Raymond LANGLOIS – 45725

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Raymond, Antoine, Langlois naît le 30 juin 1922 à Noisy-le-Sec 

[1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), fils de César Langlois, 52 ans, magasinier-comptable. Raymond a une sœur aînée, Marthe, née en 1917.

Enfant, Raymond Langlois appartient à la chorale de L’Étoile Rouge, groupe culturel affilié à la Fédération du théâtre ouvrier de France. Son père, César Langlois, est élu au conseil municipal de Noisy-le-Sec le 12 mai 1935 sur une liste présentée par le Parti communiste et conduite par Félix Routhier, maire jusqu’en 1940.

Raymond Langlois est ami avec Rolland Delesque (dit “R2L”) [2], membre des Jeunesses communistes, dont le père est également élu au conseil municipal de Noisy-le-Sec.

Raymond et Rolland font ensemble des balades en vélo dans l’Eure (bien que Rolland ait été amputé d’un bras à la naissance, il participe à des compétitions cyclistes). Un autre ami de Raymond Langlois – « presqu’un frère » – est Gaston Robin, dit Toto, qui s’engagera dans les FFI en 1944.

Raymond Langlois est habile à la carabine, comme Rolland Delesque – malgré son handicap -, au point que les forains qui s’installent dans les parages leur refusent l’accès à leurs stands de tir pour empêcher leurs « razzias de peluches ».

Au moment de son arrestation, Raymond Langlois est domicilié chez sa mère, Véronique, dans une petite maison au fond d’une cour au 73, rue de Merlan à Noisy-le-Sec.

Au début de l’occupation, il est actif dans la clandestinité, toujours avec son ami Rolland.

Le 16 octobre 1940, Raymond Langlois est arrêté sur dénonciation d’un voisin épicier. Probablement jugé et condamné, il est incarcéré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré : le 8 juin 1941, le préfet de police signe un arrêté ordonnant son internement administratif. Faute de place au centre de séjour surveillé d’Aincourt, alors saturé, Raymond Langlois est maintenu en détention à Poissy.

Le 28 novembre 1941, il fait partie du groupe des neuf derniers internés de Poissy transférés en train via Paris-Austerlitz au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne). Parmi eux, quatre autres futurs “45000” : Alfred Chapat, Pierre Marin, Marcel Nouvian et Eugène Thédé.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 9 décembre, le préfet de Seine-et-Oise écrit au “Conseiller supérieur d’administration de guerre” de la Feldkommandantur de Saint-Cloud comme suite à ses instructions du 13 novembre, afin de lui transmettre les avis de transfert des neuf hommes.

Le 22 mai 1942, Raymond Langlois fait partie d’un groupe de 156 internés de Rouillé – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Raymond Langlois est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Raymond Langlois est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45725 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Raymond Langlois est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 12 novembre, il est admis au Block n° 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

En janvier 1943, il se trouve encore à l’hôpital avec Marcel Cimier. Sortis en même temps, ils décident de se soutenir mutuellement. Assignés au Block 9, ils sont affecté à un mauvais Kommando de déchargement des wagons. Alors qu’ils se présentent pour la visite de consultation au Block 28, ils “passent au travers” une sélection “surprise” pour le Block 7 de Birkenau, mouroir conduisant à la chambre à gaz. Une autre fois, alors qu’ils sont pris dans un groupe de détenus devant passer à la sélection, ils parviennent à s’enfuir et à se cacher.

Ensuite, ils sont pris dans un Kommando où les coups sont rares mais où le travail lui-même est épuisant : il s’agit de creuser des tranchées dans un sol durcit par le gel pour y poser des canalisations. En avril, sachant que de nombreux détenus polonais ont été déportés vers le Reich, ils se présentent spontanément au kapo des cuisines et parviennent à s’y faire embaucher.

Mais, au début du mois de mai, Raymond Langlois, atteint de tuberculose, est épuisé et admis à l’hôpital, au Block 20, où André Montagne, de Caen, est aide-infirmier depuis le début mars 1943.

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Sur les radiographies successives de ses poumons, Raymond Langlois peut constater la progression inéluctable de la maladie qui le tue.

Il meurt au Block 20 ; le 11 novembre 1943 selon le témoignage de Georges Brumm. Il a 21 ans.

Le nom de Raymond Langlois est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux déportés sur le Monument aux morts de Noisy-le-Sec, situé dans l’ancien cimetière, et sur la stèle 1939-1945, place du maréchal-Foch.

Son père, César Langlois meurt à Noisy le 19 juillet 1945. À cette date, il aurait pu apprendre le sort de son fils par un rescapé.

Notes :

[1] Noisy-le-Sec : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Rolland Delesque a dit à son fils se souvenir que le père de son ami Raymond Langlois était fils d’un adjoint SFIO au maire de Noisy-le-Sec (PCF) et qu’il appartenait aux Jeunesses Socialistes avant de rejoindre les JC clandestines.

Sources :

- Marcel Cimier, Les incompris, souvenirs publiés dans Les cahiers de Mémoire : déportés du Calvados, textes présentés par Béatrice Poulle, conservateur aux Archives départementales du Calvados, publiés par le Conseil Général du Calvados, 1995, p. 96 à 99.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 243 et 244, 268 et 269, 385 et 409.
- Messages de Claude Delesque, fils de Rolland dit “R2L” (03-2006, 03-2008, 09-2011) ; texte Les lettres de Aincourt et les 45000.
- Claude Pennetier, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron.
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA 2374 (camps d’internement…).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 107.
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (4582).
- Archives départementales de la Vienne, cote 109W75 (camp de Rouillé).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1W77, 1W80 (notice individuelle), recherches de Claude Delesque.
- Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre du Block n° 20 de l’hôpital d’Auschwitz, p. 82.
- Site Mémorial GenWeb, 93-Noisy-le-Sec, relevés de P. Caulé (2000-2002) et de Ch. Level-Debray (10-2003).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Lucien LANGLOIS – 45724

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Lucien, Maurice, Jules, Langlois (son prénom d’usage est peut-être Maurice) naît le 3 avril 1913 à Provins (Seine-et-Marne – 77), chez ses parents, Henri Louis Langlois, 27 ans, employé de commerce dans une épicerie, et Marthe Marcault, 28 ans, couturière, son épouse, domiciliés au 9, rue du Four-des-Raines.

Le 3 août 1914, son père – rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale – rejoint le 4e régiment de hussard où il avait effectué son service militaire de 1907 à 1909. Le 26 septembre 1914, il décède à Amiens (Somme).

Le 29 novembre 1919, Lucien Langlois est adopté par la Nation suivant un jugement du tribunal civil de Provins (77).

Après 1919, sa mère se remarie avec un voisin, Maurice Chaumel, employé à la Compagnie des chemins de fer de l’Est, veuf depuis  le 29 octobre 1918, ayant un fils de son premier mariage : André, né le 7 juin 1910 à Provins.

En 1933, Lucien Langlois effectue son service militaire au 1er G.A. (groupe de l’École d’artillerie ?) à Fontainebleau (77).

