Yannick MAHÉ – (45811 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Yannick, Félix, Victor, Mahé naît le 3 décembre 1919 à Paris 15e (75).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 59, rue Aristide-Briand à Cachan (Val-de-Marne – 94) ou au 38, rue Mouton-Duvernet à Paris 14e. Il est marié.

Yannick Mahé est mécanicien-outilleur.

c’est un militant du Parti communiste.

Un nommé Louis Mahé, interné administrativement le 19 décembre 1939, avec trois autres élus municipaux de Romainville dont Pierre Kérautret, décède le 19 janvier 1940 : est-ce un parent ?

Le 1er février 1941, Yannick Mahé est arrêté avec son père, Félix, et Ernest Poupon pour « activité communiste » (détention de tracts) et écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

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Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. 
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. 
(montage photographique)

Début février, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine condamne Yannick Mahé et Ernest Poupon, respectivement à huit et six mois d’emprisonnement. Yannick Mahé fait appel le 4 mars.

Le 25 mars 1941, il est transféré au dépôt de la Préfecture (la Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité). Le jour-même, il est libéré (à la suite d’une décision de tribunal ?).

Le 28 avril 1942, Yannick Mahé est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Yannick Mahé y est enregistré sous le matricule 4075.

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La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers 
bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, 
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. 
À l’arrière plan, sur l’autre rive de l’Oise, 
l’usine qui fut la cible de plusieurs bombardements 
avec “dégâts collatéraux” sur le camp. 
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Yannick Mahé est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45811, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartisdans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Yannick Mahé est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». 
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre » 
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Là, il est affecté à la boulangerie. Il réussit à manifester sa solidarité envers ses camarades en mettant chaque jour deux pains sous les barbelés près desquels passait la colonne de travail de Gabriel Lejard.

Yannick Mahé meurt à Auschwitz le 21 octobre 1942, d’après les registres du camp 

[1]. Il a 22 ans.

Il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 16-07-1994).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 372 et 412. 
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Témoignage de Gabriel Lejard – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central). 
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “Occupation allemande” : BA ? (liste des conseillers municipaux communistes… établie le 27-02-1941). 
- Archives nationales, correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes, BB18 7042. 
- Archives départementales de Paris ; rôle correctionnel, cote D1u6 5850. 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 760 (36903/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-01-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

S’agissant de Yannick Mahé, c’est « le 11 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) et non le 6 juillet 1942 à Compiègne (Oise) » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Jérôme MAGNAT – (45810 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jérôme, Désiré, Magnat naît le 8 mai 1897 au lieu dit Montgermain sur la commune de Fransèches (Creuse – 23), au domicile de sa grand-mère, veuve, cultivatrice. Ses parents sont Henri Magnat, 33 ans, maçon (« actuellement absent »), et Pauline Augustin, 28 ans, cultivatrice, domiciliés à Chamberaud (23).

Pendant un temps, Jérôme Magnat est cultivateur.

En mai 1916, le conseil de révision le classe dans la 5e partie de la liste pour « faiblesse » (pour l’époque, c’est un homme assez grand : 1 m 75). Le 29 mai 1917, la commission de réforme de Guéret le classe pour le service armé. Le 3 septembre suivant, Jérôme Magnat rejoint le 78e régiment d’infanterie où il est incorporé comme soldat de 2e classe. Le 24 avril 1918, la commission de réforme de Guéret le propose pour un changement d’arme « pour insuffisance de développement et de musculature. Indice 31 

[?] ». Le 6 mai suivant, Jérôme Magnat passe au 21e régiment d’artillerie. Le 13 juin, il passe au 18e régiment d’artillerie de campagne, puis au 40e R.A.C. le 24 juin 1919. Le 26 septembre suivant, il est « envoyé en congé illimité de démobilisation » et se retire à Chamberaud.

Le 2 avril 1922, à Chamberaud, il se marie avec Jeanne Lagrange, née le 1er décembre 1891 dans cette commune.

En avril 1923, Jérôme Magnat déclare habiter à l’hôtel Bergeas de Champagne-sur-S. En octobre 1923, il se déclare cimentier, habitant à Chemilly (Yonne). En juillet 1925, il se déclare ouvrier-maçon, demeurant à Champagne-sur-S.

Jérôme et Jeanne Magnat ont – au moins – un fils, René, né le 14 août 1925 à Champagne-sur-Seine (Seine-et-Marne – 77) .

En octobre 1928 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 25, rue de Ségogne à Champagne-sur-S.

En 1928 et peut-être avant, Jérôme Magnat est bobineur-électricien à l’usine Le Matériel électriqueSchneider-Westinghouse (S. W.).

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Champagne-sur-Seine. Entrée de l’usine Schneider- 
Westinghouse (S. W.). Carte postale non-datée 
(années 1920 ?). Collection Mémoire Vive.

À l’automne 1941, son fils René sera apprenti ajusteur à l’École des métiers Lafayette [1].

Jérôme Magnat est adhérent au Parti communiste de 1936 à 1939, peut-être trésorier de cellule.

Le 28 janvier 1939, à la demande de la direction générale de la Sûreté nationale au ministère de l’intérieur et après avoir consulté ses sous-préfets, le préfet de Seine-et-Marne transmet à celle-ci un long rapport sur « l’organisation et l’activité de chacun des partis extrémistes » de son département dans lequel sont répertoriées les cellules du parti communiste. Pour Champagne-sur-Seine, il indique : « Le nombre des adhérents est de 280 environ, dont une centaine pour la cellule de la société S.W. (Schneider et Cie) […]. Les réunions se tiennent chaque semaine chez M. Rateau, chef du secteur. »

