Louis LEROY – 45786

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Louis, Émile, Eugène, Leroy naît le 28 septembre 1902 à La-Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne), chez ses parents, Léon Leroy, 31 ans, artisan serrurier, et Charlotte Liebert, son épouse, 33 ans, domiciliés au 107, rue de Condé. Louis a – au moins – trois frères et une sœur : Jacques, né le 25 novembre 1894, Georges, né le 20 juillet 1896, Pierre, né le 23 avril 1898, Jeanne, née le 31 janvier 1901, tous à La Ferté.

En 1912, son père, alors ouvrier mécanicien, amène sa famille habiter à Puteaux

[1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), dans un logement au 19, rue du Marché. Son épouse est peut-être alors décédée.

En décembre 1920, Louis Leroy commence (?) à travailler comme monteur en chauffage chez Roth et Rousseau, entreprise de chauffage central sise au 24, rue Diaz à Boulogne-Billancourt (92). C’est un ouvrier sérieux qui rapporte régulièrement sa paie à son père.

En juillet 1922, il travaille aux ateliers de l’Association de patrons fumistes, sise au 19, passage Dubail (Paris 10e).

En février, examiné par le Conseil de révision, il est reconnu bon pour le service armé et doit être incorporé avec le contingent de la classe 1922.

Le 29 octobre, Louis Leroy est arrêté sur les grands boulevards au cours d’une manifestation organisée par l’Union anarchiste, d’abord conduit au commissariat de police du quartier de la Porte-Saint-Martin, puis envoyé au dépôt de la préfecture de police. Poursuivi pour outrages et rébellion par le tribunal de première instance de la Seine, il est transféré à la prison de la Petite-Roquette. Cependant, il est mis en liberté provisoire le 31 octobre.

Le 1er novembre, un rapport de police (renseignements généraux ?) établi en urgence pour le juge d’instruction indique que Louis Leroy, 22 ans, est adhérent à la section communiste de Puteaux, « mais, jusqu’à présent, il n’a pas été signalé comme fréquentant les milieux anarchistes ».

Le 17 novembre, il est incorporé au 155e régiment d’artillerie afin d’accomplir son service militaire.

Le 9 décembre, son affaire vient devant la 11e chambre du tribunal correctionnel de la Seine, mais est renvoyée au 6 janvier 1923.

Le 5 juin 1924, il est renvoyé dans ses foyers ; il adhèrera à l’Amicale des réservistes de Puteaux.

Le 24 décembre 1925 à Puteaux, son frère, Pierre Leroy se marie avec Jeanne Lucienne Mirat.

Le 24 décembre 1925 à Puteaux, Louis Leroy se marie avec Andrée Francine Mirat, née le 6 septembre 1904, également à La-Ferté-sous-Jouarre (?).

En juin 1928, un rapport de police indique que Louis Leroy est célibataire (?) et habite rue du Marché à Puteaux avec son frère Pierre. Il travaille alors comme monteur en chauffage à la Société française La Radio électrique, sise au 55, rue Greffuhle à Levallois (92). Il est adhérent de la cellule d’entreprise n° 139 du 7e rayon de la région parisienne du Parti communiste et membre de l’Union syndicale des travailleurs de la Métallurgie, voiture-aviation, maréchalerie et parties similaires de la région parisienne (unitaire).

Le 3 septembre suivant, Louis Leroy doit accomplir une période de réserve au 155e RA, caserné à Strasbourg (Bas-Rhin). Le service des RG – qui le surveille toujours – « apprend » qu’il doit y emporter des tracts antimilitaristes et se fait fort de provoquer des manifestations antimilitaristes au cours de sa période, ayant reçu de Maizières (probablement Marcel), militant connu chargé des amicales de réservistes au 106 rue Lafayette, les tracts et instructions nécessaires. Ce même 3 septembre, le cabinet du préfet de police transmet ce rapport au 2e bureau de l’état-major, au ministère de la Guerre.

Pendant un temps, Louis Leroy habite au 33, rue des Plaideurs à Nanterre [1] (92).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 53, rue Eugène-Eichenberger à Puteaux. Il travaillerait alors comme ajusteur.

Le 6 février 1941, Louis Leroy est arrêté chez lui par des agents du commissariat de police de la circonscription de Puteaux, qui lui disent que son nom a été relevé sur une liste saisie sur un militant précédemment arrêté. Ils l’emmènent après une perquisition de son domicile restée sans résultat. Le 9 février, il est incarcéré à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e) ; à vérifier…

Le 13 février, les services de la préfecture de police rendent compte qu’au « au terme d’une série d’enquêtes et de multiples surveillances », ils ont appréhendé 26 militants pour « recrutement d’éléments susceptibles de participer d’une manière particulièrement active à l’organisation de la propagande communiste clandestine à Puteaux » et confection, répartition et diffusion du « matériel de propagande (tracts, papillons, placards) », parmi lesquels Louis Leroy et André Arsène Bisillon, Lucien Pairière, Émile Poupleau, qui seront déportés avec lui. À l’exception de deux d’entre eux, laissés en liberté provisoire, tous sont inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 et passent par le dépôt de la préfecture de police où ils sont mis à la disposition du procureur de la République.

Le 13 avril, Louis Leroy est relaxé par le juge d’instruction, mais reste détenu au dépôt.

Le 18 avril, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif de Louis Leroy, désigné comme un « militant communiste [ayant] prit une part importante dans le développement de la presse clandestine ».

Le 21 avril, Louis Leroy fait partie d’un groupe d’internés transférés (depuis le dépôt ?) au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise /Val-d’Oise).

Le “sana” d’Aincourt transformé en camp. Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante

Le “sana” d’Aincourt transformé en camp. Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante

Dans la nuit du 2 au 3 juin, lors d’une perquisition menée dans les chambres des internés, les gardiens confisquent un cahier sur lequel Louis Leroy a copié les couplets de chants révolutionnaires, ainsi que les conditions de transport pour recevoir des visites au départ de Puteaux.

Le 11 février 1942, Louis Leroy fait partie des 21 militants communistes que les “autorités d’occupations” « extraient » d’Aincourt sans en indiquer les motifs ni la destination au chef de centre. Tous sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Louis Leroy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45786 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Leroy est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 30 juillet, son nom est inscrit sur un registre de diagnostics du Block 21 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I. À une date restant à préciser, il est transféré au Block 28 de cet hôpital, en même temps que Joseph Germain, Gustave Nourry, Gustave Prothais et René Paillole.

Il meurt à Auschwitz le 7 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2]. La cause mentionnée pour son décès – tout en pouvant être mensongère – est crédible : typhus exanthématique (Fleckfieber).

(aucun des dix ou onze “45000” de Puteaux n’a survécu)

Avant le printemps 1952, un de ses proches (sa veuve, probablement), dépose une demande d’attribution du titre de déporté résistant.

À cette époque, Andrée Leroy habite toujours au 53, rue Eugène-Eichenberger à Puteaux et travaille à la Société des Véhicules industriels Saurer, sise au 131, rue de Suresnes (92).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Louis Leroy (J.O. du 21-10-1994).

Notes :

[1] Puteaux : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

S’agissant de Louis Leroy, c’est le 15 novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 383 et 411.
- Archives départementales de Seine-et-Marne, archives en ligne : état civil de La Ferté-sous-Jouarre, registre des naissances 1902-1907 (6E194/28), année 1902, acte n° 80 (vue 34/323).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1W71, 1W76, 1W80.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 943-41944).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 712 (28884/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-01-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

André LERMITE – 45785

JPEG - 43 ko
Collection André Lermite – Droits réservés.

André, Alexandre, Émile, Lermite naît le 21 août 1908 à Nantes (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique 

[1] – 44), fils d’Émile Lermite et de Anne Cottineau, son épouse.

André Lermite est instituteur laïque.

En 1938, il épouse Marguerite Joubert, née le 25 février 1910 à Vallet (44), également institutrice.

JPEG - 42.5 ko
Collection André Lermite. Droits réservés.

Ils ont un fils, André, Jean, né le 22 août 1939.

Au moment de |’arrestation du père de famille, celle-ci est domiciliée au 27, rue Ferdinand-Buisson à Chantenay, faubourg de Nantes, dans la maison familiale des parents d’André Lermite.

La dernière affectation professionnelle de son épouse est à Bouaye, village proche de Nantes.

André Lermite le secrétaire adjoint de la section du Syndicat des Instituteurs (SNI) de Loire-Inférieure en 1930, conseiller syndical en 1934, trésorier adjoint du Syndicat Général de l’Enseignement en 1936 et 1937.

Il est également est un militant communiste actif dans la section de Chantenay.

Il adhère au Comité antifasciste Amsterdam-Pleyel. Pendant la guerre, il continue ses activités et joue un rôle important de propagande avec sa femme et Alphonse Braud, de Chantenay, dénonçant le régime de Vichy et la collaboration.

Le 4 juillet 1941, après une première vague d’arrestations opérée le 23 juin [2] dans l’agglomération de Nantes par la police militaire allemande (GFP), le commissaire central de Nantes donne à celle-ci (qui lui a demandé) une liste de neuf « ex-militants communistes » où figure le nom d’André Lermite, ainsi que ceux d’Alphonse Filloleau et Jean Raynaud.

Le 9 juillet, à 6 heures de matin, André Lermite est arrêté chez lui et « conduit aussitôt au camp du Champ de Mars » [3], avec quatre autres « militants communistes » dont A. Filloleau et J. Raynaud.