Il devient plombier, employé à l’usine de la Compagnie du gaz de Provins.

Début 1936, il vit toujours chez son beau-père et sa famille, alors domiciliés au 2 bis, rue de Pontigervais.

Le 1er juin 1936, à Provins, Lucien Langlois se marie avec Suzanne Henriette Mauricette Lavacherie. Ils n’auront pas d’enfant.

Adhérent du Parti communiste de 1937 à 1939, Lucien Langlois est secrétaire de section de 1938 à 1939 (18e “rayon” rattaché à la région de Paris-Sud), avec Serge Veau pour trésorier. Les réunions se tiennent à Ormes-sur-Voulzie, au domicile de Roger Benenson, député communiste de la circonscription de Provins (mai 1936) et conseiller général du canton (octobre 1937), fondateur du journal L’Information de Seine-et-Marne.

Dès 1938, le couple Langlois connaît une mésentente.

Le 26 septembre 1939 – jour même de l’interdiction du PCF par le gouvernement -, le nom de Suzanne Langlois, alors domiciliée rue du Pont-Pigy à Provins, est inscrit sur une liste de 73 militants des milieux communistes non mobilisés (7 noms sont rayés) établie par le commissaire de police de Provins à la demande du préfet de Seine-et-Marne.

Début 1941, le couple Langlois se sépare ; avant son arrestation, Lucien intente une demande de divorce auprès du tribunal de Provins.

Au moment de son arrestation, il est encore domicilié au 2, rue de Pontigervais à Provins, où il vit avec sa mère, devenue veuve une deuxième fois.

Le dimanche 19 octobre 1941, Lucien Langlois est arrêté à son domicile « comme otage » par des Feldgendarmen accompagnés de policiers français ; du 18 au 21 octobre 1941, une rafle décidée par l’occupant vise les communistes de Seine-et-Marne, arrêtés en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte ayant eu lieu dans le département : 42 d’entre eux seront des “45000”.

Ils sont rapidement internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; Lucien Langlois y est enregistré sous le matricule n° 1747.

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le 28 novembre, le nom de “Maurice” Langlois apparaît sur une liste de 79 otages communistes pouvant être proposés pour une exécution de représailles, établie par la Feldkommandantur 680 de Melun et adressée au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-

[en-Laye].

Entre fin avril et fin juin 1942, Lucien Langlois est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Avant son départ, Lucien Langlois inscrit le nom et l’adresse de sa mère sur la carte-formulaire préimprimée en allemand remise par l’administration militaire du Frontstalag 122 afin d’informer les proches que le détenu qui y est mentionné « a été transféré dans un autre camp pour travailler. Le lieu de destination ne nous est pas connu, de sorte que vous devez attendre des nouvelles ultérieures… ». Ces cartes, complétées par la plupart des déportés, seront postées à la mi-juillet.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Lucien Langlois est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45724 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Lucien Langlois est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche”. « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 14 novembre, son nom est inscrit sur un registre de l’hôpital d’Auschwitz-I [1].

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Il meurt à Auschwitz le 1er décembre 1942, d’après les registres du camp, selon une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, et où est inscrit le matricule n° 45724 (le local en question est situé au sous-sol du Block 28) [2].

Le 15 juillet 1942, le tribunal de Provins a débouté Lucien Langlois de sa demande de divorce.

Au cours de cette même année, le bruit a circulé qu’il avait été fusillé.

Le 10 août 1943, Suzanne Langlois écrit au préfet de Seine-et-Marne pour lui demander – concernant son mari – s’il lui est possible de la « fixer sur son état » et si elle a droit à une allocation (celle-ci est prévue par un décret du 9 avril précédent relatif aux internés administratifs !). Elle a alors quitté Provins pour Corbeil (Seine-et-Oise / Essonne), où elle habite chez un cousin de son mari, Maurice M., domicilié au 5 rue du Capitaine-Pesquet.

Le 2 mars 1948, le tribunal civil de Provins prononce un jugement déclarant Lucien Langlois décédé le 7 juillet 1942 (… au lendemain du départ du convoi) [2].

En 1952, Suzanne Langlois dépose une demande de carte de déporté politique au nom de son mari. Elle est alors revenue au 2, rue de Pontigervais à Provins (chez sa sœur Germaine ?).

Notes :

[1] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Mais les “31000” et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme “Revier” : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant alors ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 378 et 409.
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys : cabinet du préfet, dossiers d’attribution de la carte de déporté (SC1994) ; arrestations allemandes, secteur de Provins, dossier individuel (SC51231) ; notes (SC51241).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet : Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), doc. IV-198.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

Pierre LANA – (45723 ?)

© Direction des patrimoines de la mémoire et des archives, Caen.

© Direction des patrimoines de la mémoire et des archives, Caen.

Pierre Lana naît le 4 octobre 1897 à Fomarco (province de Novare, Italie), fils d’Aurelio (Aurélien) Lana, 25 ans, maçon, et de Rosa Dell’Orsi, son épouse, cultivatrice.

 Au printemps 1926, Pierre Lana est hébergé et employé par son oncle (?), Charles Viotti, né également à Formaco, arrivé en France au tournant du siècle, installé depuis comme entrepreneur en menuiserie (Viotti frères) rue d’Exincourt à Audincourt (Doubs), au sud de l’agglomération Montbéliard-Sochaux.

Audincourt. Le pont et les usines. Carte postale non datée (années 1900 ?). Coll. Mémoire Vive.

Audincourt. Le pont sur le Doubs et les usines.
Carte postale non datée (années 1900 ?). Coll. Mémoire Vive.

Le 17 juillet 1926, à Audincourt, Pierre Lana épouse Aline Viotti, fille de Charles, née le 22 mars 1902 dans cette ville, sans profession. Ils auront au moins deux garçons : Serge, né le 2 juin 1927 à Audincourt, et Hubert, né le 2 juillet 1937. En mars 1933, Aline Lana accouche d’un enfant mort-né.

Au printemps 1936, Pierre Lana (ayant toujours la nationalité italienne) habite rue de Belfort (“Pont-Rouge”), hébergeant son père, Aurélio Lana, cimentier. Il est toujours menuisier chez son beau-père, Charles Viotti.

Le 30 décembre 1936, Pierre Lana est naturalisé français par décret présidentiel.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au Pont-Rouge (rue de Belfort prolongée ?) à Audincourt, comme gérant du Café des Arts.

Audincourt. La Poste dans la rue de Belfort. Carte postale des années 1930.

Audincourt. La Poste dans la rue de Belfort.
Carte postale des années 1930.

Sous l’occupation, Pierre Lana est membre du triangle directeur du premier groupe de résistance organisé par le parti communiste dans la région de Montbéliard-Audincourt, avec Gaston Génin et Minazi. Dans son café, il organise des réunions clandestines. Leur liaison avec le centre national est assurée par Marcel Loffel, ex-secrétaire de l’Union locale CGT d’Argenteuil. Pierre Lana participe également à la rédaction et à l’impression de tracts et du journal clandestin Le Peuple comtois (ou Le Franc-Comtois ?), ainsi qu’au recrutement permettant d’élargir leur groupe, précurseur des Francs-tireurs et partisans.

