Gustave JONQUAIS – 45691

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Gustave, Eugène, Raymond, Jonquais naît le 18 novembre 1910 à Blacqueville (Seine-Maritime 

[1] – 76).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 15, cité Bel Air à Barentin (76), à 17 km au nord-ouest de Rouen. Il est marié, sans enfant.

Barentin. Vue générale dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Barentin. Vue générale dans les années 1900.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Gustave Jonquais est terrassier (ou cultivateur).

Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Gustave Jonquais…

En octobre suivant, celui-ci figure sur la liste fournie « aux autorités allemandes des militants communistes de la région ».

Le 22 octobre, Gustave Jonquais est arrêté comme communiste [2].

À une date restant à préciser, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) [3]. Enregistré sous matricule n° 2098, il est assigné au bâtiment A7 pendant un temps.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gustave Jonquais est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45691. Sa photo d’immatriculation a été retrouvée.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Gustave Jonquais.

Le 25 novembre 1942, son épouse écrit au préfet de Seine-Inférieure pour que celui-ci intercède afin qu’elle puisse recevoir de son mari – dont elle est sans nouvelle depuis le 6 juillet précédent – « une lettre le mois ».

Gustave Jonquais meurt à Auschwitz le 20 février 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [4]. Il a 32 ans.

En 1954, il est homologué comme “Déporté politique”.

Son nom est parmi ceux des 218 militant.e.s inscrit.e.s sur plusieurs plaques apposées dans la cour du siège de la fédération du PCF, 33 place du Général-de-Gaulle à Rouen, avec un extrait d’un poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) : « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’espoir et le désespoir », et sous une statue en haut-relief dont l’auteur reste à préciser.

Monument dédié aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre dans la cour du siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive (2014).

Monument dédié aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre dans la cour du siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive (2014).

    Une des six plaques dédiées aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre, au siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive.

Une des six plaques dédiées aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre, au siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 21-10-1994).

Un certain Georges Jonquais, né le 12 mai 1925 au Houlme, meurt déporté à Dachau le 29 avril 1945 : est-ce un parent ?

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – dans un large périmètre autour de Rouen a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste). Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire A, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. Tous les hommes appréhendés furent, en effet, remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941. 44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.

(*) 150 selon “30 ans de luttes“, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.

[3] Le camp de Royallieu, sous contrôle militaire allemand, a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp C est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Gustave Jonquais, c’est le mois de janvier 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 375 et 408.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Seine-Maritime (2000), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (1977 ?).
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département : cabinet du préfet 1940-1946 ; individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de J à La (51 W 417), recherches conduites avec Catherine Voranger, petit-fille de Louis Jouvin (“45697”).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 518 (9415/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-01-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Francis JOLY – 45690

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Droits réservés.

Francis Joly naît le 7 juin 1912 à Dinan (Côtes-d’Armor 

[1] – 22), fils de Ferdinand Joly et d’Azeline Hérisson.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 28, rue Barbès à Montrouge [2] (Seine /Hauts-de-Seine – 92). Il est marié et père de deux enfants, dont Renée, née le 30 janvier 1932.

Francis Joly est membre du Parti communiste.

À partir de mars 1937, il travaille comme ajusteur de précision aux établissements Sanders, rue Benoît-Malon à Gentilly [1] (Seine / Val-de-Marne – 94) ; une usine proche de son domicile et qui fabrique des caisses enregistreuses sous licence américaine.

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Gentilly. La station de la « ligne de Sceaux ».
L’usine Sanders occupait le bâtiment visible à droite et qui existe
encore aujourd’hui. La fille de Marceau Baudu se souvient
que son père lui faisait parfois signe par une lucarne
quand elle prenait le train pour Paris sur le quai situé à gauche
en contrebas. Carte postale oblitérée en 1935. Coll. M.V.
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La section syndicale CGT Sanders réunie à Paris, fin des
années 1930. Parmi eux, plusieurs futurs déportés :
G. Abramovici, J. Daniel, M. Baudu, R. Salé, F. Joly.
Collection Jacqueline Lefebvre. Droits réservés.
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Extrait du portrait de groupe ci-dessus : René Salé brandit
sa casquette ; à droite, Francis Joly, portant chapeau.

Pendant l’occupation, cette entreprise – filiale d’un groupe franco-allemand (La Nationale Groupe) – travaille en partie pour la production de guerre de l’occupant (fabrication de compteurs).

Malgré les premières exécutions massives d’otages d’octobre 1941 – parmi lesquels nombre de militants ouvriers – le noyau syndicale clandestin de l’usine poursuit la résistance sous un forme revendicative.

Le 9 février 1942, plusieurs militants déclenchent un arrêt de travail pour protester contre le rejet du cahier de revendications qu’ils ont fait déposer par le délégué officiel du personnel quelques jours plus tôt. Ce mouvement ne dure qu’un quart d’heure, mais le directeur et son adjoint décident de prévenir le commissariat de police de secteur, implanté à Gentilly, et dressent une liste de treize meneurs supposés. Alertée, c’est la première section des Renseignements généraux (RG) qui prend en charge la répression et procède aux arrestations à l’aube du 11 février.

Deux militants, chez qui ont été trouvés divers documents liés à leur activité militante avant l’occupation, seront interrogés le lendemain par l’inspecteur David, puis jugés, condamnés et passeront le reste de la guerre en prison et en camp (échappant ainsi paradoxalement à la mort).

Deux autres sont libérés parce qu’inconnus jusque-là des RG.

Suspects d’infraction au décret du 18 novembre 1939, les neuf restants – Georges Abramovici [3], Marceau Baudu, Fernand Boussuge, Joseph Daniel, Louis Gaillanne, André Girard, Francis Joly, Frédéric Rancez et René Salé – sont écroués à 19 h 45 au dépôt de la préfecture de police comme “consignés administratifs”.

Le 16 avril à 7 h 30 – après être restés deux mois à la Conciergerie -, ils sont transférés au “centre de séjoursurveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir – 28).

Francis Joly est donc arrêté à son domicile à 6 heures du matin ce 11 février et conduit à la préfecture de police de Paris pour interrogatoire. À Voves, il est enregistré sous le matricule n° 70.

Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il y est enregistré sous le matricule 5738 (bâtiment C 5, chambre 13).

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Collection Renée Joly. Droits réservés.

Entre la fin avril et la fin juin 1942, Francis Joly est sélectionné – avec les sept autres ouvriers de la Sanders – parmi plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part dès que les portes sont verrouillées, à 9 h 30.

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Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Le 8 juillet 1942, Francis Joly est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45690 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

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Auschwitz-I, Block 26, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

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Portail du sous-camp de Birkenau, secteur B-Ia, semblable
à celui du secteur B-Ib par lequel sont passés tous les “45000”.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Francis Joly est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Le 25 novembre, son nom apparaît sur une liste du Kommando de la Serrurerie (Schlosserei). Il est alors assigné au Block 15a.

Le 4 juillet 1943, comme les autres “politiques” français (essentiellement des “45000” rescapés), Francis Joly reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

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Collection Renée Joly. Droits réservés.

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) et mis en “quarantaine” au premier étage du Block 11, prison du camp. Ceux-ci sont exemptés de travail et d’appel extérieur, mais témoins des exécutions massives de résistants, d’otages et de détenus dans la cour mitoyenne.

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Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient
les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage
de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, suite à la visite d’inspection du nouveau chef de camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de “récupérer”, ils sont renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Courant avril 1944, Francis Joly est conduit à pied à Birkenau, avec Daniel Nagliouck, Marceau Lannoy,Albert Rossé et Gustave Rémy (un “123000”). Ils sont assignés au Block 10 du sous-camp des hommes (BIId) et doivent travailler au Kommando 301 B Zerlegebetrieb, composé d’environ mille hommes – dont beaucoup de prisonniers russes – chargé de démonter et récupérer les matériaux d’avions militaires abattus, allemands ou alliés, pour l’entreprise LwB.Rorück.

L’aire de démontage est située au sud de Birkenau, de part et d’autre d’une voie annexe de la ligne de chemin de fer permettant d’acheminer les carcasses d’avions dans un sens et les pièces démontées dans l’autre. Ils sont surveillés par deux capitaines et des sous-officiers de la Lutwaffe. Une fois par mois, certains touchent une petite prime en monnaie : le nom de Francis Joly est inscrit sur les listes établies à cette occasion le 29 juin (pour 2 Reichmarks), le 27 août et le 30 septembre 1944.

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Francis Joly et Albert Rossé apparaissent sur cette liste après
un détenu polonais et avant un détenu juif et un détenu “russe”.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.

