Raymond VINCHE – (46197 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Raymond, Georges, Vinche naît le 20 janvier 1913 à Noyon (Oise – 60), chez ses parents, Étienne Vinche, 39 ans, né en 1872, camionneur, et Élise Lampernesse, 34 ans, son épouse, domiciliés au 5 rue Calvin. Il a un frère Arthur, né le 6 décembre 1903, à Noyon, et une sœur, Étiennette, née  le 17 mai 1917 rue Calvin à Noyon (les deux parents sont alors “manouvriers”).

Noyon est occupée deux fois par l’armée allemande : du septembre 1914 à mars 1917, puis, lors de la bataille du Kayser, du 24 mars (jour où la population civile est évacuée) au 30 avril 1918 ; la ville étant aux mains de l’ennemi, l’artillerie française positionnée sur les hauteurs du Mont Renaud dominant la cité fait pleuvoir sur elle un déluge d’obus afin de stopper les Allemands dans leur progression vers Compiègne. Un soldat allemand, témoin de cette lutte acharnée, écrira : « La jolie ville de Noyon, avec sa magnifique cathédrale encore intacte au bout de trois ans de guerre de 1914 à 1917, a été en moins de trois semaines réduite en un monceau de ruines sous le feu de l’artillerie française du plus gros calibre. »  (source Wikipedia, Bataille de Noyon).

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Noyon en 1918. La rue d’Amiens. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Noyon en 1918. La rue d’Amiens. Carte postale, collection Mémoire Vive.

En 1921, la famille Vinche habite boulevard Mony (sans n°). Son père est alors employé du “ministère des régions libérées” et son frère Arthur est camionneur.

Après ses études primaires, Raymond Vinche exerce le métier de menuisier. Lors du recensement de 1931, il habite chez ses parents, chemin de l’Éperon à Noyon. Il est alors menuisier chez Anglès.En 1934, il adhère au Parti communiste dont il est, à partir du Front populaire, l’un des militants les plus actifs dans le Noyonnais. Il milite aussi très activement sur le plan syndical.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 7, rue de Metz à Noyon. Il est célibataire.

Le 7 juillet 1941, Raymond Vinche est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il y est enregistré sous le matricule n° 1293.

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Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 20 février 1942, le chef de la Feldkommandantur 580 à Amiens – ayant autorité sur les départements de la Somme et de l’Oise – insiste auprès du préfet de l’Oise, Paul Vacquier [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], afin que la fiche de chaque interné du Frontstalag 122 pour activité communiste demandée à l’administration préfectorale indique « son activité politique antérieure (très détaillée si possible), ainsi que les raisons qui militent pour ou contre sa prompte libération du camp d’internement ».

Le 10 mars, le préfet de l’Oise écrit au Ministre secrétaire d’État à l’Intérieur pour lui transmettre ses inquiétudes quant à cette demande : « Étant donné que parmi les internés du camp de Compiègne une vingtaine déjà ont été fusillés en représailles d’attentats commis contre les membres de l’armée d’occupation, il est à craindre que ces autorités aient l’intention de se servir de mon avis pour désigner de nouveaux otages parmi ceux pour lesquels j’aurais émis un avis défavorable à la libération. Me référant au procès-verbal de la conférence des préfets régionaux du 4 février 1942, qui précise “qu’en aucun cas les autorités françaises ne doivent, à la demande des autorités allemandes, procéder à des désignations d’otages”, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien me donner vos directives sur la suite qu’il convient de réserver à la demande dont je suis saisi… »

Le 13 avril 1942, le commissaire principal aux renseignements généraux de Beauvais transmet au préfet de l’Oise soixante-six notices individuelles concernant des individus internés au Frontstalag 122 à Compiègne, dont dix-neuf futurs “45000”. Sur la notice qui le concerne – à la rubrique « Renseignements divers » -, est rappelée l’activité politique antérieure de Raymond Vinche : « Ex-secrétaire appointé de la cellule et du rayon communiste de Noyon. Propagandiste très actif ».

Le 24 avril, Paul Vacquier transmet à la Feldkommandantur 580 des notices individuelles concernant les « personnes internées au camp de Compiègne, figurant sur la liste [qui lui a été] communiquée et domiciliées dans le département de l’Oise » qui mentionnant uniquement « des renseignements concernant l’état civil, la parenté et la situation matérielle ».

Enfin, le 29 juin, le préfet de l’Oise écrit à la Feldkommandantur 580 pour essayer d’obtenir la sortie du Frontstalag 122 de soixante-quatre ressortissants de son département – dont Raymond Vinche – au motif « qu’aucun fait matériel d’activité communiste n’a été relevé à leur encontre depuis l’arrivée des forces allemandes dans la région », envisageant la possibilité d’interner certains d’entre eux « dans un camp de concentration français ». Sa démarche ne reçoit pas de réponse.

Le mal est probablement déjà fait : quand elles ont procédé à des arrestations dans l’Oise entre juillet et septembre 1941, les forces d’occupation ne disposaient-elles pas déjà d’informations et d’appréciations transmises par certains services de la police française ? N’en ont-elles pas obtenu d’autres par la suite ? Le préfet craignait la fusillade. Ce sera la déportation.

Entre fin avril et fin juin 1942, Raymond Vinche est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Raymond Vinche est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46197, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) : Raymond Vinche se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Raymond Vinche.Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2], alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [3]).

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Noyon, à côté de la Cathédrale. Y figure également un nommé Robert Vinche, sans davantage de précision : un parent ?

Notes :

[1] Paul Vacquier, nommé préfet de l’Oise le 22 mai 1940, au début de l’offensive allemande, cherche ensuite à maintenir un semblant de souveraineté française à l’échelon local, ce qui lui vaut son départ le 30 octobre 1942.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Raymond Vinche, c’est octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, CD-rom, version 1990-1997, citant : Lettre de Madame Leroi – Témoignage de militants.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, 127 et 128, 150 et 153, 368 et 422.
- Archives départementales de l’Oise, site internet , archives en kigne : registre de recensement de Noyon (6 Mp 538), année 1921, page 111 (vue 58), année 1931, page 79 (vue 46).
- Archives départementales de l’Oise, Beauvais : Exécutions d’internés, camp de Royallieu, mesures contre les communistes (33W 8253/1) ; Internement administratif (141w 1162).
- André Poirmeur, Compiègne 1939-1945, imprimerie Telliez, Compiègne déc. 1968, p. 18.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1277 (31436/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 60-Noyon, relevé de Cédric Hoock (2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Marcel VINCENT – 46196

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marcel, Eugène, VINCENT naît le 11 novembre 1907 à Maisons-Laffitte (Seine-et-Oise / Yvelines), chez sa mère, Marie Françoise Le Coq, 22 ans, domestique, domiciliée au 9, rue de l’Église, et de père alors « non dénommé ». Le 10 janvier 1914, à Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord / Côtes-d’Armor), l’enfant de six ans est légitimé par le mariage de sa mère avec Isidore Vincent, 26 ans.

En avril 1914, ils habitent au 11, avenue Gambetta, à Paris 20e.

Suite au décret de mobilisation générale du 1er août 1914, son père, âgé de 33 ans, est rappelé à l’activité militaire et rejoint le 146e régiment d’infanterie le 11 août. Le 9 septembre, il est sur le front. Le 29 octobre, au combat de Bolante, il est blessé par balle à la main gauche. Le 8 janvier 1915, en Argonne, il est fait prisonnier, puis interné à Ameln. Il est rapatrié le 31 décembre 1918 et démobilisé le 8 mars 1919, se retirant à Isles-lès-Villenoy (Seine-et-Marne). Le 18 mars suivant, il se fait enregistrer au 12, rue Paul-Féval à Saint-Brieuc. Mais fin octobre 1921, il est de retour à l’Isles… En avril 1924, il habite rue d’Olivette, chez Monsieur Teste.

De la classe 1927 et du bureau de recrutement de Melun, Marcel Vincent est réformé n° 2.

Il est divorcé d’avec Renée Perney, avec laquelle il a eu un fils, René, né vers 1933, qui serait resté avec lui.

En 1931 et jusqu’au moment de son arrestation, Marcel Vincent est domicilié au 38, rue du Parc à Esbly (Seine-et-Marne), chez ses parents. En 1936, son père est manœuvrier pour différents employeurs à Esbly. Lui-même est peintre en bâtiment, artisan.

Adhérent au parti communiste de 1936 à 1939, Marcel Vincent est, pendant un temps, secrétaire de la cellule d’Esbly.

Le 18 octobre 1941, il est arrêté par « les troupes d’occupation » avec six autres habitants d’Esbly lors d’une rafle visant les communistes de Seine-et-Marne pris  otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte ayant eu lieu dans le département : 42 d’entre eux seront des “45000”.

Marcel Vincent est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Après son arrestation, son fils René est pris en charge par la mère de son ex-épouse, Madame veuve Perney, 77 rue de Villemomble à Gagny (Seine-et-Oise). Puis, en février, Renée Pernet reprend leur enfant.

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Vincent est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandises
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Vincent est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46196 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Marcel Vincent se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir (ainsi qu’en témoignera Raymond Montégut), Marcel Vincent est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Plus tard, il est admis au Block 20 de l’hôpital d’Auschwitz-I.

Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des inaptes au travail à la suite de laquelle 146 des 45000 sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]) : une commission de sélection est passée à l’hôpital.

Son père, Isidore Vincent, décède à Lagny le 3 avril 1958.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Marcel Vincent (J.O. du 1-09-2001).

Notes :

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 150 et 153, 378 et 401.
- Raymond Montégut (45892), Arbeit macht Frei, Éditions du Paroi (imprimeur), juin 1973, Recloses, Ury (77), page 245.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1277 (31523/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-10-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Stanislas VILLIERS – (46195 ?)

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© Ghislaine Villiers. Droits réservés.

© Ghislaine Villiers. Droits réservés.