Le 22 juin 1942 à 21 h 30, alors qu’il dort déjà, Pierre Lana est arrêté à son domicile par des Feldgendarmes

[1], en présence de son épouse et de son père.

Le même jour, Paul Feuvrier est arrêté à Pont-de-Roide ; leurs noms sont inscrits à la fin d’une liste de vingt-cinq militants communistes et syndicalistes de la Haute-Saône (dont les sept futurs “45000” du département et Georges Cogniot) ; Pierre Lana figure au n° 25. Après un passage par Montbéliard, ils sont finalement internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Enregistré sous le matricule n° 1122, Pierre Lana est assigné au bâtiment A6.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Pierre Lana est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45723 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Pierre Lana.

Il meurt à Auschwitz le 3 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Le 17 novembre 1945, sur “papier libre”, Albert Morel, de Lure (Haute-Saône), rescapé du convoi, certifie le décès de Pierre Lana à Auschwitz « fin novembre ou début décembre 1942, de maladie et privations ». Trois semaines plus tard, le 4 décembre, Eugène Garnier, de Flers (Orne), rédige un certificat semblable (même période estimée pour le décès), ajoutant, pour cause de décès, l’épuisement à la maladie et aux privations.

Le 7 mars 1946, Aline Lana complète et signe un formulaire de recherches pour déporté. Trois semaines plus tard, le 28 mars, elle complète et signe un formulaire du ministère des anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) pour demander que soit établi l’acte de décès de son mari, ainsi que l’attribution de la mention “mort pour la France” ; afin d’appuyer cette démarche, elle dispose des certificats fournis par les deux rescapés.

Le 12 décembre suivant, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des ACVG dresse l’acte de décès officiel de Pierre Lana « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour » (les témoignages de Morel et Garnier) et en fixant la date au 1er décembre. Le jour même, un courrier est envoyé au maire d’Audincourt pour lui demander de transcrire ce décès sur ses registres d’état civil.

Le 16 novembre 1953, Aline Lana – en qualité de conjointe – complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant à son mari à titre posthume. Le lendemain, à l’appui de cette démarche, Jean Sircoulomb, plombier à Audincourt, qui a été sous les ordres de Pierre Lana, « certifie que [son] chef a hébergé des camarades clandestins qui étaient chargés de la liaison ou du transport de matériel pouvant nuire à l’occupant. » Le 24 juillet 1954, le président de la commission départementale du Doubs des internés et déportés résistants donne son avis sur l’activité de Pierre Lana sous l’occupation : « Arrêté comme membre du Parti communiste. À noter qu’à la date de son arrestation, le PC n’était pas encore dans la résistance. Il est donc peu vraisemblable qu’il a hébergé des résistants à cette date : à classer “politique” ». Le 4 novembre, sans surprise, le ministère décide le rejet de la demande du titre de résistant et attribue automatiquement à Pierre Lana le titre de déporté politique. Le 17 novembre, la carte de DP n° 1116.13354 est envoyée à sa veuve.

Le 10 novembre 1962, Aline Lana remplit un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’inscription de la mention “Mort pour la France” sur l’acte de décès d’un déporté politique. Le 16 mai 1963, le ministère décide de son acceptation. L’inscription est portée sur le registre d’état civil d’Audincourt le 25 juin suivant.

Le nom de Pierre Lana est inscrit sur le Monument aux morts d’Audincourt ; son prénom abrégé « Pre ».

Il a une “tombe” dans le carré militaire du cimetière, route de Dasles (« FTPF déporté et disparu en Allemagne »).

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich ” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total (bilan au 31 juillet), 1300 hommes environ y seront internés à la suite de cette action. Effectuant un tri a posteriori, les Allemands en libéreront plusieurs dizaines. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 363 et 409.
- Ville d’Audincourt, service de l’état civil.
- Archives départementales du Doubs, site internet, archives en ligne : dénombrements de population (recensements) à Audincourt 1906-1936.
- Archives départementales de Côte-d’Or : Arrestations par les autorités allemandes-correspondances, (630 W), article 252, liste de la Haute-Saône (sic).
- Copies de cartes de correspondance du camp de Royallieu transmises par son fils, Serge Lana.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 P 261 328 et 21 P 472 360).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 688 (27194/1942).
- Site Mémorial GenWeb, relevés de Gilbert (03-2008) de Jean-François Languillat et Jean-Pierre Bohin (06-2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification le 26-03-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Robert LAMBOTTE – 45722

Robert, Charles, Isidore, Lambotte naît le 11 décembre 1921 à Paris, fils de Jules Lambotte et de Charlotte Mirat.

Célibataire, il habite chez ses parents, au 2, rue Hassard à Paris 19e, à l’angle de la rue du Plateau.

Étudiant, il est néanmoins déclaré comme ajusteur-outilleur sur les registres du camp de Voves.

Membre des Jeunesses communistes, il participe à la création d’un groupe clandestin dans le quartier du Plateau, près des Buttes Chaumont, avec notamment les frères Cadet, Maurice (20 ans) et Jean (19 ans), de la rue de la Villette, membres de l’O.S.

[1], fusillés le 26 novembre 1942.

Le 12 septembre 1940, Robert Lambotte est arrêté à son domicile par des inspecteurs de la police judiciaire pour distribution et placardage de tracts. Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, il est conduit au Dépôt de la préfecture de police (la Conciergerie), puis écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 22 octobre, il est placé sous mandat de dépôt.

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Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 8 février 1941, lors d’une audience (dite « procès des cinquante ») au cours de laquelle sont jugés 50 militants et militantes communistes – dont dix-sept futurs “45000” – la chambre pour mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine condamne Robert Lambotte à quatre mois d’emprisonnement. Comme les autres condamnés, il fait appel de la sentence le 28 février. Bien que sa peine soit couverte par la détention préventive effectuée, Robert Lambotte n’est pas libéré : dès le lendemain, – sur instruction des Renseignements généraux – le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939.

Le 27 février suivant, il fait partie d’un groupe de 48 internés administratifs – dont Guy Môquet, Maurice Ténine et seize futurs “45000” – transférés à la Maison centrale de Clairvaux (Aube) où ils en rejoignent d’autres : 187 détenus politiques s’y trouvent alors rassemblés.

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Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 8 avril 1941, avec Marcel Andréas, Marcel Boyer, Louis Guidou, René Perrottet et Jules Vanzuppe, Robert Lambotte est l’un des huit internés de Clairvaux conduits à la Maison d’arrêt de la Santé en préalable à leur passage devant la cour d’Appel. Le lendemain, celle-ci confirme sa peine. Il est prévu qu’il soit ramené à Clairvaux, mais, le quartier de la centrale utilisé comme centre d’internement étant « complet », il reste interné à la Santé.

Le 25 septembre 1941, Robert Lambotte fait partie d’un groupe d’internés de la Santé transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle.