Le 1er mai 1941, un inspecteur du commissariat spécial de Melun rédige un compte-rendu d’enquête pour son chef de service, relativement à « une lettre signée peu lisiblement et signalant une activité communiste dans la région de Champagne-sur-Seine. […] Le Matériel Électrique ou « Usines S.W. » occupe […] environ 700 ouvriers. Une vingtaine environ s’était faite remarquer par son attitude communiste, parmi eux : JAY René, né le 5 avril 1892 à Saint-Mammès (Seine-et-Marne), domicilié à Champagne-sur-Seine, 10 rue Henri-Paul, veilleur de nuit au chantier du pont de cette localité […], MAGNAT Jérôme […], MÉNAGER André […], ROUSSET Georges, né le 16 septembre 1914 à Avon […], traceur sur métaux, ex-secrétaire des Jeunesses communistes de Champagne, gendre de Jay René.,TROLET François […]. Ces divers militants de l’ex-parti communiste sont encore en relations et, à plusieurs reprises, on a constaté des allées et venues. Depuis le mois de mars, trois distributions de tracts communistes ont eu lieu à Champagne-sur-Seine ; elles ont été effectuées principalement dans le quartier de l’Aubépine, […] habité par les ouvrier de S.W. Les deux dernières diffusions remontent au 23 avril […] et, enfin, dans la nuit du 19 au 30 avril […]. Cette dernière distribution n’a pas eu l’effet de propagande souhaité en raison d’une forte pluie qui s’est abattue sur la ville. À noter que JAY René et MÉNAGER André, tous deux militants convaincus, sont titulaires d’un laisser-passer de nuit pour leservice de garde du pont de Champagne-sur-Seine […] demandés par la maison Delattre et Frouard de Dammarie-les-Lys, chargée de la réfection du pont de cette commune. En outre, la situation politique du milieu ouvrier de Champagne-sur-Seine ne paraît pas s’être aggravée depuis la guerre. Au contraire, le militant le plus dangereux, le plus instruit, RATEAU Valentin, né le 6 mars 1910 à le Creusot (S et L), professeur à l’École Lafayette, est actuellement interné au Maroc. La direction de l’usine, que j’ai consulté, ne donne aucun nom de personnes pouvant servir d’agents de renseignement. Bien que déplorant la propagande antinationale communiste, la direction invoque qu’il serait délicat de déléguer un ouvrier pour la surveiller. On peut le regretter. »

Le 6 mai, le préfet de Seine-et-Marne signe un arrêté « astreignant [Jérôme Magnat] à résider au centre de séjour surveillé » d’Aincourt (plusieurs documents mentionnent la date du 6 avril, mais il s’agit probablement d’une confusion lors de la transcription dactylographiée). L’ordre est transmis le 8 du même mois.

Le 9 mai, en soirée, Jérôme Magnat est arrêté à son domicile par deux gendarmes de la brigade de Moret-Sur-Loing qui l’enferment pour la nuit dans la chambre de sûreté de leur caserne, en attendant son transfèrement qui a probablement lieu le lendemain.

Le 19 mai, Mesdames Jay, Rousset et Magnat, « femmes des membres de l’ex-parti communistes arrêtés la semaine dernière et conduits dans un camp de concentration », se rendent à l’hôtel de ville de Champagne-sur-Seine pour déclarer au maire qu’elles sont sans ressources suite du départ de leurs maris et lui demander si elles ont droit à des allocations. Le maire écrit le jour même au préfet pour lui demander des instructions à ce sujet.

Le 6 juin, Jeanne Magnat écrit au préfet de Seine-et-Marne pour solliciter la libération de son mari, car celui-ci a été appréhendé « sans qu’on nous ait donné le motif de cette arrestation. Rien dans la vie de mon mari ne permet de justifier sa détention ».

Le 12 juin, le préfet écrit une lettre rédigée en termes identiques au maire de Champagne et au directeur de l’usine SW pour demander leur avis sur l’opportunité de cette libération. Il justifie d’abord sa propre décision : « Cette mesure fut décidée en raison de la propagande communiste exercée depuis quelques mois dans la région et qui se manifeste notamment par la distribution de tracts. Bien qu’aucun fait précis n’ait été relevé à l’encontre de l’intéressé, il peut être considéré à juste titre comme un des responsable de cette activité, étant donné son passé de militant communiste. »

Le 20 juin, Jeanne Magnat écrit de nouveau au préfet pour solliciter la libération de son mari, argumentant que « l’un des deux hommes arrêtés en même temps que lui est libéré depuis plus d’une semaine. Mon mari n’est coupable pas plus que lui d’aucune action répréhensible : pourquoi ne le libère-t-on pas également ? »

Le 21 juin, le préfet rapporte la mesure d’internement et écrit au commissaire spécial de Melun pour lui demander de convoquer l’intéressé afin de l’informer « que la mesure de bienveillance dont il a été l’objet n’a été prise qu’à titre d’essai et qu’il est tenu pour responsable de toute propagande qui pourrait se manifester dans la localité ». Le 2 juillet, le commissaire rend compte qu’il a bien exécuté ces instructions. Le même jour, le directeur de la société SW écrit également au préfet pour lui signaler que son employé est passé à l’usine afin de demander à retrouver son poste. Étant disposé à le reprendre, il demande si cela est possible. Le 15 juillet, le préfet lui répond par l’affirmative.

Le dimanche 19 octobre suivant, Jérôme Magnat est appréhendé à son domicile dans le cadre d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – incendies de meules et de hangars – ayant eu lieu dans le département.

Jérôme Magnat est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (46 d’entre eux seront des “45000”). Il y est enregistré sous le matricule n° 1704.

Le 28 novembre, le nom de Jérôme Magnat apparaît sur une liste de 79 otages communistes pouvant être proposés pour une exécution de représailles, établie par la Feldkommandantur 680 de Melun et adressée au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-[en-Laye].

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Alors que les préparatifs du départ sont en cours, Prudent Prel, militant de Fontainebleau écrit un message qui parviendra à sa famille : « 5 juillet 1942 – 9h. du matin […] Nous sommes sur notre départ pour une destination inconnue, je ne sais où ils vont nous emmener […] Serons-nous déportés et considérés comme tels ? Ou irons-nous travailler en Allemagne ? […] De la région, nous partons à beaucoup : René Coudray, Bonhomme, Magnat, Trolet, Ménager, tous copains de Champagne[-sur-Seine]et de Moret[-sur-Loing], mais nous allons être dispersés, nous sommes divisés par groupe de trois cents. Nous partons à 1.200. […] Espérons que nous nous retrouverons à l’arrivée, car nous allons partir par fraction. […] »

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jérôme Magnat est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45810 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire – au cours duquel Jérôme Magnat se déclare sans religion (« Glaubenslos ») -, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de dire dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Jérôme Magnat.

Il meurt à Auschwitz le 13 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp [2].