Stanislas Villiers naît le 19 janvier 1889 à Villemanoche, au nord-ouest du département de l’Yonne, chez ses parents, Achille Villiers, 29 ans, vigneron, et Marie Villiers, son épouse, 22 ans, vigneronne. Celle-ci décède prématurément, avant 1912. Stanislas a – au moins – deux frères plus jeunes : Octave, né en mars 1890, et Léopold, né en juin 1891.

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Villemanoche. Carte postale des années 1950. © Éditions La Pie. Collection Mémoire Vive.

Villemanoche. Carte postale des années 1950.
© Éditions La Pie. Collection Mémoire Vive.

D’un bon niveau d’études primaires, Stanislas Villiers commence néanmoins à travailler comme charretier cultivateur.

Le 3 octobre 1910, il est incorporé au 153e régiment d’infanterie, à Troyes (?), dans l’Aube, afin d’accomplir son service militaire. Le 26 septembre 1911, il est nommé caporal. Le 25 septembre 1912, il est « envoyé dans la disponibilité », avec un certificat de bonne conduite. Dans la réserve de l’armée d’active, il est classé en affectation spéciale comme manœuvre aux Chemins de fer du Nord du 1er novembre 1913 au 5 mai 1914.

Au début de son retour à la vie civile en octobre 1912, Stanislas Villiers habite au 181 bis, rue du Faubourg-Saint-Denis, à Paris 10e. Par la suite, il emménagera au 70, rue des Poissonniers, à Paris 18e.

Le 4 août 1914, suite au décret de mobilisation générale, Stanislas Villiers rejoint à Rouceux, près de Neufchâteau (Vosges), l’unité à laquelle il a été affecté, le 360e régiment d’infanterie, appartenant à la 140e brigade de réserve, elle-même intégrée à la 70e division de réserve. Le 8 août, après avoir été rassemblé, le régiment se met en marche et gagne le centre de résistance du plateau de La Rochette, devant Nancy (Meurthe-et-Moselle). Le baptême du feu à lieu le 20 août, lors d’une offensive française dans le secteur de Jallaucourt, en Lorraine annexée (bataille de Lorraine).

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Tirailleurs en 1914, portant l’uniforme du début de la guerre ; Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Tirailleurs en 1914, portant l’uniforme du début de la guerre ;
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 25 août, un engagement à l’ouest d’Hoéville met hors de combat 19 officiers et 900 hommes de troupe, tués ou blessés. Au cours du mois de septembre, le régiment est engagé dans de violents affrontements lors de la bataille du Grand-Couronné, notamment les 4 et 5, dans le secteur de Réméréville.

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Réméreville, « aspect du village après le passage des barbares ». Carte postale, collection Mémoire Vive.

Réméréville, « aspect du village après le passage des barbares ».
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 29 septembre, à la gare de Mazéville-Saint-Georges, le 360e R.I. embarque en son entier dans un train militaire qui contourne la ligne de front par Melun, Versailles et Mantes pour arriver le 1er octobre à 8 heures à Méricourt-sous-Lens (Pas-de-Calais), après quarante heures de voyage. D’après les derniers renseignements, l’armée allemande occupe Douai ; la 70e Division a pour mission de se rassembler dans la région Gavrelle/Fresnes-les-Montauban, entre Arras, Lens et Douai, et doit être prête à se porter vers le sud. La marche s’effectue en deux colonnes : la 139e Brigade, à gauche ; la 140e Brigade, à droite. Le 360e R.I. forme le régiment d’avant-garde de la brigade, en suivant l’itinéraire Noyelles, Méricourt, Fresnoy, Oppy, Gavrelle. Les 20e et 17e compagnies forment la pointe d’avant-garde. À 10 h 30, rejointes par l’escadron divisionnaire, elles dépassent la crête située entre Oppy et Gavrelle quand éclate une violente fusillade venant des lisières de Gavrelle, appuyée de coups de canon venant du moulin à vent situé au nord-est du village. « C’est une véritable surprise ; le régiment tombe sur une organisation défensive de tranchées allemandes, alors que, d’après les renseignements recueillis auprès du commandement, quelques cavaliers seuls tenaient Gravelle. Tous les officiers de ces deux compagnies disparaissent, ainsi que le chef de corps… » Encerclées par un ennemi supérieur en nombre, les deux compagnies sont presque entièrement anéanties. Ceux qui ne sont pas tués sont faits prisonniers. Les survivants et d’autres compagnies du régiment défendent alors le village d’Oppy. « À 20 heures, une violente canonnade est dirigée sur Oppy par l’artillerie allemande. [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][…] À 20h40, [profitant du redéploiement d’autres unités françaises] l’infanterie allemande attaque le village […] par le Nord et l’Est. […] Le 360e est obligé de battre en retraite sur la ligne Arleux-Bailleul après une résistance énergique faite sur la ligne Nord-Sud, 20 mètres à l’Ouest du bois d’Oppy par trois compagnies. L’ennemi ne poursuit pas et occupe Oppy. » Cette offensive allemande est désignée comme la bataille d’Arras et est antérieure à la guerre de tranchées.

Au cours de cette journée du 2 octobre 1940, dans « la défense d’une position violemment attaquée », le caporal Villiers, de la 17e compagnie, est très grièvement blessé au visage, dans la région lombaire et aux jambes par des balles et des éclats d’obus. Il perd l’œil gauche (énucléé et remplacé plus tard par une prothèse) et restera handicapé dans ses mouvements. Considéré alors comme « disparu », il est fait prisonnier par l’armée allemande puis interné à Münster, en Westphalie (ou à Munster (Haut-Rhin), en Alsace annexée ?), où il semble qu’il soit soigné pendant un an (jusqu’en octobre 1915). Le 31 juillet 1917, certainement jugé inapte au combat par les Allemands, il est libéré et rapatrié, rentrant « au corps » le 2 août (sous quel statut ?). Le 26 juillet, il a été cité à l’ordre de son unité : « Bon gradé, d’une belle attitude au feu ». Il reçoit la Médaille militaire et la Croix de guerre avec palme.

Le 10 décembre 1917, la Commission de vérification de Toulouse (Haute-Garonne) – Stanislas Villiers y est-il soigné ? – le propose pour une « pension de retraite de 5e classe n° 20 », validée par un décret présidentiel du 9 août 1918. Le 24 février 1926, la première Commission de réforme de la Seine le déclare « réformé définitivement n° 1 » avec une pension permanente de 80 %.

Pendant un temps, Stanislas Villiers est domicilié au 135, avenue du Pont-d’Épinay, à Gennevilliers (Seine / Seine-Saint-Denis – 93).

Le 23 janvier 1918, Stanislas Villiers entre comme “basculeur” (aiguilleur) à l’usine à gaz EFCM (Éclairage, Chauffage, Force motrice) de Gennevilliers. Il adhérera au Syndicat unitaire du Gaz de banlieue.

Gennevilliers. L’usine à gaz et un gazomètre dans les années 1900. Carte postale, collection mémoire Vive.

Gennevilliers. L’usine à gaz et un gazomètre dans les années 1900.
Carte postale, collection mémoire Vive.

Le 22 février 1919, à Épinay-sur-Seine [1] (93), Stanislas Villiers se marie avec Louise Loizard, née le 25 août 1891 à Épinay, couturière, habitant jusque-là chez ses parents au 22, rue de Paris ; son père est gardien d’usine. Le 17 décembre suivant, le couple a un fils, Bernard ; mais, deux semaines plus tard, le nouveau-né décède chez eux, au 3 ou 30, avenue de la République. En 1921, ils ont un autre enfant, Jacques. Le 9 mars 1923, Louise elle-même décède prématurément de maladie à leur domicile, alors au 8, rue Quétigny.

En 1924, Stanislas Villiers habite toujours à cette adresse. Il est machiniste. Cette année-là, habitent également à Gagny ses frères, Octave Achille, manœuvre, qui habite alors au 29, rue de Paris, et Gaston, ajusteur, domicilié au 12, rue de Quétigny.

Le 25 octobre 1924 à Épinay, Stanislas (« Stany ») Villiers épouse en secondes noces Edwige, Émilie, Meunier, née le 17 octobre 1897 à Mareil-en-France (Seine-et-Oise / Val-d’Oise). Ensemble, ils ont une fille, Ghislaine, née le 11 octobre 1925.

À des dates restant à préciser, la famille emménage au 8, rue Quétigny, puis au 3, avenue de la République, à Épinay.

Le 12 mai 1935, Stanislas Villiers est élu conseiller municipal d’Épinay-sur-Seine sur la liste du Parti communiste conduite par Joanny Berlioz.

Épinay-sur-Seine. La mairie dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Épinay-sur-Seine. La mairie dans les années 1900.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

En mai 1937, la famille emménage dans un pavillon loué au 3, rue Léguillon, à Épinay.

Fin 1939, Stanislas Villiers est révoqué de son emploi pour son engagement politique, puis bientôt réintégré après une vive campagne de protestation menée par ses camarades [2].

Le 29 février 1940, il est déchu de son mandat pour ne pas avoir publiquement renié son appartenance au PCF.

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L’Œuvre, édition du 18 mars 1940.
Archives de la préfecture de police. Paris.

Le 4 mars 1941, la police française effectue une perquisition à son domicile qui ne donne aucun résultat. Trois jours plus tard, Stanislas Villiers en rend compte dans un courrier qu’il adresse à un camarade interné au camp français d’Aincourt (Seine-et-Oise / Yvelines).

Le 1er avril suivant, il est de nouveau révoqué en application du décret du 17 juillet 1940.

