Gérald LECARPENTIER – (45746 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Gérald, Alfred, César, Lecarpentier naît le 13 juin 1895 à Sainte-Honorine-des-Pertes (Calvados – 14), fils de Gustave Lecarpentier, 32 ans, journalier, et de Marie Thomasse, 34 ans, son épouse, domiciliés rue du Carrelet dans le village du Grand-Hameau. Gérald a plusieurs frères et sœurs plus âgés : Léa – née le 8 juin 1881, avant le mariage de leurs parents, le 10 juillet suivant -, Sydonie, Maxime, Charles, Marguerite et Eugène.

Pendant un temps, Gérald Lecarpentier est dresseur de chevaux (?).

En avril 1913 et en décembre 1914, le tribunal de Bayeux le condamne à deux reprises à une amende pour chasse sans permis

Le 19 décembre 1914, Gérald Lecarpentier est incorporé comme soldat de 2e classe au 28e régiment d’infanterie ; il est signalé comme un homme de petite taille (1m59), blond aux yeux bleus. Le 21 mars 1915, il passe au 403e régiment d’infanterie, unité qui monte au front. Le 22 septembre 1916, il passe au 293e R.I. Le 18 février 1917, il est cité à l’ordre de son régiment : « Soldat courageux, à participé volontairement à un coup de main qui a permis de ramener 21 prisonniers », ce qui lui vaut la Croix de guerre avec étoile de bronze.

La Croix de guerre 1914-1918 avec étoile de bronze. © MV

La Croix de guerre 1914-1918
avec étoile de bronze.
© MV

Au cours de cette année 1917, par deux fois, il tarde à rejoindre son unité après une permission, ce qui mobilise le Conseil de guerre qui prononce des peines de prison pour désertion, non suivies d’effet. Le 9 juillet suivant, Gérald Lecarpentier est réaffecté au 403e R.I. Il connaît une « interruption de service du 10 août 1917 au 13 octobre 1919 » (?). Le 14 octobre de cette année, il est envoyé en congé illimité de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire au n° 5, rue Saint-Patrice à Bayeux (14).

En mai 1921, Gérald Lecarpentier habite chez ses parents à Cottun (14), où son père est maçon ; lui-même n’est désigné que comme “journalier” chez divers patrons. En novembre suivant, il est domicilié chez M. Cassigneul à Sannerville (14). En mai 1922, il est revenu à Cottun, au hameau Croisette.

Le 15 octobre 1921, à Cairon-le-Vieux (14), il se marie avec Héloïse Ernestine Marie Paris, née le 16 août 1900, dans cette commune. Leur fille Lucienne Éloïse Marie y naît le 31 juillet 1922. Le 31 octobre 1923, son fils Gérald naît à Tour-en-Bessin (14), puis son fils René, le 26 mars 1925. Et, jusqu’en 1926, la famille habite au lieu dit Saint-Anne ; le père de famille est toujours journalier chez divers employeurs. En novembre suivant, ils sont à Vienne-en-Bessin (14), où naissent Andrée Émilie, le 11 mars 1927, et Gustave Charles, le 16 octobre 1930. Puis ils déménagent pour le petit village de Vaucelles, près de Bayeux, dans le quartier de l’église (14). En 1936, leur fille Lucienne, 14 ans, ne vit plus avec eux. Par contre, la mère de Gérald, Maria Thomassin, est leur voisine.

En novembre 1938 et jusqu’au moment de son arrestation, Gérald Lecarpentier est domicilié au 20, rue Saint-Patrice à Bayeux (14).

Gérald Lecarpentier est maçon.

Le 2 septembre 1939, il est rappelé à l’activité militaire, classé dans l’affectation spéciale comme manœuvre à l’atelier de fabrication de Caen. Mobilisé jusqu’au 17 novembre, il est rayé de l’affectation spéciale le 27 décembre suivant.Dans la nuit du 1er au 2 mai 1942, il est arrêté à son domicile par la police française. Figurant comme “communiste” sur une liste d’arrestations demandées par la Feldkommandantur 723 de Caen, à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) 

[1], il est conduit à la gendarmerie avec 17 autres habitants de la ville (selon le Comité local de Libération).

La gendarmerie et la  prison de Bayeux dans les années 1900, ancienne chapelle de la Charité. Carte postale, collection Mémoire Vive.

La gendarmerie et la prison de Bayeux dans les années 1900, ancienne chapelle de la Charité.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 3 mai, remis aux autorités d’occupation, il est conduit au “petit lycée” de Caen où sont rassemblés les otages du Calvados. Le 4 mai au soir, il fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandises de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai en soirée.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, Gérald Lecarpentier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gérald Lecarpentier est enregistré à Auschwitz, peut-être sous le numéro 45746, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule n’a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Gérald Lecarpentier.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]).

En juillet 1945, ayant appris le retour d’André Montagne, de Caen, le Comité de libération de Bayeux le sollicite pour connaître le sort de (Gérald) Lecarpentier et celui de six autres Bayeusains (dont aucun n’est revenu).

Droits réservés.

Droits réservés.

Le nom de Gérald Lecarpentier est gravé sur le monument aux déportés et fusillés de Bayeux, apposé sur l’ancien évêché, rue Larchet.

Bayeux, monument de la déportation, façade du palais épiscopal, Georges et Gilbert Hallier, architectes, bas-relief d’Ulysse Gemignani, sculpteur, 1906-1973. Qu’importe comment s’appelle Cette clarté sur leurs pas Que l’un fut de la chapelle Et l’autre s’y dérobât Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du cœur des bras Et tous les deux disaient qu’elle Vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au cœur du commun combat Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas (La rose et le réséda, extraits, Louis Aragon)

Bayeux, monument de la déportation,
façade du palais épiscopal,
Georges et Gilbert Hallier, architectes,
bas-relief d’Ulysse Gemignani, sculpteur, 1906-1973.
Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leurs pas
Que l’un fut de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du cœur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
(La rose et le réséda, extraits, Louis Aragon)

Photos : Daniel Mougin, 2024.

Photos : Daniel Mougin, 2024.

Il est reconnu comme Déporté Résistant.

Le 26 août 1987, à Caen, suite aux démarches de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 23-03-1994).

Le nom de Gérald Lecarpentier est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir de l’attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage. Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht.

Au total plus de la moitié des détenus sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au fort du Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, page 91, notice de Claudine Cardon-Hamet page 121.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 150 et 153, 360 et 410.
- Jean Quellien (1992), sur le site non officiel de Beaucoudray, peut-être extrait de son livre Résistance et sabotages en Normandie, éditions Corlet.
- Archives départementales du Calvados, archives en ligne : état civil de Sainte-Honorine-des-Pertes, registre N.M.D. 1867-1896, année 1895, en marge de l’acte n° 3 (vue 510/545) ; registre N.M.D. 1897-1912, année 1900, acte n° 6, jugement du tribunal administratif de Bayeux réparant un oubli d’enregistrement (vues 62-64/289) ; registre matricule du recrutement militaire pour l’année 1915, bureau de Caen, n° 1-500, matricule 385 (vues 602/775).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 158 (31792/1942), orthographié « Carpentier Le, Gerald ».

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-11-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

François LE BRIS – (45745 ?)

François, Marie, Le Bris naît le 4 février 1903 à Sizun (Finistère – 29), fils de Jean Le Bris et de Jeanne Autret.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 3, rue Blanqui à Ivry-sur-Seine 

[1] (Val-de-Marne – 94).

Le 8 décembre 1925, à la mairie du 6e arrondissement de Paris, il épouse Antoinette Chandezon, née le 31 juillet 1903 à Paris 15e (préposée à l’Hospice d’Ivry en 1942).

Ils ont un fils, Jean, né en 1929.

La famille habite un temps à Gentilly, au 162, rue de L’Haÿ (devenue rue Gabriel-Péri – à vérifier…).

François Le Bris est préposé de l’Assistance publique, affecté au service du personnel de l’Hôtel-Dieu, dans l’île de la Cité à Paris.

En janvier 1941, deux inspecteurs de la Brigade spéciale n° 1 (anticommuniste) des renseignements généraux « ayant appris que des éléments des services de Santé, notamment à l’Hôtel-Dieu, avaient conservé des attaches avec le mouvement clandestin et faisaient actuellement preuve d’un certaine activité, [leur] attention a été attirée sur » François Le Bris ; peut-être s’agit-il d’une dénonciation (la police enquêtera en mai 1945).

Le 14 janvier, à l’aube, les policiers se présentent à son domicile. Au cours de la perquisition, quatre tracts communistes, tous d’un modèle différent, sont découverts dans un placard. François Le Bris est aussitôt conduit au siège de la BS1 pour y être interrogé, notamment sur ses contacts avec ses collègues Tuny et Suchet (?).

Le lendemain, à 13 heures, Antoinette Le Bris est arrêtée à son tour à son domicile.