Son nom est inscrit sur la plaque dédiée aux déportés politiques et aux victimes civiles (1939-1945) de Champagne-sur-Seine, place Paul-Jay.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 16-07-1994).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 378 et 412. 
- Archives départementales de la Creuse (AD 23), site internet du Conseil général, archives en ligne, registre des naissances de Fransèches, année 1897 (cote 4E105/16), acte n° 5 (vue 29/54) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau de Guéret, classe 1917, n° de 503 à 1002 (cote 1 R 603), matricule 763 (vue 409/778). 
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys, cabinet du préfet ; (cote M11411) ; internés M-N (SC51252) ; notes (SC51241). 
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste d’otages, document allemand, cote XLIV-60. 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 759 (35827/1942). 
- Site Mémorial GenWeb, 77-Champagne-sur-Seine, relevé de Olivier Engel (2005) ; photo.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-10-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] L’École des métiers Lafayette : aujourd’hui (2013) Lycée des métiers de l’Énergie, du Numérique et des Industries de production.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant Jérôme Magnat, c’est le 6 juillet 1942 « sans autre renseignement » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Ange-Marie MACÉ – (45809 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Ange-Marie Macé naît le 15 janvier 1894 au Teuil, commune de Montauban-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), fils de Pierre Macé, 40 ans, cultivateur, et de Marie Louise Ramel, son épouse, 31 ans.

Pendant un temps, Ange-Marie Macé habite avec ses parents aux Loges (Seine-Inférieure / Seine-Maritime

[1] – 76) travaille comme cantonnier.

Le 5 février 1912, à la mairie de Fécamp (76), il s’engage volontairement dans l’armée pour trois ans. Incorporé au 7e régiment de chasseurs à cheval, il rejoint cette unité trois jours plus tard. Le 12 juillet 1913, devant la sous-intendance militaire de Rouen, il se réengage pour un an au 24e régiment de dragons, à Dinan.

Le 2 août 1914, étant déjà sous les drapeaux quand est publié l’ordre de mobilisation générale, il part immédiatement « aux armées ». Le 25 juin 1916, il passe au 7e régiment d’artillerie. Deux jours plus tard, il entre à l’hôpital 104 à Rennes, pour en sortir le 16 août. Il y retourne le 25 septembre pour en sortir le 20 novembre. Le 6 décembre suivant, il est affecté au 38e R.A.

Le 16 décembre 1916, Ange-Marie Macé part à destination de Salonique/Thessalonique (Grèce, province de Macédoine), rejoindre l’armée française d’Orient engagée dans un soutien militaire à la Serbie. Le 4 janvier 1917, il passe au 115e R.A., 82e batterie. Tombé malade, il est évacué le 30 mars vers l’hôpital n° 9 de Salonique. Le 4 mai, il rejoint son unité, mais rechute et entre à l’hôpital n° 13 de Salonique le 28 mai. La veille, il a été affecté au 19e R.A. Le 8 juillet, il est rapatrié et conduit à l’hôpital 34, à Avignon. Le 1er septembre, il a droit à un congé de convalescence de vingt jours.

Le 22 novembre, Ange-Marie Macé est affecté au 252e régiment d’artillerie de campagne. Le 14 août 1918, il passe au 53e R.A. Le 30 août 1918, il est évacué malade. Le 9 octobre, il est affecté au 57e R.A.. Le 23 mai 1919, la commission de réforme du Havre propose de le mettre en réforme temporaire n° 1 pour « polyadénopathie cervicale bilatérale », imputable au service. À la même date, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En février 1928 et novembre 1930, la commission de réforme de Rouen lui attribuera une pension définitive d’invalidité de 30 % pour « adénopathie chronique cervicale et axillaire ; sclérose pulmonaire droite… »

Le 24 mai 1919 aux Loges, Ange-Marie Macé se marie avec Marthe Lassort. Ils auront quatre enfants.

En juin 1926, l’armée le classe dans la Réserve comme affecté spécial à la Compagnie des chemins de fer de l´État. En août 1927, il est plus précisément affecté spécial comme cantonnier des chemins de fer à Graville-Sainte-Honorine, ancienne commune annexée au Havre en 1919, pour en devenir un quartier (76).

En juin 1928 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domicilié au 112-bis, route (ou rue) de Louviers, à Saint-Pierre-lès-Elbeuf, 20 km au sud de Rouen (76).

Ange-Marie Macé est syndicaliste CGT, et probablement membre du Parti communiste.

Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Ange-Marie Macé…

Le 22 octobre 1941, Ange-Marie Macé est arrêté à son domicile par le commissaire de police de Caudebec-les-Elbeuf, sur ordre du préfet de Seine-Inférieure [2].

À une date restant à préciser, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Ange Macé est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Ange Macé est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45809, selon les listes reconstituées. La photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Ange Macé.
Il meurt à Auschwitz le 22 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 16-07-1994).Son nom est également parmi ceux des 218 militant.e.s inscrit.e.s sur plusieurs plaques apposées dans la cour du siège de la fédération du PCF, 33 place du Général-de-Gaulle à Rouen, avec un extrait d’un poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) : « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’espoir et le désespoir », et sous une statue en haut-relief dont l’auteur reste à préciser.
Monument dédié aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre dans la cour du siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive (2014).

Monument dédié aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre dans la cour du siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive (2014).

    Une des six plaques dédiées aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre, au siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive.

Une des six plaques dédiées aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre, au siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive.

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste). Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire A, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. En effet, tous les hommes appréhendés furent remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941. 44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.

(*) 150 selon 30 ans de luttes, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 377 et 412.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : Liste établie par la CGT, p. 7 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (2-1973 ?).
- Archives départementales de l’Ille-et-Vilaine, site internet, archives en ligne, état civil de Montauban-de-Bretagne, registre des naissances de l’année 1894  (10 NUM 35184 496), acte n°5 (vue 2/18).
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département : cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Lh à Q (51 W 419), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”).
- Archives départementales de Seine-Maritime, site internet du conseil général, archives en ligne : registre matricule du recrutement militaire, bureau de ?, classe 1914 (1 R 3359), matricule 1110.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 755 (32326/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-12-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

René MABILA – 45808

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René, Léon, Eugène, Mabila naît le 23 mai 1909 à Garches

[1] (Seine / Hauts-de-Seine), chez ses parents, Léon Mabila, 25 ans, maçon, et Silvine, Rachel Baron, son épouse, 25 ans, domiciliés rue des Cours-Communes. Les témoins pour l’inscription du nouveau né à l’état civil sont son oncle maternel, Eugène Baron, fruitier, et un ami de son père, marchand de beurre.

