Jacques MARTEAUX – 45840

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jacques, Lucien, André, Marteaux naît le 21 juillet 1923 à Saint-Quentin (Aisne), fils de Narcisse Marteaux et d’Henriette Gombaud.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 4, rue d’Issy à Boulogne-Billancourt 

[1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

Jacques Marteaux est ajusteur, ouvrier d’usine.

Le 18 mars 1941, il est arrêté pour « collage de papillons communistes ». Le lendemain, il est placé sous mandat de dépôt.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 12 juin, Jacques Marteaux comparaît avec six autres jeunes militants devant la chambre des mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine qui le condamne à un mois d’emprisonnement. Civilement responsable, son père, alors âgé de 44 ans, infirmier, est convoqué à l’audience. Jacques Marteaux est libéré a l’expiration de sa peine.

Le 28 avril 1942, il est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine – avec le concours de la police française – et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Jacques Marteaux est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jacques Marteaux est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45840 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard). Il n’a pas encore 19 ans.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Jacques Marteaux est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est affecté au garage avec Clément Pellerin, de Suresnes, et Raymond Saint-Lary, de Fresnes. (est-ce le “bon” Marteau ? à vérifier…).

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août, Jacques Marteaux est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient
les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage
de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre, à la suite de la visite du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

À la fin de l’été 1944, Jacques Marteaux est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres survivants du convoi sont transférés vers d’autres camps.

En janvier 1945, lors de l’évacuation d’Auschwitz, il est parmi les douze “45000” incorporés dans des colonnes de détenus dirigées vers le KL [2] Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw.

En février, il est parmi les quinze “45000” évacués vers le complexe concentrationnaire de Dora-Mittelbau et répartis dans différents Kommandos. Jacques Marteaux est dirigé vers Dora-Osterode avecMaurice Courteaux et Pierre Felten.

Le 11 avril 1945, Dora est évacué. Jacques Marteaux est libéré à Brochewec.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945.
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

Il décède le 21 octobre 1991.

Notes :

[1] Boulogne-Billancourt : créée sous le nom de Boulogne-sur-Seine en 1790, la commune prend le nom de Boulogne-Billancourt en 1926, le rattachement de Billancourt datant de 1859. Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 350 à 352, 359, 381 et 413.
- Raymond Saint-Lary, témoignage vidéo pour Mémoire Vive (28-04-1999).
- Archives de la préfecture de police : cartons “occupation allemande” (BA ?).
- Archives de Paris, archives judiciaires : jugement du 12 juin 1941 (D1u6 3768).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-06-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

André MARTEAU – (45838 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

André, Albert, Marteau naît le 18 mars 1922 à Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire – 37), commune limitrophe à l’ouest de Tours, entre le Cher et la Loire, fils d’Albert Marteau, 32 ans, employé de la Compagnie de chemin de fer de Paris à Orléans (P.O.), et de Juliette Coulounier, 29 ans, son épouse, domiciliés au 100 rue de Jéricho. En 1931, son père est devenu surveillant à la Compagnie du P.O.

Avant-guerre, son père est conseiller municipal communiste de Saint-Pierre-des-Corps, adjoint au maire.

André Marteau, qui a suivi un apprentissage en menuiserie, doit quitter son emploi « par suite des évènements » et travaille successivement dans une entreprise pour le compte de la SNCF et aux Établissement Liotard.

En 1940, son père est muté à Lourdes (Hautes-Pyrénées) par son employeur, la SNCF, en raison de ses opinions politiques.

André Marteau rejoint l’organisation clandestine du Parti communiste, peut-être sous les ordres indirects de Paul Desormeaux, ajusteur à la CIMT, interrégional du PC clandestin. Il participe à la diffusion de tracts dans les milieux ouvriers qu’il côtoie, à la SNCF puis aux établissements Liotard. Dans cette usine, il participerait « à la détérioration de machines-outils, ou pièces, ou appareils » en cours de fabrication.

Au moment de son arrestation, André Marteau est domicilié 10 rue Aristide Briand à Saint-Pierre-des-Corps.

Le 24 juin 1941, il est arrêté par la police allemande et condamné par un tribunal militaire à un an d’emprisonnement. Le 14 janvier 1942, il est mis en liberté surveillée.

Début février 1942, une sentinelle allemande en faction rue du Sanitas à Tours est “exécutée” par un résistant armé (Marcel Jeulin, 21 ans). Les autorités d’occupation font insérer dans le journal local, La Dépêche du Centre, un avis selon lequel des arrestations auront lieu, suivies d’exécutions et de déportations vers l’Est, si les coupables ne sont pas découverts.

Le 9 février, André Marteau est arrêté comme otage de représailles par des « agents de la Gestapo » et conduit au centre d’internement installé dans la caserne de l’ex-501e régiment de chars de combat. Quelques jours après, il est transféré à la Maison d’arrêt de Tours. Ils sont dix soupçonnés d’activité communiste clandestine à subir le même sort, dont le jeune Jacques Mazein et Stanislaw Tamowski…

Début avril, André Marteau est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Marteau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45838 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté André Marteau.

Il meurt à Auschwitz le 11 novembre 1942, d’après une source à vérifier. Il a 20 ans.

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Saint-Pierre-des-Corps. Un certain Pierre Marteau y est également inscrit, mort en captivité à 23 ans : s’agit-il d’un parent ?