Ce 15 janvier, après interrogatoires et au vu des rapports des inspecteurs, considérant « qu’il est établi par les tracts trouvés [à leur domicile] et par les déclarations même de Le Bris qui avoue ses sympathies pour les doctrines communistes, que les époux Le Bris exerçaient une activité certaines en vue de la diffusion des mots d’ordre de la IIIe Internationale communiste », le commissaire André Cougoule, chef de la brigade spéciale, officier de police judiciaire, les inculpe d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939, mais, « attendu que cette activité ne s’est manifestée par aucun acte récent », les laisse libres, à charge pour eux de déférer à toute convocation de Justice, et transmet le dossier au procureur de la République aux fins de droit.

Antoinette Le Bris retrouve son fils chez des amis qui l’ont recueilli, et François Le Bris revient un peu après.

Les renseignements généraux le ficheront néanmoins comme « Militant agissant et actif ».

Le 28 avril 1942, à l’aube, François Le Bris est de nouveau arrêté à son domicile par un policier français et un soldat allemand (peut être un Feldgendarme) lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 –Polizeihaftlager).

François Le Bris est interné le jour même, affecté au bâtiment C1, chambre 9, matricule 4037. Depuis de ce camp, il envoie quatre lettres à son épouse. A. Lemoine, un détenu libéré, domicilié à Nogent-sur-Marne, transmet également de ses nouvelles à celle-ci, en insistant sur le manque de nourriture des détenus.

Entre fin avril et fin juin, François Le Bris est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée (suivant un ordre de Hitler) en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée d’occupation.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandise. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Dans la période du départ, François Le Bris transmet encore un message à son épouse, daté du 5 juillet.

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Les deux wagons à bestiaux 
du Mémorial de Margny-les-Compiègne, 
installés sur une voie de la gare de marchandise 
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, François Le Bris est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45745, selon les listes reconstituées ; sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté François le Bris.

Il meurt à Auschwitz le 25 août 1942 [2], d’après les registres du camp ; un mois et demi après l’arrivée du convoi.

(aucun des quatorze “45000” ivryens n’est revenu).

Le 20 octobre 1943, par un formulaire d’attestation répondant probablement à une demande de renseignement, le commandement allemand du camp de Royallieu indique que François Le Bris « se trouve actuellement dans un camp de travail du Reich ».

Dans une lettre du 3 août 1945, Henri Charlier (“45355”, du Blanc-Mesnil (93) – alors soigné au sanatorium Émile Roux, près d’Évreux (Eure) – répond à la famille de François Le Bris qu’il ne sait rien du sort particulier de celui-ci. Mais il indique que, si ce dernier n’a pas écrit d’Auschwitz, c’est qu’il est mort avant juillet 1943 (Henri Charlier est lui-même décédé en 1952, à 52 ans).

François Le Bris est homologué comme “Déporté politique” et inscrit sur la liste des morts en déportation (18/08/2004).

Après la guerre, le nom de François Le Bris a été donné à la maternité de l’Hôtel-Dieu, son lieu de travail(service qui n’existe plus).

Son fils Jean suit l’école des PTT après la Libération.

Sources :

- Témoignage de Jean Le Bris, son fils, présent lors des deux arrestations (courriels, sept.-déc. 2006, pièce jointe). 
- Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande” (BA ?) ; dossiers de la BS1 (GB 53), n° 115, « affaire Le Bris », 15–1-1941 (réponses et photocopies adressées à Jean Le Bris). 
- Musée de la Résistance Nationale, Champigny-sur-Marne ; fiche de police de François Le Bris au commissariat d’Ivry-sur-Seine. 
- Ivry, fidèle à la classe ouvrière et à la France, supplément au Travailleur d’Ivry, édité par la section du PCF, à l’occasion du 25e anniversaire de la capitulation allemande ; page 95. 
- Archives municipales d’Ivry-sur-Seine, dossier individuel rassemblé par Michèle Rault, conservatrice, à partir de différentes sources (toutes indiquent 1940 comme date de la première perquisition au domicile du couple). 
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 388 et 410. 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 133, « Bris Le » (25007/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-01-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Ivry-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite au Journal Officiel : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir lesdocuments administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ : ainsi, concernant François Le Bris, la mention « décédé le 5 juillet 1942 à Compiègne (Oise) » a été fixée par jugement. La parution au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts. L’arrêté du 27 décembre 1993 ajoute la mention “Mort en déportation” et corrige par « décédé le 11 juillet 1942 à Auschwitz », afin de prendre en compte la certitude de son départ.

Roger LE BRAS – 45743

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Roger, Jean, Le Bras naît le 4 mai 1906 à Paris 18e, chez ses parents, François Jean Le Bras, 30 ans, employé, et Marie-Louise Cloarec, 26 ans, son épouse, domiciliés au 3, rue Championnet.

Le 25 juin 1936, à la mairie du 18e arrondissement, Roger Le Bras se marie avec Georgette Bajot, née le 5 mai 1902 à Paris 12e, brodeuse, alors qu’ils habitent déjà ensemble au 111, rue Damrémont. Son frère René Le Bras, habitant alors à Vernon (Eure) – comme leurs parents -, est venu en tant que témoin au mariage.

Peu après et jusqu’au moment de son arrestation, Roger Le Bras est domicilié au 200, rue Championnet à Paris 18e, vers la rue Vauvenargues.

Il est ouvrier menuisier à l’Assistance publique de Paris.

Militant actif, membre du Comité de défense de L’Humanité (CDH), il est vend L’Humanité Dimanche avenue de Saint-Ouen jusqu’en septembre 1939 ; probablement entre les stations de métro Porte de Saint-Ouen et Marcadet-Balagny (renommée Guy-Moquet le 27-01-1946).

Roger Le Bras est membre de la CGT, et secrétaire national du Secours populaire.

Le 16 mai 1941, il est arrêté au cours d’une distribution de L’Humanité clandestine. Il en avait glissé un exemplaire sous la porte d’un immeuble derrière laquelle se trouvait un inspecteur de police s’apprêtant à promener son chien. Celui-ci appelle deux agents commissariat de police du quartier des Grandes carrières (17e arrondissement) pour qu’ils l’arrêtent. Il est trouvé porteur de 61 exemplaires de L’Humanité du 29 janvier 1941, de 25 exemplaires datés du 1er mai 1941 et de divers autres tracts.

Le 20 mai, inculpé d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939, Roger Le Bras est conduit au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité).

Le 26 mai, il comparaît avec un autre prévenu devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine qui le condamne à sept mois d’emprisonnement (il ne fait pas appel…).

Le 9 juin, il est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne) ; n° d’écrou “correction homme” 8459.

Mais il n’y reste que quelques jours : le 20 juin 1941, pour une raison qui reste à préciser, il est transféré à la Maison centrale de Clairvaux (Aube).

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 13 février 1942, le préfet de l’Aube reçoit des autorités d’occupation l’ordre le faire transférer avec cinq autres détenus – tous futurs “45000” – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Le 23 février, Roger Le Bras est interné au camp, bâtiment A 8, matr. 3637.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne,
futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roger Le Bras est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45743 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Roger Le Bras se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Roger Le Bras est probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au Block 28 (chambrée 7) de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

Il meurt à Auschwitz le 15 septembre 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp.
Il est déclaré “Mort pour la France” (19-7-1947).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 370 et 411.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen – Lettre de Madame Le Bras à un rescapé du convoi (23-6-1945) – Témoignage d’Alex Le Bihan (FNDIRP du 18e arrondissement), R. Dray de Marseille – Etat civil de la Mairie du 18e.
- Archives départementales de l’Aube, site internet (310w114).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : état civil du 18e arrondissement, registre des naissances, année 1906 (18N 331), acte n° 2078 (vue 26/31).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 730-27780).
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 31 mai au 3 septembre 1941 (D1u6-5856).
- Archives Départementales du Val-de-Marne, Créteil : Prison de Fresnes, registre d’écrou n° 151, “correction hommes” du 20 avril au 7 juillet 1941 (2742w18).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 127, « Bras Le » (30684/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

Raymond LE BIHAN – (45742 ?)

Raymond Le Bihan naît le 5 janvier 1921 à Paris 12e arrondissement, fils de François Le Bihan et de Marie Keradec.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 43, quai de Halage à Créteil 

[1] (Seine / Val-de-Marne).

Il est actif dans la Résistance au sein des Jeunesses communistes clandestines, avec René Besse, Paul Hervy, Georges Mapataud…

À des dates restant à préciser, il est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). (Il ne passe pas par Rouillé…)

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Raymond Le Bihan est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45742, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Raymond Le Bihan se déclare comme « Drücker » (traduction ?). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Raymond Le Bihan.Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après les registres du camp, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]). Il a 21 ans. L’acte de décès établi par l’administration SS donne pour cause de sa mort une « pleuro-pneumonie »

Son nom est inscrit parmi les déportés sur le Monument aux morts de Créteil, avenue du maréchal de Lattre-de-Tassigny.

Notes :

[1] Créteil : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail”. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 387 et 410.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 91.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès du camp d’Auschwitz (31582/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 94-Créteil, relevé de Dominique Robichon (2000-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-4-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

François LE BIHAN – (45741 ?)