À la fin de l’été 1944, Francis Joly est parmi les trente-six “45000” survivants qui restent à Auschwitz, alors que les autres sont transférés vers d’autres camps, vers l’intérieur du Reich.

En janvier 1945, il est parmi les douze “45000” incorporés dans une colonne de détenus évacués vers leKL [4] Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw. Entre le 8 et le 11 février, il est parmi les dix-huit “45000” transférés à Hersbrück, Kommando de Flossenburg.

Le 8 avril, avec les mêmes camarades, Francis Joly est intégré dans une colonne de détenus évacués à marche forcée vers le KL Dachau, où les survivants arrivent le 24 avril.

Le 29 avril 1945, le camp de Dachau est libéré par l’armée américaine.

Francis Joly peut enfin écrire librement.

Dachau le 8 mai 1945

Petite femme chérie,

Enfin je peux t’écrire en Français.

Voici trois ans passés que je vous ai quittés toi et les enfants. Cela a été très long. J’ai beaucoup souffert, nous avons été déportés à Auschwitz 1200 Français de mon transport. Nous restons seulement à 100 vivants. Tous mes copains de la Sanders sont morts je reste tout seul.

Chérie sur cette lettre je ne te donnerai pas de détails sur ce que j’ai vu et enduré ce n’est pas croyable toi-même qui a confiance en moi tu auras du mal à croire ce que je te raconterai quand je serai près de toi. Je suis arrivé au camp de Dachau il y a huit jours de vendredi ; nous étions venus ici pour mourir car tout le camp devait être supprimé. Une journée de plus et c’était fini mais les Américains sont arrivés à temps.

Pour le moment Chérie je mène toujours la vie de prisonnier, mais les Américains font leur possible pour que nous soyons mieux nourris. Déjà il y a une amélioration et je sens mes forces revenir peu à peu. Surtout Chérie ne te fais pas de chagrin. depuis que je t’ai quittée je n’ai jamais été malade, seulement très faible en 1942 au camp d’Auschwitz. J’ai pesé 43 kg et je devais être passé à la chambre à gaz. Maintenant chérie tout cela est passé et il ne restera plus qu’à nous défendre et lutter contre le fascisme pour que nos enfants ne connaissent pas cet effroyable fléau qu’a été cette monstrueuse machine hitlérienne. et toi Chérie qu’elle a été ta vie pendant cette terrible séparation. Les quelques lettres que j’ai…/…

reçues de toi à Auschwitz étaient en Allemand et très brèves. J’ai souffert de ne pas avoir reçu ta photo ainsi que celle de Pierre. Je me suis toujours demandé pourquoi tu ne m’as pas envoyé ces photos.

Enfin Chérie encore quelques jours et j’aurai enfin le bonheur d’être près de toi.

Tu sais Chérie je n’ai plus rien, toutes mes affaires ont été volées à Auschwitz, plus de papiers. Je crois que nous serons habillés par les Américains. Nous devons paraît-il rentrer en avion. Aujourd’hui nous avons fêté la victoire mais combien j’aurais voulu être à Paris. Et mes copains ? Et monsieur et madame Jean ? J’espère qu’ils sont toujours là. Tu pourras faire part de ma lettre aux amis et tu diras que dès mon retour j’irai prévenir les familles de mes copains de la Sanders. J’espère que dans cette usine les camarades sauront venger ceux qui sont morts après d’atroces souffrances.

Et mes parents ? Ecris-leur aussitôt pour leur savoir que je suis vivant et que j’espère aller passer quelques temps chez eux pour me reposer un peu car je veux redevenir l’homme que j’étais quand je t’ai quittée. Je t’écrirai encore avant mon retour mais toi tu ne peux me répondre, c’est bien malheureux, j’aurais tant voulu avoir une lettre de toi. Et Pierre que fait-il ? Apprend-il bien à l’école ? Que de questions je voudrais te poser et avoir la réponse immédiatement mais je dois encore attendre quelques temps. Chérie je te quitte pour aujourd’hui et je t’embrasse bien tendrement ainsi que les enfants et mes parents.

A bientôt ton Francis qui t’aime.

Garde mes lettres.


Francis Joly regagne la France, profondément traumatisé par ce qu’il a enduré, déterminé à obtenir justice pour ses camarades disparus et pour lui-même.

Il fait connaître leur sort aux familles de ces derniers.

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La Vie Nouvelle, hebdomadaire communiste du canton,
datée du 2 juin 1945. Le sort de Georges Abramovici,
séparé de ses camarades au camp de Voves,
n’est pas connu. Le journal s’inquiète également
pour trois conseillers municipaux de Gentilly
déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
Archives communales de Gentilly.

Peu de temps après la libération – et sans connaître le sort des disparus – le Comité d’épuration de l’usine Sanders de Gentilly a été à l’initiative d’un procès à l’encontre des deux membres de la direction, auteurs de la dénonciation. Le 10 mai 1946, Francis Joly témoigne au procès des dirigeants de l’usine qui ont déclenché la répression. Mais ceux-ci sont acquittés.

L’état dépressif de Francis Joly s’aggrave. Claustrophobe, il ne peut plus travailler, subit des cures de sommeil et fait une première tentative de suicide.

Le 6 décembre 1957, Francis Joly se tire une balle dans la tempe. Il a 45 ans.

Il est homologué comme “Déporté politique”.

Son nom a été ajouté sur la plaque commémorative dédiée aux ouvriers déportés de la Sanders, à l’entrée de la rue Benoît-Malon, à Gentilly, où se trouvait l’usine.

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Plaque apposée au carrefour de la rue Benoît-Malon
et de la rue Paul-Vaillant-Couturier. Le quatrième inscrit,
Roger Chaize, sans doute ouvrier de la Sanders et mort
en France, est inscrit par erreur. Photo Mémoire Vive.

Notes :

[1] Côtes-d’Armor : département dénommé “Côtes-du-Nord” jusqu’en février 1990.

[2] Montrouge et Gentilly : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes voisines font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] Georges Abramovici, né le 15 août 1914 à Paris, demeurant au 11, rue du Chaperon Vert à Gentilly, entré à la Sanders le 19 avril 1938, est un militant syndical très actif. Mais d’abord considéré comme Juif, il sera envoyé au camp de Drancy le 20 octobre, puis déporté dans un convoi du génocide le 4 novembre 1942 (transport n° 40, dont seulement un tiers des détenus entre dans le camp).

[4] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Témoignage et documents de sa fille, Renée Joly : dernière lettre d’adieu de son père datée du 6 décembre 1957, annotations par Francis Joly du Mythe de Sisyphe d’Albert Camus, première lettre d’Auschwitz en allemand du 4 juillet 1943, lettre envoyée de Dachau le 8 mai 1945 (après la libération du camp), coupures de presse sur le procès de mai 1946.
- Gustave Rémy, ouvrier aux établissements Kiener à Éloyes (Vosges), en zone interdite, envoyé à Terniz (Autriche) en novembre 1942 au titre du STO, arrêté par la Gestapo après avoir envoyé à son frère prisonnier de guerre une lettre exprimant son dégoût de travailler pour le Reich, enregistré à Auschwitz à la fin mai 1942 (matricule “123000”), passé par la “quarantaine” du Block 11 ; récit dactylographié envoyé à Renée Joly en septembre 1992.
- Recherches de Renée Joly aux Archives nationales.
- Archives municipales de Gentilly.
- Bureau d’information sur les anciens prisonniers, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne (message du 24-03-2010).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 64, 381 et 403.
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Frédéric Couderc, Les RG sous l’occupation : quand la police française traquait les résistants, Olivier Orban, Paris 1992, pages 39 à 43.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : registre d’écrou du dépôt (n° 516) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 617-22386).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-11-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Alfred JOLY – 45689

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Alfred, Albert, Joly naît le 30 janvier 1912 à Calonne-Ricouart (Pas-de-Calais), fils d’Eugénie Alice Joly, 16 ans, « ménagère » Pour son inscription à l’état civil, en mairie, le nouveau-né est présenté par Alfred Joly, 62 ans, terrassier, domicilié rue de Marles à Calonne, où il est né. Comme témoins, deux voisins houilleurs.

Alfred Joly est boulanger.

Début 1936, il habite au 16 place de Morny à Deauville (Calvados – 14).

Le 13 février 1936, à Deauville, il se marie avec France Eugénie Alice Canivet, née le 7 octobre 1914 à Caen (14), qui habite déjà à la même adresse. Les témoins du mariage sont un autre boulanger et un secrétaire de police.