Nantes. La salle des fêtes du Champ de Mars. Est-ce l’endroit où ont été rassemblés les militants arrêtés en juillet 1942 ? Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Nantes. La salle des fêtes du Champ de Mars.
Est-ce l’endroit où ont été rassemblés les militants arrêtés en juillet 1942 ?
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 juillet, André Lermite est parmi les vingt-quatre communistes (dont les dix futurs “45000” de Loire-Atlantique) transférés avec sept Russes (juifs) au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Dans le cadre de l’organisation des détenus et aux côtés notamment d’Alphonse Braud, André Lermite donne des cours d’arithmétique, de géométrie et l’algèbre de niveau supérieur dans le bâtiment E1, les lundi, jeudi et vendredi.

Emploi du temps des cours donnés par l’organisation des détenus, noté par Angel Martin le 16 mars 1942.  Collection José Martin, son frère. Droits réservés.

Emploi du temps des cours donnés par l’organisation des détenus, noté par Angel Martin le 16 mars 1942.
Collection José Martin, son frère. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, André Lermite est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Lermite est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45785 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Lermite est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Il meurt à Birkenau le 7 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [4] ; un mois après l’arrivée de son convoi. La cause mentionnée est une « faiblesse cardiaque et circulatoire » (Hertz und Kreislaufschwäche), mais, selon des témoignages de rescapés, il aurait été gazé (Ch. Delbo).
Sur les dix “45000” de Loire-Atlantique, il n’y eut que deux rescapés : Eugène Charles, de Nantes, et Gustave Raballand, de Rezé.

À une date restant à préciser le nom d’André Lermite est donné à l’école primaire de Nantes où il enseignait, rue Évariste-Luminais.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 29-09-1994).

Marguerite Lermite est arrêtée à son tour le 5 septembre 1942, au Boulay, commune de Mouzeil (44), où elle est en vacances avec ses beaux-parents et son fils. Elle se sent menacée et songe à se cacher quand elle tombe malade. Des policiers français arrivent dans la nuit et l’emmènent en voiture. Elle est hospitalisée à Nantes, internée à la Roche-sur-Yon, à Fontenay-le-Comte, puis en détention allemande au Fort de Romainville, sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), où elle arrive le 15 janvier 1943, c’est-à-dire une semaine avant le départ. Ce qui explique qu’elle n’est pas bien connue ni identifiée par ses camarades de déportation.

À Auschwitz-Birkenau, elle est enregistrée sous le matricule n° 31835 (sa photo d’immatriculation faisait partie de celles qui n’étaient pas encore identifiées en novembre 2009 ; elle a été reconnue par comparaison avec un portrait civil d’avant guerre). Marguerite Lermite meurt à Birkenau le 18 mars 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, qui indique mensongèrement : « entérite (diarrhée) par faiblesse corporelle » (Darmkatarrh bei Körperschwäche). Aucune rescapée n’a pu témoigner sur sa mort, selon Ch. Delbo.

Notes :

[1] Loire-Atlantique : département dénommé “Loire-Inférieure” jusqu’en mars 1957.

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] Le « camp du Champ de Mars » : s’agit-il de la salle des fêtes, également dénommée « Palais du Champ de Mars » ? (à vérifier…)

[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant André Lermite, c’est 15 novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 365 et 411.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Bretagne (2002), citant : témoignages de Gustave Raballand, d’Eugène Charles, de Nantes, et de Raymond Montégut, de Châtellerault .
- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 178-179.
- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 34.
- Claude Avez, professeur d’Histoire-Géographie à Bouaye, recherches conduites avec André Lermite fils, dans le cadre d’un projet pédagogique (classe de 1ère STG 2009-2010).
- Archives départementales de Loire-Atlantique, cote 1694 W 9.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 712 (18559/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, bureau d’information sur les prisonniers : copies du Starke Bucherdu 7 au 8 août 1942, actes de décès au camp d’André et Marguerite Lermite.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Léon LERICHE – (45784 ?)

Léon, Victor, Eugène, Marie, Leriche naît le 14 février 1896 à Husson (Manche), fils de Denis Marie Auguste Leriche, 32 ans, et de Julie (dite Julina ?) Aline Marie Férouelle, 24 ans, domiciliés au lieu dit La Bazuraie.

Pendant un temps, Léon habite avec ses parents à la ferme du Fauconnier, à Saint-Patrice-du-Désert (Orne – 61). Il commence à travailler comme couvreur.

Le 8 avril 1915, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 26e bataillon de chasseurs à pied. Le 22 mars 1916, il passe à la 25e compagnie et rejoint le front (« aux armées »). Le lendemain, il passe à la 1re compagnie. Le 20 septembre suivant, il est évacué comme malade, puis admis à l’hôpital n° 3 de Barentin (Seine-Inférieure). Il rejoint le dépôt divisionnaire un mois plus tard. Du 13 juin 1917 au 17 décembre 1918, il connaît une « interruption de services » ; dans cette période, il aurait été porté déserteur, avant de rentrer volontairement (le 11 avril 1919, le conseil de guerre de la 28e division d’infanterie le condamne à deux ans de prison avec sursis). Le 12 avril 1919, il passe eu 13e BCP. Le 20 septembre suivant, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire chez ses parents, à Saint-Patrice-du-Désert, s’étant vu refuser un certificat de bonne conduite.

En mars 1921, il habite au 255 rue des Quinconces à Péronne (Somme). Le 25 avril 1921, à la mairie de cette ville, il se marie avec Madeleine Juliette Adrienne Morand, née le 13 septembre 1896 à Vimoutiers (61), journalière. Ils auront deux fils : Clément, né le 16 septembre 1925 à la Ferté-Macé, et Bernard, né le 31 juillet 1927 à Tinchebray.

En mai 1921, Léon Leriche déclare habiter avenue de Bonneuil à Golancourt (Oise), en octobre 1922, rue de l’Abbaye à Montbrehain (Aisne), en novembre 1924, au n° 11 rue du Long-Pot à Lille (Nord), en avril 1925, au 24 rue de la Teinture à la Ferté-Macé (61). Enfin, début juillet 1926, Léon Leriche déclare habiter rue Neuve-de-Vire à Tinchebray (61).

En juillet 1931, l’armée le classe “affecté spécial” au titre de la Société de distribution d’Électricité de l’Ouest, secteur de Couterne (61) en qualité de plombier chef gazier.

En 1931, les Leriche habitent dans la Grande-Rue de Tinchebray ; ils hébergent René Morand, frère de Madeleine, 25 ans, ébéniste chez Leboucher. En 1936, ils y logent toujours.

Léon Leriche devient chef de fabrication à l’usine à gaz de Tinchebray. En dernier lieu, la famille y habite probablement un logement de fonction.

Tinchebray. L’usine à gaz sous la neige dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Tinchebray. L’usine à gaz sous la neige dans les années 1900.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Léon Leriche est communiste.

En avril 1941, il est arrêté, comme Eugène Garnier de Flers. En mai, ils sont traduits en justice devant un tribunal de Domfront (Orne) ; la suite est à vérifier (libération…).

Le 18 octobre 1941, à 6 heures du matin, Léon Leriche est de nouveau arrêté à son domicile par des Feldgendarmes, comme Louis Fernex et Eugène Garnier, dans le cadre d’une vague d’arrestations qui touche le département. Ils sont transférés à Alençon le jour même. Le lendemain, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Léon Leriche est immatriculé sous le matricule n° 1682 et assigné au bâtiment A3.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

En décembre 1941, il est transféré à la Maison centrale de Caen. En janvier 1942, il comparaît devant la cour spéciale de Caen, qui prononce sa relaxe (à vérifier…). En février, il est reconduit au camp allemand de Compiègne.

Entre fin avril et fin juin 1942, Léon Leriche est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Léon Leriche est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45784, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Léon Leriche se déclare alors comme ouvrier métallurgiste (Metalarbeiter). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Léon Leriche est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il travaille dans le même Kommando qu’Eugène Garnier, étant tous deux logés au Block 17, lui au rez-de-chaussée, son camarade à l’étage.

Léon Leriche meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” (11,7 % des effectifs du convoi) sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés

[1]). La cause mensongère mentionnée pour son décès est « inflammation rénale » (Nierenentzundung).

Le 24 février 1944, son épouse, sachant que son mari a quitté le camp de Compiègne le 6 juillet 1942 « pour aller travailler en Allemagne » (sic), écrit à Fernand (de) Brinon, délégué général du gouvernement français : « Depuis cette date, je suis sans nouvelle de lui. Je suis très inquiète sur son sort. Je voudrais, Monsieur le Ministre, que vous puissiez faire le nécessaire pour me tirer de cette profonde détresse. » Elle est toujours domiciliée à l’usine à gaz…

Rapatrié le 10 mai 1945, Eugène Garnier va prévenir plusieurs familles de ses camarades de l’Orne disparus en déportation, notamment Madeleine Leriche, alors domiciliée au 2 rue Basse à Tinchebray.

Le 16 juillet suivant, E. Garnier rédige et signe une attestation témoignant du décès de Léon Leriche, qu’il estime être survenu dans la deuxième quinzaine de septembre 1942 (dans une attestation ultérieure, il le déclarera « sélectionné et gazé comme typhique »). Le lendemain 19 juillet, Madeleine Leriche transmet ce document au Ministère des Anciens combattants, en accompagnement d’un courrier par lequel elle sollicite une pension de veuve de guerre..

