Renelde LEFEBVRE – (45761 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Renelde, Constantin, Edmond, Lefebvre naît le 28 janvier 1897 à Gonesse 

[1]  (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), fils de Camille Lefebvre et de Marie-Louise Auquet.

Le 27 août 1914, à Dunkerque (Nord), âgé de 17 ans et demi, Renelde Lefebvre s’engage volontairement pour la durée de la guerre, rejoignant trois jours plus tard le 23e régiment de dragons. Le 12 novembre 1915, il part “aux armées”. Le 12 février 1917, il passe au 3e régiment de chasseurs d’Afrique (R.C.A.). Le 5 juin suivant, il passe au 4e R.C.A., participant à la campagne d’Orient (?). Le 18 septembre, il est rapatrié pour être hospitalisé (?), retrouvant son affectation au 3e R.C.A. Le 18 avril 1918, il passe au dépôt du 27e régiment de dragons. Le 19 juin, il est de nouveau hospitalisé. Du 2 octobre 1918 au 12 novembre 1919, il fait partie de la “mission tchécoslovaque”. Démobilisé le 5 décembre 1919, il se retire à Aumale (Seine-Inférieure / Seine-Maritime).

Le 24 décembre 1921, à Franconville (Seine-et-Oise), Renelde Lefebvre se marie avec Noëlle Lemercier, née le 7 octobre 1899 à Bethon (Sarthe), institutrice.

En 1924, Renelde Lefebvre est nommé instituteur-adjoint à Saint-Denis [2] (Seine / Seine-Saint-Denis).

Renelde et Noëlle ont un fils, Renelde Noël Émile, né le 9 avril 1925 à Sarcelles (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), où ils sont alors en poste.

En 1934, Renelde père est nommé directeur d’un petit groupe scolaire au 3 boulevard Galliéni à Gennevilliers (Seine / Hauts-de-Seine) [3]. En 1937, il est nommé directeur d’un groupe scolaire du quartier du Bel-Air à Saint-Denis, au 19, route d’Aubervilliers (dénommée rue Danièle Casanova en février 1946), où son épouse est institutrice.

À partir du 1er octobre 1937 et jusqu’au moment de son arrestation, la famille est domiciliée dans un logement de fonction de l’école communale de garçons (aujourd’hui école élémentaire Jules Vallès) au 57, boulevard Jules-Guesde à Saint-Denis, entre l’église Saint-Denis-de-l’Estrée (l’Église Neuve) et le théâtre Gérard Philippe (ancienne salle des fêtes).

À gauche, les écoles de l’avenue Jules-Guesde (alors av. Châteaudun) dans les années 1900. Carte postale coll. Mémoire Vive. Le tramway a aujourd’hui retrouvé son parcours d’antan…

À gauche, les écoles du boulevard Jules-Guesde (alors bd de Châteaudun) dans les années 1900. Carte postale, coll. Mémoire Vive.
Le tramway a aujourd’hui retrouvé son parcours d’antan…

Renelde Lefebvre père est adhérent du Syndicat des Instituteurs, affilié à la Confédération Générale du Travail (CGT), et siège au conseil d’administration de la Ligue dionysienne de l’Enseignement laïque, créée en 1876, reconnue d’utilité publique, et dont le siège social est situé dans l‘école où il loge, association rassemblant 371 membres. Avec quelques propos favorables au Parti communiste, cela lui vaut d’être considéré comme ayant des opinions de gauche.

Mobilisé le 25 mars 1940, il est affecté au DGT 24 au titre de ministère de l’Éducation nationale, Enseignement public, en qualité de directeur des cours techniques de Saint-Denis.

Au début de juillet 1941, son fils de seize ans, Renelde Noël, étudiant au lycée Condorcet, à Paris 9e, quitte furtivement le domicile de ses parents sans faire connaître le motif de son départ, qui est de rejoindre l’armée du général de Gaulle. Cherchant le contact avec un supposé réseau de passeurs à travers la Manche, il gagne seul le village de Fort-Mahon-Plage (Somme) sur la côte d’Opale à soixante kilomètres au sud de Boulogne. Il y fait la connaissance de deux frères venus du Vésinet, Christian (17 ans 1/2) et Guy Richard (15 ans 1/2), dont l’un d’eux est peut-être un ancien condisciple de Condorcet, et dont le père possède deux villas, et de autres deux frères, évacués de Douai, Jean-Paul (17 ans) et Pierre Lavoix (19 ans 1/2), qui venaient auparavant y passer des vacances en famille dans une villa de location en bordure de mer, et qui y sont réfugiés avec leur mère et leurs deux jeunes sœurs (ou trois jeunes frères). Au cours de l’année scolaire 1939-1940, les quatre garçons poursuivent leurs études dans le cours secondaire ouvert par l’Université de Lille à Fort-Mahon. Les frères Lavoix possèdent déjà un grand canoë “canadien” en bois récupéré sur la plage en juin 1940 et avec lequel tous s’entraînent, sous les yeux de soldats allemands. Depuis mai 1941, ils ont minutieusement préparé l’équipée qu’ils projettent – Christian Lavoix, notamment, qui veut s’engager dans la Marine : conditions de navigation, équipement et ravitaillement. Fin juillet, Renelde fils – dès lors appelé “Reynold” – rencontre Christian Richard et se joint à eux, apportant un fusil Lebel et 45 cartouches pris dans un dépôt d’armes allemand, et un canoë très abîmé qu’il a acheté sur place et qu’ils réparent ensemble (goudronnage) dans la cour de la villa occupée par la famille Lavoix. Après avoir logé chez une femme fréquentant de trop près les soldats allemands, Reynold s’était installé chez un pêcheur qui avait ensuite menacé de le dénoncer en apprenant son projet. Dès lors, il est recueilli et planqué pendant un mois par les frères Richard, à l’insu de leur père. Il doit abandonner son propre projet de partir rapidement avec un autre jeune quand celui-ci renonce. Le soir du 16 septembre à la nuit tombée, alors que la météo est enfin favorable, les cinq prennent la mer après avoir laissé passer une patrouille allemande, en évitant les postes de guet et en échappant aux vedettes garde-côtes. Après avoir traversé la Manche en deux jours, à la pagaie et à la voile, les deux canoës accostent à marée haute sous les falaises près de la station balnéaire d’Eastbourne (Sussex), où les garçons épuisés sont pris en charge par la police locale.

À marée basse sous les falaises d’Holywell au sud de la ville balnéaire d’Eastbourne, visible à l’arrière plan à droite. Carte postale non datée, collection Mémoire Vive.

À marée basse sous les falaises d’Holywell au sud de la ville balnéaire d’Eastbourne, visible à l’arrière plan à droite.
Carte postale non datée, collection Mémoire Vive.

Le lendemain, 19 septembre, ils sont dirigés sur le centre d’immigration de Patriotic School, dans la banlieue de Londres, où ils sont de nouveau interrogés par des agents du contre-espionnage britannique (MI 5). Le 21, une voiture militaire française vient les chercher pour les conduire auprès du général de Gaulle, dans son bureau de Carlton Garden. Le lendemain 22 septembre, ils rencontrent le Premier ministre britannique sir Winston Churchill et son épouse qui trinquent avec eux au champagne dans les jardins du 10, Downing Street, en présence de reporters photographes et d’un caméraman (British Movietone). Tous les journaux du soir et du lendemain matin relatent leur équipée, photos à l’appui, puis ce sont les magazines (l’américain Life, le 27 octobre). Le reportage tourné lors de la réception est diffusé la semaine suivante aux “actualités” dans les salles de cinéma.

Puis ils sont interviewés dans les studios de la BBC par l’illustrateur et animateur Jean Oberlé. Lors de sa courte intervention, “Reynold” Lefebvre déclare (selon les Renseignements généraux) : « Je m’appelle Renelde, mon père est fonctionnaire et habite la banlieue nord de Paris. Je suis resté en mer pendant trente jours [trente heures, sans doute…] et j’ai pu arriver en Angleterre où j’ai eu une conversation avec M. Churchill. » Le 16 octobre suivant, Radio-Londres diffuse une première fois cet enregistrement dans son émission Les Français parlent aux Français, captée clandestinement en France. Renelde Lefebvre père en prend connaissance par un ami de son fils, lycéen à Condorcet, ainsi que par certains instituteurs de l’école qu’il dirige… Selon une professeure spéciale de chant de son établissement, l’inspecteur primaire de la circonscription de Saint-Denis vient lui-même féliciter les parents pour leur courage et la conduite de leur fils (ce qu’il démentira…). De son côté, Renelde Lefebvre père se confierait au chef du bureau des écoles de la mairie de Saint-Denis : « Je suis heureux de savoir que mon fils est bien arrivé en Angleterre ». Une autre réflexion de sa part serait : « Je préfère le savoir en Angleterre que tombé dans les pattes de Doriot ou des Allemands. »

Écrite à une date inconnue et probablement destinée au maire de Saint-Denis, une première lettre parvient aux services de police (transcription dactylographiée) : « Il nous paraît un devoir de vous donner l’information suivante : Un directeur d’une école de la commune, sympathisant communiste avant la guerre, a un garçon de 17 ans. Depuis le mois de juillet, ce jeune homme est parti de chez ses parents, et encouragé par eux, pour tâcher de partir en Angleterre. Pendant trois mois, il est resté sur la côte française, entretenu par ses parents en attendant l’occasion. La radio anglaise a fait une grosse publicité pour l’arrivée à Londres des collégiens français, dont le fils de ce directeur. Ils ont été reçus par le traitre de Gaulle et le guignol Churchill. Le directeur et sa femme se vantent de ce mauvais coup, et leur gosse est soi-disant un héros. C’est scandaleux et le Maréchal n’a pas donné ces instructions aux éducateurs. Cela fait très mauvais effet, et une pareille claque est un exemple dangereux. Faites une enquête, vous verrez si l’on vous dit la vérité. La présence de ce directeur ne peut continuer à être tolérée à Saint-Denis. Si notre grand Doriot était là, il aurait mis ordre à cela. De plus, malgré que le jeune gaulliste soit part depuis juillet, le père se vante de continuer à toucher sa carte d’alimentation. Il vole le public, lui l’éducateur, et vous pourrez vous en assurer. On espère que vous userez de votre autorité pour faire finir ce scandale. Il y a de pauvres types qu’on fusille en ce moment pour bien moins que cela. Il faut que ce directeur, de mèche avec l’ennemi, quitte Saint-Denis, ou il y aura du vilain dans le coin. Si vous n’agissez pas, le Ministre sera avisé et l’on signalera votre négligence. Salutations. »

Le 20 octobre, une personne anonyme (sans doute la même, vu le style et l’argumentaire) écrit au préfet de la Seine, à l’Hôtel de Ville de Paris, pour dénoncer Renelde Lefebvre père : « … Il est un devoir de vous signaler l’attitude d’un fonctionnaire de Saint-Denis. C’est un directeur d’école qui a un fils de 17 ans. Ce directeur, sympathisant communiste avant la guerre, n’a cessé d’afficher ses sentiments contre le Maréchal. Au mois de juillet, son garçon est parti. Pendant 3 mois, il est resté sur la côte française, entretenu par ses parents, guettant le coup pour filer en Angleterre. Il y a quelques jours, la radio de Londres a annoncé que 5 collégiens étaient arrivés. Ils ont été reçus par de Gaule (sic) et Churchill. Le fils du directeur en question y était, et maintenant les parents vantent le coup du gosse, comme un héros. Dans un coin comme Saint-Denis, c’est très mauvais et il faut agir, car cela va mal. Il faut dire aussi que, malgré que le fils soit parti depuis juillet et qu’il soit en Angleterre, le père toucha la carte d’alimentation et vole le monde. Le maire de Saint-Denis a été avisé. Faites une enquête : tout ceci est vrai. Ce n’est pas ce que le Maréchal a demandé. On le trahit. Avec espoir, Monsieur le Préfet, que vous ferez cesser ce scandale. Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, mes sentiments respectueux. (signature illisible) »

Dès le 29 octobre, la mairie de Saint-Denis retire à ses parents les titres d’alimentation (carte J3) de Renelde Noël.

La 2e section des brigades spéciales (BS) des Renseignements généraux de la préfecture de police engage une enquête au terme de laquelle il apparaît que « cette affaire est connue des notabilités de Saint-Denis, du corps enseignant et plus particulièrement des collaborateurs immédiat du directeur d’école ».

Le 13 novembre, les inspecteurs de la BS effectuent au domicile familial ainsi que dans le bureau du directeur des perquisitions qui se révèlent infructueuses.