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Droits réservés.

François Le Bihan naît le 11 janvier 1893 à Bannalec (Finistère – 29), fils de Louis Le Bihan et d’Hélène Braud, son épouse, modestes cultivateurs catholiques.

Après avoir obtenu son certificat d’études à 12 ans et déclaré à sa mère qu’il ne croyait plus en Dieu, il rejoint son frère aîné, militaire affecté à Saint-Germain-en-Laye. Celui-ci le place chez des maraîchers de la région d’Achères avec lesquels il effectue des livraisons de légumes aux Halles de Paris.

Puis, quand il a 18 ans, son frère le fait s’engager dans la marine. François Le Bihan fait ses classes comme radio-électricien, puis est envoyé à Saïgon où il se trouve quand éclate la guerre de 1914. Au cours d’une patrouille en mer dans le Sud-Est asiatique, il est capturé par les Allemands et interné sans doute dans l’une des îles Bismarck (Java). Rapatrié après avoir signé un engagement de ne plus les combattre, il est affecté au fort du Chay, à l’entrée de la Gironde (Royan), comme radio-télégraphiste au cours de l’hiver 1917.

C’est là qu’il rencontre Germaine Jaganet, née le 5 octobre 1899 à Bordeaux et venue habiter chez sa tante après le décès de sa mère en 1914.

Ils se marient en 1918. Leur fille, Marguerite, Marie, Cécile, naît le 10 avril 1919.

Trois mois plus tard, François Le Bihan installe sa famille au Vésinet, en Seine-et-Oise : après sa démobilisation, il cherche du travail en région parisienne. Avec l’appui de sa belle-famille, il est embauché aux établissements Pathé à Chatou, mais est renvoyé dès 1920 pour fait de grève. Ses demandes d’embauches suivantes sont refusées tant qu’il mentionne son précédent employeur.

Racontant avoir été cultivateur depuis sa démobilisation, il est finalement pris à la Compagnie parisienne de distribution d’électricité (CPDE) où il entre le 1er octobre 1919. Il est ouvrier électricien à la sous-station électrique de la rue de Bondy (aujourd’hui rue René-Boulanger), à Paris 10e.

Syndicaliste, membre de la SFIO, il opte pour le Parti communiste après le congrès de Tour et milite très activement au Syndicat CGTU des producteurs d’électricité. En 1926, il est élu à la Commission exécutive de la Fédération CGTU des Services publics et de l’Éclairage jusqu’à sa dissolution en 1939. Il est un des proches de Marcel Paul. En mai 1936, dans Le Producteur d’électricité, il signe un article célébrant la victoire électorale du Front populaire.

Militant au Secours rouge international, il héberge avec son épouse de nombreux responsables communistes étrangers, en séjour ou en transit, dans une chambre réservée de l’appartement familial, au Vésinet jusqu’en 1933, puis square du Vexin à Paris 19e, et enfin, à partir de 1935, au 8, rue Louis-Ganne à Paris 20e, à l’angle de la rue Louis Lumière, Porte de Bagnolet (lors de son enregistrement à Auschwitz, il donnera comme adresse pour contacter ses proches la boulangerie Vermeire au 46, rue de Spontini à Paris 16e).

Cécile, sa fille, obtient son brevet élémentaire à la fin du cours complémentaire, à 16 ans, mais sa mère lui demande d’abandonner son projet de devenir institutrice.

Après une formation de sténodactylo aux cours Pigier et un stage au secrétariat administratif du syndicat CGT de la CDPE, Cécile est prise comme dactylo au Syndicat des métaux, au 80 rue du Faubourg-Saint-Denis, en novembre 1936. C’est là qu’elle rencontre Henry Tanguy, qui vient lui-même d’être appelé par Jean-Pierre Timbaud comme permanent à la commission exécutive du syndicat, responsable des jeunesmétallos. Début janvier 1938, après un premier engagement dans les Brigades internationale en Espagne, le militant chevronné commence à fréquenter la jeune dactylo. Il repart en février comme commissaire politique au bataillon d’instruction puis à la 14e brigade et revient le 13 novembre, avec la plupart des volontaires français (retrait demandé par le gouvernement espagnol).

Quelques mois plus tard, Cécile étant enceinte, ils décident de se marier. La majorité étant fixée à 21 ans à l’époque, François Le Bihan donne son autorisation à sa fille. Les noces ont lieu le 15 avril 1939. Le jeune couple vit quelques mois chez les Le Bihan.

Germaine et Cécile Le Bihan ont adhéré ensemble au Parti communiste le 1er janvier 1938.

À la déclaration de guerre, François Le Bihan a quarante-six ans : il est “affecté spécial” à la CDPE. Son épouse et sa fille rejoignent d’abord Henry Tanguy à Brest, où celui-ci est mobilisé, puis reviennent à Paris après la naissance de la fille de Cécile, Françoise, le 2 novembre 1939.

Le 13 avril 1940, François Le Bihan est arrêté à son domicile comme militant communiste. Jugé et condamné pour « infraction aux décrets Daladier et reconstitution de ligue dissoute », il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le lundi 10 juin, devant l’avancée allemande, Georges Mandel, ministre de l’Intérieur, ordonne l’évacuation de la prison militaire de Paris, originellement celle du Cherche-Midi, dont la Santé, réquisitionnée, est considérée comme une annexe. En début de soirée, Raphaël Manello fait partie des 1559 détenus – prévenus et condamnés – « sortis ce jour » de la Maison d’arrêt  et entassés dans un convoi formé d’autobus réquisitionnés de la STCRP (future RATP) dont les stores sont baissés et les vitres fermées et opacifiées par de la peinture. Ce cortège rejoint celui des 297 prisonniers du Cherche-Midi transportés dans des camions militaires bâchés.

Le 11 juin, la “procession” arrive devant les portes de la prison d’Orléans (Loiret), qui, déjà surpeuplée, ne peut accueillir aucun des prisonniers repliés. Dès lors, deux convois se forment. L’un, de 825 détenus, se dirige vers le camp d’aviation des Groües, proche de la gare orléanaise des Aubrais. L’autre poursuit sa route jusqu’à Vésines, à proximité de Montargis. De là, deux groupes de prisonniers, 904 d’abord, 136 ensuite, rejoignent à pied le camp de Cepoy, dans les bâtiments de l’ancienne verrerie de Montenon. Le samedi 15 juin, ils repartent – devant rejoindre l’autre groupe au camp d’Abord, à l’Est de Bourges (Cher) – à pied, en colonne, suivant le chemin de halage des canaux du Loing puis de Briare ;  première étape, longue de dix-huit kilomètres, Cepoy-Montcresson ; deuxième étape, Montcresson-Briare. Il sont escortés par un détachement de soldats du 51e régiment régional, de tirailleurs marocains et de deux compagnies de gardes mobiles sous la conduite d’un capitaine qui applique à la lettre les ordres reçus : ne laisser personne derrière, le refus de marcher étant considéré comme tentative d’évasion, les soldats peuvent tirer sans faire de sommation (treize exécutions de marcheurs trop épuisés sont répertoriées, mettant en cause les gardes mobiles de Vendôme). Néanmoins, des évasions se produisent déjà sur le trajet. Quand la longue colonne de prisonniers arrive finalement aux environs de Neuvy-sur-Loire, c’est la confusion : les troupes allemandes atteignent le secteur et les ponts permettant de traverser le fleuve ont été détruits. Des gardes désertent et de nombreux prisonniers, livrés à eux-mêmes, s’égaillent dans la nature. Quelques-uns réussissent à passer la Loire. Ceux qui se présentent spontanément dans les gendarmeries sont arrêtés, puis à nouveau internés. Le 21 juin, à l’arrivée finale des évacués au camp de Gurs (Basses-Pyrénées / Pyrénées-Atlantiques), via Bordeaux, l’effectif total est de 1020 détenus sur les 1865 au départ de Paris.

François Le Bihan fait partie de ceux qui se sont échappés. Depuis Sully-sur-Loire, il regagne Paris à pied et rejoint son domicile parisien le 25 juin. Il apprend la mort de sa petit-fille, Françoise, décédée de la diarrhée des nourrissons le 12 juin.Révoqué de son emploi à la CPDE dès son arrestation, François Le Bihan reste quelques mois sans travail. Il accepte la proposition de devenir chauffeur à la Légation commerciale de l’URSS et concierge de l’immeuble du 4, rue du général Appert (16e) avec son épouse. Il suspend alors son activité clandestine.

Le 22 juin 1941 vers dix heures du matin, Marius Magnin, ancien journaliste de L’Humanité, vient lui apprendre que les Allemands attaquent l’URSS. François Le Bihan demande à sa fille Cécile – venue rendre visite à ses parents avec son deuxième enfant, Hélène – de partir immédiatement. Consigné à la légation par les Allemand pendant une dizaine de jours, il refuse de s’enfuir bien que l’immeuble soit peu gardé, craignant pour la vie de son épouse et celle d’une famille de Bessarabie qui y était hébergée en attente de rapatriement.