Le 3 juillet 1946, puis de nouveau le 17 septembre suivant, Madeleine Leriche, alors domiciliée au 2 rue Basse à Tinchebray, remplit et signe un formulaire de « Demande formulée en vue d’obtenir la régularisation de l’état-civil d’un “Non-rentré” ».

Dans cette période, une copie de l’acte de décès de Léon Leriche établi à Auschwitz (Sterbebücher) est enregistrée au Ministère des Anciens combattants et victimes de guerre.

Le 27 septembre, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) dresse l’acte de décès officiel de Léon Leriche « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour », en reprenant la date et l’heure mentionnées sur l’acte du camp.

Le 17 février 1954, Madeleine Leriche, en qualité de conjointe, remplit et signe un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté politique à son mari à titre posthume. À la rubrique “motif de la déportation”, elle complète seulement « activité anti-allemande ». Le 5 avril suivant, Émile Lechevallier, domicilié au 11 rue de Geôle à Tinchebray, rédige et signe une attestation témoignant de l’arrestation de son camarade. Le 24 juin, la préfecture du Calvados donne un avis favorable, validé le 5 juillet suivant par le directeur interdépartemental. Carte n° 11720117.

En novembre 1957, Léon Leriche est déclaré “Mort pour la France”.

Le 8 novembre 1976, le Conseil municipal de Tinchebray donne son nom à une rue de la commune. Celui-ci est également inscrit sur le monument aux morts, devant la mairie.

Madeleine Leriche décède le 9 janvier 1977, à la maison de retraite de la Ferté-Macé (Orne).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Léon (J.O. du 29-09-1994).

Notes :

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Cardon-Hamet page 132.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 396 et 411.
- Lieux de mémoire dans l’Orne, page 18 ; information communiquée par Hervé Barthélémy, de Rail et Mémoire.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 711 (31902/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 P 476 462).
- Site Mémorial GenWeb, 61-Argentan, relevé de Marylène Leprince (2003).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 23-02-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Roger LEPRÊTRE – (45783 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Roger, Lucien, Hippolyte, Leprêtre naît le 26 avril 1920 à Quincampoix (SSeine-Maritime 

[1] – 76).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au Trait (76).

Roger Leprêtre est agriculteur.

À une date restant à préciser, il est arrêté… parce qu’il sifflait LInternationale, selon René Demerseman.

À une date restant à préciser, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roger Leprêtre est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45783 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Roger Leprêtre est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours, probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [3]. Il a 22 ans.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 29-09-1994).

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955, pour rendre compte de sa situation en aval du fleuve.

[2] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail”. Cette opération a commencé en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 377 et 411.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Seine-Maritime réalisée à Rouen en 2000, citant : Liste d’otages, Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris – Témoignages de Louis Eudier et R. Demerseman.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 711 (31568/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-08-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Charles LÉPINE – 46248

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Charles, Eugène, Lépine naît le 30 janvier 1922 à Sannois 

[1] (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), fils d’Eugène Lépine, chef de train à la Compagnie des Chemins de Fer du Nord, et d’Eugénie Lefèvre. Charles a – au moins – un frère, Edmond.

Leur père décède le 29 mars 1931. À une date restant à préciser, leur mère trouve un emploi à la raffinerie de Tergnier (Aisne – 02).

Charles Lépine fait partie de la promotion 1936-1939 des apprentis cheminots du centre de formation de Tergnier, en même temps que Jean Toussaint.

Au moment de son arrestation, il est domicilié chez sa mère, au 35,rue des Écroyères à Fargniers [2], dans une maison en bois de quatre pièces dont elle est propriétaire.

Charles Lépine est célibataire, sans enfant (il a alors vingt ans).

Cheminot, il est ajusteur auxiliaire à la SNCF.

Tergnier. Les ateliers SNCF après-guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Tergnier. Les ateliers SNCF après-guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

En septembre 1940, au retour de l’exode, trois militants de Tergnier – Paul Caille, Marcel Gouillard et Anselme Arsa – réorganisent le PCF clandestin en créant un “triangle” de direction. En décembre, Anselme Arsa et Fernand Bouyssou recrutent Roger Debarre – qui n’est pas communiste – afin que celui-ci constitue des groupes de jeunes à Quessy-centre et, plus largement, dans le secteur de Tergnier.

À une date inconnue, Charles Lépine rejoint un de ces groupe de jeunes, placé sous les ordres de Fernand Bouyssou.

Peu avant le 1er mai 1942, le groupe ternois, alors dirigé par Anselme Arsa, décide d’organiser une journée d’action en pavoisant les rues avec des oriflammes accrochés dans les lignes téléphoniques. Fernand Bouyssou et Roger Debarre seront simultanément chargés de diffuser des tracts.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, vers 23 heures, la brigade de gendarmerie de Tergnier est « alertée sur une distribution de tracts ». « Connaissant l’itinéraire habituel », une patrouille surprend Charles Lépine et Jean Toussaint, « porteurs de banderoles rouges ornées de la faucille et du marteau [ainsi que] de pots de peinture rouge. Les gendarmes récupèrent des tracts sur la voie publique et sept banderoles à Quessy et Fargniers. »

Interrogés le matin, Lépine et Toussaint refusent de « dénoncer d’autres coauteurs ».

En accord avec l’adjudant de gendarmerie, le commissaire de police décide alors de perquisitionner au domicile de Toussaint. Il recueille de nouveaux renseignements de la bouche de la concubine de celui-ci. Si bien qu’après un troisième interrogatoire, Toussaint et Lépine passent des aveux.

Roger Debarre, rescapé, relatera une autre version :  au cours de la nuit de son arrestation, de minuit à 6 heures du matin, Charles Lépine est frappé par les gendarmes en présence de Robert Fraisse, commissaire de la police d’État à Tergnier, pour lui faire avouer les noms de ses complices.

Cette nuit-là ou le lendemain, Fernand Bouyssou et Roger Debarre sont également arrêtés et leurs domiciles perquisitionnés. Chez Debarre ne sont trouvés que deux numéros de La Vie Ouvrière interdite datés de septembre 1940..

Ainsi qu’en rend compte le commissaire de la ville, l’effort de propagande n’est pas resté sans effet : « Soirée animations inaccoutumées à Tergnier : vers 18 heures, de nombreuses personnes sont passées devant la mairie […] répondant ainsi à l’initiative de la radio anglaise et de tracts : 800 personnes en une heure de temps. Une délégation d’employés SNCF est reçue en mairie. À 18h30, un rassemblement d’une trentaine d’hommes est dispersé place de la mairie », « les “durs” de la cité de Quessy »

Le 2 mai, Charles Lépine est écroué avec ses camarades à la Maison d’arrêt de Laon (02) et présenté au procureur de la République de la ville. Ils sont rapidement transférés à la Maison d’Arrêt d’Amiens, route d’Albert.

Le 6 mai, la Cour spéciale d’Amiens prononce un jugement condamnant Fernand Bouyssou à trois ans d’emprisonnement et à 1200 francs d’amende, et Charles Lépine, Roger Debarre et Jean Toussaint chacun à un an d’emprisonnement et à 1200 francs d’amende.

Le 21 mai, remis aux autorités d’occupation à leur demande, Charles Lépine – comme probablement ses trois camarades – est transféré au quartier allemand de la prison.

Il est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Enregistré sous le matricule n° 5817, il est assigné pendant un temps au bâtiment C5, chambrée 8.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre le 6 mai et la fin juin 1942, Charles Lépine est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Charles Lépine est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46248 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Charles Lépine est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 4, affecté aux ateliers du camp comme serrurier (Schlosser).On ignore la date de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943 [3]. Il a vingt ans.

À une date restant à préciser, sa mère, Eugénie Lépine, remplit en son nom une demande d’attribution du titre de Déporté Résistant. Celui-ci lui est accordé en 1953.

À Fargniers, le nom de Charles Lépine est inscrit sur le monument aux morts (« A nos morts »), situé devant le cimetière communal.

À Tergnier, son nom est inscrit sur la plaque commémorative des ateliers SNCF « A la mémoire des agents des ateliers tués par faits de guerre » et sur une des grandes plaques « A la mémoire des agents de la région Ternoise tués par faits de guerre 1914-1918 1939-1945 » apposées sur la gare du côté de la cour Pierre Sémard.

JPEG - 200.4 ko
Gare de Tergnier, cour Pierre Sémard. © Mémoire Vive.
JPEG - 188.1 ko
Onzième nom… © Mémoire Vive.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 29-09-1994).

Notes :

[1] Sannois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Fargniers : depuis le 1er janvier 1974, cette commune est intégrée à celle de Tergnier.