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Le camp de Gaillon, ancien château de l’évêque de Rouen.
Carte postale d’après-guerre. Collection Mémoire Vive.

Le 7 février 1942, il est admis avec Jean Paupy au pavillon des malades contagieux de l’hôpital de Vernon, situé à treize kilomètres de Gaillon ; la maladie contractée ainsi que la date de son retour au camp sont inconnues.

Selon une note de la police (RG ?) datée du 18 février, Robert Lambotte figure sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion », et qui sont pour la plupart internés au camp de Gaillon.

Le 4 mai 1942, il fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule 296, il n’y reste que deux semaines.

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Musée de la Résistance Nationale, Champigny.
Fonds de l’Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant.
Droits réservés.

Le 20 mai, Robert Lambotte est du nombre des 28 internés que viennent chercher des gendarmes français. Quelqu’un annonce qu’ils sont condamnés à mort. Pensant qu’on les emmène pour être fusillés, les partants chantent La Marseillaise. En fait, remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué
par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Robert Lambotte est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Robert Lambotte est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45722 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclinent leur profession (il se déclare serrurier), ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Robert Lambotte est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Assigné au Block 15, il est affecté au Kommando Schlosserei (serrurerie) avec son camarade inséparable, Lucien Penner. Puis, toujours avec lui à la DAW (Deutsche AusrüstungsWerke, société SS, usine d’armement entre autres).

Robert Lambotte est contacté par Herman Langbein, l’un des dirigeants autrichiens du Comité international de Résistance. Il prend contact avec les “31000“, principalement Marie-Claude Vaillant-Couturier.

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient
les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage
de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel -qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

Le 23 février 1944, quatre “45000” sont transférés au KL Buchenwald : Robert Lambotte, Lucien Penner, Raymond Montégut et Camille Nivault (quelques jours après, arrive Charles Limousin, qui succombe presque aussitôt). Très malade, Robert Lambotte (matr. 34150) est hospitalisé au Revier, puis, un peu mieux portant, participe à la Résistance du camp, au Block 14, dont le responsable est Roger Arnould (qui découvre Auschwitz par son récit).

Transféré à au KL Neuengamme le 26 octobre 1944, Robert Lambotte est ensuite dirigé vers la mer Baltique, sur le canal de Kiel, dans un Kommando de la Mibau (ou de la DAW ?) qui fabrique des appareils de guidage d’avions : il rapporte que le régime y est moins dur, et que les rapports avec les ouvriers civils allemands y sont corrects. Mais il sabote discrètement les pièces qu’il contrôle.

Le 1er mai 1945, les SS s’étant enfuis, les déportés traversent le canal « en colonne par cinq » et rejoignent les troupes anglaises sur l’autre rive « sous la conduite d’un vieux soldat ». Le 26 mai, Robert Lambotte est rapatrié par Lille.

Il épouse Simone Sampaix, mais leur mariage ne dure pas.

Il témoigne devant la Commission d’Histoire de la Déportation.

Robert Lambotte devient ensuite journaliste à L’Humanité. Grand reporter, spécialiste de l’Afrique, il tient cette rubrique durant 38 ans.

Il est homologué dans la Résistance intérieure français (RIF) au grade fictif de sergent pour son appartenance au Front national.

À son décès, le 5 janvier 1984, à 63 ans, son journal publie de nombreux articles honorant sa mémoire.


La résistance dans le 19e, page 161

Le nez dans les cendres froides

Un ancien SS, un certain Hans Kroker, vient de porter plainte contre une journaliste ouest-allemande. Il s’estime diffamé car celle-ci, Mme Renate Harpprecht, a rappelé que ses parents avaient été exécutés par les nazis dans les chambres à gaz. Elle sait de quoi elle parle ! Elle a été enfermée à Auschwitz et à Bergen Belsen. Pour Hans Kroker, les chambres à gaz n’ont jamais existé. Il s’agit, écrit son avocat, d’« une fable horrible ».

Trop de preuves ont été apportées de la monstrueuse ingéniosité des nazis en matière d’extermination massive pour que l’existence des chambres à gaz puisse, un seul moment, être mise en doute. J’ai vécu à Auschwitz, comme des dizaines de milliers de déportés, j’ai vu construire ces sinistres usines à donner la mort. J’ai vu les trains arriver et fournir leurs cargaisons de condamnés. J’ai aussi, comme tant d’autres, respiré, le soir, la fumée nauséabonde des hautes cheminées de briques rouges. Près de quatre millions d’hommes, de femmes et d’enfants y sont passés.

Qu’on nous laisse, avec un groupe d’anciens d’Auschwitz, cet Untermench, toujours SS, vers ce qui reste de notre camp. Nous lui mettrions le nez sur le long chemin qui mène aux chambres à gaz et aux crématoires dynamités par ses amis avant leur fuite. Il est fait de menus fragments d’os carbonisés. Ce qui subsistait dans les dernières semaines des corps des suppliciés. Avant, les nazis en faisait de l’engrais. Ce qui est grave, c’est que ce mois de juin 1979, un ancien Waffen SS, puisse parler comme il le fait. Se faire gloire de son passé et sommer une ancienne déportée de le dédommager pour avoir dénoncer les crimes de ses pareils. Il n’a aucun complexe […].

Robert Lambotte (Auschwitz, matricule 45722)


Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 343, 346, 358, 374 et 409.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 432.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Herman Langbein, qui désigne Robert Lambotte comme l’un des organisateurs du groupe français de Résistance d’Auschwitz – Souvenirs de Georges Gaudray, Roger Arnould et René Aondetto.
- Témoignage de R. Lambotte dans Tragédie de la Déportation, 1940-1945, témoignages choisis et présentés par Olga Wormser et Henri Michel Hachette, Paris 1954 : les éliminations par piqûres et les fusillades dans la cour entre les Blocks 10 et 11.
- Articles nécrologiques.
- Archives de Paris, archives judiciaires, registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 14 janvier-12 février 1941 ; jugement du samedi 8 février 1941, cote D1U6 3719.
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA 2373 et 2374 (camps d’internement…) , BA 2397 (liste des internés communistes, 1939-1941).
- Archives départementales de l’Eure, Évreux, camp de Gaillon, cote 89w1, recherches de Ginette Petiot (messages 08-2012, 03-2013).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Dominique Ghelfi, Contre l’oubli, témoignage daté de 1946, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
- Raymond Montégut, Arbeit macht Frei, Éditions du Paroi (imprimeur), juin 1973, Recloses, 77-Ury, 349 p., pages 232.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Robert Lambotte, cote 1.1.01.22.812, recherches de Ginette Petiot (message 09-2012).
- 1940-1945, La Résistance dans le 19e arrondissement de Paris, ANACR, éditions Le temps des cerises, Pantin septembre 2005, pages 160 et 161, 165.
- Robert Lambotte, quelques articles parus dans L’Humanité : sur l’apartheid (9 avril 1973), sur l’état de l’Afrique Noire (mars 1971).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 17-06-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] O.S. : organisation spéciale armée du Parti communiste clandestin créée à partir de septembre 1940, à l’origine pour protéger les militant(e)s prenant la parole en public, les distributeurs de tracts et les colleurs d’affiches, elle est devenue le premier cadre de la résistance armée.

