François JUVIN – 45700

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

François, Marie, Maillard naît le 23 avril 1891 au Petit-Auverné (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique

[1] – 44), au domicile de son grand-père maternel, journalier âgé de 76 ans, fils de Philomène Maillard, 23 ans, domestique. Le 27 juin 1895, à Châteaubriant (44), François Marie Juvin, 32 ans, journalier, le reconnaît comme fils en épousant sa mère, alors cuisinière âgée de 27 ans.

Pendant un temps, il habite à Boussay, à la limite sud-est du département, et travaille comme « garde ».

Le 10 octobre 1912, François Juvin est incorporé au 64e régiment d’infanterie. Quand la guerre est déclarée, début août 1914, il reste mobilisé, rejoignant le front dès le 5 août. Le 1er septembre 1914, il est blessé à la cuisse gauche par éclat d’obus, mais n’est pas évacué. Le 4 février 1915, il est nommé soldat de 1re classe. Le 2 mars 1915, il est évacué pour une plaie légère par éclat d’obus. Le 24 avril, il est nommé caporal. Le 1er juillet 1916, à Estrée, un éclat d’obus lui occasionne une fracture du maxillaire inférieure gauche avec la perte de 12 dents ; il est évacué. Un mois plus tard, il est cité à l’ordre de son régiment : « Très bon caporal mitrailleur, brave et courageux, a été grièvement blessé auprès de sa pièce sur sa ligne de feu ». Le 6 novembre 1917, la commission de réforme de Nantes le réforme temporairement et le propose n° 1 avec gratification renouvelable n° 7 pour « néphrite chronique, hématurie, anévrisme artéto-veineux de la fémorale gauche opérée, imputable au service (?) ». Le 26 décembre 1918, la commission de réforme de Nantes le classe service auxiliaire pour séquelles légères de troubles circulatoires au membre inférieur gauche. Le 13 janvier 1919, il est rappelé à l’activité militaire au 1er régiment d’artillerie. Le 20 mars, il est mis en congé de démobilisation.

Le 5 septembre 1919, François Juvin est embauché comme cantonnier aux chemins de fer de la Compagnie du Paris-Orléans (CPO).

Le 7 juin 1918, à Nantes, il épouse Marguerite Marie Nicolas, née le 10 juin 1890 à Saint-Nazaire.Il adhère très tôt à la section nantaise du Parti communiste, et au Comité syndicaliste révolutionnaire dès 1921.

François Juvin est candidat communiste aux élections municipales de mai 1925 sur la liste “Bloc ouvrier et paysan”

Fin août 1927, il est domicilié au 21, rue de la Motte-Piquet à Nantes.

En 1930, il est trésorier de “l’Étoile prolétarienne”, une association qui organise fêtes, concerts et réunions de propagande.

En 1931 et jusqu’au moment de son arrestation, François Juvin est domicilié au Val d’Or, commune d’Orvault, limitrophe de Nantes (44). Il est alors garde-barrière.

En octobre 1934, il est candidat communiste au Conseil d’arrondissement (2e canton de Nantes).
Lors des élections cantonales d’octobre 1937, le Parti communiste le présente comme candidat au Conseil général dans la circonscription de Nozay.

Le 23 juin 1941, François Juvin est arrêté par les Allemands [2]. Il figure en quinzième place sur une liste de trente « Funktionaere » (“permanents” ou “cadres”) communistes établie par la police allemande. Avec une vingtaine d’hommes arrêtés dans l’agglomération de Nantes, il est conduit au « camp du Champ de Mars » (s’agit-il de la salle des fêtes, également dénommée « Palais du Champ de Mars » ? à vérifier…).

Nantes. La salle des fêtes du Champ de Mars. Est-ce l’endroit où ont été rassemblés les militants arrêtés en juillet 1942 ? Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Nantes. La salle des fêtes du Champ de Mars.
Est-ce l’endroit où ont été rassemblés les militants arrêtés en juillet 1942 ?
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 juillet, François Juvin est parmi les vingt-quatre communistes (dont les dix futurs “45000” de Loire-Atlantique) transférés, avec sept Russes (juifs), au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, François Juvin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45700 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [3]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; François Juvin se déclare alors comme cheminot (Eisenbahner). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, François Juvin est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Là, il est assigné au Block 23 A, comme Georges Niquet, de Maisons-Alfort.

Le 21 juillet, il est admis à l’hôpital d’Auschwitz, dans le Block 20, celui des maladies contagieuses, avec Georges Niquet et Jean Coltey, de Langres. Il en sort le 27 juillet (?), mais s’y trouve de nouveau quelques jours plus tard.

François Juvin meurt à Auschwitz le 8 août 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp ; un mois – jour pour jour – après l’arrivée de son convoi. L’acte de décès indique indique pour cause – très probablement mensongère – de sa mort « entérite stomacale aigüe » (Akuter Magendarmkatarrh).

Sur les dix “45000” de Loire-Atlantique, il n’y eut que deux rescapés : Eugène Charles, de Nantes, et Gustave Raballand, de Rezé.

Le nom de François Juvin est inscrit parmi les déportés sur la plaque « À la mémoire des agents SCNF Résistants, arrondissement de Nantes, 1939-1945 ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 21-10-1994).

Notes :

[1] Loire-Atlantique : département dénommé “Loire-Inférieure” jusqu’en mars 1957.

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Son nom (orthographié « EUVIN Franz ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 365 et 408.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Bretagne (2002), citant : témoignages de Gustave Raballand et d’Eugène Charles, de Nantes.
- Archives départementales de Loire-Atlantique, site internet : recensement de 1931 à Orvault (p. 29).
- C. Geslin, notice in Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 31, page 338, citant : Arch. Dales Série M – Site Rail & Mémoire.
- Le Travailleur de l’Ouest, 1934 – état civil de Petit-Auverné.
- Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France, L’Humanité n° 14103 du 9 juillet 1937, page 4, “onzième liste…”).
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 819-820.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), archives : liste du Block n° 20, hôpital d’Auschwitz-I ; copie de l’acte de décès du camp ; registre de la morgue (microfilm n° 741/195).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 525 (18789/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-09-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Julien JURION – (45701 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Julien Albert Jurion naît le 25 avril 1895 à Renwez (Ardennes), chez ses parents, Émile Jurion, 40 ans, “manouvrier”, et Thérèse Odile Martin, 37 ans, son épouse.

De la classe 1915, Julien Jurion n’est pas recensé « en temps utile par suite d’un cas de force majeure » (occupation du département par l’armée allemande ?).

Le 16 février 1915, il a un fils, Pierre Julien.

Le 30 septembre 1916 à Renwez, Julien Jurion se marie avec Jeanne Henriette Toussaint, née le 8 janvier 1897 à Montcy-Saint-Pierre

[1].

Renwez. La mairie, la halle et l’église. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Renwez. La mairie, la halle et l’église.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 12 mai 1917, le couple une fille, Carmen, Amélie.