Le policier qui rédige le rapport daté du 22 novembre semble minimiser les intentions que lui prête le ou les dénonciateurs : « … M. Lefebvre, qui semble maladroit en parole, a déclaré à quelques personnes de son entourage que son fils était un héros et qu’il était heureux de le savoir en vie et en Angleterre. Mais toutefois qu’il n’approuvait pas son geste ». Interrogés par les RG, ses trois “collaborateurs” sont « d’accord pour reconnaître que M. Et Mme Lefebvre ont été très affectés par l’aventure de leur fils et que, depuis, la santé de Mme Lefebvre serait très précaire, celle-ci étant atteint d’anémie cérébrale. Ils déclarent en outre que M. Lefebvre, bien qu’animé de sentiments “gaullistes”, n’a pas fait œuvre de propagande militante dans l’école, où il se tient sur une prudente réserve au point de vue politique, quelques-uns de ses subordonnés étant membres ou sympathisant du “Parti Populaire Français”. Considéré comme un bon directeur au point de vue pédagogique, il a, en sa qualité, toujours appliqué jusqu’ici les directives du Maréchal, affichant les affiches officielles dans toutes les classes et commentant à ses élèves les discours du Chef de l´État Français. » Cependant, interrogé par les policiers, Renelde Lefebvre admet avoir retiré en mairie les cartes et tickets d’alimentation de son fils pour les trois derniers mois, afin de masquer l’absence de celui-ci, brûlant les tickets d’août et septembre (il a rendu les titres d’octobre).

Le 31 janvier 1942, un rapport des RG consacré à son fils résume : « … il n’apparaît pas que M. Lefebvre père ait encouragé ou provoqué le départ de son fils, au contraire, il en a été affecté. » Ceux qui connaissent son fils « voient en lui un garçon impulsif »..

L’administration française n’engage ensuite aucune poursuite contre le directeur d’école, que ce soit sous la forme d’une procédure judiciaire ou d’un internement administratif.

Le 28 avril 1942, Renelde Lefebvre est arrêté à son domicile lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine – avec le concours de la police française – et visant majoritairement des militants du Parti communiste. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Renelde Lefebvre est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny.. Prévenue, sa femme accompagne la colonne depuis le camp jusqu’à la gare. Renelde Lefebvre l’encourage en criant : « Chérie, attends-moi, je reviendrai. » Les hommes sont entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Renelde Lefebvre est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45759 ou le 45761, selon les listes reconstituées (les photos des détenus portant ces matricules n’ont pas été retrouvées).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Renelde Lefebvre.

Il meurt à Auschwitz le 9 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; un mois après l’arrivée de son convoi [5].

Début 1943, un proche de Renelde Lefebvre père – son épouse probablement – effectue une démarche auprès d’une haute autorité française afin d’obtenir de ses nouvelles. De Brinon, ambassadeur de France, Délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, demande au préfet de police de lui transmettre des renseignements sur les motifs de l’arrestation du directeur d’école. Les inspecteurs des Renseignements généraux estiment que la raison probable en est le départ de son fils en Angleterre pour rejoindre les Forces françaises libres. Le même cycle de question-réponse a lieu à la fin du printemps 1944.

Le 26 jan­vier 1945, lors de l’offensive de la 1re division de marche d’infanterie contre la Poche de Colmar et des durs combats dans les bois d’Elsenheim, où le jeune sous-lieutenant Reynold Lefebvre (19 ans 1/2) maintient le moral de ses hommes sous les tirs meurtriers de l’artillerie allemande, il est mortellement blessé au ventre par l’éclat d’un obus de “88”. Il succombe le lendemain à l’an­tenne chirurgicale de Thanvillé (Bas-Rhin). Après avoir été inhumé provisoirement dans un cimetière militaire du Bas-Rhin, le corps de Reynold Lefebvre repose au cimetière de Saint-Denis, sous une dalle surmontée de la Croix de Lorraine.

Noëlle Lefebvre ne peut survivre à la disparition de son mari et de son fils. Un matin, ses voisins, étonnés de ne pas l’entendre, poussent sa porte et la trouvent morte, assise à sa table devant leurs photographies.

Après la guerre, une plaque commémorative au nom de Renelde Lefebvre père est apposée à l’école de Saint-Denis où il enseignait, route d’Aubervilliers /rue Danièle Casanova.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 9-04-1994).

Le 28 août 1960, à Fort-Mahon-Plage, une stèle est inaugurée par le Préfet de la Somme : « Traversée héroïque de la Manche par cinq enfants de Fort-Mahon – 16 septembre 1941 – En hommage à Reynold Lefebvre et à ses quatre compagnons ».

Notes :

[1] Gonesse : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Saint-Denis : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert effectif en 1968)..

[3] L’école du boulevard Galliéni de Gennevilliers est aujourd’hui transformée en salles municipales accessibles à la location pour les habitants et les associations.

[4] En octobre, le plus âgé des cinq, Pierre Lavoix, s’engage dans les Forces navales françaises libres. Les quatre autres rejoignent l’école des Cadets, d’abord au Malvern College, puis au manoir de Ribbesford, dans le Worcestershire. Reynold Lefebvre suit d’abord le peloton préparatoire pendant six mois et sort finalement de l’école au grade d’aspirant, dans la promotion Fezzan-Tunisie, dont les vingt-sept sortants reçoivent leur nouveau galon des mains du général de Gaulle en mai 1943. Comme la plupart des nouveaux promus, il est alors dirigé sur l’Afrique du Nord où se rassemble le Corps expéditionnaire fran­çais qui se prépare à participer à la Campagne d’Italie. Débarqué au cap Bon en Tunisie, il est incorporé à la 1re Division Française Libre le 1er octobre suivant et affecté au 11e bataillon de marche (BM XI) de la 2e brigade. Il finira par commander la section d’engins (mitrailleuses et mortiers) de la 7e compagnie du bataillon. Il participe à toutes les opérations militaires d’Italie, à la libération de Toulon et aux avancées de Belfort. En Italie, Reynold Lefebvre se distingue particulièrement le 17 mai 1944, au cours de l’attaque de Casa Chiaia (?), un des verrous de Pontecorvo (bataille du Gariglianio, une fois rompue la Ligne Gustav) : blessé par un éclat de grenade et évacué vers l’arrière, il « s’évade » de l’hôpital pour rejoindre son bataillon avec un pansement sur le crâne. C’est à Bolsena, dans le Latium (près du lac où eurent lieu de durs combats), qu’il apprend la disparition de son père en déportation. Le 26 sep­tembre, il s’élance à la tête de sa section lors de l’attaque de Lomontot (hameau de la commune de Lomont, Haute-Saône, 26 km à l’ouest de Belfort ?).

[5] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, lesservices français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Renelde Lefebvre, c’est le 15 novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 11, 64 et 65, 127 et 128, 386 et 410.
- Cl. Cardon-Hamet, notice in 60e anniversaire du départ du convoi des 45000, brochure répertoriant les “45000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, page 41, citant : Pierre Douzenel, de Saint-Denis.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : dossier individuel des RG (77 W 139-112635).
- Death Books from Auschwitz, Remnants
, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 704 (31394/1942).
- Association du Souvenir des Cadets de la France Libre, Traversée de la Manche en canoë les 16-18 septembre 1941, compilation des différents récits publiés, septembre 2017, fichier pdf de 71 pages. http://ekladata.com/ZZ13fW7mPTtbma0ny5Fofz4CrFA/B01_La-traversee_12-recits-1-.pdf
- Site francaislibres.net
- Magazine Life, pages 16 et 18 : https://books.google.fr/books?id=jU4EAAAAMBAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=true
- YouTube, Mr Churchill welcomes French boys, British Movietone, ajoutée le 21 juil. 2015 : https://www.youtube.com/watch?v=4G7bZzVglfA

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Maurice LEFEBVRE – 45760

Maurice Lefebvre. Photo publiée dans L’Avenir Normand du 16 juin 1945. Transmise par Laurent Quevilly.

Maurice Lefebvre. Photo publiée dans
L’Avenir Normand du 16 juin 1945.
Transmise par Laurent Quevilly.

Maurice, Paul, Gabriel, Lefebvre naît le 29 juin 1907 à Duclair (Seine-Inférieure / Seine-Maritime

[1] – 76), sur la Seine, en aval de Rouen, fils de Gustave, Albert, Lefebvre, 31 ans, et d’Eugénie, Jeanne, Douyère, 24 ans, son épouse.

Le 22 mai 1913, son père décède à Duclair, âgé de 37 ans ; Maurice n’a pas 6 ans.

Le 17 octobre 1931, à Mesnil-sous-Jumièges (76), commune voisine située dans le méandre suivant en aval du fleuve, Maurice Lefebvre se marie avec Jeanne, Adolphine, Hélène, Gouard, née en 1913 ou en 1915 à Jumièges (76). Ils auront un enfant.

Au printemps 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Maurice Lefebvre est domicilié route de Caudebec à Duclair. Cette année-là, il est chaudronnier à la S.I.T.H. (?) ; Jeanne est ouvrière d’usine chez Mustad (?).

Duclair, la gendarmerie dans les années 1900. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Duclair, la gendarmerie dans les années 1900.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre le 21 et le 22 octobre 1941, Maurice Lefebvre est arrêté et interné en dernier lieu au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Lefebvre est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Maurice Lefebvre est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45760. Sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Maurice Lefebvre.

Il meurt à Auschwitz le 11 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3].

Il est homologué “Déporté politique”.

À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Duclair donne le nom de Maurice Lefebvre à une rue/avenue de la commune ; l’ancien quai de halage bordant la Seine (« Maurice Lefebvre, déporté et mort à Auschwitz, 1907-1942 »).

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune, situé à proximité de l’église.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 9-04-1994).

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transféré au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Maurice Lefebvre, c’est le 15 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 375 et 410.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : Témoignage de René Demerseman (45453), rescapé – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen – Ville du Trait.
- Laurent Quevilly, du Canard de Duclair – http://jumieges.free.fr – a transmis le portrait imprimé de Marcel Lefebvre (04-2022).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 704 (35335/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-08-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Lucien LEDUCQ – (45759 ?)

Source : Memorial GenWeb. Droits réservés.

Source : Memorial GenWeb.
Droits réservés.

Lucien, Louis, Ludovic, Leducq naît le 7 mars 1899 à Beauchamps (Somme – 80), au sud du département, dans la vallée de la Bresle, fils d’Aimé Leducq, 29 ans, domestique, domestique, et de Joséphine Folny, son épouse, 25 ans. La famille comptera dix enfants, dont René, né à Beauchamp en 1900, Henri, né en 1904 à Criel, Charles, né en 1907 à Eu, Marguerite, née en 1908 à Eu, Lucienne, née en 1911 à Eu, Raymond, né en 1913 à Eu, Charlotte, née en 1916 à Eu…

En 1903, la famille habite à Criel-sur-Mer (Seine-Inférieure / Seine-Maritime – 76).  Fin novembre 1905, le père se déclare domicilié rue des Moulins, à Eu (76).

Pendant un temps, Lucien Leducq habite (chez ses parents ?) au 64 boulevard Thiers à Eu, commune limitrophe du Tréport (76) et de Mers-les-Bains (80).

Il commence à travailler comme chaudronnier.

À partir du 16 avril 1918, Lucien Leducq est incorporé comme 2e canonnier au 904e régiment d’artillerie lourde (R.A.L.), arrivant au corps deux jours plus tard. Le 1er août, il passe au 81e R.A.L. Le 11 janvier 1919, il passe au 70e régiment d’artillerie à longue portée. Le 29 janvier suivant, il passe au 71e R.A.L. Le 1er septembre suivant, il passe au 89e régiment d’artillerie à longue portée. Le 17 janvier 1921, il est nommé chauffeur de tracteur. Le 25 mars suivant, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite. Mais, le 5 mai, il est rappelé à l’activité militaire, avant d’être de nouveau renvoyé dans ses foyers le 18 juin.

Le 26 février 1923, Lucien Leducq est embauché par la Compagnie des chemins de fer du Nord, qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938

[1].

Le 27 octobre suivant, à Eu, Lucien Leducq se marie avec Henriette Flora Lagrange, née le 24 octobre 1901 à Marquion (Pas-de-Calais). Ils emménagent peut-être dans la “cité Bocquet” (?), à Mers-les-Bains, petite ville balnéaire sur le littoral de la Manche.

En 1926, le couple habite au 5 rue du Four à Chaux, à Mers.

Lucien et Henriette Leducq auront trois enfants : Bernard, né en 1926, Henri, né en 1928, et Raymonde, née en 1932, tous les trois à Mers.

En 1931 et 1936, la famille habite au lieu-dit (… puis rue) “Mon Oncle” (sic) à Mers.

Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domicilié au 12, rue Nationale à Mers-les-Bains, ou au 84, boulevard Thiers à Eu.