Adrien, dit Marcel, LAMBOLEY – (45720 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Adrien Lamboley naît le 10 février 1902 à Belfort (90), chez ses parents, Aristide Lamboley, 22 ans, frappeur, et Marie Still, son épouse, 20 ans, domiciliés au 164, faubourg des Vosges ; les deux témoins sont des forgerons (collègues du père ?). La famille semble avoir déménagé avant le recensement de 1906.

Plus tard, Adrien Lamboley se fait appeler Marcel.

Il est agent hospitalier (garçon de service) de l’Assistance publique à l’hôpital Laënnec, au 42, rue de Sèvres, à Paris 7e, où il habite un logement de fonction (c’est l’adresse de son domicile au moment de son arrestation).

Entrée de l’hôpital Laënnec dans les années 1910. Carte postale voyagée en juin 1933. Coll. Mémoire Vive.

Entrée de l’hôpital Laënnec dans les années 1910.
Carte postale voyagée en juin 1933. Coll. Mémoire Vive.

Le 8 mars 1924 à la mairie du 7e arrondissement, il se marie avec Eugénie Miquel, née à Ornaison (Aude) le 5 septembre 1900, infirmière dans le même établissement. Ils auront deux enfants.

Selon le témoignage de Georges Dudal, rescapé, il est connu comme boxeur sous le nom de “Kid Marcel” ; mais il se peut qu’il ne s’agisse que d’un sobriquet en allusion à un sportif connu à l’époque 

[1]. Lui même déclarera n’avoir « jamais appartenu à aucun parti politique quel qu’il soit » et s’intéresser « uniquement aux sports ».

D’après le certificat établissant ses activités de résistance, Marcel Lamboley entre dans le réseau “Armée des Volontaires” en octobre 1940.

En mars ou avril 1941, il fréquente un café situé à l’angle des rues de Rennes et du Vieux Colombier. Un jour, au cours d’une partie de cartes, discutant de la situation générale avec un consommateur, il tombe d’accord avec celui-ci au point de vue politique. Lui montrant un tract intitulé Pantagruel, l’individu ajoute : « Si tu veux, je t’en passerai quatre ou cinq de temps en temps ». Sans chercher à le connaître davantage, Marcel Lamboley accepte et diffuse ces quelques tracts à des camarades, soit à l’hôpital, soit à l’extérieur. Il met cet « approvisionneur » anonyme en relation avec une collègue de l’hôpital, Denise G., qui se rend également au café. L’inconnu confie alors à celle-ci quinze photographies du général de Gaulle, vendues 10 francs pièce, et dont elle remet le produit à Marcel Lamboley, qui le remet à son tour à son contact anonyme. Denise G. est arrêtée vers le 13 septembre suivant, en même temps que Lucien R., tous deux inculpés d’infraction au décret du 24 juin 1939 « relatif à la répression de la distribution et de la circulation de tracts d’origine ou d’inspiration étrangère ».

Le 24 septembre 1941, Marcel Lamboley est arrêté à son domicile par deux inspecteurs de la brigade spéciale n°1. Après son interrogatoire dans les locaux des Renseignements généraux à la préfecture de police – au cours duquel il admet les faits -, il est inculpé pour le même motif que les deux autres personnes arrêtées et conduit au Dépôt (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité), où il les rejoint, tous étant mis à la disposition du procureur de la République.

Le 13 novembre, les trois prévenus comparaissent devant la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine qui condamne Marcel Lamboley à six mois d’emprisonnement. Il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), puis à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines) jusqu’au 5 mars 1942.

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.  Carte postale. Collection Mémoire Vive

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive

À l’expiration de sa peine, il n’est probablement pas libéré. Le 26 mars 1942, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif.

Pendant un temps, Marcel Lamboley est détenu au Dépôt. Le 16 avril, il fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il est enregistré sous le matricule n° 73.

Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Lamboley est enregistré – avec ce prénom – au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45720, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcel Lamboley.

Il meurt à Auschwitz le 19 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; tué pour avoir refusé de devenir Vorarbeiter (kapo sur les chantiers de travail), toujours selon le témoignage de Georges Dudal.

Marcel Lamboley est homologué comme “Déporté Résistant” et porte le grade de capitaine dans la Résistance Intérieure Française (R.I.F.).

Sources :

- Roger Arnould, article paru dans le journal de la FNDIRP, Le Patriote Résistant, n° 511, mai 1982.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 90, 143, 371 et 409.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002).
- Archives départementales du territoire de Belfort (AD90), site internet du conseil général, archives en ligne : état civil de Belfort, registre des naissances 1902-1903 (1 E 10 N 113-114), année 1902, acte n° 91 (vue 32/415).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : état civil du 7e arrondissement, registre des mariages, année 1924 (7M 225), acte n° 204 (vue 5/31).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossiers de la BS1 (GB 59), n° XX, « affaire Lamboley », 24-09-1941 dossiers de la BS1 (GB 59), n° XX, « affaire Lamboley », 24–09-1941.
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 3 septembre au 16 décembre 1941 (D1u6-5858).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 687 (36530/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-09-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Kid Marcel, de son vrai nom Marcel Bouazziz, né le 24 décembre 1916, boxeur dans la catégorie poids welter, battu aux points par Marcel Cerdan à Oran en 1937.

René LAMBOLEY – 45721

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René Lamboley naît le 24 mai 1920 à Saint-Denis 

[1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), fils de Georges Lamboley, fraiseur, et d’Eugénie Kerrurien.

À une date restant à préciser, sa mère se marie avec Charles Georgler.

Au moment de son arrestation, René Lamboley est domicilié au 16, passage Meunier, à Saint-Denis, avec sa mère, son beau-père et ses frères, dont il est l’aîné. Il est célibataire.

Après son certificat d’études primaires, il entre à l’usine Mouton (tréfilerie des métaux) à Saint-Denis (Plaine). Il est monteur fraiseur.

Très tôt, il s’engage dans le mouvement syndical (CGT), puis aux Jeunesses communistes. Sportif, il fait partie de l’équipe de football du Club sportif ouvrier dyonisien (CSOD).

Fin 1939 ou début 1940, il est mobilisé. Après la “débacle”, en juillet, il revient à Saint-Denis. Début août, il rejoint le groupe des JC clandestines et participe au collage de papillons et aux distributions de tracts.

Le 2 septembre 1940, il est arrêté par la police française avec quatre autres membres des Jeunesses communistes (Fernand Devaux, qui sera déporté avec lui, Guy Gaillard, Hammon, et Georges Philipidès), lors d’une distribution de tracts entre la rue des Ursulines et la rue Catulienne à Saint-Denis. Ils sont d’abord conduits au commissariat de secteur, à Saint-Denis.

Le 4 septembre, René Lamboley est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Il est libéré à la fin du mois d’octobre, avec ses camarades et d’autres détenus.