 Le 16 mai 1919, Julien Jurion est incorporé au 72e régiment d’infanterie comme soldat de 2e classe afin d’accomplir son service militaire. Mais, dès le 24 août suivant, il est mis en congé illimité de démobilisation.
En août 1919, ils habitent au Bout de la Ville, à Renwez.Le 9 mars 1921 naît Odette, le 1er avril 1926, Marcelle, et, le 16 mai 1934, Denise, toutes trois à Renwez.

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Julien Jurion est domicilié rue Léon-Spekam à Renwez, toujours dans le quartier du Bout de la Ville. En 1936, Henriette Jurion est « débitante ».

 Le 24 septembre 1938, lors de la crise des Sudètes débouchant sur les accords de Munich livrant la Tchécoslovaquie à Hitler, Julien Jurion est rappelé à l’activité militaire et affecté au 24e régiment de travailleurs. Il est renvoyé dans ses foyers le 3 octobre.
Il est alors secrétaire de la cellule communiste de Renwez.
Le 27 août 1939, il est de nouveau mobilisé et incorporé au 23e R.T. Mais il est renvoyé dans ses foyers le 30 octobre, sans affectation et dégagé de toutes obligations militaires, comme père de famille nombreuse (cinq enfants).
Le 19 octobre 1941, Julien Jurion est arrêté à son domicile par la Feldgendarmerie lors d’une vague d’arrestations contre des membres présumés du Parti communiste clandestin. Avec d’autres détenus, il est conduit à la prison de Charleville et enfermé dans une cellule individuelle.

Charleville, la place Carnot au début des années 1900. À fond, la Maison d’arrêt. Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Charleville, la place Carnot au début des années 1900. À fond, la Maison d’arrêt.
Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Le 22 octobre à l’aube, il est parmi les sept détenus – dont Ernest Tréseux, de Sedan – conduits à la gare pour monter dans un wagon réservé. Le jour-même à 12 heures, ils arrivent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où Julien Jurion est enregistré sous le matricule n° 1842.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Julien Jurion est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45701 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Julien Jurion.

Il meurt à Auschwitz le 29 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 245 du 21-10-1994).

Notes :

[1] Montcy-Saint-Pierre fusionne avec les communes de Charleville, Mézières, Mohon et Étion, le 1er octobre 1966, pour former la commune de Charleville-Mézières (préfecture des Ardennes), dont elle devient un quartier.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Julien Jurion, c’est effectivement le 6 juillet 1942 « en Allemagne » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 360 et 408.
- Archives départementales des Ardennes (AD 08), site internet du Conseil général, archives en ligne : registre matricule du recrutement militaire, bureau de Mézières, classe 1915 (1 R 286 – n° 999-1100), matricule 1035 (vues 67-68/182).
- Archives départementales de l’Aisne (AD 02), Laon : dossiers du commissariat régional aux Renseignements généraux, partis politiques des départements voisins, Ardennes, Somme et Oise (970w58).
- P. Lecler, Le mémorial de Berthaucourt, martyrologe de la Résistance ardennaise, citant : une lettre de Jules Ruchot à Henri Manceau (11-01-1954) ; Archives départementales des Ardennes (« Cabinet du préfet, dossiers des personnes arrêtées par les autorités allemandes ») 1W42-55.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 : relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 523 (38075/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Jacques JUNG – 45699

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Jacques (Charles ?) Jung naît le 23 juillet 1898 à Brumath (Bas-Rhin), en Alsace annexée au Reich allemand, fils de Joseph Jung, journalier, et Joséphine Zissel.

Le 23 avril 1917, il est mobilisé au sein de l’armée allemande – qui incorpore les jeunes gens dès l’âge de 18 ans – au 19e régiment du Génie (jusqu’au 17 novembre 1918).

Le 6 avril 1920 à Moyeuvre-Grande (Moselle), il se marie avec Marguerite Matzel, née le 2 décembre 1899 dans cette commune. Ils ont neuf enfants : Mathias, âgé de 21 ans en septembre 1941, Charles (19 ans), Marie (18 ans), Fernand (16 ans), Georgette (14 ans), Jacqueline (11 ans), René (10 ans), Marguerite (7 ans), et Raymond (11 ans).

À Brumath, Charles Jung est inscrit au carnet “B”.

En avril 1930, la famille emménage à Homécourt (Meurthe-et-Moselle – 54).

Au moment de son arrestation, Charles Jung est domicilié au 13, rue Pierre-Sépulchre à Homécourt. Cinq enfants sont encore à la charge du couple lors de l’arrestation du chef de famille.

Charles Jung est ouvrier-ferblantier aux Forges et Aciéries de la Marine à Homécourt. Il est adhérent au Syndicat des Métaux.

L’usine Sidelor d’Homécourt après-guerre. Carte postale colorisée sur papier photographique. Collection Mémoire Vive.

L’usine Sidelor d’Homécourt après-guerre. Carte postale colorisée sur papier photographique. Collection Mémoire Vive.

Sous l’occupation, sa maitrise de l’allemand le conduit à participer à la rédaction de tracts destinés aux soldats de l’armée d’occupation.

Au printemps 1941, dans un rapport adressé au gouvernement de Vichy, le préfet Jean Schmidt signale la recrudescence récente de la propagande imprimée clandestine en Meurthe-et-Moselle, l’accompagnant d’une liste des arrêtés d’internement administratif d’une durée de quinze jours qu’il a signé à l’encontre d’ex-militants communistes : 28 pour l’arrondissement de Nancy, 7 pour l’arrondissement de Lunéville, 6 pour l’arrondissement de Briey. Dans ce dernier secteur, l’arrêté concernant Jacques Jung a été pris le 3 mars, et celui-ci a été conduit à la Maison d’arrêt de Briey dès le lendemain.

Le 24 juin 1941, Charles/Jacques est arrêté par la « police allemande » (Feldgendarmerie ?) sur son lieu de travail dans le cadre de l’Aktion Theoderich 

[1]. D’abord conduit au quartier allemand de la Maison d’arrêt de Briey, il est transféré le 18 juillet à la prison Charles III de Nancy, puis interné deux jours plus tard au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le 8 juillet, Jacques Jung est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45699 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Jacques Jung est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 15.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août, Jacques Jung est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I.
Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Jacques Jung est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine”, au Block 10, en préalable à un transfert.

Le 29 août, il est parmi les trente “45000” intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL [2] Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. Jacques Jung y est enregistré sous le matricule 94261. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont assignés au Block 66.

Jacques Jung est affecté au Kommando Rathenow travaillant pour la firme Bayer. Il est alors assigné au Block 8.

Le 21 avril 1945, Sachsenhausen est évacué à marche forcée en direction de Schwerin, puis de Lübeck et Hambourg ; certains “45000” sont libérés en cours de route. Jacques Jung est libéré le 26 avril ; le 1er juin, à Flischleck-sur-Elbe, il est répertorié par « Mademoiselle Jungelson » (Olga Wormser-Migot) sur une liste de déportés passés par Auschwitz.