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 364 et 413.
- Archives départementales d’Indre-et-Loire-et-Loire, Tours : commission départementale des déportés et internés (ministère des anciens combattants et victimes de guerre), demandes de pension, dossiers de Magineau à Quidu (50 W 34).
- Site Mémorial GenWeb, relevé de Stéphane Le Barh et Catherine Rouquet (08-2003).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 13-12-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

Serge MARTEAU – 45839

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Serge, Charles, Marceau, Marteau naît le 2 janvier 1913 à Monthou-sur-Cher (Loir-et-Cher – 41), dans la région des cépages de Touraine, fils d’Édouard Marteau et de Marie Chipault, son épouse.

À une date restant à préciser, Serge Marteau épouse Hélène Davause.

Il est cultivateur, puis éclusier à Thésée, commune voisine, habitant dans un des deux logements de fonction de la maison éclusière du barrage de Talufiau, à l’écart du village, en amont du Cher navigable.

[1].

Un exemple de barrage à aiguilles avec écluse sur la rivière navigable, celui de Monthou-sur-Cher. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Un exemple de barrage à aiguilles avec écluse sur la rivière navigable, celui de Monthou-sur-Cher.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Gros plan sur les aiguilles en bois régularisant le débit de la rivière.

Gros plan sur les aiguilles en bois régularisant le débit de la rivière.

La maison éclusière du barrage de Talufiau en mars 2011, avec les quatre cheminées d’origine. © Mémoire Vive.

La maison éclusière du barrage de Talufiau en mars 2011, avec les quatre cheminées d’origine.
© Mémoire Vive.

Après l’invasion allemande, le Cher matérialise la ligne de démarcation entre la zone Nord, occupée, et la zone Sud, dite “libre”. Certains barrages deviennent des points de passage clandestin d’une rive à l’autre.

Le 22 juin 1941, Serge Marteau est arrêté dans le cadre de l’Aktion Theoderich [2]. D’abord détenu à Orléans, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
À droite, la rivière Oise. En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Après le départ, Serge Marteau jette probablement un message sur la voie à destination de son épouse. En effet, le 10 juillet, celle-ci écrit à Thérèse Vieuge, à Blois : « Mon mari me prie de vous faire savoir que Monsieur Vieuge est parti pour l’Allemagne le 6 juillet. Ils sont partis travailler là-bas environ 1100 à 1200 du camp. En attendant d’avoir des nouvelles de nos pauvres malheureux, recevez mes sincères salutations. »

Le 8 juillet 1942, Serge Marteau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45839 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Serge Marteau se déclare alors comme maçon (« Maurer »). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Serge Marteau est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 16 – avec d’autres “45000” comme Gabriel Maisonneuve, Simon Moreau, Alphonse Mérot – puis au Block 19.

Il entre au Block 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I le 7 août, quatre semaines après l’arrivée du convoi.

Serge Marteau meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [3] ou tué par une injection de phénol dans le cœur.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. 11-01-1995).

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Thésée, situé dans le cimetière communal, sur uneplaque mentionnant quatre déportés dont trois “45000” (avec Camille Impérial et Céleste Serreau) [4].

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Le monument aux morts de Thésée.
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Derrière les médaillons de Poilus,
une plaque avec les quatre déportés de Thésée
(à droite).

Notes :

[1] La maison éclusière : les maisons éclusières sur le Cher navigables sont bâties sur le même modèle, abritant deux petits logements : un pour l’éclusier et un pour le barragiste, chacun avec sa famille (les combles ne sont pas habités).

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total (bilan au 31 juillet), 1300 hommes environ y seront internés à la suite de cette action. Effectuant un tri a posteriori, les Allemands en libéreront plusieurs dizaines. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.)

[4] Le quatrième déporté de Thésée est Désiré Marteau, né à Amboise (Indre-et-Loire) le 27 décembre 1897, déporté dans le transport de 1583 hommes parti de Compiègne le 27 janvier 1944 et arrivé au KLBuchenwald le 29 janvier (mat. 44354), affecté à Dora, au Kommando d’Ellrich où il succombe le 28 janvier 1945. C’est le convoi de Jorge Semprun (Le Grand Voyage, Gallimard, Paris 1963), de David Rousset et de Paul Rassinier… Source : André Sellier, Livre Mémorial de la FMD, I. 173, tome 2, pages 94-95, 137.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 150 et 153, 365 et 413.
- Archives départementales du Loir-et-Cher, Blois : fiche d’arrestation de Serge Marteau, dossier 891 (1375 W 64) ; fichier alphabétique des déportés du CRSGM (56 J 5).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : XLIII-89 (télégramme non daté du Militärbefehlshaber in Frankreich (MbF), signé par Carl Heinrich vonStülpnagel.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, copie partielle d’un registre des détenus du Block 16, transmis par Sylvie Muller, petite-fille d’Alphonse Mérot, de Chalon-sur-Saône (71).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) : acte de décès au KL (31495/1942), registre du Block 20.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 784.
- Site Mémorial GenWeb, 41-Thésée, relevé de Sandrine Fleur-Curtil (2005).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-03-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

René MAROTEAUX – 45837

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René, Marcel, Maroteaux naît le 27 janvier 1922 à Puteaux

[1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), fils de Lucien Maroteaux et d’Alice Ramaget.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 29, rue Cartault à Puteaux. Il est célibataire (il a alors 18 ans…).

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Puteaux. Groupe Nord des HBM de la rue Cartault.
Carte postale oblitérée en 1934. Coll. Mémoire Vive.

Le 30 mai 1937, René Maroteaux est embauché aux Établissements Talbot aviation, comme petite-main fraiseur, travaillant pour la Défense nationale à partir de la déclaration de guerre de septembre 1939 et gardant son emploi jusqu’au 10 juin 1940 (débâcle et exode).

Le 11 septembre 1940, René Maroteaux, Georges Capliez, Pierre Bourneix fils, et trois autres jeunes militants de Suresnes et Puteaux sont arrêtés par la police française et écroués à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e) pour « propagande communiste clandestine ». Ils sont probablement libérés peu de temps après sur décision des autorités allemandes.