Le 9 novembre 1940, il est de nouveau arrêté, avec les mêmes camarades ; le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif le jour même. Il est aussitôt conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre de la même année, dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt, afin d’y interner des hommes connus de la police française pour avoir été communistes avant guerre.

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Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,
le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941. René Lamboley et ses camarades sont installés dans le réfectoire, transformé en “dortoir des jeunes”.

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Sanatorium de la Bucaille à Aincourt.
Une salle de réfectoire. Peut-être celle du bâtiment
où se trouvent les communistes internés et qui
– vidé de ses tables – deviendra le dortoir des jeunes.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 26 février 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de René Lamboley, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, ne formule pas son avis mais constate que cet interné « serait à libéré en fonction de son jeune âge, de sa situation de famille et à envoyer dans un camp de jeunesse », ajoutant à sa décharge : « attitude correcte – bon esprit ». La situation de famille décrite est celle-ci : « mère vit en concubinage avec un homme malade – un frère prisonnier et un autre au chômage ».

Le 22 octobre, le directeur du camp transmet au préfet de Seine-et-Oise trente-sept notices sur des détenus devant être exclus des listes d’otages. René Lamboley est du nombre au motif qu’il « a toujours fait preuve du meilleur esprit, volontaire pour toute les corvées », le directeur estimant que, si celui-ci a été membre des jeunesses communistes, « ses convictions n’étaient pas très assises. »

Le 5 mai 1942, René Lamboley est parmi les 149 derniers internés à quitter le camp d’Aincourt – qui devient alors un camp de femmes – pour celui de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule 385, il n’y reste que cinq jours.

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Entrée du camp de Voves.
Date inconnue, probablement après mars 1943.
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Musée de la Résistance Nationale, Champigny.
Fonds de l’Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant.
Droits réservés.

Le 10 mai, avec 80 de ses camarades, il est remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), Frontstalag 122 – Polizeihaftlager, gardé par la Wehrmacht. Il y retrouve de nombreux anciens d’Aincourt, dispersés entre temps dans différents camps français.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Lamboley est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45721 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Selon René Aondetto, au Block 20, René Lamboley fait partie des détenus matraqués pour l’exemple par les “kapos”, afin de montrer à tous comment s’impose la discipline du camp.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, tous sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – René Lamboley est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée à Auschwitz-I après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Affecté à la DAW (Deutsche AusrüstungsWerke, société SS, usine d’armement entre autres), il fait équipe avec Gaston Aubert, ébéniste de formation. Leur travail – très pénible – consiste à débiter des planches à partir d’arbres venant de scieries. Son camarade de Saint-Denis, Fernand Devaux, arrive à prendre contact avec eux. Mais il perd de vue René en octobre-novembre.

René Lamboley meurt à Auschwitz le 6 décembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp.

Une plaque rappelle son souvenir là où il demeurait, passage Meunier à Saint-Denis. Son nom figure également au Mémorial des Déportés Politiques et Résistants, place de la Résistance à Saint-Denis.

Comme pour la plupart de ses camarades, le titre de “Déporté-Résistant” lui a été refusé.

Sources :

- Témoignage de Fernand Devaux (11-2006).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 112, 178, 386 et 409.
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révision trimestrielle), 1w76, 1w77, 1w129 (dossier individuel).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).

Fernand Devaux et MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-02-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Saint-Denis : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

 

Raymond LAMAND – (45719 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Raymond, Louis, Eugène, Lamand naît le 21 décembre 1904 à Cailly (Seine-Inférieure / Seine-Maritime 

[1] – 76).

À une date restant à préciser, il se marie avec Madeleine Deffaux. Ils auront un fils,  Christian, né le 18 juin 1929.

Son épouse décède le 29 mai 1936.

À l’été 1938, Raymond Lamand est domicilié au 1, avenue des Soupirs au Pré-Saint-Gervais [2] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93). Il travaille comme charcutier.

Le 11 juillet 1938, au Pré-Saint-Gervais, il épouse en secondes noces Germaine Marie Kerhir, née le 26 novembre 1909 au Havre, 28 ans, manœuvre, veuve depuis janvier 1937. La famille comptera deux autres enfants, Jacques et Ghislaine (à préciser…).

Raymond Lamand est membre du Parti communiste.

À des dates et pour un motif restant à préciser, il est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). ; il ne passe pas par le centre d’internement de Rouillé…

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Raymond Lamand est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Raymond Lamand est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45719, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Raymond Lamand.

Il meurt à Auschwitz le 22 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Après la guerre, son nom est donné à une cellule du Parti communiste au Pré-Saint-Gervais.

Son nom est inscrit sur une des plaques apposées dans le cimetière communal du Pré-Saint-Gervais et qui font office de Monument aux morts.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 29-09-1992).

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Le Pré-Saint-Gervais : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Jean-Jacques Lamand, message (10 – 2007) : réponse à un questionnaire, portrait photographique).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 385 et 409.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 687 (37000/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Le Pré-Saint-Gervais, relevé d’Alain Claudeville (2000-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Télesphore LALOUETTE – 45718

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Télesphore, Gérard, Lalouette naît le 26 février 1901 à Annay-sous-Lens (Pas-de-Calais – 62), près du canal de la Deûle, sur le Santa Fé, bateau de ses parents, Désiré Lalouette, 33 ans, batelier, et de Joséphine Fichaux, 33 ans, son épouse, domiciliés à Saint-Ghislain (Belgique). Pour la déclaration du nouveau-né à l’état civil, les témoins sont deux autres mariniers…

Pendant un temps, il est domicilié à Douai (Nord – 59).

Télesphore Lalouette est marinier.

À une date et en un lieu restant à préciser, il se marie avec Simone Vroilant. Ils n’ont pas d’enfant.

En 1929, à Dunkerque, il adhère au syndicat unique de la Batellerie (SUB) dès sa création, et y milite aux côtés de Roger Blankaert. Membre du conseil de ce syndicat qui rayonne sur toute la région Nord de la France à partir de son siège de Dunkerque, Lalouette dirige plus particulièrement la section de Chauny (Aisne). Il y mène notamment, en 1933, l’action en faveur des bureaux de tour et pour la réglementation des heures, principaux problèmes corporatifs des mariniers à cette époque.

Bien connu de tous les bateliers artisans, Télesphore Lalouette parvient, par son action, à améliorer les conditions de vie et de travail de tous les navigants. Toujours à la pointe du combat, il se distingue par son courage et son esprit combatif.

Au cours des années 1930, il adhère au Parti communiste, devenant chef de la cellule des bateliers selon la police.

En 1934, le tribunal correctionnel de Cambrai (59) le condamne à quinze jours d’emprisonnement pour entrave à la liberté du travail. Ce qui lui vaut également d’être dégradé de son grade de sergent auquel il avait été nommé pendant son service actif.

Après les négociations des accords Matignon de juin 1936, Lalouette est exclu du SUB par Blankaert et fonde à Douai (Nord), où il s’est établi, une section du syndicat des bateliers artisans (SBA), affiliée à la CGT. Secrétaire général du SBA de Douai, il parvient à grossir les rangs de son organisation, dont les effectifs dépassent, dès 1937, ceux du syndicat concurrent, atteignant près de 1000 adhérents en 1939.