[3] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Charles Lépine, c’est le mois de juin 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 360 et 411.
- Gérard Parramon, site Les apprentis du rail…
- Alain Nice, La guerre des partisans, Histoire des Francs-tireurs partisans français, Histoire de la Résistance ouvrière et populaire du département de l’Aisne, édition à compte d’auteur, janvier 2012, pages 18-19, 25, 48. (commande à adresser à Alain NICE – 9 rue de la Tour du Pin – 02250 BOSMONT-SERRE).
- Archives départementales de l’Aisne (AD 02), Laon, dossier Surveillance des communistes (SC11276).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Charles Lépine (21 P 476 314), recherches de Thomas Fontaine (message 01-2014).
- Archives du personnel de la SNCF, Béziers, dossier de retraite, recherches de Th. Fontaine (message 02-2014).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 922-923.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; copie de la page 69 du registre du Block 4.
- Site Mémorial GenWeb, 02-Tergnier, relevés de Didier Mahu et Stéphane Protois (10-2007, 07-2009).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 15-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Read More

Arthur LEPETIT – 45782

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Arthur, Émile, Étienne, Lepetit naît le 2 mars 1907 à Aubusson (Creuse), fils d’Émile Maurice Lepetit, 27 ans, maçon, et de Marie Eugénie Pauly, 33 ans, tisserande, son épouse, domiciliés au village du Mont. Les enfants nés précédemment sont : Maria, née en 1900, Sidonie, née en 1901, Maurice, né en 1903, Cécile, née en 1905, et Charles, né en 1906, toutes et tous au Mont d’Aubusson.

En janvier 1909, le père de famille est domicilié au 27, route de la Révolte à Saint-Denis (Seine / Seine-Saint-Denis) ; a-t-il emmené sa famille avec lui ?

En août 1915, Émile Lepetit est domicilié au 10 rue de la Boulangerie à Saint-Denis. Réserviste, il est mobilisé au 34e régiment d’artillerie le 21 janvier 1916. Le 4 mars, il passe au 10e régiment d’artillerie à pied. Le 1er août 1917, il passe au 68e R.A.P. Le 2 février 1919, il est envoyé en congé de démobilisation, et se retire à Aubusson. Mais, dès le mois de mai suivant, il déclare être revenu à sa dernière adresse de Saint-Denis.

Le 8 avril 1924, le frère d’Arthur, Maurice Auguste, 21 ans, cimentier, se marie à Paris 5e.

Arthur Lepetit est marié avec Marthe Thérèse Testart, née le 21 août 1910 à Chouy (Aisne). Ils ont deux fils : Serge, Arthur, né le 16 octobre 1927 à Paris 14e, et Roland André, né le 27 avril 1932 à Colombes.

Le 17 mars 1928, son frère Charles Paul, 22 ans, cimentier, se marie à Paris 13e. À cette occasion, « la mère du futur épouse et le futur époux attestent sous serment que le domicile du père leur est inconnu et que ce dernier n’a pas donné de ses nouvelles depuis plus d’un an. »

Arthur Lepetit est maçon (cimentier) à l’entreprise Chaize d’Asnières

[1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), puis (?) à la Ville de Paris.

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 110, rue Jules-Ferry à Colombes [1] (92).

Arthur Lepetit est un militant communiste “de base” dans le secteur du Petit Colombes, écrit sa veuve qui précise ses activités : « service d’ordre, garde à la maison de L’Huma », diffuseur CDH (Comité de défense de L’Humanité), et membre du syndicat des Locataires (quel secteur ?).

Le 29 août 1939, Arthur Lepetit est rappelé à l’activité militaire dans un régiment de pionniers. N’étant pas fait prisonnier au cours de la débâcle, il peut revenir chez lui.

Sous l’Occupation, il reprend une activité politique, cache des machines chez un paysan, tire et diffuse des tracts, colle des affiches.

Dans la soirée du 8 février 1941, trois gendarmes de la brigade de Colombes exerçant une surveillance près du long viaduc ferroviaire de la ligne de Paris-Saint-Lazare à Ermont-Eaubonne, qui longe en surplomb l’avenue Ménelotte, remarquent trois hommes  arrivés de la rue du progrès pour s’arrêter près d’un pilier de ce viaduc. Ayant aperçu les gendarmes, ceux-ci s’esquivent vers l’avenue Gambetta. Puis ils sont repérés de nouveau en revenant au viaduc à partir de la rue Saint-Hilaire. Quand les gendarmes s’apprêtent à les interpeller, deux d’entre eux s’enfuient. Le troisième est appréhendé : Émile V., maçon de 35 ans, qui est escorté à la brigade pour vérification d’identité et d’adresse. « Fouillé, il a été trouvé en possession de deux oriflammes de couleur rouge portant au milieu, en jaune, une faucille et un marteau. Ramené aussitôt près du pilier du viaduc où il avait été vu la première fois, nous avons constaté qu’un tract venait d’y être apposé, et cet individu a reconnu que c’était lui-même qui l’avait collé, aidé de ses deux camarades. À proximité, nous avons retrouvé un pot de colle ainsi que des tracts épars sur la chaussée. Sur notre invitation, il nous a conduit aux endroits où d’autres tracts venaient d’être apposés, notamment rue du Progrès, avenue d’Argenteuil, boulevard Marceau, avenue Ménelotte, etc. » Plus de trente affichettes n’ayant pu être décollées sont lacérées par les gendarmes. Ces tracts et “placards” portent plus de dix textes différents, un des imprimés caricaturant Pétain défilant devant une “Galerie des ancêtres” avec un petit cheval de bois. Interrogé à la brigade, le militant déclare : « [Delauffre] s’est présenté chez moi et m’a demandé de l’accompagner pour coller des affiches du parti communiste. Le même jour, vers 21 heures, en compagnie de Delauffre et d’un autre individu que je ne connais pas, nous nous sommes retrouvés boulevard Marceau à Colombes et nous avons commencé le collage des affiches. Delauffre portait les affiches, l’inconnu le pinceau, et moi le pot de colle. »

Donnant immédiatement suite à cette déclaration, les gendarmes se rendent, dans la nuit, à 3 heures 30, au domicile de Modeste Delauffre, caoutchoutier de 36 ans, ex-militant de la cellule des Champarons à Colombes, et commencent par l’interroger. Celui-ci nie toute participation au collage nocturne, son alibi étant la présence chez lui de Louis Cocu, venu jouer aux cartes dans la soirée avec lui est son épouse. Confrontés (dans les locaux de la brigade ?), Émile V. et Delauffre maintiennent leurs versions respectives des faits. Les gendarmes mettent Modeste Delauffre en état d’arrestation afin de le conduire au procureur de la République, cependant, ils remettent leur suspect au commissaire de police de la circonscription de Colombes. Une perquisition opérée par les policiers au domicile de celui-ci amènera la découverte de matériel d’imprimerie, de tampons humide et de papier pour tracts.

Également conduit au commissariat, Émile V. y est de nouveau interrogé, avec une grande brutalité, par cinq policiers, dont deux inspecteurs de la brigade spéciale anticommuniste des Renseignements généraux qui se sont déplacés spécialement.

Ce 9 février, Adolphe Guyot, plombier de 31 ans, militant connu et déjà arrêté deux fois, est également appréhendé, puis longuement et brutalement interrogé au commissariat de Colombes. Par la suite, pour procéder aux divers interrogatoires et confrontations, plusieurs personnes sont détenues au commissariat pendant quelques jours ; en plus des menaces et des coups, la privation de nourriture fait partie des techniques utilisées pour briser les volontés. Alors que d’autres inculpés « passent aux aveux » et donnent le schéma de leur organisation, Adolphe Guyot, qui semble être leur responsable, persiste à nier, même lors des confrontations. Parmi les suspects arrêtés, Marc Maximilien Valette, manœuvre de 32 ans, sera libéré en juin, mais décèdera chez lui le 5 septembre suivant : il serait mort fou à la suite des coups reçus… Marcel Conrad, tôlier de 21 ans, qui refuse de parler, est relaxé au bout de deux jours de garde à vue, mais il a deux incisives brisées et subira une opération du tympan, avec une incapacité de travail de trois mois.

Le 10 février, à 11 heures du soir, Arthur Lepetit est arrêté chez lui par le commissaire de police de Colombes et deux inspecteurs, son nom ayant été donné par un de ses camarades précédemment arrêté. Amené au commissariat, visiblement frappé au visage, comme plusieurs autres détenus dans cette affaire, il finit par admettre la « distribution de tracts dans les boîtes aux lettres ». Le 13 février, il est conduit au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité).

Au total, 22 personnes sont appréhendées dans cette opération policière étendue aux communes voisines de Courbevoie et Bois-Colombes. Cinq d’entre elles sont laissées en liberté provisoire. Les autres – dont également Gabriel Royer et Raoul Bertrand, futurs “45000” – inculpées d’infraction au décret du 26 septembre 1939, sont conduites au Dépôt, à la disposition du procureur de la République.

En attendant leur procès, les hommes sont écroués en détention préventive à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), les femmes à la prison de la Petite Roquette (Paris 11e).

JPEG - 126.7 ko
Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 4 juin, la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine condamne Arthur Lepetit à un an de prison, 100 francs d’amende et cinq ans d’interdiction de droits civiques et politiques. Le 17 juin, Arthur Lepetit est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne – 94) ; n° d’écrou “ correction homme” 8668.

Le 4 juin, les inculpés comparaissent devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine. Celle-ci condamne Arthur Lepetit à un an de prison, 100 francs d’amende et cinq ans d’interdiction de droits civiques et politiques. Le 17 juin, il est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne), où il commence à purger sa peine dans le secteur “correction hommes” (n° d’écrou 8668).

