Gilbert LONGUET – 45803

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Gilbert, Joseph, Georges, Longuet naît le 23 septembre 1904, à Arromanches-les-Bains (Calvados – 14), chez ses parents, Eugène Longuet, 23 ans, boulanger, et Cécile Coueffin, 26 ans, son épouse, boulangère, domiciliés rue de Bayeux. Gilbert aura trois sœurs : Thérèse, née en 1906, Marie, née en 1911, et Solange, née en 1921.

Leur père est rappelé à l’activité militaire au cours de la Première Guerre mondiale, et rejoint le 36e régiment d’infanterie le 12 août 1914. Le 8 juillet 1915, il passe au 3e régiment du Génie. Le 13 mai 1916, il passe à la 24e section de commis et ouvriers d’administration (C.O.A.), très probablement comme boulanger. Il est envoyé en congé illimité de démobilisation le 28 janvier 1919.

En 1926, Gilbert Longuet est ouvrier boulanger dans le fournil de son père, patron, rue de Bayeux à Arromanches.

Arromanches. La rue de Bayeux dans les années 1920. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Arromanches. La rue de Bayeux dans les années 1920.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 20 novembre 1930, à Juvisy-sur-Orge (Seine-et-Oise / Essonne), il se marie avec Suzanne Armande Pilo, née le 3 août 1903 dans cette commune.

En 1936, il a repris la boulangerie parentale, rue de Bayeux à Arromanches.

Au moment de son arrestation, Gilbert Longuet est domicilié au 1, avenue de la Gare, à Arromanches.

Membre du parti communiste, il est en liaison avec René Hommet, de Port-en-Bessin (14), commune proche.

Dans la nuit du 1er au 2 mai 1942, Gilbert Longuet est arrêté par la police française : il figure comme communiste sur une liste d’arrestations exigées par la Feldkommandantur 723 de Caen à la suite du déraillement d’un train de permissionnaires allemands à Moult-Argences (Airan) 

[1]. Le 3 mai, remis aux autorités d’occupation, il est conduit au “petit lycée” où sont rassemblés les otages du Calvados.

Le 4 mai au soir, il fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandise de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai.

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Gilbert Longuet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gilbert Longuet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45803 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Gilbert Longuet est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Le 2 novembre 1942 – dans la chambre (Stube) n°2 du Revier de Birkenau (Block n° 8, en brique, du secteur BIb) où se trouve également Alphonse Benoit – Gilbert Longuet reçoit deux comprimés d’aspirine. Dans ce dispensaire, le SS-Rottenführer Franz Schulz exécute certains détenus avec une injection mortelle dans le cœur…

On ignore sa date exacte de la mort de Gilbert Longuet, probablement avant la mi-mars 1943 [2] (Alphonse Benoit meurt à le 5 novembre 1942).

Après la guerre, le Conseil municipal d’Arromanches donne le nom de de Gilbert Longuet à un boulevard de la ville.

© Roger Hommet.

© Roger Hommet.

Son nom figure sur la plaque apposée sur la mairie d’Arromanches et dédiée aux enfants de la commune morts au cours de la Seconde guerre mondiale.

© Roger Hommet.

© Roger Hommet.

Il est également gravé sur le monument aux déportés et fusillés de Bayeux, apposé sur l’ancien évêché, rue Larchet.

Bayeux, monument de la déportation, façade du palais épiscopal, Georges et Gilbert Hallier, architectes, bas-relief d’Ulysse Gemignani, sculpteur, 1906-1973. Qu’importe comment s’appelle Cette clarté sur leurs pas Que l’un fut de la chapelle Et l’autre s’y dérobât Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du cœur des bras Et tous les deux disaient qu’elle Vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au cœur du commun combat Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas (La rose et le réséda, extraits, Louis Aragon)

Bayeux, monument de la déportation,
façade du palais épiscopal,
Georges et Gilbert Hallier, architectes,
bas-relief d’Ulysse Gemignani, sculpteur, 1906-1973.
Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leurs pas
Que l’un fut de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du cœur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
(La rose et le réséda, extraits, Louis Aragon)

Photos : Daniel Mougin, 2024.

Photos : Daniel Mougin, 2024.

Le 26 août 1987, à Caen, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

Le nom de Gilbert Longuet est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 184 du 8-08-2008).

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[2] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir lesdocuments administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant Gilbert Longuet, c’est le 31 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Cardon-Hamet page 121.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 127 et 128, 360 et 411.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 131 et 138.
- Archives départementales du Calvados, archives en ligne : état civil d’Arromanches-les-Bains, registre d’état civil N.M.D. 1893-1907 (cite 4 E 10308), naissances 1904, acte n° 6 (vue 244/303).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-11-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à François Le Gros (1951 – 2011), professeur d’Histoire-Géographie, membre fondateur de l’Atelier Mémoire du collège Paul Verlaine d’Evrecy (Calvados).

René LONGLE – (45802 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René, Charles, Longle naît le 19 août 1900 à Paris 14e – à la maternité de Port-Royal – fils de René Longle, 27 ans, employé, et de Louise Charles, son épouse, 26 ans, domiciliés au 88, rue du Bois, à Clichy-la-Garenne (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

Son nom est parfois orthographié « Loncle », et Roger Arnould le désigne par son deuxième prénom, Charles (prénom d’usage ?).

À partir de 1914, à quatorze ans, René Longle est ouvrier boulanger à Clichy. En 1919, il travaille à Paris, rue de la Roquette.

Le 31 juillet 1920 à Clichy, René Longle épouse Marie, Rose, Bonnefoy, employée de commerce.

Le 12 février 1921, il est incorporé comme soldat-boulanger à la 22e section de commis et ouvriers afin d’y accomplir son service militaire. Le 26 septembre 1922, il est « envoyé dans la disponibilité », titulaire d’un certificat de bonne conduite, et « se retire » chez ses parents, alors domiciliés au 25, rue du Bois à Clichy.

À la mi-octobre 1923, la famille habite au 12, rue de la Roquette, à Paris 11e.

De 1924 à 1926, René Longle est boulanger rue de Rivoli, à Paris, puis dans diverses maisons entre 1926 et 1929, et enfin à Clichy.

En juin 1924, il déclare six enfants, ce qui devrait le dégager de ses obligations militaires.

En août 1924, la famille habite au 49, rue Houdan à Sceaux (92).

En juin 1926, René Longle adhère au partie communiste, où il est il militant actif, ainsi que son épouse. Fin juillet 1926, la famille loge au 25, rue du Bois (chez les parents ?).

Du 18 juillet au 11 août 1927, René Longle effectue une période d’exercices comme réserviste à la 22e section de COA (commis et ouvriers d’administration).

En mai 1929, René Longle habite au 14, rue Simonneau, à Clichy-la-Garenne.

Le 5 mai 1929, il est élu au conseil municipal de Clichy (25e sur 34) sur la liste de Charles Auffray, maire communiste sortant.

Le 1er octobre suivant, Charles Auffray ayant expulsé de la mairie Paul Négrin, maire-adjoint imposé sur sa liste par la direction du septième rayon de la région parisienne, celle-ci exclue du PC plusieurs membres de la municipalité. Le maire de Clichy riposte en tenant une réunion publique le 6 novembre et en créant un journal, Le Prolétaire de Clichy. Le 22 décembre à Clichy, avec un important groupe d’exclus du Parti communiste, il fonde le Parti ouvrier-paysan (POP), qui fusionne avec l’Union socialiste communiste le 21 décembre 1930 pour donner naissance au Parti d’unité prolétarienne (PUP), lequel élit Auffray à son Comité central.

René Longle ne suit pas le maire et la majorité des édiles dans leur dissidence du PCF. En 1931, il est considéré par Le Prolétaire de Clichy-Levallois comme le « chef de la fraction communiste ». Dans son numéro du 13 mars 1931, ce journal ironise sur l’échec d’une mobilisation à l’appel du 7e rayon communiste qui n’aurait réuni que vingt-cinq personnes : « attristant symbole de cette déchéance morale de nos “purs”, leur délégation était conduite par l’escroc Longle ».

En 1931, René Longle entre à la coopérative La Fraternelle de Clichy.

Mais, dès 1932, il est à Levallois-Perret (92) et, quelques mois plus tard, il s’installe à Donville-les-Bains, dans la Manche (50). Au moment de son arrestation, il est domicilié au 42, rue Couraye à Granville (50).

Membre de l’Union locale CGT de Granville, il en devient secrétaire adjoint lors du renouvellement de bureau du 21 janvier 1937.

René Longle est le candidat du Parti communiste aux élections législatives de 1936 dans la circonscription de Mortain. Puis en avril 1937, lors d’une élection législative partielle. Lors des élections cantonales d’octobre 1937, le Parti communiste le présente comme  candidat au Conseil général (département) dans la circonscription de Granville.

Cette même année, il est le délégué local du PCF au congrès d’Arles (Bouches-du-Rhône).

Le 24 janvier 1938, il remplit le formulaire de son autobiographie communiste pour la commission des cadres, qui le note « A » (à maintenir dans les fonctions).

En 1939, Longle est toujours membre de la section communiste de Granville.

Sous l’occupation , il participe à la reconstitution clandestine du PCF avec Léon Lamort 

[1] et Charles Passot.

René Longle est arrêté le 22 juin 1941 [2], en même temps que ses deux camarades.

Ils sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, René Longle est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Longle est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45802, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Longle est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Il meurt à Auschwitz (Birkenau) le 27 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3].

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 184 du 8-08-2008).

Notes :

[1] Léon Lamort, né le 3 mai 1905 à Granville, déporté le 24 janvier 1943 de Compiègne, enregistré le 25 janvier au KL Sachsenhausen, matricule n° 59152, transféré au KL Neuengamme, affecté au KommandoBlohm & Vos à Hambourg, créé en octobre 1944, dans lequel plus de 400 détenus sont utilisés à des travaux de déblaiement et de constructions navales. Léon Lamort y succombe le 2 février 1945.

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de René Longle, c’est le 15 janvier 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Évrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Caron-Hamet page 130.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 366 et 411.
- Claude Pennetier, notice dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier françaisLe Maitron en ligne, Éditions de l’Atelier.
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 14e arrondissement à la date du 22-08-1900 (V4E 9765), acte n°6831 (vue 2/31) ; registres matricules du recrutement militaire, classe 1920, 2e bureau de la Seine (D3R1 265), n° 4096.
- Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France, L’Humanité n° 14152 du vendredi 17 septembre 1937, page 4, “dix-huitième liste (suite)…”.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 739 (33023/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Pierre LONGHI – 45801

© Collection Anne-Pierre Lasterrades-Longhi.

© Collection Anne-Pierre Lasterrades-Longhi.

