Ben Ali LAHOUSINE – 45715

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Ben Ali Lahousine naît le 15 octobre 1916 au Maroc.

Au moment de son arrestation, il est domicilié à Paris, mais son adresse reste à préciser.

Il est probablement arrêté pour un délit de droit commun.

À une date restant à préciser, il est remis aux “autorités d’occupation” à leur demande et transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, il est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45715 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Ben Ali Lahousine est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I. Là, il est désigné comme chef d’équipe (Vorarbeiter) dans un Kommando disciplinaire. Il n’a aucun contact connu avec les autres “45000”.

En mars 1943, il n’est pas conduit à Auschwitz-I, comme le sont dix-sept autres “45000” rescapés de Birkenau (en tout, 24 survivants sur 600 !).

À la mi-août 1943, il n’est pas non plus parmi les “politiques” français rassemblés et mis en “quarantaine” au premier étage du Block 11 d’Auschwitz-I.

Par contre, le 29 août 1944, il est parmi les trente “45000” 

[1] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin (matricule 94264).

Début octobre, il est parmi les huit “45000” transférés avec d’autres détenus à Kochendorf (Kommando de Natzweiler-Struthof), dans le massif du Neckar, une ancienne mine de sel aménagée en usine souterraine pour la construction des V2.

Fin mars 1945, les mêmes sont dans une colonne de détenus évacués à marche forcée jusqu’à Augsbourg, puis en train jusqu’au KL Dachau, où ils arrivent le 8 avril.

Il meurt fin avril 1945 à Dachau, lors de la libération du camp.

Plusieurs rescapés le décrivent comme « un homme de main des SS » et affirment que « kapo brutal, il fut exécuté à Dachau par des déportés russes en 1945 ».

Aucune démarche familiale n’a été faite pour son homologation auprès du secrétariat d’État aux Anciens combattants et victimes de guerre, devenu Bureau des archives des victimes des conflits contemporains.

Notes :

[1] Les trente d’Auschwitz vers Sachso : (ordre des matricules, noms de G à P) Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Legal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 370 et 409.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : – Mémorial de Sachso – Témoignages de rescapés du convoi – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-06-2007)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Louis LAHAIE – (45714 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Louis, Dieudonné, Lahaie naît le 20 septembre 1900 à Corbeny (Aisne – 02), chez ses parents, Alfred Lahaie, 25 ans, cultivateur, et Julie Menesson, son épouse, 23 ans, manouvrière. Les deux témoins pour l’enregistrement du nouveau-né à l’état civil sont son oncle, Léon Lahaie, 34 ans, manœuvrier, et un voisin cultivateur.

Pendant un temps, Louis Lahaie travaille comme charretier.

Le 17 mars 1920, il est incorporé comme chasseur de 2e classe au 18e bataillon de chasseurs à pied pour accomplir son service militaire. Le 1er octobre, il est embarqué à Bordeaux à destination du Maroc. Le 20 octobre, il passe au 1er régiment de zouaves. Le 16 février 1921, il est nommé caporal. Le 20 mars, il est rapatrié et débarqué à Marseille. Le 1er avril, il est envoyé parmi les troupes d’occupation des pays rhénans. Le 17 mai, il passe au 66e régiment de tirailleurs marocains. Le 19 février 1922, il est envoyé dans la disponibilité, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Pendant un temps, il demeure au 18, quai Lavenne (?), à Melun (Seine-et-Marne – 77). Fin octobre 1922, il déclare habiter à Montaigu, près de Laon (02). En octobre 1924, il est domicilié à Longueville (77). En mars 1925, il est à Chanteloup-en-Brie (77). À partir de janvier 1926, il habite dans la commune voisine, à Jossigny ( 77).

Au moment de son arrestation, il est domicilié rue de Lagny à Jossigny.

Louis Lahaie est « chauffeur » (de camion ou de chaudière ?).

Le dimanche 19 octobre 1941, il est appréhendé à son domicile dans le cadre d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – incendies de meules et de hangars – ayant eu lieu dans le département.

Louis Lahaie est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (46 d’entre eux seront des “45000”). Il y est immatriculé sous le n° 1812.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Louis Lahaie est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45714 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Louis Lahaie.

Il meurt à Auschwitz le 9 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 378 et 409.
- Archives départementales de l’Aisne (AD02), site internet, archives en ligne : Archives départementales de l’Aisne, site internet du conseil général, archives en ligne ; registre d’état civil de Corbeny N-M-D 1893-1905 (5Mi1720), année 1900, acte n° 46 (vue 198/332) ; registre des matricules militaires, classe 1920, bureau de recrutement de Soissons (22R139), n° 462 (vue 488/836).
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys, cabinet du préfet : arrestations collectives octobre 1941 (M11409).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 686 (34981/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Fernand LAFENÊTRE – 45713

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Fernand Lafenêtre naît le 1er mars 1906 à Saint-Maixent-l’École (Deux-Sèvres), fils d’Arthur Lafenêtre, 34 ans, boucher, et Marguerite Juliette Bijard, 26 ans, son épouse, domiciliés au 33 place du Marché. Fernand a une sœur cadette, Marguerite Marie Clémence, née le 26 septembre 1907.

Lors de son passage devant le conseil de révision (classe 1899), leur père avait été classé “service auxiliaire” par la commission de réforme de Niort en raison d’une brûlure invalidante à la main gauche. Le 21 novembre 1914, cette même commission le classe de nouveau “service auxiliaire”. Cependant, le 19 janvier 1915, il est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale (du 1er août 1914) et rejoint la 3e section de commis et ouvriers d’administration à Tours, “arrivant au corps” six jours plus tard. D’abord maintenu service auxiliaire par la commission de réforme de la Seine, Arthur Lafenêtre est “renvoyé dans ses foyers” le 26 mars suivant.

En 1921, la famille – venue s’installer en région parisienne – habite dans un immeuble au 21, rue d’Aguesseau à Boulogne-Billancourt

[1] (Seine / Hauts-de-Seine). Le père, Arthur, est devenu manœuvre, la mère, Marguerite, est employée (comptable ?). Ils hébergent également Marie Courtine, la mère de celle-ci, veuve Bijard, née en 1851 à Saint-Jean-Auval (Puy-de-Dôme).