Il est rapatrié en France par Nancy le 5 juin.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945.
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

Le 2 avril 1946, à la mairie d’Homécourt, Jacques Jung et Giobbe Pasini signent conjointement une attestation selon laquelle : « Le déporté Passeri Natale est tombé malade durent la période 1942-1943 en raison de sa faiblesse générale (manque de nourriture) et du typhus. Il est rentré dans le bloc des malades et n’est jamais reparu. Le 14 août 1943, lorsque l’ordre donné par la gestapo de mettre tous les Français en quarantaine a été exécuté, il n’existait déjà plus. Le 4 juillet 1943, nous avons eu l’autorisation d’écrire, et ce malheureux, à notre connaissance, n’a jamais écrit. Nous faisions partie du convoi du 6 juillet 1942 dirigé sur Auschwitz ». Le document est entièrement dactylographié, excepté le nom du disparu, les signatures et la date de leur légalisation par le maire ; il est possible que les deux rescapés aient complétés des documents identiques pour d’autres camarades décédés (à vérifier…).

Le 24 février 1951, il remplit un formulaire de demande du titre de Déporté politique, exposant comme motif d’arrestation : « Suspecté de diffusion de tracts et connu pour mes positions politiques d’avant-guerre ». Ce titre lui est attribué par décision du 12 novembre 1952 (carte n° 1119.02973).

Jacques Jung décède le 25 novembre 1967.

Notes :

[1] Le carnet B : Dès sa création, à partir d’une instruction secrète de novembre 1912 visant le recensement des éléments antimilitaristes pour les neutraliser, il permet d’inscrire des personnes définies comme dangereuses pour l’ordre public (notamment les militants anarchistes). Après 1918, il liste les suspects français et étrangers susceptibles de divulguer aux puissances ennemies des renseignements concernant la défense nationale.
Révisé le 10 février 1922, selon les vœux du ministre de l’Intérieur, le carnet  B vise également “certains individus notoirement acquis aux idées extrémistes », susceptibles d’entretenir des troubles violents par une propagande qui porte à « l’action directe ». Certains communistes et syndicalistes révolutionnaires répondent à ces critères. Un répertoire général est donc tenu au ministère de l’Intérieur, à partir du duplicata d’un folio mobile et d’une notice individuelle envoyés par les autorités préfectorales ou militaires.
L’individu suspect se retrouve en fiche dans chaque brigade de gendarmerie et dans chaque préfecture dont dépend son domicile, ainsi que dans chaque état-major de corps d’armée dont dépend son affectation. Ces folios mobiles, transmis entre les différents centres de gendarmeries doivent permettre de suivre ses déplacements sans que l’intéressé en soit informé.
Ordonnées par les préfets et les généraux commandant les corps d’armée qui doivent suivre « personnellement » l’examen des dossiers, les inscriptions au carnet  B sont soumises, en cas de différend entre les deux parties civile et militaire, à la responsabilité commune des ministres de la Guerre et de l’Intérieur.
Sur proposition des autorités compétentes, et après acceptation du ministre de l’Intérieur, le carnet  B peut faire l’objet de révisions en ce qui concerne les individus qui se sont amendés ou n’étant plus susceptibles de fomenter ni d’exercer une action révolutionnaire à titre individuel ou collectif. Révision également nécessaire pour rayer les inscrits qui sont décédés, disparus ou partis dans d’autres pays depuis plus de deux ans.
L’article 10 du code d’instruction criminelle qui fonde la légalité d’un tel carnet donne au préfet toutes les attributions de police judiciaire du juge d’instruction, notamment le droit de faire des perquisitions et de remplir les formulaires de mandats de perquisition et d’amener. Une inscription au carnet  B , signifiait que l’individu pouvait être mis en état d’arrestation, sur une simple décision du préfet remplissant un formulaire en blanc préalablement annexé à son dossier individuel.
Même dans la période du Front populaire, le carnet  B a vu l’inscription de grévistes : Maria Iverlend a été inscrite dans celui de la Somme, le 1er octobre 1936, avec comme motif : « extrémiste militante depuis de longues années. A pris une part très active dans la conduite du mouvement de grèves et occupation des usines juin-août 1936. Violente et exaltée. »
Traitées à part, les listes de personnes surveillées par les renseignements généraux dépassaient largement le nombre de celles inscrites au carnet B.

Dans son livre, Treff Lutetia Paris, Oskar Reile, major en 1940 dans le groupe de recherche du contre-espionnage de l’Abwehr, raconte comment le capitaine Wiegand, à la fin du mois de juin 1940, a « trouvé dans les locaux, 11 rue des Saussaies à Paris les archives et fichiers parfaitement en ordre de la Sûreté nationale ». En janvier 1943, sous l’impulsion d’Oberg, les archives du ministère de l’Intérieur seront déplacés à la Wilhem-strasse, à Berlin. Deux bureaux de la Gestapo recevront la mission de traiter les informations du fichier central concernant les individus pour l’un, les associations et les partis politiques pour l’autre. En 1945, les archives de la Sûreté nationale seront sous contrôle soviétique (restituées en 1992 au gouvernement français).
En l’état actuel des connaissances, à défaut de listes précises, il semble impossible de reconstituer le nombre des individus ayant été inscrits au carnet  B ainsi que de connaître l’utilisation qu’en ont fait à la déclaration de guerre, les autorités françaises et après la défaite de 1940 son incidence sur le contrôle allemand de la population française et étrangère.

Le carnet B a été abrogé le 18 juillet 1947.

D’après Jean-Pierre Deschodt, Le carnet B après 1918, RIHM n° 82, Commission Française d’Histoire Militaire, en ligne sur WWW.STRATISC.ORG le site de la stratégie dans l’histoire

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme «  l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 348 et 349, 358, 368 et 408.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, Éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, Metz, registre cote 2R466, feuillet n° 1029 (message de Jean-Éric Iung, directeur des archives, de la mémoire et du patrimoine, adressé à Ginette Petiot le 26-02-2014).
- Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon : (cote 1630 W, article 252).
- Ministère de la Défense, Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Caen ; cartons Auschwitz (26 p 852) ; dossier de Jacques Jung (21 P 578 199), recherches de Ginette Petiot (message 12-2013).
- Jean-Claude Magrinelli, Ouvriers de Lorraine (1936-1946), tome 1, La collaboration franco-allemande dans la répression, pages 253-281 (liste d’internés administratifs, p. 260-263 ; reproduction du rapport mensuel de février 1941 du préfet Jean Schmidt au gouvernement de Vichy, p. 257-258) ;  tome 2, Dans la résistance armée, éditions Kaïros avril 2018, L’affaire d’Auboué, pages 199-227 (listes d’otages p. 205, 208-210).
- Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon : (cote 1630 W, article 252).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Louis, Roger, JUILLAND – 45698

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Louis, Roger, Durieux naît le 18 janvier 1915 à Lyon 1er (Rhône), chez sa mère, Émilie Jeanne Durieux, 31 ans, domiciliée au 8, rue Bodin, et de père alors non dénommé. Le 19 octobre 1918, à la mairie du 1er arrondissement de Lyon, l’enfant est reconnu par Antoine Juilland, né le 16 octobre 1873 à Premeyzel (Ain), baguetteur. Puis il est légitimé par le mariage de ses parents en cette mairie le 9 avril 1921 – sa mère a alors 37 ans et son père 47 ans ; ils habitent ensemble au 8 rue Bodin depuis la démobilisation d’Antoine, le 8 janvier 1919, du 19e escadron du train des équipages.