Lucien Leducq est alors ouvrier ferreur au dépôt de Mers ou à l’atelier des voitures et wagons de la gare SNCF du Tréport, terminus de la ligne ferroviaire.

Le Tréport, Eu, la gare, avec une voie de desserte de marchandises longeant le port. Au fonds, la ville de Mers entoure sa prairie. Carte postale “voyagée” en 1935 (recadrée). Coll. Mémoire Vive.

Le Tréport, Eu, la gare, avec une voie de desserte de marchandises longeant le port.
Au fonds, la ville de Mers entoure sa prairie.
Carte postale “voyagée” en 1935 (recadrée). Coll. Mémoire Vive.

Il est membre du bureau de l’Union locale CGT.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.  Collection Mémoire Vive.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.
Collection Mémoire Vive.

Le 23 octobre 1941, il est arrêté par les autorités d’occupation sur son lieu de travail avec quatre autres cheminots (tous dénoncés, selon sa famille). Au total, vingt-quatre personnes de l’arrondissement d’Abbeville sont conduites à la Kommandantur d’Abbeville où elles sont interrogées.

Le lendemain 24 octobre, peut-être après avoir été d’abord rassemblés à la citadelle d’Amiens, ils sont trente-huit du département à être internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Lucien Leducq y est enregistré sous le matricule 1948.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Le 26 décembre 1941, le préfet de la Somme répond à François de Brinon [2], Délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, sur les conditions dans lesquelles des habitants du département ont été arrêtés en octobre et internés à Compiègne. Il dresse une liste de treize « personnes qui, en raison des renseignements défavorables recueillis au cours de l’enquête (ex-militants communistes), n’ont pas fait l’objet d’une demande de libération » à la Feldkommandantur 580 d’Amiens ; Lucien Leducq est du nombre.

Entre fin avril et fin juin 1942, Lucien Leducq est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

 

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Lucien Leducq est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45759, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Lucien Leducq.Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [3]).

Après leur retour de déportation, les rescapés du convoi qui attestent de son décès sont Giobbe Pasini, de Droitaumont (Meuthe-et-Moselle), et René Maquenhen, de Oust-Marest (Somme).

Le 8 mai 1946, un acte de décès est transcrit dans les registres d’état civil de Mers-les-Bains : « Décédé le 12 juillet 1942 à Auschwitz (Allemagne) ». Lucien Leducq est déclaré “Mort pour la France”.

Après la Libération, le Conseil municipal de Mers-les-Bains donne son nom à une rue de la commune.

Après-guerre, son nom (orthographié “Leduc”) est inscrit sur la plaque commémorative dédiée « à la mémoire des agents de la SNCF tués par faits de guerre 1939 1945 », apposée sur un quai de la gare de Mers-les-Bains, laquelle a été rassemblée plus tard avec d’autres – celles de l’ancien dépôt du Tréport et de la gare désaffectée de Longroy-Gamaches – dans le hall d’accueil des voyageurs de la gare du Tréport-Mers–les-Bains.

Son nom est également inscrit sur la stèle commémorative 1939-1945 située dans le cimetière communal de Mers-les-Bains
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 9-04-1994).

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] De Brinon : ancien journaliste et “ultra” de la collaboration, Fernand de Brinon était Délégué général du gouvernement de Vichy auprès des autorités militaires allemandes d’occupation. Quand des requêtes étaient formulées par les familles des détenus auprès de l’administration française, la Délégation générale les transmettait à la Commission d’armistice (bipartite), après enquête de la police ou de la gendarmerie pour s’assurer des conditions d’arrestation et de l’honorabilité du détenu. Une lettre était ensuite adressée aux familles sous couvert de l’organisme qui en avait fait la demande : elle leur annonçait que l’intervention avait eu lieu et leur faisait part de la réponse fournie par les autorités allemandes.

Ainsi, un très grand nombre de fiches de la Délégation générale portent le nom de “45000” ; surtout après le départ du convoi, le 6 juillet 1942, et l’absence de nouvelles résultant de leur “statut NN”.

La plupart de ces fiches se trouvent dans les dossiers d’état civil des déportés conservés au BAVCC (anciennement archives du secrétariat d’État aux Anciens Combattants).

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 379 et 410.
- Le Courrier Picard, 6-08-1974
- Témoignage de son arrière-petite-fille, Fanny Leducq.
- Archives départementales de la Somme (AD 80), Amiens, site internet, archives en ligne ; état civil de la commune de Beauchamps (2E 63/11), année 1899, acte n°2, vue 25/133.
- Archives départementales de l’Aisne (AD 02), Laon, dossiers du commissariat régional aux Renseignements généraux, partis politiques des départements voisins : Ardennes, Somme et Oise (cote 970w58).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 703 (31640/1942).
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (cote 0110LM0108).
- Site Mémorial GenWeb, 80-Mers-les-Bains, relevé de Didier Bourry (11-2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Eugène LEDUC – (45758 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Eugène, Émile, Leduc naît le 14 mai 1899 à Reims (Marne – 51), chez ses parents, Louis Leduc, 37 ans, journalier, et Henriette Adèle Lombard, 36 ans, journalière, son épouse, domiciliés au 31, rue des Trois-Fontaines. Un des deux témoins en mairie pour enregistrer l’acte de naissance est François Leduc, 64 ans, fileur. Plus tard, ses parents habiteront à Courlancy, un quartier de Reims.

Pendant un temps, Eugène Leduc réside à Pogny (51), au sud-est de Châlons-en-Champagne, et travaille comme ouvrier agricole.

Le 17 avril 1918, il est incorporé au 168e régiment d’infanterie. Le 15 juillet suivant, il passe au 36e R.I. Le 26 février 1919, il revient au 168e R.I. Le 17 juillet suivant, il passe au 20e escadron du train des équipages (transport militaire par route). Le 23 mars 1921, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire chez un frère ou un neveu de son père, au 54, rue Belin à Reims, dans un lotissement de petits pavillons au nord de la ville.

En septembre 1925, Eugène Leduc habite au 87, rue de la Motte à Aubervilliers (Seine / Seine-Saint-Denis). Cinq mois plus tard, fin janvier 1926, il revient rue Belin à Reims.

Onze ans plus tard, en février 1937, il habite à Riaucourt, commune limitrophe de Bologne, au nord de Chaumont (Haute-Marne – 52). Fin mai 1937, il habite au village de Chantraînes (52), 8 km à l’est de Bologne.

Fin 1938, il s’installe à Bologne, baignée par la Marne et le canal de la Marne à la Saône ; il habite alors au café Lapérouse.

Au moment de son arrestation, Eugène Leduc est toujours domicilié à Bologne, son adresse d’alors restant à préciser.

Bologne, le village, photographie aérienne d’après-guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Bologne, le village, photographie aérienne d’après-guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Il est célibataire.

Il est employé aux Pyroligneux de Bologne (Société anonyme des produits pyroligneux de Bologne), dans une usine produisant – à partir de fibres d’arbres – d’un côté, du charbon de bois, de l’autre, de l’acide acétique (acétone, acétates), du goudron de bois (créosote) et divers produits chimiques (méthanol, formol…).

Le 18 décembre 1941, Eugène Leduc est arrêté une première fois. Relâché, il reprend son travail.

Le 26 février 1942, il est arrêté, peut-être pour avoir envoyé des colis à des camarades internés à Compiègne. D’abord conduit à la prison de Chaumont, il est ensuite transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Eugène Leduc est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Eugène Leduc est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45758, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Eugène Leduc.

Il meurt à Auschwitz le 7 octobre 1942,  selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Son nom est inscrit sur le monument au morts de Bologne, sa dernière commune de résidence.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 366 et 410.
- Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 33.
- Archives départementales de la Marne (AD 51), site internet, archives en ligne : registre des naissances de Reims, année 1899, (2 E 534/226), acte n° 983 (vue 271/399) ; registre matricule du recrutement militaire, classe 1919, bureau de Reims, n° 1298.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 703 (34710/1942).
- Site internet Mémorial GenWeb, relevé de Raymond Jacquot, 2002.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 29-12-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

Guy LECRUX – 45756

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(droits réservés)

Guy, Étienne, Victor, Lecrux naît le 26 juillet 1920 à Reims (Marne – 51), fils de Maurice Lecrux, 31 ans, et Juliette Peiffer, 31 ans, son épouse. Guy a une sœur ainée, Henriette Marguerite, née le 5 octobre 1918 à Paris (à vérifier…).

Au printemps 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Guy Lecrux est domicilié chez ses parents au 32, rue Camille-Lenoir à Reims. Il est célibataire.

Guy Lecrux est électricien (employé auxiliaire) à la gare SNCF de Reims.

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Reims, la gare dans les années 1920.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Secrétaire de la section rémoise des Jeunesses communistes, il devient secrétaire permanent pour le département.

Sous l’occupation, il est actif dans la résistance communiste. Il est l’adjoint de Cécile Ouzoulias-Romagon au niveau du département, et plus spécialement chargé de l’O.S. 

[1]

Le 22 janvier 1941, il est arrêté à son domicile par l’inspecteur principal Hincelin [2], sous l’inculpation de « menées tentant à la réorganisation d’association dissoute et de diffusion des mots d’ordre de la 3e Internationale » (décret du 26/09/1939). En même temps que lui sont arrêtés sa fiancée, Simone Bastien, et cinq autres personnes (Léon Bouleix, Vonehr, Mierement ?).

Guy Lecrux est écroué en détention préventive à la Maison d’arrêt et de correction de Reims, boulevard Robespierre. Le 26 février 1941, le Tribunal correctionnel de Reims le condamne à six mois d’emprisonnement et 100 F d’amende pour « propagande communiste, détention de matériel d’imprimerie, documents et imprimés mis en circulation, infraction au décret du 26 septembre 1939, reconstitution du Parti communiste et des Jeunesses communistes ». Il fait appel du jugement. La SNCF est informée du déroulement de la procédure.

Le 5 avril, il est transféré à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e, pour sa comparution devant la Cour d’appel de Paris. Le 20 mai, il passe devant la 10e chambre de cette juridiction. Remis à huitaine, le jugement est confirmé par la Cour le 27 mai.

Le 2 ou 3 juin, Guy Lecrux est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes (Seine / Val-de-Marne) ; n° d’écrou “correction homme” 8340. Le 7 juin, au lendemain de l’expiration de sa peine, le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif. Guy Lecrux semble néanmoins avoir été libéré (dans quelles conditions ?)

Le 23 juillet, il est de nouveau arrêté dans le cadre de l’opération Theoderich organisé par l’occupant en corrélation avec l’attaque de l’Union soviétique [3]. Détenu quelques jours à Châlons-sur-Marne, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), Frontstalag 122 – Polizeihaftlager ; matricule n° 1442, bâtiment A2. En janvier 1942, il est inscrit sur la liste des jeunes communistes destinés à être déportés (avis d’Otto von Stülpnagel du 14/12/1942). Le 5 mars, il voit arriver les otages arrêtés dans la Marne le 26 février (essentiellement des Rémois).

Guy Lecrux participe activement à l’organisation communiste clandestine dans le cadre du “Comité des loisirs”. Il suit les cours d’italien, de géographie, d’instruction civique, d’électricité, dispensés par des détenus enseignants ou techniciens avant leur arrestation.

Entre fin avril et fin juin 1942, Guy Lecrux est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Guy Lecrux parvient à jeter sur la voie un petit calepin avec un message prévenant sa compagne : « tous les Rémois dans le train (déportation) sauf Gaston Digrell ».

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Guy Lecrux est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45756 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Guy Lecrux est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Dès le lendemain, assigné au Block 15 A, il est affecté comme monteur électricien.

Quand il se retrouve très affaibli, il est admis au Revier, « l’infirmerie » du camp.

Après en être sorti, Guy Lecrux se rend avec Pélissou devant le Block 24, près de l’entrée du camp, où des détenus autrichiens leur donnent un peu de soupe.

Au début d’octobre 1942, Karl Lill, déporté allemand, et Hermann Langbein, déporté autrichien, organisateurs du Comité international de Résistance, décident d’aider et de ravitailler systématiquement deux jeunes Français : avec de meilleures chances de survie, ceux-ci pourront reprendre des forces, aider leurs camarades français (très isolés) et participer à la Résistance clandestine. Sont désignés Robert Lambotte et Guy Lecrux. Effectivement, plus tard, Guy Lecrux transmet les mots d’ordre et instructions de la Résistance à plusieurs “45000” dont Gabriel Lejard.

En novembre 1942, amené à travailler à Birkenau, il entre en contact avec quelques camarades de son convoi, qui lui apprennent notamment que Roland Soyeux, cheminot de Reims, s’est fait admettre au Revier.