Le 10 mars 1937, Télesphore Lalouette est condamné à 100 francs d’amende et à 1000 francs de dommages-intérêts au bénéfice du colonel de La Roque pour un article publié dans le journal L’Avenir du batelier, dont il est un des rédacteurs.

Au début de la guerre, Lalouette reprend son travail de marinier, mais conserve ses fonctions syndicales et politiques.

Au début de septembre 1939, il prend domicile au 158, avenue des Chantiers à Longueil-Annel (Oise – 60).

Longueil-Annel. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Longueil-Annel. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au même moment et d’après la police, Télesphore Lalouette exprime publiquement son désaccord contre la signature du pacte germano-soviétique.

Se mettant à la disposition de l’ingénieur des voies navigables à Compiègne, il effectue deux transports en péniche pour l’armée, en remplacement de bateliers mobilisés.

En octobre, non encore mobilisable (« fascicule bleu »), il se propose de remplacer Maurice Thorez, secrétaire général du Parti communiste affecté au 3e régiment de Génie à Chauny et qui s’est enfuit vers la Belgique le 4 octobre. Cette mesure exceptionnelle lui est accordée.

Le 26 octobre 1939 à Longueil-Annel, Télesphore Lalouette épouse Marcelle Orget en secondes noces.

À l’été 1940, au début de l’occupation, devenu secrétaire de la section du SBA de Longueil-Annel, Télésphore Lalouette continue de militer ouvertement.

Le 17 octobre 1941, le commissaire de police spécial de Beauvais remet une liste des communistes de l’arrondissement à la Kreiskommandantur. Télésphore Lalouette y est inscrit avec deux autres habitants de Longueuil-Annel.

Le 20 octobre, le batelier est arrêté par la Feldgendarmerie et interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il y est enregistré sous le matricule n° 1849.

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le 19 février, son épouse écrit au préfet de l’Oise pour lui demander d’intervenir afin d’obtenir la libération de son mari. Elle indique que leur maison a été perquisitionné sans que rien de compromettant n’y soit trouvé.

Le 20 février 1942, le chef de la Feldkommandantur 580 à Amiens – contrôlant les départements de la Somme et de l’Oise – insiste auprès du préfet de l’Oise, Paul Vacquier 

[1], afin que la fiche de chaque interné du Frontstalag 122 pour activité communiste demandées à l’administration préfectorale indique « son activité politique antérieure (très détaillée si possible), ainsi que les raisons qui militent pour ou contre sa prompte libération du camp d’internement ».

Le 10 mars, le préfet de l’Oise écrit au Ministre secrétaire d’État à l’Intérieur pour lui transmettre ses inquiétudes quant à cette demande : « Étant donné que parmi les internés du camp de Compiègne une vingtaine déjà ont été fusillés en représailles d’attentats commis contre les membres de l’armée d’occupation, il est à craindre que ces autorités aient l’intention de se servir de mon avis pour désigner de nouveaux otages parmi ceux pour lesquels j’aurais émis un avis défavorable à la libération. Me référant au procès-verbal de la conférence des préfets régionaux du 4 février 1942, qui précise “qu’en aucun cas les autorités françaises ne doivent, à la demande des autorités allemandes, procéder à des désignations d’otages”, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien me donner vos directives sur la suite qu’il convient de réserver à la demande dont je suis saisi… »

Le 24 avril, Paul Vacquier transmet à la Feldkommandantur 580 les notices individuelles des « personnes internées au camp de Compiègne, figurant sur la liste [qui lui a été] communiquée et domiciliées dans le département de l’Oise » qui mentionnent uniquement « des renseignements concernant l’état civil, la parenté et la situation matérielle ». En outre, il demande quelle suite a été réservée aux demandes de libération d’internés français qu’il a présentées dans ses lettres des 14 et 17 avril. Une notice concernant Télesphore Lalouette figurait dans le premier courrier avec le commentaire : « En raison de ce qu’il est revenu à de meilleurs sentiments, pourrait, sans danger pour l’ordre public et la sécurité des troupes allemandes, faire l’objet d’une mesure de libération. »

Le 13 mai, répondant à des directives concernant la désignation d’otages, le préfet de l’Oise demande au chef du gouvernement, ministre secrétaire d’État à l’Intérieur (Laval ?) d’intervenir afin de faire libérer 24 « personnes (…) non susceptibles d’être dangereuses ». Parmi celles-ci, figure Télesphore Lalouette, « ancien communiste très nocif ; mais, en 1939, s’est séparé du Parti et s’est engagé dans l’armée pour désavouer Thorez ».

Enfin, le 29 juin, Paul Vacquier écrit à la Feldkommandantur 580 pour essayer d’obtenir la sortie du Frontstalag 122 de soixante-quatre ressortissants de son département – dont Télesphore Lalouette – au motif « qu’aucun fait matériel d’activité communiste n’a été relevé à leur encontre depuis l’arrivée des forces allemandes dans la région », envisageant la possibilité d’interner certains d’entre eux « dans un camp de concentration français ». Sa démarche ne reçoit pas de réponse.

Le mal est probablement déjà fait : quand elles ont procédé à des arrestations dans l’Oise entre juillet et septembre 1941, les forces d’occupation ne disposaient-elles pas déjà d’informations et d’appréciations transmises par certains services de la police française ? N’en ont-elles pas obtenu d’autres par la suite ? Le préfet craignait la fusillade. Ce sera la déportation.

Entre fin avril et fin juin 1942, Télesphore Lalouette est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Télesphore Lalouette est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45718 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Télesphore Lalouette.

Il meurt à Auschwitz le 15 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].

À une date restant préciser, le Conseil municipal de Longueil-Annel donne le nom de Télesphore Lalouette à une rue de la commune.

La mention “Mort en déportation” est portée sur les actes de décès (J.O. n° 226 du 29-09-1992).

Notes :

[1] Paul Vacquier, nommé préfet de l’Oise le 22 mai 1940, au début de l’offensive allemande, cherche ensuite à maintenir un semblant de souveraineté française à l’échelon local, ce qui lui vaut son départ le 30 octobre 1942.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Télesphore Lalouette, c’est le 30 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 369 et 409.
- Yves Le Maner, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions Ouvrières, 1990-1997, CD-rom, citant : enquête effectuée par Michèle Vandenbussche, professeur au CES de Grande-Synthe (Nord), grâce au témoignage des parents de Télesphore Lalouette – Jean-Marie Fossier, Nord-Pas-de-Calais, zone interdite, op. cit.
- Message de sa petite-nièce, G. Leveau (01-2009).
- Henri Amouroux, La grande histoire des français sous l’occupation, éditions Robert Laffont, collection Bouquins, page 115 ; l’auteur utilise le deuxième prénom « Gérard ».
- Archives départementales de la Somme, Amiens, correspondance de la préfecture sous l’occupation, cote 26w809.
- Archives départementales de l’Oise, Beauvais : Exécutions d’internés, camp de Royallieu, mesures contre les communistes (33W 8253/1) ; Internement administratif (141w 1162).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 687 (21173/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Arthur LALLEVÉ – 45717

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Arthur, Louis, Lallevé naît le 26 août 1913 à Guise (Aisne – 02), fils d’Eugène Lallevé et de Joséphine Ductiene.