Il est finalement arrêté comme communiste 

[1] et conduit dans les jours suivants au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 –Polizeihaftlager). Responsable du bâtiment A3 selon Maurice Hochet, François Le Bihan participe activement à l’organisation communiste clandestine, dont il est l’un des dirigeants.

Entre fin avril et fin juin 1942, François Le Bihan est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, François Le Bihan est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45741, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – François Le Bihan est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Là, il est affecté à la construction des routes, un des Kommandos des plus meurtriers, où il suscite l’admiration de ses compagnons, qui insistent sur sa dignité, sa confiance, et sa générosité.

François Le Bihan meurt à Auschwitz 19 septembre 1942, d’après les registres du camp, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]). Selon Georges Gourdon : « Il a voulu voir un camarade polonais malade et a dû passer au contrôle. Comme il avait les jambes enflées, il fut sélectionné pour la chambre à gaz. »

François Le Bihan est déclaré « Mort pour la France » et homologué comme « Déporté politique ». Une plaque rappelant sa mémoire a été apposée à son ancien domicile, 8 rue Louis-Ganne à Paris 20e.

Auprès de Henri Tanguy (colonel Rol) – son mari, – sa fille Cécile est agent de liaison dès juillet 1940 des Comités Populaires de la Métallurgie (région Parisienne), des Francs-tireurs et partisans (FTP) de la région parisienne de juillet 1941 à octobre 1942, de la région Anjou-Poitou puis à nouveau de la région parisienne jusqu’en octobre 1943, enfin, après une période de maternité, de l’état-major des FFI de janvier à août 1944..

Sources :
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 150 et 153, 377 et 410.
- Claudine Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Témoignages de sa femme,1972, et de sa fille, 8/1/1989 – Témoignages de Roger Abada, Georges Gourdon et Auguste Monjauvis, rescapés du convoi.
- R. Gaudy, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 34, page 23, citant : Arch. FNE-CGT – Arch. A. Marty, E VIII – Bibliothèque marxiste de Paris, microfilm bobine 192 – P. Durand, Marcel Paul, Vie d’un « Pitau », Éd. Messidor, 1983 – Les plaques commémoratives des rues de Paris, La Documentation française, 1981, p. 89.
- Maurice Hochet, cité par Gérard Bouaziz, La France torturée, collection l’Enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, pages 262-263, et par Irène Michine, Sol de CompiègneLe Patriote Résistant de février 2007.
- Antoine Porcu, Héroïques, ils étaient communistes, Hachette, 2003, page 70.
- Roger Bourderon, Rol-Tanguy, Tallandier éditions, Paris 2004, (témoignage de Cécile Rol-Tanguy) pages 124-130, 133, 135, 139, 140-141, 145, 171, 174-175.
- Claire Rol-Tanguy (sa petite-fille) et Cécile Rol-Tanguy (sa fille), message 07-2012).
- Jacky Tronel, site internet Criminocorpus, plusieurs articles dont, Le repli de la prison militaire de Paris à Mauzac. Un exode pénitentiaire méconnu, 2002.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 91).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès du camp d’Auschwitz (31809/1942.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 28-06-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] L’ “Aktion Theoderich :

L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. »

Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), ouvert à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Georges LE BIGOT – (45740 ?)

Georges Le Bigot en 1936, lors d’une réunion d’élus municipaux communistes à Gentilly. Droits réservés.

Georges Le Bigot en 1936, lors d’une réunion d’élus
municipaux communistes à Gentilly. Droits réservés.

Georges, François, Le Bigot naît le 11 février 1899 à Villejuif 

[1] (Seine / Val-de-Marne – 94), fils de François, Léon, Le Bigot, employé au gaz, qui fut adjoint au maire radical de Villejuif, Destauret, au lendemain de la Grande Guerre, et d’Adèle Loury, son épouse, qui fut tour à tour nourrice et couturière.

Georges Le Bigot passe toute son enfance à Villejuif, où, après son certificat d’études, il fréquente l’école primaire supérieure. Il entre d’abord comme “petit commis” à la mairie de Gentilly (94) [1]. Puis, à la mairie de Villejuif. Au moment de son arrestation, il habite dans cette commune au 1, rue Pierre-Curie (depuis le 15 octobre 1934).

Le 9 janvier 1918, il se porte comme engagé volontaire pour toute la durée de la guerre. Il est affecté au 8e régiment d’artillerie de Nancy. Il est démobilisé avec le grade de brigadier le 9 janvier 1921.

Son action militante débute sur le terrain syndical. En 1923, Georges Le Bigot devient secrétaire administratif du Syndicat unitaire des employés et ouvriers des communes de la Seine, puis secrétaire général (poste occupé jusqu’en 1928). Il participe au IIIe congrès national de la C.G.T.U. en 1925. C’est un tournant dans sa vie de militant : délégué par ses camarades syndiqués, il se rend en Union soviétique au cours de l’été 1925 et, à son retour, adhère au Parti communiste.

En 1927, il entre à la commission exécutive de la Fédération unitaire des Services publics. Il est désormais employé de haut niveau à la mairie de Villejuif où il participe activement à la gestion de la première municipalité communiste que Xavier Guillemin a menée à la victoire en 1925 ; Gaston Cantini lui succédant comme maire en 1926. Georges Le Bigot est désigné comme délégué sénatorial en janvier 1927.

Le 21 mars 1929, à Villejuif, il se marie avec Jeanne Falloux, née le 4 octobre 1902 à Paris 14e, relieuse.

Lors des élections municipales de 1929, la collaboration de Georges Le Bigot avec les maires des Villejuif le conduit naturellement à être présent sur la liste du Bloc ouvrier et paysan que Paul Vaillant-Couturier conduit à Villejuif. Véritable bouleversement dans sa vie : il vient de se marier et il est contraint d’abandonner son emploi pour être éligible ! Élu le 5 mai en troisième position, il est aussitôt nommé deuxième adjoint et devient permanent municipal, s’imposant comme cheville ouvrière du conseil municipal.

Villejuif. Le monument aux morts et la mairie. Carte postale des années 1950. Collection Mémoire Vive.

Villejuif. Le monument aux morts et la mairie.
Carte postale des années 1950. Collection Mémoire Vive.

Le 20 avril 1932, sa fille Dounia naît à Villejuif.

Georges, Jeanne et Dounia, à la veille de la guerre. Droits réservés.

Georges, Jeanne et Dounia, à la veille de la guerre.
Droits réservés.

Sur le plan strictement politique, Georges Le Bigot est aussi celui qui anime, en 1934, les premières rencontres locales entre le Parti communiste et le Parti socialiste. Il est président du Club sportif ouvrier de Villejuif.

Réélu le 5 mai 1935, il accepte alors les fonctions de premier adjoint au maire Paul Vaillant-Couturier, et, en 1936, se fait élire conseiller général dans la seconde circonscription du canton de Villejuif, battant le conseiller sortant, Georges Gérard, maire socialiste SFIO du Kremlin-Bicêtre. Au conseil général de la Seine, il fait partie des commissions “Assistance aux vieillards et aliénés” (Villejuif compte un hospice de vieillards à l’hôpital Paul-Brousse et l’Asile d’aliénés, aujourd’hui CHS Paul-Guiraud), “Hygiène et police” et “Assainissement”.

Georges Le Bigot est aussi membre du comité régional du Parti communiste et, avec Albert Vassart [2], secrétaire de rédaction de L’Information municipale, mensuel chargé d’aider les élus communistes dans la gestion de leurs communes.

Lorsque Vaillant-Couturier meurt brutalement en octobre 1937, Georges Le Bigot prend sa succession comme maire de Villejuif le 15 novembre suivant ; poste qu’il occupe au cours de deux années particulièrement difficiles pour les militants et les responsables communistes jusqu’à la guerre. Georges Le Bigot est personnellement la cible de nervis, dont l’un, Guimelly, appartient au commissariat de Gentilly, et la gestion de la ville est très souvent contrée par la tutelle préfectorale !

Le 4 octobre 1939, le Président de la République – Albert Lebrun -, par décret et « sur la proposition du ministre de l’intérieur, suspend jusqu’à cessation des hostilités les Conseils municipaux » de 27 communes de la banlieue parisienne à majorité communiste et les remplace par des Délégations spéciales composées de notables désignés ; à Villejuif, la Délégation spéciale est dirigée par Albert Legros.

Le 14 septembre 1939, au début de la guerre, Le Bigot est mobilisé au 220e « régiment régional de travailleurs » en qualité de caporal. Il rejoint son unité à Coulommiers (Seine-et-Marne). Le 6 novembre, un rapport du commissaire de circonscription de Gentilly au directeur des Renseignements généraux le signale comme étant mobilisé au 220e RTT, 8e compagnie, 4e section à May-en-Muttien (Seine-et-Marne). Démobilisé le 1er août 1940, Georges Le Bigot rentre à Villejuif.

Entre temps, n’ayant pas publiquement renié son appartenance au Parti communiste, il a été déchu de ses mandats électoraux.