De la classe 1929, René Mabila accomplit son service militaire au 5e régiment d’infanterie à Coulommiers.

Le 28 septembre 1929 à Villevaudé (Seine-et-Marne – 77), il se marie avec Eugénie Léonie Brimant, née le 2 juillet 1907 dans cette commune.

Le couple a cinq enfants, dont André, né en 1930, Raymond, né en 1931, tous deux à Lagny-sur-Marne (77), Ginette, née en 1933, et Roger, né en 1935, tous deux à Dampmart (77), âgés respectivement de 12, 10, 8, 6 ans en mars 1942. Le dernier-né aura 4 ans à cette date (né vers 1938).

En 1936 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci habite une maisonnette en location au 8, rue de Carnetin à Dampmart, dans une boucle de la Marne, dans une boucle de la Marne, village dont la gare ferroviaire permet de rejoindre la Gare du Nord à Paris.

René Mabila est maçon (cimentier ou ferrailleur). À la veille de son arrestation, il est chef d’équipe à la Maison Schneider, 52, quai de Boulogne à Paris.

En 1936, il adhère au Parti communiste et devient secrétaire de la cellule de Thorigny-sur-Marne (77), commune voisine de son domicile, diffusant les journaux de l’organisation.

Le 28 janvier 1939, à la demande de la direction générale de la Sûreté nationale au ministère de l’intérieur, et après avoir consulté ses sous-préfets, le préfet de Seine-et-Marne transmet à celle-ci un long rapport sur « l’organisation et l’activité de chacun des partis extrémistes » de son département dans lequel sont répertoriées les cellules du parti communiste. Pour Thorigny, il désigne effectivement René Mabila comme secrétaire. « Les réunions de cette cellule, dont l’activité est nulle, se tiennent au Café Antony, place de l’Église […] ».

Le dimanche 19 octobre 1941 à 17 heures, René Mabila est appréhendé à son domicile par des Feldgendarmes au cours d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – incendies de meules et de hangars – ayant eu lieu dans le département.

Le même jour, René Mabila est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est immatriculé sous le n° 1778, parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre ; 42 d’entre eux seront des “45000”.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Le 15 novembre, le commissaire de police judiciaire M. écrit au commissaire divisionnaire, chef de la 1re brigade régionale de police judiciaire : « Au cours de l’entretient que j’ai eu, hier, avec Monsieur le colonel, chef de la Fedkommandantur de Seine-et-Marne, cet officier supérieur m’a demandé de lui signaler une douzaine d’individus arrêtés comme otages et internés au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), dans le but de les remettre en liberté. Aucun autre incendie n’ayant été allumé depuis le 19 octobre 1941 et la population, très calme, de ce département étant satisfaite des mesures prises, M. le colonel a tenu à faire un geste de bienveillance et d’humanité. M. le préfet de Seine-et-Marne est au courant de ces faits et la liste ci-dessous a été établie avec mon collègue, Monsieur R., commissaire spécial de Melun. » Figurent notamment sur cette liste de simples syndicalistes et des pères de familles nombreuses, parmi lesquels René Mabila.

Entre fin avril et fin juin 1942, celui-ci est néanmoins sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Mabila est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45808 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Mabila est probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au bâtiment de chirurgie (Block 21) de l’hôpital des détenus du camp souche (Auschwitz-I).

René Mabila meurt à Auschwitz le 28 janvier 1943, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].Il est homologué comme “Déporté Politique” (décision de la Préfecture de Melun, 15-12-1947). La mention « Mort pour la France » est portée sur les registres d’état civil (22-12-1947).

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Dampmart, devant la mairie.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 16-07-1994).

Notes :

[1] Garches : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite au Journal Officiel : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de René Mabila, c’est le mois de septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès (état civil de Dampmart 11-02-1947). La parution au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 377 et 412.
- Recherches conduites par Cl Cardon-Hamet : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, février et déc.1992 – Val-de-Fontenay : novembre 1993 – Mairie de Dampmart – Lettre de l’un de ses fils (11-03-1992).
- Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Garches, année 1909 (E NUM GAR N1909), acte n° 13 (vue 9/25).
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys : cabinet du préfet, attribution du titre de déportés politique (SC1994) ; arrestations collectives octobre 1941 (M11409) ; arrestations allemandes, dossier individuel (SC51228) ; notes (SC51241).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 755 (4272/1943).
- Site Mémorial GenWeb, 77-Dampmart, relevé de Bernard Pascal (2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Abram LUBELSKI (ou Abraham Ludoski) – 46298

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Abram Lubelski naît le 20 décembre 1893 à Baronowicze (Pologne).

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Abram Lubelski est domicilié au lieu-dit – ou quartier – Maison Rouge à Ouilly-le-Vicomte (Calvados – 14), où il vit seul avec son épouse, Sura, née en 1895 en Pologne ; très probablement Sarah, née Baurer le 14 juillet 1895 à Krasoniek, naturalisée française (en même temps que son mari ?). Selon une source restant à préciser, Abram Lubelski est ingénieur. Mais des indications fournies par le maire de la commune (quand ?) indiquent que celui-ci tient un « petit commerce ambulant de vêtements et de chapeaux » ; c’est effectivement la profession enregistrée lors du recensement de 1936 (« marchand ambulant »).

Le 1er mai 1942, Abram Lubelski est arrêté par la police française à Ouilly, inscrit comme Juif (orthographié Abraham Ludolski et désigné comme « forain »)  sur une liste d’arrestations demandées par la Feldkommandantur 723 de Caen à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) 

[1]. Il est certainement parmi les détenus qui sont passés par le “petit lycée” de Caen avant d’être transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, Abram Lubelski est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Abram Lubelski est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46298 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Abram Lubelski.

Il meurt à Auschwitz le 2 août 1942, selon deux registres du camp ; trois semaines après l’arrivée de son convoi [2].