Le 9 novembre, sur instruction des Renseignements généraux, le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant l’internement administratif de René Maroteau. Il est conduit le jour-même au camp français d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), « centre de séjour surveillé » créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

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Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,
le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Comme Pierre Bourneix, René Maroteaux est assigné au “dortoir des jeunes” (“DJ”), ancien réfectoire réaffecté à cet usage pour cause de surpopulation dans le bâtiment.

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Sanatorium de la Bucaille à Aincourt.
Une salle de réfectoire. Peut-être celle du bâtiment
où se trouvent les communistes internés et qui
– vidé de ses tables – deviendra le dortoir des jeunes.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 6 mars 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de René Maroteaux à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, émet un avis défavorable en s’appuyant sur le constat que cet interné est un « communiste certain, suit les directives du parti communiste », lui reconnaissant qu’il « n’a jamais été puni » mais ajoutant à sa charge : « ne participe pas aux corvées – évite le travail ».

Le 5 mai 1942, René Maroteau fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 431, il ne reste que cinq jours dans ce camp.

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Entrée du camp de Voves.
Date inconnue, probablement après mars 1943.

Le 10 mai, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht(Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, René Maroteau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Maroteau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45837 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – il est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Il meurt à l’ “hôpital” d’Auschwitz (Block 20) le 16 août 1942, d’après les registres du camp [2] ; cinq semaines après l’arrivée du convoi. Il a 20 ans. (aucun des douze “45000” de Puteaux n’a survécu)

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 9-12-1994).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 383 et 412.
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “Occupation allemande” : BA ?.
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révision trimestrielle), 1w76, 1w80 ; recherches parallèles de Claude Delesque).
- Liste “DJ” partielle de Fernand Devaux, décembre 2006.
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 1, page 120* (registre de la morgue relevé par la Résistance) ; tome 3, page 783 (21015/1942), orthographié « Marotaux ».

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-02-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Puteaux : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant René Maroteaux, c’est le mois de janvier 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Josef MARMELSTEIN (Marmelsztejn) – 46299

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Joseph Marmelstein (Marmelsztejn) naît le 18 janvier 1899 à Varsovie (Pologne). Il est de nationalité polonaise.

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Joseph Marmelstein est domicilié au 28, rue Malfilâtre à Caen (Calvados). Il est célibataire.

Il est électricien.

Le 1er mai 1942, Joseph Marmelstein est arrêté par la police française : il figure comme Juif sur une liste d’arrestations demandées par la Felfdkommandantur 723 de Caen à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) 

[1]. Le soir, il est conduit à la Maison centrale de la Maladrerie à Caen.

Le 3 mai, remis aux autorités d’occupation, il est emmené au “petit lycée” où sont rassemblés les otages du Calvados et où ils passent la nuit.

Le 4 mai, Joseph Marmelstein fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandises de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai en soirée.

Entre fin avril et fin juin 1942, Joseph Marmelstein est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Joseph Marmelstein est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46299 ; les cinquante otages déportés comme Juifs ont reçu les matricules de 46267 à 46316 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Joseph Marmelstein.Il meurt à Auschwitz le 27 juillet 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; trois semaines après l’arrivée du convoi [2].

Le 26 août 1987, à Caen, suite aux démarches de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

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Le Mémorial de la Shoah, au 17 rue Geoffroy-l’Asnier à Paris 4e.
À gauche, panneau du Mur des noms pour les déportés
de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés
depuis l’achèvement du mur
 » (janvier 2005).
De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942
y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.
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Inscrit sur le Mur des noms…

Le nom de Joseph Marmelstein est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault-Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au fort du Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[2] La surmortalité des détenus juifs ayant intégré le complexe d’Auschwitz-Birkenau : Quarante jours après l’arrivée des “45000” – soit le 18 août 1942 au matin – sur les cinquante déportés juifs enregistrés comme tels dans le camp, 34 ont perdu la vie, soit 68 % de leur groupe. À la même date, les 142 déportés décédés appartenant aux autres catégories d’otages du convoi représentent 13 % de leur effectif. Cette disproportion statistique rend compte de la persécution antisémite interne au camp, notamment sous forme de violences ciblées perpétrées par des cadres détenus polonais ou allemands (kapos, sur les chantiers, chefs de Block).

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001 ; notice de Claudine Cardon-Hamet page 124.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 145 et 146, 361 et 412.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004 ; liste page 137.
- Yves Lecouturier, Shoah en Normandie, 1940-1944, éditions Cheminements, Le-Coudray-Macouard (Maine-et-Loire), mai 2004, pages 115-118, p. 148, liste p. 246.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 783 (17050/1942), orthographié « Marmelsztejn ».

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-09-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Roger MARIVET – (45836 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jean, Roger, Auguste, Marivet naît le 16 décembre 1904 à Chaumont (Haute-Marne), chez ses parents, Auguste Marivet, 27 ans, ouvrier télégraphiste à la Poste, et Maria Célestine Vivier, 25 ans, son épouse, domiciliés au 26 boulevard Diderot ; tous deux seront décédés au moment de son arrestation.

Roger Marivet poursuit ses études jusqu’au baccalauréat.

À partir de 1927, il habite à Bobigny 

[1] (Seine / Seine-Saint-Denis) ; au 11, rue Ernest-Renan (?), puis au 9 rue Jean-Baptiste Clément.

Commis stagiaire à la mairie de Bobigny à partir du 1er janvier 1928, il est titularisé le 1er juillet.