Le Populaire, quotidien édité par la SFIO, édition du 10 février 1940. Archives de la préfecture de police, Paris.

Le Populaire, quotidien édité par la SFIO,
édition du 10 février 1940.
Archives de la préfecture de police, Paris.

Dans cette période troublée, il n’est alors pas convaincu par la ligne « légaliste » préconisée par la direction du Parti communiste clandestin. Louis Dolly, qui a été son adjoint, s’entremet entre la direction et lui pour rapprocher les points de vue, sans guère de succès : Georges Le Bigot ne reprend pas le combat militant sur des bases qui ne lui paraissent pas saines et sera sévèrement critiqué par la direction de son Parti.

Néanmoins, la police le considère comme le « principal animateur de la propagande clandestine locale ».

Le 5 octobre 1940, Georges Le Bigot est arrêté par la police française, avec d’autres Villejuifois (Louis Dolly, Armand Gouret entre autres), lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 4 décembre 1940, Georges Le Bigot fait partie d’un groupe d’une centaine d’internés « choisis parmi les plus dangereux » transférés, par mesure préventive ou disciplinaire (?), à la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [3], près de Saumur (Maine-et-Loire) ; leur transport s’effectue en car et sous escorte. Les détenus sont enfermés dans une grande salle commune de la Centrale.

    Fontevraud, l’ancien réfectoire des moines.     Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Fontevraud, l’ancien réfectoire des moines.
Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Ils apprennent que 70 communistes purgent une peine dans le secteur carcéral, parmi lesquels Charron, Maire de Vigneux et une vingtaine de jeunes. Le 20 janvier 1941, sans être informés de leur destination, la même centaine d’internés est conduite à la gare de Saumur où les attendent deux wagons de voyageurs à destination de Paris-Austerlitz. À leur arrivée, ils sont conduits à la gare de l’Est. Ils y rejoignent 69 autres militants communistes en attente de transfert.

Ce nouveau convoi les amène à la gare de Clairvaux (Aube) d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à la Maison centrale de Clairvaux. Une fois arrivés, la direction les contraint à échanger leurs vêtements civils contre la tenue carcérale, dont un tour de cou bleu (“cravate”) et un béret. Ceux qui refusent sont enfermés une nuit en cellule (“mitard”), tandis que la plupart sont assignés à des dortoirs. Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 14 mai, 90 d’entre eux sont transférés au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique), parmi lesquels plusieurs seront fusillés le 22 octobre. Georges Le Bigot est de ceux qui restent à Clairvaux, et qui doivent bientôt partager les locaux qui leur sont assignés avec quelques “indésirables” (condamnés de droit commun).

Le 23 septembre, J.-P. Ingrand, préfet délégué du ministre de l’Intérieur dans les Territoires occupés (à Paris), demande au préfet de l’Aube de retirer de Clairvaux les internés administratifs qui y sont « hébergés » (sic !) ; ordre rapidement exécuté. Le jour-même, le commissaire de police de Troyes vient informer les internés politiques qu’ils sont dorénavant considérés comme otages par les autorités allemandes. Il demande à trois anciens élus – Racamond, Philippot et Le Bigot – d’organiser la séparation des internés en deux groupes pour leur transfert, vers les camps de Gaillon et de Rouillé ; concours que ceux-ci refusent.

Trois jours plus tard, Georges Le Bigot est parmi les 37 internés administratifs de Clairvaux (politiques et “droits communs”) transférés au camp français de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle.

Le château de Gaillon, au-dessus du village. Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le grand bâtiment isolé à droite (lequel a perdu sa toiture après la guerre) Carte postale des années 1950.  Collection Mémoire Vive.

Le château de Gaillon, au-dessus du village.
Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le grand bâtiment isolé à droite (lequel a perdu sa toiture après la guerre)
Carte postale des années 1950. Collection Mémoire Vive.

Le 3 février 1942, Georges Le Bigot écrit au préfet de police de Paris afin d’essayer d’obtenir la cessation de la mesure d’internement qui le frappe. Il propose notamment de quitter la région parisienne pour s’« installer dans l’exploitation d’une ferme dans la commune de Teilleul [4] (Manche) où [son] père est propriétaire ». Le rapport signé trois jours plus tard par le commandant du camp afin d’accompagner cette demande mentionne : « Correct et courtois envers tout le monde […] il a peu de fréquentations, même pendant les promenades. » La demande est transmise par la préfecture de l’Eure le 19 février et complétée le 25 par l’envoi d’autres documents.

Selon une note de la police (RG ?) datée du 18 février, Georges Le Bigot figure sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion », et qui sont pour la plupart internés au camp de Gaillon.

Le 20 mars, le préfet de police répond au préfet de l’Eure pour lui faire connaître qu’il juge inopportune la libération de Georges Le Bigot, car l’interné « a assumé un rôle particulièrement important dans le mouvement révolutionnaire » et « sa conduite au camp ne semble pas constituer un élément suffisant » pour justifier celle-ci.

Mais, entre temps, le 5 mars 1942, Georges Le Bigot a fait partie des 16 internés administratifs de Gaillon (dont 9 futurs “45000”) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits en autocar au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.     L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le vendredi 6 mars, Pierre Rigaud, d’Ivry-sur-Seine, écrit dans son journal personnel : « De nouvelles arrivées d’internés sont signalées. Le bâtiment A8 se complète. Je rends visite avec Peyronin à nos amis Boyer, Vanzuppe, Le Bigot, Perrotet, Paupy, Graindorge, arrivés hier de Gaillon. On parle de ce qu’était le régime à Gaillon, de ceux qui y sont restés : Sémard, Houet, etc. Le changement de vie pour nos camarades est encore plus considérable que pour nous. Plusieurs chambres d’“anciens” invitent les nouveaux arrivants à un repas. Nous devons en avoir deux de la Marne. Le problème de l’installation de nos camarades est difficile à résoudre. Rien dans leurs chambres nues, délabrées, sales. On a bien du mal à leur procurer lits et couvertures. On leur promets des planches pour leurs paquetages. Quand les auront-ils ? » Il note qu’un colis est arrivé pour lui et qu’il pourra aller le chercher à la distribution du jour suivant…

Le soir même, Pierre Rigaud, Corentin Cariou et Léopold Réchossière apprennent qu’ils doivent être fusillés le lendemain. Ils sont enfermés pour la nuit dans des cellules séparées de la prison interne du camp.

Le lendemain matin 7 mars, ils sont transportés jusqu’à la Butte-aux-Zouaves à Moulin-sous-Touvent, dans la forêt de Carlepont (à une trentaine de km du camp) et fusillés comme otages en représailles de l’attentat du 1er mars contre une sentinelle allemand rue de Tanger à Paris 19e.

Entre fin avril et fin juin 1942, Georges Le Bigot est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 8 juillet, Georges Le Bigot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45740, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Georges Le Bigot meurt à Auschwitz le 11 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher). Un matin, il est découvert tué par balles devant les barbelés : plus probablement une forme de suicide qu’une tentative d’évasion, selon Georges Gourdon et Henri Peiffer. Des rescapés – ayant parfois eux-mêmes envisagé de se donner la mort – ont témoigné que d’autres “45000” ont mis fin ainsi à leur désespoir et à leurs souffrances.

Le. 27 janvier 1946, Armand Saglier, rescapé du convoi, rédige une attestation dont la signature est légalisée à la mairie de Marcilly-sur-Tille (Côte-d’Or) : selon lui, Georges Le Bigot « déporté le 6 juillet 942 au camp d’Auschwitz, est décédé à ce camp fin septembre 1942 du typhus. »

Le 5 octobre 1946, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) dresse l’acte de décès officiel de Georges Le Bigot « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour » (probablement le témoignage d’Armand Saglier) et en fixant la date au 15, puis au 25 septembre.

Le 20 février 1947, la mention “Mort pour la France” est apposée sur son acte de décès.

Le 30 octobre 1953, Jeanne Le Bigot – en qualité de veuve – complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté politique à son mari à titre posthume. Fin décembre 1955, elle reçoit – comme “ayant cause” – la carte n° 1.1.75.07765.

Villejuif a gardé la mémoire de Georges Le Bigot en donnant son nom à la rue la plus centrale de la commune, l’ancienne rue du Moutier, qui s’ouvre par la place des Fusillés.

Après 1945, et jusque dans les années 1960, le nom de Georges Le Bigot est donné à une cellule locale du PCF. En 1951, il semble que ce nom est également celui d’une cellule de la maison de retraite Émile-Delandre (hôpital Paul-Brousse).

Après la guerre, son frère, André Le Bigot, est longtemps adjoint au maire Louis Dolly.