Pierre Longhi naît le 23 août 1909 à Corte (Corse / Haute-Corse), fils d’Antoine Longhi, 30 ans, forgeron, ferronnier d’art (artisan-serrurier, charron), et de Marie-Françoise Cristiani, 32 ans, son épouse. Pierre a – au moins – un frère, Hyacinte, Jean (dit Jean), né le 9 août 1911, et une sœur plus âgée, Augustine, Françoise, née le 28 août 1905, tous deux à Corte.
Leur mère, qui gère le foyer et l’entreprise, décède en décembre 1913, peut-être de tuberculose comme certains autres membres de la famille.
Bien qu’ayant accompli son service militaire en 1900 (au 13e bataillon d’artillerie à pied d’Ajaccio) et alors qu’il est âgé 35 ans, veuf et père de trois enfants, Antoine Longhi est rappelé dès le 7 août 1914 au 13e régiment d’artillerie de campagne. Soutien de famille, il n’est pas appelé à monter au front, mais doit rejoindre le continent. Le 23 août 1915, il passe au 23e régiment de dragons à Vincennes (Seine / Val-de-Marne). Sa participation à la « campagne contre l’Allemagne » cesse
[?] le 18 août 1916. Le lendemain, il est détaché aux ateliers de construction de Bourges (Vienne). Le 22 octobre 1917, il est détaché à l’atelier de fabrication de Vincennes par permutation. En février 1919, il se retire au 91, rue de la République, à Vincennes.
Dans cette période, afin de s’occuper de leurs neveux et nièce, les deux sœurs aînées d’Antoine Longhi, célibataires, ont quitté leur île pour s’installer à Vincennes, occupant le vaste appartement d’un « compatriote » alors parti en Indochine.
En juillet 1918, les sœurs acceptent la proposition du maire de Vincennes de confier les enfants à des familles d’accueil dans la Nièvre, où sont présentes de nombreuses nourrices de l’Assistance publique. Bien intégré dans la famille qui l’a accueilli et selon sa demande, Pierre Longhi reste à Chastellux-sur-Cure (Yonne) jusqu’en juin 1921, fréquentant l’école primaire de Quarré (?), dont il sort à treize ans, reçu premier au Certificat d’études. Ensuite, son père vient le chercher et le fait embaucher dans une entreprise comme apprenti-mécanicien.
Puis la famille s’installe à Montreuil-sous-Bois [1] (Seine / Seine-Saint-Denis) au 56, rue Danton. Le père est alors ajusteur chez Pinchard. Il entre ensuite comme mécanicien-ajusteur à l’Atelier de fabrication (« la Cartoucherie ») de Vincennes, dépendant du gouvernement militaire de Paris.
Pierre Longhi travaille d’abord dans diverses entreprises des 12e et 20e arrondissements de Paris.
En août 1927, « enthousiasmé par les formations des Jeunes gardes anti-fascistes » (JGA), comme par le travail de la cellule communiste de la maison Bardet, il adhère aux Jeunesses communistes et au Parti communiste.Le 25 novembre suivant, il entre à son tour comme ajusteur mécanicien à la cartoucherie de Vincennes, route des Sabotiers (800 employés) ; en 1932, il est désigné comme « employé civil » à la caserne du 22e C.O.A.Adhérent du Syndicat unitaire du personnel civil des Établissements et services de l’État de la région parisienne (guerre et marine), il devient archiviste de la Fédération nationale en juin 1929 (il en sera secrétaire adjoint vers 1932). Proche de Pierre Dadot, un dirigeant chevronné du syndicat, il collabore à La Tribune fédérale des Établissements militaires.En 1929, il devient aussi secrétaire du 3e rayon (Vincennes) de la 4e entente des Jeunesses communistes de France. Il en vend le journal, L’Avant-Garde, en même temps qu’il diffuse des tracts. Dans l’une ou l’autre organisation, il prend le pseudonyme de « Mattei » (nom de sa grand-mère paternelle).Le 24 mars 1929, salle Reflut, à Clichy, il est appréhendé lors d’une conférence d’information du Parti communiste de la région parisienne. Venant y interpeller un « délégué étranger » qui tente de se réfugier dans la salle, la police provoque une bagarre avec les congressistes. À la sortie, les militants narguant les inspecteurs, une seconde bagarre éclate, causant une grave blessure dans les rangs policiers : l’agent Resclon, frappé avec des manches de pioche, mourra dans les jours suivants. La police entre alors en force dans la salle et arrête les cent vingt-neuf délégués. Comme d’autres, Pierre Longhi est relaxé après vérification d’identité.Le 29 septembre suivant, salle des bains-douches, à Bagnolet, il assiste à une réunion « illégale » organisée par des militants communistes. Dès lors, la 5e section des Renseignements généraux ouvre un dossier à son nom (n° 617046).En juillet 1930, Georges Beaudreux, alors détenu politique à la Maison d’arrêt de la Santé, sollicite une autorisation de visite permanente pour Pierre Longhi, un « ami d’enfance ».

De la classe 1929, Pierre Longhi accomplit son service militaire du 15 octobre 1930 au 12 octobre 1931 au 18e régiment de chasseurs à cheval.

Dès lors et pendant un temps, il s’installe chez sa sœur et l’époux de celle-ci, les Demanche, habitant une maisonnette en bois au 71, boulevard de Châteaudun (Aristide-Briand ?), à Romainville.

Début mai 1932, les services de la préfecture de police – le préfet étant lui-même « chef du secteur de contre-espionnage » – demandent à la direction de l’atelier de fabrication de Vincennes de procéder à une enquête sur Pierre Longhi. Si la réponse au questionnaire indique « Probité : bonne, Moralité : idem, Sobriété : sobre, Honorabilité : bonne », ses fréquentations sont qualifiées de mauvaises et le « Degré de confiance à accorder » est « aucun, en raison de son activité politique ». Le 8 juin suivant, le chef du premier bureau de la préfecture rend son avis : « À ne pas employer ». Ce rapport ne semble pas avoir eu de suite immédiate…

En mai suivant, Pierre Longhi semble se porter candidat pour un scrutin local restant à déterminer. À cette occasion, le cabinet du préfet de police demande au commissaire de Montreuil de lui transmettre d’urgence tous les renseignements qu’il pourra se procurer le concernant, « notamment au point de vue politique »

En janvier 1933, Fernand Soupé, membre du Comité central du PC depuis le VIIe congrès de mars 1932, soutient la perspective d’envoyer Pierre Longhi à Moscou suivre les cours de l’École léniniste internationale : « Le camarade Longhy (sic) est de l’ensemble des militants de notre région un de ceux qui a certainement les plus grandes facilités d’assimiler les problèmes essentiels qui se posent devant un militant. Il possède une grande facilité d’expression et a une façon tout à fait populaire de poser les question à la masse. A l’heure actuelle ce camarade a un travail plus orienté vers le mouvement syndical, il est un responsable de la fédération des EM [Établissements militaires] ». Pierre Longhi anime effectivement des réunions de son syndicat à la bourse du travail de Montreuil, rue de Vincennes. Le militant se récuse : « Pour des raisons particulières, il m’est impossible d’accepter la mission dont tu voulais me charger ». Le 30 janvier, Soupé écrit à Albert Vassart, alors membre de l’équipe dirigeante du PC, chargé de la mise en place du service qui deviendra la commission des cadres : « je crois que nous devons discuter de la façon la plus sérieuse avec ce camarade. »

Au printemps 1933, il semble qu’il quitte son emploi à la Cartoucherie « pour se consacrer exclusivement à la propagande révolutionnaire ». L’année suivante, il emménage au 41, rue de Vincennes, à Montreuil.

Le 12 mai 1935, au deuxième tour, Pierre Longhi est élu conseiller municipal de Montreuil-sous-Bois sur la liste du Parti communiste conduite par Fernand Soupé, dirigeant “parachuté”, puis il est désigné une semaine plus tard comme adjoint au maire ; Daniel Renoult, vieux militant, fondateur du PCF, étant nommé premier adjoint. Un mois après, Pierre Longhi est élu conseiller général de la Seine sur le canton de la 2e circonscription de Montreuil ; à vingt-six ans, il est le benjamin de cette assemblée (Daniel Renoult est élu dans la 1re circonscription).

L’hôtel de ville de Montreuil après-guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel de ville de Montreuil après-guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre Daniel Renoult et Jacques Duclos, lors d’une réunion publique non identifiée. © Collection Anne-Pierre Lasterrades-Longhi.

Entre Daniel Renoult et Jacques Duclos, lors d’une réunion publique non identifiée.
© Collection Anne-Pierre Lasterrades-Longhi.

Remise de colis aux soldats, date restant à préciser. © Collection Anne-Pierre Lasterrades-Longhi.

Remise de colis aux soldats, date restant à préciser.
© Collection Anne-Pierre Lasterrades-Longhi.

Entre 1936 et 1937, Pierre Longhi est le secrétaire du Parti communiste pour la région Paris-Est.

Le 30 janvier 1937, à Romainville, il épouse Émilienne Lebreton, née le 3 mars 1911 au Havre, divorcée de Paul Lallemand depuis octobre 1935 et déjà mère de deux filles. Coiffeuse, elle est également militante. Ils emménagent au 216, rue de Paris, à Montreuil. Ensemble, ils auront Anne-Pierre, née le 9 mars 1939 (initialement enregistrée « Andrée » à l’état civil). Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée dans une cité HBM (habitations à bon marché) au 66, rue Édouard-Vaillant à Montreuil ; escalier C, logement 39.

Pierre Longhi devient membre de l’Association pour l’Histoire vivante à sa création, en 1937. Le musée du même nom sera inauguré le 25 mars 1939, dans le cadre de la commémoration du cent cinquantenaire de la Révolution française.

 

Pendant la guerre d’Espagne, son frère, Jean Longhi, adhérent au PCF depuis un an, participe à l’implantation d’une usine d’armes (pistolet-mitrailleur de type Beretta), à Albérique près de Valence, à la demande de Jean Jérôme (Michel Feintuch). Lors de l’avance des franquistes sur Valence, il parvient à s’échapper en se réfugiant dans les locaux du consulat de France de cette ville, puis est rapatrié sur un bateau de guerre français en février 1939.

Après la signature du pacte germano-soviétique, sans renier publiquement son engagement communiste, Pierre Longhi semble prendre ses distances avec le PCF et cesse toute activité politique.

Début septembre, son épouse et leurs enfants sont évacués à Chastellux-sur-Cure (Yonne) et installés au hameau du Vernois. Vers la fin du mois, Émilienne Longhi retourne au logement de Montreuil pour y prendre divers objets de literie, couvertures et linge nécessaires pour les enfants, qu’elle fait transporter en camionnette par un loueur de la commune. Ce remue-ménage trouble les loyaux sentiments d’un voisin qui en avise par courrier le ministre de l’Intérieur : « Vernois, le 11 octobre 1939. Monsieur le Ministre. En raison des circonstances présentes, je crois de mon devoir de Français de vous signaler les faits ci-après. […] Près de chez moi est venue se réfugier […] Mme Longhi, femme du secrétaire [sic] de la mairie communiste de Montreuil-sous-Bois. Mme Longhi ne fait pas mystère de son admiration toujours aussi vive pour le régime moscoutaire. Il y a une dizaine de jours, elle a fait un voyage à Montreuil. Depuis cette date, à trois reprises, une camionnette dans laquelle se trouvaient deux hommes est venue ici déposer différents objets. Croyez, M. le Ministre, que je ne fais actuellement aucun jugement sur Mme Longhi, mais je vous répète que j’ai cru de mon devoir de vous signaler ces faits afin que vous puissiez prendre toutes décisions que vous jugerez utiles… ». Le 27 novembre, le préfet écrira au ministre pour lui confirmer la réalité de ce simple déménagement, ajoutant que Madame Longhi a effectivement « laissé percer quelque sympathie pour le régime des Soviets, sans cependant faire de propagande ». Il n’y aura pas de suite.

Entre temps, le 4 octobre la municipalité de Montreuil-sous-Bois a été suspendue et remplacée par une délégation spéciale dirigée par A. Spengler, suite au décret-loi du 28 septembre de dissolution des organisations communistes.

Montreuil-sous-Bois. Entrée du Parc de Montreau (sic), boulevard Théophile-Sueur. Le panneau au-dessus de l’entrée indique qu’elle permet l’accès au “Musée de l’Histoire”. Carte postale légèrement recadrée, voyagée en 1939. Coll. Mémoire Vive.

Montreuil-sous-Bois. Entrée du Parc de Montreau (sic), boulevard Théophile-Sueur.
Le panneau au-dessus de l’entrée indique qu’elle permet l’accès au “Musée de l’Histoire”.
Carte postale légèrement recadrée, voyagée en 1939. Coll. Mémoire Vive.

En octobre, Pierre Longhi a été mobilisé aux E.M. d’artillerie n° 17 (l’arsenal) à Toulouse (Haute-Garonne), et logé au 20, rue Louis-Bruneau. À la fin du mois, sa femme et ses enfants sont venus l’y rejoindre.

Puis Pierre Longhi est mobilisé « sous les drapeaux » dans l’Est, comme artilleur, et les siens retournent au logement de Montreuil. Lors de ses retours en permission, la police ne constate aucune activité militante de sa part, tout en estimant que lui et son épouse conservent leurs idées.

En février 1940, à la requête du préfet de la Seine, le Conseil de préfecture déchoit Pierre Longhi de tous de ses mandats électifs pour n’avoir pas renié publiquement son engagement communiste (loi du 20 janvier 1940), avec effet rétroactif au 21 janvier. Le 10 février, l’annonce en est faite (entre autres ?) dans Le Populaire,  quotidien de la SFIO dirigé par Léon Blum. Vingt autres élus de Paris et du département de la Seine sont alors concernés.

Le Populaire, quotidien édité par la SFIO, édition du 10 février 1940. Archives de la préfecture de police, Paris.

Le Populaire, quotidien édité par la SFIO,
édition du 10 février 1940.
Archives de la préfecture de police, Paris.

Le 19 juillet, Pierre Longhi, probablement replié avec son unité, est cantonné au parc d’artillerie départemental de Saint-Amand-Monrond (Cher).

Le 23 juillet, plusieurs anciens élus montreuillois, soutenus par 400 à 500 personnes, tentent de « récupérer » la mairie (mobilisé, Pierre Longhi n’est pas présent). Exceptionnellement par rapport à d’autres communes, la police relâche après interrogatoire les trois militants arrêtés.