Le 21 août 1941, Pierre Georges (futur colonel Fabien), jeune dirigeant de l’Organisation spéciale, tue l’aspirant de la Kriegsmarine Moser sur le quai de la station Barbès-Rochechouart du métro parisien, première action armée de la résistance communiste. En représailles, Hitler exige l’exécution par la France de six otages avant la fin de la semaine suivante. Pierre Pucheu, ministre de l’Intérieur, et Joseph Barthélemy, ministre de la Justice, mettent en urgence la dernière main au projet d’une nouvelle juridiction d’exception réprimant « l’activité communiste et anarchiste » : les Sections spéciales siégeant auprès des Cours d’appel, pouvant prononcer des peines de mort avec procédure juridique accélérée et application rétroactive, sans recours ni pourvoi. La loi est promulguée par Vichy le 22 août 1941, mais antidatée au 14 août afin d’établir un lien avec la manifestation communiste parisienne de la veille.

Après examen de nombreux dossiers de militants communistes emprisonnés par les autorités françaises et déjà condamnés, les juges retiennent six noms pouvant donner lieu à des condamnations à mort : Émile Bastard, André Bréchet, Adolphe Guyot, Lucien Sampaix, Abraham Trzebrucki et Jacques Woog. Le 27 août, quatre militants sont jugés en quelques minutes. Trois d’entre eux, Bastard, Bréchet et Trzebrucki, sont condamnés à mort, et seront guillotinés dans la cour de la prison de la Santé le lendemain. Mais, craignant que l’exécution de Lucien Sampaix, ex-secrétaire général et journaliste de L’Humanité – d’une toute autre notoriété – ne leur attire un jour de sérieux ennuis, la majorité des juges le condamne seulement aux travaux forcés à perpétuité. Un verdict “mitigé” qui ne satisfait guère les autorités d’occupation…

Le 7 septembre 1941, sous la signature de Pétain, chef de l’État français, le gouvernement de Vichy promulgue un décret instituant, « à titre temporaire », un tribunal d’État et dont l’article 2 stipule : « Le Conseil des ministres peut déférer au tribunal d’État les auteurs, coauteurs ou complices de tous actes, menées ou activités qui, quels qu’en soit la qualification, l’intention ou l’objet, ont été de nature à troubler l’ordre la pais intérieure, la tranquillité publique, les relations internationales ou, d’une manière générale, à nuire au peuple français. » Le procureur de la Seine commente alors : « On peut se demander si le législateur ne s’est pas engagé […] dans la voie d’un droit pénal moins formaliste et plus dynamique comme celui de législations voisines plus modernes », pointant ainsi l’influence à peine dissimulée de la philosophie nazie du droit, car le « peuple » n’est pas une notion juridique en France, à la différence du Volk allemand.

Ainsi, les condamnés de l’affaire de Colombes sont ramenés à la Santé afin de comparaitre devant la section de Paris – en charge de la zone occupée – du tribunal d’État.

Les 19 et 20 septembre, celui-ci confirme la peine de prison d’Arthur Lepetit. Mais elle condamne à mort Adolphe Guyot – considéré par l’accusation comme chef de l’organisation clandestine à Colombes – ainsi que Jacques Woog, tous deux déjà pressentis pour être jugés par la Section spéciale. Ils sont guillotinés à La Santé le 24 septembre.

Le 9 octobre, Arthur Lepetit est transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.  Carte postale. Collection Mémoire Vive

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive

À l’expiration de sa peine, le 24 novembre 1941, il n’est pas libéré, mais reste interné au sein de la Maison centrale.

Le 13 février 1942, il est dans un groupe de vingt-quatre « militants communistes » de Poissy – composé pour moitié de futurs “45000” – transférés au Dépôt. Il est détenu dans la grande salle.

Le 21 février, Arthur Lepetit fait l’objet d’un rapport du préfet de police adressé au ministère de l’Intérieur et préconisant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939, relatif aux « individus dangereux pour la Défense nationale et la sécurité publique ». Un paragraphe précise : « D’autre part, en exécution de la note allemande du 19 septembre 1941 du général Schaumburg, commandant des forces militaires en France, Lepetit ne peut être remis en liberté qu’avec l’assentiment des autorités d’occupation. » Un mois plus tard, le 26 mars, le préfet de police signe l’arrêté officialisant cet internement.

Le 29 mars, Arthur Lepetit sollicite un certificat de présence au dépôt afin que son épouse puisse bénéficier de l’allocation prévue par le décret du 27 février 1940 (à préciser…).

Le 16 avril, il fait partie d’un groupe de détenus enregistrés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il reçoit le matricule n° 85.

JPEG - 135.7 ko
Musée de la Résistance Nationale, Champigny.
Fonds de l’Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant.
Droits réservés.

Le 10 mai 1942, Arthur Lepetit fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Arthur Lepetit est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), sous le numéro 45782 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Arthur Lepetit.

Il meurt à Auschwitz le 10 mai 1943, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique « tuberculose » pour cause crédible de sa mort ; en effet, il est passé par l’unité de radiologie du camp.

Le 11 janvier 1945, son épouse est entendue au cours de la procédure d’épuration de la police visant le commissaire de Colombes, Louis Guillaume (n° 294139, pages 10.33). Le 6 novembre suivant, elle est entendue dans la procédure, puis dans la commission rogatoire du 12 juillet 1946, visant Raymond Touze, inspecteur à la police judiciaire (n° 354398).

Le 25 mars 1947, son acte de décès est transcrit sur les registres d’état civil de la mairie de Colombes avec la mention “Mort pour la France”.

Arthur Lepetit est homologué au grade fictif de sergent dans la Résistance Intérieure Française – RIF (9-10-1949, notification 2176) et homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 29-09-1994).

Notes :

[1] Colombes et Asnières : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Modeste Delauffre est condamné le 20 septembre 1941 aux travaux forcés par la section de Paris du tribunal d’État. Il est successivement écroué à Fresnes, à Caen, à Fontainebleau, à Blois, puis remis aux allemands et transféré à Compiègne, enfin déporté en février 1944. Il est rapatrié en 1945.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 403.
- Cl. Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : Lettre de Robert Guérineau, ancien résistant qui a effectué des recherches dans les registres d’état civil de la mairie de Colombes – État civil de la mairie de Colombes – Questionnaire rempli par sa veuve, accompagné d’attestations (22/2/1991).
- Virginie Sansico, La justice déshonorée 1940-1944, Tallandier, mars 2015, pages 193-217.
- Archives Départementales du Val-de-Marne (AD 94), Créteil : établissement pénitentiaire de Fresnes, registre d’écrou n° 151, “correction hommes” du 20 avril au 7 juillet 1941 (2742w18).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : occupation allemande, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 622-18211) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1739-100747).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 711 (19625/1943).
- Claudine Lepetit-Laloux, petite-fille d’Arthur Lepetit, fille de Serge : complément d’information biographique (message 06-2021).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 15-06-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Marcel LENGLET – 45780

JPEG - 35.7 ko
Droits réservés.

Marcel, Henri, Eugène, Lenglet naît le 6 août 1907 à Airaines (Somme – 80), fils de Henri Lenglet, chauffeur (de chaudière ?) et d’Eugènie, son épouse. Lors du recensement de 1911, la famille habite au lieu-dit L’Abbaye, rue des Prés-Notre-Dame ; le père est ouvrier d’usine chez Dargicourt et la mère est brodeuse chez Deneux, entreprise textile locale.

De la classe 1899, ayant effectué son service militaire du 16 novembre 1901 au 19 septembre 1903, le père est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale et rejoint l’armée du Nord et du Nord-Est à Abbeville au sein du 46e régiment d’infanterie le 4 août 1914. Le 16 novembre 1915, il passe au 128e R.I. Le 29 janvier 1916, au Bois de la Folie, il est fait prisonnier de guerre, puis interné à Munster. Il est rapatrié en France le 21 décembre 1918. Après une permission de 30 jours, il rejoint le 128e R.I. Le 24 février 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation.

En mars 1923, la famille habite à Saint-Quentin (Aisne), au 10 rue Lecat.

Marcel Lenglet devient ouvrier tourneur, puis employé.

Fin 1925, ils habitent au n°7 cité de Mulhouse à Saint-Quentin.

Au moment de son arrestation, Marcel Lenglet est domicilié au 23, rue Paradis.

Il se marie une première fois en 1926.

En 1927, il milite activement au Parti communiste.

L’année suivante, il est secrétaire CGTU des Métaux de la ville. Pour exercer son activité militante, il prend le pseudonyme de Jean Roberty.

En 1932, il dirige la cellule communiste de la coopérative La Fraternelle et siège au bureau du rayon de Saint-Quentin.

Le 11 février 1934, lors de la réunion antifasciste de Soissons, Lenglet-Roberty lance un appel à l’union.

Il est élu secrétaire de l’Union départementale CGT au congrès des 15-16 avril 1939, A. Renard étantsecrétaire général. Il est bien connu « dans la cité » pour son engagement.

Dans ce cadre syndical, Marcel Lenglet fait l’objet de plusieurs procédures pénales pour manifestation et « entrave à la liberté du travail » (participation à des mouvements de grève).

Fréquemment orateur dans des meetings, il écrit des articles pour « la feuille départementale » du PCF,L’exploité de l’Aisne.

Il se marie une deuxième fois en 1940, avec Renée Watbled. Ils ont un fils, Claude, né le 7 avril 1938.

Du 6 janvier 1941 jusqu’à son arrestation, Marcel Lenglet travaille comme tourneur aux établissements Lamory, au 1, rue Ledru-Rollin à Saint-Quentin (fonderie et construction mécanique, fin d’exploitation en décembre 1992). Donnant toute satisfaction à son employeur, il l’assure qu’il se tient « à l’écart de tout clan politique ».