Le 4 juillet 1943, comme les autres “politiques” français (essentiellement des “45000” rescapés), Guy Lecrux reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

Du 25 juillet au 25 septembre 1943, il est astreint à deux mois de Strafkompanie (SK), Kommandodisciplinaire alors installé à Birkenau dans le Block 11 du secteur BIId, et chargé de creuser le fossé central de drainage Königsgraben pour l’évacuation des eaux du camp vers la Vistule ; travail particulièrement exténuant consistant à creuser un fossé profond dans un terrain marécageux, à en renforcer les bords avec de l’osier, à leur donner la meilleure inclinaison et à les couvrir de gazon. Il est possible que cette punition soit levée le 14 août pour Guy Lecrux, c’est-à-dire avant son terme.

Ensuite, Guy Lecrux rejoint les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) et mis en “quarantaine” au premier étage du Block 11. Ceux-ci sont exemptés de travail et d’appel extérieur, mais témoins des exécutions massives de résistants, d’otages et de détenus dans la cour mitoyenne.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I.
Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, suite à la visite d’inspection du nouveau chef de camp, le SS-ObersturmbannführerArthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de “récupérer”, ils sont renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Au cours de sa détention à Auschwitz, Guy Lecruxl passe au moins une fois devant le service radiologique du camp.

Le 3 août 1944, il est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 29 août 1944, il est parmi les trente “45000” [4] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “proeminenten” polonais) transférés au KL [5] Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin (matricule 94266).

Le 5 octobre, il est parmi les huit “45000” transférés avec d’autres détenus à Kochendorf (Kommando de Natzweiler-Struthof), dans le massif du Neckar, une ancienne mine de sel aménagée en usine souterraine pour la construction des V2. Guy Lecrux reste en compagnie de Gabriel Lejard.

Fin mars 1945, le même groupe est dans une colonne de détenus évacués à marche forcée jusqu’à Augsbourg, puis en train jusqu’au KL Dachau, où ils arrivent le 8 avril (n° 149704).

Le 29 avril 1945, le camp est libéré par les troupes américaines, mais le typhus s’y est propagé. Guy Lecrux n’est rapatrié qu’en juin, après une période de convalescence. D’Allemagne, il écrit à ses parents pour les prévenir : « Je ne suis plus le gamin d’il y a quatre ans. J’ai vu trop d’atrocités. Il y a bien longtemps que je n’ai pas ri. J’en suis arrivé à avoir oublié la notion de la vie et de la mort. (…) Je n’ai rien, juste ma tenue rayée et mon numéro de bagnard tatoué, obligatoirement, sur le bras gauche. » Le 28 mai, il passe par le centre d’Emmendingen (Bade-Wurtemberg).

Le 5 juin, il est rapatrié en France par Mulhouse.

Dès le 15 juin 1945, il atteste pour l’épouse d’André Crépin, de Reims, que celui-ci est « entré à l’infirmerie fin septembre 1942 avec la dysenterie et les jambes enflées. Quelques jours après, l’hôpital fut vidé de ses occupants et ceux-ci conduits à la chambre à gaz ». Il ajoute à l’appui : « Le 3 mars 1943, nous savions par nos camarades allemands travaillant au secrétariat qu’il restait 144 Français [politiques] vivants au camp et qu’aucun n’était parti en transport. M. Crépin n’était pas parmi les survivants ». Il rédigera de telles attestations pour plusieurs épouses de ses compagnons de Reims morts à Auschwitz-Birkenau.

Le 27 février 1946, à Reims, il épouse Simone Bastien, née le 8 février 1921 dans cette ville, fille d’un apprêteur et d’une couturière. Membre des Jeunesses communistes à Reims en 1936, du Parti communiste en 1938, Simone Bastien fut emprisonnée en janvier 1941 à Reims et demeura détenue pendant huit mois. Libérée, elle se rendit à Rennes (Ille-et-Vilaine) puis à Brest (Finistère), participant à l’action clandestine du Parti communiste. Arrêtée fin 1942, elle fut déportée au KL Ravensbrück d’où elle revint.

Guy Lecrux reçoit la médaille de la Résistance (journal officiel du 11-07-1946).

Entre 1945 et 1952, il est domicilié au 91, route nationale à Witry-les-Reims (51).

Le 2 novembre 1949, il signe un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté résistant. Mais la commission départementale de la Marne portant un avis défavorable en avril 1952, celui-ci lui est refusé – il est seulement homologué comme déporté politique fin mai 1954 (carte n° 111 811 269)

En 1953, il est domicilié rue Curie à Saint-Brice-Courcelles (51).

Plus tard, il s’établit comme débitant de tabacs puis libraire à Précy-sur-Thil (Côte-d’Or), domicilié au 10, rue de l’église, sans parvenir à se remettre des souffrances endurées et de la maladie (troubles digestifs – ulcère de l’estomac opéré dès 1948 -, douleurs lombaires interdisant la station debout prolongée, asthénie migraines…) : il est pensionné avec un taux d’invalidité de 70 %.

Il décède dans un hôpital de Dijon le 3 juin 1963, à l’âge de 42 ans.


Les Anciens Combattants d’Ille-et-Vilaine, site Mémoire de guerre

Simone Bastien (Mme Lecrux) vient de mourir à Quétigny près de Dijon le 16 novembre 2006.

Elle fut la première internée politique de la prison de Reims. Ouvrière du textile, militante de l’Union des Jeunes Filles de France (Jeunesses communistes), c’est dès octobre 1940 qu’elle s’engage dans l’action résistante.

Le 21 janvier 1941, elle est arrêtée à Reims pour « propagande communiste et tentative de reconstitution de groupement dissous ». Elle n’a pas encore ses 20 ans qu’elle atteindra dans une geôle de la prison de Reims avant d’être transférée à la Roquette puis à Fresnes et à la centrale des femmes de Rennes où elle finira de purger ses 8 mois de condamnation. En même temps qu’elle, six jeunes gens de 18 à 22 ans ont été arrêtés, dont Guy Lecrux, jeune cheminot, son futur mari.

Sa peine accomplie, le 23 septembre 1941, elle rejoint la région de Châlons et Épernay où elle reprend son activité de Résistante, mais, en raison des risques de nouvelle arrestation, elle doit changer de région pour la Bretagne où, via Rennes, elle rejoint vers la mi-octobre les FTP de Quimper puis des Côtes-du-Nord sous sa nouvelle identité “Monique Deschamps”. Guy Lecrux libéré deux mois avant elle, a été de nouveau arrêté 15 jours après sa sortie.

À Rennes, elle est impliquée dans la réorganisation des groupes FTP suite à l’évasion spectaculaire de Louis Coquillet.

Chargée d’organiser des groupes de jeunes FTP dans le secteur de Plouaret, de septembre 1941 jusqu’à la date de son arrestation par la SPAC et les séides de Larrieux sur le secteur de Saint-Brieuc en août 1943 Armée, elle est blessée par balle et hospitalisée à Guingamp avant d’être transférée à la prison Jacques Cartier à Rennes après interrogatoire. Quarante personnes, 16 femmes et 28 hommes, ont été arrêtées sur le secteur de Saint-Brieuc au même moment. A la prison de Rennes elle partage la cellule de Madeleine Allard, la belle-fille du Général Allard, futur chef de l’Armée Secrète pour la zone M2, arrêtée avec sa belle-mère à Messac le 1er décembre 1943.

Le 7 mai 1944, Simone Bastien est extraite de sa cellule et placée sur un convoi pour Romainville. Le 6 juin 1944, avec une soixantaine d’autres femmes elle part de la gare de l’Est pour Sarrebruck (camp de Neue-Bremm). Regroupées à 100 ou 120 dans des wagons à bestiaux, le nouveau convoi arrive à Ravensbrück 26 juin 1944 (matricule : 43048). C’est là qu’elle retrouvera en septembre 1944 Madeleine et Marguerite Allard parties de Rennes la nuit du 1er au 2 août par le “Train de Langeais” alors que les Alliés étaient aux portes de la ville. Marguerite Allard disparaîtra au revier et au crématoire de Ravensbrück le 25 ou 26 février 1945. Après Ravensbrück, elle connait la prison de Leitmeritz, située au nord-ouest de Prague . Elle sera libérée le 10 mai 1945 à Teplitz-Schönau.

A son retour d’Auschwitz, Guy Lecrux reprendra son travail à la SNCF mais les séquelles de sa déportation ayant gravement détérioré sa santé, il décèdera prématurément en 1963, laissant Simone Bastien veuve avec quatre enfants en bas âge.

Simone Bastien avait elle aussi gardé de graves séquelles des bagnes nazis, ; il y a trois ans elle a dû quitter sa maison pour un foyer logement à Dijon, puis une maison médicalisée à Quétigny lorsque son état de santé s’est aggravé.

Elle avait été très affectée par la disparition accidentelle de son amie Madeleine Allard le 30 août 2004.

Décorations :
- Sous-lieutenant F.F.I.
- Déportée à Ravensbrück
- Officier de la Légion d’honneur
- Croix de guerre 35-45
- Croix du Combattant volontaire de la Résistance
- Médaille de la Résistance
- Croix du Combattant – Citation à l’ordre de la Division de la XIe Région Militaire
- Médaille de la déportation et des internés de la Résistance
- Chevalier de l’ordre républicain et du Mérite civique et militaire

Jean-Claude BOURGEON


Le Bien Public, Les Dépêches, mardi 28 novembre 2006

Nécrologie

Simone Lecrux, grande dame de la Résistance

À Ravensbrûck, Simone Lecrux avait connu Marcelle Pardé, disparue en déportation. En 1995, elle avait accompagné 45 collégiens du collège où l’on avait commémoré de façon particulièrement solennelle le cinquantenaire de la disparition de Marcelle Pardé et Simone Plessis. De ce retour douloureux, elle dira : « En fait, on a toujours un pied là-bas. Il y a des moments, on a même l’impression de n’en être pas revenus »

Une grande dame de la Résistance nous a quittés. Simone Lecrux, née Bastien, vient de mourir à Quetigny près de Dijon. Ouvrière du textile, militante de l’Union des jeunes filles de France (Jeunesses communistes), c’est dès octobre 1940 qu’elle s’engage dans l’action résistante. Le 21 janvier 1941, elle est arrêtée à Reims pour « propagande communiste et tentative de reconstitution de groupement dissous », première internée politique. Sa peine accomplie, le 23 septembre 1941, elle rejoint Châlons et Épernay où elle reprend son activité de résistante, avant de partir pour la Bretagne. A Rennes, elle est impliquée dans la réorganisation des groupes FTP suite à l’évasion spectaculaire de Louis Coquillet. Guy Lecrux, qui avait été arrêté en même temps qu’elle et libéré deux mois avant, a été de nouveau arrêté 15 jours après sa sortie. En août 1943, Simone est arrêtée par la SPAC et les séides de Larrieux sur le secteur de Saint-Brieuc. À la prison de Rennes, elle partage la cellule de Madeleine Allard, la belle-fille du général Allard, futur chef de l’armée secrète pour la zone M2, arrêtée avec sa belle-mère à Messac le 1er décembre 1943.

Le 7 mai 1944, Simone Bastien est extraite de sa cellule et placée sur un convoi pour Romainville. Le 6 juin 1944, avec une soixantaine d’autres femmes, elle part de la gare de l’Est pour Sarrebruck. Le nouveau convoi arrive à Ravensbrûck le 26 juin 1944.

À son retour d’Auschwitz, Guy Lecrux reprendra son travail à la SNCF, mais il décédera prématurément en 1963, laissant Simone Lecrux veuve avec quatre enfants mineurs. Pendant dix ans, secondée par ses enfants, elle tient le tabac-presse de Précy-sous-Thil qu’elle a acheté en 1960.

Régulièrement, elle intervenait dans les collèges et lycées pour le Concours national de la Résistance et la Déportation, en particulier au collège Marcelle-Pardé.

Simone Lecrux avait gardé de graves séquelles des bagnes nazis ; il y a trois ans, elle a dû quitter sa maison pour un foyer logement à Dijon puis une résidence médicalisée à Quetigny. Simone Lecrux était officier de la Légion d’honneur.


Simone Lecrux, née Bastien, 85 ans, a été incinérée au crématorium de Dijon-Mirande le 22 novembre 2006.


Notes :

[1] O.S. : organisation spéciale armée du Parti communiste clandestin créée à partir de septembre 1940, à l’origine pour protéger les militant(e)s prenant la parole en public, les distributeurs de tracts et les colleurs d’affiches, elle est devenue le premier cadre de la résistance armée.

[2] L’inspecteur Hincelin, responsable de nombreuses arrestations, sera suspendu à la Libération, mais réintégré en 1946.