Au moment de son arrestation, il est domicilié dans la ferme des Chauvinières, sur la commune de Précigné, à 23 km de La Flèche (Sarthe – 72).

À des dates et pour un motif restant à préciser, il est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il s’y trouve le 31 décembre 1941.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Alfred Joly est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45689 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée 

[1]).

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Alfred Joly.

Il meurt à Auschwitz le 30 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].

Alfred Joly est le seul déporté “45000” de la Sarthe.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Précigné – apposé contre le mur de l’église – ainsi que sur le monument érigé dans le cimetière, mais sans mention de sa déportation.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 29-09-1994).

Notes :

[1] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans lesannées qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Alfred Joly, c’est 10 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 370 et 408.
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; doc. IV-198.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 517 (38107/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 72-Précigné, relevé du Club 14-18 du collège Anjou de Sablé-sur-Sarthe (2007).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-05-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

René JODON – (45688 ?)

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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

René, Alfred, Jodon naît le 7 décembre 1908 à Boulogne-sur-Seine

[1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), chez ses parents, Alcide Jodon, 40 ans, cocher, et Marie-Augustine Soliveau, son épouse, 33 ans, domiciliés au 126, rue de Paris.

De la classe 1928, 4e contingent, René Jodon est affecté le 15 octobre 1929 au 373e régiment d’artillerie lourde sur voie ferrée (RALVF), à Châlons-sur-Marne (Marne), afin d’y accomplir son service militaire comme soldat de 2e classe. Il est démobilisé deux ans plus tard.

Pendant un temps, René Jodon travaille comme cimentier.

Le 2 février 1935, à Rueil-Malmaison, il se marie avec Liliane Leclerc, née le 24 août 1916 à Bernay (Eure), journalière. Ils auront un fils, Daniel, né le 23 juillet 1937 à Saint-Cloud (Seine-et-Oise / Hauts-de-Seine).

À partir de juillet 1937 et jusqu’à l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 4, avenue Alexandre-Maistrasse à Suresnes [1] (92).

René Jodon est chaudronnier en cuivre, longtemps établi comme artisan, avant d’entrer en usine (manœuvre).

Il adhère au syndicat CGT en octobre 1939 et y reste jusqu’à la déclaration de guerre, sans y exercer aucune fonction particulière. Ultérieurement, le secrétaire de la section de Suresnes du Parti communiste certifiera que René Jodon en est membre.

Lors de la mobilisation de 1939, René Jodon est rappelé à l’activité militaire au 373e RALVF qu’il rejoint à Châteauroux. Le 15 décembre, il est affecté spécial à l’usine d’aviation Aivaz, sise 35, rue de la Tuilerie à Suresnes.

Le 3 octobre 1940, il est arrêté par des policiers français du commissariat de la circonscription de Puteaux, à la suite d’une distribution de tracts sur le marché de Suresnes le 25 août 1940 (“affaire Dubrulle, Cazaud, Pages, Ott, Giraud, Quinton, Briand, Bécue”). Il est conduit au commissariat de Puteaux avec ses camarades Émile Bouchacourt, Raoul Platiau (déportés avec lui) et Paul Couprie [2]. Ils sont conduits au dépôt de la préfecture de police deux jours plus tard.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 14 janvier 1941, la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine condamne à six mois de prison pour infraction au décret du 26 septembre 1939 les quatre camarades, qui font appel de la sentence. Gaston Dubrulle et Émile Bouchacourt comparaissent lors de la même audience.

À l’expiration de sa peine, René Jodon n’est pas libéré : le 20 février 1941, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 20 novembre 1939.

Le 27 février, il fait partie d’un groupe de 48 internés administratifs – dont Guy Môquet, Maurice Ténine et seize futurs “45000” – transférés à la Maison centrale de Clairvaux (Aube) où ils en rejoignent d’autres : 187 détenus politiques s’y trouvent alors rassemblés.

Clairvaux. La Maison centrale après-guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Clairvaux. La Maison centrale après-guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 6 avril, avec Bouchacourt, Couprie et Platiau, René Jodon est un des cinq internés de Clairvaux ramenés à Paris et conduits à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e, en préalable à leur passage devant la cour d’Appel de Paris. Le 29 avril, la 10e chambre confirme la peine des quatre coaccusés. Il est prévu que René Jodon soit ramené à Clairvaux, mais le quartier de la centrale utilisé comme centre d’internement étant « complet » il reste interné à la Santé jusqu’au 17 septembre.

Entre temps, le 5 mai, son épouse écrit au préfet de police pour solliciter sa libération, expliquant notamment qu’elle doit subvenir seule à ses besoins et à ceux de son enfant, mais également verser des pensions alimentaires à sa mère et à sa belle-mère, toutes deux veuves et sans ressource. Le 20 mai, le chef de bureau du cabinet du préfet transmet ce courrier au directeur des Renseignements généraux pour connaître les motifs de détention de l’intéressé et obtenir un avis sur sa libération éventuelle. La réponse tombe le 30 mai : « Étant donné l’activité de ce militant, sa libération ne semble pas actuellement opportune. »

Le 26 septembre 1941, René Jodon fait partie d’un groupe d’internés de Clairvaux transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la vallée de la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle, puis en caserne.

Le château de Gaillon, au-dessus du village. Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le grand bâtiment isolé à droite (lequel a perdu sa toiture après la guerre) Carte postale des années 1950.  Collection Mémoire Vive.

Le château de Gaillon, au-dessus du village.
Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le grand bâtiment isolé à droite (lequel a perdu sa toiture après la guerre)
Carte postale des années 1950. Collection Mémoire Vive.

Le 21 janvier 1942, Liliane Jodon écrit au préfet de l’Eure pour solliciter la libération de René en expliquant qu’elle se trouve toujours sans travail, touchant une pension insuffisante pour vivre avec sa fille, et que son mari regrette son activité militante passée, souffrant « beaucoup moralement de nous avoir, par ses actes, plongés dans cette situation ». Une semaine plus tard, le préfet demande l’avis du chef de camp. Le 31 janvier, celui-ci répond que l’interné ne s’est jamais fait remarquer au camp où il fait preuve d’une bonne conduite. « Sur des lettres écrites à sa femme, il regrette d’avoir fait de la politique. Ceci milite pour émettre un avis favorable à sa libération. Mais, en raison de sa condamnation pour le délit qu’il a commis, il reste à savoir s’il est sincère ». Le préfet ne prend aucun risque et répond, le 4 février, « J’ai le regret de vous faire connaître qu’après examen du dossier de votre mari, je ne puis émettre un avis favorable à la demande de clémence sollicitée ».

Selon une note de la police (RG ?) datée du 18 février 1942, René Jodon figure avec Bouchacourt et Platiau sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion », et qui sont pour la plupart internés au camp de Gaillon.

Le 4 mai 1942, René Jodon est fait partie d’un groupe d’internés transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure – 28). Enregistré sous le matricule 294, il n’y reste que deux semaines.

Le 20 mai, il fait partie d’un groupe de 28 détenus que viennent chercher des gendarmes français. Pensant qu’on les emmène pour être fusillés, les partants chantent La Marseillaise. En fait, remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, René Jodon est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Jodon est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45688, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté René Jodon.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [3]). La cause de mort déclarée est « faiblesse cardiaque et circulatoire » (Herz- und Kreislaufschwäche).En mars 1945, Liliane Jodon, son épouse, est entendue par la Justice au sujet de l’arrestation de son mari. En juin suivant, elle est embauchée comme femme de service à la mairie de Suresnes.

Le 8 novembre 1945, Émile Bouchacourt, 45277, domicilié au 19, avenue Jean-Jaurès, et Clément Pellerin, 45958, domicilié au 1, rue Grotius, à Suresnes, déclarent chacun avoir fait savoir à Madame Jodon que son mari est décédé au camp « où il a été exterminé comme typhique ».

Le 26 juillet 1946, l’officier d’état civil au ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre dresse l’acte de décès de René Jodon pour l’administration française, en reprenant la date inscrite sur l’acte de décès du camp. La transcription sur les registres de la mairie de Boulogne Billancourt est effectuée le 11 février 1947. Le 13 décembre précédent, Liliane Jodon a rempli un formulaire de demande d’inscription de la mention « Mort pour la France » en marge de l’acte de décès de son mari (effectivement ajoutée le 24 juin 1947).

Le 3 mai 1949, le secrétariat d’état aux forces armées établi un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française au nom de René Jodon pour services accomplis au sein de l’organisation Front national du 25 août 1940 au 19 septembre 1942, en lui attribuant le grade fictif de soldat de 2e classe. Le décret paru au Journal officiel retient une prise de rang au 1er octobre 1940.