Le 5 novembre 1930, dans sa commune, il épouse Marguerite, Désirée, Hollier, née à Pantin le 13 août 1909. Fille d’un menuisier de Bobigny et veuve d’un premier mariage, elle est sténo-dactylo et milite dans les organisations communistes. Ils n’auront pas d’enfant.

Roger Marivet devient commis principal en 1933, puis sous-chef de bureau. Selon les témoignages, il est « l’âme dirigeante » du Parti communiste dans la commune et joue un grand rôle dans les organisations de défense des habitants des lotissements. Responsable pendant longtemps du “sous-rayon”, il est désigné, le 13 juillet 1935, comme délégué sénatorial par le conseil municipal.

À partir du 28 décembre 1935, Roger Marivet tient dans l’hebdomadaire communiste La Voix de l’Est, une rubrique régulière de conseils pratiques où il traite surtout des questions de législation sociale. Dans cette période, il semble qu’il emménage à Maisons-Alfort [1] (Seine / Val-de-Marne), au 20, rue Saint-Georges. Plus tard et jusqu’à son arrestation, il habite au 19, rue Delaporte.

Le 1er janvier 1936, il est nommé commis principal, faisant fonction de secrétaire adjoint à la mairie de Maisons-Alfort, conquise l’année précédente par le Parti communiste sur une liste dirigée par Albert Vassart [2].

Maisons-Alfort, la mairie. Carte postale oblitérée en février 1940. Coll. Mémoire Vive.

Maisons-Alfort, la mairie. Carte postale oblitérée en février 1940. Coll. Mémoire Vive.

Roger Marivet est successivement nommé chef de bureau (1-11-1936), secrétaire de mairie (1-12-1937) et chef des services administratifs (1-01-1938).

En 1937, son inscription sur les listes électorales le déclare domicilié au 20 rue Saint-Georges à Maisons-Alfort.

Il est mobilisé le 5 août 1939 [?].

Le 4 octobre 1939, le Président de la République – Albert Lebrun -, par décret et « sur la proposition du ministre de l’intérieur, suspend jusqu’à cessation des hostilités les Conseils municipaux » de 27 communes de la banlieue parisienne à majorité communiste, dont celui de Maisons-Alfort, et les remplace par des Délégations spéciales composées de notables désignés.

Le 1er mai 1940, Roger Marivet est suspendu de ses fonctions « pendant la durée des hostilités » par la Délégation spéciale. Cette décision, motivée par son engagement politique, entraîne la suppression de son traitement.

Il est démobilisé fin juillet, un mois après l’armistice.

Le 10 octobre, Roger Marivet est arrêté et interné administrativement. Cependant, il figurait déjà sur la liste établie pour la grande vague d’arrestations du 5 octobre, organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine avaient été conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

S’appuyant sur cet internement, le président de la Délégation spéciale de Maisons-Alfort révoque Roger Marivet le 26 novembre suivant. Après son arrestation, celui-ci déclarera comme adresse familiale le 19, rue de la Porte à Maisons-Alfort.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 6 mars 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Roger Marivet, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, n’exprime pas son avis mais constate que cet interné « est resté communiste », ajoutant à sa décharge : « attitude très correcte – secrétaire au secrétariat du centre ».

Le 11 février 1942, Roger Marivet fait partie des 21 militants communistes que les “autorités d’occupation” « extraient » d’Aincourt sans en indiquer les motifs ni la destination au chef de centre. Tous sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par laWehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Dans un courrier qu’il adresse au préfet de Seine-et-Oise à cette occasion, le commissaire spécial Andrey, directeur du camp d’Aincourt, ajoute « certainsdocuments concernant les internés Langlade, Marivet et François qui, tous trois étaient amis de l’interné Laurent-Darnar et dont l’opinion se trouve en complète évolution, au point d’être en désaccord avec l’action illégale du Parti. J’ai joint les originaux de ces documents aux notices que j’ai remises aux autorités allemandes. » On trouve la transcription d’une déclaration en ce sens datée du 7 février et signée Roger Marivet.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, Roger Marivet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Certains témoins [?] ont rapporté que Roger Marivet serait décédé dans le wagon qui n’avait pas encore quitté Compiègne.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le 8 juillet, Roger Marivet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45836, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Roger Marivet.Il meurt à Auschwitz le 10 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), indiquant pour cause certainement mensongère de sa mort « phlegmon avec faiblesse corporelle générale » (Phlegmone bei Körperschwäche).

Après la Libération et dans l’ignorance de son sort, la mairie de Maisons-Alfort réintègre Jean Marivet dans ses fonctions le 15 octobre 1944. La sanction est officiellement abrogée le 7 juillet 1947 à la demande de sa famille.

À la requête de sa sœur, par décision du tribunal de P.I. de la Seine (22-07-1949), son décès est enregistré à l’état civil à la date du 10 octobre 1940 ; celle de son arrestation !

Marguerite, son épouse, internée elle aussi, aurait été, selon certains témoignages, fusillée à Berlin (le 15 août 1943 ?) ; aucune trace d’elle dans le Livre Mémorial de la FMD, même sous son nom de jeune fille.

Notes :

[1] Bobigny : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Albert Vassart (1898-1958), militant chevronné du Parti communiste et de la CGTU à partir de 1923, est “parachuté” avec succès à Maisons-Alfort, dont il devient le premier maire communiste. À la suite de la signature du pacte germano-soviétique, il prend ses distances avec le PC (novembre 1940). Il est néanmoins arrêté et condamné à cinq ans de prison en tant que communiste. Mais il est libéré en septembre 1941 à la suite de démarches de Marcel Gitton et Henri Barbé (dirigeant du PC exclu en 1932). Albert Vassart adhère au Parti ouvrier et paysan français (POPF) – collaborationniste – de Gitton et y accepte des responsabilités aux côtés d’une vingtaine d’autres anciens parlementaires et élus communistes. Il fait ensuite équipe avec Barbé et Capron pour obtenir la libération de militants communistes emprisonnés bien qu’en rupture avec leur parti. Le 27 juin 1942, Albert Vassart échappe à une tentative d’élimination devant son domicile.