Dans la période qui suit, il écrit plusieurs longues lettres (4, 10 et 25 mai) à différents détenus de ce camp (Guillou, Reix – l’un d’eux y est chef-jardinier…), afin de soutenir leur moral, leur donnant des nouvelles de camarades éparpillés dans d’autres lieux de détention (Chantelot, en traitement à l’hôpital de Troyes avant de « réintégrer son cloître », Fuchs, bientôt « en déplacement en Loire-Inférieure », Gouvenneau, cuisinier à Corbeil avant d’être libéré…), puis de Joanny Berlioz, prisonnier de guerre en Allemagne, dont l’épouse, Yvonne, vient lui rendre visite. Stanislas Villiers les informe également des évolutions de la situation dans la vie “civile” : en conséquence des restrictions de ravitaillement, le « rentier désœuvré » déclare avoir perdu 17 kilos en « comparant avec le temps de la prospérité ». Dans chaque courrier, il joint un timbre pour la réponse. Le 31 mai, il écrit depuis Villemanoche, au milieu des siens, où il est allé passer quelques jours pour se « refaire la cerise si possible ». Teintés parfois d’une légère ironie, ses écrits ne sont guère subversifs, probablement par précaution.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Néanmoins, ses lettres sont interceptées par l’administration du camp d’Aincourt. Le 11 juin, le sous-préfet de Seine-et-Oise écrit au préfet de police afin de lui signaler l’activité du nommé Villiers, individu qui adresse régulièrement des lettres rédigées très adroitement, dont l’une des dernières, adressée à l’interné Reix, a attiré l’attention des services de la censure du centre, écrits ne laissant aucun doute sur les convictions politiques de leur auteur. Pour preuve, sont jointes cinq lettres écrites par Villiers. Le sous-préfet de Seine-et-Oise préconise : « Il semble donc qu’une enquête approfondie […] pourrait aboutir à une mesure administrative d’internement ».

Le 24 juin, un rapport des renseignements généraux indique que, un mois plus tôt, Stanislas Villiers a eu une conversation avec la veuve C., commerçante au 12, rue de l’Église à Épinay. Madame C. : « Tu sais qu’on relâche : Decauchy est revenu ». Villiers : « Ah, bon ? Je vais tâcher de le voir ce soir ». Madame C. : « On leur donne une paire de chaussures, un costume et mille francs ». Villiers : « On peut leur donner cent mille francs. On ne lavera jamais le crime et l’infamie qu’on a commis contre eux. Du reste, je leur écris à tous pour les tenir au courant de ce qui se passe ». Madame C. : « Moi aussi, je me souviendrai de ce qu’on leur a fait ». Le rapport ajoute : « D’autre part, Villiers est soupçonné de se livrer à la distribution de tracts. Mais on déclare qu’il est très malin et qu’il est presque impossible de le prendre en flagrant délit ».

Le 26 juin 1941, Stanislas Villiers est arrêté par  deux policiers français habitant Épinay [3] pour propagande communiste clandestine. Remis aux “autorités d’occupation” à leur demande, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 –Polizeihaftlager) [2].

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Stanislas Villiers est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46185, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Stanislas Villiers.

Le 14 juillet, l’administration militaire du camp de Compiègne envoie à son épouse la carte-formulaire verte imprimée en allemand  indiquant que « … le détenu [ Villiers, Stanislas ] a été transféré dans un autre camp pour travailler. Le lieu de destination ne nous est pas connu, de sorte que vous devez attendre des nouvelles ultérieures… »

© Ghislaine Villiers. Droits réservés.

© Ghislaine Villiers. Droits réservés.

On ignore la date exacte de la mort de Stanislas Villiers à Auschwitz ; certainement avant la mi-mars 1943.

Après avoir été déclaré « décédé le 6 juillet 1942 à Compiègne », sa fille obtient une rectification, et la mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 29-01-1988), indiquant  « décédé le 12 juillet 1942 au camp de concentration d’Auschwitz » [5].

 Après la guerre, le nom de Stanislas Villiers est donné à la salle du restaurant d’entreprise des gaziers de Gennevilliers.
Par arrêté en date du 7 décembre 1949, le secrétaire d’État aux Forces armées prononce l’homologation de Stanislas Villiers au grade d’adjudant dans la Résistance intérieure française, mort pour la France.
Edwige, sa veuve – femme au cœur d’or -, décède en décembre 1967.

Notes :

[1] Gennevilliers et Épinay-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Selon le Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, Stanislas Villiers serait embauché pendant un temps à la Société des transports en commun de la région parisienne (STCRP, devenue RATP).

[4] L’ “ Aktion Theoderich ” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme «  l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des «  ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Stanislas Villiers, c’est d’abord le 7 juillet 1942 à Compiègne (Oise), puis le 12 juillet 1942 qui a été retenu pour certifier son décès ; date reprise par le DBMOF-Maitron. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 357, 385 et 423.
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, édition CD-rom 1990-1997, citant : Arch. dép. Seine, DM3 ; versements 10451/76/1 et 10441/64/2 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Archives départementales de l’Yonne (AD 89), site internet du conseil général, archives en ligne : état civil de Villemanoche, registres des naissances 1876-1898 (5 Mi 1351/ 10 N), année 1889, acte n°2 (vue 111/175) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau de Sens, classe 1909, n° de 1 à 500 (1 R 712), matricule 208 (vues 331 et 332/785).
- Ministère de la Défense, site internet Mémoire de Hommes, Journaux des marches et opérations des corps de troupe, journal du 360e régiment d’infanterie du 1er août 1914 au 3 juin 1915 (J.M.O.26 N 761/12 – vues 33/58 et 37/58).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1588-60479).
- Ghislaine Villiers, sa fille, conversation téléphonique (19-03-2014) ; entretien avec Emmanuelle Allaire (12-2014).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-05-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Julien VILLETTE – (46194 ?)

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Coll. Marcelle Villette. Droits réservés.

Julien, Henri, Paul, Villette naît le 1er juin 1921 à Déville-lès-Rouen, à l’ouest de l’agglomération de Rouen (Seine-Maritime [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] – 76), fils d’Henri Villette, 21 ans, et de Marcelle Benard, son épouse, 23 ans. Julien, l’aîné, a deux frères – Lucien, né le 31 décembre 1922, et Raoul, né le 10 mai 1928, nés à Rouen – et une sœur, Marcelle, née le 25 juillet 1933, à Maromme.

Scolarisé à l’école primaire de Notre-Dame-de-Mondeville, Julien Villette obtient son Certificat d’études à 12 ans. Début août 1933, il commence à travailler comme “petit” ouvrier aux Établissements Senard, usine métallurgique de Déville-lès-Rouen.

Il adhère et milite très rapidement au syndicat CGTU, puis CGT, après la fusion syndicale de 1936.

Julien Villette ne reste pas longtemps dans sa première entreprise : ayant pris la défense d’un de ses camarades de travail, son patron l’a repéré comme « avocat du peuple ». Pendant un temps, il est ouvrier du Textile, employé par les Établissements De Menibus à Déville-lès-Rouen (ex-filature Saint-Pierre)

Au moment de son arrestation, il habite à Maromme, commune voisine (76), probablement chez ses parents, domiciliés au 18, rue de Lorraine. Il est célibataire (il a 20 ans).

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Collection Marcelle Villette. D.R.

Adhérent des Jeunesses communistes en 1938, « il milite avec force », selon le témoignage de sa sœur. Il vend la presse de son parti dans toute la vallée (Le Prolétaire normandL’Avant-GardeL’Humanité). Il suit les cours politiques de l’école du Parti communiste.

Militant clandestin sous l’occupation, il distribue tracts et journaux.

Le 15 février 1941, son père, Henri Villette, est arrêté par des policiers du commissariat central de Rouen pour « distribution de tracts communistes, tant sur le chantier où il [travaille], à Croisset, que dans le restaurant où il [prend] ses repas ». Il est écroué à la Maison d’arrêt de Rouen. Le 14 mars suivant, le Tribunal correctionnel de Rouen le condamne à 13 mois d’emprisonnement. Le 5 juin, il est transféré à la Maison centrale de Clairvaux (Aube).

Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Julien Villette, alors désigné comme « ferrailleur » (dans le Bâtiment ?)…

Dans la nuit du 21 octobre 1941, à deux heures du matin, il est arrêté à Maromme par la police française, lors de la grande rafle de Rouen et de sa banlieue [2]

Julien Villette est emmené à la caserne Hatry de Rouen, enchaîné à son voisin, Léon Poyer.

Rouen. La caserne Hatry dans les années 1920. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Rouen. La caserne Hatry dans les années 1920. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 24 octobre, transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise). Enregistré sous le matricule n° 1910, il est assigné au bâtiment A3, chambre 10, puis au A2, chambre 8, où il se trouve en décembre.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Il suit différents cours organisés par les détenus : solfège, dessin industriel, anglais élémentaire, les « études psychologiques et philosophiques » dispensées par Jahan, « licencié es lettres, conférencier à la Sorbonne, Paris. ».

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Collection Marcelle Villette. Droits réservés.

Le 19 décembre, il écrit à sa mère : « Nous nous préparons avec les copains à préparer Noël le mieux possible où il y aura un peu de gaîté quand même. Je fais partie de la chorale et du chant individuel et je suis avec un copain de Paris metteur en scène bien connu qui me travaille la voix chaque jour et je fais des progrès assez visibles d’après lui. Aussi, voudrais-tu m’envoyer une boîte de Gargarismes de Luchon, car j’ai les cordes vocales malades, d’après lui. Je joue aussi de l’harmonica au concert et dans mes temps perdus, je confectionne des petits cadres. J’en ai fait un pour la photo de chez Féré et 2 autres aussi avec du linoléum. (…) Jean Delattre va bien et a trouvé mieux ici qu’à Clairvaux. Excuse-moi pour l’écriture, car j’ai froid aux mains. »

Le 31 janvier, il dédie un dessin à sa sœur Marcelle : « Oui, je veux évoquer ce triste jour d’hiver, car il vient fêter l’être qui m’est si cher ».

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Collection Marcelle Villette. Droits réservés.
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Un tour de garde… (gros plan).

À la mi-avril 1942, il dessine une vue réaliste du camp montrant les bâtiments utilisés par l’administration militaire allemande (B1, B2, D7) et reçoit une aquarelle d’un autre détenu, D. Roussel, cadrant la prison de la caserne et le Café de la Victoire derrière la palissade qui sépare le camp de la rue de Paris.