Le 18 décembre 1951, Liliane Jodon rempli un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté Résistant pour son mari au titre de conjointe veuve. Le 20 mai 1954, la commission départementale d’attribution rend un avis défavorable à cette demande en notant que René Jodon a été arrêté sous l’inculpation d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939. Elle est suivie par le directeur interdépartemental, par la commission nationale des Déportés et internés de la Résistance, et, le 26 août suivant, le ministère des ACVG rejette la demande, accordant le titre de Déporté politique à l’intéressé. La carte n° 1101.12413 est délivrée à sa veuve le 13 septembre.

Notes :

[1] Boulogne-sur-Seine (depuis 1790), devient officiellement Boulogne-Billancourt en 1926. Boulogne et Suresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert effectif en janvier 1968).

[2] Paul Couprie est parmi la centaine d’internés de Clairvaux transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne – 86) le 26 septembre 1941. Il ne semble pas être parmi les détenus transférés à Compiègne le 22 mai 1942… Il ne semble pas avoir été déporté (ne figure pas dans Livre-Mémorial de la FMD).

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection Mémoires, 2005, pages 150 et 153, 384 et 408.
- Cl. Cardon-Hamet, notice consacrée à Émile Bouchacourt, pour Mémoire Vive.
- Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Boulogne, année 1908 (E NUM BOU N1908), acte n° 920 (vue 122/136).
- Archives de Paris, archives judiciaires : registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 14 janvier-12 février 1941.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) , liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397)..
- Archives départementales de l’Eure (AD 27), Évreux : camp de Gaillon, PV d’auditions (89w13), recherches de G. Petiot (message 09-2014).
- Comité du souvenir du camp de Voves : liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996, page 61. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 516 (31813/1942).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de René Jodon (21 p 465 858), recherches de Ginette Petiot (message 08-2014).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Pierre JEUSSET – (45686 ?)

Pierre, Jean, Ange, Jeusset naît le 19 juillet 1919 à Brest (Finistère – 29), fils d’Ange Jeusset, 28 ans, coiffeur, et de Marie Abjean, son épouse, 30 ans. Pierre a un frère, Albert, né le 19 septembre 1917.

Leur père a été rappelé à l’activité militaire au 19e régiment d’infanterie par le décret de mobilisation du 1er août 1919. Le 29 septembre 1915, il a été blessé au ventre et évacué. Le 18 avril 1916, la commission de réforme de Brest l’a classé service auxiliaire pour « cicatrice de l’abdomen, abcès foie (blessure de guerre) ». Le 25 septembre, la même commission l’a déclaré inapte définitif à servir aux armées. Le 5 avril 1919, il a été mis en congé illimité de démobilisation et s’est retiré au 57, rue Louis-Pasteur à Brest. Il souffre également d’un emphysème pulmonaire.

Le 7 octobre 1923, Alfred et Pierre Jeusset sont adoptés par la Nation suivant un jugement du tribunal civil de 1ère instance de la Seine.

Le 16 mai 1926, leur père, alors domicilié au 48, boulevard Jourdan, décède Porte d’Aubervilliers (?) à Paris 19e, sa veuve touchera une pension à effet rétroactif par arrêté en date du 13 décembre 1926.

Sympathisant communiste, Pierre Jeusset s’engage à 17 ans dans les Brigades internationales pendant la guerre civile Espagnole pour défendre la République contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini. Il est en Espagne de septembre 1936 à mai 1937.Au moment de son arrestation, Pierre Jeusset habite chez sa mère dans un appartement au 108, rue de Bagneux, à Montrouge 

[1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92) ; voie qui – sous l’occupation – est renommée avenue du Maréchal Pétain.

Manœuvre, manutentionnaire, il travaille à la gare Montparnasse, à Paris (sans appartenir au personnel de la SNCF).

Le 24 décembre 1941, peu après 6 heures du matin, Pierre Jeusset est arrêté à son domicile par le commissaire de la circonscription de Montrouge accompagné deux inspecteurs, sur arrêté du préfet de police pris « en application du décret du 18 novembre 1939 ». Le jour même, dans le cadre d’une vague d’arrestations organisée par la police française contre 33 anciens membres des brigades internationales, il est interné administrativement au camp de la caserne des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e.

La caserne des Tourelles, vers la Porte des Lilas, entre l’avenue Gambetta, à gauche, et le boulevard Mortier. Carte postale d’après guerre.

La caserne des Tourelles, vers la Porte des Lilas,
entre l’avenue Gambetta, à gauche, et le boulevard Mortier.
Carte postale d’après guerre.

Le 5 mai 1942, Pierre Jeusset fait partie des 24 internés des Tourelles, dont beaucoup d’anciens Brigadistes, que viennent « prendre des gendarmes allemands » afin de les escorter à la gare de l’Est où ils rejoignent d’autres détenus avant d’être conduits en train au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il y est enregistré sous le matricule n° 5287.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Pierre Jeusset est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Pierre Jeusset est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45686, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).. Ce même matricule – et le portrait lié – pourrait également être attribué à Jean Christian…

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté  Pierre Jeusset.Il meurt à Auschwitz le 23 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher). Il a 23 ans.

Le 28 mars 1943, sa mère écrit à l’Association nationale des amis des travailleurs français en Allemagne, car elle est sans nouvelle de son fils qui, après avoir été interné à Compiègne « aurait été transféré dans un autre camp en Allemagne le 16 juillet 1942 » (elle a probablement reçu la carte pré-imprimée envoyée à cette date à beaucoup de familles par la direction du camp). L’association lance une recherche et c’est le Service de la main-d’œuvre française en Allemagne qui écrit au camp de Compiègne. Le 13 avril suivant, la Kommandantur de celui-ci répond : « Nous vous retournons votre lettre (…) en vous informant que le prisonnier Pierre Jeusset n°5287 a été au camp de la prison de police de Compiègne jusqu’au 6 juillet 1942. À cette date, il a été emmené pour travailler dans un camp allemand sur ordre du Befehlshaber de la Police de Sureté et des SD de Paris. Nous ignorons où il se trouve actuellement. »

Le 23 avril suivant, le service de la main-d’œuvre transmet le dossier à la Croix-Rouge allemande, avenue Kléber à Paris qui répond le 15 mai : « Le chargé d’affaire de la Croix-Rouge en France regrette de vous dire qu’on n’a pu avoir aucun autre renseignement sur cet ouvrier ».

Le 8 juillet 1945, son frère Albert écrit au préfet de police, il s’affirme certain que son frère a été dénoncé par une lettre anonyme…

Un acte de disparition est établi le 16 novembre 1946.

En 1951, le décès de Pierre Jeusset est noté sur le registre d’état civil de la mairie de Montrouge à la date du 6 juillet 1942 à Compiègne. La mention Mort pour la France est inscrite en marge de son acte de décès le 5 mars 1958.

Le 16 octobre 1956, il obtient le titre de “Déporté politique” à titre posthume (IP en 55), avec mention : « déporté en Allemagne le 6 juillet 1942, disparu depuis cette date ». La date du décès est corrigée plus tard, “selon la règle”, avec un ajout de cinq jours : soit « le 11 juillet 1942, en Allemagne » (carte n° 1102 21 942, délivrée à sa mère).

Le nom de Pierre Jeusset est inscrit (ses prénoms étant réduits aux initiales) sur une des plaques dédiées « aux Montrougiens morts pour la France… », situées dans le hall de la mairie.

Sa mère, Marie, Madame Veuve Jeusset, décède le 29 novembre 1961 à son domicile (là où a été arrêté son fils).

Notes :

[1] Montrouge : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 515.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 683-2270.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Pierre Jeusset (21.p.465.790), recherches de Ginette Petiot (message 12-2013).
- Site Mémorial GenWeb, 92-Montrouge, relevé de Claude Richard (08-2006).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Robert JARRY – 45685

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Collection ARMREL (voir sources).
Droits réservés.