[3] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[4] Les trente d’Auschwitz vers Sachso (ordre des matricules, noms de G à P) : Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Legal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).

[5] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilise l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron : une notice est consacrée à Guy Lecrux et une autre à Simone Bastien, citant Eugène Kerbaul, 1640 militants du Finistère, 1988, Bagnolet.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 348 et 349, 358, 366 et 410.
- Archives nationales,  Pierrefitte-sur-Seine : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes (BB18 7042).
- Archives Départementales du Val-de-Marne, Créteil : Maison d’arrêt de Fresnes, registre d’écrou n° 151, “correction hommes” du 20 avril au 7 juillet 1941, cote 2742w18.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Guy Lecrux (cote 21 p 482 683), dossier d’André Crépin (cote 21 p 439 224), recherches de Ginette Petiot (message 05-2013).
- Cl. Cardon-Hamet, notice, citant les sources suivantes :
- Irena Strzelecka, Les punitions et la torture, in Auschwitz 1940-1945, vol. II, Les détenus – La vie et le travail, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, 2011, traduction Pierre Faulet, chapitre XI, pages 449-453.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach).
- Simone Bastien-Lecrux, sa veuve, a apporté son aide à Roger Arnould (documentaliste de la FNDIRP, décédé en 1994), a recherché les “45000” de la Marne et lui a apporté toute la documentation qu’elle pouvait rassembler.
- Monique, sa fille, complète la documentation concernant son père pour l’exposition présentée à Reims par l’AFMD, le 4 décembre 2002, sur le convoi du 6 juillet 1942 et sur les “45000” de la Marne.
- Témoignages : lettre de Georges Gourdon, de Creil (60), souvenirs de Gabriel Lejard, de Dijon.
- Dessins-souvenirs de la main de Guy Lecrux : calendrier et plan de la prison de la Santé.
- Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, Fayard, Paris 1975.
- Cécile Ouzoulias-Romagon, J’étais agent de liaison des FTPF, éditions Messidor, collection Documents, Paris 1988, page 90 (elle pense qu’il a été déporté dans le convoi de Marcel Paul et qu’il est mort en camp).

MÉMOIRE VIVE

( dernière mise à jour, le 8-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Léon LECRÉES – 45755

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Photo anthropométrique 
prise par la brigade de gendarmerie 
du camp de Gaillon le 29 octobre 1941. 
Archives départementales de l’Eure.
Droits réservés.

Léon, Jean, Charles, Lecrées naît le 13 juillet 1888 à Cherbourg (Manche – 50), chez ses parents, Louis Lecrées, 33 ans, charpentier, et Henriette Abraham, son épouse, 32 ans, domiciliés au 61, rue de la Paix.

Le 5 avril 1913 à Carteret, Léon Lecrées se marie avec Élizabeth, Juliette, Abraham (une cousine ?). En 1941, ils n’ont pas d’enfant déclaré.

Le 3 août 1914, Léon Lecrées est mobilisé au 1er Régiment d’infanterie coloniale à Cherbourg. Le 25 septembre 1915, il est blessé par balle au fémur gauche. L’atrophie de la jambe qui en résulte lui donnera droit à une pension d’invalidité de 30 %. Cité à l’ordre du régiment, Léon Lecrées est décoré de la Croix de guerre.

Au moment de son arrestation, il est domicilié rue Félix-Faure, Les Coutils, à Équeurdreville 

[1], à l’ouest de l’agglomération de Cherbourg (50).

Ayant une formation de maçon, Léon Lecrées est chef d’équipe de maçonnerie aux Travaux maritimes de Cherbourg [2] (Arsenal ?). Dans une notice individuelle établie au camp de Gaillon, il est déclaré comme retraité, mais cela peut aussi signifier une révocation (il a 52 ans).

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Cherbourg. Le port militaire et les ateliers des forges de l’Arsenal 
dans les années 1900. Carte Postale. Coll. Mémoire Vive.

Pendant les quatre ou cinq années qui précèdent la guerre, il est adhérent du syndicat CGT des ouvriers de l’arsenal de Cherbourg, ainsi que du Parti communiste.

Sous l’occupation, il reste actif au sein du Parti communiste clandestin, intégré au groupe “Valmy”, selon son épouse. Celle-ci fait le guet pendant les réunions au domicile de Pierre, dit Paul, Vastel, gardien du cimetière d’Équeurdreville, qui tire des tracts sur une ronéo cachée dans un caveau.

Le 18 septembre 1941, le préfet de la Manche signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif de Léon Lecrées en application du « décret du 18 novembre 1939 relatif aux mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la défense nationale [sic !] et la sécurité publique [re-sic !] » ; du décret du 29 novembre 1939 ; de la loi du 3 septembre 1940 et de « la dépêche de M. le Ministre, secrétaire d’État à l’Intérieur, en date du 19 septembre 1940 » (?). En fait, il est « arrêté en raison de son activité antérieure à la suite de distribution de tracts communistes d’origine locale et quoique [sa] participation à cette distribution n’ait pas été établie ».

Le 19 septembre, à 13 heures, un inspecteur de police spéciale de Cherbourg vient l’appréhender à son domicile pour le conduire à la Maison d’arrêt de la ville en préalable à son transfèrement.

D’autres militants subissent le même sort comme Louis Hamel, de Cherbourg, Léon Truffert, de Tourlaville, Charles Mauger, d’Octeville et Marcel Hodiesne, d’Avranches (le 21).

Le 20 septembre, Léon Lecrées est interné au camp français de Gaillon (Eure), « centre de séjour surveillé » où il est « astreint à résider » ; assigné au bâtiment F (aile Est du pavillon Colbert [3]), 1er étage, chambre 3, lit 1.

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Le camp de Gaillon, ancien château de l’évêque de Rouen. 
Carte postale d’après-guerre. Collection Mémoire Vive.
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Vue du château de Gaillon côté Sud. À l’arrière-plan, 
le pavillon Colbert oùl étaient assignés les internés. 
Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive.
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Le 20 septembre 1941, Léon Lecrées reconnaît avoir pris 
connaissance « que le personnel a reçu l’ordre de faire 
usage de ses armes en cas de tentative d’évasion…
 ». 
AD27. Droits réservés.

Le 1er mars 1942, sachant qu’il a été interpellé sans preuve et n’ayant constaté aucune manifestation de ses idées politiques, en plus de sa « très bonne conduite », le commandant du camp propose sa libération au préfet de la Manche et à la direction générale de la police nationale, Léon Lecrées se déclarant de son côté prêt à cesser toute activité politique.

Le 4 mai, remis aux autorités allemandes à la demande de celles-ci, Léon Lecrées est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 –Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 5143.

Entre fin avril et fin juin 1942, Léon Lecrées est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Léon Lecrées est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45755 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Léon Lecrées est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». 
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre » 
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Pendant un temps, il est assigné au Block 16 avec d’autres “45000”.

Léon Lecrées meurt à l’ “hôpital” d’Auschwitz (Block 21a) le 15 août 1942, selon les registres du camp [4]. L’acte de décès établi par l’administration SS donne pour cause de sa mort une « infection par/avec phlegmon » (Sepsis bei Phlegmone).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 23-03-1994).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 366 et 410. 
- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Cl. Caron-Hamet page 129 et 130. 
- Ginette Petiot, recherches dans les Archives départementales de l’Eure, Évreux, et au BAVCC, ministère de la Défense, Caen (messages 07 et 08-2012). 
- Archives départementales de la Manche, archives en ligne, état civil de Cherbourg, registre des naissances de l’année 1888, acte n°450 (vue 120/238). 
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre d’appel avec la liste des détenus décédés (Verstorben Häftlinge) ; registre de la morgue relevé par la Résistance (matr. 45755). 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 1, page 120* ; tome 2, page 702. 
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre d’appel du 15 août 1942 (détenus décédés), page 342 ; registre du Block 16 ; acte de décès du camp (28807/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-08-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Équeurdreville : la commune fusionne avec sa voisine en 1965 pour former la commune d’Équeurdreville-Hainneville.

[2] Les directions des travaux maritimes, ou DTM, étaient chargées principalement de la conception, la réalisation et le maintien en condition des infrastructures immobilières et portuaires des ports militaires, des bases d’aéronautique navale et des diverses installations de la marine nationale dispersées sur le territoire (sémaphores, stations de transmissions, pyrotechnies, etc.). Elles avaient repris les missions dévolues aux « ingénieurs de la marine » dès l’époque de Colbert. Leurs attributions étaient de caractère technique (études de définition, de conception des ouvrages de bâtiment, de génie civil, d’ouvrages à la mer et d’outillages portuaires) et administratif (administration du domaine de l’État). Les directions des travaux maritimes étaient des directions déconcentrées du service des travaux immobiliers et maritimes, ancienne direction subordonnée à l’État-Major de la Marine, puis, à compter de 2005, des directions déconcentrées du service d’infrastructure de la défense nationale française. La dénomination de ces directions a été modifiée par l’arrêté du 13 décembre 2010 (JORF du 18 décembre). (source Wikipedia)

[3] Château de Gaillon. Le pavillon Colbert, sur la terrasse du jardin haut, a été dessiné par Jules-Hardoin Mansard vers 1700 pour l’archevêque Jacques-Nicolas Colbert, second fils du ministre de Louis XIV.

[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France :

Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

S’agissant de Léon Lecrées, c’est le 30 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès.

Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Marcel LECOUR – 45754

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Collection Martine Groult. Droits réservés.
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En 1940. Coll. Martine Groult. D.R.
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Marcel, Louis, Désiré, Lecour naît le 27 mai 1905 à Bayeux (Calvados – 14), fils d’Auguste, Louis, Clément, Lecour, né le 7 juillet 1881 à Bonnemaison (14), cheminot et syndicaliste CGT, et de Rachel Lecouteur, son épouse, née le 11 juillet 1883 à Formentin (14). Il a un frère cadet, Henri, né en 1907, et deux sœurs jumelles, Thérèse et Odette, nées en 1913.

Plus tard, la famille s’installe à Gueures (Seine-Inférieure / Seine-Maritime – 76), où Rachel deviendra garde-barrière et où Marcel grandit. C’est déjà un sportif, pratiquant le football au sein de l’équipe première de l’Union sportive Mottevillaise au cours de la saison 1920-1921.

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Marcel, 15 ans, est au premier plan, au centre.
Collection Martine Groult. D.R.

Membre de la société musicale La Lyre de la Saâne, il semble chanter dans des opérettes

Vers ses 18 ans, Marcel Lecour se met en ménage avec Juliette Leclerc, née le 28 mars 1901 à Gueures.

Pendant un temps, ils habitent au 32, rue Voltaire à Clamart (Hauts-de-Seine). Ils ont une fille, Marcelle, qui naît à Paris le 24 mai 1924 (peut-être la raison du report de son service militaire… ?).

Lors de ce séjour “parisien”, Marcel se rend – comme auditeur – à six cours de « physique générale dans ses rapport avec l’industrie » dispensés par le Conservatoire des Arts et métiers.

Le 7 février 1925, Marcel et Juliette se marient. Ils auront un autre enfant : Michel – surnommé Mickey par son père -, né le 20 mai 1932 à Mont-Saint-Aignan (76).

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Marcelle et Marcel
« dans le Calvados ».
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Juliette et Michel
le 29 avril 1934.
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En 1926, Marcel est peut-être employé de la Société Lebaudy (l’entreprise sucrière ?), à Paris ; du moins, c’est au club de cette entreprise qu’il a une licence sportive.

En 1927, il est possible que la famille retourne à Gueures, où Marcel déclare habiter quand il se fait établir une licence sportive de la Fédération française de natation et de sauvetage au titre du Club nautique dieppois.

À partir du 4 février 1928 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 25, rue de l’Abbaye (devenue rue Paul-Painlevé) à Maromme, à l’ouest de l’agglomération de Rouen (Seine-Maritime 

[1] 76), dans une maison avec étage dont le rez-de-chaussée est divisé entre un café et une boutique de vente-réparation de cycles. Juliette tient le café. Marcel s’occupe des vélos.

La devanture du café de la rue de l’Abbaye en 1934. À droite, appuyé sur une queue de billard, Marcel Lecour porte son fils Michel. Collection Martine Groult. D.R.

La devanture du café de la rue de l’Abbaye en 1934.
À droite, appuyé sur une queue de billard, Marcel Lecour porte son fils Michel. Collection Martine Groult. D.R.

Cette activité professionnelle s’accorde avec sa passion : Marcel est un sportif, cycliste amateur participant à des compétitions. Le 21 août 1932, l’Union vélocipédique de France (UVF) lui délivre un certificat de performance sur route attestant qu’il a couvert 150 km en 5 h 45 mn autour de Maromme.

Marcel en 1933 devant le portail du château de Maromme. Collection Martine Groult. D.R.