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Dessin daté du 12 avril. Crayons et encre.
Les deux bâtiments visibles de la caserne sont ceux
occupés par l’administration militaire allemande du camp.
Collection M. Villette. Droits réservés.
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Aquarelle de D. Roussel, « À mon ami Villette », daté du 17 avril.
À droite, le bâtiment au toit rouge est la prison de la caserne.
À gauche, au-delà des barbelés et de la palissade, on aperçoit
le Café de la Victoire, à l’extérieur du camp, rue de Paris.
Collection Marcelle Villette. Droits réservés.

Au printemps 1942, Julien Villette participe aux répétitions de la pièce de théâtre “Rosalie”, de MaxMaurey, qui couvrent le bruit des creuseurs de tunnel préparant l’évasion de la nuit des 21-22 juin [4].

Le 8 juin 1942, il est rejoint au camp par son père, Henri Villette, qui n’a pas été libéré de la centrale de Clairvaux à l’expiration de sa peine, le 16 mars, mais a été maintenu en détention sous le statut d’interné administratif en attendant d’être remis aux « autorités d’occupation » à la demande de celles-ci, conformément aux procédures ordonnées dans le « Code des otages ».

Entre fin avril et fin juin 1942, Julien Villette est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées. À la hauteur de Commercy, Julien Villette jette sur la voie un message qui sera posté à sa famille : « Lundi 6 juillet 1942. Chère maman et frères et sœur, je vous écris ce petit mot. Je suis dans le train et j’écris mal. On est 45dans les wagons à bestiaux et cahotés. Je suis parti de Compiègne ce matin 9 heures et demie. On est plus de 1100 qui partent. Tout de suite, on approche de la frontière allemande. J’ai bon espoir quand même et, surtout, ayez du courage comme moi j’en ai. Papa est resté à Compiègne. Vous recevrez bientôt ma valise avec souvenirs et affaires, vêtements que je vous renvoie. Mille baisers à tous et bon courage. Bonjour aux copains en espérant de vous revoir bientôt. Bonjour à G. R., René, R. etc. Pense à vous. Votre Julien. »

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Carte postale. Collection mémoire Vive.Le 8 juillet 1942, Julien Vilette est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 46194, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le chef du Block 19 terrorise les détenus en frappant deux d’entre eux jusqu’à ce qu’ils ne bougent plus. Puis il réclame un chanteur. Connu comme tel à Compiègne, Julien Villette est poussé par ses camarades et interprète plusieurs chansons, les larmes aux yeux. En récompense, il reçoit un morceau de pain et un peu de tisane (“Herbata”). Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire – au cours duquel Julien Villette se déclare sans religion (« Glaubenslos ») -, les “45000” sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Au mois d’août, après avoir été nommé par un SS qui l’a entendu chanter, Julien Villette est désigné comme Vorarbeiter (contremaître) d’un Kommando de déchargement des wagons, fonction qui « ne correspondait ni à son tempérament, ni à son idéologie sociale », selon Raymond Montégut. Eugène Garnier suggère qu’il aurait pu être assigné au camp de Birkenau…

Julien Villette meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Un rescapé (non connu) a relaté les conditions de sa disparition. Sachant qu’il est bon chanteur, un Kapo polonais venant d’exécuter un camarade sous ses yeux lui ordonne : « Puisque c’est ton ami, chante “Bel-Ami” ». Julien Villette refuse et est battu à mort.

Le 16 octobre 1945, Eugène Garnier écrit aux parents de celui-ci pour leur confirmer son décès (dont il n’a pas été témoin…).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 1-09-2001).

Son père, Henri Villette, très malade lors de son internement, est admis à l’hôpital du Val-de-Grâce, puis déporté au KL Buchenwald le 17 janvier 1944 (matr. 39788) ; là-bas, il apprend la mort de son fils de la bouche de Raymond Montégut qui y a été transféré fin février 1944. Quand il est libéré en avril 1945, Henri Villette pèse 32 kilos.

Hommage aux militants de Maromme disparus. Carte-souvenir éditée après guerre (recto et verso). Plusieurs noms sont mal orthographiés, dont celui de Marcel Lecour (« U. Lescour »), en bas à droite. Collection Martine Groult.

Hommage aux militants de Maromme disparus. Carte-souvenir éditée après guerre (recto et verso).
Plusieurs noms sont mal orthographiés, dont celui de Marcel Lecour (« U. Lescour »), en bas à droite.
Collection Martine Groult.

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste). Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire A, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. En effet, tous les hommes appréhendés furent remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941. 44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.

(*) 150 selon “30 ans de luttes“, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller.

À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).

[4] Ce tunnel a permis l’évasion de 19 militants syndicalistes (dont Georges Cogniot et André Tollet) dans la nuit du 21 au 22 juin 1942, peu avant la déportation des mille otages, le 6 juillet.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 112, 376 et 423.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie (2000), citant : Lettre jetée du train le 6 juin 1942, recueillie et postée à Commercy le même jour – Listes des Archives du Musée d’Auschwitz (V, n° 31836 – S, n° 351) – Liste des jeunes communistes (JC) du camp de Compiègne, matricule n° 1910 – Lettre et témoignage de sa sœur, Marcelle Villette, 30/9/1991.
- Marcelle Villette, sœur de Julien, article dans le bulletin de Mémoire Vive, n° 35, nov. 2008, p. 6, copies de documents envoyées à M. V.
- Alain Alexandre et Stéphane Cauchois, Résistance(s), Rouen, sa région, la vallée du Cailly entre histoire et mémoire, 1940-1944, éditions L’écho des vagues, 76780 Nolléval, avril 2015, pages de 23 à 28.
- Louis Eudier (45523), Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945, au Havre, sans date (1977 ?), page 8, relate le chanteur du premier soir à Birkenau mais le nomme « Valette, de Rouen », listes à la fin de son livre.
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du département, cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Rob à Z (cote 51w421), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”).
- Concernant Henri Villette, son père, Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, Éditions Tirésias, Paris 2004, I.171, p. 1445.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1277 (31836/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-08-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Louis VILLEMINOT – (46193 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Louis, Camille, Villeminot naît le 16 juillet 1890 à (Sainte-Marie-du-)Hennezel ou à la Hutte-Sainte-Marie (forge industrielle), commune du Hennezel (Vosges), à la limite du département, fils de Marie Louise Villeminot, 18 ans, brodeuse, célibataire.  Le nouveau-né vient au monde chez ses grands-parents et c’est son grand-père, Charles Louis Villeminot, 53 ans, manœuvre, qui le présente à l’état civil.

Considérant son âge – il est de la classe 1910 -, Louis, Camille, Villeminot devrait avoir été mobilisé au cours de la guerre 1914-1918.

En 1917, à Vauvillers (Haute-Saône – 70), il épouse Maria Poireau, née le 19 août 1889 à Pont-du-Bois (70), à 11 km de Hennezel, de l’autre côté de la limite départementale. Ils ont quatre enfants : Odette, née le 16 août 1919 à Vauvillers, Raymond, né le 1er octobre 1920 à Puteaux [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine), Marcelle, née le 28 janvier 1925 à Puteaux, et André, né le 24 novembre 1928 à Fresnes [1] (Seine / Val-de-Marne).

Lors du recensement de 1936, la famille est domiciliée au 38, rue du Châlet (devenue rue Émile-Zola, le 11 février 1937) à Fresnes. Le chef de famille se déclare alors comme garçon de magasin aux établissements Auchays à Paris ; pendant un temps, il est garçon de magasin chez Flammarion, rue Racine, à Paris 6e. Au moment de son arrestation il sera déclaré comme emballeur, son dernier employeur étant la librairie Mercure, sise au 69, boulevard Saint-Germain, à Paris. La mère est déclarée sans profession, mais les deux aînés travaillent : Odette est brocheuse à l’imprimerie Charaire à Paris, Raymond est manœuvre chez Auchappe à Paris. Au début de l’occupation, ses deux aînés auront quitté le domicile familial, sa première fille s’étant mariée.

Sans être un élu municipal, Louis Villeminot est membre du Conseil d’administration de la Caisse des écoles de Fresnes, élu le 11 décembre 193(9 ?).

Son fils aîné, Raymond, appartiendrait à la section locale des Jeunesses communistes jusqu’à l’interdiction de ce mouvement.

Lors de sa séance du 8 mai 1940, la délégation spéciale – désignée par la préfecture du département de la Seine pour remplacer la municipalité élue – propose au préfet de « provoquer la constatation de la déchéance » de six membres du C.A. de la Caisse des écoles qu’elle désigne, parmi lesquels Louis Villeminot et Alexandre Hurel.

Le 5 octobre 1940, Louis Villeminot est arrêté par la police française, comme douze élus et trois membres du PC de Fresnes, lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant. Louis Villeminot est interné administrativement par arrêté du préfet de police pris le jour même, en application du décret du 18 novembre 1939, à la demande du commissaire de police de la circonscription de Choisy-le-Roi « duquel il était connu comme un communiste notoire se livrant à la propagande clandestine ». Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits aussitôt au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 8 mars 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Louis Villeminot, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, émet un avis défavorable en s’appuyant sur le constat que cet interné est un « communiste sûr dont l’internement n’a pas modifié les opinions », lui reconnaissant une « attitude correcte » mais ajoutant à sa charge : « propagandiste ».Le 29 mars, quinze épouses d’internés Fresnois – dont Madame Villeminot – adressent une lettre commune au préfet de la Seine afin d’être autorisées à leur rendre visite avec leurs enfants ; «  attendu que les prisonniers de droit commun (criminels, voleurs) ont droit à des visites, nous ne pouvons comprendre que nos maris et pères, étant des hommes honnêtes, n’y ont pas droit. » Le 11 avril, le chef de cabinet du préfet demande au commissaire de police de la circonscription de Choisy-le-Roi d’ « avertir les pétitionnaires, en la personne de Mme Soupion » (probablement à l’origine de la lettre) que « le règlement intérieur du camp (interdit) les visites aux détenus. »

Le 6 septembre, Louis Villeminot est parmi 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

À Fresnes, un groupe clandestin de treize jeunes de Fresnes se constitue réunissant d’anciens adhérents des JC et des Jeunes filles de France, parmi lesquels Lucette Catinat, 17 ans, fille de Maurice, et d’autres enfants d’internés : Raymond Villeminot, 21 ans, fils de Louis, Odette Soupion, 17 ans, fille de Henri, Andrée Denizou, 21 ans, et René Denizou, 19 ans, enfants de Géry. André Ch., de nouveau secrétaire de la cellule, reçoit leur cotisation – 2 ou 3 francs par mois, peut-être destinés au détenus d’Aincourt – depuis mai 1941 et rassemblée par Lucette Nicolas. S’il reçoit un peu de propagande, le groupe n’en diffuse pas.