Robert, Germain, Jarry naît le 21 août 1920 au Mans (Sarthe), fils de Robert, Marcel, Jarry, 24 ans, maçon, et de Germaine Dessomes ou Dessommes, son épouse

Appelé à l’activité militaire par anticipation, son père avait rejoint le 113e régiment d’infanterie le 15 décembre 1914. Le 13 juillet 1915, à la Haute-Chevauchée (Meuse), il avait été fait prisonnier de guerre et a été interné à Javichan (?). Rapatrié le 21 janvier 1919, il était passé au 117e régiment d’infanterie. Mis en congé illimité de démobilisation le 15 septembre suivant, il s’était retiré chez ses parents au 124 rue Denfert-Rochereau. Mais, dès le 5  mai 1920, la commission de réforme du Mans l’a réformé temporairement pour « réduction acuité visuelle des deux yeux à 3/10e, leucomes multiples, accidents consécutifs à une kératite double ». En mars 1924, il sera réformé définitivement pour incurabilité, pension d’invalidité à 100 %, « papilles décolorées, vision œil droit = 1/10e, vison œil gauche1/20e ».

En septembre 1929, la famille est domiciliée rue de Ségré au Mans.

Fin 1931, ils viennent habiter au 103, rue de Bellevue à Boulogne-Billancourt

[1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

Pendant un temps, Robert Jarry fils habite chez ses parents.

Le 11 octobre 1937, âgé de 17 ans, il commence à travailler comme ajusteur à l’usine d’aviation SNCASO, quai Paul-Doumer à Courbevoie. Il suit parallèlement des cours du soir à l’École des Arts et Métiers.

La police française considère qu’il a – pendant un temps – été sympathisant du Parti communiste à Boulogne-Billancourt, en raison de certaines fréquentations d’avant-guerre.

Le 24 mars 1940, Robert Jarry se met en disponibilité et s’engage pour la durée de la guerre au titre de l’Armée de l’Air. Démobilisé le 14 septembre suivant, il part retrouver ses parents qui se sont réfugiés à la campagne, dans une maison qu’ils possèdent au Mage par Châteauneuf-en-Thymerais (Eure-et-Loir).

Il prend alors du travail à Chartres (Eure-et-Loir), dans plusieurs établissements industriels ; changeant fréquemment de patron, car, avec quelques camarades, il a formé un petit groupe de sabotage. Robert Jarry est un patriote : il ne fait partie d’aucune organisation politique, mais écoute ”Radio-Londres”.
Robert Jarry est un patriote : il ne fait partie d’aucune organisation politique, mais écoute ”Radio-Londres”.

Cependant, la police française considère qu’il a – pendant un temps – été sympathisant du Parti communiste.

Recherché par la Kommandantur, Robert Jarry quitte le secteur et emménage à Boulogne-Billancourt. À partir du 1er janvier 1941, il est locataire d’une chambre à son ancienne adresse, qu’il n’occupe que très rarement. Pendant un temps, il travaille au Matériel électronique, société de Boulogne-Billancourt.

Le 18 avril 1941, le préfet de police interroge son service des Renseignements généraux sur Robert Jarry, qui « travaille actuellement sur les chantiers de l’Aviation à Chartres et susceptible de s’y livrer à la propagande communiste ». Le 25 septembre 1941, en réponse à un courrier du ministère de l’Intérieur du gouvernement de collaboration datée du 24 juin « demandant quelles mesures avaient été prises dans le département contre les communistes français et étrangers par les autorités d’occupation », le commissaire spécial de Chartres transmet au préfet d’Eure-et-Loir « la liste complète des communistes arrêtés par les autorités allemandes » à cette date – soit trente-trois hommes – sur laquelle est inscrit Robert Jarry.

Le 29 septembre, celui-ci entre comme ajusteur aux Établissements Farman, quai de Boulogne, à Boulogne-Billancourt.

Le 27 octobre, le préfet d’Eure-et-Loir précise au préfet délégué du ministère de l’Intérieur dans les territoires occupés que les six hommes inculpés dans l’affaire Berton sont les seules personnes de son département arrêtés par la police française pour activité communiste. Dans un brouillon de cette lettre, la mention que « les éléments suspects au point de vue politique ou national ont été arrêtés préventivement par les soins des autorités d’occupation » est biffée. L’inscription de Robert Jarry sur la liste du 25 septembre résulte-t-elle d’une erreur administrative ou s’agit-il d’un homonyme (à vérifier…) ?

De son côté, la police parisienne note qu’après la dissolution du Parti communiste, le 26 septembre 1939, aucun fait de propagande clandestine n’est relevé contre lui, pas plus qu’il n’attire l’attention de ses employeurs pour ses opinions politiques.

Le 29 octobre, Robert Jarry est arrêté par la Feldgendarmerie pour « sabotage, insulte en envers les autorités allemandes et comme Juif ». Il est interrogé à la Kommandantur de Montrouge, où ce dernier motif est écarté.

Il est emprisonné à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e, jusqu’au 16 janvier 1942, date à laquelle il est remis en liberté suite à une erreur administrative commise lors de son enregistrement.

Le 28 avril 1942, Robert Jarry est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine – avec le concours de la police française – et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Robert Jarry est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Robert Jarry est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45685 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé). Robert Jarry est assigné au Block 20. Le lendemain 10 juillet à l’aube, il assiste au matraquage d’un jeune camarade de 18 ans, Marcel Dubeau, qui n’est pas sorti assez rapidement de sa “coya”. Robert Jarry, qui avait promis au frère de celui-ci de le protéger au départ de Compiègne, ne l’a plus jamais revu. Ce jour-là, après l’appel général, tous subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Robert Jarry est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Là, il est affecté au Kommando du garage, mais en est chassé par l’hostilité des détenus polonais au bout de deux mois et demi. Il est alors assigné au Block 16, où il retrouve Mickey Guilbert, lui aussi de Boulogne. il est affecté au Kommando de construction de routes (Strassenbau), où il retrouve Émile Gourdon. Il doit poser des pierres pour la fondations des routes. Violemment battu par un kapo, il est ramené au camp, devant le Block 20, le Revier. On l’y opère d’une glande infectée sous le bras gauche (le 27 janvier 1943, son nom est inscrit sur un registre de l’infirmerie), puis il retourne au Block 16.

Robert Jarry est affectés à divers kommandos, d’abord à l’intérieur du camp, puis à l’extérieur. En février 1943, un jour où il doit porter seul des sacs de ciment de 50 kg jusqu’à un camion, l’un de ceux-ci lui échappe alors qu’il passe devant un garde SS dont les bottes et l’uniforme sont maculés. Robert Jarry subit de nouveau une terrible correction qui le conduit de nouveau au Revier : des côtes cassées, fêlées, des molaires cassées, de nombreuses contusions sur tout le corps, dont un bras qui a doublé de volume et qui est très douloureux. Opéré de ce bras par un chirurgien déporté, il est admis quelques jours après au Block 19.

À l’été 1943, alors qu’il s’y trouve encore et ne conserve plus qu’une légère blessure à la jambe, Robert Jarry voit les autres « 45000 » partir vers la quarantaine du Block 11 sans être lui-même appelé, et sans qu’on en sache encore aujourd’hui la raison.

Après l’avoir interrogé sur ses convictions politiques, le chef de Block, qui parlait français, le garde auprès de lui. Cependant, Robert Jarry doit encore se cacher pour échapper aux sélections.

En avril 1944, il retourne à la vie « ordinaire » du camp. En octobre 1944, est affecté au Kommando“Union” situé à Birkenau et ou l’on fabrique des parties de grenade et du matériel militaire. C’est là qu’il se retrouve avec le seul “45000” rencontré après la “quarantaine : Maurice Rideau, ou un autre détenu, nommé Gillot ou Girard.

Quand commence l’évacuation du camp, le 18 janvier 1944, Robert Jarry est affecté au Kanada où il découvre les monceaux de chaussures, de lunettes et de cheveux qui sont encore sur place.

Le 25 janvier, parmi les derniers évacués, il est dans une petite colonne de trente détenus qui marchent pendant deux jours pour arriver à une gare. Là, ceux-ci montent dans un unique wagon découvert qui roule pendant trois jours pour aboutir au KL Mauthausen (matricule n° 117867).

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Robert Jarry y reste jusqu’au 24 février 1945, date à laquelle il est transféré dans un camp satellite, “Wiener Sauer”, avec un autre déporté d’Auschwitz, mais arrivé seulement quelques jours avant l’évacuation et portant le matricule 202 000.

Ils sont libérés le 25 avril, et regroupés à Mauthausen le 8 mai.

Robert Jarry rentre chez ses parents le 22 mai 1945.

Il adhère à l’association Mémoire Vive des convois des “45000” et des “31000” d’Auschwitz-Birkenau fondée en 1996.

Robert Jarry décède le 6 février 2003.