En 1925, Fernand Lafenêtre, inscrit comme électeur du département de la Seine, est électricien. Sa mère, Marguerite Lafenêtre, âgée de 50 ans, décède prématurément le 23 décembre de cette année au domicile familial.

En 1926, Fernand est bobinier et sa sœur Marguerite, couturière. En 1931, Arthur devient magasinier chez Renault.

Le 10 décembre 1932, à Paris 10e, Marguerite Lafenêtre se marie avec Paul Mardochée Montel, 35 ans,  dessinateur, domicilié au 63 rue Chabrol. Arthur est témoin à leur mariage en même temps que Roger Schlidlowsky, industriel.

En 1936, Arthur Lafenêtre vit seul dans l’appartement, déclaré comme manœuvre.

Le 29 octobre 1938, à Boulogne-Billancourt, Fernand Lafenêtre se marie avec Yvonne Auber, née le 17 mars 1900 à Lille (Nord). Ils n’auront pas d’enfant.

Au moment de son arrestation, Fernand Lafenêtre habite de nouveau au 19 rue d’Aguesseau.

Ni son épouse, ni la police française ne lui connaissent une activité politique (a-t-il fait l’objet d’une dénonciation directe aux autorités d’occupation ?).

Le 28 avril 1942, il est arrêté à son domicile par les Allemands. Pris comme otage, il est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, Fernand Lafenêtre est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Fernand Lafenêtre est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45713 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Fernand Lafenêtre.
Il meurt à Auschwitz le 24 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

En 1943, son épouse a déménagé au 125, rue du Faubourg-du-temple, à Paris 10e, et trouvé un emploi à l’École de Coiffure du 7, rue Darbois, à Paris 11e.

Sa sœur Marguerite, âgée de 50 ans, décède prématurément le 17 janvier 1958 à Villejuif (Val-de-Marne). Son mari, Paul Montel, décède à Crosnes (Essonne) le 25 juin 1974.

Notes :

[1] Boulogne-Billancourt : créée sous le nom de Boulogne-sur-Seine en 1790, la commune prend le nom de Boulogne-Billancourt en 1926, le rattachement de Billancourt datant de 1859. Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, la commune de Boulogne-Billancourt fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 409.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 2436-447866).
-Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 685 (24459/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 28-05-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Louis LACROIX – 45712

Les jeunes frères Lacroix. La mémoire de leur identification s’est perdue et il n’est pas possible de distinguer André et Louis. Collection de Madame Lacroix. Droits réservés.

Les jeunes frères Lacroix.
La mémoire de leur identification s’est perdue et il n’est pas possible de distinguer André et Louis.
Collection de Madame Lacroix. Droits réservés.

Louis, Lucien, Lacroix naît le 1er septembre 1921 à Bayeux (Calvados), fils d’Eugène Lacroix, 33 ans, journalier, et de Marie Yvonne Sallent, son épouse, 35 ans. André a un frère jumeau, André, et un frère aîné, Maurice, né le 13 mars 1920, ainsi que deux sœurs cadettes, Yvette, née le 17 octobre 1923, et Germaine, née le 29 décembre 1925.

En 1931 et 1936, toute la famille est domiciliée au 13, cité Bellevue, dans la rue Crémel.

Au moment de son arrestation, Louis habite toujours chez ses parents.

Célibataire, il travaille comme peintre en bâtiment.

Son frère aîné, Maurice, est mobilisé en 1939 et fait prisonnier de guerre en 1940 (il reste en Allemagne jusqu’en 1945, d’où il revient malade).

Militant communiste, Louis « travaillait pour la Résistance » selon Yvonne Lerouge, de Bayeux (elle-même déportée au camp de Ravensbrück).

Le 2 mai 1942, Louis Lacroix est arrêté par la police française sur le pont de l’Aure, rue Saint-Jean, alors qu’il allait voir son père sur son lieu de travail, rue Larcher.

Bayeux. Rue Saint-Jean, vue sur l’Aure depuis le pont. Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive.

Bayeux. Rue Saint-Jean, vue sur l’Aure depuis le pont.
Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive.

Figurant comme “communiste” sur une liste d’arrestations exigées par la Feldkommandantur 723 de Caen, à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) 

[1], Louis Lacroix est menotté et conduit à la gendarmerie avec 17 autres habitants de la ville (selon le Comité local de Libération), où il retrouve son frère André, également arrêté.

La gendarmerie et la  prison de Bayeux dans les années 1900, ancienne chapelle de la Charité. Carte postale, collection Mémoire Vive.

La gendarmerie et la prison de Bayeux dans les années 1900, ancienne chapelle de la Charité.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, remis aux autorités d’occupation, ils sont conduits au “petit lycée” de Caen où sont rassemblés les otages du Calvados. Le soir même, ils font partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandise de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai en soirée.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, Louis et André Lacroix sont sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Louis Lacroix est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45712, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Lacroix est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Son frère André Lacroix succombe avant lui : celui-ci meurt à Auschwitz dès le 11 août 1942, selon le registre d’appel du camp, un mois après l’arrivée de leur convoi.

Pendant un temps, Louis Lacroix est assigné au Block 18 A.

Le 20 septembre 1942, son nom est inscrit sur un registre du Block 20 de l’hôpital d’Auschwitz-I, avant son transfert au Block 19 (le 1er octobre ?).

Le 21 novembre 1942, son nom est de nouveau inscrit sur le registre du Block 20, salle 8 (Stube).

Louis Lacroix meurt à Auschwitz le 5 mars 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).En juillet 1945, ayant appris le retour d’André Montagne, de Caen, le Comité de libération de Bayeux le sollicite pour connaître le sort de Lacroix (sans précision du prénom) et celui de six autres Bayeusains (aucun n’est revenu).

Reconnu dans la Résistance intérieure française au titre du Front national [2], avec le grade de sergent (1-03-1950), Louis Lacroix est homologué comme “Déporté politique”.

Les noms d’André et Louis Lacroix sont gravés sur le monument aux déportés et fusillés de Bayeux, apposé sur l’ancien évêché, rue Larchet.