Notes :

[1] Villejuif et Gentilly : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Albert Vassart (1898-1958) : militant chevronné du Parti communiste et de la CGTU à partir de 1923, il est “parachuté” avec succès à Maisons-Alfort, dont il devient le premier maire communiste. A la suite de la signature du pacte germano-soviétique, il prend ses distances avec le PC (novembre 1940). Il est néanmoins arrêté et condamné à cinq ans de prison en tant que communiste. Mais il est libéré en septembre 1941 à la suite de démarches de Marcel Gitton et Henri Barbé (dirigeant du PC exclu en 1932). Il adhère au Parti ouvrier et paysan français (POPF) – collaborationniste – de Gitton et y accepte des responsabilités aux côtés d’une vingtaine d’autres anciens parlementaires et élus communistes. Il fait ensuite équipe avec Barbé et Capron pour obtenir la libération de militants communistes emprisonnés bien qu’en rupture avec leur parti. Le 27 juin 1942, Albert Vassart échappe à une tentative d’élimination devant son domicile.

[3] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.

[4] Le Teilleul : au Sud du département de la Manche.

Sources :

V Marcelino Gaton et Carlos Escoda, “Mémoire pour demain, L’action et les luttes de militants communistes à travers le nom des cellules de la section de Villejuif du Parti communiste français”, Éditions Graphein, septembre 2000, pages 150 et 151 (citant : Articles de Georges Le Bigot dansL’information municipale (en particulier mars 1936 sur l’organisation des colonies de vacances), dans leBulletin municipal de Villejuif (1937-1938), dans Front Rouge – Villejuif à ses martyrs de la barbarie fasciste, brochure, 1946 – Villejuif notre cité, 1975 – collection du Bulletin municipal de Villejuif depuis 1929).
V Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; cartons « Parti communiste » (“PC”), dont n°VII, A.S. du 20 décembre 1940 sur le CCS d’Aincourt ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1448-16026)
V Dominique Ghelfi, Des Tourelles à Buchenwald (daté 1946) in “Contre l’oubli”, brochure éditée par la Ville de Villejuif, service municipal de l’information, à l’occasion d’une exposition en février 1996, page 59 à 62. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
V Nadia Ténine-Michel, Le camp d’Aincourt (Seine-et-Oise), 5 octobre 1940 – 15 septembre 1942, article in Les communistes français de Munich à Châteaubriant (1938-1941), sous la direction de Jean-Pierre Rioux, Antoine Prost et Jean-Pierre Azéma, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, novembre 1987.
V Archives départementales de l’Eure, Évreux : archives du camp de Gaillon (cotes 89W4, 89W11 et 89W14) ; recherches de Ginette Petiot (messages 07 et 08-2012).
V Pierre Rigaud, Journal d’un otage français, 1941-1942, édité par Louis Poulhès, éditions Atlande, Neuilly, janvier 2025 ; page 392.
V Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 155, 356, 389 et 410.
V Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 91 (28012/1942).
V Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Georges Le Bigot (21 P 473.794), recherches de Ginette Petiot (message 09-2012).

Carlos Escoda et MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-04-2025)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Auguste LAZARD – 45738

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Auguste, Lucien, Lazard 

[1] naît le 27 janvier 1901 à Saint-Maur-des-Fossés [2] (Seine / Val-de-Marne – 94), fils d’Émile Lazard, 28 ans, blanchisseur, et de Céline Noirot, son épouse, 27 ans, blanchisseuse, domiciliés au 23, rue du Chemin-Vert.

Le 14 mars 1925 à Villejuif [2] (94), Auguste Lazard se marie avec Gilberte Jardé.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 10, rue Saint-Roch à Villejuif.

À partir de 1922, Auguste Lazard est blanchisseur à l’asile d’aliénés de Villejuif (aujourd’hui C.H.S. Paul-Guiraud).

Entrée de l’asile de Villejuif (aujourd’hui hôpital Paul Guiraud).  Carte postale oblitérée fin août 1930. Coll. Mémoire Vive.

Entrée de l’asile de Villejuif (aujourd’hui hôpital Paul Guiraud).
Carte postale oblitérée fin août 1930. Coll. Mémoire Vive.

Il est secrétaire adjoint de la section syndicale de l’asile.

En mai 1940, il est arrêté, pour un motif restant à déterminer, puis relâché.

La police française le considère comme un « propagandiste très actif parmi ses camarades de travail ».

Le 15 novembre, il est licencié de son emploi à l’hôpital.

Le 6 décembre, Auguste Lazard est appréhendé par des agents du commissariat de Gentilly [1] lors d’une vague d’arrestation collective visant 69 hommes dans le département de la Seine, dont plusieurs autres employés de l’asile : Henri Bourg, Roger Gallois, René Herz, et René Balayn, Gaston Pelletier qui seront déportés avec lui. Dominique Ghelfi, employé municipal à Villejuif, est aussi du nombre. D’abord conduits à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, ils sont internés administrativement – le jour même – au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé deux mois plus tôt dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement. Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

L’administration du camp lit systématiquement la correspondance des détenus et y relève toutes les informations concernant leur état d’esprit à titre individuel ou collectif. Le 12 juillet 1941, après l’invasion de l’URSS par le Reich, le directeur du CSS d’Aincourt adresse un rapport au préfet de Seine-et-Oise avec plusieurs extraits des lettres interceptées en lui faisant « connaître que, depuis la guerre germano-soviétique, [il] communique tous les matins, à Laurent Darnar, la presse parisienne. Ce dernier fait un extrait succinct et objectif des informations que [le directeur fait] afficher ensuite à l’intérieur du Centre. Ce procédé représente l’avantage de [lui] éviter toute critique personnelle dans la rédaction de ce communiqué et a fini de discréditer complètement l’interné Laurent Darnar aux yeux de ses anciens camarades… ». Le 26 juillet, le préfet de Seine-et-Oise écrit à Joseph Darnand, ministre secrétaire d’État à l’Intérieur, pour lui transmettre « les réactions suscitées par ce communiqué ». Auguste Lazard, de Villejuif, a écrit : « … les évènements internationaux se précipitent et l’échéance approche des “pas de l’ours”. Encore un peu de patience, car à présent il est sûr que cette sombre tragédie se termine au mieux des intérêt de notre belle France et de son peuple  ».

Le 5 mai 1942, Auguste Lazard fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 466, il ne reste que cinq jours dans ce camp.

Le 10 mai, il fait partie des 81 internés remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne – sur la commune de Margny – et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le 8 juillet, Auguste Lazard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45738 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Auguste Lazard est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Auguste Lazard meurt à Auschwitz le 23 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3].

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès (J.O. du 10-02-1994).

Notes :

[1] Son patronyme est parfois orthographié à tort “Lazare”.

[2] Saint-Maur-des-Fossés et Villejuif : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant d’Auguste Lazard, c’est « le 11 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) et non le 6 juillet 1942 à Compiègne (Oise) » qui a finalement été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

 

Sources :

- Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 389 et 410.
- Archives départementales du Val-de-Marne, site internet, état civil de Saint-Maur-des-Fossés, registre des naissances de l’année 1901, acte n° 38 (cote 1MI 2653 1, vue 14/172).
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” :  communistes fonctionnaires internés…, liste des fonctionnaires internés administrativement le 6 décembre 1940, par application de la loi du 3-09-1940 (BA 2214) ;  liste des internés communistes (BA 2397).
- Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux, camp d’Aincourt (1W71).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 699 (24637/1942). J.O n° 34 du 10 février 1994 page 2296
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre du Block 16.
- J.O n° 34 du 10 février 1994, page 2296, Ministère des anciens combattants et victimes de guerre, arrêté du 9 décembre 1993 portant apposition de la mention « Mort en déportation » ainsi que les rectifications des dates et lieux de décès sur les actes de décès : « Lazard (Auguste, Lucien), né le 27 janvier 1901 à Saint-Maur-des-Fossés (Seine), décédé le 11 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) et non le 6 juillet 1942 à Compiègne (Oise). »

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Léon LAVOIR – 45737

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Léon, Ernest, Lavoir naît le 5 novembre 1895 à Lisieux (Calvados), chez ses parents, Émile Lavoir, 37 ans, tailleur d’habits, et Marie Gaignant, 36 ans, son épouse, domiciliés au 10, rue de Livarot (le couple s’était marié à Paris 9e). Léon a – au moins – un frère, William, né vers 1912 ou en 1919.

Pendant un temps, Léon Lavoir habite au Bas-Bel à Sainte-Marie, limitrophe au nord-est de Redon (Ille-et-Vilaine). Il commence à travailler comme serrurier.

Le 20 décembre 1914, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 115e régiment d’infanterie. Le 2 août 1915, il passe au 175e R.I. Le 20 octobre 1917, il passe au “service auto” du 8e escadron du Train (des équipages). Le 3 février 1918, il passe au 20e escadron du Train Auto. Le 13 septembre 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation.

Le 29 mars 1919, à Sailly-Labourse (Pas-de-Calais), Léon Lavoir se marie avec Jeanne Marie Joseph Leroux, née le 2 mai 1896 dans cette commune, domestique, fille de houiller.

En septembre 1922, il habite au carrefour de La Fourche, à Fontainebleau (Seine-et-Marne).

À partir du début 1928 (ou septembre 1932) et pendant une dizaine d’années, Léon Lavoir habite au 9 rue Faraday à Paris 17e, où sa mère est concierge.