Marcel en 1933 devant le portail du château de Maromme.
Collection Martine Groult. D.R.

De 1933 à 1936, Marcel Lecour est membre de l’Union cycliste de Maromme, affiliée à l’UVF. En 1939 (peut-être avant…), le club devient l’Union cycliste de Maromme-Bondeville, affiliée à l’UVF et à la FSGT. En 1933 et 1934, l’UVF lui délivre une licence internationale comme “aspirant” (?). Plus tard, sur les photographies, Marcel Lecour semble prendre la pose comme organisateur et, certainement, mécanicien des coureurs.

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Marcel est au centre, entre les coureurs de l’Union cycliste
de Maromme. Collection Martine Groult. D.R.

Marcel Lecour a aussi une licence de basket-ball de l’Amicale laïque de Maromme pour la saison 1929-1930, une carte de membre actif des Amis de l’Eau de Sotteville, année 1935 (sports athlétiques, natation, pagaie, tourisme nautique). Il s’adonne également à la photographie, à la chasse (permis pour la saison 1932-1933).

En 1928 (?), il obtient le permis automobile, complété par le permis de conduire des « motocycles deux roues » en avril 1929. En mars 1931, il déclare un véhicule à vendre et une moto Gnome-et-Rhône de 5 cv. En novembre 1932, il déclare une 5 cv Citroën de type C (surnommée “Trèfle” à cause de ses trois places). En 1935, il est membre du Groupe de touristes Rouennais et, de juin 1937 à juin 1940, de l’Automobile Club normand (en novembre 1939, il conduit un véhicule non précisé immatriculé 7171-XA9).

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La 5 cv Citroën Trèfle « devant chez les Martin,
au Petit-Clamart
 ». Sans date.
Collection Martine Groult. Droits réservés.

Enfin, derrière la maison (?), Marcel cultive un jardin potager et élève des lapins dans un clapier,suppléments alimentaires qui seront bienvenus sous l’occupation.

Parmi ses activités sociales, Marcel Lecour est membre actif de l’Amicale laïque de Maromme, à jour de ses cotisations de 1934 à 1939, et souscrit à la carte de solidarité de la Maison du Peuple de la ville.

Marcel Lecour est secrétaire de la Section du parti communiste de Maromme, ami d’André et Germaine Pican, en contact avec A. Poyer, Raymond Duflot et Julien Villette. Il participe à la publication de L’Avenir Normand.

Une réunion du Parti communiste avant la guerre, à Maromme (?). Marcel Lecour est le troisième assis à droite. Debout derrière lui, André Pican. Germaine Pican est assise de l’autre côté du panneau. Collection Martine Groult.

Une réunion du Parti communiste avant la guerre, à Maromme (?).
Marcel Lecour est le troisième assis à droite.
Debout derrière lui, André Pican. Germaine Pican est assise de l’autre côté du panneau.
Collection Martine Groult.

Sur ce gros plan du cliché précédent, Marcel Lecour est  au premier plan, masquant en partie “Mimi” Dupuis.

Sur ce gros plan recadré, Marcel Lecour est au premier plan, masquant en partie “Mimi” Dupuis.

Du 25 au 29 décembre 1937, il est délégué au 9e congrès du Parti communiste français à Arles (Bouches-du-Rhône).

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Meeting dans les arènes d’Arles lors du 9e congrès du PCF.
Dans l’angle, en haut à gauche, au-dessus de Marcel Cachin
qui intervient au micro, on devine Marcel Lecour.
Photo éditée en carte postale. Coll. Martine Groult.

Après l’interdiction du PCF et sous l’Occupation, Marcel Lecour reste actif au sein du Parti communiste clandestin.

Le 7 octobre 1939, le commissaire spécial de Rouen transmet à tous les commissaires de Seine-Inférieure, et à certains maires, une circulaire leur demandant de lui « fournir, dès que possible, la liste des principaux militants du Parti communiste qui faisaient partie des cellules de (leur) ville ou circonscription » en indiquant, nom, prénoms, âge si possible, profession, domicile et « situation actuelle (présent ou mobilisé) ». Sur la liste non-alphabétique de neuf militant(e)s qu’il renvoie trois jours plus tard, le maire de Maromme inscrit Marcel Lecour, commerçant mécanicien non-mobilisé, en troisième position après André et Germaine Pican, et avant Marcelle Yvonne Villette, (grand-)mère de Julien.

Son frère Henri, devenu militaire de carrière, rejoint en Angleterre les forces de la France Libre du général de Gaulle.

Le 20 janvier 1941 (à vérifier…), son père, Clément Lecour – alors retraité et domicilié au 11, rue Maurice-Havet à Rouen – est arrêté, très certainement pour activité communiste.

Le 29 janvier, le bureau départemental des charbons autorise Marcel Lecour, en tant que commerçant (« café et cycles »), à s’approvisionner en “boulets” achetés chez Abraham, rue des Belges à Maromme.

Le 7 février, le tribunal correctionnel de Rouen condamne son père à six mois d’emprisonnement et 100 francs d’amende.

Le 10 avril, l’inspecteur de police spéciale Fernand Madeleine rédige un rapport : « À Maromme, il n’y a pas eu de distribution de tracts depuis plusieurs mois […]. Cependant, on remarque que le café tenu par le sieur Lecour Marcel […] est toujours fréquenté par des individus ayant appartenu à l’ex-parti communiste… ».

Le 4 août suivant, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Marcel Lecour…

Le 4 octobre, son père lui écrit sur une carte de correspondance du camp de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Enregistré sous le matricule 1391, Clément Lecour est alors assigné au bâtiment B2.

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le 21 octobre 1941 au soir, Marcel Lecour est appréhendé par des gendarmes français dans le cadre d’une vague d’arrestations collective qui suit le déraillement d’un train de marchandises à 1500 mètres de la gare de Malaunay [2]. Prévenu de ces arrestations, il se cache dans un bâtiment de la rue de l’église, mais se livre quand les gendarmes venus le chercher, et qui le connaissent au quotidien, lui disent : « Rends-toi Lecour. Sinon, ils vont s’en prendre à ta famille ». (témoignage de son épouse et de sa fille).

Marcel Lecour est interné avec de nombreux autres à la caserne Hatry de Rouen (76) ; 150 otages ont été pris dans la région rouennaise.

Rouen. La caserne Hatry dans les années 1920. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Rouen. La caserne Hatry dans les années 1920. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 24 octobre probablement, avec les autres Normands arrêtés aux mêmes dates, Marcel Lecour est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3]. Enregistré sous le matricule n° 2089, il est assigné au bâtiment A4.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Dans un message, il demande que les familles de plusieurs camarades arrivés avec lui soient prévenues que ceux-ci sont en bonne santé : Madame Bréançon, Madame Gaillard et M. Gentil, du Petit-Quevilly, M. Poyer, de Maromme, M. Boucher, de Malaunay, Mademoiselle G. Thomassin, de Rouen.

Marcel Lecour adresse ses cartes et lettres de courrier officiel à sa fille Marcelle. Le 23 décembre, il lui écrit : « Faites l’impossible pour me trouver des souliers de football et du cuir pour ressemeller mes chaussures basses, elles sont en triste état. Ma santé est toujours bonne, mais j’ai maigrit. C’est sans doute le sport qui est en cause. Pour Papa, il a souvent des malaises à cause de son cœur, mais son moral est bon et supérieur au mien. […] À l’occasion de Noël, nous allons faire un petit banquet collectif. Tout le bâtiment y participe, nous seront environ 160. Je serai de service de table, mais, malgré ce travail, je serai très souvent avec vous. » Le 31 décembre, il s’impatiente de ne pas recevoir de colis : « …depuis deux mois que je réclame des légumes, je n’en ai pas encore reçu. C’est à croire que mon jardin n’existe plus. Je suis gêné vis-à-vis des camarades qui font popote avec moi, car ils reçoivent plus que moi. Si cela continue, je serai contraint de ne plus manger avec eux. Heureusement que j’ai un poinçon pour faire des trous à ma ceinture. » Mais les envois arrivent enfin. Le 5 janvier, Marcel écrit avoir reçu un colis gare et un colis poste, et, trois jours plus tard : « Le clapier a dû en prendre un rude coup. […] j’aime à croire […] que, mis à part les sujets qui ont servit en pâté, les autres se portent bien. »

Le 20 janvier 1942, le père de Marcel, Clément, écrit à Juliette : « Je t’écris à la place de Marcel qui est couché depuis quatre jours et refuse toute nourriture. […] D’après ses réflexions, je suppose que quelque chose n’irait pas selon son désir à Maromme. […] Je crois surtout que Marcel supporte mal l’internement, lui si épris de liberté. […] Il est très possible que son otite le travaille aussi… »

Plus tard, Marcel Lecour suit certains cours dispensés par ses co-détenus, de physique, par Bonnifet, de français supérieur (dictées, rédaction…), entre le 3 avril et le 11 mai. Dans un de ses devoirs, il donne un aperçu de son quotidien :


Lecour A4

Nuit au camp.

La sonnerie de la trompette du camp américain vient de nous annoncer qu’il est bientôt dix heures. Il est temps de rentrer. Mais il fait encore grand jour en ce mois de juin et les traînards sont nombreux. Ils pénètrent à regret dans les bâtiments, puis restent accrochés dans les couloirs, provoquant les conversations qui retarderont l’heure de se mettre au lit. Mes compagnons de chambre ne sont pas des veilleurs tardifs et, pour respecter leur goût, je dois faire légère violence à mes habitudes de noctambule. Mon peu d’empressement à rentrer dans la chambre s’explique facilement. Elle n’est en réalité qu’un étroit boyau, très sombre, éclairé par une unique fenêtre donnant sur le couloir. Nous vivons à six dans cette espèce de caverne. La place y est comptée et l’air également. L’atmosphère est surchargée d’émanations les plus diverses. La sueur, l’haleine, les relents de cuisine, le linge sale, les ordures marient leurs odeurs à celles des légumes, du fromage, du poisson séché, du beurre rance, de la viande avancée qui constituent les denrées de notre stock de réserve. C’est dans cet air vicié, auquel nous avons échappé le plus possible dans la journée, qu’il va falloir passer notre nuit. Résignés, l’un après l’autre nous nous couchons. La lumière est éteinte, mais nous échangeons encore, de lit à lit, quelques mots. Puis les conversations cessent et chacun cherche le sommeil. Pour beaucoup, il ne viendra pas immédiatement, car c’est le moment où, livrés à nous-mêmes, nous communiquons par la pensée avec les êtres qui nous sont chers et desquels nous sommes séparés. Et puis le bruit n’a pas cessé dans le bâtiment. Il donne l’impression d’une machine à vapeur dont on a fermé la valve d’arrivée et qui continue à tourner sur son élan. Le bruit décroît, mais devient plus sonore [perceptible ?]. Les claquement des sabots [aux pieds des détenus], la fermeture des portes, les éclats de voix, le ripement des lits sur le ciment, tous ces bruits qui sont fondus dans la journée, se répercutent le soir avec plus d’intensité. Puis, petit à petit, ils s’espacent et enfin le silence s’installe en maître. Il enveloppe le bâtiment comme d’un voile épais et lourd. Et c’est à peine si, de temps à autre, il est troublé par le glissement d’un pas furtif et feutré, ou le soupir d’un homme qui geint sous l’influence d’un mauvais rêve. Et, par la fenêtre qui n’a pas été camouflée et dont un battant est entrouvert, le pinceau lumineux d’un projecteur vient balayer les murs blancs de la chambre, pour rappeler à ceux qui ne sont pas encore endormis que, dans le silence, on veille sur le camp.


Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Lecour est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler. Marcel écrit son dernier message à sa famille le 5 juillet, annonçant le « grand départ, pour une direction inconnue, que nous supposons être l’Allemagne ». Sur un ton plutôt pessimiste, il y dresse une sorte de bilan de ses relations avec ses proches. Il indique que son père reste au camp, mais que « Léon [Poyer] et Julien [Villette] sont du voyage. Stoppez les colis pour tous. ». En réponse, sa fille lui écrira une longue lettre datée du 9 juillet, qui ne partira jamais (« …nous sommes certaines que d’ici peu tu seras là, en train de piailler après nous, hein, petit père Coucour, car je crois que tu n’auras pas perdu l’habitude de crier, sinon, nous ne te reconnaîtrions plus : Coucour sans discours ne serait plus Lecour »).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Juliette Lecour, son épouse, recevra la carte-formulaire (verte) émise par la direction du camp le 15 juillet : « (…) le détenu X a été transféré dans un autre camp pour travailler. Le lieu de destination ne nous est pas connu, de sorte que vous devez attendre des nouvelles ultérieures… ».