Bayeux, monument de la déportation, façade du palais épiscopal, Georges et Gilbert Hallier, architectes, bas-relief d’Ulysse Gemignani, sculpteur, 1906-1973. Qu’importe comment s’appelle Cette clarté sur leurs pas Que l’un fut de la chapelle Et l’autre s’y dérobât Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du cœur des bras Et tous les deux disaient qu’elle Vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au cœur du commun combat Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas (La rose et le réséda, extraits, Louis Aragon)

Bayeux, monument de la déportation,
façade du palais épiscopal,
Georges et Gilbert Hallier, architectes,
bas-relief d’Ulysse Gemignani, sculpteur, 1906-1973.
Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leurs pas
Que l’un fut de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du cœur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
(La rose et le réséda, extraits, Louis Aragon)

Photos : Daniel Mougin, 2024.

Photos : Daniel Mougin, 2024.

Le 26 août 1987, à Caen, suite aux démarches de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

Les noms d’André et Louis Lacroix sont inscrits sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir de l’attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage. Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht.

Au total plus de la moitié des détenus sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au fort du Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Évrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, page 91 ; notice de Claudine Cardon-Hamet page 121.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 360 et 409.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, page 138.
- Marguerite Lacroix, épouse de Maurice Lacroix, frère d’André et Louis, communication téléphonique avec Roger Hommet (11-2011).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 684 (13205/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-11-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

André LACROIX – 45711

Les jeunes frères Lacroix. La mémoire de leur identification s’est perdue et il n’est pas possible de distinguer André et Louis. Collection de Madame Lacroix. Droits réservés.

Les jeunes frères Lacroix.
La mémoire de leur identification s’est perdue et il n’est pas possible de distinguer André et Louis.
Collection de Madame Lacroix. Droits réservés.

André, René, Francis, Lacroix naît le 1er septembre 1921 à Bayeux (Calvados), fils d’Eugène Lacroix, 33 ans, journalier, et de Marie Yvonne Sallent, son épouse, 35 ans. André a un frère jumeau, Louis, et un frère aîné, Maurice, né le 13 mars 1920, ainsi que deux sœurs cadettes, Yvette, née le 17 octobre 1923, et Germaine, née le 29 décembre 1925.

En 1931 et 1936, toute la famille est domiciliée au 13, cité Bellevue, dans la rue Crémel.

Le 27 septembre 1940, André Lacroix épouse Léonie Augustine Lefrançois. Leur premier enfant, Jean-Claude André Roger, est né le 5 août 1940, et ils en attendent un deuxième quand André est arrêté. À ce moment-là, la famille est domiciliée place de la Gare, à Bayeux.

André Lacroix est employé dans une quincaillerie.

Son frère aîné, Maurice, est mobilisé en 1939 et fait prisonnier de guerre en 1940 (il reste en Allemagne jusqu’en 1945, d’où il revient malade).

Militant communiste, André « travaillait pour la Résistance » selon Yvonne Lerouge, de Bayeux (elle-même déportée au camp de Ravensbrück).

Dans la nuit du 1er au 2 mai 1942, André Lacroix est arrêté par la police française au domicile de ses oncle et tante, M. et Mme Desmares, demeurant au 30, rue Nesmond, face à l’hôpital de Bayeux, et employés aux “Courriers normands”.

À gauche, succursale des Courriers Normands, rue Saint-Jean à Bayeux. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À gauche, succursale des Courriers Normands, rue Saint-Jean à Bayeux dans les années 1930.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Figurant comme “communiste” sur une liste d’arrestations demandées par la Feldkommandantur 723 de Caen, à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) 

[1], il est menotté et conduit à la gendarmerie (ou au commissariat) avec 17 autres habitants de la ville (selon le Comité local de Libération), où il retrouve son frère Louis, habitant toujours chez leurs parents, cité Bellevue, également arrêté.

La gendarmerie et la  prison de Bayeux dans les années 1900, ancienne chapelle de la Charité. Carte postale, collection Mémoire Vive.

La gendarmerie et la prison de Bayeux dans les années 1900, ancienne chapelle de la Charité.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, remis aux autorités d’occupation, ils sont conduits au “petit lycée” de Caen où sont rassemblés les otages du Calvados. Le soir même, ils font partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandises de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai en soirée.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, André et Louis Lacroix sont sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.Le 8 juillet 1942, André Lacroix est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45711 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté André Lacroix.

Il meurt à Auschwitz dès le 11 août 1942, un mois après l’arrivée de son convoi, selon le registre d’appel du camp (Stärkebuch) tenu par l’administration SS ; il a 21 ans.

Huit jours plus tard, le 19 août 1942, son épouse Léonie met au monde leur deuxième fils, André Jean-Claude, Louis.

Son frère Louis lui survit pendant sept mois. Le 19 septembre 1942, son nom est inscrit sur un registre de l’infirmerie (Revier). Il meurt à Auschwitz le 5 mars 1943, selon les registres du camp.

En juillet 1945, ayant appris le retour d’André Montagne, de Caen, le Comité de libération de Bayeux le sollicite pour connaître le sort de « Lacroix » (sans précision du prénom) et celui de six autres Bayeusains (aucun n’est revenu).

En décembre 1949, André Montagne rédige une attestation certifiant qu’il a été témoin de la mort d’André Lacroix à Auschwitz ; il estime alors que celle-ci a pu avoir lieu à la fin janvier 1943 (peut-être l’a-t-il confondu avec son frère jumeau Lucien, décédé plus tard). C’est la date retenue par l’état civil français.

Déclaré “Mort pour la France”, au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) est homologué comme “Déporté politique”.

Les noms d’André et Louis Lacroix sont gravés sur le monument aux déportés et fusillés de Bayeux, apposé sur l’ancien évêché, rue Larchet.

Bayeux, monument de la déportation, façade du palais épiscopal, Georges et Gilbert Hallier, architectes, bas-relief d’Ulysse Gemignani, sculpteur, 1906-1973. Qu’importe comment s’appelle Cette clarté sur leurs pas Que l’un fut de la chapelle Et l’autre s’y dérobât Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du cœur des bras Et tous les deux disaient qu’elle Vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au cœur du commun combat Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas (La rose et le réséda, extraits, Louis Aragon)

Bayeux, monument de la déportation,
façade du palais épiscopal,
Georges et Gilbert Hallier, architectes,
bas-relief d’Ulysse Gemignani, sculpteur, 1906-1973.
Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leurs pas
Que l’un fut de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du cœur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
(La rose et le réséda, extraits, Louis Aragon)

Photos : Daniel Mougin, 2024.

