidat au Conseil général dans le canton d’Avranches, où il obtient 99 voix sur 2543 votants.

À une date restant à préciser, il est condamné à 15 (ou 18) mois de prison avec sursis pour « provocation à l’attroupement ».

Rappelé à l’activité militaire le 2 septembre 1939, Marcel Hodiesne est incorporé six jours plus tard au dépôt du Corps spécial de la Télégraphie. Le 20 juillet 1940, il est démobilisé à Sumène (Gard).

Peut-être Marcel Hodiesne a-t-il été révoqué de son emploi après l’interdiction du Parti communiste ; il est déclaré chômeur au moment de son arrestation.

Quand celle-ci survient, il est déclaré domicilié au 21, rue Delaville à Cherbourg, entre la place Divette et le quai Alexandre III.

Sous l’occupation, il reste actif au sein du PC clandestin, participant à la confection et à la distribution de journaux et de tracts.

Le 18 septembre 1941, le préfet de la Manche signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif de Marcel Hodiesne en application du « décret du 18 novembre 1939 relatif aux mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la défense nationale [sic !] et la sécurité publique [re-sic !] » ; du décret du 29 novembre 1939 ; de la loi du 3 septembre 1940 et de « la dépêche de M. le Ministre, secrétaire d’État à l’Intérieur, en date du 19 septembre 1940 » (?). En fait, le militant clandestin est « arrêté en raison de son activité antérieure à la suite de distribution de tracts communistes d’origine locale » ; il s’agit d’une mesure automatique, sans nécessité de preuve.

Le 19 septembre, Marcel Hodiesne est appréhendé rue du Val-de-Saire (? à vérifier…) par le commissaire de police centrale de Cherbourg – dans la même période que Louis Hamel, de Cherbourg, Léon Truffert, de Tourlaville, Léon Lecrées, d’Équeurdreville, et Charles Mauger, d’Octeville.

Marcel Hodiesne est écroué à la Maison d’arrêt de Cherbourg en attendant son transfèrement au camp français de Gaillon (Eure) ; « centre de séjour surveillé ».

Au camp de Gaillon le 29 octobre 1941. Photo anthropométrique. Archives départementales de l’Eure. Droits réservés.

Au camp de Gaillon le 29 octobre 1941. Photo anthropométrique.
Archives départementales de l’Eure. Droits réservés.

Il y est interné le lendemain, 20 septembre, à 19 heures, assigné au bâtiment F (aile Est du pavillon Colbert [1]), 1er étage, chambre 3, lit 5. Parmi ses gardiens, il retrouve un voisin d’Avranches, le maréchal-des-logis-chef de gendarmerie Auguste Legrand, domicilié au 75, rue de la Liberté et affecté à la surveillance du camp du 23 septembre 1941 au 11 mars 1942.

Le château de Gaillon. Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le haut bâtiment transversal de l’arrière plan (qui a perdu sa toiture après la guerre). Carte postale envoyée en 1955. Collection Mémoire Vive.

Le château de Gaillon. Les internés sont assignés au pavillon Colbert,
le haut bâtiment transversal de l’arrière plan (qui a perdu sa toiture après la guerre).
Carte postale envoyée en 1955. Collection Mémoire Vive.

Le 20 septembre 1941, Marcel Hodiesne reconnaît avoir pris connaissance « que le personnel a reçu l’ordre de faire usage de ses armes en cas de tentative d’évasion… ». AD27. Droits réservés.

Le 20 septembre 1941, Marcel Hodiesne reconnaît avoir pris connaissance
« que le personnel a reçu l’ordre de faire usage de ses armes en cas de tentative d’évasion… ».
AD27. Droits réservés.

Le 4 mai 1942, Marcel Hodiesne est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Le dernier courrier reçu par ses proches est daté du 23 juin.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.     L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Hodiesne est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le matricule 45664 (retrouvée, la photo du détenu portant ce matricule a pu être identifiée grâce à sa photo anthropométrique de Gaillon, confirmant les listes reconstituées).

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession ; Marcel Hodiesne se déclare comme employé de Poste (« Postbeamte »). Puis tous sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcel Hodiesne.
Il meurt à Auschwitz le 2 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2], qui indique pour cause mensongère de sa mort « faiblesse cardiaque et circulatoire » (Herz und Kreislaufschwäche).

Son fils aîné, Maurice, âgé de 18 ans, est tué sous les bombardements d’Avranches le 15 août 1944.

Homologué dans la Résistance intérieure française (RIF), Marcel Hodiesne est reconnu comme “Déporté politique”.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts d’Avranches.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 3-07-1993).

Notes :

[1] Château de Gaillon. Le pavillon Colbert, sur la terrasse du jardin haut, a été dessiné par Jules-Hardouin Mansard vers 1700 pour l’archevêque Jacques-Nicolas Colbert, second fils du ministre de Louis XIV.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Effectivement, concernant Marcel Hodiesne, c’est le 6 juillet 1942 « à Auschwitz » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

V Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 366 et 407.
V De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Cl. Caron-Hamet page 128.
V Archives départementales de l’Eure (AD 27), Évreux : camp de Gaillon (89 w 8), recherches de Ginette Petiot.
V Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : recherches de Ginette Petiot (messages 07 et 08-2012).
V Archives départementales de l’Orne (AD 61), site internet du Conseil général, archives en ligne : registre d’état-civil de Flers ; registre des matricules militaires, classe 1918, bureau de recrutement d’Argentan (R1280), matricule n° 1221 (vues 357-360/512).
V Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France, L’Humanité n° 14131 du vendredi 27 août 1937, page 4, “quinzième liste…”.
V Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 454.
V Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès du camp (26956/1942).
V Mauricette, Marcelle Hodiesne, sa petite-fille, fille de Michel (messages 06-2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-04-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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