Le 16 septembre, après sa démobilisation intervenue en août, Pierre Longhi retrouve du travail comme manutentionnaire à la Cartoucherie de Vincennes, alors réquisitionnée par l’armée d’occupation. Pierre Longhi n’est pas sur la liste des conseillers généraux et municipaux arrêtés le 5 octobre, lors d’une grand vague d’arrestations organisée par la préfecture de police et visant d’anciens militants communistes.

Cependant, comme tous les anciens élus du PCF, Pierre Longhi est placé sous surveillance policière. Le 20 mai 1941, le commissaire de Montreuil note : « Pendant un certain temps, il n’aurait plus eu aucune liaison avec le Parti communiste et passait auprès des militants de ce parti pour un renégat. D’après les derniers renseignements recueillis, il aurait repris un certaine activité dans le parti, mais il n’a pas été possible d’obtenir confirmation de ces renseignements. »

En octobre 1941, son frère Hyacinte, Jean quitte Paris pour le Morvan, avec Paul Bernard (« Camille »), après avoir participé dans l’Est parisien à la constitution des premiers groupes de l’O.S. à la fin de 1940, puis à la mise en place du Front national au cours de l’année suivante. Travaillant comme bûcheron, Jean Longhi est alors en contact avec la résistance communiste parisienne, mais aussi avec la résistance non communiste locale sous le pseudonyme de « Lionel ». À partir de novembre 1943, il coordonnera l’ensemble des maquis de la Nièvre sous le nom de « Granjean ».

Resté attaché à la ligne antifasciste et hostile à l’occupation allemande, coupé du communisme local, Pierre Longhi trouve lui-même le chemin de la Résistance entre la banlieue Est et la Nièvre, comme agent de liaison auprès de son frère et de Paul Bernard.

Le 14 février 1942, la police française transmet aux autorités militaires allemandes à la demande de celles-ci un rapport (un “blanc”) sur Pierre Longhi, mentionnant ses activités antérieures à septembre 1939.

Le 28 avril, à l’aube, celui-ci est arrêté à son domicile par des policiers allemands (« dont un gros à lunettes qui parlait bien français »), en présence de son épouse et de sa fille. Afin que celles-ci ne soient pas menacées, il refuse de s’échapper par la terrasse de l’appartement. Il est pris dans le cadre d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine et visant majoritairement des militants du Parti communiste. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Pierre Longhi y est enregistré sous le matricule 4209 et affecté au bâtiment C1.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Peu après son arrivée, le 7 mai, il écrit à son épouse une lettre qu’il parvient à faire sortir clandestinement du camp, les nouveaux arrivés n’ayant  pas encore l’autorisation de correspondre avec l’extérieur.

À une date inconnue, il envoie à son épouse une carte de correspondance éditée par l’administration militaire du camp, limitée à sept courtes lignes d’écriture au crayon.

Puis, le 4 juin, il envoie une lettre autorisée à Lucien Jeslein (?), « Lulu », un camarade d’atelier de la Cartoucherie, domicilié au 28, rue Bréguet, à Paris, pour le remercier du geste de solidarité de ses collègues envers son épouse et lui-même dont son ami a pris l’initiative. Il lui demande de transmettre ce courrier à son épouse par l’intermédiaire d’un camarade habitant près de chez lui, « car ainsi elle aura malgré tout de [ses] nouvelles sans attendre la prochaine lettre ».

Le 26 juin, il envoie à Émilienne une autre carte : « […] Je te prie de tenir compte que nous n’avons droit à écrire que 2 cartes et 1 lettre par mois. Pour les colis, ceux qui dépassent 5 K sont retournés et c’est mon cas aujourd’hui. ». Son épouse a voulu lui envoyer un colis substantiel – 10 kg – pour sa fête, la Saint Pierre (29 juin) ; fait-il allusion à celui-là ?

Dans ce camp, Pierre Longhi confectionne à destination de sa fille un petit couteau (gravé « Pépée ») et une petite fourchette en aluminium.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Pierre Longhi jette un message qu’il adresse à son ami Lucien, à charge pour celui-ci de le faire parvenir à son épouse ; il suppose partir pour l’Allemagne.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Pierre Longhi est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45801 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Pierre Longhi est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Là, il est assigné au Block 22, avec Gabriel Lejard, de Dijon, rescapé qui a évoqué ses derniers instants ; notamment le regret exprimé de sa prise de distance politique.

Pierre Longhi meurt à Auschwitz le 24 août 1942, d’après les registres du camp [2]. Selon le registre de la morgue, il est passé par le Block 20 de l’hôpital du camp. L’acte de décès indique pour cause, très probablement mensongère mais crédible, de sa mort : « crise cardiaque probablement due au typhus » (Herzmuskelschwäche bei Fleckfieberverdacht).

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Le 18 juillet, depuis Nemours (Seine-et-Marne), Émilienne Longhi avait écrit une lettre à son mari adressée au « camp régional 204, St Quentin (Aisne) », expliquant : « …j’ai appris ton changement de camp ; je sais que tu est parti depuis le 6 juillet. Tes colis me sont revenus, ainsi qu’une lettre que je t’avais écrite le 3 juillet et, dessus, il y avait ta nouvelle adresse de St Quentin » (la mention de ce nouveau lieu de détention – non inquiétante – reste à expliquer). Le message jeté du convoi, indiquant l’Allemagne pour destination, a donc été reçu par Madame Longhi après le 18 juillet.

Celle-ci décide de se réfugier en province sous une fausse identité. Pendant trois ans, elle sera soutenue financièrement par le couple Dorian : René, le mari, prisonnier de guerre en Allemagne, demande à Yvonne, son épouse, de verser à Émilienne Longhi le montant de son allocation de prisonnier.

Début février 1944, ayant été sollicités [?], les services de la délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés interrogent  la préfecture de police sur les motifs de l’arrestation de Pierre Longhi. Une demande de renseignements est transmise au directeur général des renseignements généraux. L’A.S. du 20 février indique : « Longhi a été arrêté […] par les Autorités d’occupation pour des motifs qu’il n’a pas été possible de déterminer. On croit cependant que le mesure prise à son égard a été motivée par son activité politique antérieure. Il se trouverait depuis en Allemagne, mais on ignore le lieu exact de sa détention. »

Après l’été 1945 et la certitude de sa disparition, une cellule du Parti communiste de la Cartoucherie de Vincennes prendrait son nom (très provisoirement sans doute, car les ateliers avaient été en partie détruits par des bombardements – lors de la Libération, le 26 août, ou précédemment ? ; à vérifier…).

Le 11 novembre 1945, à Montreuil-sous-Bois, dont la mairie est alors dirigée par Daniel Renoult, également vice-président du Conseil général de la Seine, Pierre Longhi est publiquement honoré avec d’autres militants et résistants communistes disparus au cours de la guerre : le drapeau est alors présenté à sa veuve et à sa fille Anne, orpheline. Daniel Renoult fait embaucher à la mairie les deux grandes filles d’Émilienne Longhi.

Le nom de Pierre Longhi est parmi les 58 inscrits sur la stèle commémorative rendant « honneur aux communistes de Montreuil tombés pour une France libre, forte et heureuse », apposée devant le siège de la section de Montreuil du PCF, au 10, rue Victor-Hugo.

© Mémoire Vive.

© Mémoire Vive.

Quelques mois plus tard, le 6 février 1946, Émilienne, sa veuve, proteste par écrit (auprès de qui ?) : « Je suis bien étonné que vous ayez oublié d’honorer la Mémoire de mon mari Pierre Longhi, ancien conseiller général de la Seine et maire adjoint à Montreuil dont le nom à été honoré aux Morts pour la France dans sa commune d’élu le 11 novembre 1945. Je dois vous signaler que mon mari n’a pas démérité, il a été arrêté comme résistant le 28 avril 1942, il revenait de faire une liaison dans la Nièvre et devait repartir deux jours plus tard après pour rester en province, mais il n’a pas eu le temps, la Gestapo est venu le chercher le lendemain matin. Il a été emmené à Compiègne et le 6 juillet 1942 déporté au camp d’Auschwitz où il est mort des mauvais traitements des boches. Je suis en mesure de vous faire parvenir des attestations que mon cher disparu a bien travaillé pour la bonne cause, d’ailleurs le groupe de camarades qui travaillait avec lui [est] à même d’attester qu’il a fait son devoir de Français jusqu’au bout […] mon mari m’avait écrit sur sa dernière lettre jetée du train qui l’emportait en Haute-Silésie que je reste digne de lui, cela serait sa seule consolation, en suivant la ligne de notre grand parti… ».
Le 1er avril suivant, répondant à cette protestation dans un courrier adressé à Georges Marrane, ancien résistant, alors maire en titre d’Ivry-sur-Seine et président du conseil général de la Seine, Léon Mauvais, membre du bureau politique du PCF, affirme qu’il ne faut pas associer Pierre Longhi aux hommages : « Nous te retournons les trois lettres ci-jointes que tu nous as communiquées et qui ont trait à Longhi et Le Bigot [Georges Le Bigot, ancien maire de Villejuif]. Nous t’indiquons qu’il n’y a pas lieu de changer l’attitude que le Parti a eue jusqu’à présent. Le Secrétariat ».

Après-guerre (au plus tard, le 31 décembre 1947), à la mairie de Montreuil, le capitaine Paul Bernard, ancien chef du maquis Camille (son “pseudo”), signe une attestation selon laquelle Pierre Longhi « exécutait, au cours de l’année 1942, dans le sein de [son] organisation, des liaisons Paris-la Nièvre ». Sentant qu’il pouvait être arrêté, celui-ci « avait manifesté le désir d’obtenir sa mutation pour la province [mais] il n’a pas eu le temps de mettre sa décision à exécution [étant] arrêté chez lui au retour de mission ». [en septembre 1948, Paul Bernard habite Villa Mathey, boulevard Carnot, à Bouffarik, en Algérie]

Par un arrêté du 23 avril 1949, sur proposition de la commission nationale d’homologation, le secrétariat aux forces armées-guerre prononce l’appartenance de Pierre Longhi à la Résistance intérieure française [RIF), comme « isolé », avec le grade fictif de sergent, pour une prise de rang comptabilisée à partir du 1er avril 1942. Il est déclaré “Mort pour la France”.

En mairie de Montreuil-sous-Bois, son nom est inscrit sur la plaque dédiée aux élus montreuillois et employés communaux morts pour la France au cours de la guerre, avec Sam Golstein, Fernand Vandenhove et Marceau Vergua, autres “45000”.

Dans grand hall de la mairie de Montreuil, à droite au pied de l’escalier. © Mémoire Vive.

Dans grand hall de la mairie de Montreuil, à droite au pied de l’escalier.
© Mémoire Vive.

Pierre Longhi est homologué comme “Déporté politique” en 1956.

Dans le cimetière de Montreuil-sous-Bois, la tombe d’Émilienne Longhi, décédée en 2002, est également le cénotaphe de son mari, la pierre gravée indiquant :« À la mémoire de Pierre Longhi (…), agent de liaison de la Nièvre, mort pour la France, Auschwitz 1942, Conseiller général de la Seine 1935-1939, Maire-adjoint de Montreuil – Séparés mais toujours unis ».

Dans le cimetière de Montreuil… Photo Julien Le Gros ©

Dans le cimetière de Montreuil…
Photo Julien Le Gros ©

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 184 du 8-08-2008) [2].

En 2013, sur proposition du maire de Paris, Bertrand Delanoë, suite à un rapport présenté par Catherine Vieu-Charier, adjointe chargée de la Mémoire et du monde combattant, le Conseil de Paris décide d’ajouter les noms de Georges Le Bigot et Pierre Longhi sur la plaque commémorative en hommage aux élus morts pour la France apposée dans la salle du Conseil face à la tribune. Lors d’un colloque historique organisé par la Ville dans l’hémicycle, des historiens avaient remarqué que ces deux élus du Conseil général de la Seine ne figuraient pas sur cette plaque rappelant la mémoire de huit autres élus : cinq conseillers municipaux de Paris et trois conseillers généraux.