Les trois membres de la famille habitent toujours à cette adresse au printemps 1931.

Au moment de son arrestation, Roger Juilland est domicilié à Lyon (mais arrêté à Paris ?) ; son adresse reste à préciser.

À des dates et pour un motif restant à préciser, Roger Juilland est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roger Juilland est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45698 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, il semble que Roger Juilland soit dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

En effet, le 27 octobre – en même temps que ceux de Paul Monnet et Joseph Zerlia -, son nom est inscrit sur le registre des malades admis au Block 20 (contagieux) de l’hôpital du camp souche [1] avec la mention « K.L. Birkenau ». Il est affecté à la chambrée (Stube) n° 8.

Il meurt à Auschwitz le 17 février 1943, d’après les plusieurs registres du camp.

Notes :

[1] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”. Mais les « 31000 » et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme « Revier » : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 370 et 408.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 521 (8458/1943).
- Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (Archiwum Państwowego Muzeum Auschwitz-Birkenau – APMAB), Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), page 153 du registre du Block 20 de l’hôpital.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 03-06-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Faustin, dit Gaston, JOUY – (45696 ?)

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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Faustin, André, Norbert – dit Gaston – Jouy naît le 30 octobre 1917 à Canet-de-Salars (Aveyron ).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 7, rue des Bertaud à Rosny-sous-Bois

[1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93).

Il est peintre en bâtiment.

Le 1er août 1940, “Gaston” Jouy est arrêté à la suite d’une distribution de tracts, avec René Beaulieu, Eugène Omphalius et Albert Rossé, tous de Rosny.

Le 22 octobre, il est placé sous mandat de dépôt ou d’écrou.

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Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 8 février 1941, lors d’une audience au cours de laquelle sont jugés 48 militants communistes (dit « procès des cinquante » ?), dont dix-sept futurs “45000”, la chambre des mineurs (15e) du tribunal correctionnel de la Seine condamne Gaston Jouy à huit mois d’emprisonnement pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (propagande communiste). Comme les autres condamnés, il fait appel de la sentence le 28 février.

Il est possible qu’il ne soit pas libéré : le 18 mars, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, car considéré comme un « meneur communiste actif ».

Le 21 avril, “Gaston” Jouy est interné au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Val-d’Oise – 95), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Il y retrouve Édouard Beaulieu – le père de René – arrêté le 5 octobre 1940.

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Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,
le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Le 6 septembre 1941, avec celui-ci, il fait partie d’un groupe de 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camps français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

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Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”,
vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne),
Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 18 mars 1942, il est parmi les treize “jeunes” communistes « extraits par les autorités allemandes et transférés, pour des raisons qui n’ont pas été indiquées » au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; tous sont de futurs “45000” sauf André Giraudon, de Bourges, fusillé au Mont-Valérien le 9 mai 1942. Gaston Jouy y retrouve ses deux camarades, René Beaulieu et Eugène Omphalius.

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La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers
bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan, sur l’autre rive de l’Oise,
l’usine qui fut la cible de plusieurs bombardements
avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Gaston Jouy est sélectionné – avec cinq autres Rosnéens – parmi plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gaston Jouy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45696, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire – au cours duquel Gaston Jouy se déclare sans religion (Glaubenslos) -, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Gaston Jouy.

Il meurt à Auschwitz le 9 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp [2].

Son nom n’est pas inscrit sur le Monument aux morts de Rosny-sous-Bois.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 21-10-1994).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 386 et 408.
- Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue, une histoire, Les éditions de l’Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004, page 174.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) ; cartons “occupation allemande”, camps d’internements… (BA 2374), (liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
- Archives nationales, correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes, BB18 7042.
- Archives de Paris, archives judiciaires ; registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 14 janvier-12 février 1941.
- Archives départementales de la Vienne (AD 86), Poitiers ; camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 520 (n° 29894/1942).
- Site Mémorial GenWeb, Rosny-sous-Bois, relevé de Christiane Level-Debray (02/2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-01-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Rosny-sous-Bois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant Gaston Jouy, c’est le mois d’octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Orphée JOURNEL – 45695

Orphée, Aristophane, Bias, Journel naît le 6 août 1896 à Allenay (Somme – 80), fils d’Edmond, Léopold, Albert, Journel, 31 ans, limeur en cuivre, conseiller municipal, et de Marie-Céline, Pascaline, Delettre, son épouse, 28 ans, native de Béthencourt-sur-Mer, serrurière (les témoins sont un mouleur en cuivre et un « ouvrier en vis ». Aujourd’hui (2011), il existe encore sur la commune deux usines de décolletage : fabrication de vis, de boulons à partir de barres métalliques.

Lors du recensement de 1911 à Allenay, Orphée, 15 ans, est tourneur en cuivre chez Cagé. Son frère Argus, 21 ans, est mouleur en cuivre chez Morel. La mère n’apparaît plus au foyer, rue Saint-Ault. À 16 ans, Orphée est membre de la Société sportive d’Allenay, dans l’équipe de « balle au tambour » (?).

Le 9 avril 1915, Orphée Journel est mobilisé comme soldat de 2e classe au 120e régiment d’infanterie, qu’il rejoint deux jours plus tard. Le 16 août, il est détaché aux Chantiers de Penhoët à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Mais il rentre au dépôt de son régiment le 2 décembre. Le 26 avril 1916, il passe au 77e R.I. Le 19 septembre, il rejoint le 264e R.I., qui monte au front. Le 18 février 1919, il passe au 91e R.I. Le 22 février, il passe au 501e régiment de chars d’assaut. Le 30 août 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire à Allenay, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 25 octobre 1919 à Saint-Quentin-la-Motte-Croix-au-Bailly (80), il épouse Marie, Émilienne, Rachel, Monard. Ils auront huit enfants (cinq sont nés avant juin 1928, et ils seront sept en avril 1932).

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Droits réservés.

De 1926 à 1933, Orphée Journel est élu maire d’Allenay, sur la liste du parti communiste. Au cours de ses mandats, il agrandit le cimetière, aménage la mairie et fait ériger le monument aux morts de la guerre 1914-1918. Ces deux derniers sont inaugurés le 16 avril 1928 en présence du sénateur de la Somme, Amédée Pierrin. Orphée Journel participe également à l’inauguration de la salle des fêtes de l’Union fraternelle des anciens combattants d’Allenay.

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation du chef de famille, celle-ci habite au lieu dit Le Montois à Cayeux-sur-Mer (80). La police désigne Orphée Journel comme « débitant de boissons », mais la “patronne” est en fait son épouse ; sur la registre de recensement, lui n’est désigné que comme manouvrier (à La Courneuve ?).

Le 23 octobre 1941, Orphée Journel est arrêté comme otage communiste par la Feldgendarmerie

[1], parmi trente-et-une personnes – dont deux femmes – de l’arrondissement d’Abbeville. Ces personnes sont conduites à la Kommandantur d’Abbeville où elles sont interrogées. Vingt-six hommes sont conduits à la Maison d’arrêt d’Abbeville où ils passent la nuit dans un atelier gardé par des sentinelles allemandes.