Notes :

[1] Boulogne-Billancourt : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Association de Sauvegarde d’Auschwitz (TONO), bulletin n° 42-43, édition spéciale pour le 60e anniversaire de l’arrivée du convoi du 6 juillet 1942, Varsovie, décembre 2002, pages 88 à 99.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1627-73188).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 112, 169, 243, 353, 358, 381 et 408.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 522.
- ARMREL-Sentinelles de la mémoire, portrait civil d’Eugène Gilles, archives dép., fonds FNDIRP 28, 27J2 à 27J8, avec l’autorisation de Roger Pinot (message 15-11-08).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 19-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Victor JARDIN – 45684

En juillet 1937… © RATP/Archives définitives.

En juillet 1937…
© RATP/Archives définitives.

Victor, Auguste, Jardin naît le 9 février 1907 à Créteil 

[1] (Seine / Val-de-Marne – 94), fils de Victor, Alphonse, Jardin, 29 ans, et d’Augustine Blaisot, 21 ans, son épouse, jardiniers tous les deux, domiciliés au 6, rue de Bône.

Début 1923, Victor Jardin commence à travailler comme commis-maraîcher chez ses parents, puis dans une entreprise de Créteil, rue de Marly.

Il effectue son service militaire du 13 mai 1927 au 14 avril 1928 au 106e régiment d’infanterie à Mourmelon-le-Grand ou au camp de Chalons (Marne).

Après avoir retrouvé son emploi de commis-maraîcher, il devient successivement cycliste pour un journal parisien, motocycliste pour deux sociétés, et enfin chauffeur-livreur pour différentes entreprises, changeant souvent d’employeur (pendant quelques semaines, il est embauché comme aide-paveur dans une entreprise de travaux publics).

Le 5 novembre 1931, à Maisons-Alfort [1] (94), Victor Jardin se marie avec Èva Meyrignac, 18 ou 19 ans, couturière ; le couple a un fils, Roland, né le 26 avril 1933.

À la mi 1932, la famille emménage au 108, rue de Créteil à Maisons-Alfort.

Du 24 mai 1934 au 1er octobre 1935, Victor Jardin est inscrit au bureau de chômage de Maisons-Alfort.

Le 12 mai 1935, il est élu conseiller municipal communiste de Maisons-Alfort sur la liste d’Albert Vassart [2]. L’assemblée municipale le désigne pour être délégué aux élections sénatoriales de 1935.

Maisons-Alfort, la mairie. Carte postale oblitérée en février 1940. Coll. Mémoire Vive.

Maisons-Alfort, la mairie. Carte postale oblitérée en février 1940. Coll. Mémoire Vive.

Le 11 mai 1937, Victor Jardin entre à la Société des transports en commun de la région parisienne (STCRP) [3] comme « receveur autorisé machiniste » affecté au dépôt de Saint-Mandé (94). Il apprend notamment à conduire les autobus modèle Panhard K-63B et K-63B, Renault PN. Après neuf mois de stage, toutes les appréciations professionnelles le concernant sont positives.

Bus Renault de 1936 photographié dans les années 1970. Carte postale. Collection P. Labate.

Bus Renault de 1936 photographié dans les années 1970.
Carte postale. Collection P. Labate.

À partir du 1er août 1938 et jusqu’au moment de son arrestation, Victor Jardin est domicilié au 288, rue Jean-Jaurès, à Maisons-Alfort. Il cultive un jardin situé sur le territoire de la commune et proche de celui de Pierre Monjault.

Mobilisé le 27 août 1939, Victor Jardin est affecté au 6e régiment du Train, 356e compagnie.

Le 4 octobre 1939, le Président de la République – Albert Lebrun -, par décret et « sur la proposition du ministre de l’intérieur, suspend jusqu’à cessation des hostilités les Conseils municipaux » de 27 communes de la banlieue parisienne à majorité communiste, dont celui de Maisons-Alfort, et les remplace par des Délégations spéciales composées de notables désignés.

Le 16 mars 1940, le conseil de préfecture de la Seine déchoit Victor Jardin de son mandat municipal pour ne pas avoir « répudié catégoriquement toute adhésion au Parti communiste ».

Le 17 août 1940, démobilisé, il est renvoyé dans ses foyers, reprenant son service à la STCRP le 6 septembre suivant.

Sous l’occupation, Victor Jardin accompagne Pierre Monjault, de Maisons-Alfort, lors d’une action nocturne réussie consistant à accrocher, sur des fils électriques traversant la place Galliéni, une banderole avec l’inscription « Nous vaincrons ». Pierre Monjault est persuadé qu’il a été, comme lui, victime d’une dénonciation de la part de Marcel Capron, ancien député-maire d’Alfortville allié à Marcel Gitton pour organiser un mouvement de collaboration au sein du milieu ouvrier.

Le 21 avril 1941, la direction de la STCRP démet Victor Jardin de ses fonctions.

Le 12 juillet, celui-ci est arrêté à son domicile par des agent du commissariat de circonscription de Charenton comme «  meneur particulièrement actif » et interné administrativement comme « détenu communiste » à la caserne désaffectée des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police de Paris.

La caserne des Tourelles, boulevard Mortier, avant guerre. Partagée avec l’armée allemande au début de l’occupation, elle servit surtout à interner les « indésirables étrangers ». Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne des Tourelles, boulevard Mortier, avant guerre.
Partagée avec l’armée allemande au début de l’occupation, elle servit surtout à interner les « indésirables étrangers ».
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 25 juillet, la STCRP le déclare en « disponibilité spéciale » avant de le licencier le 29 novembre suivant.

Le 9 octobre 1941, Victor Jardin est parmi les 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 9 février 1942, il est parmi les 52 « communistes » (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, Victor Jardin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Victor Jardin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45684 (la photo du détenu portant ce matricule a été identifiée par comparaison avec son portrait civil).

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Victor Jardin est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Pierre Monjault témoigne qu’il est un jour affecté avec lui au Kommando du « canal des marais ou canal de la mort ». Il rapporte également qu’il l’a entendu délirer dans son agonie une nuit dans leur Block commun.

Victor Jardin meurt à Auschwitz le 11 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [4].

En novembre 1944, ignorant son décès, le comité local de libération de Maisons-Alfort fait nommer Victor Jardin à la délégation spéciale (conseil municipal provisoire), comme Henri Hureau. Les listes électorales de février 1945 le font de nouveau habiter avec sa famille au 108, rue de Créteil (il n’a plus de famille à cette adresse lors du recensement de 1946).

Quand Pierre Monjault rentre de déportation, la famille de Victor Jardin vient le questionner : il leur dit la vérité.

Le nom de Victor Jardin est inscrit sur la plaque portant l’hommage du « personnel du dépôt de Lagny aux agents des dépôts (Lagny, Saint-Mandé, Bastille) morts pour la France » inaugurée le 25 août 1946 au centre bus Lagny ; y figure également Élie Gaudefroy, de Paris 20e.

La mention “mort en déportation” est portée sur les actes de décès (J.O. du 28-11-1991).

Notes :

[1] CréteilCharentonMaisons-Alfort et Saint Mandé : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Albert Vassart (1898-1958), militant chevronné du Parti communiste et de la CGTU à partir de 1923, est “parachuté” avec succès à Maisons-Alfort, dont il devient le premier maire communiste. À la suite de la signature du pacte germano-soviétique, il prend ses distances avec le PC (novembre 1940). Il est néanmoins arrêté et condamné à cinq ans de prison en tant que communiste. Mais il est libéré en septembre 1941 à la suite de démarches de Marcel Gitton et Henri Barbé (dirigeant du PC exclu en 1932). Albert Vassart adhère au Parti ouvrier et paysan français (POPF) – collaborationniste – de Gitton et y accepte des responsabilités aux côtés d’une vingtaine d’autres anciens parlementaires et élus communistes. Il fait ensuite équipe avec Barbé et Capron pour obtenir la libération de militants communistes emprisonnés bien qu’en rupture avec leur parti. Le 27 juin 1942, Albert Vassart échappe à une tentative d’élimination devant son domicile.

[3] STCRPCMPRATP : Le 1er janvier 1942, le Conseil des Transports Parisiens, émanation du gouvernement de Vichy, impose la gestion par la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (CMP) du réseau de surface – les bus – précédemment exploité par la Société des transports en commun de la région parisienne (STCRP), fusion de fait d’entreprises privées qui prélude la gestion des transports parisiens par un exploitant unique.