Le 20 novembre, vers 21 heures, à la suite d’une enquête de police (dénonciation ?), André Ch. est arrêté à son domicile. Interrogé le lendemain dans les bureaux des renseignements généraux à la préfecture de police, il met en cause ses camarades fresnois ainsi que René Plaud, de Villejuif mais arrêté à Montreuil-sous-Bois, et “Ginette”, Marie Matéos, 23 ans, domiciliée rue de la Santé, à Paris 13e, chef de secteur avec laquelle il a lui-même rendez-vous le vendredi 21 novembre à la station de métro Tolbiac. Ce même jour, douze jeunes gens de Fresnes sont appréhendés à leurs domiciles respectifs (généralement chez leurs parents), ce qui suscite une certaine émotion parmi la population. Raymond Villeminot, absent de chez sa mère, n’est pas arrêté.

Aucun fait délictueux n’ayant pu être retenu à la charge de Raymond Saint-Lary au cours de l’enquête, celui-ci est le seul a être relaxé le 23 novembre. Le même jour, les quinze autres jeunes gens, ayant reconnu les faits, sont inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 et conduits au dépôt de la préfecture de police, à la disposition du procureur de la république. Suite à vérifier…

Le 22 avril 1942, le cabinet du ministre, secrétaire d’État à l’intérieur, écrit à la préfecture de police : « Mon attention a été attirée sur le nommé Villeminot Louis […], actuellement interné au camp de Rouillé. Je vous prie de me faire connaître d’urgence les raisons de la décision prise à l’encontre de l’intéressé, ainsi que votre avis sur l’opportunité d’une mesure de clémence à son égard ».

Le 22 mai 1942, Louis Villeminot fait partie d’un groupe de 148 détenus de la Seine (pour la plupart déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 11 juin 1942, le chef du 1er bureau du cabinet du préfet de police transmet une note au directeur de Renseignements généraux : « Par lettre du 3 juin courant, M. le Chef du Gouvernement, Ministre Secrétaire d’État à l’Intérieur, vient d’appeler l’attention sur l’opportunité de ne prononcer de mesure d’internement qu’en présence d’actions récentes mettant en danger la sécurité de l’État, le rappel d’un passé politique ne pouvant, à lui seul, justifier une mesure de ce genre, en raison des très graves conséquences qu’elle est susceptible d’entraîner. À la suite de ces instructions, j’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir examiner à nouveaux les cas des nommés : Villeminot Louis ; Rose, née Duflot Henriette ; Lory, Jean-Baptiste ; Watremez Camille, et Chartron Robert, objets de vos rapports R.G.I. n° 1831, 1886, 1647 du 26 mai 1942 ; n° 1929 du 29 mai 1942 et du rapport sans référence en date du 2 juin 1942, les faits reprochés aux intéressés ne paraissant pas de nature à justifier une prolongation de leur internement. » En marge, une notation manuscrite indique « Faire préciser par le CP Choisy ses griefs contre Villeminot », puis « Fait 16 / 6 / 42 ».

Le 24 juin, le commissaire de police de la circonscription de Choisy-le-Roi répond au directeur du cabinet du préfet de police : « …j’ai l’honneur de faire connaître que l’avis défavorable émis par moi le 18 mai dernier à la demande de libération du nommé Villeminot Louis était basé uniquement sur l’activité notoire exercée par lui avant son internement. Je ne suis pas en mesure de déclarer s’il a, depuis, donné ou non des preuves d’amendement ».

Entre fin avril et fin juin, Louis Villeminot a été sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Louis Villeminot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46193, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Louis Villeminot. Louis Villeminot.

Il meurt à Auschwitz le 23 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique « hydropisie cardiaque » (Herzwassersucht) pour cause mensongère de sa mort.

Le 26 novembre 1942, Maria Villeminot écrit au préfet (de police ou de la Seine ?) : « Je viens vous solliciter de votre bienveillance pour obtenir le secours d’internés administratifs. Mon mari est interné depuis deux ans, il a été au camp d’Aincourt, camp de Rouillé, camp de Compiègne et de là parti en Allemagne dont je suis sans nouvelles depuis 5 mois. J’ai un petit garçon de 14 ans qui va à l’école et ma jeune fille de 18 ans qui ne peut faire de gros travaux car elle vient d’être opérée de la colonne vertébrale. Dans l’espoir que vous prendrez ma demande en considération, recevez, Monsieur le Préfet, l’assurance de mon plus profond respect. »

Déporté dans le même convoi et rentré le 18 mai 1945, le jeune Raymond Saint-Lary, de Fresnes, annonce le décès de Louis Villeminot.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Fresnes, à l’intérieur du cimetière, parmi les “déportés politiques et fusillés”.

Maria Villeminot décède le 15 janvier 1968 à Villejuif.

Notes :

[1] Puteaux et Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Françoise Wasserman, Juliette Spire et Henri Israël, 1939-1944, Fresnes dans la tourmente, ouvrage édité par l’Écomusée de Fresnes à la suite de l’exposition présentée du 18-10-1994 au 8-05-1995, pages 50, 89 et 120.
- Archives communales de Fresnes (recensement de 1936, délibération du 8 mai 1940, listes de déportés…), recherches conduites par Dominique Couderc (03-2007).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, page 357 (dans les archives communales de Fresnes, Louis Villeminot n’apparaît nulle part comme ayant été conseiller municipal), pages 388 et 423.
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des familles.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel de Vuilleminot/Villeminot Louis au cabinet du préfet (1w133-32972) ; dossiers de la brigade spéciale 1 des renseignements généraux, affaire Ch., Mateos, Plaud et autres (GB 61-468).
- Nadia Ténine-Michel, Le camp d’Aincourt (Seine-et-Oise), 5 octobre 1940 – 15 septembre 1942, article in Les communistes français de Munich à Châteaubriant (1938-1941), sous la direction de Jean-Pierre Rioux, Antoine Prost et Jean-Pierre Azéma, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, novembre 1987.
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révision trimestrielle), 1w76, 1w158 (notice individuelle).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 183.
- Archives départementales de la Vienne, Poitiers ; camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1276.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de S à Z (26 p 843), acte n° 23988/1942.
- Site internet Mémorial GenWeb, relevé de Bernard Tisserand (02-2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour : 2-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Gerolamo VILLA – (46192 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Gerolamo Villa naît le 25 novembre 1903 à Bettola, Piacenza (Italie), fils d’Antoine (?) Villa et de Césarine (?) Cesari, agriculteurs.

Gerolamo Villa a – au moins – un frère aîné, Fortunato, né le 30 mai 1896 à Bettola.

Le 15 juillet 1922, à Nogent-sur-Marne (Seine / Val-de-Marne), Fortunato Villa, 26 ans, entrepreneur de transports, se marie avec Clémentine Petit, née le 5 août 1902 à Paris 12e, imprimeuse, vivant avec sa mère, veuve, au 12 rue Paul-Bert, et chez laquelle il est venu habiter.

En 1936, associé avec Fortunato et Clémentine, Germain Villa (son prénom a été francisé) est gérant d’un café au 18, avenue de la République à Albert (Somme – 80), où des militants communistes tiennent leurs réunions.

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Albert. L’avenue de la République dans les années 1900. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Albert. L’avenue de la République dans les années 1900.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

En 1939, dès le début de la guerre, Germain Villa et son frère Fortunato sont internés comme étrangers suspect au camp du Vernet (Ariège) : tous deux ont encore la nationalité italienne et leur pays a déclaré la guerre à la France.

Le 21 décembre 1940, une liste établie par le commissariat spécial d’Amiens dans la perspective de prononcer l‘internement administratif de communistes à la suite d’une distribution de tracts signale que Fortunato est «  rentré à Amiens depuis deux mois environ ». Les deux frères sont en instance de demande de carte d’identité.
Le 25 octobre 1941, les frères Villa font partie des sept « personnes de l’arrondissement de Péronne arrêtées par l’autorité allemande ». Selon une liste ultérieure de la police, « Il est à noter que les sieurs Villa (…) ont été arrêtés par ordre des autorités françaises, mais qu’en raison de leur nationalité italienne, ils ont été transférés à Compiègne » – sic ! – (Oise), au camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Germain est enregistré sous le matricule 2055, Fortunato sous le matricule 2056.

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Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le 26 décembre 1941, le préfet de la Somme répond à François de Brinon [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], Délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, sur les conditions dans lesquelles des habitants du département ont été arrêtés en octobre et internés à Compiègne. Pour Albert, il signale trois « personnes qui, en raison des renseignements défavorables recueillis au cours de l’enquête (ex-militants communistes), n’ont pas fait l’objet d’une demande de libération » à la Feldkommandantur 580 d’Amiens ; les deux frères Villa sont désignés avec Maurice Dessein.

Entre fin avril et fin juin 1942, Germain Villa est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gerolamo Villa est enregistré – avec son prénom italien – au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46192 selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Gerolamo Villa.

Il meurt à Auschwitz le 17 septembre 1942,  selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Le sort de son frère Fortunato reste à préciser…

Notes :

[1] De Brinon : ancien journaliste et “ultra” de la collaboration, Fernand de Brinon était Délégué général du gouvernement de Vichy auprès des autorités militaires allemandes d’occupation. Quand des requêtes étaient formulées par les familles des détenus auprès de l’administration française, la Délégation générale les transmettait à la Commission d’armistice (bipartite), après enquête de la police ou de la gendarmerie pour s’assurer des conditions d’arrestation et de l’honorabilité du détenu. Une lettre était ensuite adressée aux familles sous couvert de l’organisme qui en avait fait la demande : elle leur annonçait que l’intervention avait eu lieu et leur faisait part de la réponse fournie par les autorités allemandes.