Le 24 octobre, Orphée Journel fait partie des 38 personnes domiciliées dans le département de la Somme qui sont emmenées au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, celui-ci est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Orphée Journel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45695 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [3]).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Orphée Journel est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Orphée Journel est assigné au Block 4 (chambre n° 1) ; il y est désigné comme tourneur (« Dreher »), probablement affecté à un atelier du camp.
Le 20 juillet 1942, (arrivant du Block 23 ?) il est admis au Block 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz, celui des maladies contagieuses (le même jour que Marceau Lannoy, mais celui-ci en sort trois jours plus tard).

Le 3 août, Orphée Journel est envoyé à Birkenau, peut-être au Block 7, bâtiment de transit pour la chambre à gaz et fonctionnant comme un “mouroir”.

Chargement des morts et mourants pour les Krematoriums de Birkenau. Dessin de François Reisz, extrait de Témoignages sur Auschwitz, édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz au 4e trimestre 1946.

Chargement des morts et mourants pour les Krematoriums de Birkenau.
Dessin de François Reisz, extrait de Témoignages sur Auschwitz,
édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz au 4e trimestre 1946.

Il meurt le 13 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), un peu plus d’un mois après l’arrivée de son convoi. La cause mensongère mentionnée est une « faiblesse des valvules cardiaques » (Herzklappenfehler).

Fin septembre 1947, l’état civil français enregistre la date relevée dans les archives d’Auschwitz.

Après la guerre, à une date restant à préciser, le Conseil municipal d’Allenay donne le nom d’Orphée Journel à la rue de l’Église (rue centrale du village).

Son nom est inscrit sur le monument aux morts d’Allenay, en face du cimetière, et sur celui de Cayeux-sur-Mer, dans le cimetière, à l’entrée.

On y trouve également celui de son fils Guy, Jules, Constant, Journel, né le 12 juin 1928 à Allenay, arrêté le 14 juin 1944 à Cayeux-sur-Mer, mort en déportation.

Orphée Journel est déclaré comme “déporté politique”.

En août 1976, sa veuve habite au 29, rue du Mont-Roti à Cayeux-sur-Mer.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 21-10-1994).

Notes :

[1] Arrestations : dans l’arrondissement d’Abbeville, la Felgendarmerie a opéré « sans accord préalable avec l’autorité française », mais « avec l’assistance de gendarmes français demandés directement dans plusieurs brigades » pour « les résidences externes ».

[2] (De) Brinon : ancien journaliste et “ultra” de la collaboration, Fernand (de) Brinon était Délégué général du gouvernement de Vichy auprès des autorités militaires allemandes d’occupation. Quand des requêtes étaient formulées par les familles des détenus auprès de l’administration française, la Délégation générale les transmettait à la Commission d’armistice (bipartite), après enquête de la police ou de la gendarmerie pour s’assurer des conditions d’arrestation et de l’honorabilité du détenu. Une lettre était ensuite adressée aux familles sous couvert de l’organisme qui en avait fait la demande : elle leur annonçait que l’intervention avait eu lieu et leur faisait part de la réponse fournie par les autorités allemandes. Ainsi, un très grand nombre de fiches de la Délégation générale portent le nom de “45000” ; surtout après le départ du convoi, le 6 juillet 1942, et l’absence de nouvelles résultant de leur statut “NN”. La plupart de ces fiches se trouvent dans les dossiers d’état civil des déportés conservés au BAVCC (anciennement archives du secrétariat d’État aux Anciens Combattants).

[3] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin “Après Auschwitz”, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Son nom (orthographié « JOURNALL ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 82, 379 et 408.
- Archives départementales de la Somme, Amiens, site internet du conseil général, archives en ligne : état civil de la commune d’Allenay (2E 18/5), année 1896, acte n°3, vues 118 et 119/149 ; recensement de la population d’Allenay, année 1906, 6M18, vue 6/9 (27, rue Saint-Ault) ; registre des matricules militaires, bureau de recrutement d’Amiens, classe 1916 (cote 1R1100), n° 1199 (deux vues).
- Archives départementales de l’Aisne (AD 02), Laon : dossiers du commissariat régional aux Renseignements généraux, partis politiques des départements voisins : Ardennes, Somme et Oise (970w58).
- Site Les Morts pour la France, Somme.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 520.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) : acte de décès à Auschwitz (20017/1942), pages du registre du Block 20, page du registre du Block 4, page du registre d’appel général avec la liste des morts du 13 août 1942.
- Site Mémorial GenWeb, 80-Allenay et 80-Cayeux-sur-Mer, relevés de François Bronnec (2003).
- Basile Journel, petit-fils d’Orphée Journel (fil de Gilbert), messages 05 et 06-2012.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Esprit JOURDAIN – 45694

Esprit, Henri, Jourdain naît le 23 octobre 1913 à Concarneau (Finistère – 29), fils de Joseph Louis Jourdain, 22 ans, “boitier”, et de Victoria Charlotte Le Dars, 22 ans, son épouse. Esprit semble être le seul garçon de la famille : avant lui sont nées Victorine en 1904, Marie en 1905, Louise en 1907, Jeanne en 1909, et Marguerite en 1910, toutes à Concarneau.

Concarneau. Carte postale “voyagée” en 1961, collection mémoire Vive.

Concarneau. Carte postale “voyagée” en 1961, collection mémoire Vive.

En 1921, la famille habite au 11, rue Malakoff à Concarneau ; son père est alors “boitier”, sans emploi.

En 1931 et jusqu’au moment de son arrestation, Esprit Jourdain habite seul chez ses parents, rue Malakoff : il est célibataire.

Il est manœuvre sertisseur à l’usine de conserves Provost-Barbe.

Concarneau. Sertissage des boîtes de thon à l’usine Provost-Barbe. Carte postale oblitérée en 1938. Coll. Mémoire Vive.

Concarneau. Sertissage des boîtes de thon à l’usine Provost-Barbe.
Carte postale oblitérée en 1938. Coll. Mémoire Vive.

Il adhère aux Jeunesses communistes en 1936 ou en 1937, puis rejoint le PCF en septembre ou octobre 1939.

Il prend part à la restructuration de ce dernier et fait partie du premier groupe armé de l’O.S. (organisation spéciale).

Le 11 juin 1941, Esprit Jourdain est arrêté pour diffusion de tracts et propagande communiste, puis déferré le lendemain devant le parquet de Quimper avec Victor Louarn, de Concarneau, et deux autres suspects. Condamné à six mois d’emprisonnement, il est écroué à Quimper. Les autorités d’occupation exigent de prendre connaissance de son dossier…

Le 30 avril 1942, remis aux autorités d’occupation à leur demande, Esprit Jourdain est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; peut-être est-il enregistré sous le matricule n° 6556.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

 TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Esprit Jourdain est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45694 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par tous les “45000” à Birkenau – Esprit Jourdain est dans la moitié du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “Solution finale” (contexte plus meurtrier).