Jeanne et Léon ont un fils, né vers 1919 (celui-ci sera mobilisé en 1939 et prisonnier de guerre en juin 1940).

À partir du 15 février 1938 et jusqu’au moment de son arrestation, Léon Lavoir est domicilié au 9 impasse Laugier à Paris 17e.

Militant avant-guerre, il assure la vente de la presse communiste dans la rue ; un engagement confirmé par le témoignage de René Petitjean.

Du 26 octobre 1936 au 22 mars 1938, Léon Lavoir travaille à la Compagnie générale des Voitures, sise au 28 rue du Pilier à Aubervilliers. Du 3 août 1938 au 9 mars 1940, il est ajusteur aux établissements Bréguet… à la même adresse.

Le 27 août 1939, il est interpellé par la police française pour « vente de journaux ».
Du 11 mars au 15 juillet 1940, il est “affecté spécial” à l’Atelier de construction de Puteaux (un arsenal de l’armée). Puis il est inscrit au fonds de chômage. Du 17 mars au 9 juillet 1941, il va travailler à Melun (Seine-et-Marne), comme terrassier (?).

Après la dissolution des organisations communistes, il est signalé par le commissariat du 17e arrondissement comme se livrant à la propagande clandestine en faveur de la IIIe Internationale…

Le 11 juillet 1941, désigné comme « meneur très actif », il est de nouveau appréhendé par feux inspecteurs de police française ; la perquisition (“visite domiciliaire”) opérée simultanément ne donne aucun résultat. Le même jour, le préfet de police signe un arrêté collectif d’internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939 (huit personnes y sont désignées). Léon Lavoir est conduit comme « détenu communiste » à la caserne désaffectée des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police.

La caserne des Tourelles, boulevard Mortier, avant guerre. Partagée avec l’armée allemande au début de l’occupation, elle servit surtout à interner les « indésirables étrangers ». Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne des Tourelles, boulevard Mortier, avant guerre.
Partagée avec l’armée allemande au début de l’occupation, elle servit surtout à interner les « indésirables étrangers ».
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Fin janvier 1942, Jeanne Lavoir écrit au préfet de police : « Excusez-moi si je prends la liberté de vous écrire, mais je voudrais attirer votre attention sur la cas de mon mari, Lavoir Léon, détenu administrativement à la caserne des tourelles depuis le 11 juillet 1941. Ce n’est pas dans ma nature de réclamer, mais, depuis deux ans bientôt, tant de malheurs se sont abattus dans mon foyer que la charge me devient vraiment pénible. D’abord l’exode, où j’ai suivi mon mari, envoyé par son usine de Puteaux où il avait été affecté ; mon fils prisonnier de guerre, six mois sans nouvelles de nous, dur calvaire pour une mère ; mon mari, chômeur pendant onze mois à la suite de l’exode ; ma belle-mère impotente à charge pendant cinq mois, morte le 7 juillet 1941 (j’avais contracté une grosse dette dont je n’ai pu tenir l’engagement pour le remboursement, puisque mon mari, qui ne retravaillait que depuis deux mois, a été arrêté le lendemain de l’enterrement de ma mère). Depuis, je n’ai fait que m’enfoncer davantage, n’ayant pas de métier et pas une très bonne santé. Les quelques heures que je fais ne peuvent pas beaucoup me tirer d’affaire pour subvenir à trois personnes. C’est pourquoi je fais appel à votre bon sens et à votre loyauté pour réviser le cas de mon mari, qui est français, ancien combattant, et n’a à son actif aucune faute illégale. Cela je le sais et mon mari me l’a encore certifié aujourd’hui. »

Le 27 février suivant, après exposé des motifs, un fonctionnaire des Renseignements généraux conclut : « En conséquence, il semble que la libération de Lavoir ne puisse être envisagée dans les circonstance actuelles. » Le 10 mars, le chef du 1er bureau demande au commissaire de police du quartier des Ternes de faire connaître à la requérante que « sa demande ne peut être favorablement accueillie ». Le 16 mars, sans doute convoquée au commissariat, Jeanne Lavoir signe cette notification, dont elle a « reçu communication ».

Le 5 mai 1942, Léon Lavoir fait partie des 24 internés des Tourelles, dont beaucoup d’anciens Brigadistes, que viennent « prendre des gendarmes allemands » afin de les conduire à la gare de l’Est prendre un train à destination du camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 15 mai suivant, son épouse interroge le préfet de police pour connaître le lieu où il a été transféré depuis son « déplacement » : « …  j’ai fait des démarches à la préfecture, puis à la Kommandantur où celle-ci m’avait envoyée, sans obtenir aucun résultat, la Kommandantur m’assurant que mon mari, ayant été arrêté par les autorités françaises, c’est là que je devais avoir les renseignements. Je vous demanderais, Monsieur le préfet, de bien vouloir me renseigner : où est mon mari, ayant assez des angoisses d’un fils prisonnier en Allemagne, sans qu’il s’en ajoute d’autres. Et en même temps, je dois fournir une attestation de présence de mon mari au juge de Paix pour mon loyer pour le 21 mai ». Le 6 juin, le cabinet du préfet de police demande au commissaire de police du quartier des Ternes de faire connaître à la requérante que son mari a été conduit par les “Autorités allemandes” au camp de Compiègne « où il est encore ». Jeanne Lavoir en reçoit communication le 13 juin.

Entre fin avril et fin juin 1942, Léon Lavoir est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Léon Lavoir est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45737 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Léon Lavoir.

Il meurt à Auschwitz le 28 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher)

[1].

Le 15 janvier 1945, son épouse est citée comme témoin dans une procédure d’épuration concernant Henri M.

Léon Lavoir est déclaré “Mort pour la France” et homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 4-01-1994).

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France… Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Léon Lavoir, c’est le mois de juin 1942 « à Compiègne » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 410.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense (dossier individuel ) – FNDIRP du 17e.
- Archives départementales du Calvados, archives en ligne : état civil de Lisieux N.M.D. année 1895 (2 MI-EC 1482), registre des naissances, acte n° 296 (vue 95/522).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”  (BA ?) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 718-26475) ; dossier individuel établi par les Renseignements généraux (77 W 1698-91265).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 698 (25481/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 19-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Pierre LAVIGNE – (45736 ?)

Pierre Lavigne en 1938.

Pierre Lavigne en 1938.

Pierre, Eugène, Lavigne naît le 16 août 1910 à Verdun (Meuse – 55), fils d’Adèle Marie Adrienne Lavigne, née le 16 février 1890 à Montzéville (55), et de père inconnu.

Sa mère le confie aussitôt à ses propres parents, Modeste Lavigne, 46 ans, et Emma, née Grozier, 41 ans, toujours domiciliés à Montzéville et dont le dernier enfant, Denise (Marthe), n’a qu’un an de plus que Pierre.

Pierre Lavigne a une demi-sœur qu’il ne connaîtra pas, Marguerite Charlotte Lavigne, née le 23 mars 1914 à la maternité de l’hôpital Boucicaut, au 78 rue de la Convention à Paris (15e), elle aussi de père inconnu. Leur mère, alors âgée de 24 ans, se déclare comme domestique, domiciliée au 23, rue Pierret à Neuilly (Seine / Hauts-de-Seine). Le 3 avril suivant, elle abandonne ce deuxième enfant à l’Assistance publique : « La mère déclare que de (?) défaillante, très précaire, et qu’il lui serait impossible de (…) faire pour un enfant nouveau-né. Elle ajoute espérer une prompte amélioration dans un (…) et vouloir reprendre l’enfant aussitôt que possible. Fait bonne impression. » « Lavigne Marie Adrienne 24 ans, née à ? Refuse de répondre. » « 1 garçon 4 ans en nourrice ». Marguerite est « envoyée à baptiser ». Le 24 juillet suivant, Adèle Lavigne – sous le pseudonyme de « Madame Flora » -, écrit à l’Assistance publique pour demander des nouvelles de la fillette déposée le 3 avril. Elle donne seulement comme adresse la “poste restante” du village de Nogent-l’Artaud (Aisne sud, limite Seine-et-Marne), entre la Marne et l’aqueduc de la Dhuis. Pendant une période restant à préciser, Adèle Lavigne y est receveuse des Postes et Télégraphe.

Le 28 août 1915, son père, Modeste, lui adresse une demande pressante par carte postale : « Adèle, si tu peux avoir à manger pour les enfants, viens sitôt (reçu) la présente chercher Fernand, Denise et Pierre : la nourriture va manquer chez nous. » Le village de Montzéville sert alors de cantonnement à l’armée française (6e corps d’armée) à l’arrière du front d’Argonne (secteur ouest de Verdun, cote 304, le Mort Homme). Il sera en grande partie détruit par les bombardements ennemis au cours de la guerre, puis reconstruit.