Photos : Daniel Mougin, 2024.

Le 26 août 1987, à Caen, suite aux démarches de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

Les noms d’André et Louis Lacroix sont inscrits sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir de l’attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage. Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht.

Au total plus de la moitié des détenus sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au fort du Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

Sources :

- Son nom et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Cardon-Hamet page 121.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 360 et 409.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 131 (n° 33) et 138.
- Marguerite Lacroix, épouse de Maurice Lacroix, frère d’André et Louis, communication téléphonique avec Roger Hommet (11-2011).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; annexe, tome 3, page 1535.
- Acte de décès d’André Lacroix, registre de l’état civil de Bayeux, année 1947, n° 10.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-11-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Read More

Louis LACOUR – 45710

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Louis, François, Désiré, Lacour naît le 20 septembre 1901 à Flers (Orne), chez ses parents, Louis Cyrille Lacour, menuisier, 24 ans, et Pauline (?) Victorine Langlois, 23 ans, dévideuse chez Patry (textile) son épouse, domiciliés place de l’Hôtel de Ville. Il aurait une sœur, née en 1900.

Pendant un temps, alors qu’il habite au 4, cour Launay chez ses parents, Louis Lacour travaille comme débardeur à bord de bateaux. Il sera également cimentier.

Le 5 avril 1921, il est incorporé au 130e régiment d’infanterie afin d’y accomplir son service militaire. Le 29 décembre suivant, il passe au 21e régiment de tirailleurs algériens et part en campagne “au Levant” (en Syrie ?). Le 8 décembre 1922, il passe au 17e RTA. Le 1er avril 1923, il passe « dans la disponibilité », mais est maintenu provisoirement sous les drapeaux par application de l’article 33 de la loi du 5 mars 1921. Le 12 avril, il est porté déserteur, n’ayant pas rejoint son corps à l’issue d’une permission de rapatriement. Cependant, deux semaines plus tard, il est rayé des contrôles de la désertion, ayant été ramené au corps par la gendarmerie. Le 20 juin suivant, il passe au 13e régiment d’infanterie. Six jours plus tard, il est “renvoyé dans ses foyers”, sans certificat de “bonne conduite”, et se retire au 8 et 10, rue du Plâtre à Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime).

En décembre 1927, il habite au 19, avenue du Maréchal-Pétain

[sic] à Coutances (Manche).

Le 24 mars 1928, à la Lande-Patry, près de Flers, Louis Lacour épouse Renée Marie Lenoël. Ils auront trois enfants, dont Liliane, née le 25 juin 1928 à Flers.

En août 1930, la famille demeure au 14, rue Nationale à Flers. En mars 1933, elle est installée au 4, rue Vieille à Pont-l’Évêque (Calvados).

En septembre suivant, la famille est venue s’installer en région parisienne, au 108, rue du Point-du-Jour à Boulogne-Billancourt [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92). En mars 1938, ils sont au 233, rue Galliéni, dans la même commune.

Louis Lacour est embauché comme ouvrier spécialisé sur machine aux usines Renault de Boulogne-Billancourt du 5 juin au 4 juillet 1934, du 28 février au 28 juin 1935, du 27 novembre 1936 au 24 novembre 1938 et du 7 décembre suivant jusqu’au début de la Deuxième Guerre mondiale.

Boulogne-Billancourt, place Jules-Guesde, entrée des usines Renault. Collection Mémoire Vive.

Boulogne-Billancourt, place Jules-Guesde, entrée des usines Renault. Collection Mémoire Vive.

Pendant la période 1936-1939, il fait preuve d’une grande activité syndicale ; en 1939, il est délégué ouvrier suppléant.

Pendant un temps, il ferait partie de la commission exécutive centrale du Parti communiste (selon la police).

En novembre 1938 et jusqu’au moment de son arrestation, la famille habite un logement au 76, boulevard Rodin à Issy-les-Moulineaux [1] (92).

Rappelé à l’activité militaire le 26 août 1939, Louis Lacour est affecté au dépôt d’infanterie n° 41. N’ayant pas été fait prisonnier pendant la campagne de France, il rentre « dans ses foyers » au mois d’août 1940. En novembre, il s’inscrit au bureau de chômage des usines Renault… où il est considéré comme un élément à ne pas reprendre.

Le 7 janvier 1941, le commissaire de police de la circonscription de Boulogne-Billancourt écrit au directeur des Renseignements généraux de la préfecture de police pour lui signaler Louis Lacour « aux fins d’internement […] communiste violent […] Dernièrement encore, il s‘est trouvé mêlé à une affaire de distribution de tracts, mais n’a pu être inculpé, quoiqu’ayant une activité certaine ». Les Renseignements généraux procèdent à une enquête. De son côté, le commissaire de Boulogne opère le 27 janvier une perquisition de son domicile qui se révèle infructueuse. En conclusion de leur rapport, les RG écrivent : « La situation de Lacour sera examinée en vue d’une prochaine mesure de concentration. » (internement)

Le 24 juin 1941, celui-ci est arrêté à son domicile par la police française sur arrêté du préfet de police en application du décret du 18 novembre 1939, comme des dizaines de suspects communistes de Seine qui sont aussitôt conduits dans la cour de l’Hôtel (de) Matignon [2], sis au 57 rue de Varenne à Paris 7e, – alors siège de la Geheime Feldpolizei (GFP) – pour y être « mis à la disposition des autorités d’occupation » [3]. Tous sont ensuite regroupés au Fort de Romainville (sur la commune des Lilas – 93), élément du Frontstalag 122. Considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp, puis rapidement transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) [4].

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Lacour est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandises d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandises
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Louis Lacour est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45710 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Louis Lacour.

Il meurt à Auschwitz le 31 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

À Issy-les-Moulineaux, son nom est inscrit sur le monument « à la mémoire des combattants et de toutes les victimes de guerre », place Bonaventure-Lecat, derrière la mairie.