Sources :

V Archives municipales de Maisons-Alfort, recherches de Madame Loubrieu (2006).
V J. Girault, notice dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions Ouvrières, 1990-1997, CD-rom, version 3.61 (citant : Arch. Com. Bobigny et Maisons-Alfort – La Voix de l’Est).
V Nadia Ténine-Michel, Le camp d’Aincourt (Seine-et-Oise), 5 octobre 1940 – 15 septembre 1942, article in Les communistes français de Munich à Châteaubriant (1938-1941), sous la direction de Jean-Pierre Rioux, Antoine Prost et Jean-Pierre Azéma, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, novembre 1987.
V Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 389 et 412.
V Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révision trimestrielle), 1w76, 1w80, 1w138 (dossier individuel) ; recherches parallèles de Claude Delesque.
V Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 780 (23093/1942).
V Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de L à R (26 p 842), acte n° 23093/1942.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Alfred MARINELLI – 45835

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Alfred, Louis, Marinelli naît le 6 janvier 1903 à Paris 19e, chez ses parents, Augustin Marinelli, 42 ans, et Livia (Lydie) Attilia Casadei (Casedée), 28 ans, tous deux “journaliers”, domiciliés au 139 rue d’Allemagne. Le 23 mai 1908, lors de leur mariage dans cette mairie, le couple légitime six enfants : Jole Afra Eleonora, née le 10 juillet 1891 à Mercato Saraceno, en Emilie-Romagne (Italie), Fedari Ramadesio, né à le 24 septembre 1896 à Rome, Casadei Candida, née le 30 août 1900 à Mercato Saraceno, Angèle Rosine, née le 6 janvier 1903 à Paris 19e, Alfred, et Georges, né le 8 septembre précédent (1908).

Pendant un temps, Alfred Marinelli habite chez ses parents dans un immeuble au 41, rue de Nantes à Paris 19e (entre le canal de l’Ourcq et l’avenue de Flandre, quartier du Pont de Flandre), et commence à travailler comme tôlier.

Le 8 avril 1923, son père Augustin décède au domicile familial, âgé de 63 ans.

Un mois plus tard, le 12 mai 1923, l’armée incorpore Alfred Marinelli au 5e bataillon d’ouvriers d’artillerie (B.O.A.) afin d’y accomplir son service militaire. Le 1er janvier 1924, il passe au 8e B.O.A. Le 7 novembre suivant, il est envoyé en congé de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Au printemps 1931, Alfred Marinelli habite seul avec sa mère au 41 rue de Nantes.

Le 24 juin 1933, à Paris 18e, il se marie avec Germaine Louise Gay, 17 ans, née le 3 juillet 1915 à Paris 10e, vendeuse, habitant jusque-là chez ses parents, Louis Gay et Marie Schmitt. .

Au moment de son arrestation, Alfred Marinelli est officiellement domicilié au 31, rue de Nantes à Paris 19e, mais réside en fait depuis deux mois chez ses beaux-parents, dans une cité HBM au 34, boulevard Ney (Paris 18e).

Il est marié et père d’un enfant.

Il est adhérent du Parti communiste de 1936 jusqu’à la dissolution de celui-ci (septembre 1939).

Alfred Marinelli est chaudronnier tôlier (dans quelle entreprise ? à vérifier…).

Le 14 septembre 1939, après la déclaration de guerre, il est rappelé à l’activité militaire au 8e B.O.A.. Le 22 décembre, il est classé dans l’ “affectation spéciale” à l’usine d’aviation Capra (Compagnie anonyme de production et réalisation aéronautique), à La Courneuve (Seine / Seine-Saint-Denis), spécialisée dans la fabrication de coques d’avions et qui emploie 2300 personnes (est-ce son employeur avant-guerre ?). Le 8 mai 1940, il participe à un mouvement de grève contre le licenciement d’un vieil ouvrier. Environ 250 membres du personnel sont interpellés et 38 arrestations, opérées le jour même ou le lendemain, sont maintenues. Alfred Marinelli est rayé de l’affectation spéciale et interné administrativement à la ferme Saint-Benoît pendant plusieurs mois. Mais, ayant bénéficié d’une mesure de clémence, il est remis à la disposition de l’entreprise.

Début mars 1941, deux inspecteurs de la brigade spéciale des Renseignements généraux de la préfecture de police sont chargés par le commissaire André Cougoule « d’identifier et d’appréhender tous individus se livrant à la propagande communiste clandestine s’effectuant

[…] plus particulièrement dans le 19e arrondissement ».

Le soir du 4 ou du 5 mars 1941, à 21 heures, ces deux policiers viennent interpeller Alfred Marinelli au domicile de ses beaux-parents. Celui-ci cherche vainement à dissimuler la brochure Nous accusons qu’il avait sur lui. Après avoir, dans un premier temps, nié toute activité clandestine et déclaré ne s’intéresser qu’aux questions syndicales, il finit par reconnaître qu’il détient à son domicile de la rue de Nantes un certain nombre de documents se rapportant à la propagande communiste. Les inspecteurs l’escortent à cette adresse où il leur remet seize tracts, dix listes de souscription à La Vie Ouvrière, deux carnets à souches de souscription, une brochure Le Bulletin du Métallo, une brochure La Vie du Parti et un brouillon de lettre. Les inspecteurs le conduisent ensuite dans leurs locaux des R.G. pour un interrogatoire avec procès verbal. Fouillé, Alfred Marinellil est encore trouvé porteur d’un exemplaire de La Vie Ouvrière n° 19 du 11 janvier 1940 et d’une lettre dactylographiée traitant des tâches d’organisation clandestine. Le lendemain, inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, il est d’abord conduit au dépôt, à la disposition du Procureur de la République, puis écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e (écrou n° 15048). Le surlendemain, 7 mars, la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à dix mois d’emprisonnement.