Montzéville. La rue des Trois Fontaine vers 1915. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Montzéville. La rue des Trois Fontaine vers 1915.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

En 1926, à Montzéville, Adèle présente à sa famille Jean Dubeau, commis principal des Postes à Rabat (Maroc). Celui-ci, affecté comme conscrit au Maroc occidental quelques mois avant la guerre de 1914-1918, s’était installé à Casablanca à sa démobilisation en août 1919. À l’occasion de cette visite, Jean Dubeau propose à Pierre Lavigne (16 ans) de le reconnaître et lui donner son nom. Mais le jeune homme refuse, voulant garder le nom de ses grands-parents qui l’avaient élevé.

Le 3 novembre 1928, à Rabat, Adèle Lavigne, alors âgée de 38 ans, se marie avec Jean Dubeau, né le 29 octobre 1892 à Labroquère (Haute-Garonne). Ils habitent déjà ensemble avenue Dar-el-Maglizen.

À l’issue de ses études à l’École normale de Commercy

[1] (55), promotion 1927-29, Pierre Lavigne est nommé instituteur.

Commercy. L’École Normale avec le Monument aux instituteurs.  Carte postale des années 1920. Collection Mémoire Vive.

Commercy. Cour de l’École Normale donnant sur la rue, avec le Monument 1914-1918 aux instituteurs.
Carte postale des années 1920. Collection Mémoire Vive.

Le 7 janvier 1933, à Digoin (Saône-et-Loire – 71), la demi-sœur de Pierre (inconnue de lui) Marguerite, âgée de 18 ans, se marie avec Léonard Matras (1907-1977), employé SNCF.

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Pierre Lavigne est domicilié rue Basse dans le petit village de Ville-sur-Cousances (55), situé à 21 km au sud-est de la sous-préfecture, où il est en poste dans une classe unique ; peut-être intégrée dans le bâtiment de mairie (?).

Ville-sur-Cousances, dans les années 1950. Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Ville-sur-Cousances, dans les années 1950. Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Pierre Lavigne avec sa classe (unique) en 1938 à Ville-sur-Cousances. Site Geneanet, droits réservés.

Pierre Lavigne avec sa classe (unique) en 1938 à Ville-sur-Cousances.
Site Geneanet, droits réservés.

À une date restant à préciser, Pierre Lavigne se marie avec Émilienne Murati, née le 23 septembre 1913 à Sens (Yonne), fille d’un fonctionnaire des impôts.

Pierre et Émilienne, le jour de leur mariage. Droits réservés.

Pierre et Émilienne, le jour de leur mariage. Droits réservés.

De son côté, Émilienne est institutrice en classe unique à Jubécourt (55), village voisin le long de la rivière Cousances. Le couple habite le logement de fonction des instituteurs de Ville-sur-Cousances. Ils auront trois enfants : Jean-Claude, né vers 1937, Gérard, né vers 1940, et Claudie, née après l’arrestation de son père.

Adèle et Jean Dubeau viennent en vacances à Montzéville tous les deux ans. À cette occasion, ils retrouvent Pierre et sa famille.

Adèle Dubeau et son petit-fils Jean-Claude Lavigne en septembre 1938 à Montzéville. Droits réservés.

Adèle Dubeau et son petit-fils Jean-Claude Lavigne en septembre 1938 à Montzéville.
Droits réservés.

Pierre Lavigne  est arrêté entre le 22 et le 24 juin 1941, probablement dans le cadre de l’Aktion Theoderich [1], et interné dans les jours suivants au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Dans un wagon, les détenus de la Meuse se rassemblent autour de Charles Dugny. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Le jour même, depuis le convoi en marche, Antoine Laurent, jardinier à l’École normale de Commercy, jette un message : « Entre Châlons et Commercy, le 6 juillet 1942. Chère femme et enfants, Excusez l’écriture, car je suis dans un wagon à bestiaux avec 99 copains, dont Lavigne, instituteur, et Dugny, de Lérouville. Nous sommes déportés en Allemagne avec 1200 copains de Compiègne… »

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Pierre Lavigne est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45736 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Pierre Lavigne.

On ignore la date de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943 [3].

Sur la mairie de Ville-sur-Cousances, une plaque commémorative a été apposée indiquant – s’agissant de Pierre Lavigne – « mort en déportation à Auschwitz le 15 septembre 1942 ».

Contribution photo : Bernard Butet 27/01/2008 Cette photographie est sous licence d'usage CC BY-NC-SA 2.0

Contribution photo : Bernard Butet 27/01/2008
Cette photographie est sous licence d’usage CC BY-NC-SA 2.0

Après-guerre : les enfants orphelins de Pierre Lavigne : Gérard, Claudine et Jean-Claude. Droits réservés.

Après-guerre à Ville-sur-Cousance : les enfants orphelins de Pierre Lavigne : Gérard, Claudine et Jean-Claude.
Droits réservés.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 4-01-1994).

Lorsqu’ils prennent leur retraite en 1952, Adèle et Jean Dubeau rentrent en France et rachètent la maison familiale des Lavigne à Montzéville. Le couple voit souvent Émilienne et ses enfants.

Jean Dubeau décède en 1977 à Reims (Marne). Adèle Dubeau, mère de Pierre Lavigne, y décède le 18 septembre 1982. Le couple est inhumé dans un caveau familial à Montzéville.

Dans le cimetière de Montzéville. Droits réservés.

Dans le cimetière de Montzéville. Droits réservés.

Sa sœur inconnue, Marguerite Charlotte Matras, décède le 23 septembre 2005 à Paray-le-Monial (71).

 

Notes :

[1] L’École normale de Commercy a été installée en 1854 dans les bâtiments datant du milieu du XVIIIe siècle de l’ancien prieuré de Notre-Dame-de-Breuil.

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme «  l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Pierre Lavigne, c’est le 15 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 369 et 414.
- Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon (1630, article 252).
- Ève Rispal, petite-nièce de Pierre Lavigne, petite-fille de sa sœur (messages 09 et 10-2021) ; photos.
- Daniel Lavigne, de Dombasle-sur-Argonne (cousin germain d’Adèle), et Robert Lavigne, de Montzéville (cousin issu de germain d’Adèle), ayant partagé leurs documents et souvenirs familiaux avec Ève Rispal en octobre 2021.
- Site Geneanet : arbre établi par Ève Mornier.
- Site MemorialGenWeb : Ville-sur-Cousances, relevé n° 3080 par Alain Girod (10-2001).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-11-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Marcel LAVAL – 45735

Marcel Laval naît le 24 décembre 1920, chez ses parents, au 42 ou au 47, rue du Vivier (devenue rue Henri-Barbusse) à Aubervilliers [1] (Seine-Saint-Denis – 93), fils de Nicolas Laval, 38 ans, boucher, et de Louise, 37 ans, son épouse.

Il va probablement à l’école élémentaire toute proche (mitoyenne ?).

En 1939 – et probablement jusqu’à son arrestation -, il habite chez ses parents. Son père est alors déclaré comme “boyaudier” et lui-même est boucher (…aux abattoirs de la Villette, tout proches ?).

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Paris 19e. Entrée des abattoirs de la Villette, 
espace occupé aujourd’hui par la Cité des Sciences. 
Carte postale envoyée en 1939. Collection Mémoire Vive.

À des dates et pour un motif restant à préciser, Marcel Laval est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 –Polizeihaftlager).

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Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, 
futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; 
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. 
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux 
du Mémorial de Margny-les-Compiègne, 
installés sur une voie de la gare de marchandise 
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Marcel Laval est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45735 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit. Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

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Portail du sous-camp de Birkenau, secteur B-Ia, semblable 
à celui du secteur B-Ib par lequel sont passés tous les “45000”.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différentsKommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Marcel Laval est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).

Le 3 novembre 1942, Marcel Laval est inscrit dans la chambre (Stube) n°1 du Revier de Birkenau (Block n° 8 – en brique – du secteur BIb) où il reçoit 15 gr (ou “grains” pharmaceutiques) de Bol blanc (Bolus Alba ; kaolin) et quatre comprimés de charbon, remèdes contre la dysenterie. Dans ce dispensaire, le SS-Rottenführer Franz Schulz exécute certains détenus avec une injection mortelle dans le cœur…

On ignore la date exacte de sa mort à Birkenau ; certainement avant la mi-mars 1943. Il a 21 ou 22 ans.

Une plaque commémorative a été apposée sur l’immeuble où il est né (associé à Raymond Collot, fusillé en mai 1944).

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Association Mémoire et création numérique. 
© Droits Réservés.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 384 et 410. 
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 523. 
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), archives (APMAB) : registre de délivrance de médicaments de l’infirmerie de Birkenau. 
- Irena Strzelecka, Les hôpitaux dans le camp de concentration d’Auschwitz, in Auschwitz 1940-1945, tome 2, Les détenus – La vie et le travail, chap. 9, p. 364-365, éditions du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, 2011. 
- Archives communales d’Aubervilliers, recensement de population de 1936, extrait d’acte de naissance. 
- Association Mémoire et création numérique, site Les plaques commémoratives, sources de mémoire(aujourd’hui désactivé), recherches de Claude Fath.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 17-10-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Aubervilliers : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

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