Collection Martine Groult. Droits réservés.

Collection Martine Groult. Droits réservés.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Lecour est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45754.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Marcel Lecour se déclare alors sans religion (« Glaubenslos »). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Lecour est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block n° 4.

À une date restant à préciser, il est admis au Block 28 (médecine interne) de l’hôpital d’Auschwitz-I.

Il meurt à Auschwitz le 16 janvier 1943, selon plusieurs documents établis par l’administration SS (Sterbebücher).

Son père, Clément, Auguste, Lecour, classé « dangereux » par la SNCF, est déporté le 24 janvier 1943 au KL Sachsenhausen, près d’Oranienburg, où il meurt le 26 mai suivant.

Marcel Lecour est déclaré “Mort pour la France” en octobre 1947 et homologué “Déporté politique” en 1954.

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Hommage aux militants de Maromme disparus.
Carte-souvenir éditée après guerre. Plusieurs noms sont
mal orthographiés, dont celui de Marcel Lecour (« U. Lescour »),
en bas à droite. Collection Martine Groult.
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Verso du document précédent. Collection Martine Groult.
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Au premier plan au centre, Marcelle Lecour participe à une
cérémonie d’hommage aux déportés, peut-être fin avril 1950
car une autre image fait référence à l’Appel de Stockholm
exigeant « l’interdiction absolue de l’arme atomique ».
Le visage qui apparaît au-dessus de son épaule
semble être celui de Germaine Pican.
Collecction Martine Groult. D.R.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 23-03-1994).

Après la guerre, son fils Michel est pris en charge par Henri Lecour, frère de Marcel.

Son épouse, Juliette Lecour, décède le 5 novembre 1978 à Luneray (76).

Michel décède en 1996, Marcelle en 2010.

Le nom de Marcel Lecour est parmi ceux des 218 militant.e.s inscrit.e.s sur plusieurs plaques apposées dans la cour du siège de la fédération du PCF, 33 place du Général-de-Gaulle à Rouen, avec un extrait d’un poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) : « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’espoir et le désespoir. », et sous une statue en haut-relief dont l’auteur reste à préciser.

Monument dédié aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre dans la cour du siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive (2014).

Monument dédié aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre dans la cour du siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive (2014).

    Une des six plaques dédiées aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre, au siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive.

Une des six plaques dédiées aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre, au siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive.

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.-

[2] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – a suivi de peu le déraillement d’un train de marchandises sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941. À la mi-octobre, le Comité militaire national, qui vient d’être créé – avec à sa tête Charles Tillon et Eugène Hénaff – par la direction du Parti communiste clandestin, décide d’envoyer à Bordeaux, Nantes et Rouen des commandos parisiens afin d’organiser des actions d’éclat dans ces trois grandes villes de zone occupée. Chacun de ces groupes de « brûlots », composés d’anciens brigadistes et de jeunes combattants, a pour mission de provoquer le déraillement d’un train militaire et d’exécuter un officier de l’armée d’occupation. « J’étais là en protection, se rappelle Jacques d’Andurain, et Maurice Le Berre était une sorte de conseiller technique. En fait, les cheminots ont fait l’essentiel du travail. » ; cinq jeunes cheminots communistes de Sotteville-lès-Rouen. Ensuite, « … Je devais faire mon officier allemand. J’ai fait un tour à Rouen avec mon 6,35. J’en ai vu un et, au bout d’un moment, je me suis dit : “C’est le moment.” J’ai sorti mon revolver, mais il s’est retourné et a sorti son revolver. On s’est tirés dessus tous les deux, on s’est ratés tous les deux, on est partis en courant tous les deux en sens opposés. » Les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent cependant que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire A, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. En effet, tous les hommes appréhendés furent remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941. 44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.

(*) 150 selon 30 ans de luttes, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp C est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 410.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie (2000), citant : liste établie par Louis Eudier (1903-1986), “45000” – Témoignage de Germaine Pican (1901-2001), “31000” – Lettre de Guy Lecrux (1920-1963), “45000”, envoyée depuis le camp de Compiègne – Brochure Trente Ans de luttes, éditée par la Fédération du PCF de Seine-Maritime, pages 59/60 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense (fichier central).
- Témoignage de sa petite-fille, Martine Groult, fille de Marcelle (09-2006) ; questionnaire et message (03-2012) ; documents (04-2012) ; message (01-2014).
- Paul Le Goupil, du convoi des tatoués (matricule 185899), Mémorial des Français non-juifs déportés à Auschwitz, Birkenau et Monowitz, ces 4500 tatoués oubliés de l’Histoire, page 15.
- Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, Le sang des communistes, Les Bataillons de la jeunesse dans la lutte armée, Automne 1941, collection Nouvelles études contemporaines, Fayard, février 2004, page 125, notes p. 331.
- Alain Alexandre et Stéphane Cauchois, Résistance(s), Rouen, sa région, la vallée du Cailly entre histoire et mémoire, 1940-1944, éditions L’écho des vagues, avril 2015, pages 23 et de 26 à 29.
- Archives départementales du Calvados, archives en ligne : état civil de Bayeux 1893-1907, registre N.M.D., année 1905, acte n° 66 (vue 21/170).
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département : cabinet du préfet 1940-1946 (cote à vérifier, 51 W …, recherches conduites avec Catherine Voranger.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 702 (673/1943).
- Archives nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine : Archives restituées par la Russie, commissariat spécial de Rouen 1920-1940 (20010223/2, doc. 96-98).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 13-12-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Louis LECOQ – 45753

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Louis, Auguste, Gaston, Lecoq naît le 14 mai 1893 à Béthencourt-sur-Somme (Somme – 80), fils de Désiré Lecoq et de Marie Devarenne. Il a peut-être (au moins) deux sœurs, Claire, née le 12 février 1888, et Marguerite, née le 29 janvier 1902, et un frère, Désiré, né le 4 janvier 1889, tous trois à Béthencourt.

Pendant un temps, Louis Lecoq travaille comme « journalier cultivateur »

Le 1er octobre 1913, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 87e régiment d’infanterie, à Ham (80), afin d’y accomplir son service militaire, mais n’arrive au corps que le 28 novembre. Il connaît une interruption de service à partir du 9 mai 1914. Le 2 août, lorsque est publié le décret de mobilisation générale, il est rappelé dans son unité (6e brigade d’infanterie, 3e division d’infanterie, 2e corps d’armée), qui part combattre la IVe armée allemande en Belgique, lors de la Bataille des frontières. Dès le 17 août au soir, le premier bataillon du commandant Cussac est détaché en soutient auprès de la 9e division de Cavalerie avec laquelle il subit de lourdes pertes le 20 aux abords de Neuchâteau (Longlier). Le 28 août, Louis Lecoq, de la 2e compagnie, est fait prisonnier par l’armée adverse dans ce secteur. Au cours de sa détention, il apprend l’allemand. Le 29 décembre 1918, il est rapatrié « des régions envahies », puis envoyé en sursis d’incorporation aux Thilliers-en-Vexin (Eure). Le 28 janvier 1919, il est rappelé à l’activité au 87e R.I. Le 25 juillet suivant, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire à Rouen (« 23, rue Verte »), titulaire d’un certificat de bonne conduite.

En mai 1921, il est domicilié à Suzanne, près de Péronne (80).

En décembre 1927, il habite à Grand-Couronne, au sud de l’agglomération de Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime

[1] – 76).

En décembre 1936, l’armée le déclare maintenu en cas de mobilisation aux établissements Pétrole Jupiter, à Petit-Couronne, en qualité de machiniste.

Au moment de son arrestation, il est domicilié cité R-3 – rue Émile Bertain –  au Trait (76), en bord de Seine, 25 km à l’ouest de Rouen (après la guerre, il habitera au 59, rue du Maréchal-Galliéni).

Le 10 septembre 1938, lors de la (2e ?) mobilisation du 2 août, il est toujours classé affecté spécial aux Pétroles Jupiter. La même année, probablement à la suite du mouvement de la fin novembre, il en est licencié « pour faits de grève ».

Par la suite, il est ouvrier métallurgiste, mécanicien, à l’entreprise Cloutiers et Ateliers de la Seine-Maritime (ACSM) du Trait.

Militant communiste, il est secrétaire de la cellule du Trait.

À une date restant à préciser, il est élu Conseiller municipal de cette commune. Il est déchu de son mandat à la suite de la loi du 20 janvier 1940.

Le 7 septembre 1939, il est classé affecté spécial de renforcement au titre des Établissements Kuhlamnn à Oissel (76). Il est « démobilisé » le 28 septembre 1940.

Interné au début de la drôle de guerre par les autorités françaises, Louis Lecoq est libéré à l’arrivée des troupes allemandes d’occupation (rapport des Renseignements généraux du 8-07-1952).

En octobre 1940, sous la direction de Georges Déziré, secrétaire départemental du PCF avant la dissolution, les militants du Trait tentent de reconstituer une cellule clandestine du Parti communiste. Louis Lecoq est peut-être entré en contact à cette occasion avec Maurice Billard et René Demerseman, qui sont arrêtés en novembre suivant.

Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Louis Lecoq…

Celui-ci regroupe plusieurs membres du Parti communiste clandestin et en devient le chef de section. Ils participent à la diffusion de tracts. Avec Roger Girot [2], Louis Lecoq projette la destruction du dépôt de munitions de l’armée allemande installé dans un bois près de Sainte-Marguerite, près de Duclair, dans lequel il semble alors travailler.

Mais, dans la nuit du 21 au 22 octobre 1941, les gendarmes de la brigade de Duclair l’arrêtent à son domicile, ainsi que Roger Girot, René Talbot et six autres camarades, et les conduisent à la prison de Rouen. Louis Lecoq et Roger Girot supposent avoir été dénoncés, mais ils sont pris dans le cadre d’une grande vague d’arrestations de militants communistes de la région de Rouen décidée par l’armée d’occupation afin de se constituer une réserve d’otages [3].

Le 25 octobre, Louis Lecoq est conduit avec ses compagnons au camp allemand de Royallieu à Compiègne [4] (Oise) (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il est très lié avec André Tollet. Il a l’estime de ses compagnons, qui – plus jeunes que lui, comme Maurice Chaumond, le surnomment affectueusement : “Le Père Lecoq”.

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La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers
bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan, sur l’autre rive de l’Oise,
l’usine qui fut la cible de plusieurs bombardements
avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Lecoq est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Louis Lecoq est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45753 (ce matricule sera tatoué sur son bras gauche quelques mois plus tard). Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – il est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Là, assigné au Block A8, il est affecté au Kommando DAW (Deutsche AusrüstungsWerke, société SS, usine d’armement entre autres). Parmi les plus âgés du convoi, à quarante-neuf ans (doyen des rescapés), il survit grâce à la reconnaissance de son savoir-faire technique : il monte et ajuste parfaitement le premier étau sorti de la fonderie.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Louis Lecoq est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées.
Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Louis Lecoq est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine”, au Block 10, en préalable à un transfert.

Le 29 août 1944, il est parmi les trente “45000” [5] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont affectés au Block 66. Louis Lecoq y retrouve Roger Girot, déporté en janvier 1943.

Début mai 1945, lors de l’évacuation de ce camp vers Schwering (Meklembourg), Louis Lecoq est libéré par l’Armée rouge, puis remis aux forces britanniques (?). Il est rapatrié par avion le 8 juin, avec Roger Girot, et passe par l’hôtel Lutetia, à Paris. À 52 ans, il est le plus âgé des rescapés.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945.
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

En ami 1950, la commission de réforme de Rouen constate une invalidité inférieure à 10 % pour « crampes douloureuses des membres inférieurs, allégation d’œdème et de cyanose ».

Le 14 octobre 1950, Louis Lecoq remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté politique. Le préfet de Seine-Inférieure rend un avis favorable pour la commission départementale et la carte n° 1176 0019 est établie le 16 mai 1953.

Le 18 juillet 1952, le préfet émet un avis défavorable à sa demande d’homologation d’appartenance à la Résistance intérieure française (RIF) de Louis Lecoq, suivant en cela un rapport d’enquête demandé aux Renseignements généraux et selon lequel « seule son appartenance politique [souligné en rouge] est la cause de son arrestation et de sa déportation ».