Le 8 janvier 1942, dans la chambre (Stube) n°3 du Revier 

[1] de Birkenau (Block n° 8 du secteur BIb), où il se trouve avec Joseph Matis, de Meurthe-et-Moselle, Esprit Jourdain reçoit 15 grains de Bolus Alba.

Esprit Jourdain meurt d’épuisement à Birkenau en février 1943, selon Victor Louarn, de Concarneau, qui a pu le voir à la veille de sa mort, grâce à André Seigneur, alors lui-même infirmier au Revier. Son nom ne figure pas dans les registres de décès du camp d’Auschwitz, mais ceux qui ont été retrouvés sont incomplets et comportent une lacune entre le 8 et le 16 février 1943 : Esprit Jourdain est probablement décédé entre ces deux dates.

Il est déclaré “Mort pour la France”.

Après la Libération, un certaine demoiselle Paulette Jourdain, domiciliée au 29, rue Berthollet à Paris 5e, semble s’inquiéter de son sort…

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Concarneau, dans le cimetière communal.

À une date restant à préciser, le Conseil municipal donne son nom à une rue de la ville.

Notes :

[1] Revier  : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation KB.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 364 et 408.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Bretagne (2002), citant : Témoignage de Victor Louarn (45805), de Concarneau – Archives municipales de Concarneau – Brochure “ Concarneau sous l’occupation”, 1985.
- Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; copies des pages 86 et 87 d’un registre de délivrance de médicaments aux détenus du Revier de Birkenau.
- Site Mémorial GenWeb, 29 – Finistère, Concarneau, relevé d’Alain Guivarc’h (01-2003).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 15-04-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Henri JOUFFIN – (45693 ?)

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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Henri, Jean, Jouffin naît le 3 octobre 1916 à Saignes (Cantal), fils d’Henri Jouffin, 34 ans, jardinier, alors mobilisé, et de d’Anna (Coullon ?), 27 ans, son épouse, jardinière.

Le 11 août 1914, son père, rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 1er août, a rejoint le 95e régiment d’infanterie, 10e compagnie. Le 20 décembre 1914, il a été évacué pour oreillons et dirigé sur des « hôpitaux inconnus » jusqu’au 1er février 1915 (époque de la conception de son fils ?).

Le samedi 23 octobre 1915, dans le secteur de la tranche Tête-à-Vache, en forêt d’Apremont (Meuse), Henri Jouffin père est blessé par un éclat de bombe à la cuisse droite, à l’avant-bras droit avec fracture du cubitus, et lésion à l’œil droit par éclat d’obus (ce jour-là, le régiment compte trois tués et trois blessés). Il est évacué aux hôpitaux de Commercy et de Neufchâteau. Puis, jusqu’au 13 décembre, il est à l’hôpital 103 de Nîmes. Après onze jours de convalescence, il rejoint le dépôt.
Le 1er juin 1916, il passe au 416e R.I. Le 18 janvier 1917, les pieds gelés, il est évacué vers une ambulance, puis, le 22 janvier, vers l’hôpital canadien de Troyes. Le 6 mars, il part en convalescence et revient aux armées le 28 mars. Le 25 avril 1918, lors de l’offensive allemande sur le mont Kemmel (Flandre occidentale, Belgique), Henri Jouffin père est atteint par balle aux testicules, puis fait prisonnier de guerre (le régiment a été à peu près anéanti). Rapatrié le 5 janvier 1919, Henri Jouffin passe au 139e R.I. Le 3 septembre suivant – pour sa dernière blessure – il est réformé n° 1 avec une invalidité permanente par décision de la commission de réforme de Clermont-Ferrand.

Le 1er avril 1921, la famille habite au lieu-dit Layre à Saignes.

En 1931, la famille habite au lieu dit “Givry” à Foëcy, commune limitrophe de Vierzon à l’est (Cher). Henri Jouffin père héberge la mère de son épouse, Anna (elle aussi), épouse Coullon, 63 ans. Pendant un temps, Henri Jean Jouffin suit une formation à l’école nationale professionnelle Henri-Brisson de Vierzon.

Vierzon. Atelier d’ajustage de l’École nationale professionnelle Henri Brisson. Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Vierzon. Atelier d’ajustage de l’École nationale professionnelle Henri Brisson.
Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Henri Jean Jouffin habite toujours chez ses parents. Il est resté célibataire.

Cette même année 1936, il est déclaré comme ajusteur à (la Compagnie des chemins de fer de) l’État ; à vérifier…

C’est un militant communiste.

À des dates et pour un motif restant à préciser, Henri Jean Jouffin est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Henri Jouffin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45693 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Henri Jean Jouffin.

Il meurt à Auschwitz le 16 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher)

[1].

Son nom (avec son deuxième prénom “Jean”) est inscrit parmi les déportés sur le monument aux morts de Foëcy, ainsi que sur la plaque commémorative apposée à l’intérieur du lycée technologique Henri Brisson de Vierzon, en hommage « Aux anciens élèves de l’École Nationale Professionnelle ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 21-10-1994).

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Henri Jouffin, c’est le 1er septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 362 et 408.
- Association des amis du musée de la Résistance et de la Déportation de Bourges, article dans La Nouvelle République du 31 janvier 2005.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 520 (36170/1942).
- Site Mémorial GenWeb : relevés de Guillaume Roelly (n° 28156), 01-2006) et Jérôme Charraud (n° 43134), 11-2008.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-11-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Gaston JOUANNET – 45692

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Gaston, (Alexandre ou Paul), Jouannet naît le 23 avril 1896 à Bouray-sur-Juine (Seine-et-Oise / Essonne – 91), fils Léopold Jouannet, 33 ans, journalier, et de Clémentine Perrin son épouse, 30 ans, sans profession.

Gaston Jouannet commence à travailler comme bûcheron.

La Première Guerre mondiale est déclenchée début août 1914. Le 13 avril 1915, Gaston Jouannet est incorporé comme 2e canonnier conducteur au 39e régiment d’artillerie. Il est « aux armées » à partir du 26 mai 1916. Le 1er octobre 1917, il passe au 234e régiment d’artillerie de campagne. Le 19 avril 1918, il passe au 104e régiment d’artillerie lourde. Le 1er janvier 1919, il passe au 4e escadron du train. Le 10 février 1921, la commission de réforme de la Seine lui reconnaîtra un invalidité inférieure à 10 % pour « troubles douloureux au niveau de la colonne dorsale, rattachés à une chute en juillet 1919 ». Le 14 septembre suivant, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire à Bouray.

Le 6 octobre 1919, il est embauché par la Compagnie des chemins de fer d’Orléans qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 

[1]. L’armée le classe affecté spécial comme manœuvre dans cette société du 1er juin 1920 au 31 mars 1922. Il passe alors à la Compagnie des chemins de fer du Nord.

À une date restant à préciser, Gaston Jouannet se marie avec Germaine Louise Lainé, née en 1899 à La Boissière(-… ?). Ils auront deux enfants, Gaston Ernest, né le 27 septembre 1921 à la maternité de La Salpétrière, Paris 13e, alors domiciliés au 29 rue de Patay (Paris 13e), et Suzanne Marcelle, née en 1924, à Sainte-Geneviève(-des-Bois ?).