La loi du 21 mars 1948 crée l’Office Régional des Transports Parisiens, nouvelle autorité de tutelle du réseau, et la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP), établissement public à caractère industriel et commercial, qui se voit chargée de l’exploitation des réseaux de transport publics souterrains et de surface de Paris et de sa banlieue. (source Wikipedia)

[4] Différence de date de décès avec celle inscrite au Journal Officiel : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant Victor Jardin, c’est le 14 août 1942 qui a été retenu par le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre pour certifier son décès. La parution au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

V Claude Pennetier, notice dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions Ouvrières, 1990-1997, CD-rom, version 3.61 (citant : Arch. Dép. Seine, DM3 ; versement 10451/76/1 et 10441/64/2 ; listes électorales et nominatives – État civil de Créteil et de Maisons-Alfort – Arch. Com. Maisons-Alfort – Renseignements recueillis par Michèle Rault et Nathalie Viet-Depaule).
V Archives de la RATP, Paris : dossier individuel.
V Lucie Kerjolon, transcription du témoignage de Pierre Montjault, Quatre années de souffrance pour rester français (validée le 23-07-1984), cahier dactylographié, 70 pages, Maisons-Alfort, p. 15, 35, 43.
V Archives départementales du Val-de-Marne, site internet, archives en ligne : registre des naissances de Créteil années 1903-1909 (4E 2013), vue 129/217.
V Archives municipales de Maisons-Alfort : recherches de Madame Loubrieu.
V Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 356, 388 et 408.
V Jean-Marie Dubois, Malka Marcovich, Les bus de la honte, éditions Tallandier, 2016, pages 144, 145, 146 et 189.
V Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cartons “occupation allemande”, Les Tourelles… (BA 1836) ; BA 1837 ; (liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1w12-52662).
V Archives départementales de la Vienne (AD 86) : camp de Rouillé (109W75).
V Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 504 (30187/1942).
V Noël Gérôme, Le Deuil en hommage, monuments et plaques commémoratives de la RATP, Creaphis 1995, pages 88-89.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes)qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Albert JANOS – 46285

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Albert Janos naît le 8 novembre 1894 à Ananjeff (Ukraine). A-t-il la nationalité française ?

Au moment de son arrestation, il est domicilié à Saint-Ouen 

[1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93) ; son adresse reste à préciser. À Auschwitz, il donnera une adresse à Bordeaux (un parent ?).

À des dates et pour un motif restant à préciser, il est arrêté – à Bordeaux, effectivement, selon Fernand Devaux – puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il ne passe pas par le centre d’internement de Rouillé…

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Entre fin avril et fin juin 1942, Albert Janos est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Albert Janos est désigné comme otage juif.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Albert Janos est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46285 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Albert Janos.

Il meurt à Auschwitz le 10 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; un mois après l’arrivée de son convoi, le même jour que dix-neuf autres “45000”.À Saint-Ouen, son nom est inscrit sur la stèle érigée en « Hommage aux résistants, femmes, hommes, déportés à Auschwitz-Birkenau ».

Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”, inauguré le 24 avril 2005 dans le square des 45000 et des 31000 (photo Mémoire Vive).

Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”,
inauguré le 24 avril 2005 dans le square des 45000 et des 31000 (photo Mémoire Vive).

Le Mémorial de la Shoah. À gauche, dans son état en 2011, le panneau du Mur des noms pour les déportés de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés depuis l’achèvement du mur » (janvier 2005). De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942 y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.

Le Mémorial de la Shoah. À gauche, dans son état en 2011, le panneau du Mur des noms pour les déportés
de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés depuis l’achèvement du mur » (janvier 2005).
De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942 y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.

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Sur le Mur des noms…

Notes :

[1] Saint-Ouen : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Son nom et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 386 et 408.
- Fernand Devaux, note.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre d’appel avec la liste des détenus décédés (Verstorben Häftlinge) ; il y est inscrit comme Juif français.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 502 (19136/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-12-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Henri JAMET – (45683 ?)

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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Henri, Georges, Jamet naît le 1er juillet 1898 à Campagnolles, village à l’Ouest de Vire (Calvados – 14), chez ses parents, Pierre Jamet, 39 ans, cultivateur, et Adrienne Lelevé, 30 ans, son épouse, domiciliés au hameau de La Renaudière.

Pendant un temps Henri Jamet travaille comme cultivateur, habitant à Coulonces, village voisin de Campagnolles, probablement chez ses parents.

Le 2 mai 1917, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 36e régiment d’infanterie ; signalé comme plutôt grand : 1m78. Le 30 décembre 1917, il part « aux armées » (en zone de combat). Le 7 juin 1918, il passe au 359e R.I. Le 28 octobre suivant, il passe au 297e R.I. Le 7 février 1919, il passe au 19e escadron du train des équipages militaires. Le 29 mars 1920, il passe au 166e R.I. qui occupe les territoires rhénans en Allemagne. Rapatrié le 6 juin suivant, il est renvoyé dans ses foyers trois jours plus tard, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire à Coulonces.

En décembre 1920, il habite au 3, rue au Teintures à Vire (14).

Le 18 avril 1921, à Vire, Henri Jamet épouse Julienne, Léontine, Marie. Ils n’ont pas d’enfant. En mai suivant, ils habitent, virage des Monts, à Vaudry (14). En novembre 1923, le couple loge au 74, rue Émile-Chenel, à Vire. En décembre 1931, ils habitent route de Cormelles (?) à Caen.

La Cour d’appel de Caen dissous leur mariage par jugement de divorce le 6 novembre 1939.

En janvier 1937 et jusqu’au moment de son arrestation, Henri Jamet est domicilié au 6, rue Beau-Soleil à Caen (14) ; une source indique le 73, rue Caponière…

Il est caviste à la coopérative de Mondeville (ou électricien, selon les Arch. Dép. 14).

Rappelé à l’activité militaire le 2 septembre 1939, il est affecté à la défense passive de Caen. Le 30 avril 1940, il est affecté au dépôt d’infanterie n° 33. Le 31 août suivant, il est démobilisé à Caen.

Le 2 mai 1942, Henri Jamet est arrêté à son domicile par la police française. Il figure comme “communiste” sur une liste d’arrestations exigées par la Feldkommandantur 723 de Caen à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan)

[1]. Il est détenu à la Maison centrale de la Maladrerie, comme d’autres hommes interpellés dans l’agglomération de Caen.

Caen, la maison centrale de la Maladrerie dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.     Caen, la maison centrale de la Maladrerie dans les années 1900.     Carte postale, collection Mémoire Vive.

Caen, la maison centrale de la Maladrerie dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 3 mai, remis aux autorités d’occupation, ils sont emmenés au “petit lycée” où sont rassemblés et interrogés les otages du Calvados. Ils y passent la nuit.

Le 4 mai au soir, Henri Jamet fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandise de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par laWehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai en soirée.

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Jamet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Henri Jamet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45683, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Henri Jamet est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I, selon Marcel Cimier.

Il meurt à Birkenau le 25 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Henri Jamet est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 16-07-1994).

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au fort du Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, pages 63 et 65, 70, notice de Claudine Cardon-Hamet pages 123-124.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 361 et 408.
- Jean Quellien (1992), sur le site non officiel de Beaucoudray, peut-être extrait de son livre Résistance et sabotages en Normandie, paru pour la première fois en 1992 aux éditions Charles Corlet.
- Journal de Marcel Cimier, Les incompris, publié en 1995 par les archives départementales et le conseil général du Calvados dans un recueil de témoignages rassemblés par Béatrice Poule dans la collection Cahiers de Mémoire sous le titre Déportés du Calvados, p. 93.
- Archives départementales du Calvados, archives en ligne ; état civil de Campagnolles N.M.D. 1895-1910 (cote 4 E 11854), registre des naissances de l’année 1898, acte n° 14 (vue 31/356) ; registre matricule du recrutement militaire pour l’année 1918, bureau de Falaise, n° 1-500, matricule 450 (vues 802-803-897).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 497 (24749/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Yves JAHAN – 45682

Yves, Noël, Jahan naît le 30 décembre 1908 à Mont-de-Marsan (Landes), fils de François Jahan, inspecteur des écoles primaires, et de Marie-Louise Delépine, son épouse.

Yves Jahan fait ses premières études au lycée de Mont-de-Marsan et ses études supérieures à la Sorbonne à Paris (licence ès Lettres, diplôme d’Études supérieures). Il est alors pensionnaire à la Cité Universitaire, professant des idées anarchistes, selon la police.

En 1931, Yves Jahan enseigne comme professeur de Lettres au lycée du Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime). L’année suivante, il est nommé comme titulaire au collège de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais).

En 1936, il est nommé au collège Augustin Thierry de Blois (Loir-et-Cher). Il demeure alors avenue de Châteaudun.

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Blois. Les quais de la Loire et le collège (à droite).
Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive.