Le 29 avril, la 10e chambre de la Cour d’appel de Paris confirme le premier jugement. Le 12 mai, Alfred Marinelli est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes (Seine / Val-de-Marne). Il dépose un pourvoi en cassation, rejeté le 23 août.

À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré : le 21 octobre, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939, organisant, en situation d’état de siège, « les mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la défense nationale ou pour la sécurité publique ». Alfred Marinelli est ramené au dépôt en attendant son transfert dans un camp français.

Le 10 novembre, Alfred Marinelli fait partie d’un groupe de 58 militants communistes transférés au « centre de séjour surveillé » (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Alfred Marinelli est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Alfred Marinelli est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45835 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Alfred Marinelli  est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
À une date restant à préciser, il est admis au Block 20 (celui des « contagieux ») de l’hôpital des détenus.

Alfred Marinelli meurt à Auschwitz-I le 12 décembre 1942, d’après deux registres établis pour l’administration SS du camp.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 9-12-1994).

Le 11 octobre 1947, à la mairie du 19e, Germaine, sa veuve s’est remariée avec Georges Dumont. Elle décède le 19 avril 2002 au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis).

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Alfred Marinelli, c’est l’année 1943 « à Birkenau » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 374 et 412.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz – fichier central).
- Archives Départementales du Val-de-Marne, Créteil : établissement pénitentiaire de Fresnes, dossiers individuels des détenus “libérés” du 16 au 30 octobre 1941, cote 511w24 : (mandat de dépôt/ordre d’écrou ; extrait des minutes du greffe de la Cour d’appel).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 0333-19314) ; dossiers de la BS1, « affaire Marinelli ».
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : liste XLI-42, n° 122.
- Archives départementales de la Vienne ; camp de Rouillé.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, DMPA, Caen : registre de la morgue d’Auschwitz-I, Leichenhalle (26 P 850).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-04-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Pierre MARIN – (45833 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Pierre Marin naît le 16 février 1902 à Paris 6e, fils de Léontine Marin, 30 ans, sans profession, domiciliée au 76, rue de Rennes, et de « père non dénommé ».

Le 28 mars 1925 à Sèvres (Seine-et-Oise / Hauts-de-Seine), Pierre Marin se marie avec Yvonne Pennetier.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 1, rue Ledion, ou au 117, rue Didot, à Paris 14e, À cette dernière adresse – s’il n’y a pas confusion sur la personne (homonymie) – , il vit en ménage avec mademoiselle Berthe H. depuis 1929.

Il est sculpteur. C’est un membre du Parti communiste.

À des dates restant à préciser, il est arrêté, jugé et condamné à six mois de prison pour infraction au décret du 26 septembre1939 (« reconstitution de ligue dissoute »).

Pendant un temps, il est écroué à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines ).

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Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À l’expiration de sa peine, étant considéré comme un « meneur particulièrement actif », il n’est pas libéré. Le 8 juillet 1941, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif et il reste détenu dans la prison sous ce statut.

Le 28 novembre 1941, Pierre Marin fait partie d’un groupe de neuf internés de Poissy transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne). Parmi eux, quatre autres futurs “45000” : Alfred Chapat, Raymond Langlois, Marcel Nouvian et Eugène Thédé.

Le 22 mai 1942, Pierre Marin fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise).

Entre fin avril et fin juin 1942, Pierre Marin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Pierre Marin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45833, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Pierre Marin.On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; certainement avant la mi-mars 1943.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 372 et 412.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Témoignage d’André Deslandes – Mairie du 14e – M. Cottard, Revue d’Histoire du 14e , n°29, fév. 1989, p. 71.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : carton “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (1W77).
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 121.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 19-01-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

Georges MARIN – 45834

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En 1939…
Droits réservés.

Georges, Jules, Édouard, Marin naît le 13 février 1921 à Paris 10e, fils de Jean Marin et de Suzanne Georget ; son père est infirmier de nuit à l’hôpital Saint-Antoine, Paris 12e.

Pendant son enfance, il habite chez ses parents au 43, rue Albert-De-Mun à Saint-Maur-des-Fossés

[1] (Seine / Val-de-Marne – 94) ; son père fait tous les jours à vélo le trajet jusqu’à son lieu de travail. Puis, à 16 ans, Georges Marin quitte le domicile familial trop exigu pour aller habiter à Chennevières-sur-Marne (commune mitoyenne, de l’autre côté de la rivière).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 22, rue d’Orsel à Paris 18e ou au 14, rue des Vertus à Paris 10e. Il est célibataire.

Il est apprenti coiffeur.

Le 1er ou 2 septembre 1939, Georges Marin est arrêté sur une plage de Bonneuil-sur-Marne (94) par les services du commissariat de circonscription de Saint-Maur pour distribution de tracts communistes faisant référence à l’U.R.S.S. Il est inculpé d’infraction au décret du 24 juin 1939, interdisant « la distribution, la mise en vente, l’exposition aux regards du public et la détention en vue de la distribution, de la vente ou de l’exposition, dans un but de propagande, de tracts, bulletins et papillons d’origine ou d’inspiration étrangère, de nature à nuire à l’intérêt national ».