Ainsi, un très grand nombre de fiches de la Délégation générale portent le nom de “45000” ; surtout après le départ du convoi, le 6 juillet 1942, et l’absence de nouvelles résultant d’une forme de statut “NN”.

La plupart de ces fiches se trouvent dans les dossiers d’état civil des déportés conservés au BAVCC (anciennement archives du secrétariat d’État aux Anciens Combattants).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 369 et 422.
- Archives départementales de la Somme : Amiens, correspondance de la préfecture sous l’occupation (26w831), note de gendarmerie du 19 février 1941.
- Archives départementales de l’Aisne (AD 02), Laon : dossiers du commissariat régional aux Renseignements généraux, partis politiques des départements voisins : Ardennes, Somme et Oise (970w58).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1276 (31189/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Fernand VIEUGE – (46191 ?)

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Portrait de studio. © collection Dominique Martin. Droits réservés.

Portrait de studio.
© collection Dominique Martin. Droits réservés.

Fernand, Raphaël, Vieuge naît le 8 mars 1897 à Blois (Loir-et-Cher), chez ses parents, Gaston Vieuge, 36 ans, charcutier, et Pauline Reide, son épouse, 29 ans, domiciliés rue du Puits-Neuf.

Plus tard, la famille est domiciliée au 89 rue Croix-Boissée, à Blois.

Pendant un temps, Fernand Vieuge travaille comme cultivateur.

La Première Guerre mondiale commence début août 1914. Le 11 janvier 1916, Fernand Vieuge est incorporé comme soldat de 2e classe au 146e régiment d’infanterie. Le 15 octobre suivant, il passe au 143e R.I. Le 24 mars 1917, il passe au 138e R.I., unité qui part au front. Le 18 novembre 1918, il est cité à l’ordre de son régiment : « Agent de liaison d’élite, au cours de la progression a maintenu constamment la liaison entre les sections et le capitaine et a contribué à la capture de nombreux prisonniers » ; il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze.

CroixDeGuerre-etoile

Le 26 septembre 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire au domicile de ses parents, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 16 décembre 1922 à Pont-Sainte-Maxence (Oise), Fernand Vieuge se marie avec Augustine, Marie, Thérèse (son patronyme), née le 7 janvier 1899 à Pont-Sainte-Maxence, ouvrière d’usine.

En janvier 1924, ils habitent au n° 4, cour Boufflet, dans cette ville. Lui est ouvrier charpentier.

Mais Augustine décède le 3 juillet 1926, âgée de 27 ans.

Le 5 mai 1928 à Blois, Fernand Vieuge épouse  en secondes noces Thérèse Renée Retiveau, née le 22 août 1898 à Menars ou Ménars (Loir-et-Cher), couturière, fille d’un employé de chemin de fer et d’une couturière. En juin suivant, ils demeurent au 23, rue des Ponts-Chartrains, dans cette ville. Ils n’auront pas d’enfant.

En juin suivant, ils habitent au 23, rue des Ponts-Chartrains, dans cette ville.

[/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Fernand Vieuge, portant casquette… © collection Dominique Martin, droits réservés.

Fernand Vieuge, portant casquette…
© collection Dominique Martin, droits réservés.

Au moment de son arrestation, il est domicilié – probablement dans un pavillon – au 98, route (devenue rue) de Cabochon à Blois.

Le 17 juin 1941, Fernand Vieuge est arrêté par la police française après avoir été dénoncé comme appartenant à la CGT clandestine. Le 10 juillet suivant, le Tribunal (correctionnel ?) de Blois le condamne à huit mois de prison pour détention de tracts communistes. Il est écroué à la Maison d’arrêt d’Orléans.

Le 18 février 1942, après avoir purgé sa peine, il est remis aux “autorités d’occupation” à leur demande et transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 3620 et assigné au bâtiment A5.

[/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Fernand Vieuge est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 4 juillet, utilisant une carte-lettre de sept lignes fournie par l’administration du camp, il écrit à Thérèse : « J’ai bien reçu le colis de [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][pommes de terre ?] et ta lettre où tu me dis que Carter [?] est à la [?]. J’espère qu’il fera un peu pour moi, car, à Mont [-près-Chambord], ils réservent un colis du Comité gratuit par mois. Enfin, dis-lui bien le bonjour. Si tu étais sans nouvelles pendant un moment, ne t’inquiète pas : on va déménager. Bonjour à tous. Je t’embrasse bien fort. »

Le lendemain 5 juillet, probablement dans la soirée, il rédige un message à destination de son épouse : « Quand tu recevras ce mot, je serai parti pour une destination inconnue, probablement l’Allemagne où on doit aller travailler. Ne t’inquiète donc pas si tu es sans nouvelle un mois ou deux ; pour moi, il en sera de même. Écrit quand même à Compiègne, mon ancienne adresse. Je vais jeter cette lettre sur la voie, peut-être te parviendra-t-elle. Si tu vois André, tu lui diras.
Nous sommes en plein [brouhaha ?] et il y a rassemblement dans une heure et on n’a pas encore mangé. Enfin, ma chérie, ne t’en fais [pas] : j’ai l’espoir de te revoir quand même. Je t’embrasse bien, bien fort, ainsi que toute la famille.
Ton homme qui t’aime. Fernand. »

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 10 juillet, l’épouse de Serge Marteau écrira depuis l’écluse de Talufiau à Thésée (Loir-et-Cher), où elle habite : « Mon mari me prie de vous faire savoir que Monsieur Vieuge est parti pour l’Allemagne le 6 juillet. Ils sont partis travailler là-bas environ 1100 à 1200 du camp. En attendant d’avoir des nouvelles de nos pauvres malheureux, recevez mes sincères salutations. »

Le 8 juillet 1942, Fernand Vieuge est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46191 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Fernand Vieuge.

Dans la période qui suit, Thérèse Vieuge reçoit la carte-formulaire imprimée en allemand datée du 15 juillet 1942 et postée à Compiègne par l’administration militaire du Frontstalag 122 deux jours plus tard à destination des familles, afin d’informer celles-ci que le détenu qui y est mentionné « a été transféré dans un autre camp pour travailler. Le lieu de destination ne nous est pas connu, de sorte que vous devez attendre des nouvelles ultérieures… » ; mais le nom du détenu ajouté au verso est celui d’Auguste Deshaies, d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) ; sans doute une confusion administrative…

© Collection Dominique Martin. Droits réservés.

© Collection Dominique Martin. Droits réservés.

Fernand Vieuge meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” (11,7 % des effectifs du convoi) sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [1]) ; la cause mensongère indiquée pour sa mort est « pleurésie ».

Presque un an plus tard, Thérèse Vieuge trouve le contact avec une responsable du Comité d’assistance au prisonniers de guerre du Loir-et-Cher dans l’espoir d’obtenir des nouvelles de son mari, « interné civil ». Celle-ci transmet sa demande au Chef du service des Prisonniers de guerre en zone occupée, au sein du Secrétariat général à la Défense terrestre à Paris. Quelques jours plus tard, celui-ci transmet la requête aux services de la Délégation générale du gouvernement français dans les Territoires occupés, place Beauvau à Paris.

Le 22 septembre 1943, Thérèse Vieuge reçoit personnellement un courrier dactylographié en allemand : « Le chargé de la Croix-Rouge allemande en France [46 avenue Kléber à Paris] regrette d’être obligé de vous informer qu’aucune constatation concernant Fernand Vieuge n’a pu être faite. S’il n’écrit pas lui-même, vous ne pouvez pas recevoir de nouvelles de lui. »

© Collection Dominique Martin. Droits réservés.

© Collection Dominique Martin. Droits réservés.

Le 17 décembre 1946, un acte officiel de décès est établi à Paris…

Le 7 mars 1948, Gaston Chartrain, secrétaire du syndicat du Bâtiment CGT de Blois et membre la Commission exécutive de l’Union locale avant-guerre, rédige et signe une attestation confirmant les dates d’arrestation et de condamnation de Fernand Vieuge.

Le 10 mars suivant, le Directeur départemental des fichiers et statistiques du ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés, délivre un certificat certifiant que Fernand Vieuge « est actuellement déporté politique et n’a pas encore été rapatrié à ce jour ».

Le 23 juillet 1947, Thérèse Vieuge – qui habite toujours au 98 rue de Cabochon à Blois – se fait établir un passeport. En juillet de l’année suivante, elle participe à un voyage collectif traversant en train plusieurs frontières jusqu’à Cracovie et Auschwitz.

Thérèse Vieuge, photo de son passeport. © Collection Dominique Martin. Droits réservés.

Thérèse Vieuge, photo de son passeport.
© Collection Dominique Martin. Droits réservés.

Birkenau. Probablement une vue du secteur BII-a pu de temps après la guerre. Beaucoup de baraques en bois ont encore leurs toits et leurs cloisons. © collection Dominique Martin, droits réservés.

Birkenau. Très probablement une vue du secteur BII-a peu de temps après la guerre ;
beaucoup de baraques en bois ont encore leurs toits et leurs cloisons.
© collection Dominique Martin, droits réservés.

Le groupe de “pélerins mémoriels” devant l’entrée de la mine de fer de Wieliczka, une étape du circuit proposé aux visiteurs à proximité d’Auschwitz. Thérèse Vieuge, en vêtements de deuil, est assise au premier rang tout à droite. © Collection Dominique Martin. Droits réservés.

Le groupe de “pélerins mémoriels” devant l’entrée de la mine de fer de Wieliczka, une étape du circuit proposé aux visiteurs à proximité d’Auschwitz.
Thérèse Vieuge, en vêtements de deuil, est assise au premier rang tout à droite (sur le panneau posé au sol, l’année semble erronée…).
© Collection Dominique Martin. Droits réservés.

Le groupe  sur l’esplanade du château de Cracovie, une autre étape de visite. Thérèse Vieuge, est debout tout à gauche cette fois-ci. © Collection Dominique Martin. Droits réservés.