JPEG - 344.4 ko
Sur une des stèles du monument d’Issy-les-Moulineaux,
les “45000” : Delbès Camille, Dumont Paul, Lacour Louis
et Rossignol Ernest. Cliché Mémoire Vive.

Notes :

[1] Issy-les-Moulineaux : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).[2] L’hôtel Matignon : le 8 septembre 1940, les Renseignements généraux de la préfecture de police constatent la réquisition de l’hôtel pour le bureau de cantonnement des hommes de la police militaire secrète : Geheime Feldpolizei – Dienstelle – Männer-Unterkunft (source : Cécile Desprairies, Paris dans la Collaboration, éditions du Seuil, mars 2009, page 268).

[3] Les arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, trois témoignages :
Jean Lyraud (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Le 26 juin, à 5 heures du matin, il est réveillé par des policiers français : « Veuillez nous suivre au poste avec une couverture et deux jours de vivres. » Un autobus le prend bientôt avec trois autres personnes arrêtées. Le véhicule fait le tour des commissariats de Montreuil et du XIe arrondissement. Un crochet à l’hôtel Matignon puis c’est le transport jusqu’aux portes du Fort de Romainville où les prisonniers passent la nuit dans les casemates transformées en cachots. « Le lendemain 27 juin dans l’après-midi, nous embarquons en gare du Bourget dans des wagons spéciaux pour Compiègne. Nos gardes ont le revolver au poing et le fusil chargé, prêts à faire feu. Dans la soirée nous arrivons au camp. Quelques jours après, d’autres contingents de la région parisienne nous rejoignent. »
Henri Pasdeloup (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943), cheminot de Saint-Mihiel (Meuse), est arrêté le 23 juin 1941 par la Gestapo qui le conduit à la prison de la ville. Le 27 juin, avec d’autres détenus emmenés à bord de deux cars Citroën, il arrive devant le camp de Royallieu vers 16 h 30 : « À l’arrivée face au camp, nos gardiens nous font descendre. Alignement sur la route, comptages et recomptages. En rangs par trois nous passons les barbelés… À 19 heures, environ 400 prisonniers en provenance de la région parisienne entrent en chantant L’Internationale… Le lendemain 28 juin, réveil à 7 heures : contrôle d’identité, toise, matricule. J’ai le numéro 556. Pour notre groupe de la Meuse, cela va de 542 à 564. Ceux de la région parisienne, bien qu’arrivés après nous, sont immatriculés avant… »
Henri Rollin : « Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention “communiste”, soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[4] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.
En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés en zone occupée par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.
Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 382 et 409.
- Archives départementales de l’Orne, site internet, archives en ligne : registre d’état civil de Flers, naissances 1899-1902 (3NUMCEC169/3E2_169_53), acte n° 195 (vue 222/324).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 30-18650) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1601-61041).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 684 (26273/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 92-Issy-les-Moulineaux, relevé de Jérôme Charraud (11-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 28-12-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Gabriel LACASSAGNE – 45709

Droits réservés.

Droits réservés.

Gabriel Lacassagne naît le 15 juillet 1920 à Fontenay-sous-Bois 

[1] (Seine / Val-de-Marne), chez ses parents, Antoine Lacassagne, 35 ans, livreur (charbonnier), et Antoinette Regaudie, son épouse, 30 ans, domiciliés au 15, rue Dalayrac. Gabriel a une sœur aînée, Madeleine, née le 5 mai 1910 à Paris 13e.

Fontenay-sous-Bois. La rue Dalayrac. Carte postale non datée (années 1930 ?). Collection Mémoire Vive.

Fontenay-sous-Bois. La rue Dalayrac.
Carte postale non datée (années 1930 ?). Collection Mémoire Vive.

Au moment de son arrestation, Gabriel et sa sœur, 30 ans, ménagère, habitent toujours chez leurs parents, à cette même adresse.

Gabriel Lacassagne est ajusteur (dans quelle entreprise ?).

De la classe 1940, il n’est pas appelé à accomplir son service militaire pendant la période de mobilisation.

« Membre des Jeunesses communistes, il commence avec ses amis par lancer des drapeaux tricolores dans les fils électriques, pavoiser de nuit sur le marché Roublot, distribuer des tracs dans les rues, coller de petits papillons sur les poteaux télégraphiques. »

Le 1er mai 1941 à 10 h 45, Antoine, Gabriel et Madeleine Lacassagne sont arrêtés à leur domicile par deux inspecteurs de la Brigade spéciale anticommuniste (BS1) des Renseignements généraux (RG). Pressé de question, le père de famille remet aux policiers plusieurs dizaines de tracts de “propagande communiste” que sa fille aurait déposés dans l’armoire de la chambre à coucher après les avoir reçus d’un inconnu croisé dans la rue. Les policiers n’ont aucun élément à charge contre Gabriel, qui nie toute implication. Tous trois sont mis à la disposition du chef de service, le commissaire André Cougoule. Le lendemain, inculpés d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939, ils sont conduits au dépôt de la préfecture de police (la Conciergerie, dans les sous-sols du Palais de Justice, sur l’île de la Cité, Paris 1er), à la disposition du Procureur de la République.

Le Palais de Justice de Paris vu depuis la place Dauphine. Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive. Selon certains témoignages, les soupiraux situés près des statues de lions  éclairaient les sous-sols du dépôt.

Le Palais de Justice de Paris vu depuis la place Dauphine.
Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.
Selon certains témoignages, les soupiraux situés près des statues de lions éclairaient les sous-sols du dépôt.

Gros plan de l’image ci-dessus : deux soupiraux à gauche du lion.

Gros plan de l’image ci-dessus : deux soupiraux à gauche du lion.

Le jour suivant, comparaissant devant la 12e Chambre du tribunal correctionnel de la Seine, ils refusent d’utiliser les trois jours auxquels ils ont droit afin de préparer leur défense et Antoine Lacassagne prend tout sur lui, reconnaissant « avoir reçu des paquets de tracts de la part d’un inconnu et ceci dans le but d’en effectuer la diffusion ». Il est condamné à six mois d’emprisonnement, alors que Gabriel (faute de preuve) et Madeleine (« reconnue atteinte de troubles mentaux ») sont aussitôt relaxés.