Notes :

[1] Montreuil-sous-Bois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Pierre Longhi, c’est le 31 juillet 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claude Pennetier, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 35, page 38.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 173, 356, 385 et 411.
- Cl. Cardon-Hamet, notice in 60e anniversaire du départ du convoi des 45000, brochure répertoriant les “45000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, page 29, citant : Daniel Tamanini, de la FNDIRP de Montreuil (lettre du 23-4-1988) – Lettre et témoignage de Gabriel Lejard (cassette et lettre du 17-5-1988) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
- Archives de la préfecture de police (de la Seine), cartons “occupation allemande” (BA ?) ; carton “PC, activité communiste sous l’occupation ” n° IV (chemise “situation des élus communistes”) ; cabinet du préfet (1w0150), dossier de Pierre et Émilienne Longhi (45616) ; dossiers individuels des RG (carton 77w1422), Pierre Longhi (8258).
- Archives départementales de Haute-Corse, site internet, archives en ligne, registre des matricules du recrutement militaire, bureau d’Ajaccio, classe 1899, Antoine Longhi, matricule 879.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 739 (24052/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès (24052/1942) ; carnet de relevés clandestins de la morgue (p. 255) ; fiche individuelle de travailleur.
- Anne-Pierre Longhi-Lasterrades, fille de Pierre Longhi (entretien du 16 août 2015).
- Le cimetière de Montreuil, reflet d’une société, par Philippe Hivert, photographies de Sophie Elmosnino, édité par le Musée de l’Histoire vivante, 2008, page 87.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-03-2025)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Léon LOCHIN – (45800 ?)

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(portrait extrait de la photo
de groupe ci-dessous)

Léon, Victor, René, Lochin est déclaré né le 29 décembre 1914 à Changé-les-Laval, à 4 km de Laval (Mayenne), fils de Charles Lochin et de Léontine Plumasse (ou Humasse). En réalité, il naît à l’intérieur de la gare de Toulouse alors que sa mère est en voyage. Celle-ci est accouchée par le docteur Charles, de Noisy-le-Sec, médecin de la SNCF lui-même en voyage… que Léon Lochin retrouvera vingt ans plus tard.

Célibataire, Léon Lochin est d’abord lithographe à Laval, puis cantonnier auxiliaire et chauffeur à Noisy-le-Sec 

[1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93). Jusqu’à son arrestation, il est domicilié chez son frère, au 24, rue Henri-Barbusse à Noisy. Peut-être héberge-t-il également leur père, déclaré à leur charge.

Pendant un temps, Léon Lochin est secrétaire de la section des Jeunesses communistes de Noisy. Il sympathise notamment avec Jules Delesque, conseiller municipal.

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À gauche, Léon Lochin devant un char de défilé le 14 juillet 1939,
cent cinquantième anniversaire de la Révolution Française
(avec un groupe de Jeunes communistes de Noisy-le-S.).
Extrait de la revue Mémoire communiqué par Claude Delesque.

Entre autres activités, Léon Lochin participe aux rencontres de militants, comme celles qui se tiennent au café Dessertine, place Jeanne d’Arc, en face la mairie, qui possède une grande salle dans laquelle ont lieu nombre de manifestations plus ou moins officielles, ainsi que les réunions syndicales. En décembre 1938, Léon Lochin est également présent au dernier “Noël Rouge” organisé dans la mairie de Noisy.

Après l’interdiction du Parti communiste (26 septembre 1939), la police française considère Léon Lochin comme un « agent très actif de la propagande clandestine ».

Le 31 août 1939, il est arrêté pour détention d’anciens tracts (édités en 1938), et écroué à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Une procédure judiciaire est ouverte dans laquelle il est défendu par Maître Juliette Goublet. Afin qu’il puisse bénéficier d’un droit de visite, la fiancée de son camarade Paul Castel se déclare comme étant la sienne.

Lors de la débâcle de juin 1940, la prison est évacuée dans une colonne qui part à pied ; Léon Lochin en profite pour s’évader.

Revenu à Noisy, dorénavant occupée, il se fait « démobiliser » [sic] le 24 juillet 1940 par la brigade locale de gendarmerie.

Ensuite, il milite aux JC clandestines avec Rolland Delesque.

Le 1er septembre 1940, Léon Lochin est arrêté par les agents du commissariat de Noisy-le-Sec (« transport de ronéos »).

Son nom figure pourtant encore sur la liste établie pour la grande vague d’arrestations organisée le 5 octobre suivant dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT), en application du décret du 18 novembre 1939 ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,  le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.  Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,
le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Le 22 octobre, Léon Cochin écrit au président de la Commission de vérification créée par l’article 3 du décret du 29 novembre 1939 (de fait alors abrogée…), en espérant une mesure favorable à son égard puisqu’il récuse toutes relations à motif politique et envisage un retour dans sa famille de Mayenne.

Le 26 février 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Léon Lochin, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, n’exprime pas explicitement son avis mais constate que cet interné est « signalé comme un des dirigeants de la propagande au Centre dans la section des “Jeunes” – actif – est resté communiste », ajoutant à sa décharge : « attitude correcte ».

Le 13 mars, le père de Léon Lochin écrit au préfet de Seine-et-Oise pour lui présenter une requête inconnue (demande de visite ou de libération…). Le 18 avril, le sous-préfet transmet la demande à la préfecture de police de Paris, direction des services de renseignements généraux.

Au cours de l’année, Léon Lochin fait partie des détenus auxquels la direction du camp propose de signer une déclaration de reniement du Parti communiste, à quoi il se refuse.

Le 20 mai, le bureau du personnel communal de la préfecture de la Seine écrit au cabinet du préfet de police, service des affaires de Sûreté, pour lui demander s’il est exact que le cantonnier Lochin, qui a cessé son service le 31 août 1940 sans préavis est détenu au centre d’Aincourt, ceci afin de régler définitivement sa situation

Le 12 novembre 1941, Léon Lochin est extrait du camp à la demande du Parquet de la Seine et conduit au dépôt de la préfecture de police, à Paris. Le 17 novembre, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à six mois d’emprisonnement pour infraction aux décrets des 24 juin, 28, 30 et 31 août 1939. Il est encore absent du camp le 3 décembre suivant, mais y joue à la belote avec des camarades le 25 janvier 1942.

Le 11 février, Léon Lochin fait partie des 21 militants communistes que les “autorités d’occupations” « extraient » d’Aincourt sans en indiquer les motifs ni la destination au chef de centre. Tous sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre la fin avril et la fin juin 1942, Léon Lochin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages communistes et une cinquantaine d’otages juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (suivant un ordre direct d’Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Léon Lochin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45800 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Léon Lochin.

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943. En France, l’état civil a fixé la date du 31 décembre 1942 [2].

Son nom est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux déportés sur le Monument aux morts de Noisy-le-Sec, situé dans l’ancien cimetière, sur la stèle 1939-1945, place du maréchal-Foch, et sur une plaque individuelle apposée à l’extérieur de la mairie (au titre d’employé communal).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 184 du 8-08-2008).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 367 et 411 (dans la liste, Léon Lochin est donné comme étant domicilié à Changé, son lieu de naissance).
- Message e-mail de Jacques Beauné (29/1/2005), citant le “Mémorial des morts en déportation de la Mayenne”.
- Claude Delesque, fils de Rolland dit “R2L” ; plusieurs messages (08 et 09-2011), texte Les lettres de Aincourt et les 45000.
- Nadia Ténine-Michel, Le camp d’Aincourt (Seine-et-Oise), 5 octobre 1940 – 15 septembre 1942, article in Les communistes français de Munich à Châteaubriant (1938-1941), sous la direction de Jean-Pierre Rioux, Antoine Prost et Jean-Pierre Azéma, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, novembre 1987.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, dissolution du PC, chemise “liste de personnes arrêtées” (BA 2447) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 1117-56939).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révision trimestrielle), 1w80, 1w135 (dossier individuel).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Noisy-le-Sec, relevés de P. Caulé (2000-2002), de Ch. Level-Debray (10-2003) et de F. Charlatte (05-2006).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 28-12-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Lors du recensement de 1906 à Changé-les-Laval, une famille Lochin habite le bourg, composée de : Charles Lochin, né en 1861 à Changé, carrier, casseur de bois chez Vessier, Victoire Janin, née en 1868 à Saint-Ouen-des-Toits, son épouse, journalière, leur fils Charles, né à Changé en 1888, rattacheur de fils de coton dans une fabrique chez Wagne à Laval, leur fille Hélène, née en 1901 à Changé (7/56).

[1] Noisy-le-Sec : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968). Aux élections municipales de 1935, Félix Routhier est élu maire de Noisy-le-Sec sur une liste du Parti communiste communiste.

[2] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir lesdocuments administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

 

Jean LOCATELLI – 45799

© Droits réservés.

© Droits réservés.

Jean, Charles, Locatelli naît le 9 août 1909 à Paris 11e (75), fils de Charles Locatelli et de Ermenegilda (Gilda) Negri. Il a – au moins – une sœur.
Jean Locatelli est rectifieur-outilleur.Le 20 juin 1931, à Paris 11e, il se marie avec Jeanne Marie L., née le 27 juillet 1906 à Port-Brillet (Mayenne). Ils n’ont pas d’enfant
[1]. Vers 1937, ils se séparent (le divorce serait prononcé le 23 octobre 1942).Du 6 juillet au 27 novembre 1939, Jean Locatelli travaille aux établissements Lavalette, 36 avenue Michelet à Saint-Ouen [2] (Seine / Seine-Saint-Denis).

À partir du 30 novembre, il est employé par la maison Nevé, usine de matériel frigorifique, 176 boulevard de Charonne (Paris 20e), d’où il est renvoyé le 20 septembre 1940.

Le 24 septembre – trois mois et demi après le début de l’occupation -, il signe un contrat de travailleur volontaire en Allemagne comme tourneur pour la société Marhischer Mettallbau à Orianenburg. Mais un témoignage ultérieur atteste que cette démarche n’a pas eu de suite (source : DAVCC).

Du 3 octobre suivant au mois d’avril 1941, Jean Locatelli travaille aux établissements Geoffray, entreprise de travaux publics, 185 boulevard Bineau à Neuilly-sur-Seine (Seine / Hauts-de-Seine).Le 28 mai, il est impliqué avec d’autres personnes dans une affaire de vol d’outillage alors qu’il travaille de son métier chez un industriel de Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne). Il est envoyé au Dépôt de la préfecture par le commissaire de police de la circonscription d’Ivry-sur-Seine. Selon la lettre ultérieure d’un avocat chargé de défendre ses intérêts fin mai 1941 (DAVCC), Jean Locatelli est alors détenu à la Maison d’arrêt de la Santé sur mandat d’un juge d’instruction, un premier interrogatoire ayant lieu le 11 juin. Le 12 août, le prévenu est mis en liberté provisoire, étant cité à comparaître le 28 février 1942 devant la 15e chambre du tribunal correctionnel de la Seine.À partir du 10 septembre 1941, Jean Locatelli travaille comme rectifieur à l’usine SATAM (Société anonyme pour tous les appareillages mécaniques), sise 99 rue de la Paix à La Courneuve [2] (Seine / Seine-Saint-Denis).

Pendant un temps, il demeure au 4 cité Dupont, à Paris 11e. À partir du 25 septembre et jusqu’au moment de son arrestation, il habite une chambre à l’hôtel des Méridionaux (ou hôtel Méridional), 36, boulevard Richard-Lenoir (11e). Ultérieurement, son père, gardien concierge des établissements La Tôlerie industrielle, 7 rue Guillaume-Bertrand (11e), déclarera qu’il résiderait alors chez lui.

Un rapport des renseignements généraux indique que Locatelli n’a, jusque là, pas attiré l’attention pour son activité politique..

En octobre, la police française reçoit des « renseignements confidentiels » signalant que des tracts communistes ont circulé au cours des mois précédant dans le quartier Saint-Ambroise. Une enquête aussitôt effectuée les conduit à identifier un distributeur de tracts, Émile P., 59 ans, qui, lors de son interrogatoire, déclare tenir ceux-ci de Jean Locatelli.

Celui-ci est arrêté le 9 ou le 10 octobre 1941, vers 18 h 15, sur son lieu de travail par des inspecteurs de la 3e section des renseignements généraux. Son vestiaire à l’usine et sa chambre d’hôtel sont perquisitionnés sans amener la découverte d’aucun élément compromettant. Interrogé dans les locaux de la préfecture de police, Locatelli met d’abord en cause un ex-militant, André J., de Saint-Ouen, mais, celui-ci niant le connaître, il revient sur ses premières déclarations, ce qui n’empêche pas qu’il reste considéré comme suspect. Le 13 octobre, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret-loi du 18 novembre 1939 et il est écroué au Dépôt, 3 quai de l’Horloge, en attendant son transfert dans un centre de séjour surveillé (CSS).