Le 8 mai 1941, le commissaire central de police de Saint-Quentin écrit au préfet de l’Aisne qu’il fait surveiller attentivement les agissements de Marcel Lenglet, qui a groupé autour de lui un petit noyau d’extrémistes composé de six autres employés de son entreprise. Lenglet et deux d’entre eux déjeunent au Café de la Paix, 163 rue de La Fère, sans s’isoler des autres clients. Selon le policier, l’affirmation d’absence d’activité politique « doit être acceptée sous la plus grande réserve, ce qui revient à dire que, si le sus-nommé ne se livre actuellement à aucune propagande apparente, il est capable, compte tenu de sa subtilité bien connue, à se livrer, dans cet ordre d’idée, à une besogne souterraine. Cependant, aucun fait probant n’est venu étayer cette hypothèse.

[…] Inutile de dire que mes services spéciaux sont toujours en alerte… »

Le 20 septembre 1941, le commissaire principal des Renseignements généraux de Laon transmet au préfet une liste des communistes notoires des plusieurs localités du secteur « qui semblent continuer leurs agissements anti-nationaux ». Avec Louis Galant, Marcel Lenglet est parmi les sept hommes désignés pour Saint-Quentin.

Il est possible qu’il soit interpellé par la police française, puis relâché, reprenant son travail…

Le 17 octobre, Marcel Lenglet est arrêté sur son lieu de travail comme otage communiste par des policiers allemands (?), sur ordre de la Feldkommandantur 602 de Laon ; un voisin le voit passer rue d’Isle, menotté. D’abord conduit au quartier allemand de la Maison d’arrêt de Saint-Quentin, Marcel Lenglet est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par laWehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le 20 février 1942, il est probablement dans le même bâtiment que Léon Durville, de Soissons, quand celui-ci comprend que sa sortie du camp que viennent de lui annoncer des soldats allemands signifie son exécution le lendemain.

Le 9 avril 1942, le nom de Marcel Lenglet figure avec celui de Louis Galant dans un courrier de laFeldkommandantur de Laon au sujet de l’établissement des listes d’otages « conformément à l’arrêté du 12 février 1942 » (Bezirkschef A V.II b – V. 138/42 g.).

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Lenglet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Léon Moniot, cafetier, et Ambroise C., marchand forain, arrêtés le même jour à Saint-Quentin, sont libérés ; le premier au mois de mai, le second le 4 septembre 1942 (celui-ci sera exécuté par la Résistance pour trahison le 22 mars 1944).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Lenglet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45780 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

JPEG - 174.4 ko
Portail du sous-camp de Birkenau, secteur B-Ia, semblable
à celui du secteur B-Ib par lequel sont passés tous les “45000”.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Lenglet est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Le 1er novembre 1942 – dans la chambre (Stube) n°3 du Revier de Birkenau (Block n° 8 – en brique – du secteur BIb) où se trouvent également Marcel Colin, Germa, Faugeron, Nonnet, Nouvian, Paupy, Roux, Sansoulet et Vinsous – Marcel Lenglet reçoit six gouttes d’un bactéricide, l’Anisine, et deux comprimés d’aspirine. Dans ce dispensaire, le SS-Rottenführer Franz Schulz exécute certains détenus avec une injection mortelle dans le cœur… Le 10 novembre, au Block n° 7, Marcel Lenglet reçoit encore un comprimé d’aspirine, puis un autre quatre jours plus tard.

On ignore la date exacte de la mort de Marcel Lenglet à Birkenau ; probablement avant la mi-mars 1943 [1].

Le 5 mai 1953, sa veuve, remariée sous le nom de Galiègue, remplit en qualité de tutrice de leur enfant mineur un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté Résistant au nom de Marcel Lenglet. Comme elle n’y joint aucun certificat attestant des activités clandestines de son ex-mari, sa requête est déboutée par la Commission départementale le 1er juillet 1954. Le 25 octobre suivant, le ministère des Anciens combattants et victimes de la guerre établit la carte n° 1102.12935 de déporté politique.

Le nom de Marcel Lenglet est inscrit sur le monument aux morts de Saint-Quentin, près de la gare, mur de granit de 31 m de long sur 18 m de haut, dans la liste 1939-1945 (« Lenglet M. »).

Notes :

[1] Date de décès inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Marcel Lenglet, c’est le 15 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éd. Ouvrières, 1990-1997 version CD-rom : citant : Arch. Nat. F7/12970 et F7/13130, Laon, 26 juillet 1932 – Arch. dép. Aisne, 2 M 1 175 – L’Exploité, 1930 – État civil d’Airaines.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 360 et 411.
- Alain Nice, La guerre des partisans, Histoire des Francs-tireurs partisans français, Histoire de la Résistance ouvrière et populaire du département de l’Aisne, édition à compte d’auteur, janvier 2012, pages 34-36, 39-42 (commande à adresser à Alain NICE – 9 rue de la Tour du Pin – 02250 BOSMONT-SERRE).
- Archives départementales de la Somme (AD 80), site internet du conseil général, archives en ligne : recensement de la population d’Airaines, année 1911 (6M13/2), page 50 (vue 26/33).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris, doc. XLIV-15 et XLIV-2.
- Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; copies des pages 4, 7, 10, 16 et 21 d’un registre de délivrance de médicaments aux détenus du Revier de Birkenau.
- Irena Strzelecka, Les hôpitaux dans le camp de concentration d’Auschwitz, in Auschwitz 1940-1945, tome 2, Les détenus – La vie et le travail, chap. 9, p. 364-365, éditions du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, 2011.
- Site Mémorial GenWeb, Saint-Quentin-02, relevé de Bernard Roucoulet (2000-2002).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Marcel Lenglet, recherches de Ginette Petiot (message 02-2014).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 23-09-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Charles LEMAY – 45777

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Charles Lemay naît le 1er février 1898 à Trith-Saint-Léger (Nord – 59), chez ses parents, Célestin Lemay, 41 ans, garçon brasseur, et Marie, Védastine

[?] Lecerf, 27 ans, son épouse, domiciliés rue du Pin Chinois. Un des deux témoins pour l’inscription du nouveau-né à l’état civil est un autre garçon brasseur.

Son père, Célestin Lemay, décède 6 janvier 1912 chez lui au 102, rue Charles-Fourier, coron Fontaine à Denain (59).

Charles Lemay commence à travailler comme mouleur en fonte à Denain (59), habitant au 122, rue Thiers.

Il est de la classe 1918 pour accomplir son service militaire. Mais, lors du conseil de révision, l’armée classe Charles Lemay « réformé temporaire 2 » (RT2) pour « bronchite suspecte et débilité [faiblesse] générale », malgré sa grande taille (1 m 75). En mai 1922, la commission de réforme de Caen (Calvados – 14) le maintien dans la réforme temporaire pour « bronchite des sommets, état général passable ». Cependant, l’année suivante, la même commission le classe « bon pour le service armé », constatant : « Cœur et poumons normaux. Bonne constitution ».

À l’automne 1923, il est domicilié au 10, rue Froide à Caen et travaille comme « ouvrier d’industrie » (sa mère est également décédée).

Le 10 novembre de cette même année, à Sannerville, 10 km à l’est de Caen (14), Charles Lemay épouse Marie Antoinette Andrée Bosquet, née le 17 juillet 1898 dans cette ville.

En janvier 1924, Charles Lemay est domicilié au 14, promenade du Port (ou du Fort), à Caen. En octobre 1925, il demeure au 132, rue d’Auge, dans la même ville.

Le 24 décembre de cette année, son fils Serge Julien Désiré naît à Sannerville, peut-être lors d’une fête de Noël chez ses beaux-parents.

Au recensement de 1926, la famille habite toujours rue d’Auge. Charles Lemay est mouleur dans les « chantiers navals ».

En juin 1928, il déclare loger chez M. Joyeux Lorose [?], à Sannerville.

Le 22 février 1931, son deuxième fils, Claude Désiré, naît à Hérouvillette au hameau de Sainte-Honorine (14), où la famille habite alors. Charles Lemay est ouvrier d’usine à la Société métallurgique de Normandie (SMN).

Fin avril 1933 et jusqu’au moment de son arrestation, Charles Lemay est domicilié au 45, rue de Geôle à Caen.

En septembre 1935, l’armée le classe dans l’affectation spéciale comme mouleur aux hauts fourneaux de la Société métallurgique de Normandie (SMN) à Mondeville (son poste de travail…).

Mondeville. Hauts fourneaux et station centrale de la Société Métallurgique de Normandie. Carte postale sans date. Collection Mémoire Vive.

Mondeville. Hauts fourneaux et station centrale de la Société Métallurgique de Normandie.
Carte postale sans date. Collection Mémoire Vive.

SMN. Aciérie Thomas, les quatre convertisseurs de 30 tonnes. Carte postale, in De Caen à Auschwitz, Cahiers du temps.

SMN. Aciérie Thomas, les quatre convertisseurs de 30 tonnes.
Carte postale, in De Caen à Auschwitz, Cahiers du temps.

En 1936, Charles Lemay héberge sa belle-sœur Armandine Patry, née en 1892 à Sannerville et son fils Jack, né à Caen en 1934.

Le 21 octobre 1941, Charles Lemay est arrêté pour propagande communiste, comme Eugène Baudoin de Mondeville, Jean Bourget et Roger Goguet, de Dives-sur-Mer. Peu de temps après, il est envoyé au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Le 24 octobre, Charles Lemay est inscrit sur une liste d’otages détenus en différents endroits établie par la Feldkommandantur 723 de Caen.