(montage photographique)

(montage photographique)

Dès lors, ils sont fichés par la police française (RG).

Le 23 mai, Antoine Lacassagne est transféré au secteur “correction homme” de l’établissement pénitentiaire de Fresnes (n° d’écrou 8352). Son pourvoi en appel est jugé le 8 juillet suivant par la 10e Chambre, laquelle confirme la condamnation. À l’expiration de sa peine, le 17 septembre, il est ramené à la préfecture de police où il est relaxé après avoir pris « l’engagement d’honneur de ne se livrer dans l’avenir à aucune activité communiste ».

Le 28 avril 1942, Gabriel Lacassagne est arrêté à son domicile par des policiers français et des Feldgendarmes, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée dans le département de la Seine par les « autorités d’occupation » avec le concours de la police française et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une poursuite policière ou judiciaire et ayant été libérés, soit après avoir bénéficié d’un non-lieu, d’un acquittement ou d’un sursis, soit après avoir fini de purger une courte peine, parmi lesquels beaucoup de jeunes gens. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, Gabriel Lacassagne est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Gabriel Lacassagne est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45709 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Gabriel Lacassagne se déclare alors forgeron et sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Gabriel Lacassagne est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Il est affecté au Kommando de la forge avec Eugène Charles et Jules Le Troadec, hommes de métier, et Ferdinand Bigaré, Raymond Boudou et Marceau Lannoy. Ils sont assignés au Block 16A. C’est dans ce Kommando que Gabriel Lacassagne dépérit jour après jour.

Il meurt à Auschwitz le 15 mai 1943, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebucher), qui indique « catarrhe intestinale » pour cause mensongère de sa mort. Il a 22 ans.

Après la guerre, une plaque à son nom est apposée sur l’immeuble où il a habité, au 15 rue Dalayrac.

Photo transmise par Loïc Damani. Droits réservés.

Photo transmise par Loïc Damani. Droits réservés.

Le 20 décembre 1974, le conseil municipal de Fontenay-sous-Bois donne le nom de Gabriel Lacassagne à une rue créée dans un nouveau secteur d’habitation.

Notes :

[1] Fontenay-sous-Bois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 387 et 409.
- Archives municipales de Fontenay-sous-Bois : registre des délibérations, recherches de Madame Cluzel ; acte de naissance, transmis par Loïc Damiani.
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 28 mars au 5 juin 1941 (D1u6-5855) ; jugements du 3 mai 1941 (D1u6-3745).
- Concernant Antoine Lacassagne, Archives Départementales du Val-de-Marne : Maison d’arrêt de Fresnes, registre d’écrou n° 151, “correction hommes” du 20 avril au 7 juillet 1941 (2742w18) ; dossier des détenus “libérés” du 1er au 30-09-1941 (511w22).
- Archives départementales de Corrèze, archives en ligne, site internet : état civil de Davignac, année 1884, acte n° 31 (vue 39/464).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” : BA ? (…) ; affaires de la BS1, « Affaire Lacassagne” (GB 61 – 241) ; dossier commun au cabinet du préfet (1w066-20107).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 684.
– Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : documents d’Auschwitz, liste de 13 décédés nés en France, extrait du Sterbebuch 1943, acte n° 19942/1943 (26 P 821).
- Association Mémoire et création numérique, site Les plaques commémoratives, sources de mémoire, citant René Maurice, Les Années de Plomb, Éditions FNV, Fontenay-sous-Bois, 1995, p.65.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

André LABUXIÈRE – 45708

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

André Labuxière naît le 19 mars 1922 à Clichy-la-Garenne 

[1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), chez ses parents, Alexandre Alexis Labuxière, 31 ans, fumiste, et de Henriette Dinard, 21 ans, parfumeuse, son épouse, domiciliés au 9 impasse des Cailloux. Sa tante, Julia Labuxière, femme Petitpas, couturière, 15 rue Sallenave à Paris, signe comme témoin de la déclaration du nouveau-né à l’état civil.

André Labuxière est typographe.

Il est secrétaire de la section des Jeunesses communistes (JC) de Gennevilliers en 1938-1939.

Au printemps 1940, il habite chez son père, 14 rue Lamartine à Gennevilliers [1] (92). L’acte de mariage à venir enregistre : « Le futur époux et son père attestent sous serment qu’ils ignorent la résidence actuelle de leur mère et épouse, et que celle-ci n’a pas donné de ses nouvelles depuis une an. »

Le 6 avril 1940, à la mairie de Gennevilliers, âgé de 18 ans, André Labuxière se marie avec Eugénie Lucain, 18 ans, boucheuse (?), vivant jusque-là chez ses parents. Ils n’auront pas d’enfant.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 41, rue de Bois-Colombes (ou au 33, rue de la Couture-d’Auxerre) à Gennevilliers.

Entré dans l’action clandestine, il est agent de liaison en 1940 et 1941 entre les groupes des JC d’Asnières, Gennevilliers et Bois-Colombes.

Le 1er septembre 1940, il est arrêté à Versailles (Yvelines) où il participe à une distribution de tracts, et est condamné à six mois de prison avec sursis.

Il est considéré par les Renseignements Généraux comme un « meneur particulièrement actif ».

Le 26 ou 27 juin 1941, il est de nouveau arrêté à son domicile lors d’une vague d’arrestations ciblées visant 92 militants ouvriers : le préfet de police de Paris a signé les arrêtés ordonnant leur internement administratif. Ces opérations sont menées en concertation avec l’occupant. André Labuxière est aussitôt livré aux autorités d’occupation et transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager)  [2]. Enregistré sous le matricule 258, il fait partie des militants qui inaugurent ce camp de police.

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, André Labuxière est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45708 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Labuxière est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Là, il est affecté au Block 18 A et au Kommando de travail DAW (Deutsche AusrüstungsWerke, société SS, usine d’armement entre autres).

Rapidement, il « est dans un état d’affaiblissement et d’amaigrissement tel qu’il ne peut échapper à la mort », selon le témoignage de Roger Pélissou.

À une date restant à préciser, il est admis au Block 20 de l’hôpital des détenus.

Il meurt à Auschwitz le 17 octobre 1942, d’après un registre tenu par l’administration SS du camp.