Le groupe sur l’esplanade du château de Cracovie, une autre étape de la visite.
Thérèse Vieuge est debout tout à gauche cette fois-ci.
© Collection Dominique Martin. Droits réservés.

Le 27 juillet 1948, le secrétariat d´État aux Forces armées-guerre délivre à titre posthume un certificat d’homologation à la Résistance Intérieure Française (R.I.F.) comme “isolé” à Fernand Vieuge en lui attribuant le “grade fictif” d’adjudant, ce qui permet à sa veuve de toucher une “solde” forfaitaire”.

À une date restant à préciser, Thérèse Vieuge, remplit et signe un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté Résistant à son mari.

Le 24 juin 1953, le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre lui adresse un courrier de notification du rejet de sa demande et lui envoie une carte de déporté politique établie le 11 juin (n° 1110.06119). Le 3 août suivant, Thérèse Vieuge réagit en présentant un recours gracieux contre ce refus.

Le 11 septembre suivant, le ministère répond : « … j’ai l’honneur de vous faire connaître que la décision prise l’a été conformément à l’avis défavorable formulé tant par la Commission départementale du Loir-et-Cher que par la Commission nationale des déportés et internés résistants. L’article R.286 du Code des pension militaires d’invalidité et des victimes de la guerre exige, en effet, pour l’attribution du titre de Déporté Résistant, que la cause déterminante de la déportation soit un des actes qualifiés de résistance à l’ennemi limitativement énumérés à l’article R.287 du même Code. Or, les Commissions départementale et nationale ont constaté que l’examen du dossier faisait apparaitre que Monsieur Vieuge a été déporté pour des faits à caractère politique. Il n’est pas possible, en conséquence, de donner satisfaction à votre requête… ».

Un “conseil” assistant Thérèse Vieuge – peut-être Marcel Parent… – constate : « Il y a longtemps que nous nous attendions à ce mauvais coup. Pour ces Messieurs, la résistance du peuple n’est pas de la résistance, c’est de la politique. Mais, par contre, la résistance de ceux qui, aujourd’hui, sont des politiciens RPF ou MRP ou “Indépendants”, ça c’est de la vrai résistance, et pas du tout politique celle-là ! Elle a simplement permis à ses auteurs de devenir des professionnels de la politique et d’en retirer de substantiels profits. Mais les obscurs morts à Buchenwald, à Mauthausen, à Auschwitz, à Orianenburg ou ailleurs pour avoir distribué le tract préparant le soulèvement libérateur ou pour avoir combattu dans les rangs du Front National, ceux-là n’ont eu droit qu’au crématoire, et leurs veuves se voient disputer les quelques milliers de Francs par an auxquels la reconnaissance de leur action résistante leur donnerait droit ! C’est la justice actuelle. »

Le 6 novembre 1953, afin d’étoffer son dossier, trois anciens camarades – Léonce Legrand, militant communiste clandestin d’Issy-les-Moulineaux, Marcel Parent et Léon Sausse, deux agriculteurs de Mont-près-Chambord – rédigent et signent chacun une attestation certifiant que Fernand Vieuge appartenait au groupe du Front national de Blois constitué en mai 1941, au sein duquel il avait été chargé de distribuer des tracts “anti-allemands”.

Le 22 février 1957, l’Office national des Anciens combattants et victimes de guerre délivre à Fernand Vieuge une carte de Combattant volontaire de la Résistance à titre posthume.

Le nom de Fernand Vieuge est inscrit sur le Mémorial de la ville de Blois, 1939-45 : résistants, fusillés, tués aux combats, tués en mission, tués par faits de guerre et déportés.

Thérèse Vieuge décède le 21 février 1983 à Blois.

Notes :

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 364 et 422.
- Archives départementales du Loir-et-Cher (AD 41) : fiche d’arrestation de Fernand Vieugé, dossier 1215 (375 W 64) ; fichier alphabétique des déportés du CRSGM (56 J 5).
- Site internet du Conseil départemental, archives en ligne : registre des naissances de Blois 1895-1899 (1 MIEC 18 R11), année 1897, acte n° 117 (vue 296/653) ; registre des matricules militaires, bureau de recrutement de Blois, classe 1917 (MI 48/R148), matricule 2254 (vue 361/565).
- Dominique Martin, petite-nièce de Fernand Vieuge, compléments d’informations transmis par Denis Martin (message 4-2016).
- https://maitron.fr/spip.php?article17959, notice de BRINAS Émile, par Didier Lemaire.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1276 (31871/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-03-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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François VIAUD – 46190

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

François, Marie, Michel, Viaud naît le 19 novembre 1908 à Cordemais (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]), fils de François Viaud, 31 ans, employé à la drague, et Augustine Doussin, 23 ans, son épouse, domiciliés à la Grande Fontaine. Plus tard, ceux-ci habitent à Aubigny-en-Artois (Pas-de-Calais – 62).

Dans la réserve, François Viaud est affecté au Génie du chemin de fer. Pendant un temps, il habite à Hesdin (62).

Le 23 janvier 1932 à Saint-Martin-lès-Boulogne (62), il épouse Marie Madeleine Tréboute, née dans cette ville le 5 juillet 1912. Ils ont une fille.

Au moment de son arrestation, François Viaud est domicilié au 274, rue Riolan à Amiens (Somme).

Il est aide-ouvrier au dépôt SNCF d’Amiens.

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Façade de la gare d’Amiens dans les années 1920.
Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Le 26 mars 1942, il est suspendu pour « complicité de vol de marchandises confiées au soin de la SNCF ».

Le 9 mai, il est arrêté par la police allemande à la suite d’un double sabotage effectué dans la nuit du 30 avril au 1er mai ayant notamment immobilisé la grue de relevage (32 tonnes) du dépôt. Il est écroué à la Maison d’arrêt d’Amiens « à la disposition des autorités allemandes » et fait partie des treize cheminots du dépôt SNCF gardés en représailles ; avec cette situation particulière pour lui qu’il n’y travaillait plus depuis plus d’un mois.

Dans une notice individuelle réalisée après coup, le commissaire central d’Amiens indique : « N’a jamais manifesté de sentiments politiques dans son entourage ; n’a jamais attiré sur lui l’attention des services de police à ce sujet ». Le 21 mai, son épouse écrit au préfet de la Somme pour lui demander d’intervenir en faveur de sa libération ou « s’il y avait moyen de refaire une nouvelle enquête ».

Le 10 juin, ils sont dix cheminots du dépôt d’Amiens (dont neuf futurs “45000”) [2] à être transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager).

Au cours du mois de juin 1942, François Viaud est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, François Viaud est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46190 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard). Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – François Viaud est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).À la mi-août 1943, François Viaud est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) aupremier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées.
Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, François Viaud est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL [3] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août ; matr. 19905.

Le 29 octobre, il est parmi les onze “45000” transféré à Wansleben (Kommando du KL Buchenwald), une usine de potasse ; matr. 93248. Le 12 avril 1945, il est dans une des colonnes de détenus évacués de ce camp à marche forcée vers le Nord de Halle. Il est libéré le 14 ou 15 avril 1945 entre les villages de Quellendorf et Hinsdorf, avec neuf autres “45000”.

Avec René Maquenhen, d’Oust-Marest, il est un des deux rescapés sur les vingt-deux déportés “45000” de la Somme.

François Viaud décède le 16 septembre 1982 à Amiens.

Notes :

[1] Loire-Atlantique : département dénommé “Loire-Inférieure” jusqu’en mars 1957.

[2] Les neuf cheminots, futurs “45000” : Roger Allou et Clovis Dehorter, de Camon ; Émile Poyen, de Longeau ; Paul Baheu, Fernand Boulanger, Fernand Charlot, Albert Morin, Georges Poiret et François Viaud, d’Amiens (ce dernier étant le seul rescapé des “45000” d’Amiens, Camon et Longueau).

Le dixième cheminot interné à Compiègne est Joseph Bourrel, mécanicien de manœuvre, domicilié au 102 rue Richard-de-Fournival à Amiens. Son sort en détention reste à préciser (il n’est pas déporté, selon le mémorial FMD)…

Un onzième cheminot reste à la prison d’Amiens, Jean Mayer, ouvrier au dépôt, domicilié au 36 rue Capperonnier à Amiens, arrêté la nuit même de l’attentat. Il est probablement condamné par un tribunal militaire allemand. Le 26 avril 1943, il est transféré dans une prison du Reich à Fribourg-en-Brisgau. Il est libéré à Creussen le 11 mai 1945.

[3] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 369 et 422.
- Archives départementales de la Somme, Amiens : correspondance de la préfecture sous l’occupation (26w592).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-01-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Charles VÉRON – 46189

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Charles, Efflame, Gabriel, Véron naît le 4 novembre 1901 à Aulnay-lès-Bondy – rebaptisée Aulnay-sous-Bois quatre ans plus tard – [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Seine-Saint-Denis), chez ses parents, Louis Véron, 29 ans, charretier, et Jeanne Yvonne Denès, 25 ans, son épouse, domiciliés « à l’écart de Savigny » (hameau) ; leurs noms n’apparaitront plus à cette adresse en 1906. Les témoins pour la déclaration du nouveau-né à l’état-civil sont Charles Véron 53 ans, et Gabriel Papillon, 36 ans, respectivement grand-père et oncle de l’enfant, tous deux également charretiers. Charles a un frère aîné, Louis Charles Philippe, né le 23 août 1898.

Pendant un temps, Charles Véron habite chez ses parents, alors domiciliés au 6 bis, rue Doulcet, à Sevran [2] (Seine-et-Oise / Seine-Saint-Denis), commune limitrophe à l’Est. Peut-être travaille-t-il alors comme « chauffeur de locomotive ».

Le 11 avril 1921, il est incorporé au 508e régiment de chars de combat. Il est renvoyé dans ses foyers le 30 mai 1923, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

En janvier 1924, Charles Véron habite rue de Turenne, à Aulnay-sous-Bois. En mai 1925, il demeure au 30, allée circulaire, toujours à Aulnay. En novembre suivant, il est domicilié au n° 59 de la même allée.