Le 20 janvier 1942, il figure (n° 10) sur une liste de onze otages communistes du Calvados internés à Compiègne pour lesquels la Feldkommandantur de Caen demande à son échelon supérieur une « vérification » avant de les proposer pour l’exécution.

JPEG - 197 ko
Cinq futurs “45000” figurent sur cette liste d’hommes pouvant être fusillés ; le tampon « Geheim » signifiant « Secret »).

Entre fin avril et fin juin 1942, Charles Lemay est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Charles Lemay est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45777 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – selon un témoignage -, Charles Lemay est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Il meurt à Auschwitz-I le 17 août 1942, d’après deux registres tenus par l’administration SS du camp [1].

Marie Antoinette, sa veuve, décède le 22 mai 1978 à Caen.

Charles Lemay est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 17-08-1994).

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant Charles Lemay, c’est le mois de décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice de Claudine Cardon-Hamet page 124.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 361 et 411.
- Archives départementales du Nord (AD 59), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Trith-Saint-Léger 1885-1900, année 1898, acte 9 (vue 408/485) ; registre de recensement de Trith-Saint-Léger (M747/601), année 1906, page 14 (vue 16) ; registre du recrutement militaire, bureau de recrutement de Valenciennes, classe 1918, vol. 5, matricule 2214 (vue 392/894).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), XL III-85 et XL III-79.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 709 (21419/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-09-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Gabriel LEMAIRE – 45778

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Gabriel, Albert, Lemaire naît le 29 août 1902 à Amfreville-la-Mivoie ou Amfreville-la-Mi-Voie (Seine-Inférieure / Seine-Maritime 

[1] – 76), au sud de Rouen, en face de Sotteville sur la rive droite de la Seine, chez ses parents, Alexandre Lemaire, 55 ans, journalier, et Émilie Héron, 38 ans, journalière, son épouse, domiciliés « section de la Mivoie ». Gabriel a – au moins – six frères et sœurs plus âgés, tous nés à Amfreville : Désiré Augustin, né le 15 octobre 1885, Alice, née le 16 août 1889, René, né le 14 juillet 1893, Olympe Florentine, née le 8 août 1896, Ernest, né le 24 juillet 1899, et Lucie, née le 24 mars 1901.

Amfreville-la-Mivoie après guerre, en bord de Seine. À l’horizon : Rouen. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Amfreville-la-Mivoie après guerre, en bord de Seine (vue partielle). À l’horizon : Rouen.
Carte postale, coll. Mémoire Vive.

À une date restant à préciser, Gabriel Lemaire se marie avec Lucienne Bénard, née le 21 novembre 1903 à Saint-Étienne-de-Rouvray (76). Ils n’auront pas d’enfant.

Il est domicilié au 11, rue du Passage à Amfreville-la-Mivoie.

En mai 1926, Gabriel Lemaire entre aux Chemins de fer de l’État, comme manœuvre à l’essai, à Saint-Pierre-de-Vouvray (76).

En janvier 1937, il devient ouvrier serrurier aux ateliers Buddicom de Sotteville-lès-Rouen (76) ; n° d’agent SNCF : 42952.

Adhérent de la CGT, et militant du Parti communiste, il est secrétaire de la cellule d’Amfreville. En mars 1938, à l’occasion d’une élection complémentaire, il est élu conseiller municipal sur la liste du PCF.

Amfreville-la-Mivoie, la mairie. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Amfreville-la-Mivoie, la mairie. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Après la déclaration de guerre, Gabriel Lemaire est mobilisé comme affecté spécial sur son poste de travail, aux ateliers de Sotteville. Il est en relation avec un autre conseiller municipal communiste, Raymond Dubui, qui est mobilisé à la cartoucherie de Rugles (Eure).

Le 24 septembre 1939, le service de la Sûreté du ministère de l’intérieur envoie à tous les préfets de France un télégramme officiel leur enjoignant : « si, parmi suspects ou affiliés Partis extrémistes, figurent fonctionnaires ou agents service public mobilisables et maintenus à leur poste, m’en envoyer urgence liste nominative établie par département ministériels ». Le lendemain, le cabinet du préfet de Seine-Inférieure transmet ce télégramme au commissaire spécial de police de Rouen avec prière de lui fournir d’urgence la liste nominative réclamée. Le 6 octobre, Gabriel Lemaire figure en 14e place sur les 25 personnes d’une « liste des principaux militants communistes de l’arrondissement de Rouen (catégorie fonctionnaires) », puis, le lendemain, en 26e place sur la liste actualisée de 29 sympathisants ou militants transmise au préfet. Entre temps, sollicité, le maire d’Amfreville a envoyé au commissaire spécial une liste non-alphabétique des principaux militants du PC de sa commune, sur laquelle Gabriel Lemaire est inscrit en deuxième position.

Le 18 février 1940, le commissaire spécial de police informe le préfet que le conseil municipal d’Amfreville-la-Mivoie refuse de tenir séance tant que ne sera pas prononcée l’exclusion des conseillers communistes, Lemaire et Dubui. Le 22 février, le conseil de préfecture interdépartemental constate, à la requête du préfet et en exécution de la loi du 20 janvier 1940, la déchéance du mandat de conseiller municipal de Gabriel Lemaire. Deux jours plus tard, celui-ci en reçoit notification.

De mai à juillet, il est rayé de l’affectation spéciale et rejoint une formation militaire.

Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, pour Amfreville, Gabriel Lemaire…

Dans la nuit du 21 au 22 octobre, celui-ci est arrêté chez lui par des gendarmes français de la brigade de Rouen-Saint-Sever, sur ordre du préfet de Seine-Inférieure ; préalablement, le commandant de gendarmerie a requis le garde-champêtre de la commune afin qu’il les conduise jusqu’à son domicile, ainsi que chez d’autres ex-militants communistes ou JC d’Amfreville figurant sur sa liste : Jean Binard (qui sera déporté avec lui), Fernande Creignoux, Jean Crevon, Lucien Mallet et Jean Poulain. Tous sont conduits au commissariat de police du 6e arrondissement de Rouen, où ils sont pris en charge par des inspecteurs du commissariat central. Puis des Feldgendarmes viennent les chercher (pour les mener à la caserne Hatry ?) [2]. Trois jours plus tard, le 25 octobre, avec d’autres militants arrêtés dans le département, ils sont transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), sauf Fernande Creignoux, conduite en tant que femme au camp allemand du Fort de Romainville, sur la commune des Lilas (Seine / Hauts-de-Seine). Gabriel Lemaire est enregistré à Compiègne-Royallieu sous le matricule n° 1915. Pendant un temps, il est assigné au bâtiment A4, chambre n° 11. Lucien Mallet restera interné trois mois et Jean Crevon treize mois, avant d’être libérés.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Gabriel Lemaire est inscrit en vingtième place sur la liste d’otages dressée après l’attentat contre la librairie “Le Front” à Rouen, fréquentée par les militaires allemands [3].

Le SD [3] indique « Au PC de 1936 à 1940 », et précise « a été détenu 6 semaines pour activités communistes pendant la guerre actuelle ». Le 8 décembre 1941, il figure sur une liste de 28 communistes à « transférer vers l’Est », établie par la Felkommandantur 517 de Rouen. Le 7 mai 1942, le département administratif allemand de la Justice (V ju) propose sa libération.

Pourtant, entre avril et fin juin 1942, Gabriel Lemaire est définitivement sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942, à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gabriel Lemaire est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45778. Sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Gabriel Lemaire se déclare comme cheminot (Eisenbahner). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Gabriel Lemaire est dans la moitié des membres du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Le 5 novembre 1942, dans la chambre (Stube) n°5 du Revier de Birkenau (Block n° 8 – en brique – du secteur BIb), où se trouvent également Flageollet et Couteau, Gabriel Lemaire reçoit 40 gouttes de Cardiasol. Dans ce dispensaire, le SS-Rottenführer Franz Schulz exécute certains détenus avec une injection mortelle dans le cœur…

Gabriel Lemaire meurt – à Birkenau – le 22 janvier 1943, d’après l’acte de décès du camp, qui indique pour cause de sa mort « entérite (diarrhée) par faiblesse corporelle » (Darmkatarrh bei Körperschwäche) ; plus simplement la dysenterie ?À une date restant à préciser, le Conseil municipal d’Amfréville-la-Mivoie donne son nom à une rue de la commune. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 16-07-1994).

Son nom est inscrit sur le monument aux morts SNCF des ateliers de Buddicom à Sotteville et sur le monument dans le hall en gare de Rouen-Rive-Droite.

Notes :

 [1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[2] Contre la librairie allemande de Rouen… Selon Albert Ouzoulias : « Le 28 novembre (1941), Lefebvre (Marc), un jeune cheminot breton qui travaille à Sotteville, lance une bombe dans la vitrine de la librairie allemande de Rouen, rue Jeanne-d’Arc ; l’engin a été confectionné avec un bout de tube de chaudière de locomotive du dépôt de Sotteville. » in Les Bataillons de la Jeunesse, 1967, p. 200. … ce qui explique la désignation comme otages de militants arrêtés dans ce secteur (la date du 26 novembre est aussi donnée).