Le 11 septembre, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à un an d’emprisonnement avec sursis : il est libéré le jour même.

Mais, le 6 juillet 1940, il est arrêté pour un délit de droit commun et écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Le 12 novembre suivant, la 14e chambre du tribunal correctionnel le condamne à deux mois de prison, peine qui annule le sursis accordé par le jugement précédent. Il est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (94), puis transféré le 20 décembre suivant à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines), où il exerce son métier de coiffeur.

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.  Carte postale. Collection Mémoire Vive

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916. Carte postale. Collection Mémoire Vive

Au cours du mois de novembre, en « exécution de la note préfectorale » du 14 novembre 1940, le directeur de la prison transmet au bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise onze notices de détenus de la Seine devant être libérés à l’expiration de leur peine au cours du mois suivant. Le 22 novembre, le préfet de Seine-et-Oise transmet le dossier au préfet de police de Paris, direction des services de Renseignements généraux.
À l’expiration de sa peine, le 7 décembre 1941, Georges Marin n’est pas libéré : le 9 décembre, le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939.Placé au dépôt de la préfecture de police de Paris, dans la grande salle souterraine de la Conciergerie, il participe à une grève de la faim de plusieurs jours avec les autres détenus pour obtenir de meilleures conditions de détention.En décembre, Suzanne Marin, sa mère, demeurant alors au 83, rue Blanche, à Paris 9e, écrit au préfet de police pour solliciter sa libération, présentant sa version très détaillée des circonstances et motifs de ses deux arrestations. « … La veille de la mobilisation, il fut arrêté sur une plage à Bonneuil pour une plaque de vélo manquante. En arrivant sur cette plage, il assista à une discussion entre deux dames et des jeunes gens qui distribuaient des tracts de l’U.R.S.S. Cette dame ayant été demander des agents, tous les jeunes gens sont partis, sauf mon fils et deux autres camarades qui sont restés se baigner, n’étant fautifs en aucune sorte. Un agent le fait monter sur la berge et lui demande sa plaque de vélo – le mien – qui n’en n’avait pas. Il est mené au commissariat de Saint-Maur, d’où on me fait appeler. J’arrive comme une folle, pensant qu’il était arrivé quelque chose de grave. Voyant qu’il ne s’agissait que d’une plaque, je me suis mise en colère et j’ai crié, sans toutefois être grossière. Mais j’étais très nerveuse à la pensée que mon mari partait le lendemain à la guerre. Et cette colère d’ailleurs assez justifiée, car un agent me confondait avec une communiste de Saint-Maur, moi qui n’ai jamais fait de politique, pas plus que mon fils qui avait 18 ans, ni mon mari qui est à l’assistance publique depuis vingt ans. Donc, mes cris ont choqué le brigadier qui, pour me punir, a envoyé mon fils au Dépôt. L’affaire a été jugée ; il a obtenu un an de prison avec sursis. Le malheur veut que cet enfant, l’année suivante, se laissa entraîner pour aller toucher une prime de démobilisation de 800 Fr. Je dois avouer, Monsieur le préfet, que cet enfant est très bon pour moi et que c’est en partie pour me venir en aide qu’il a fait cette bêtise. J’étais seule dans une chambre et dépourvue d’argent, car je dois vous dire que je vis en très mauvaise intelligence avec mon mari, et c’est pour m’aider qu’il a été toucher cette prime à laquelle il n’avait pas droit. Ce qui lui a valu deux mois de prison à Poissy, plus son année de sursis. Cela lui a fait quatorze mois de détention pour cette escroquerie. C’est payer bien cher une faute où l’idée du bien-être d’une mère seule était en cause. Cet enfant a un très grand cœur, il est intelligent et courageux. Il est d’ailleurs très bien noté à la Maison centrale de Poissy où il était coiffeur. Vous pourrez voir par son dossier, Monsieur le préfet, que je ne mens pas. Je suis démoralisée et en très mauvaise santé. Mon petit me ferait une joie de sortir et travailler pour me permettre de me reposer et, au lieu de cela, c’est un chagrin immense de le savoir là, prêt à partir pour un camp d’un moment à l’autre. Je suis seule, je vous le répète Monsieur, dans une petite chambre, ne mangeant pas beaucoup pour envoyer de l’argent à mon petit qui, somme toute, paye depuis quatorze mois, une colère de sa mère. J’ai une autre enfant de quinze ans pour qui je dois envoyer de l’argent qui est avec son père à Saint-Maur. Mon mari ne gagnant que 1500 Fr ne peut subvenir aux besoins d’une famille de quatre personnes. Monsieur le préfet, je vous en supplie, faites que mon fils me soit rendu bien vite. Je vous assure qu’il est plein de bonnes résolutions et, ayant une tâche à remplir envers moi, je sais qu’il sera sérieux. Il a payé assez chèrement. »Le 29 décembre, Le chef du 1er bureau de la préfecture écrit au commissaire du quartier Saint-Georges pour lui demander de « faire connaître à l’intéressée que sa demande ne peut être favorablement accueillie dans les circonstances actuelles ».Le 3 janvier 1942, Georges Marin fait partie d’un groupe de 38 internés politiques (parmi eux, 16 futurs “45000”) et 12 “indésirables” (droit commun) extraits du dépôt et transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé (Vienne). Ils sont conduits en car, sous escorte, jusqu’à la gare d’Austerlitz où les attend un wagon de voyageurs réservé (10 compartiments ; départ 7h55 – arrivée 18h51).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 23 janvier, Georges Marin écrit au préfet de la Seine pour demander que soit rapportée la mesure d’internement qui le frappe, indiquant qu’il n’a jamais appartenu à une organisation politique quelle qu’elle soit, qu’il avait été pris dans une bagarre provoquée par des communistes distribuant des tracts et qu’il a une sœur mineure à charge.