Louis Lecoq décède le 12 octobre 1965.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection Mémoires, Paris 2005, pages 182, 190, 348 et 350, 358, 376 et 410.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et les “31000” de Seine-Maritime réalisée à Rouen en 2000.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen ; dossier de Lecoq Louis Gaston (21 P 589 100),  recherches de Ginette Petiot (message 06-2016).
- Archives départementales de la Somme, Amiens, site internet du conseil général, archives en ligne, table décennale 1893-1902 de Béthencourt-sur-Somme (5MI_D16, vue 32/34) ; registre des matricules militaires, bureau de recrutement de Péronne, classe 1913 (cote 1R1071), n° 402 (trois vues).
- Raymond Montégut (45892), Arbeit macht Frei, Éditions du Paroi (imprimeur), juin 1973, Recloses, 77-Ury, 349 p., pages 172, 157.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-06-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Roger Girot, né le 24 mars 1921 au Havre (76), déporté dans le convoi d’hommes parti le 24 janvier 1943 de Compiègne et arrivé le lendemain au KL Sachsenhausen, affecté au Kommando Heinkel, rescapé (source : Livre-mémorial de la FMD, I.74, tome 1, p. 617).

[3] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – dans un large périmètre autour de Rouen a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste).

Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire A, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. Tous les hommes appréhendés furent, en effet, remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941.

44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.

(*) 150 selon “30 ans de luttes“, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.

[4] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller.

À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).

[5] Les trente d’Auschwitz vers Sachso : (ordre des matricules, noms de G à P) Georges Gourdon(45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung(45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux(45756), Maurice Le Gal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais(45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin(45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté(45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean(45976) et Germain Pierron (45985).

Pierre LECOMTE – (45752 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Pierre, Roger, Lecomte naît le 28 mars 1906 à Moyenmoutier (Vosges), fils de Charles Lecomte et de Jeanne Mathis (?).

En 1939 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 1, rue Henri-Poincaré à Clichy-La-Garenne 

[1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

Il est marié, sans enfant.

Pierre Lecomte est mouleur sur machine.

Le 25 octobre 1940, à Clichy, il est arrêté par la police française – probablement par des agents du commissariat de police de la circonscription – pour propagande et détention de tracts communistes, en même temps que le jeune Georges Pavie, 22 ans, de Clichy, électricien. Une perquisition opérée dans la cuisine de Pierre Lecomte amène la découverte de huit exemplaires du tract « Travailleurs, Alerte ! », de deux exemplaires de L’Humanité, de deux exemplaires de La Voix Populaire, d’un lot de livres et brochures (?), et « sur l’étagère » de vingt-deux exemplaires de L’Humanité. Le lendemain, les deux hommes sont conduits au dépôt de la préfecture, probablement pour interrogatoire. Le 28 octobre, ils sont écroués à la Maison d’arrêt de le Santé (Paris 14e).

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 28 octobre, ils comparaissent devant la 12e Chambre du Tribunal correctionnel de la Seine qui condamne Pierre Lecomte à six mois de prison pour infraction au décret du 26 septembre 1939.

À une date restant à préciser, celui-ci est transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À l’expiration de sa peine, considéré comme un « meneur très actif », il n’est pas libéré : le 19 avril 1941, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif. Le 24 avril, Pierre Lecomte est conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise ), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.

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Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte
montrant les points d’impact après le bombardement
par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines, cote 1W71.

Le 5 mai 1942, Pierre Lecomte est parmi les 149 internés d’Aincourt transférés au camp français de Voves (Eure-et-Loir).

Le 10 mai, il est parmi les 81 internés (dont 70 futurs “45000”) « remis aux mains des autorités d’occupation » à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Pierre Lecomte est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45752, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Pierre Lecomte.Il meurt à Auschwitz à une date inconnue ; probablement avant mars 1943 (son acte de décès n’a pas été retrouvé par les archivistes du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau [2]). L’état civil français a fixé la date du 15 août 1942.

Après la guerre, son épouse – qui est alors revenue vivre à Moyenmoutier, rue de la Haute-Pierre – contacte René Petitjean, de Clichy, pour lui demander une attestation de décès.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 23-03-1994).

Il est parmi les derniers trouvés dans la liste des déportés de ce convoi : en 2005, son nom ne figure pas encore dans Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942 [3].

Notes :

[1] Clichy-La-Garenne : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp.

[3] Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, de Claudine Cardon-Hamet, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, notice pour Mémoire Vive (2006), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Archives de Paris : rôle du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 15 mai-15 novembre 1940, D1u6 5849.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; registre de main courante du commissariat de Clichy du 8-08-1940 au 10-04-1941(C B.84-35), n° 937 et 938 ; dossier couplé “Pavie-Lecomte” au cabinet du préfet (1 W 858-37260).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives communales de Clichy : listes électorales, archives de la section locale de la FNDIRP.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Léon LECOMTE, dit le Percepteur – (45751 ?)

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Droits réservés.

Léon, Ernest, Lecomte naît le 23 avril 1912 à Saint-Ouen-l’Aumone (Seine-et-Oise / Val-d’Oise – 95), fils d’Henri Lecomte et de Reine Mathieu, son épouse.

Pendant un temps, il vit avec sa mère – devenue veuve – allée Fointiat à Eaubonne (95), travaillant comme employé de bureau.

Le 1er septembre 1934, à la mairie du 19e arrondissement, il se marie avec Raymonde Ségalen, née le 16 février 1913 à Paris 19e, employée, domiciliée chez ses parents au 11, rue de Joinville. Françoise, la sœur de celle-ci, couturière, est témoin au mariage. Léon et Raymonde n’auront pas d’enfant.

Sportif, Léon Lecomte est pendant un temps champion de course à pied, sélectionné en demi-fond (1500 m) pour les Jeux olympiques de 1936… à Berlin.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 32, rue de Joinville à Paris 19e, vers l’avenue de Flandre.

Léon Lecomte est commis principal au Ministère des Finances, rue de Rivoli à Paris 1er (alors installé dans l’aile nord du Palais du Louvre).

Paris. Le ministère des Finances en 1900. Carte poste, collection Mémoire Vive.

Paris. Le ministère des Finances en 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Militant communiste, ses camarades le surnomment “le percepteur”. Il reprend ses activités dans la clandestinité après sa démobilisation.

Le 25 octobre 1940, à 21 h 30, à l’angle du boulevard de la Villette et de la rue de Kabylie, à proximité de la station Aubervilliers (future Stalingrad) du métro aérien, Léon Lecomte est appréhendé – « arrestation mouvementée »

[1] – par des agents du commissariat de la circonscription de Saint-Ouen alors qu’il appose « sur les murs de sa localité, avec un tampon en caoutchouc » le mot d’ordre « Vive l’URSS ». Il est trouvé porteur d’un autre tampon, « Libérez les communistes » et d’une vingtaine de papillons intitulés « Vive l’Armée rouge », « Vive Staline ».  Il est d’abord gardé à vue au poste de police Villette. La perquisition effectuée ensuite à son domicile amène la découverte de divers opuscules, dont trente-sept exemplaires de Correspondance internationale, sept Jeunesse du Monde, quatre Correspondant parlementaire, un exemplaire de La Voix du peuple et un tampon « Thorez au pouvoir ».
Le 27 octobre, inculpé d’infraction au décret du 26-9-1939 (dissolution et interdiction du Parti communiste), il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le lendemain, 28 octobre, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à quinze mois d’emprisonnement. Le 9 novembre, il est conduit à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne). Le 15 novembre, il fait appel du jugement. Le 23 décembre, la Cour d’appel de Paris ramène la peine à un an.

Le 30 décembre, Léon Lecomte est ramené à Fresnes avant son transfert à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.  Carte postale. Collection Mémoire Vive

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive

Le 12 juillet 1941, en « exécution de la note préfectorale » du 14 novembre 1940, le directeur de la prison transmet au bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise 21 notices de détenus de la Seine devant être libérés à l’expiration de leur peine au cours du mois suivant. Le 26 juillet, le préfet de Seine-et-Oise transmet le dossier au préfet de police de Paris, direction des services des Renseignements généraux.

Le 17 août, à l’expiration de sa peine, Léon Lecomte est relaxé. Cependant, la police française le considère toujours comme un « agent particulièrement actif de la propagande communiste clandestine ».

Le 19 septembre, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1940 ; en même temps qu’André Amarot et Camille Delattre, également libérés de Poissy au mois d’août précédent. Pendant un temps, Léon Lecomte est détenu au dépôt de la préfecture de police de Paris (au sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité), en attendant son transfert dans un camp.

Le 9 octobre, il fait partie des 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 9 février 1942, Lecomte est parmi les 52 « communistes » (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Léon Lecomte est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Léon Lecomte est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45751, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Léon Lecomte se déclare alors sans religion (« Glaubenslos », sans foi). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Léon Lecomte.

Il meurt à Auschwitz le 21 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher). La cause mensongère inscrite sur l’acte de décès est « arrêt du cœur par grippe » (Herzschwäche bei Grippe).

Il est déclaré “Mort pour la France”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 23-03-1994).

Notes :

[1] L’arrestation, telle qu’elle est racontée par Roger Arnould : « Léon Lecomte habitait dans le quartier de la Villette, à Paris, un quartier qu’il connaissait bien pour y avoir milité durant les années du Front Populaire. Il était fonctionnaire des contributions indirectes et ses camarades l’appelait familièrement “le percepteur”. Il avait une corde à son arc : champion de course à pied (demi-fond). Il avait été sélectionné à ce titre pour les Jeux Olympiques de 1936, mais il pratiquait surtout son sport favori dans le club local du 19e de la FSGT [Fédération Sportive et Gymnique du Travail]. La guerre de 39, puis l’occupation, avait sans doute réduit son entraînement, il avait cependant gardé du muscle et du souffle, comme on va le voir.

Une nuit de novembre 1940 [en octobre, selon les archives], malgré le couvre-feu, il allait dans les rues de Crimée, de Flandre et avoisinantes, coller des papillons sur les murs, glisser des tracts sous les portes, dénonçant le pillage du pays et la collaboration, les causes des restrictions, enfin, appelant ceux qui refusaient l’occupation et la collaboration à agir, à s’unir. C’était l’aube de la Résistance.

Tout à coup, il fut surpris par une patrouille d’agents de police qui voulut l’appréhender. Le champion n’hésita pas un instant ; son salut n’était-il pas dans ses jambes ? Alors commença une poursuite folle dans le dédale des rues obscures qu’il connaissait bien. Les sifflets à roulettes retentissaient, mais en vain. Les agents ignoraient certes qu’ils avaient affaire à un sélectionné des Jeux Olympiques du quinze cents mètres. Aussi l’homme poursuivi gagnait du terrain. Tant et si bien qu’il parvint aux limites du 19e arrondissement, du côté du boulevard de la Villette, pour entrer sur le territoire du 10e arrondissement. Ses poursuivants, dont on entendait toujours les sifflets, ne pouvaient plus guère espérer l’atteindre.

C’est alors que le drame se produisit. Parvenu vers les rues de l’Aqueduc, rue Chaudron, en haut de la rue du Faubourg-Saint-Martin, il tomba brusquement sur une autre patrouille d’agents qui, alertée par les coups de sifflets, se trouva sur son chemin, en position de le capturer sans coup férir, en le coiffant de leurs pèlerines. Menottes aux mains, il fut conduit, sans ménagement, au commissariat de police du 10e arrondissement le plus proche ; celui dont dépendaient les agents qui venaient de l’arrêter.

Cependant, les agents du 19e, ceux qui avaient engagé la poursuite, arrivèrent à leur tour au dit commissariat, à bout de souffle. Ils prétendaient reprendre le prisonnier. Alors, Lecomte, enchaîné, assista à une bien étrange bagarre entre agents dont il était l’enjeu. On se le disputait. Motif : il y avait une prime d’arrestation, à ce qu’il crut comprendre environ 2000 francs [de l’époque]. Ceux du 10e ne voulant pas céder la prise à ceux du 19e, c’est donc de ce commissariat que Lecomte prit le chemin du dépôt.

Dans les prisons et les camps, le récit de cette arrestation défraya la chronique. À Compiègne, en 1941, on disait : “Eh, Lecomte, raconte un peu comment tu t’es fait cravater”. Le champion racontait et tout le monde éclatait, de rire, mais aussi de dire son mépris envers les chasseurs de prime de Pétain ».

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 374 et 410.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen – Un témoignage adressé à la FNDIRP en 1972, le décrit « grand (1,80 m), sportif », « très bon camarade ».
- Roger Arnould, article paru dans le journal de la FNDIRP, Le Patriote Résistant, n° 511, mai 1982.
- Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, citant… Roger Arnould, pages 80-81.
- Archives de Paris : jugements du tribunal correctionnel de la Seine (D1u6 3666).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (cote 1W69).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes 1939-1941 (BA 2397) ; registre d’écrou du dépôt (n° 510) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 0185-52234) ; registre des consignés provisoires au Dépôt, mai 1941-mars 1942 (C C 2-1).
- Archives départementales de la Vienne ; camp de Rouillé (109W75).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès du camp (seul document retrouvé).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 702 (36896/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 22-04-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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