[3] SD : SichereitsDienst, service de renseignement de la SS, travaillant avec la Gestapo (police de sécurité).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 60, 374 et 411.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et les “31000” de Seine-Maritime, Rouen 2000, citant : Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris ; documents allemands (SD), feuillet 57 – Liste établie par Louis Eudier (45523), du Havre, 1973 – Claude-Paul Couture, chercheur, dossier « En Seine-Maritime, de 1939 à 1945 », CRDP de Rouen, 1986, p. 33 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département : cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels « Le » (51 W 418), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”).
- Archives nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine : Archives restituées par la Russie, commissariat spécial de Rouen 1920-1940 (20010223/2, doc. 96-98, 96-112).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet : archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), doc. XLIII-26 et XLVa-32.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 709 (3385/1943).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; copie de l’acte de décès du camp.
- Pôle des archives des victimes des conflits contemporains (PAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de LEMAIRE Gabriel (21 P 475.656), recherches de Ginette Petiot (message 11-2018).
- Base de données des archives historiques SNCF : service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Site du Groupe Archives Quatre-Mares (GAQM).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 911-912.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Pierre LELOGEAIS – 45775

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

(Polycarpe, Louis) Pierre Lelogeais naît le 22 mai 1911 à Cabourg (Calvados – 14), chez ses parents, Pierre Athanase Marie Lelogeais, 26 ans, alors chaudronnier à la Société générale d’électrométallurgie, fonderie de cuivre et autres alliages, dont l’usine est installée sur la commune voisine de Dives-sur-Mer, et Julie Victoria Pierre, 21 ans, modiste. Polycarpe (du premier prénom de son grand-père paternel) Pierre a déjà un frère, Julien, né le 14 novembre 1909 à Paris 6e, alors que son père était employé.

La ville balnéaire de Cabourg (à gauche), séparée de l’usine métallurgique (en haut à droite) par la Dive. Carte postale des années 1950. Collection Mémoire Vive.

La ville balnéaire de Cabourg (à gauche), séparée de l’usine d’électrométallurgique (en haut à droite) par la Dives.
Carte postale des années 1950. Collection Mémoire Vive.

Début décembre 1911, Pierre Athanase est revenu à Paris avec la famille, au 30 rue de la Folie-Régnault dans le 11e arrondissement. En avril 1912, ils sont au 3 rue de Thorigny (Paris 4e).Le 30 décembre 1912, Victorien Edmond Marceau naît au Pré-Saint-Gervais (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), chez ses parents, domiciliés au 156 avenue des Lilas. Fin juillet 1913, ils sont au 222 rue de Noisy-le-Sec à Bagnolet (93).

Le 3 août 1914, le père de famille est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale et rejoint le 11e régiment d’artillerie. Il passe ensuite par différents régiments d’artillerie. Le 9 décembre 1915, il est “détaché du corps” à l’usine Albert Butin, une fabrique de lampes de mine au 16 rue Compans à Paris 19e. Le 28 août 1918, il passe à la 24e section de commis et ouvriers militaires d’administration (C.O.A.) et est muté aux Automobiles de Place à Levallois-Perret (Seine / Hauts-de-Seine). Le 12 mars 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire au 141, boulevard de la Boissière à Montreuil-sous-Bois (93), y retrouvant sa famille. Il travaille toujours comme chaudronnier.

Bien qu’habitant pendant neuf ans de suite à Montreuil, Pierre Athanase Lelogeais ne s’y inscrit pas sur les listes électorales… Trois autres enfants naissent dans cette commune : Violette en 1923, Louis en 1924 et Émile en 1928.

En mai 1930, Pierre Athanase est revenu à Cabourg avec sa famille, déclarant habiter rue du Pont-de-Pierre. Le 7 juin suivant, à la mairie, son fils aîné, Julien, épouse Yvonne Marie Audoux, une Montreuilloise de 20 ans.

Au premier trimestre 1931, la famille habite rue des Salines. Athanase Pierre et son fils (Polycarpe) Pierre sont tous deux chaudronniers à l’usine Électro de Dives. Victorien Marceau y est peut-être manœuvre.

Dives-sur-Mer, entrée des usines de la Société générale d’électrométallurgie. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Dives-sur-Mer, entrée des usines de la Société générale d’électrométallurgie.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Au printemps 1931 (en avril), la famille de Pierre Athanase emménage au 26 rue Saint-Pierre, à Dives-sur-Mer. Pour (Polycarpe) Pierre, c’est l’année du service militaire… En 1936, son frère Marceau, 24 ans, est déclaré ouvrier d’usine à l’Électro. Cette année-là, (Polycarpe) Pierre habite rue Saint-Marguerite à Dives, déclarant y avoir pour « pensionnaire », Amélie J., née en 1907 à Lézardrieux (Côtes-du-Nord / Côtes-d’Armor), « sans profession ».

Le 1er janvier 1940 à Eguisheim, village de vignobles à 5 km au sud-ouest de Colmar (Haut-Rhin) – au cours de sa mobilisation ? -, Pierre Lelogeais se marie avec Catherine Émilia Jenny.

Le 6 novembre 1941 à Dives-sur-Mer, son jeune collègue de travail Maurice Monroty se marie avec sa sœur Violette.

Au moment de son arrestation, Pierre Lelogeais est domicilié place (?) des Dunettes à Cabourg. Il a deux enfants, dont Léon Pierre, né le 22 mai 1942 à Cabourg.

Membre du parti communiste, Pierre Lelogeais est arrêté une première fois le 21 ou le 28 octobre 1941 par la Feldgendarmerie en même temps que quatre habitants de Dives, dont Roger Goguet, Jean Bourget et Henri Greslon

[1].

Pierre Lelogeais est libéré le 16 mars 1942 (où a-t-il été détenu ? a-t-il été jugé ?).

Le 7 mai suivant, il est de nouveau arrêté, directement par les « autorités allemandes » (Felkommandantur 723 de Caen), comme Maurice Mondhard, de Saint-Aubin-sur-Mer, à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan [2], et d’abord conduit à la prison de Pont-l’Évêque.

Il est certainement parmi les détenus qui sont passés par le “petit lycée” de Caen avant d’être transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; matricule 5238. Son père, Pierre Athanase, est également arrêté le 8 mai et transféré à Compiègne.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Le 24 octobre, Pierre Lelogeais fils est inscrit sur une liste d’otages, détenus en différents endroits, établie par la Feldkommandantur 723 de Caen.

Le 20 janvier 1942, il figure (n° 6) avec Henri Greslon (n° 8) sur une liste de onze otages communistes du Calvados internés à Compiègne pour lesquels la Feldkommandantur de Caen demande à son échelon supérieur une « vérification » avant de les proposer pour l’exécution.

JPEG - 197 ko
Cinq futurs “45000” figurent sur cette liste d’hommes pouvant être fusillés ; le tampon « Geheim » signifiant « Secret »).

La mère de Pierre Lelogeais écrit à la Croix-Rouge (à quelle date ?), qui s’adresse à son tour au RSHA, pour connaître son sort ; sans résultat.

Entre la fin avril et la fin juin 1942, Pierre Lelogeais fils est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Henri Greslon, de Dives, qui reste à Compiègne, écrit à sa propre femme le jour-même : il lui signale le départ de cinq Calvadosiens, dont Lelogeais fils (le père est resté), pour une destination inconnue qu’il suppose être l’Allemagne.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Pierre Lelogeais est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45775 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Pierre Lelogeais est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Pierre Lelogeais est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” (au Block 10 ?) en préalable à un transfert.

Le 29 août 1944, il est parmi les trente “45000” [3] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont affectés au Block 66.

Au début de 1945, “Pierre” Lelogeais est transféré, seul, au Kommando de Falkensee, à vingt-cinq kilomètres de Berlin, fournissant de la main d’œuvre forcée aux usines Demag du groupe Hermann-Göring pour la fabrication de matériel ferroviaire, des chars de combat Tigre, d’obus et de pièces détachées d’armement. À l’approche de l’Armée Rouge, les détenus du Kommando négocient la libération du camp avec le commandement allemand. Le 24 avril, les Allemands abandonnent celui-ci. Le 26 avril, à 8 heures, les soldats soviétiques l’investissent.

Le 26 août 1987, à Caen, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

Pierre Lelogeais décède à Colmar (Haut-Rhin) le 26 février 1990.

Le nom de Polycarpe Lelogeais est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Notes :

[1] Henri Greslon, né le 9 avril 1904, ouvrier d’usine domicilié au 49, rue de Normandie, est déporté le 24 janvier 1943 au KL Sachsenhausen. Il y meurt en août 1943.

[2] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[3] Les trente d’Auschwitz vers Sachso (ordre des matricules, noms de G à P) : Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Le Gal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre (« Peter ») Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, pages 47, 101, notice par Claudine Cardon-Hamet, page 122.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 348, 359, 361 et 411.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 130 (n° 40) et 138.
- Claude Doktor, Le Calvados et Dives-sur-Mer sous l’Occupation, 1940-1944, La répression, éditions Charles Corlet, novembre 2000, Condé-sur-Noireau, pages 135, 140, 151.
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet : archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), XL III-85 et XL III-79 (n°6).
- Archives départementales du Calvados, archives en ligne.
- Archives de Paris, archives en ligne.
- Archives départementales des Hauts-de-Seine, archives en ligne.
- https://insee.fr/fr/information/4190491, fichier des décès – années 1990 à 1999 (deces-1990.csv), acte n° 278.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 1-09-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Go to Top