Le 9 octobre 1942, Sarah Lubelski (Lubelki) est arrêtée à Ouilly-le-Vicomte, internée deux jours plus tard au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis), déportée vers Auschwitz le 4 novembre suivant dans le convoi n° 40 : 1000 déporté(e)s, 639 gazé(e)s à l’arrivée, 269 hommes et 92 femmes intègrent le camp. En 1945, seuls 4 hommes ont survécu.

Le 26 août 1987, à Caen, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

Le nom d’Abraham Lubelski (ou Ludolski) est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Les noms de Sarah Lubelki et d’Abram Lubelski sont inscrits sur une des dalles – année 1942 – du Mur des Noms au sein du Mémorial de la Shoah, au 17 rue Geoffroy-l’Asnier à Paris 4e.

Le Mémorial de la Shoah. À gauche, dans son état en 2011, le panneau du Mur des noms pour les déportés de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés depuis l’achèvement du mur » (janvier 2005). De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942 y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.

Le Mémorial de la Shoah. À gauche, dans son état en 2011, le panneau du Mur des noms pour les déportés
de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés depuis l’achèvement du mur » (janvier 2005).
De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942 y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.

LubelskiAbramSara

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total, plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[2] La surmortalité des détenus juifs ayant intégré le complexe d’Auschwitz-Birkenau : Quarante jours après l’arrivée des “45000” – soit le 18 août 1942 au matin – sur les cinquante déportés juifs enregistrés comme tels dans le camp, 34 ont perdu la vie, soit 68 % de leur groupe. À la même date, les 142 déportés décédés appartenant aux autres catégories d’otages du convoi représentent 13 % de leur effectif. Cette disproportion statistique rend compte de la persécution antisémite interne au camp, notamment sous forme de violences ciblées perpétrées par des cadres détenus polonais ou allemands (kapos sur les chantiers, chefs de Block).

 

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Cardon-Hamet page 127.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, pages 145 et 146, 362 et 412.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 136 et 138.
- Yves Lecouturier, Shoah en Normandie, 1940-1944, éditions Cheminements, Le-Coudray-Macouard (Maine-et-Loire), mai 2004, pages 115-118, liste p. 246.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 744 (17911/1942).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet : résultats du moteur de recherche pour les personnes.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-07-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Julien LOULMET – 45807

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Julien, Eugène, Loulmet naît le 17 novembre 1904 à Paris 18e, chez ses parents, Julien Joseph François Loulmet, 26 ans,  menuisier, et Marie Pauline Malteste, 21 ans, son épouse, domiciliés au 24 bis impasse Calmel. Il a une sœur cadette, Paulette, née en 1910 à Paris.

Le 2 décembre 1913, la famille habite au 6 impasse Cage à Saint-Ouen 

[1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), chez Monsieur Nogeleiseu.

Julien Loulmet père, est rappelé à l’activité militaire comme “territorial” par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Passé au 33e régiment d’infanterie coloniale, il est blessé le 27 septembre 1917 à Beaumont (Meuse). Le 26 septembre 1918, la commission de réforme de Saintes le propose pour une réforme temporaire n° 1 pour « diminution de la fonction respiratoire du poumon gauche suite à une plaie pénétrante de poitrine par un éclat d’obus avec hémopneumothorax consécutif à phlegmon gazeux de la paroi externe de l’hémithorax gauche ». Le 2 octobre 1919, la 2e commission de réforme de la Seine le propose pour une pension  d’invalidité de 20 %.

En 1921, la famille est installée au 124 rue des Rosiers à Saint-Ouen.

En 1926, inscrit comme électeur du département de la Seine, Julien Loulmet déclare travailler comme ajusteur. En 1931, sa sœur Paulette est couturière.

À l’été 1934, Julien Loulmet vit encore avec ses parents au 1 impasse Chevallier à Saint-Ouen.

Le 30 juin 1934 à Paris 18e, il se marie avec Fernande Blanche Trassard, 23 ans, manutentionnaire, alors domiciliée chez ses parents au 26 rue Eugène Sue. Leurs témoins sont un ouvrier fraiseur et une autre manutentionnaire. Julien et Fernande Loulmet n’auront pas d’enfant.

En 1936 et jusqu‘au moment de son arrestation, Julien Loulmet est domicilié au 37, rue de la Chapelle (aujourd’hui rue du Docteur Bauer), à Saint-Ouen. En 1936, il est ajusteur à la Société des forges et ateliers de constructions électriques de Jeumont à Saint-Denis, et Fernande est blanchisseuse chez Weill à Paris 11e.

Sous l’occupation, la police française considère Julien Loulmet comme un « meneur communiste très actif, partisan acharné des idées révolutionnaires ».

Le 27 juin 1941, il est appréhendé (probablement à son domicile) par les services du commissariat de Saint-Ouen  dans le cadre d’une vague d’arrestations visant des militants ouvriers du département de la Seine (Paris et la “petite couronne” de banlieue). Le préfet de police a signé les arrêtés ordonnant leur internement administratif, en application du décret-loi du 18 novembre 1939 organisant, en situation d’état de siège, « les mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la défense nationale ou pour la sécurité publique », mais ces opérations sont menées en concertation avec l’occupant. En effet, depuis le 22 juin, des militants arrêtés dans les mêmes conditions sont conduits à l’hôtel Matignon pour être livrés aux « autorités d’occupation » qui les rassemblent ensuite au Fort de Romainville (HL 122), sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis) [2].

La plupart est transférée – le jour-même ou dans les jours suivants [3] – à Compiègne (Oise) dans des trains partant depuis la gare du Bourget. Ils sont internés au camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Julien Loulmet y restera un an.

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Julien Loulmet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45807 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Julien Loulmet.

Il meurt à Auschwitz le 3 août 1942, d’après  l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; moins d’un mois après l’arrivée de son convoi.

Le 6 novembre 1947, son acte de décès officiel établi par les services du ministères des Anciens combattants et Victimes de guerre est transcrit sur les registres d’état civil de la mairie de Saint-Ouen, avec la mention « Mort pour la France ».

Fin mai-début juin 1957, sa mère dépose une demande de carte de déporté politique.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 205 du 3-09-2008).

À Saint-Ouen, le nom de Julien Loulmet est inscrit sur la stèle érigée en « Hommage aux résistants, femmes, hommes, déportés à Auschwitz-Birkenau ».

Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”, inauguré le 24 avril 2005 dans le square des 45000 et des 31000.

Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”, inauguré le 24 avril 2005
dans le square des 45000 et des 31000.

Notes :

[1] Saint-Ouen : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968). La commune est renommée Saint-Ouen-sur-Seine en novembre 2018 à l’initiative du maire, reprenant ainsi une appellation non-officielle reconnue par l’usage depuis le 19e siècle, notamment par la Poste, afin de limiter les risques de confusion avec des communes homonymes en France.

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre.

Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] Une autre arrestation du 27 juin 1942 – Henri Rollin: « …, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention « communiste », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 387 et 412.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 0036-23353).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 740 (18197/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 29-05-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

René LOUIS – (46249 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René, Georges, LOUIS naît le 16 juillet 1920 à Paris 12e – au 18 rue Crozatier -, fils de François Louis, 23 ans, emballeur (salarié de la Cristallerie de Saint-Louis), et de Louise Lucie Dunan, 20 ans, mécanicienne, son épouse, domiciliés au 6 rue Émile Lepeu.

Son père a été mobilisé au cours de la Première Guerre mondiale, le 13 avril 1915. Parti « aux armées » (sur le front) le 3 décembre 1915 avec le 31e régiment d’infanterie. Le 23 juin 1917, il a été cité à l’ordre de son régiment : « S’est distingué pendant les attaques du 16 au 23 avril 1917 par l’entrain avec lequel il a combattu et par son sang-froid dans le péril ». Le 27 juin suivant, dans la tranchée de Châteauneuf, à la route 44, il a été intoxiqué par les gaz de combat, et évacué sur une ambulance, rentrant au dépôt divisionnaire le 2 août suivant après un congé de convalescence. Il a été démobilisé le 23 septembre 1919, titulaire d’un certificat de bonne conduite, se retirant au 17 rue Caillé à Paris, puis emménageant au 6 rue Émile Lepeu dès le 9 octobre suivant.

À la mi-octobre 1921, la famille emménage au 81, rue Jean-Jaurès à Romainville

[1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), chez les parents de Louise, qui hébergent également la sœur de celle-ci et son mari.

René a un frère cadet, Raymond, né en 1923.

En 1936, et jusqu’au moment de son arrestation, René Louis est toujours domicilié chez ses parents, alors au 109, rue Jean-Jaurès à Romainville (nouvelle numérotation de rue ?).

René Louis est livreur, coursier. À partir de 1937, il est chargé d’effectuer les encaissements pour son employeur, la teinturerie Léon Réna (?).

Sous l’occupation, il est en contact avec un groupe de militants communistes clandestins de Romainville.

Le 17 septembre 1940, il est arrêté par des agents du commissariat de police de la circonscription des Lilas après avoir distribué des tracts communistes. Une note de police mentionnera également « des inscriptions à la craie ».

Le 22 octobre, il est placé sous mandat de dépôt ou d’écrou à la Maison d’arrêt de La Santé (Paris 14e).

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 8 février 1941, lors d’une audience au cours de laquelle sont jugés 48 militants communistes (dit « procès des cinquante » ?), dont dix-sept futurs “45000”, la chambre des mineurs (15e) du tribunal correctionnel de la Seine condamne René Louis à huit mois d’emprisonnement pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (propagande communiste). Comme les autres condamnés, il fait appel de la sentence le 28 février.

À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré : le 18 mars, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif. Le lendemain, il est conduit à la préfecture de police, où on l’informe de cette décision. Puis on le ramène à La Santé, où il attend son placement dans un centre d’internement… Désormais, la police française le désigne comme un « meneur communiste particulièrement actif ».

Le 7 avril, René Louis est conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes ou syndicalistes avant-guerre. Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.

Le “sana” d’Aincourt transformé en camp. Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante

Le “sana” d’Aincourt transformé en camp. Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante

Deux jours plus tard, le 9 avril, la Cour d’appel de Paris examine la situation de cinquante condamnés pour activité communiste. Elle confirme le jugement de première instance concernant René Louis. Il est ramené à Aincourt le 21 avril.Le 6 septembre, il fait partie des 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 18 mars 1942, René Louis est parmi les treize “jeunes” communistes « extraits par les autorités allemandes et transférés, pour des raisons qui n’ont pas été indiquées » au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; tous sont de futurs “45000” sauf André Giraudon, de Bourges, fusillé au Mont-Valérien le 9 mai 1942.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, René Louis est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, René Louis est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46249, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté René Louis.

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943.

En France, le 23 octobre 1946, une mention en marge de son acte de naissance fixe son décès au 15 septembre 1942.

Le nom de René Louis est inscrit sur une des plaques commémoratives («  mort dans la résistance ») apposées dans le hall de la mairie de Romainville.

Notes :

[1] Romainville  : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 387 et 412.
- Archives nationales : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes, BB18 7043.
- Archives de Paris : archives judiciaires, registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 14 janvier-12 février 1941.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Romainville, relevé de Christiane Level-Debray (06-2004).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-06-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Pierre LOUIS – 45806

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Pierre LOUIS naît le 8 janvier 1922 à Dombasle (Meurthe-et-Moselle), fils naturel de Mathilde Schiesser, alors divorcée.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 71, avenue de Saint-Denis à Villetaneuse 

[1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93).

La police française le considère comme un « communiste notoire » et note qu’il figure « sur une liste d’indésirables de Villetaneuse en 1940 ».

Le 28 avril 1942 à 6 heures du matin – rentrant de son travail -, il est arrêté à son domicile par des Allemands aidés par la police française, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Pierre Louis est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Pierre Louis est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45806 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Pierre Louis.

Il meurt à Auschwitz le 8 août 1942,  selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; un mois après l’arrivée du convoi. Il a 20 ans.

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Villetaneuse, situé dans le cimetière communal, et sur une stèle située sur la pelouse en face du 29, avenue de la Division-Leclerc (correspondant à son domicile).

(Pierre Louis est le seul “45000” de Villetaneuse).

Peu après la Libération, Pierrette Petitot, née Schiesser, nièce de Mathilde et cousine de Pierre Louis, est élue Maire de Villetaneuse, puis Conseillère générale de la Seine-Saint-Denis, jusque dans les années 1970.