En septembre 1927, il est affecté spécial comme chauffeur de route à Beauvais (Oise – 60), habitant au 3, rue Becquet (?) dans cette ville.

Le 10 juillet 1931, la commission militaire d’Amiens le reforme définitivement n°2, « sur pièces », pour : « A.T.D. Adénites cervicales multiples opérées ».

Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 9, rue de l’Ancienne École (ou des Anciennes Écoles) à Notre-Dame-du-Thil [2], commune limitrophe au nord de Beauvais (intégrée à la ville en 1943).. Gaston Jouannet est alors ouvrier spécialisé au dépôt SNCF de Beauvais, région Nord.

Beauvais. La gare, intérieur. Carte postale des années 1910. Coll. Mémoire Vive.

Beauvais. La gare, intérieur. Carte postale des années 1910. Coll. Mémoire Vive.

Le 10 juillet 1941, il est arrêté et rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) [3]. Il y est enregistré sous le matricule n° 1829, juste après Robert Henry, cheminot de Beauvais, et assigné pendant un temps au bâtiment A5 (ou 05 ?).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 20 février 1942, le chef de la Feldkommandantur 580 à Amiens (Somme – 80) – ayant autorité sur les départements de la Somme et de l’Oise – insiste auprès du préfet de l’Oise, Paul Vacquier [4], afin que la fiche de chaque interné du Frontstalag 122 pour activité communiste demandée à l’administration préfectorale indique « son activité politique antérieure (très détaillée si possible), ainsi que les raisons qui militent pour ou contre sa prompte libération du camp d’internement ».

Le 10 mars, le préfet de l’Oise écrit au Ministre secrétaire d’État à l’Intérieur pour lui transmettre ses inquiétudes quant à cette demande : « Étant donné que parmi les internés du camp de Compiègne une vingtaine déjà ont été fusillés en représailles d’attentats commis contre les membres de l’armée d’occupation, il est à craindre que ces autorités aient l’intention de se servir de mon avis pour désigner de nouveaux otages parmi ceux pour lesquels j’aurais émis un avis défavorable à la libération. Me référant au procès-verbal de la conférence des préfets régionaux du 4 février 1942, qui précise “qu’en aucun cas les autorités françaises ne doivent, à la demande des autorités allemandes, procéder à des désignations d’otages”, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien me donner vos directives sur la suite qu’il convient de réserver à la demande dont je suis saisi… »

Le 13 avril 1942, le commissaire principal aux renseignements généraux de Beauvais transmet au préfet de l’Oise soixante-six notices individuelles concernant des individus internés au Frontstalag 122 à Compiègne, dont dix-neuf futurs “45000”. Sur la notice qui le concerne – à la rubrique « Renseignements divers » -, Gaston Jouannet est qualifié de « Militant actif du Parti communiste. Distributeur clandestin de tracts. A été inculpé en 1941 dans une affaire de reconstitution d’un Parti dissous ».

Le 24 avril, Paul Vacquier transmet à la Feldkommandantur 580 les notices individuelles des « personnes internées au camp de Compiègne, figurant sur la liste [qui lui a été] communiquée et domiciliées dans le département de l’Oise » qui mentionnent uniquement « des renseignements concernant l’état civil, la parenté et la situation matérielle ».

Enfin, le 29 juin, le préfet de l’Oise écrit à la Feldkommandantur 580 pour essayer d’obtenir la sortie duFrontstalag 122 de soixante-quatre ressortissants de son département – dont Gaston Jouannet – au motif « qu’aucun fait matériel d’activité communiste n’a été relevé à leur encontre depuis l’arrivée des forces allemandes dans la région », envisageant la possibilité d’interner certains d’entre eux « dans un camp de concentration français ». Sa démarche ne reçoit pas de réponse.

Le mal est probablement déjà fait : quand elles ont procédé à des arrestations dans l’Oise entre juillet et septembre 1941, les forces d’occupation ne disposaient-elles pas déjà d’informations et d’appréciations transmises par certains services de la police française ? N’en ont-elles pas obtenu d’autres par la suite ? Le préfet craignait la fusillade. Ce sera la déportation.

Entre fin avril et fin juin 1942, Gaston Jouannet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gaston Jouannet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45692 selon les listes reconstituées et par comparaison avec un portrait civil d’avant-guerre.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ;  Gaston Jouannet se déclare alors comme cheminot (Eisenbahner). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Gaston Jouannet.

Il meurt à Auschwitz le 4 septembre 1942 – deux mois après l’arrivée de son convoi -, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) qui indique pour cause mensongère de sa mort « valvulopathie cardiaque » (Herzklappenfehler).

Il est déclaré “Mort pour la France”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 21-10-1994).

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] La commune de Notre-Dame-du-Thil est rattachée à Beauvais en 1943.

[3] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[4] Paul Vacquier, nommé préfet de l’Oise le 22 mai 1940, au début de l’offensive allemande, cherche ensuite à maintenir un semblant de souveraineté française à l’échelon local, ce qui lui vaut son départ le 30 octobre 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 369 et 408.
- Archives départementales de l’Essonne, site internet, archives en ligne, registre d’état civil de Bouray-sur-Juine, année 1896, acte n° 12, (cote 4E-3536-0138, vue 138/203)
- Archives départementales des Yvelines, site internet du conseil général, archives en ligne, registre des matricules militaires, bureau de recensement de Versailles, classe 1916 (cote ?), n° 1480 (vues 810-811/847).
- Archives départementales de l’Oise, Beauvais ; cote 33W 8253/1, exécutions d’internés, camp de Royallieu, mesures contre les communistes ; cote 141w 1162, Internement administratif.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 520 (27809/1942). Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; copie de l’acte de décès du camp.
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 813-814.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 19-09-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Roger JOSSELIN – (45 … ?)

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Archives communales de Seurre (21).
Droits réservés.

Roger, Jean, Josselin naît le 13 août 1920 à Dijon (Côte-d’Or – 21), 21 ruelle des Poussots, de Jean Josselin, 33 ans, coiffeur, et de Jeanne Juliette Didier, 30 ans, son épouse, ouvrière aux tabacs. Il a deux sœurs : Germaine et Andrée, âgées respectivement de 8 et 14 ans.

Dijon. La Manufacture nationale des Tabacs. Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Dijon. La Manufacture nationale des Tabacs.
Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Il a un an lorsque son père décède. Sa mère, toujours ouvrière des tabacs, élèvera seule ses trois enfants.

À l’été 1940, Roger Josselin est chômeur et demeure au 20 rue Neuve-Bergère à Dijon.

Il participe à une action de propagande au cours de laquelle un groupe de Jeunes communistes collent des “papillons” dans toute la ville et écrivent des slogans sur les murs avec du charbon de bois.

Les 30 septembre et 1er octobre, une douzaine d’entre eux sont arrêtés, dont Roger Josselin qui est pris à Dijon. En février 1941, un Tribunal les condamne à des peines allant de cinq à dix mois de prison 

[1]. Roger Josselin est condamné à cinq mois d’emprisonnement et à une amende.