Le 10 novembre 1941, Jean Locatelli fait partie d’un groupe de 58 militants communistes transférés au camp de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Dans la même période, son beau frère écrit au préfet de police pour solliciter sa libération, expliquant que tous deux appartiennent à une famille catholique et que Jean Locatell n’a jamais fait de politique.

Le 27 février 1942, Jean Locatelli écrit lui-même au préfet de la Seine pour solliciter sa libération, opposant « énergiquement un démenti formel aux allégations de [son] accusateur ». Il ajoute : « Depuis la Révolution nationale, j’ai toujours compris la nécessité d’un ordre nouveau et accepté de grand cœur la politique du Maréchal ».

Le 22 mai 1942, Jean Locatelli est parmi les 156 internés de Rouillé – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Locatelli est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne – sur la commune de Margny – et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Locatelli est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45799 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Jean Locatelli est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Le 10 août, il est admis à l’hôpital d’Auschwitz-I, passant successivement par les Blocks 20 (maladies contagieuses), 21 (chirurgie) et 28 (médecine interne).

Selon le témoignage d’Aimé Obeuf, de Vincennes, Jean Locatelli meurt en février 1943, période correspond à une partie disparue des registres des décès du camp [3]. Le 15 janvier 1946, à la mairie du 12e arrondissement, ce rescapé signera une déclaration en ce sens.

Il renouvelle celle-ci sur un formulaire à en-tête de la FNDIRP le 14 novembre suivant.

À l’automne 1955, Gilda Locatelli, sa mère, dépose à la direction départementale de Paris du Ministère des Anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté politique à son fils. Le 11 octobre de cette année, la commission départementale rend un avis défavorable, ayant eut connaissance de l’existence du contrat de travailleur volontaire en Allemagne. Néanmoins, le 22 janvier 1957, le ministère rend un avis favorable et lui accorde ce titre, la carte n° 1101 22577 étant envoyée à sa mère.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 184 du 8-08-2008).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 371 et 411 ; notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002).
-Division des archives des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen ; dossier de Jean Locatelli (21 P 479 405).
-Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), APPo, site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “occupation allemande” :  camps d’internement… (BA 2374) ; dossiers du cabinet du préfet (1 W 0337), dossier de Jean Locatelli (24588).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 113.
- Archives départementales de la Vienne ; camp de Rouillé (109W75 ).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 1-06-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] La Courneuve : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil. Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Joseph LLORENS – 45798

Portrait extrait de la photo suivante. Collection Christophe Llorens, droits réservés.

Portrait extrait de la photo familiale.
Collection Christophe Llorens, droits réservés.

Joseph Llorens naît le 14 septembre 1896 à Cherchell, ville portuaire sur la mer Méditerranée, environ 90 km à l’ouest d’Alger (en Algérie, alors département français), fils de Pierre Llorens, cultivateur, 32 ans, et d’Eulalie, Marie, Antoinette, Mari, son épouse, 25 ans, tous deux d’origine espagnole.

Plus tard, la famille déménage à Birkhadem, dans la proche banlieue sud d’Alger.

Pendant un temps, Joseph Llorens travaille comme ferblantier.

Le 20 septembre 1917, à Alger, il s ’engage volontairement pour quatre ans au 121e régiment d’artillerie lourde (RAL), qu’il rejoint huit jours plus tard. Le 1er mai 1918, il passe à la 51e batterie du 109e RAL, puis, à la fin du mois, au 143e RAL. Le 10 août, il passe au 104e RAL. Le 25 janvier 1919, il passe au 1er groupe de ce régiment. Le 1er juillet suivant, il est nommé brigadier. Le 9 mars 1920, il est nommé maréchal des logis. Le 10 janvier 1921, il est affectée à l’Armée du Levant (dans le secteur de Salonique ?). Le 1er mars, il passe au 274e régiment d’artillerie. Le 29 juillet suivant, il est envoyé en congé de libérable, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Joseph et Thérèse, date inconnue. Collection Christophe Llorens, droits réservés.

Joseph et Thérèse, date inconnue.
Collection Christophe Llorens, droits réservés.

Le 4 octobre 1921, à Châteaudun (Eure-et-Loir), Joseph Llorens se marie avec Thérèse Yvonne Hallot, née dans cette ville le 16 août 1897 (24 ans), lingère. À la mi-novembre de cette année, ils habitent au 10 rue Saint-Valérien.

Ils auront trois enfants : Roger, Pierre, né le 20 septembre 1923 à Châteaudun, Odette, Renée, née le 24 mai 1925, et Nicole Raymonde, née le 30 septembre 1933, toutes deux à Orléans.

Joseph, Thérèse, Odette et Roger, vers 1932 ? Collection Christophe Llorens, droits réservés.

Joseph, Thérèse, Odette et Roger, vers 1932 ?
Collection Christophe Llorens, droits réservés.

En avril 1925, ils habitent au 27 bis, quai Neuf (quai de Prague depuis 1940) à Orléans (Loiret), un logement de deux pièces avec cuisine au 1er étage, face à la Loire, sur la rive gauche.

À partir de 1936 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci habite un logement de trois pièces avec cuisine au 1er étage, dans une arrière cour privée au 76, rue Saint-Marc à Orléans).

Joseph Llorens est alors ouvrier fumiste chez Terrasse.

Il est adhérent au Parti communiste et peut-être responsable de la section locale du Secours populaire de France et des colonies (ex-Secours rouge international).

Le 5 septembre 1939, il est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale et est affecté à la section de Caterpillard (?). Le 7 octobre, il est dirigé sur le dépôt d’artillerie n° 25. Mais, dès le 30 octobre, classé “sans affectation”, il est renvoyé dans ses foyers.

Sous l’Occupation, il reste actif en diffusant des tracts.

Le 19 octobre 1941, à 8 heures du matin, il est arrêté à son domicile par la Feldgendarmerie, et conduit à la prison militaire du 14 rue Eugène-Vignat, réquisitionnée par l’armée d’occupation, où sont rassemblés – enfermés en cellule – les nombreux hommes arrêtés ce jour-là et la veille

[1], parmi lesquels Louis Breton, Henri Doucet, cheminot de Fleury-les-Aubray, les frères André et Marcel Pinson, Lucien Vannier, d’Orléans, Robert Dubois, Gustave Mesnis (45 ans, employé SNCF qui sera libéré à Compiègne)…

En haut à gauche, à côté de la gendarmerie, la maison d’arrêt. En bas à droite, en face de la caserne d’artillerie, la prison militaire. Ville d'Orléans. Plan général de la commune 1/2000e [en 14 feuilles], 1934, feuille n° 3 (1Fi154-5). Extrait.  © Orléans métropole, site internet, archives municipales et communautaires.

En haut à gauche, à côté de la gendarmerie, la maison d’arrêt. En bas à droite, en face de la caserne d’artillerie, la prison militaire.
Ville d’Orléans. Plan général de la commune 1/2000e [en 14 feuilles], 1934, feuille n° 3 (1Fi154-5). Extrait.
© Orléans métropole, site internet, archives municipales et communautaires.

Le vendredi 24 octobre à 8 h 45, Joseph Llorens est parmi les 41 détenus transférés en autocar – via Pithiviers, Fontainebleau, Melun et Crépy-en-Valois – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Arrivés à 15 h, les internés passent par l’anthropométrie et se voient retirer leurs papiers d’identité.

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Joseph Llorens est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandises d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandises
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Joseph Llorens est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45798 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Joseph Llorens.

Il meurt à Auschwitz le 17 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique« valvulopathie cardiaque » (Herzklappenfehler) pour cause certainement mensongère de sa mort.

Le 30 juillet 1945, Lucien Vannier, rescapé, signe une attestation par laquelle il déclare avoir connu Joseph Llorens « au camp » où celui-ci serait mort « en 1942 », manque de précision qui semble indiquer qu’il n’a pas été témoin direct de sa mort.

Le 8 juillet 1946, Thérèse Llorens complète et signe un formulaire du ministère des anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) pour demander la régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ».

Le 22 octobre suivant, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) dresse l’acte de décès officiel de Joseph Llorens « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour » (probablement le témoignage de Lucien Vannier) et en fixant la date au 15 juin 1942 (le mois de « juillet », précédemment inscrit, étant biffé…). Le même jour, le service central de l’état civil du ministère demande par courrier au maire de Cherchell d’en ajouter mention en marge de |’acte de naissance sur les registres de sa commune et au maire d’Orléans de le transcrire dans le registre des décès.

Le 21 mars 1953, Thérèse Llorens – en qualité de conjointe – complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté politique à son mari à titre posthume. À la rubrique VI, « Renseignements relatifs à l’acte qualifié de résistance à l’ennemi qui a été la cause déterminante de l’exécution de l’internement ou de la déportation », elle inscrit : « Arrêté à cause de ses idées politiques ». Le 29 juillet 1953, le ministère décide de l’attribution de ce titre à Joseph Llorens et envoie la carte de déporté politique n° 1145-0005 à sa veuve.

Notes :

[1] Les arrestations de la deuxième quinzaine d’octobre 1941 : entre le 17 et le 25 octobre, les “autorités d’occupation” organisent des vagues d’arrestations dans plusieurs départements de province de la zone occupée. Les fiches d’otages retrouvées des « 45000 » appréhendés à cette occasion indiquent que leur arrestation a été faite en application de l’ordre du commandant de la région militaire A, daté du 14 octobre 1941, accompagnant l’envoi aux Feldkommandant du “Code des otages”. Les départements concernés n’ayant été que très peu touchés (ou pas du tout) par la vague répressive/préventive de l’été 1941, il est probable que ces nouvelles arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. Tous les hommes appréhendés sont, en effet, transférés à Compiègne, entre le 19 et le 30 octobre 1941. Dans certains, ces arrestations frappent plusieurs dizaines d’hommes connus de la police française pour avoir été des adhérents ou militants communistes avant-guerre. Sept Orléanais arrêtés dans ces circonstances seront finalement déportés dans le convoi du 6 juillet 1942 : Marcel Boubou, Marcel Couillon, Robert Dubois, Henri Ferchaud, Raymond Gaudry et Lucien Vannier (seul rescapé d’entre eux).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 365 et 411.
- André Chêne, Ceux du groupe Chanzy, Librairie Nouvelle, Orléans 1964 : liste des « Membres des fédérations du Loiret du Parti Communiste Français et des Jeunesses Communistes tombés pour que vive la France », pages 143 à 145.
- Archives nationales d’Outre-Mer (ANOM), archives en ligne : registres matricules militaires, moteur de recherche, Algérie.
- Archives du Loiret, Centre des archives modernes et contemporaines, cité administrative Coligny, Orléans : Internements administratifs, listes, dossiers individuels et collectifs, correspondance, 1940-1945, liste des internés à Compiègne depuis octobre 1941 (138 W-25856).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 736 (21459/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Office for information on former prisonniers) : page extraite du registre des décès d’Auschwitz, acte n° 21459/1942.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 P 479 352).
- Christophe Llorens, son petit-fils (fils de Roger) : message d’information et documents, photos (07-2022).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-07-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

André LIORET

Droits réservés.

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André, Fernand, Émile, Lioret naît le 11 décembre 1922 à Montargis (Loiret – 45), fils d’Abel Fernand Paulin Lioret et de Clémentine Montereau, son épouse.
Au moment de son arrestation, célibataire, André Lioret est domicilié chez ses parents, route de Viroy à Amilly (45), où sa mère est déclarée comme « commerçante ».
André Lioret est étudiant, mais peut-être travaille-t-il aussi parallèlement comme comptable.
C’est un jeune communiste.

En septembre 1940, après les débuts de l’Occupation, un délégué du Parti communiste clandestin, Roger Tellier, 45 ans, venu de la capitale mais ayant une résidence à Nogent-sur-Vernisson, 17 km au sud de Montargis, s’adresse à Eugène Saint-Simon, 58 ans, retraité, ancien secrétaire de la cellule locale, afin de relancer l’activité militante dans le Loiret. Puis Georges Loirat, 34 ans, vient de Paris pour s’installer chez Eugène Saint-Simon.

Saint-Simon organise chez lui une rencontre entre des délégués parisiens et Émile Cousin, 47 ans, préparateur en pharmacie à Montargis, Jean Roy, 18 ans, dirigeant des Jeunesses communistes, René Mazoyer, 40 ans, ancien conseiller général communiste, et René Allaire, 37 ans, représentant de commerce à Montargis, lequel exprime son désaccord. Ensuite, un rendez-vous réunit Émile Cousin et Pierre Rebière (désigné comme « Rivière ») chez René Allaire. En décembre, une petite réunion présidée par Rebière se tient chez Désiré Marcellot, 44 ans, de Montargis, ancien adhérent du groupe des cheminots.