Notes :

[1] Villetaneuse : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 387 et 412.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”,  (BA ?).
- Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue, une histoire, Les éditions de l’Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004, page 227.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 740 (18856/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Villetaneuse, relevés d’Alain Claudeville (10-2002).
- Philippe Dhenein, arrière-petit-fils de Mathilde Schiesser, message de rectification et de complément (04-2021).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Victor LOUARN – 45805

Victor Louarn naît le 30 mars 1919 à Concarneau, dans la ville close (Finistère – 29), fils de Victor François Louarn, 25 ans, marin-pêcheur, et de Jeanne Marie Kermenguy, 23 ans, son épouse. Il a deux frères, Fernand Joseph, né le 19 mars 1914 (reconnu le 1er mars 1918), Théophile (« Théo »), Fernand, né le 1er février 1921, et une sœur, Jeanne, née en 1925, tous trois à Concarneau.
Au moment de son arrestation, Victor Louarn est domicilié chez ses parents au 13, rue des Remparts à Concarneau.
Concarneau, la ville close et ses remparts. Carte postale “voyagée en 1960”, collection Mémoire Vive.

Concarneau, la ville close et ses remparts.
Carte postale “voyagée en 1960”, collection Mémoire Vive.

Célibataire, il est sportif et pratique le football avec son frère Théo dans le club laïque, l’Union sportive de Concarneau (USC).
En 1936, Victor Louarn est manœuvre à l’usine de conserves Provost-Barbe, puis il devient régleur sertisseur à la conserverie Bouvet.

Concarneau. Sertissage des boîtes de thon à l’usine Provost-Barbe. Carte postale oblitérée en 1938. Coll. Mémoire Vive.

Concarneau. Sertissage des boîtes de thon à l’usine Provost-Barbe.
Carte postale oblitérée en 1938. Coll. Mémoire Vive.

En 1939, il est mobilisé comme soldat de 2e classe au 52e bataillon de chars et rejoint le camp de Meucon (Morbihan). Fait prisonnier de guerre, il est « libéré par la gendarmerie » (?).

Militant actif du Parti communiste, il est à l’origine de la formation du Front national 

[1] sous la direction d’Esprit Jourdain, de Concarneau (déporté avec lui). Victor Louarn diffuse des tracts et journaux clandestins, participe à des collages d’affiches à la nuit tombée, ainsi qu’à des sabotages de matériel et d’entreprises utiles à l’armée d’occupation.

Le 2 mars 1941, il doit être embauché à la Société Concarnoise des Boites Métalliques, mais – le jour même -, l’entreprise est réquisitionnée par les « autorités allemandes », et lui-même est réfractaire à cette réquisition.

Le 11 juin suivant, à 19 h 30, Victor Louarn est arrêté arrêté par la police française, avec son frère et Louis Tudal (?), et emprisonné le lendemain à Saint-Charles, une école de Quimper transformée en prison.

Le 23 juin, un tribunal de Quimper le condamne à six mois d’emprisonnement.

Le 1er mai 1942, remis aux autorités d’occupation à leur demande, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Victor Louarn est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Victor Louarn est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45805 (ce matricule sera tatoué sur son bras gauche quelques mois plus tard).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Victor Louarn est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Il y est témoin du martyre de Christophe Le Meur qui succombe après avoir été frappé à coups de manche de pioche par un kapo. Victor Louarn est notamment affecté au Kommando de déchargement des pommes de terres, travail qui se fait à un rythme épuisant. Pour ne pas mourir de faim, il tue et mange des mulots, ce qui lui vaut une sorte de réputation, y compris auprès des gardiens SS.Le 17 ou 18 mars 1943, Victor Louarn fait partie des dix-sept “45000” rescapés de Birkenau conduits à Auschwitz-I (en tout, 24 survivants sur 600 !).

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Peut-être est-il affecté à la forge, avec Marceau Lannoy et Eugène Charles (à vérifier…).

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis (l’a-t-il fait ?).

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Victor Louarn est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine”, au Block 10, en préalable à un transfert.

Le 29 août 1944, Victor Louarn est parmi les trente “45000” [2] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “proeminenten”) transférés au KL Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont affectés au Block 66.

Sachsenhausen est évacué le 21 avril 1945. Dirigée vers le nord-est, la colonne de détenus dans laquelle se trouve Victor Louarn est libérée à Glewitz (Mecklembourg-Poméranie-Occidentale) le 2 mai par l’avancée des troupes soviétiques.

Celui-ci est rapatrié en France le 20 ou 23 mai, en avion.

La nouvelle de la mort de son jeune frère Théophile – déporté le 22 janvier 1944 à Buchenwald et mort à Ellrich le 27 mars 1945 – l’affecte profondément. Après la guerre, la municipalité de Concarneau rappelle le sacrifice de celui-ci en donnant son nom à une rue de la ville close (la rue des Remparts, où la famille habitait ?).

C’est Victor Louarn qui prévient la famille de Joseph Le Meur de la mort de celui-ci à Auschwitz.

Avec l’appoint du “pécule du prisonnier”, Victor Louarn s’installe comme mareyeur (« gérant de marée »), assurant vente locale et expédition, employant des salariés. Il reprend même les activités sportives dans son club.  Le 13 avril 1946 à Concarneau, il se marie avec Thérèse Le Floch. Ils auront deux filles.

En 1951, Victor Louarn complète et signe un formulaire du ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre (ACVG) pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant. Le 10 octobre 1952, il reçoit la carte DR n° 1004.12689.

Mais, en 1955, la tuberculose qu’il a contracté dans les camps s’aggrave. Il subit une grave intervention (thoraco ?) qui le contraint à arrêter le travail. Son épouse tient alors un petit commerce de poisson.

Il décède le 3 mars 1979, âgé de 60 ans.

Des obsèques solennelles lui rendent hommage.

Notes :

[1] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : large mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

[2] Les trente d’Auschwitz vers Sachso : (ordre des matricules, noms de G à P) Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Le Gal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 142, 184, 187 et 188, 319, 348 à 350, listes p. 359, 364 et 412.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Bretagne (2002), citant : Victor Louarn, lettres à Roger Arnould, documentaliste de la FNDIRP, 1972 – Témoignage de Roger Abada (45157), 1989 – Brochure : “Concarneau sous l’occupation”, p. 4, 6, 7 – Eugène Kerbaul,Cahiers d’Histoire de l’IRM, n° 22, 1985, page 100.
- Témoignage de Madame Louarn, recueilli à une date inconnue par Jean Le Meur et Joseph Cotten.
- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 34, page 203.
- “P.C.”, Auschwitz : antre du crime et du sadisme, d’après le récit d’Emmanuel Michel, janvier 1946.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 P 566 392).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Jean, Baptiste, LORY – 45804

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jean, Baptiste, Lory naît le 10 mai 1909 à Sarzay (Indre – 36), fils de Louis Eugène Lory, 29 ans, charron, et de Marie Louise Aubard, 22 ans, son épouse, domiciliés au lieu dit Baudry.