Après sa sortie de détention – à une date restant à préciser, – il vient habiter à Seurre (21) et, pendant quelques mois, est préparateur en pharmacie dans cette ville (à Auschwitz, il se déclarera comme assistant en pharmacie « apothekergehilfe »).

Seurre, sur les bord de la Saône, après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Seurre, sur les bord de la Saône, après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

En juillet 1941, il est embauché comme terrassier aux établissements Pellerin et Lambert, entreprise de travaux publics de Seurre.

Le 6 septembre, Roger Josselin épouse Camille Pernelle à Dijon ; leur fils, Jean, naîtra début juin 1942.

En septembre également, il devient entraîneur de l’équipe de football du Club Sportif Seurrois.

En février 1942, Roger Josselin reçoit une convocation pour se présenter à la Kommandantur de Seurre [2]. Ne se doutant de rien, il s’y rend et est de nouveau arrêté, le 26 février, par les autorités allemandes pour activité communiste. Il est alors domicilié au 3 rue du Pont, 1er étage, à Seurre.

Le 1er mars, l’ingénieur de l’entreprise où il travaillait établit un certificat en sa faveur. Le Club Sportif Seurrois fait la même démarche.

Le 30 mars, sa mère, domiciliée à la même adresse, écrit au préfet de la Côte-d’Or pour demander la libération de son fils et un secours matériel, sa belle-fille enceinte se retrouvant sans ressources après avoir quitté son travail à la laiterie de Seurre.

Le 17 avril, le préfet de la Côte-d’Or demande au sous-préfet de Beaune des précisions sur les motifs et circonstances de son arrestation. Ce dernier lui répond le 27 avril que le maire de Seurre n’a aucun renseignement pouvant l’expliquer.

Le 4 mai, le préfet de la Côte-d’Or demande au maire de Seurre son avis pour l’attribution d’un secours d’extrême urgence ; sa lettre étant restée sans réponse, il renouvelle sa demande le 30 juin. La réponse du maire, en date du 16 juillet, précise que c’est l’épouse de Roger Josselin qui est sans ressources (sa mère perçoit une retraite) et donne un avis favorable à l’attribution d’un secours.

À une date restant à préciser (dès février ?), Roger Josselin est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Les 14 déportés de Côte-d’Or se regroupent dans le même wagon. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Roger Josselin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Roger Josselin.

Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [3]). Il a 22 ans.

Le 22 octobre, le préfet de la Côte-d’Or informe le maire de Seurre qu’il a fait une demande d’aide matérielle au délégué départemental du Secours national pour la famille de l’intéressé et lui demande de lui « préciser si M. Josselin se trouve toujours détenu par les Autorités allemandes ».

À Dijon, les noms de Roger Josselin et de Jean Bouscand sont inscrits sur la plaque commémorative du quartier des Poussots érigée par souscription sous l’égide du Secours Populaire Français : « 1939-1945 – A la mémoire des enfants des Poussots morts pour que vive la France ».

Plaque commémorative du quartier des Poussots à Dijon.

Plaque commémorative du quartier des Poussots à Dijon.

Le 12 avril 2007, le conseil municipal de Seurre donne le nom de Roger Josselin à une rue de la commune.Celui-ci est également inscrit sur le Monument aux morts.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 21-10-1994).

Notes :

[1] Suite à cette action de propagande, 14 jeunes communistes sont arrêtés par la police française les 30 septembre et 1er octobre 1940. Ils sont incarcérés puis déférés devant le tribunal correctionnel le 10 janvier 1941. L’audience du 14 février 1941 condamne 9 jeunes à 5 mois de prison, 2 à 8 mois et un à 10 mois de prison. Ils sont également condamnés à une amende. Deux d’entre eux nient tout et bénéficient d’un non-lieu : Marcel Caignol, élu secrétaire régional de la Jeunesse communiste en 1937 – tous les autres jeunes ont répondu lors de leur interrogatoire qu’il n’était pas leur chef – ainsi que Roger Butticaz.

Guy Hartweg décède à sa sortie de prison.

Plusieurs sont arrêtés une seconde fois. Jules Jacqueson est arrêté à Saint-Denis en 1944. Il est transféré à la Santé le 12 mars 1944, puis libéré le 17 août. Il participe à la libération de Paris. Alexandre Truchot, cheminot, passe dans la clandestinité et est fusillé le 20 septembre 1943 à Dijon. Marcel Caignol passe dans la clandestinité, il est arrêté le 28 février 1944 à Paris par la police française, puis dirigé sur un camp en Allemagne pour travailler dans une usine. Roger Butticaz est arrêté en juin 1941 puis interné à Compiègne. Roger Josselin est arrêté le 26 février 1942 à Seurre, interné à Compiègne puis déporté à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942.

Le quotidien Les Dépêches publie en septembre 1984 dans la rubrique « libre opinion » un article de Marcel Caignol intitulé « Un point d’histoire ». Il témoigne de l’engagement des jeunes communistes Côte d’Oriens très tôt dans la résistance (en août 1940, ils commencent à récupérer des munitions). Il dénonce également la position du quotidien de l’époque Le Progrès de Côte d’Or, journal collaborationniste, qui par exemple dans son numéro du 2 octobre 1940 parle de « La Juste répression de la propagande communiste ». Il évoque aussi les « mois de détention dans des conditions déplorables (privation, mitard) » de ce groupe de jeunes communistes arrêtés suite à cette action de propagande.

[2] Un motif d’arrestation inconnu : D’après la mémoire locale, Roger Josselin a été dénoncé, mais à ce jour aucune preuve matérielle n’a été découverte. Une fiche référencée en 6J 61-62 des archives départementales de la Côte d’Or précise qu’il est arrêté le 26/2/42 pour « activité communiste », sans autre précision. Par ailleurs, dans sa correspondance avec le Préfet de la Côte d’Or en date du 16 juillet 1942, le maire de Seurre écrit qu’il n’a pu obtenir aucune information sur les causes de cette arrestation. Une liste d’internés à Compiègne établie par la Préfecture en 1942 en vue d’accorder un secours aux familles dont le soutien a été arrêté par les autorités d’occupation, indique « raison inconnue » dans la colonne « motif de l’arrestation » en face du nom de Roger Josselin.

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’ Auschwitz-Isélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 363 et 408.
- Les communistes dans la Résistance en Côte-d’Or, édité par le PCF de Côte-d’Or, 1996, pages 14 et 111 (« Après la libération – Morts pour la France »).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 519.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès (31577/1942).
- Le Progrès de Côte d’Or, édition du 28 septembre 1940, article d’Emile Gauthrin intitulé « Le devoir », et édition du 15 janvier 1941, article intitulé « La répression de la propagande communiste ».
- Les Dépêches, septembre 1984, rubrique Libre opinion, article intitulé « Un point d’histoire » de Marcel Caignol.
- Jean-Paul Lamy, site internet Mémorial GenWeb, 2002.
- Archives départementales de Côte-d’Or, fonds : cotes 6J 61 à 62 (fiches individuelles des déportés de Côte-d’Or, don de Pierre Gounand, historien), cote 1630W, article 244.
- Site internet archives.cotedor.fr (recensement de la population de Dijon en 1921).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26 avril 2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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