Fin décembre 1940, à l’instigation des délégués parisiens, André Roy organise chez lui, au Gué Perreux, une première réunion de jeunes à laquelle assistent son amie, Josette Thirioux, 16 ans, collégienne de Villemandeur, Pierre Bonnard, 21 ans, mécanicien, « communiste d’avant-guerre », Charles Cousin, 22 ans, fils d’Émile, menuisier, et Paul Chenel, son hôte, alors âgé de 19 ans.

Fin janvier 1941, Pierre Rebière assiste à une autre réunion des JC, tenu chez Robert Marcellot, 22 ans (fils du précédent), à la suite de laquelle sont “recrutés” André Lioret, 22 ans, René Desnous, 16 ans, apprenti maçon, et José Durocher, 16 ans, commis boucher.

Le 5 février, au cours d’une réunion, le groupe de Montargis décide de passer à l’action le lendemain : il se divise en deux secteurs et cinq équipes afin d’apposer des “papillons” portants différents slogans. Pierre Rebière distribue des billets en partie rédigés par Charles Cousin et fabriqués par André Roy, chez lui, en utilisant une imprimerie pour enfant.

Dans la nuit du 7 février, un des colleurs de papillon est-il surpris en flagrant délit par des policiers ou des gendarmes, et désigne-t-il des camarades lors d’un interrogatoire ? Toujours est-il que les policiers français organisent un “coup de filet” entraînant d’abord neuf arrestations, auxquelles échappent les “délégués parisiens” : Gaston Auguet, Bernard Paumier, Georges Loirat, Pierre Rebière et Roger Tellier ; trois d’entre eux étant cependant identifiés et sous le coup de mandats d’arrêt
[1].
Le 10 février 1941, André Lioret est arrêté à Montargis par des gendarmes français. Parmi les hommes pris dans la même affaire, se trouvent Raymond Tellier, imprimeur, et Raymond Laforge, instituteur, arrêtés tous deux le 8 février à Montargis [2].

Inculpé d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 définissant comme délit toute « activité ayant directement ou indirectement pour objet de propager les mots d’ordre émanant ou relevant de la 3e Internationale Communiste ou d’organismes contrôlés en fait par cette 3e Internationale », André Lioret est détenu à la maison d’arrêt de Montargis pendant l’instruction de l’affaire.

Le matin du 12 avril, onze membres du groupe de Pithiviers sont transférés en camion à Orléans sur ordre des autorités d’occupation pour être jugés par le tribunal militaire allemand de la Feldkommandantur, parmi lesquels André Lioret, Paul Chenel,  André Roy et son amie Josette Thirioux. Ils alors très probablement écroués à la prison militaire du 14, rue Eugène-Vignat, réquisitionnée par l’occupant.

En haut à gauche, à côté de la gendarmerie, la maison d’arrêt. En bas à droite, en face de la caserne d’artillerie, la prison militaire. Ville d'Orléans. Plan général de la commune 1/2000e [en 14 feuilles], 1934, feuille n° 3 (1Fi154-5). Extrait.  © Orléans métropole, site internet, archives municipales et communautaires.

En haut à gauche, à côté de la gendarmerie, la maison d’arrêt. En bas à droite, en face de la caserne d’artillerie, la prison militaire.
Ville d’Orléans. Plan général de la commune 1/2000e [en 14 feuilles], 1934, feuille n° 3 (1Fi154-5). Extrait.
© Orléans métropole, site internet, archives municipales et communautaires.

Le 21 mai 1941, dans son rapport hebdomadaire sur le communisme en France, transmit à l’Office central de sécurité du Reich (Reichssicherheithauptamt – RSHA) à Berlin, le service (Amt) IV A 1 de la “Gestapo” de Paris rend compte : « Les 11 communistes arrêtés le 22.4.41 dans le département du Loiret (groupe Cousin et consorts) ont été condamnés par le tribunal militaire allemand de la Feldkommandantur 549 pour diffusion de tracts, etc., à des peines de prison de plusieurs mois. » Le 30 avril, le préfet du Loiret écrit au préfet délégué du ministère de l’Intérieur près de la Délégation générale dans les territoires occupés : « En ce qui concerne les inculpés de l’affaire de Montargis que les autorités allemandes ont fait passer devant leur tribunal et ont condamnés, il est entendu qu’à la fin de leur peine, ils doivent être remis à la disposition de la justice française. »

Le 12 juin, 22 prévenus hommes et femmes comparaissent en affaire de police correctionnelle devant le tribunal de première instance de Montargis, pour l’apposition sur les murs de Montargis de papillons de propagande communiste le 7 février 1941. André Lioret et Paul Chenel, ainsi que quatre autres jeunes inculpés, sont  condamnés à 6 mois de prison avec sursis. Il semble cependant qu’ils n’aient pas été libérés, le procureur de la République interjettant appel afin d’obtenir une peine aggravée pour les militants les plus impliqués…

Le 31 juillet suivant, Paul Chenel et d’André Lioret sont parmi 27 prévenus, hommes et femmes, qui comparaissent devant la Cour d’appel d’Orléans, certains d’entre eux pour la mise en circulation de nouveaux tracts le 9 mars à l’usine de caoutchouc Hutchinson de Châlette-sur-Loing (45), malgré l’enquête déjà ouverte et les arrestations effectuées le 12 février. Le sursis d’André Lioret est alors confirmé. Il n’est cependant pas libéré, mais maintenu en détention sous le statut d’interné administratif, probablement à la Maison d’arrêt d’Orléans.

Le 11 septembre, il est remis aux autorités allemandes à leur demande et interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 1582.

Le 31 décembre suivant, son nom est inscrit en 2e position sur une liste de 131 « jeunes » communistes déjà internés dans ce camp, classée en chronologie inversée, depuis ceux nés en 1922 (âgés de 19 ans) jusqu’à ceux nés en 1912 (29 ans) [3].

Pendant un temps, un nommé Lioret fait partie des détenus qui donnent des cours à leurs camarades de camp. Il enseigne la “géographie générale”, discipline initiée par l’avocat Antoine Hajje le 8 août 1941 et interrompue pour cause d’exécution le 19 septembre suivant (« Nouvelle série »).

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Cahier de cours d’Émile Drouillas.
Collection Renée Thouanel. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, André Lioret est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandises d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandises
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Lioret est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45797 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté l’étudiant André Lioret.

Il meurt à Auschwitz le 17 août 1942, d’après le registre d’appel et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; un peu plus d’un mois après l’arrivée de son convoi. Il a 19 ans.

À une date restant à préciser, le maire d’Amilly s’adresse à l’Amicale d’Auschwitz (au sein de la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes – FNDIRP) en vue d’obtenir des informations sur le sort d’André Lioret. En octobre 1946, Madeleine Dechavassine, secrétaire générale de l’Amicale, lui répond que la mort du jeune homme est établie par la Liste officielle n° 3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre précédent par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG), qui reprend la date portée sur le Sterbebücher.

Le 2 février 1946, André Faudry, de Saint-Maur-des-Fossés (Seine / Val-de-Marne – 94), rescapé du convoi, utilisant un formulaire à en-tête de l’Amicale d’Auschwitz, certifie qu’André Lioret est décédé dans ce camp « au mois de septembre 1942 ». Le 26 mars suivant, Raymond Saint-Lary, de Fresnes (94), signe une déclaration identique. S’ils savent avec certitude qu’il est mort là-bas, ils n’ont probablement pas été des témoins directs de sa disparition…

Le 16 juin 1947, Abel Lioret complète et signe un formulaire de demande d’acte de décès pour son fils, adressé au ministère des ACVG, ainsi que le formulaire du ministère demandant la régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ».

Le 8 mars 1948, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère dresse l’acte de décès officiel d’André Lioret « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour », en se fondant sur la Liste officielle n° 3. Le 13 mars, cet acte est transcrit dans les registres de la commune d’Amilly.

Le 8 août 1947, la mère d’André Lioret – désormais veuve ? – complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’inscription de la mention “Mort pour la France” sur l’acte de décès d’un déporté.

Le 8 juin 1953, André Roy, ancien camarade de clandestinité, « adjudant FFI, responsable du groupe de résistance de Montargis et des environs », signe une déclaration certifiant qu’André Lioret a appartenu à son groupe.

Le 31 juin 1953, Clémentine Lioret complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant à son fils, à titre posthume. À la rubrique n° V, « renseignements relatifs au motif de l’internement ou de la déportation », elle indique seulement : « lutte contre l’occupant ».

Le 14 avril 1954, le ministère écrit à Madame Veuve Lioret pour lui faire connaître que – après avis de la Commission nationale des déportés et internés de la Résistance – sa demande n’a pu être accueillie favorablement, et lui adresse, en qualité d’ascendante, la carte de déporté politique attribuée à son fils (n° 1110-10575).

Le nom d’André Lioret est inscrit sur le monument aux morts d’Amilly.

Abel Lioret décède le 25 février 1957 à Ouzouer-des-Champs.

Clémentine Lioret décède à Amilly le 10 juin 1974.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 114 du 17-05-2008).

Notes :

[1] Les “Délégués parisiens” :
Pierre Rebière naît le 20 février 1909 à Villac (Dordogne). En octobre 1936, il appartient à la délégation française qui négocie avec le ministre espagnol Diego Martínez Barrio la constitution des Brigades internationales, création officiellement approuvée par le gouvernement républicain le 22 octobre 1936. Commissaire du bataillon Commune-de-Paris de la 11e brigade, il participe aux combats de Madrid, puis est blessé en février 1937 durant la bataille du Jarama. Mobilisé en octobre 1939, démobilisé en Dordogne en juin 1940, il regagne Paris et entre en résistance. À la suite de ses missions dans le Loiret, la police française ne parvient pas clairement à l’identifier, ce qui empêchera qu’il soit jugé par défaut (« Rivière ou Rivière Pierre ou René »). Il participe à la formation de l’Organisation spéciale (OS) du Parti communiste – d’abord chargée de protéger les distributeurs de tracts -, entraînant ses premiers groupes. Fin octobre 1941, trois jours après l’exécution des otages de Châteaubriant (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique), il abat à Bordeaux (Gironde), avec deux camarades espagnols, un officier allemand et en blesse un autre. Le 15 décembre 1941, il est arrêté par les Brigades spéciales des Renseignements généraux de la préfecture de police, torturé, puis remis aux autorités allemandes le 10 janvier 1942, à nouveau torturé, et incarcéré à la prison de la Santé (Paris, 14e arr.). Condamné à mort par le tribunal militaire allemand le 9 septembre, il est fusillé le 5 octobre suivant au stand de tir de Balard. (Source : https://maitron.fr/spip.php?article128316, notice par Claude Pennetier)
Le 12 juin 1941, le tribunal de première instance de Montargis condamne, par défaut, quatre clandestins à cinq ans de prison, 5000 francs d’amende et vingt ans de privation des droits civils et politiques pour infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 interdisant le Parti communiste :
Gaston Auguet, né le 24 novembre 1904 à Châteauroux (Indre), cadre clandestin du Parti communiste à Paris, il effectue diverses missions dans le Loiret. Officier à l’état-major FTP, membre du service de renseignement, il jouera un rôle important dans la Résistance militaire en zone sud. (source : https://maitron.fr/spip.php?article10471, notice par Claude Pennetier)
Georges Loirat né le 17 mars 1906 à Rouans (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique), cheminot sur le réseau Paris-Orléans, membre du conseil de la Fédération CGT des cheminots, arrêté dans des circonstances restant à préciser, il sera déporté dans le transport de 1218 hommes parti de Compiègne le 22 mars 1944, et arrivé au KL Mauthausen le 25 mars (dont 534 rentrés de déportation, soit 43,8 %), enregistré sous le matricule n° 60183, affecté au Kommando de Loibl Pass pour la construction d’un tunnel routier entre l’Autriche et la Slovénie, rescapé (source : Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, pages 268-269, 298, I.191).
Bernard Paumier, né le 2 décembre 1909 à Selles-sur-Cher (45), domicilié à Chemery (45). Il se voit demander par Pierre Rebière, du comité central, qui lui apporte des tracts, de réorganiser le parti dans le département. De septembre à octobre 1940, Bernard Paumier parcourt le Loir-et-Cher à bicyclette pour contacter un certain nombre de communistes. Il est ensuite chargé d’assurer des contacts à Pithiviers et à Montargis. Avec Rebière, il se rend aussi dans la Nièvre pour y réorganiser le parti. Convoqué à Paris en novembre 1940, il est informé de sa nouvelle mission : le travail paysan en zone Nord. En juin 1941, son épouse le rejoint à Paris pour devenir son agent de liaison. Le 22 juin 1941, les Allemands viennent l’arrêter à Chemery dans le cadre de la vague d’arrestations accompagnant l’invasion de l’Union soviétique. Ne le trouvant pas, ils prennent à sa place son jeune frère Clotaire qui sera sélectionné comme otage dans le convoi du 6 juillet 1942. Bernard Paumier poursuivra son travail clandestin jusqu’à la Libération. (source : https://maitron.fr/spip.php?article125182, notice par Thérèse Burel, Didier Lemaire)
Roger Tellier, né le 17 janvier 1895 à Sainte-Geneviève-des-Bois (45), domicilié au 4, rue Péclet à Paris 15e, il sera arrêté par la gendarmerie le 19 janvier 1942 au lieu dit Chêne Vert, commune d’Ineuil (Cher), où il travaille depuis le début du mois comme bûcheron sur un chantier de la Standard des Pétroles. Il sera déporté dans le transport de 2004 hommes parti le 21 mai 1944 de Compiègne, et arrivé le 24 mai au KL Neuengamme (dont 788 rentrés de déportation, soit 39,4 %), enregistré sous le matricule n° 30409, rescapé (source : Mémorial FMD, tome 3, page 736, I.214).[2] Raymond Tellier et Raymond Laforge, transférés ensemble le 13 juin 1941 au camp de Choisel à Châteaubriant, seront fusillés comme otages de représailles le 22 octobre suivant.