Le 14 février, un « blanc » des RG 1 estime que « sa libération ne paraît pas désirable actuellement ».

Le 22 mai, Georges Marin fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise ), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Georges Marin est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45834 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – il est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).

Alors qu’il se trouve au Revier victime du typhus, il est sélectionné comme inapte au travail et voué au Block 7, antichambre de la chambre à gaz. Il se propose alors pour raser le Blockältester qui demande un volontaire. Le test étant réussi, il devient coiffeur du Block.

En rentrant en France, il dira à ceux qui l’interrogent que sa vie « a tenu au fil du rasoir ». Cette situation relativement protégée explique qu’en mars 1943, il ne fasse pas partie des dix-sept “45000” rescapés de Birkenau – dont André Seigneur – conduits à Auschwitz-I (en tout, 24 survivants sur 600 !).

À la fin de l’hiver 1942-1943, il voit passer dans le camp un groupe de dignitaires SS. Il y a parmi eux « un petit bonhomme à lunettes » : il se dit dans le camp qu’il s’agit de Himmler.

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août, Georges Marin est ramené à Auschwitz-I, avec André Faudry qui était veilleur de nuit au Revier de Birkenau et Robert Daune qui y était soigné clandestinement après avoir été l’objet d’une sélection pour la chambre à gaz.

Ils rejoignent les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) et mis en “quarantaine” au premier étage du Block 11, la prison du camp. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur des femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur
des femmes détenues – et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Dans cette période, Georges Marin se lie d’affection avec une jeune infirmière belge du Block 10 (celui des expériences médicales des SS) : ils se parlent à travers les planches occultant les fenêtres et il lui fait parvenir nourriture et vêtements qu’il se procure en les “organisant”.

Le 12 décembre, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, la plupart sont renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine. Georges Marin est affecté comme coiffeur au Block 3.

Le 3 août 1944, il est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine”, au Block 10, en préalable à un transfert.

Le 29 août 1944, il est parmi les trente “45000” [2] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL [3] Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont affectés au Block 66.

Georges Marin reste à Sachsenhausen avec une dizaine de “45000”. Il se propose comme coiffeur auprès de deux Blocks de déportés norvégiens qui peuvent recevoir des colis. Quand il revient dans son Block, il partage avec ses camarades le salaire en nature qu’il a obtenu en échange de ses services.

L’évacuation du camp a lieu le 21 avril 1945, en direction de Schwerin, puis de Lübeck ou Hambourg. Au cours de cette marche, Georges Marin est libéré par les soviétiques, comme René Maquenhen, Henri Mathiaud, Auguste Monjauvis et René Petitjean.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

Rentré tuberculeux, Georges Marin a été longtemps soigné et en subit longuement les séquelles. Le 13 février 1950, convoqué à sa demande comme témoin au commissariat de police de la circonscription d’Asnières, André Seigneur en atteste par une déclaration sur procès-verbal. « Marin, qui, lors de notre départ, était un jeune homme en parfaite santé et plein de forces, se mit à maigrir d’une manière anormale. De plus, je l’ai fréquemment vu atteint d’une taux violente et sèche ainsi que de crachements incessants. Sauf diagnostic de personne autorisée, je puis affirmer que, par suite des conditions de vie, Marin a été atteint d’une maladie de poitrine ».

Georges Marin décède le 21 octobre 2013.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 169, 292, 348-349, 359, 389 et 403.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… BA 2374), chemise “liste des personnes se livrant à une activité de propagande” (BA 2447).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise (1w69).
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 120.
- Message d’Alain Niechcicki (neveu par alliance).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-10-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Saint-Maur-des-Fossés : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les trente d’Auschwitz vers Sachso : (ordre des matricules, noms de G à P) Georges Gourdon(45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung(45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux(45756), Maurice Le Gal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté(45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean(45976) et Germain Pierron (45985).

[3] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Auguste MARIE – (45832 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Auguste MARIE naît le 27 avril 1903 à Cherbourg (Manche), fils d’Eugène Marie et de Louise Escolivet.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 13, rue Bigard à Équeurdreville 

[1], à l’ouest de l’agglomération de Cherbourg. Marié à Léontine Aubry, il est père de cinq enfants.

Métallurgiste, Auguste Marie est chaudronnier à l’Arsenal de Cherbourg.

Cherbourg. Le port militaire et les ateliers des forges de l’Arsenal dans les années 1900.  Carte Postale. Coll. Mémoire Vive.

Cherbourg. Le port militaire et les ateliers des forges de l’Arsenal dans les années 1900.
Carte Postale. Coll. Mémoire Vive.

Connu comme militant communiste, il est révoqué après le pacte germano-soviétique.

Arrêté le 4 octobre 1941, Auguste Marie est détenu à la prison maritime de Cherbourg, puis transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Auguste Marie est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45832, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Auguste Marie se déclare alors comme sellier (Settler) et sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Auguste Marie.

Il meurt à Auschwitz le 21 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2], qui indique « typhus » (Fleckfieber) pour cause crédible – mais pas forcément véridique – de sa mort.

 Auguste Marie est homologué comme “Déporté politique”.La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 9-12-1994).

Notes :

[1] Équeurdreville : la commune fusionne avec sa voisine en 1965 pour former la commune d’Équeurdreville-Hainneville.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant d’Auguste Marie, c’est le mois de janvier 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 366 et 412.
- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Évrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Cl. Cardon-Hamet, page 130.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 780.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de L à R (26 p 842), acte n° 23690/1942.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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