Jean Baptiste Lory commence à travailler comme ébéniste.

De la classe 1929 et du recrutement de Châteauroux, il accompli son service militaire au 13e régiment de Dragons à Melun.

Au retour, il réside 10 rue de la Fédération à Houilles (Seine-et-Oise / Yvelines).

Le 22 mars 1930, à Houilles, âgé de 20 ans, il se marie avec Marguerite Afrédine Lebrun, 27 ans, née le 20 juillet 1902 à Glas-sur-Lisieux (Calvados). Ils n’auront pas d’enfant.

À partir de l’été 1935 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 74, rue Marius-Aufan à Levallois-Perret

[1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

En février 1937, il entre comme ajusteur à la Société nationale de construction aéronautique du Sud-Ouest (SNCASO) – anciennement Blériot -, quai Galliéni, à Suresnes

Entre septembre 1939 et juin 1940 (l’Exode), Jean Lory est mobilisé comme “affecté spécial”, dans son entreprise. Le commissaire de police de la circonscription de Levallois-Perret le considère comme un des dirigeant du Comité populaire de l’usine.

En janvier 1940, un indicateur affirme que Jean Lory a reçu des tracts à son domicile afin de les distribuer. Il se serait débarrassé de ceux qui lui restaient avant une perquisition policière qui s’est révélée infructueuse.

Son usine ayant été liquidée en juillet 1940, il est au chômage pendant quatre mois. À partir du 25 novembre, il travaille au Paris Studio Cinéma, quai du Point-du-Jour, à Boulogne-Billancourt, puis, fin janvier 1941, aux établissements Niepce, sis au 18, boulevard de la République, à Boulogne-Billancourt. Il envisage de retourner dans l’Indre – en zone non-occupée – afin de reprendre « l’industrie rural » [sic] de son père.

Le 4 juillet 1941, il est arrêté à la demande du commissaire de Police de Levallois-Perret, qui le désigne comme « meneur communiste actif », en application de décret du 18 novembre 1939. Le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif : il est conduit à la caserne désaffectée des Tourelles, 141, boulevard Mortier, Paris 20e, “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police de Paris.

Dès le 19 juillet, Jean Lory écrit au préfet de police pour solliciter sa libération, réfutant avoir jamais eu d’activité politique ou syndicale, ni n’avoir eu aucune activité de propagande.

Le 9 octobre, il est parmi les 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Une courte notice (AS ?) rédigée le 5 octobre 1941 par les Renseignements généraux indique que Jean Lory « a poursuivi, malgré la dissolution de parti communiste, la propagande parmi ses camarades de travail ».

Le 7 janvier 1942, son épouse écrit au préfet de police pour solliciter sa libération : « Mon mari n’ayant jamais fait ni appartenu à une activité politique [sic], je vous demande de bien vouloir faire une contre-enquête ».

Le 14 janvier, le chef du 1er bureau du cabinet du préfet de police adresse une note au commissaire de Levallois-Perret afin que celui-ci fasse connaître à Madame Lory que « sa demande ne peut être favorablement accueillie dans les circonstances actuelles ».

Le 19 janvier, Madame Lory écrit de nouveau au préfet de police pour lui demander de faire procéder à une enquête légitimant la libération de son mari : « ses employeurs, ainsi que notre entourage dans le quartier sont prêts à témoigner en sa faveur ».

En avril 1942, il semble qu’elle effectue une autre démarche auprès des autorités françaises.

Le 22 mai, Jean Lory fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

———
A.R.

1053.I

11 juin 1942

NOTE
pour Monsieur le Directeur Général des Renseignements Généraux.

Par lettre du 3 juin courant, M. le Chef du Gouvernement, Ministre Secrétaire d’État à l’Intérieur, vient d’appeler l’attention sur l’opportunité de ne prononcer de mesure d’internement qu’en présence d’actions récentes mettent en danger la sécurité de l’État, le rappel d’un passé politique ne pouvant, à lui seul, justifier une mesure de ce genre, en raison des très graves conséquences qu’elle est susceptible d’entraîner.
À la suite de ces instructions, j’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir examiner à nouveau le cas des nommés : VILLEMINOT, Louis ; ROSE, né Duflot Henriette ; LORY, Jean-Baptiste ; WATREMEZ, Camille, et CHARTRON, Robert, objets de vos rapports R.G.I. n° 1831, 1886, 1647 du 23 mai 1942 ; n° 1929 du 29 mai 1942 et du rapport sans référence en date du 2 juin 1942, les faits reprochés aux intéressés ne paraissant pas de nature à justifier une prolongation de leur internement.

Le Directeur du Cabinet
Le Chef du 1er B(ureau ?)
————
Le 16 juin, le préfet de police écrit au préfet délégué du ministère de l’Intérieur dans les territoires occupés pour lui faire savoir qu’il estime « inopportune » la libération de Jean Lory « dans les circonstances actuelles ».

Entre fin avril et fin juin 1942, celui-ci est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Jean Lory est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45804 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Jean Lory est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 4 novembre, il est admis au Block n° 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

Il meurt à Auschwitz le 22 novembre 1942, selon une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, et où est inscrit le matricule n° 45804.

Il est homologué comme “Déporté politique”.

Notes :

[1] Levallois-Perret : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 383 et 412.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : – Archives municipales de Levallois-Perret – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (liste incomplète, par matricules, du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (3095 bis).
- Archives de la préfecture de police (Seine), site du Pré-Saint-Gervais : cabinet du préfet de police, dossier individuel (1w0736) ; cartons “occupation allemande” :  Les Tourelles… (BA 1836) ; (BA 1837).
- Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris ; liste XLI-42, n° 115.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre du Block n° 20 de l’hôpital d’Auschwitz, p. 71.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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