Déclaré “Mort pour la France”, il est homologué comme “Déporté politique”.

Sa veuve a reçu, le 23 mai 1945, un insigne spécial rappelant son sacrifice.

À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Gennevilliers donne son nom à une rue de la ville.

Notes :

[1] Clichy-la-Garenne et Gennevilliers : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme «  l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – arrestations et perquisitions à leur domicile – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht, réservé à la détention des « ennemis actifs du Reich » et qui ouvre en tant que camp de police. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 383 et 408.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Archives municipales de Gennevilliers (liste de déportés, noms de rues, biographie) – Témoignage de Roger Pélissou (45957) de Bagnolet (93), 1980 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, liste des internés communistes (BA 2397).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 30-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Pierre LABREGÈRE – (45707 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Pierre Labregère naît le 30 octobre 1893 à Bourdeilles (Dordogne), faubourg Notre-Dame, fils d’Antoine Labregère, 29 ans, maçon, et de Françoise Peyrou, son épouse, 24 ans.
Ses parents décèdent prématurément (à vérifier…).

Pendant un temps, Pierre Labregère habite au 2, rue Michel de Montaigne, à Périgueux (24), et travaille comme garçon de café.

Incorporé le 20 novembre 1913 au 126e régiment d’infanterie, il est réformé n° 2 par la commission spéciale de Brive dès le 3 décembre suivant pour « faiblesse irrémédiable ». Le 3 décembre 1914, après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, la commission spéciale de Limoges le maintient réformé, décision maintenue par la commission de réforme de Tours (Indre-et-Loire) en avril 1917. Cependant, entre temps, le 24 août 1915, le conseil de guerre de la 12e région l’a condamné à deux ans de prison pour violence, voies de fait, ivresse manifeste et publique. Il est écroué à la Maison centrale de Fontevraud (Maine-et-Loire) jusqu’au 5 juillet 1917.

Le 14 mars 1924, le tribunal correctionnel de Saint-Quentin (Aisne) le condamne à huit jours de prison et deux cents francs d’amende pour « entrave à la liberté des enchères publiques ».

En août 1937, il habiterait à Saint-Quentin ou à Brantôme (24).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 64, rue Saint-Charles à Paris 15e, à l’angle de la rue Ginoux dans le quartier Beaugrenelle. Il est célibataire.

Pierre Labregère est peintre en bâtiment.

Le 29 juillet 1941, il est arrêté « en flagrant délit d’inscriptions communistes sur les murs » et inculpé d’infraction au décret du 26-09-1939 (dissolution et interdiction du PC).

Trois jours plus tard, le 1er août, la 14e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à quatre mois d’emprisonnement. Le 13 août, il est conduit à la Prison de Fresnes (Seine / Val-de-Marne). Trois jours plus tard, le 16 août, il est transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.  Carte postale. Collection Mémoire Vive

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916. Carte postale. Collection Mémoire Vive

Le 2 octobre, en « exécution de la note préfectorale » du 14 novembre 1940, le directeur de cette prison transmet au bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise sept notices de détenus de la Seine devant être libérés à l’expiration de leur peine au cours du mois suivant. Le 10 octobre, le préfet de Seine-et-Oise transmet le dossier au préfet de police de Paris, direction des services des Renseignements généraux.

À l’expiration de sa peine, fin octobre, Pierre Labregère n’est très probablement pas libéré : le 13 février 1942, il est parmi les vingt-quatre « militants communistes » – dont la moitié de futurs “45000” – transférés au dépôt de la préfecture de police de Paris (au sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité). Le 26 mars, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, officialisant la situation. En attendant son envoi dans un camp, Pierre Labrégère reste détenu au dépôt.

Le 16 avril, il fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il est enregistré sous le matricule n° 79.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. Musée de la Résistance nationale (MRN). Champigny-sur-Marne.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
Musée de la Résistance nationale (MRN). Champigny-sur-Marne.

Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Pierre Labregère est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45707, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photo), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés certains ouvriers qualifiés. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire alors a alors été affecté Pierre Labregère.

Il meurt à Auschwitz le 17 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher). Ce jour-là, 26 autres “45000” sont portés décédés ; probablement à la suite d’une séance de désinfection à Auschwitz-I (coups, manque de sommeil…).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 147 et 148, 373 et 409.
- Archives départementales de la Dordogne, archives en ligne ; état civil de Bourdeilles, registre des naissances de l’année 1893 (5MI04710_001), acte n°27 (vues 18-19/22) ; registres matricules du recrutement militaire, bureau de Périgueux, classe 1913, matricules 1501 à 1770 (02R1074-1601), n° 1601.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; carton occupation allemande – camps d’internement… (BA 2374).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux ; bureau politique du cabinet du préfet (1W69).
- Archives départementales du Val-de-Marne (AD 94), Créteil ; archives de la prison de Fresnes, maison de correction, registre d’écrou 152 (2742w 19), n° 9900.
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 683 (31166/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-11-2017)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Israël KUPFERMAN – 46291

Israël, Meyer, Kupferman naît le 25 mai 1904 à Tarnow (Pologne).

Le 14 novembre 1930, il arrive en France.

Vers 1933, il épouse Frania Rothblum-Propper, née le 1er juin 1905 à Cracovie (Pologne).

Israël Kupferman (1904-1942) et Frania Rothblum-Propper (1905-1992), qui deviendra Claude François-Unger.  Collection de Laurent Kupferman. Droits réservés.

Israël Kupferman (1904-1942) et Frania Rothblum-Propper (1905-1992), qui deviendra Claude François-Unger.
Collection de Laurent Kupferman. Droits réservés.

Ils ont un fils, Alfred, dit Fred, né le 25 janvier 1934 à Paris 11e.

Israël Kupferman travaille comme ingénieur des Travaux publics (diplômé des Ponts-et-Chaussées ?).

Pendant la guerre d’Espagne, Israël Kupferman part combattre dans les rangs des républicains en lutte contre la rébellion du général Franco, soutenue par Hitler et Mussolini.

Il existe une incertitude sur son domicile durant la guerre : à Auschwitz, il sera enregistré comme domicilié au 36, rue Monge à Paris 5e.