[3] La liste de jeunes communistes du Front-Stalag 122 : Lors des enquêtes suivant les actions armées contre les forces d’occupation, il a été souvent constaté que celles-ci étaient réalisées par de jeunes hommes. Le 5 décembre 1941, Otto von Stülpnagel, commandant en chef des forces d’occupation en France (Militärbefehlshaber in Frankeich – MBF) adresse un télégramme à Berlin dans lequel il propose à titre de représailles l’exécution de 100 otages, une amende de 1 milliard de francs imposée aux Juifs de Paris, l’internement puis la déportation vers l’Est de l’Europe de 1000 Juifs et 500 jeunes communistes. Dans cette perspective, les différentes Feldkommandantur doivent communiquer le nombre de jeunes communistes internés dans les camps français de leur ressort – d’où seront organisés des transferts – et dans le camp allemand de Compiègne.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 365 et 411.
- La Gestapo contre le Parti communiste, rapport sur l’activité du PCF, décembre 1940-juin 1941, messidor-éditions sociales, collection problèmes-histoire, Paris, novembre 1984, p. 181.
- André Chêne, Ceux du groupe Chanzy, Librairie Nouvelle, Orléans 1964 : liste des « Membres des fédérations du Loiret du Parti Communiste Français et des Jeunesses Communistes tombés pour que vive la France », pages 143 à 145.
- Archives départementales du Loiret, Centre des archives modernes et contemporaines, Orléans : suspects, listes, rapports de police, correspondance, 1940-1943, chemise “suspects 1940-1941 (138 W-25854) ; Internements administratifs, listes, dossiers individuels et collectifs, correspondance, 1940-1945 (138 W-25856), affaire communiste de Montargis, février 1941 ; Tribunal correctionnel de Montargis, 1941 (1082W-84600).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : Liste des détenus communistes internés à Compiègne des générations 1912-1922 (IV-198).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 730 (21097/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, DMPA, Caen : dossier individuel (21 P 479-077).
- Site Mémorial GenWeb, 45-Amilly, relevé de Éric Louis, informations de Claude Richard (2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-04-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

Charles LIMOUSIN – 45796

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Charles Limousin naît le 27 juillet 1906 à Châtellerault (Vienne – 86), fils de Jean Limousin, tailleur de pierre, et de Marie Angèle Moussineau, son épouse, couturière.

Le 14 novembre 1926, Charles Limousin est appelé pour accomplir son service militaire comme chasseur de 2e classe au 2e COCC, puis renvoyé dans ses foyers le 14 avril 1928 ; il se retire à Châtellerault. Comme réserviste, il accomplira une période d’exercice de 21 jours dans les chars de combat du 27 juin au 17 juillet 1932.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 37, quai d’Alsace-Lorraine à Châtellerault.

Le 6 avril 1929, à Châtellerault, il se marie avec Marie, Sophie, Benoît, née le 10 mai 1910 à Villers-au-Flos (Pas-de-Calais). Ils auront trois enfants : Charles, né le 8 décembre 1929, Jean, né le 9 avril 1931, et Jacques, né le 11 juillet 1935.

Charles Limousin travaille comme électricien de 1ère catégorie à la Manufacture d’armes de Châtellerault. Maurice Rideau, son camarade de travail, le décrit comme « un gaillard d’1 m 82, d’une force herculéenne ».

Châtellerault, Manufacture nationale des armes de Vienne. Carte postale envoyée en 1943. Collection Mémoire Vive.

Châtellerault, Manufacture nationale des armes de la Vienne.
Carte postale envoyée en 1943. Collection Mémoire Vive.

Secrétaire de l’Union locale CGT et secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l’État de Châtellerault, « Charlot » est aussi membre du Comité de section du Parti communiste.

Le 23 juin 1941, il est arrêté – à la Manufacture – par des soldats allemands et des policiers français, et interné au camp de la Chauvinerie, à Poitiers, caserne réquisitionnée par l’occupant (selon M. Rideau, 33 communistes sont arrêtés ce jour-là dans la Vienne 

[1] ; 28 sont conduits à la Chauvinerie, 14 seront des “45000”).

Poitiers. L’entrée du quartier (caserne) de la Chauvinerie dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Poitiers. L’entrée du quartier (caserne) de la Chauvinerie dans les années 1900.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Selon Maurice Rideau, ils sont interrogés à plusieurs reprises « par la Gestapo qui aurait bien voulu connaître les autres membres de [leur] mouvement restés en liberté », Charles Limousin étant considéré comme le plus actif d’entre eux.

Le 12 juillet, Charles Limousin fait partie d’un groupe de détenus embarqués à la gare de Poitiers pour être transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), où il est désigné comme vaguemestre. D’après le témoignage d’Émile Lecointre, il fait partie de l’organisation communiste clandestine du camp.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Selon Alfred Quinquenau, de Châtellerault, arrêté avec lui, ouvrier à la Manufacture, le directeur de celle-ci aurait engagé – sans succès – des démarches « auprès des autorités allemandes pour faire libérer Charles Limousin qui, par ses qualités professionnelles, était très utile » à l’entreprise.

Entre fin avril et fin juin 1942, Charles Limousin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous à pied escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Charles Limousin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45796 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Charles Limousin est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Là, il est affecté au Block 15, avec Louis Cerceau et Maurice Rideau, auxquels le lie une ancienne et profonde amitié : même quartier, même profession, mêmes activités politiques. Puis il se trouve au Block 19. Il travaille au Kommando du canal puis à l’usine d’armement de la DAW (Deutsche AusrüstungsWerke, société SS).

Le 1er février 1943, son nom est inscrit sur un registre de l’infirmerie (Revier).

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Charles Limousin est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Charles Limousin est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine”, au Block 10, en préalable à un transfert.

Le 29 août 1944, il est parmi les trente “45000” [2] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. Enregistré sous le matricule n° 94287, il est affecté au Kommando de l’usine Heinkel, intégré au camp.

Le 5 février 1945, il arrive – seul “45000” – au KL Buchenwald (matricule 30917) où il a été transféré.

Malade, épuisé, il meurt à l’infirmerie le 30 mars 1945 (inscrit sur le registre des morts – Totenbücher – le 2 avril), après avoir reçu la visite de son ami Raymond Montégut, de Châtellerault (arrivé d’Auschwitz le 23 février avec trois autres “45000”).

Son nom apparaît sur la Liste officielle n° 4.

Le 17 avril 1946, Edgard Validire, rescapé de Buchenwald, rédige une attestation par laquelle il déclare que Charles Limousin est décédé en sa présence « au début d’avril 1945 » (il fait authentifier sa signature à la mairie de Châtellerault le 21 juin suivant). Le 17 juin, Jean Rocher, autre rescapé de Buchenwald, rédige une attestation par laquelle il déclare avoir appris la mort de Charles Limousin « le premier ou deux du mois d’avril mille neuf cent quarante cinq ».

Le 21 juin, à Châtellerault, Marie Limousin remplit un formulaire à en-tête du ministère des Anciens combattants et victimes de la guerre pour demander la régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ». Le 8 octobre, le service central de l’état civil du ministère écrit au maire de Châtellerault pour lui demander d’enregistrer la date de décès de Charles Limousin fixée au 2 avril 1945 « à Weimar » – ville la plus proche du KL Buchenwald – , indiquant qu’il sera statué ultérieurement en ce qui concerne la mention « Mort pour la France ».

Le 18 février 1947, Madame Limousin remplit un formulaire de demande d’inscription – au titre de déporté politique – de la mention « Mort pour la France » sur l’acte de décès de son mari. Le préfet de la Vienne émet un avis favorable le 12 juin 1947. Le 11 août, le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre entérine la décision et écrit au maire de Châtellerault pour lui demander de procéder à cette inscription dans les registres d’état civil.

Le nom de Charles Limousin est inscrit sur la plaque apposée dans le hall de la mairie en « Hommage aux victimes de la guerre 1939-1945 de la commune de Châtellerault ».

Le 25 mars 1952, Marie Limousin remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté résistant au nom de son mari auprès du ministère des ACVG. Elle joindra à son dossier une attestation du liquidateur du Front national selon laquelle son mari a été homologué dans la Résistance intérieure française (RIF) au grade fictif d’adjudant pour des services reconnus du 1er octobre 1940 à sa mort, consistant en « recrutement de patriotes, diffusion de tracts anti allemands, organisation de dépôts d’armes pour la Résistance ». Le 24 avril 1953, la commission départementale d’attribution du ministère siégeant à Poitiers émet un avis négatif, suivie le 26 février 1954 par un rejet du ministère qui délivre un titre de déporté politique, prenant en compte une période d’internement du 23 juin au 7 juillet 1942 ; « Il résulte du dossier que l’intéressé ne remplit pas les conditions exigées par les dispositions combinées des articles R.286 & R.287 du Code des Pensions ». Le 18 mars, sa veuve reçoit la carte n° 1.109.10006.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 114 du 17-05-2008).

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – arrestations et perquisitions à leur domicile – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré par la Wehrmacht et réservé à la détention des “ennemis actifs du Reich”. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] Les trente d’Auschwitz vers Sachso (ordre des matricules, noms de G à P) : Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Le Gal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 348 et 349, 379 et 411.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Deux-Sèvres et de la Vienne (2001), citant : Témoignage de plusieurs rescapés : Maurice Rideau (lettre du 6-11-1979), Marcel Couradeau, qui l’a revu à Sachsenhausen en décembre1944 ou janvier 1945, Raymond Montégut – Correspondances de Raymond Jamain (9-1972 et 1989) et d’Émile Lecointre (23-2-1989).
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 524.
- Site Mémorial GenWeb, 86-Châtellerault, relevé de Monique Ingé (2006).
- Direction des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Charles Limousin (21 P 478 949) consulté par Ginette Petiot (message 12-2015).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-12-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Robert LIGNEUL – (45795 ?)

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Robert, Fernand, Ligneul naît le le 20 décembre 1914 à Selommes (Loir-et-Cher – 41), fils de Placide Seigneur, 29 ans, ouvrier agricole devenu carrier (tailleur de pierre), domicilié à La Chapelle Vendômoise, enfant de l’assistance se réclamant de la tradition républicaine et anticléricale, comme son épouse, Fernande Constantin, 22 ans (celle-ci sera décédée lors du mariage de son fils).

Robert Ligneul fait ses études à l’école primaire supérieure de Saint-Aignan (41).

Il adhère aux Jeunesses communistes vers l’âge de quinze ans.

En 1932, il entre à l’École normale de Blois (41), ville où il milite au mouvement Amsterdam-Pleyel. En 1934, il est transféré, par mesure disciplinaire, à Beauvais (Oise), où il fait la connaissance de René Maublanc, professeur de philosophie.

Il est exclu de l’École normale pour son activité militante contre le service militaire de deux ans.