L’inspecteur d’Académie du Loir-et-Cher le décrit (en 1947) comme « très cultivé, pédagogue né, adoré de ses élèves, d’une valeur exceptionnelle. Il avait la meilleure influence sur les enfants, sans jamais prononcer de punition. ».

Secrétaire de la section communiste de Blois, Yves Jahan est désigné comme responsable du Parti communiste pour l’arrondissement de Blois. En octobre 1937, il est le candidat (sans succès) de son parti au Conseil général (canton de Blois-Ouest ).

En 1938, il devient le secrétaire départemental du Syndicat des professeurs de collège. La même année, le 30 novembre, il est l’un des quatre professeurs de collège du département (sur 139) qui répondent à l’ordre de grève lancé par la CGT pour défendre les conquêtes sociales du Front populaire.

Son activité politique se traduit notamment par des prises de parole lors d’un meeting des Comités antifascistes du Loir-et-Cher en décembre 1937, et lors d’une réunion du mouvement « Paix et Liberté » mettant en cause la responsabilité de l’Angleterre dans la politique de non-intervention en Espagne (le 24 janvier 1938).

Yves Jahan est marié et père de deux filles.

À la dissolution du Parti communiste, Yves Jahan dépose à à la préfecture du Loir-et-Cher une déclaration écrite par laquelle il affirme rompre toute attache avec le Parti dissous. Après cette date et malgré des filatures effectuées lors de fréquents voyages à Paris, la police ne peut rien retenir contre lui.

En avril 1941, en raison de ses activités politiques antérieures, le ministère de l’Éducation nationale déplace Yves Jahan au collège de Compiègne (Oise) où il reste l’objet d’une surveillance étroite par la police française, le préfet du Loir-et-Cher alertant celui de l’Oise de cette mutation dès le 10 avril, et le commissaire spécial de Blois prévenant son homologue de Beauvais le 12 avril.

Après son arrestation, la police le déclare domicilié au 71, rue du Cardinal-Lemoine à Paris 5e (adresse de son épouse), mais il dispose peut-être d’un logement de fonction au collège de Compiègne.

Compiègne. Le collège. Carte postale non datée (années 1900 ?). Collection Mémoire Vive.

Compiègne. Le collège. Carte postale non datée (années 1900 ?). Collection Mémoire Vive.

Le 9 juillet 1941, la police allemande l’arrête sur le lieu de sa nouvelle affectation, au sortir de son cours. Désigné comme otage sur une liste du Loir-et-Cher, l’ordre d’arrestation l’a suivi jusque-là depuis la Kommandantur de Blois. Il est conduit à pied au camp de Royallieu, tout proche, où il est inscrit sous le matricule 1299.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Dans ce camp de détention allemande, il donne des conférences : « La vie des mots », « Le rêve », « Le rire », « Le siège de Trois n’aura pas lieu 

[?] », « La naissance des mers », « L’homme de Cro-Magnon à Broadway [?] »… « Érudit, plein d’humour, devant des auditoires chaque jour plus nombreux », il enseigne l’Histoire et l’Art, le latin et la psychologie (dans l’horaire des cours reproduit ci-dessous, son nom est noté « JAHAU »)

Emploi du temps des cours donnés par l’organisation des détenus, noté par Angel Martin le 16 mars 1942.  Collection José Martin, son frère. Droits réservés.

Emploi du temps des cours donnés par l’organisation des détenus, noté par Angel Martin le 16 mars 1942.
Collection José Martin, son frère. Droits réservés.

Pendant une période, il est assigné au bâtiment A4 dont le chef est Georges Varenne, instituteur de l’Yonne (futur “45000”). Des réunions du Comité clandestin communiste s’y tiennent sous le prétexte de parties de belote.

Selon Louis Eudier, Yves Jahan gagne un concours d’échecs « où les pièces étaient des internés et le jeu d’échecs (aménagé) sur la place d’appel avec des couvertures ».

Le 20 février 1942, le chef de la Feldkommandantur 580 à Amiens (Somme) – ayant autorité sur les départements de la Somme et de l’Oise – insiste auprès du préfet de l’Oise afin que la fiche de chaque interné du Frontstalag 122 pour activité communiste demandées à l’administration préfectorale indique « son activité politique antérieure (très détaillée si possible), ainsi que les raisons qui militent pour ou contre sa prompte libération du camp d’internement ».

Le 10 mars, le préfet de l’Oise écrit au Ministre secrétaire d’État à l’Intérieur pour lui transmettre ses inquiétudes quant à cette demande : « Étant donné que parmi les internés du camp de Compiègne une vingtaine déjà ont été fusillés en représailles d’attentats commis contre les membres de l’armée d’occupation, il est à craindre que ces autorités aient l’intention de se servir de mon avis pour désigner de nouveaux otages parmi ceux pour lesquels j’aurais émis un avis défavorable à la libération. Me référant au procès-verbal de la conférence des préfets régionaux du 4 février 1942, qui précise “qu’en aucun cas les autorités françaises ne doivent, à la demande des autorités allemandes, procéder à des désignations d’otages”, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien me donner vos directives sur la suite qu’il convient de réserver à la demande dont je suis saisi… »

Le 13 avril, le commissaire principal aux renseignements généraux de Beauvais transmet au préfet de l’Oise soixante-six notices individuelles concernant des individus internés au Frontstalag 122 à Compiègne, dont dix-neuf futurs “45000”. Sur la notice d’Yves Jahan – à la rubrique « Renseignements divers » -, est rappelé son passé politique : « Ex-chef de la cellule communiste de Blois (Loir-et-Cher) et secrétaire régional du Parti. À milité très activement au sein du Parti ».

Le 23 avril, Madame Jahan écrit au préfet de l’Oise pour lui demander d’intervenir auprès des « autorités allemandes » afin d’obtenir la libération de son mari. Le 11 mai, elle réitère cette demande auprès de l’Inspecteur d’Académie de l’Oise.

Le 24 avril, Paul Vacquier transmet à la Feldkommandantur 580 les notices individuelles concernant des « personnes internées au camp de Compiègne, figurant sur la liste [qui lui a été] communiquée et domiciliées dans le département de l’Oise » qui mentionnent uniquement « des renseignements concernant l’état civil, la parenté et la situation matérielle ».

Enfin, le 29 juin, le préfet de l’Oise écrit à la Feldkommandantur 580 pour essayer d’obtenir la sortie du Frontstalag 122 de soixante-quatre ressortissants de son département – dont Yves Jahan – au motif « qu’aucun fait matériel d’activité communiste n’a été relevé à leur encontre depuis l’arrivée des forces allemandes dans la région », envisageant la possibilité d’interner certains d’entre eux « dans un camp de concentration français ». Sa démarche ne reçoit pas de réponse.

Le mal est probablement déjà fait : quand elles ont procédé à des arrestations dans l’Oise entre juillet et septembre 1941, les forces d’occupation ne disposaient-elles pas déjà d’informations et d’appréciations transmises par certains services de la police française ? N’en ont-elles pas obtenu d’autres par la suite ? Le préfet craignait la fusillade. Ce sera la déportation. Entre fin avril et fin juin 1942, Yves Jahan est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied  sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Yves Jahan est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45682. Sur sa photo d’immatriculation, il ne porte pas ses lunettes alors que d’autres détenus les ont sur le nez : a-t-il perdu les siennes lors de l’arrivée ?

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Yves Jahan se déclare alors sans religion (Glaubenslos) et professeur d’éducation physique. Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Yves Jahan est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Malade du typhus, il est sélectionné pour la chambre à gaz.Yves Jahan meurt à Birkenau, le 18 septembre 1942 d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [1], alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]).Sa femme et ses deux filles ignorent son sort jusqu’en juin 1945.

Tous les rescapés ont parlé avec admiration de cet homme d’une rare qualité.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 16-07-1994).

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant d’Yves Jahan, c’est le 20 octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Notice de P. Foulet, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 31, page 130.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 92, 127 et 128, 150 et 153, 371 et 408.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Texte d’une conférence donnée à Compiègne, annotée par Olivier Souef : Poésie pas morte – Livre d’Or de l’Enseignement public du Loir-et-Cher – Témoignages de rescapés du convoi : Roger Abada, Auguste Monjauvis, Henri Peiffer, Maurice Rideau.
- Horaires des cours de Compiègne (semaine du lundi 16 mars 1942), notés par Angel Martin.
- Louis Eudier (45523), Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945, au Havre, sans date (1977 ?), pages 85 et 86.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 493 (31616/1942).
- Roger Arnould, article paru dans le journal de la FNDIRP, Le Patriote Résistant, n° 510, avril 1982.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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