Mais, dans cette période, la famille habite également au 3, rue Jean-Sicard à Paris 15e, un immeuble récent à l’angle du boulevard Lefebvre ; peut-être une planque fournie par la Résistance afin d’y installer un matériel permettant d’imprimer des affichettes (c’est à cette adresse que la famille vivra après la guerre).

Le couple est actif dans un réseau de Résistance aux côtés de Marguerite Camplan, dite “Peggy”, Simone Chaye, Sacha Segal (physicien enseignant au Collège de France) et son épouse, Tedy Segal 

[1] (oenologue). Le responsable de leur groupe pour l’ouest de Paris est Laborde.

Le 14 mai 1941, Israël Kupferman est arrêté. Il fait probablement partie des milliers de juifs étrangers résidant à Paris convoqués par la police française pour être aussitôt arrêtés (rafle dite “du billet vert” [2]) et dirigés vers les camps français de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande (tous deux dans le Loiret) ; Israël Kupferman est interné au camp de Pithiviers.

Le 6 juin 1942, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre la fin avril et la fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). D’après la liste reconstituée du convoi, Israël Kupferman est sélectionné comme otage juif.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Israël Kupferman est enregistré à Auschwitz sous le numéro 46291 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Israël Kupferman est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au Block 28, chambrée 7, de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

Israël Kupferman meurt à Auschwitz le 4 août 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp

Son épouse reste active dans la Résistance sous le pseudonyme de “Claude François”.

Pendant cette période, son fils, Fred, vit caché dans une école catholique de Montmorency dirigée par Mademoiselle Massard, qui héberge d’autres enfants juifs.

Israël Kupferman est homologué comme “Déporté politique”. Par arrêté du ministre des anciens combattants et victimes de guerre en date du 13 mars 1995, il est décidé d’apposer la mention « Mort en déportation » sur les actes de décès (J.O. du 26-04-1995).

JPEG - 140.7 ko
Le Mémorial de la Shoah, au 17 rue Geoffroy-l’Asnier à Paris 4e.
À gauche, panneau du Mur des noms pour les déportés
de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés
depuis l’achèvement du mur
 » (janvier 2005).
De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942
y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.
JPEG - 42.1 ko
Inscrit sur le Mur des noms…

Dès 1945, Claude François-Unger (“Madame François”) fonde avec Mesdames Chaille et Camplan la Maison du Renouveau, à Montmorency, dont elle prend la direction et qui accueille des enfants juifs victimes de la guerre. Écrivain et pédagogue hors du commun, elle fait de son établissement éducatif, devenu un centre d’éducation pour adolescents inadaptés (Le Renouveau), une petite république d’enfants dans une démarche similaire à celle de Janusz Korczak, qu’elle défend avec passion à la fin de sa vie (Présidente de l’association en France) ; à l’occasion d’un anniversaire, les enfants et l’équipe lui offrent une représentation du Roi Mathias, de J. Korcszak. Membre du Bureau national du Groupe français d’éducation nouvelle (GFEN – lié au plan Langevin-Wallon), elle est notamment l’auteur deL’adolescent inadapté (1957 – PUF « Pédagogie d’aujourd’hui », 1974).

Décédée en 1992, elle est enterrée à Montmorency, dont elle a été nommée Citoyenne d’honneur.

Devenu historien, enseignant à la Sorbonne et à “Sciences Po”, son fils, Fred Kupferman est l’auteur de plusieurs livres et articles. Il passe des années à écrire une biographie de Pierre Laval, un homme « qui ne l’aimait pas » (…en tant qu’enfant juif). Cet ouvrage de référence, dépassionné, paraît en 1987, un an avant le décès de son auteur à cinquante-quatre ans. Sur son lit de mort, l’historien exprime encore le regret de ne pas connaître avec précision (circonstances et dates) le destin de son père, Israël Kupferman.

Son Pierre Laval, préfacé par Henri Rousso, est réédité aux éditions Tallandier en 2006.

Fred Kupferman a également publié : Le complot du télégraphe, avec Sigrid Kupferman, son épouse, Hachette. Au pays des Soviets, le voyage français en Union soviétique, 1917-1939, Gallimard-Julliard, 1979. Les premiers beaux jours, 1944-1946, Calmann-Lévy, Questions d’actualité, Paris, 1985. La nuit des dragons, avec Sigrid Kupferman, et Yves Beaujard (illustration), éditions Hachette Jeunesse, 2002 (réédition). Mata Hari : songes et mensonges, Editions Complexe, 2005 (réédition). Le procès de Vichy : Pucheu, Pétain, Laval (1944-1945), Editions Complexe, 2006 (réédition). Voyage au pays des soviets etLes premiers beaux jours ont été republiés en 2007 aux éditions Tallandier terminant ainsi la réédition complète des œuvres de Fred Kupferman.

Notes :

[1] Sacha et Tedy Segal : après la guerre, ils partiront en République Démocratique Allemande, témoignant ainsi de leur engagement communiste.

[2] Le billet vert : Le 14 mai 1941, les Juifs étrangers sont convoqués individuellement, pour un 
« examen de situation », dans cinq centres : caserne de Napoléon, caserne des Minimes, rue Edouard-Pailleron, rue de la Grange aux Belles, gymnase Japy. La lettre de convocation précise que chacun doit se présenter en personne, accompagné d’un membre de sa famille. « La personne qui ne se présenterait pas aux jours et heures fixés, s’exposerait aux sanctions les plus sévères ». Ceux qui se présentent ne sont pas libérés. L’accompagnateur est chargé de rapporter une valise et un minimum d’effets personnels. 3 710 hommes (2140 selon une autre source) sont ainsi arrêtés et internés dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande, anciens camps de prisonniers de guerre. Parmi eux se trouvent 3430 Juifs polonais, 123 Juifs apatrides et 157 Juifs tchèques. (http://www.camp-de-drancy.asso.fr/f…)

Sources :

- Laurent Kupferman, son petit-fils (témoignage, documents : portraits, copie de l’acte d’état-civil du camp d’Auschwitz), septembre-octobre 2006.
- Son nom et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 374 et 409.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Liste partielle du convoi établie par le Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (anciennement secrétariat d’État aux Anciens combattants et victimes de guerre).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 672 (18166/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-06-2008)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Go to Top