Le 20 février 1926, à la mairie d’Aulnay, Charles Véron se marie avec Albertine De Cocq, née le 17 novembre 1899 à Aulnay. Ils ont précédemment eu un fils, Georges, né en 1922. En juin 1926, la famille habite rue Balzac (pavillon “Car…” ?). En mars 1927, ils logent au 50, allée circulaire. En janvier 1929, ils ont emménagé au 28, chemin des Marais à Sevran. Albertine Véron décède prématurément, à une date restant à préciser… Les parents de Charles viendront habiter chez lui.

Le 1er mars 1930, à la mairie de Paris 11e, Charles Véron, alors tourneur, se marie avec Alice Schmitt, née le 12 juin 1905 dans cet arrondissement, cartonnière ; Philippe Schmitt, du Petit-Ivry, employé, est témoin au mariage. En 1936, le couple est domicilié au 23, rue Béranger à Sevran. Ils auront une fille, Jeanine, née le 2 septembre 1937.

Charles Véron est alors cantonnier, employé communal, à Sevran, municipalité communiste depuis 1931.

Sevran. La mairie en 1948. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Sevran. La mairie en 1948.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Il est « un des responsables » du Parti communiste dans cette commune.

À compter du 1er mars 1940, il est rappelé à l’activité militaire au dépôt de chars 503 (suite inconnue…).

En juillet 1940, le commissaire de police de la circonscription de Livry-Gargan effectue une perquisition à son domicile au cours de laquelle sont trouvés « différents tracts d’origine communiste ». Le 7 août, un juge d’instruction du tribunal de Pontoise établit un mandat d’amener à son nom pour infraction au décret du 26 novembre 1939. Charles Véron est arrêté le 17 août. Le 19 septembre, le tribunal correctionnel de Pontoise le condamne à dix-huit mois d’emprisonnement. Le 28 novembre, la cour d’appel de Paris confirme le premier jugement.

Pendant un temps, il purge sa peine à la Maison centrale de Clairvaux (Aube) ; n° d’écrou 2017.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 10 juin, il est admis à l’hôpital de la prison.

Le 1er décembre 1941, à l’expiration de sa peine, Charles Véron n’est pas libéré et reste maintenu en détention au régime du droit commun. Le 15 février 1942, il écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter un statut d’interné administratif.

Le 13 février, le préfet de l’Aube reçoit des autorités d’occupation l’ordre le faire transférer avec cinq autres détenus – tous futurs “45000” – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Dans un courrier à son homologue de Seine-et-Oise daté du 17 février, de préfet de l’Aube évoque encore un « prochain transfert ».

Entre fin avril et fin juin 1942, Charles Véron est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelletransportaquarelleLe voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Charles Véron est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46189 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) – Charles Véron se déclare alors sans religion (Glaubenslos) -. Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Charles Véron.

Il meurt à Auschwitz le 17 août 1942, d’après le registre d’appel (Stärkebuch) et le registre des décès (Sterbebücher) du camp.

Sur un mur de la mairie de Sevran… © Photo Daniel Mougin, 02-2023.

Sur un mur de la mairie de Sevran…
© Photo Daniel Mougin, 02-2023.

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Sevran, situé dans le cimetière communal.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-07-2001).

Notes :

[1] Aulnay-sous-Bois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Sevran : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 386 et 422.
- Archives départementales de Seine-Saint-Denis, site internet, archives en ligne : registre d’état civil NMD 1901-1903 (AUL 1E15/1), année 1901, acte n° 116 (vues 50-51/226) ; recensement d’Aulnaie, année 1901 (93/84/14).
- Conseil départemental des Yvelines, site internet, Archives départementales (AD 78) : registres des matricules du recrutement militaire de Seine-et-Oise, classe 1921, bureau de Versailles (1R/RM 634), n° 1727 (vue : 248/542).
- Archives départementales de l’Aube, site internet : (310W114).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : archives du cabinet du préfet sous l’occupation, cote 1W158 (dossier individuel).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (2699).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre d’appel avec la liste des détenus décédés (« Verstorbene Häftlinge »).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1275 (21441/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Sevran, relevé d’Alain Claudeville (2000-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-05-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Maurice VERNICHON – 46188

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© Archives de l’Institut d’histoire sociale CGT de Seine-Maritime.

© Archives de l’Institut d’histoire sociale CGT de Seine-Maritime.

Maurice Vernichon naît le 26 avril 1910 au Havre (Seine-Maritime [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] – 76), fils de Jules Vernichon et de Marie Daubenfeld, son épouse.

En 1926, son père dépose en mairie une demande de permis de construire pour une maison individuelle de trois pièces, sise au 79 impasse Hornmann, à Graville-Sainte-Honorine [2] (quartier Béreult [3]).

Au moment de son arrestation, Maurice Vernichon – probablement célibataire – est domicilié au 93, boulevard Sadi-Carnot.

Maurice Vernichon est navigateur, inscrit maritime. À partir de 1937, il travaille comme soutier sur un vapeur de la compagnie France-Navigation. « Un marin de cet équipage d’élite du Winnipeg [4], qui donna tant de héros à la Résistance » (brochure “30 ans de luttes“, p. 53).

Militant communiste et syndicaliste, il poursuit son engagement dans la clandestinité.

En 1940, il fait l’objet d’une note de recherche du Bureau militaire de Rouen pour insoumission.

Pris dans la même affaire que Léon Bellenger, de Sainte-Adresse, Marcel Couillard et Maurice Granjon, sur enquête du commissariat spécial du Havre, pour « distribution de tracts dans les queues pour le ravitaillement », Maurice Vernichon est arrêté trois jours après ses camarades, le 31 janvier 1941, à Bordeaux où son travail l’a amené. Il est détenu dans une prison de cette ville jusqu’au 5 février. Le lendemain, il est conduit en transit à la Maison d’arrêt de la Santé à Paris. Le 13 février, il est écroué à la Maison d’arrêt du Havre.

Le 19 mars, le tribunal correctionnel du Havre condamne Léon Bellenger, Marcel Couillard et Maurice Vernichon à 13 mois d’emprisonnement chacun pour propagande communiste. La libération de Maurice Vernichon de la Maison d’arrêt du Havre doit s’effectuer le 28 avril 1942, à l’expiration de sa peine, un mois après ses deux camarades. Mais il est maintenu en détention sous le statut d’interné administratif en attendant d’être remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci, conformément aux procédures ordonnées dans le « Code des otages ».

Peu après, une date restant à préciser, Maurice Vernichon est transféré par la Feldgendarmerie de laKreiskommandantur du Havre au camp allemand de Royallieu à Compiègne [5] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Maurice Vernichon est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46188 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Maurice Vernichon.

Il meurt à Auschwitz le 17 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique pour cause mensongère de sa mort « faiblesse cardiaque » (Herzmuskelchwäche).La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-07-2001).

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Graville-Sainte-Honorine : cette commune est rattachée au Havre en 1953.

[3] Quartier de la vallée-Béreult : détaché de la zone industrielle et rattaché à la zone résidentielle du plan d’urbanisme par délibération n°15 du 29 juillet 1948.

[4] Le cargo Winnipeg est mis en service en 1918. Vendu en 1938 à la compagnie France Navigation, créée en avril 1937 pour assurer le ravitaillement en matériel militaire les républicains espagnols depuis l’URSS, il effectue au moins deux voyages pour charger des armes à Mourmansk. Un voyage est effectué vers Léningrad avec des membres du gouvernement républicain espagnol se rendant à Moscou, lesquels sont embarqués en clandestinité au Havre où ils reviennent tout aussi discrètement. En janvier février 1939, un nouveau voyage a lieu sur Mourmansk pour un transport d’armes. Fin mars, le bateau se porte au secours des républicains acculés à la mer dans le port d’Alicante. En juillet 1939, des transformations sont effectuées au Havre pour transporter des émigrés espagnols vers le Chili : des châlits sont installés dans les cales sur plusieurs hauteurs (à cette occasion, des scènes du film L’Émigrante de Leo Joannon avec Edwige Feuillère sont tournées à bord). Pablo Neruda, diplomate et poète installé en France, a eu un rôle de premier plan dans l’organisation de ce voyage. Le personnel à bord est insuffisant et un appel des volontaires permet de trouver 200 personnes pour aider aux cuisines, à l’hôpital, aux laveries. Le 4 août 1939, le Winnipeg quitte l’appontement de Trompeloup à Pauillac avec 2000 passagers dont 40 bébés. Valparaiso est atteint le 3 septembre, jour de déclaration de la guerre en France. Le gouvernement chilien, revenant alors sur le droit d’asile précédemment accordé aux Républicains espagnols, tente dans un premier temps d’empêcher le débarquement des réfugiés. De grandes manifestations populaires l’obligent à respecter ses engagements. Fin septembre, le consul de France exige des autorités chiliennes de Valparaiso l’arrestation de l’équipage, accusé de menées antipatriotiques et de propagande communiste. À son retour au Havre, le 21 décembre 1939, le Winnipeg est confié en gérance à la Transat. Ramenés à Bordeaux, les « mutins du pacifique », comme l’écrit la presse, sont accusés de s’être révoltés contre leur capitaine et d’avoir voulu livrer le navire à l’URSS. Fin mars 1940, malgré la campagne anticommuniste et les pressions exercées sur lui, le tribunal maritime de Bordeaux, considérant les accusations non fondées, prononce un acquittement général. (source : Lise London, La mégère de la rue Daguerre, éd. Seuil-Mémoire, page 23.)

[5] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 422.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie réalisée à Rouen en 2000, citant : Liste établie par la CGT, p. 10 – Brochure “30 ans de luttes“, PCF de Seine-Maritime, 1964.
- Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (1977 ?).
- Archives du Havre, archives en ligne (urbanisme 1926/1188).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre d’appel avec la liste des détenus décédés (« Verstorbene Häftlinge »).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1275 (21392/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 13-01-2024)

Cette notice biographique doit- être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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