De la classe 1934, au recrutement de Blois, il est envoyé à Sarreguemines (Moselle), à la frontière franco-allemande, pour accomplir son service militaire. Il y fait de la prison pour avoir envoyé des articles à L’Humanité.

Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-arts entre 1936 et 1939, auprès duquel il sollicite sa réintégration, lui demande de refaire une année d’École normale, ce qu’il refuse. Robert Ligneul devient alors employé à la librairie communiste de la rue La Fayette à Paris et milite aux Jeunesses communistes du 9e arrondissement, dont il est secrétaire durant quelques mois.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 2, rue de Châteaudun à Paris 9e, à l’angle de la rue Lafayette.

À la fin de l’année 1938, il rencontre Madeleine Pointu, née le 6 janvier 1920 à Choussy (41), fille d’un militant communiste, venue à Paris en 1935 pour y travailler comme employée de magasin. Ils se marient le 1er septembre 1939. Ils n’auront pas d’enfant.

Le lendemain, 2 septembre, dès la déclaration de guerre, Robert Ligneul est mobilisé. Démobilisé le 22 août 1940, il regagne Paris et reprend contact avec le Parti communiste par l’intermédiaire de Pierre Georges (futur colonel Fabien).

Il se rend dans le Loir-et-Cher et entre en contact avec Georges Larcade afin d’organiser une filière de passage de la zone sud à la zone nord pour que des antifascistes allemands puissent agir parmi les troupes d’occupation.

Selon sa propre déclaration à la police, début 1941, étant au chômage, Robert Ligneul tente de subsister en vendant des pâtes alimentaires sur les marchés. Pour ce faire, il entre en contact avec la Société des Pâtes Fermières, sise 39, rue de Paris, à Clichy, où il rencontre André Seigneur, déclaré comme grossiste et dont il connaissait l’activité antérieure au Comité Thaëlman. En mai suivant, sur sa demande, celui-ci finit par l’embaucher comme secrétaire et représentant, en louant un bureau au 87, rue Taitbout (Paris 9e), où Robert Ligneul doit « recevoir les clients, répondre au téléphone, etc. ». André Seigneur a auprès de lui un deuxième « secrétaire », Jean-Jacques Y., ami d’enfance de son épouse, qui a d’autres tâches.

Robert Ligneul reçoit également des consignes de son « patron » lorsqu’ils se retrouvent dans différents établissements parisiens : le Princess Restaurant, rue de Londres, la brasserie La Pépinière et le tabac Saint-Augustin, place Saint-Augustin, le café Le Madrigal, sur les Champs-Élysées.

Vers le 16 octobre, une « information » parvient au service de la brigade spéciale des Renseignements généraux de la préfecture de police, signalant qu’André Seigneur aurait repris de l’activité au sein du parti communiste clandestin, remplissant les fonctions de responsable du 8e arrondissement en tenant des « conciliabules » au café situé à l’angle de la rue de la Pépinière et de la place Saint-Augustin. Des inspecteurs engagent alors une série de surveillances et de filatures à son égard et à celui des personnes avec lesquelles il est en relation. Les rapports de police montrent qu’André Seigneur a de nombreux contacts et de multiples rendez-vous, faisant suspecter une activité d’agent de liaison entre différents centres communistes. Lors de leurs déplacement à pied et en métro, ses deux secrétaires – dont « un homme à lunettes » – semblent se méfier et multiplient les manœuvres afin de déjouer les filatures.

Le 29 octobre 1941, Robert Ligneul est appréhendé à son domicile. Au cours de leur perquisition, les policiers trouvent un cahier sur lequel il a noté des indications semblant correspondre au secteur du 9e arrondissement. En même temps, sont arrêtés André Seigneur, l’épouse de celui-ci, le deuxième secrétaire et quatre autres personnes, tous conduits dans les locaux de la brigade spéciale des renseignements généraux pour y être interrogés (l’épouse de Robert Ligneul semble ne pas avoir été auditionnée).

Longuement interrogé sur les documents saisis à son domicile et à son bureau, Robert Ligneul explique notamment les parcours annotés sur son carnet comme devant servir à sa prospection dans le quartier afin d’y décrocher des contrats publicitaires.

Les documents saisis et les déclarations des personnes interpellées ne permettent pas aux inspecteurs d’établir la preuve d’une activité communiste clandestine. À la suite des auditions, six personnes sont relaxées, dont l’épouse d’André Seigneur et son deuxième secrétaire.

Le 2 novembre, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif d’André Seigneur et Robert Ligneul, « son secrétaire », à la demande de la B.S., certainement à cause de leur passé de militants communistes. Ils sont conduits au dépôt de la préfecture de police

Deux jours plus tard, Robert Ligneul fait transmettre une lettre au commissaire principal des RG, rédigée sur une page arrachée à un bloc-note quadrillé, se disant extrêmement surpris de la mesure prise contre lui. Il y réaffirme qu’un des carnets incriminés ne contient que des rendez-vous privés et l’autre des déplacements professionnels, se disant prêt à fournir tous les éclaircissements nécessaires.

Le 10 novembre 1941, André Seigneur et Robert Ligneul font partie d’un groupe de 58 militants communistes transféré au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne). Dans ce camp, l’épouse de Robert Ligneul parvient à lui rendre plusieurs visites.

Le 22 mai 1942, celui-ci fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Robert Ligneul est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Robert Ligneul lance une lettre qui est parviendra jusqu’à sa femme.Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

TransportAquarelle

Le 8 juillet 1942, Robert Ligneul est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45795, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Des témoignages convergents situent son décès à Auschwitz dans le courant octobre 1942, mais aucun document n’a été trouvé le confirmant.

Après l’arrestation et la déportation de son mari, Madeleine Ligneul donne son adhésion au Parti communiste à Auguste Lecoeur, en février 1943. D’abord affectée au travail de propagande parmi les femmes, elle devient agent de liaison du Comité central sous la responsabilité d’A. Lecoeur. Installée par le parti dans un pavillon à Sèvres (Seine-et-Oise), elle y accueille les réunions clandestines de la direction communiste de la Région parisienne : Auguste Lecoeur, Pierre Villon (COMAC), Auguste Gillot (CNR), René Camphin (FTP).

Après la Libération, elle est employée au Comité central du Parti communiste, puis, de 1947 à 1950, devient secrétaire de l’école du Comité central. De 1956 à 1961, Madeleine Ligneul est employée à l’Union des femmes françaises, puis de 1961 à 1977 à la Fédération des élus républicains.

À une date restant à préciser (avant mai 1946), Madeleine Ligneul a emménagé au 7, rue Jules-Verne à Paris 11e.

Le 4 avril 1946, Henri Gorgue, rescapé du convoi, signe un formulaire à en-tête de la Fédération nationale des déportés et internés patriotes, attestant du décès de Robert Ligneul à Auschwitz au « mois d’octobre 1942 ».

Le 17 avril, Madeleine Ligneul remplit un formulaire en vue d’obtenir la régularisation d’un « non-rentré ». Elle habite alors au 7, rue Jules-Verne à Paris 11e.

Le 26 juin 1946, un officier d’état civil du ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre dresse l’acte de décès de Robert Ligneul, en indiquant la date du 15 octobre 1945, « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus ». Le jour même, le ministère envoie au maire du 9e arrondissement une demande de transcription de la mention sur les registres d’état civil.

Robert Ligneul est homologué comme adjudant dans la Résistance Intérieure Française. Il a été déclaré “Mort pour la France”.

Une cellule du PCF du 9e arrondissement Parisien a pris son nom en 1945.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 114 du 17-05-2008).

Sources :

- P. Delanoue et Jean Maitron, notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (DBMOF), sous la direction de Jean Maitron, tome 34, page 39, citant : Témoignages de Madeleine et Gaston Ligneul, Georges Larcade – Livre d’or de l’enseignement public de Loir-et-Cher – Archives de la FNDIRP du Loir-et-Cher. – Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 84, 89, 371 et 411.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : lettres et réponse au questionnaire de Madame Ligneul (février 1992).
- Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), dossiers de la BS1 (GB 51), dossier n° 447, « affaire Seigneur – Ligneul et autres », 23 octobre 1941.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) dossiers de la BS1 (GB 51), dossier n° 447, « affaire Seigneur- Ligneul et autres », 23 octobre 1941.
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 112.
- Archives départementales de la Vienne, cote 109W75 (camp de Rouillé).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Robert Ligneul (21 P 478 887), recherches de Ginette Petiot (message 03-2014).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

René L’HELGOUAL’CH – 45794

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René, Jean, L’Helgoualch (différentes orthographes existent pour ce patronyme) naît le 17 mai 1911 à Paris 13e, chez ses parents, Guillaume L’Helgoualc’h, 26 ans terrassier, et Marie Rosine Gaouac’h, 26 ans, domiciliés au 7, passage Vallet.

Après avoir été ajourné puis exempté par le conseil de révision du Finistère au moment de son service militaire (classe 1906), son père est classé “service armé” et rejoint le 118e régiment d’infanterie le 23 novembre 1914. Le 7 juin 1915, il passe au 37e R.I. Le 17e juillet, il est évacué pour diarrhée. Le 8 octobre, il rejoint le front.

Le 26 mars 1916, le 37e RI arrive en premières lignes dans le secteur de Béthincourt (Meuse), au nord-ouest de Verdun, afin d’y assurer la garde d’un saillant très important constitué par le village, au nord du ruisseau de Forges coulant au pied des collines septentrionales du Barrois : le Mort-Homme (côte 295) et la côte 304, « les deux piliers sur la rive gauche de la défense de Verdun ». Le 8 avril suivant, quand les Allemands tentent de s’emparer de Verdun, le village, violemment attaqué, est évacué par les troupes françaises. Le 9 avril, alors que les positions de repli sont bombardées puis assaillies, Guillaume L’Helgoual’ch – blessé par grenade à l’avant-bras et à la main gauche, et par éclat d’obus à la tête – est porté disparu, parmi 689 hommes de troupe du 26 mars au 12 avril. Fait prisonnier, il est interné à Baden-Baden (Bade-Wurtemberg, Allemagne). Le 1er décembre suivant, il est interné (?) à Kandersteg (canton de Berne, Suisse) : pour soins ? Le 7 juillet 1917, il est rapatrié. Le 30 novembre suivant, la commission de réforme de Troyes le propose pour la réforme n° 1 de 4e classe pour raideur articulaire du poignet gauche, gêne des mouvements de flexion du 5e doigt. Le 28 mai 1918, il est admis à la réforme n°1 par décision ministérielle et rayé des contrôles le 10 juin suivant, se retirant à Bannalec.

Guillaume L’Helgoualc’h décède le 18 septembre 1918 à son domicile de Bannalec, âgé de 33 ans. Le 22 janvier 1919, le tribunal civil de Quimper (Finistère) déclare René L’Helgoualch, 8 ans, adopté par la Nation. En 1921, René et sa mère habitent encore au bourg de Bannalec.

Le 14 septembre 1933 à Hocquigny (Manche), René L’Helgouach, 22 ans, se marie avec Henriette Marie Constance Durand.

Au moment de son arrestation, il est domicilié rue Saint-Sauveur à Caen (Calvados).
Il est électricien.
Le 2 mai 1942, René L’Helgouach est arrêté par la police française. Il figure, comme “communiste”, sur une liste d’arrestations exigées par la Feldkommandantur 723 de Caen à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) 
[1]. Il est détenu à la Maison centrale de la Maladrerie à Caen.
Le 3 mai, remis aux autorités d’occupation, il est emmené au “petit lycée” où sont rassemblés les otages du Calvados.Le 4 mai au soir, il fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandise de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai en soirée. René L’Helgouach est enregistré sous le matricule 5229.
La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre début mai et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René L’Helgoua’ch est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45794 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, René L’Helgoual’ch est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

En effet, à une date restant à déterminer, il est admis au Block 28 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

Il meurt à Auschwitz le 20 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Le 9 décembre 1947, son acte de décès est transcrit dans les registres d’état civil de la mairie de Granville (Manche) en indiquant comme date « le 5 juillet 1942 à Auschwitz (Allemagne) ».

Déclaré “Mort pour la France”, il est homologué comme “Déporté politique”.

Le 26 août 1987, à Caen, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

Le nom de René L’Helgouach est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice de Claudine Cardon-Hamet page 124.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 361 et 411.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 130 (n° 41) et 138.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 435).
- Moteur de recherche du site internet du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (en anglais) : https://www.auschwitz.org/en/museum/auschwitz-prisoners/

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 17-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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