En 1933, il effectue son service militaire au 8e régiment de chasseurs à cheval.

Le 24 juillet 1936 à Proisy (02), Lallevé se marie avec Olga Marie. Ils ont trois enfants.

Au moment de son arrestation, il est domicilié à Mercy-le-Bas (Meurthe-et-Moselle – 54) ; son adresse reste à préciser.

Il est mineur, syndiqué à la Fédération du sous-sol de 1937 à 1939. Les deux dernières années, il est secrétaire de sa section syndicale.

Il est membre du Parti communiste, selon le sous-préfet de Briey.

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Le nom d’Arthur Lallevé figure – n°21 – sur une « liste communiquée le 19 (février ?) au soir à la KK (Kreiskommandanturde Briey par le sous-préfet » pour préciser la nationalité de cinquante-trois hommes.

Il est arrêté comme otage par la Feldgendarmerie – avec Raymond Balestreri – lors de la « rafle effectuée dans la nuit du 19 au 20 » février (rapport du préfet de la région de Nancy).

Le 23 février, il fait partie d’un groupe de vingt-cinq otages transférés par la police allemande au centre de séjour surveillé d’Écrouves, près de Toul (54), en attente « d’être dirigés sur un autre camp sous contrôle allemand en France ou en Allemagne » ; ils y rejoignent quatorze autres otages arrivés la veille.

Et, effectivement, le 5 mars, Arthur Lallevé est parmi les trente-neuf détenus transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, avec Raymond Balestreri, il est sélectionné parmi plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Arthur Lallevé est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45717 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Arthur Lallevé est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. À une date restant à préciser, il est admis au Block 20 de l’hôpital d’Auschwitz-I.

Il meurt à Auschwitz le 8 janvier 1943, selon plusieurs registres établis par l’administration SS du camp

[1].

La mention “Mort en déportation” est portée sur les actes de décès (J.O. n° 226 du 29-09-1992).

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant d’Arthur Lallevé, c’est le 15 février 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 368 et 409.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : cotes W1304/23 et WM 312 ; fiches du centre de séjour surveillé d’Écrouves (ordre 927 W) ; recherches de Daniel et Jean-Marie Dusselier.
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, page 246.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 687 (777/1943), orthographié « Lalleve ».

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Edmond LAISNÉ – 45716

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Edmond Laisné naît le 18 novembre 1913 à Valognes (Manche), fils d’Edmond (?) Laisné et de Jeanne (Pesnel ?), couturière.

Mobilisé, son père est tué au cours de la guerre 1914-1918.

Après ses études primaires, Edmond Laisné devient peintre en bâtiment. Après avoir travaillé dans l’entreprise Le Barbanchon à Cherbourg (120 employés), il est embauché dans l’entreprise artisanale de Louis Lacroix (… deux employés) à Valognes.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 19, rue de l’Hôtel-Dieu à Valognes, peut-être avec sa mère.

En août 1936, il adhère au syndicat CGT du Bâtiment, devenant secrétaire du syndicat du Bâtiment de Valognes, en contact avec Hardy, secrétaire du syndicat du Bâtiment de Cherbourg.

De 1934 à 1935, il effectue un an de service militaire dans une unité d’Artillerie (DCA) à Chartres.

En avril 1937, il adhère au Parti communiste de Valognes, introduit par Bailly secrétaire du rayon de Cherbourg. Il rejoint la cellule du Parti communiste de Valognes dont il est trésorier pendant un an, entouré de Frédéric Anne (secrétaire de cellule et également secrétaire adjoint du syndicat CGT du Bâtiment de la ville) et de Lancell, secrétaire-adjoint.

Pendant la guerre civile Espagnole, Edmond Laisné s’engage dans les Brigades internationales comme adhérent du PCF pour défendre la République contre la rébellion du général Franco, soutenue militairement par Hitler et Mussolini. Après s’être adressé au bureau de recrutement du 8, avenue Mathurin-Moreau à Paris, il arrive en Espagne le 20 décembre 1937, très probablement avec son camarade Frédéric Anne, ayant franchit la frontière illégalement. Il est incorporé à la 3e compagnie du bataillon de renfort, au centre d’instruction militaire de Villanueva de la Jara, puis affecté en février 1938 au 4e bataillon de la 14e brigade. Début mars, il se fracture accidentellement des côtes et est soigné pendant un mois. Il participe à l’offensive républicaine du passage de l’Ebre (El paso del Ebro), le 28 juillet 1938 et jusqu’en septembre. Il n’est pas blessé, mais, démoralisé, il cesse de militer politiquement au sein de sa compagnie, où il est trésorier du PC. Le 10 août, il a rempli une biographie de militant (65 questions) à en-tête du Parti communiste d’Espagne, préalable probable à son adhésion au PCE.

Le 21 septembre 1938, le gouvernement républicain de Juan Negrín se soumet à la décision de la Société des Nations et dissout les Brigades internationales. Deux jours plus tard, les brigadistes livrent leur dernier combat. Ils sont ensuite progressivement regroupés : le 27 octobre 1938, les volontaires des armées du Centre et du Levant sont rassemblés à Valence, tandis que ceux qui sont engagés en Catalogne sont réunis à Barcelone.

Le 21 novembre, Edmond Laisné remplit le questionnaire de rapatriement à en-tête du Commissariat de guerre des brigades internationales, sis à Barcelone.

Insigne de l’Association des volontaires pour l’Espagne républicaine, ayant appartenu à Christophe Le Meur. Produit entre la mi-1938 et la mi-1939. Coll. André Le Breton.

Insigne de l’Association des volontaires
pour l’Espagne républicaine,
ayant appartenu à Christophe Le Meur.
Produit entre la mi-1938 et la mi-1939.
Coll. André Le Breton.

Sous l’occupation, à des dates et pour un motif restant à préciser, Edmond Laisné est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il s’y trouve le 31 décembre 1941, enregistré sous le matricule 2137 et inscrit sur une liste de “jeunes communistes”.

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Edmond Laisné est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45716 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Edmond Laisné est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

En effet, à une date restant à priser, il est admis au Block 38 (réservé aux convalescents) de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

On ignore la date de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, page 409.
- Dossiers des brigades internationales dans les archives du Komintern, fonds du Centre russe pour la conservation des archives en histoire politique et sociale (RGASPI), Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), campus de l’Université de Paris X-Nanterre, microfilms acquis par la BDIC et l’AVER-ACER, bobine cote Mfm 880/21.
- Concernant Frédéric Anne, site internet Le Maitron, Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social, Maitron/Éditions de l’Atelier.
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), doc. IV-198.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 13-11-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

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