Georges MARTIN – (45848 ?)

Georges Martin CDH, voir ci-dessous.

Georges Martin CDH,
voir ci-dessous.

Georges Martin naît le 5 août 1913 à Ivry-sur-Seine 

[1] (Seine / Val-de-Marne – 94), d’Auguste Martin, 24 ans, maçon et de Georgette Collot, 24 ans, sans profession, demeurant au 27, rue des Lilas. Il est l’aîné de sept enfants. Mobilisé au 147e régiment d’infanterie, leur père est tué sur le front à Mesnil-les-Hurlus (Marne), le 28 février 1915 (“Mort pour la France”). Cinq oncles ont été ainsi tués pendant cette guerre.

Le 12 novembre 1919, Georges Martin est adopté par la Nation en vertu d’un jugement du tribunal civil de la Seine.

En 1920, il habite encore Ivry. Il est alors maçon.

En 1925, sa mère décède « dans un asile d’aliénés ».

En 1931, il a changé d’adresse. Pendant ses classes au début du service militaire, il est réformé pour les séquelles d’une pleurésie pulmonaire contractée antérieurement.

Le 22 août 1936, à Vitry-sur-Seine [1] (94), Georges Martin épouse Raymonde, Renée, Claveaud, née en 1915, alors manœuvre à l’Œillet Métallique à Ivry-sur-Seine. Ils n’auront pas d’enfant.

En 1936, Georges Martin est domicilié au 16, rue Broussais à Vitry ; en 1941, il semble avoir été arrêté au 4, place de l’Église (peut-être un hôtel…, au n° 11 se trouve l’ancienne permanence du PC) ; mais il déclare habiter au 25 rue des Ardoines.

Georges Martin est imprimeur (margeur), dans le Faubourg Poissonnière à Paris.

C’est un passionné de vélo, de moto, de camping. Très gai, il aime se déguiser, faire rire.

Pendant la guerre d’Espagne, le mari de sa sœur Édmée (?) – une militante connue, secrétaire de cellule – s’engage dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini.

Adhérent du parti communiste de 1936 à la dissolution, Georges Martin milite dans la cellule du Bel-Air, quartier de la Ferme. Il est actif dans le Comité de diffusion de L’Humanité de Vitry (CDH), aux côtés de Paul Froment, membre du Parti communiste depuis 1921, maire adjoint.

Georges Martin avec les CDH de Vitry, tout à fait à droite, sous la croix dessinée. © Droits Réservés.

Georges Martin avec les CDH de Vitry, tout à droite, sous la croix dessinée.
© Droits Réservés.

Pendant la guerre, étant réformé, Georges Martin s’engage dans la défense passive afin de pouvoir circuler et diffuser de la propagande.

Début 1941, à la demande de Paul Froment, il reprend cette activité clandestine. Lors de rendez-vous organisés en soirée par l’ex-maire-adjoint, qui apporte le matériel, il est mis en équipe avec un autre militant, Henri B., 51 ans, et ils vont à deux coller des affichettes et des papillons, ou diffuser des tracts. À quelques occasions, les deux hommes sont rejoints dans cette tâche par Victor Ruiz, 23 ans (qui sera fusillé comme otage à Nantes le 23 avril 1942).

Informés de cette recrudescence de propagande communiste à Vitry-sur-Seine, quatre inspecteurs de la brigade spéciale des Renseignements généraux sont envoyés en mission afin d’en découvrir les responsables. « Au cours de nombreuses enquêtes et surveillances » (expression policière convenue), ils acquièrent la certitude que Paul Froment et un autre homme dirigent localement cette activité. Le 28 mars 1941 (?), les policiers les interpellent tous deux à leurs domiciles respectifs. Paul Froment reconnaît « sans difficulté » diriger un groupe de trois autres militants clandestins et remet « spontanément » aux inspecteurs un certain nombre de tracts, brochures et affichettes prêts à être diffusés. Les deux hommes sont ensuite conduits dans les locaux de la B.S. à la préfecture de police (l’autre individu, Émile B., trouvé en possession un revolver, sera mis à disposition de l’armée d’occupation, son affaire étant disjointe). Lors de son premier interrogatoire, Paul Froment [2] ne lâche qu’un prénom.

Le 30 mars, Georges Martin et ses deux camarades sont arrêtés et interrogés. Le lendemain, André Cougoule, chef des R.G. et officier de police judiciaire, inculpe les quatre militants d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 et les fait conduire au Dépôt, à disposition du procureur de la République. Le 1er avril, Georges Martin est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé à Paris 14e.

Le 7 avril, les quatre hommes comparaissent devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine. Georges Martin est condamné à huit mois d’emprisonnement. Tous se pourvoient en appel auprès du procureur de la République. Le 29 avril, Georges Martin est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes [1] (94).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 7 juin, la Cour d’appel de Paris confirme le premier jugement en ce qui le concerne.

À l’expiration de sa peine, le 1er octobre, il n’est pas libéré : le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif. Pendant un temps, Georges Martin est détenu au dépôt de la préfecture de police de Paris (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité).

Le 9 octobre, il est parmi les 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, Georges Martin fait partie d’un groupe d’internés – dont 148 de la Seine, pour la plupart déportés ensuite avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Georges Martin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45848, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Georges Martin.

Georges Martin meurt à Auschwitz le 25 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3].(aucun des treize “45000” de Vitry n’est revenu).

La mention “mort en déportation” est portée sur les actes de décès (J.O. du 11-01-1995).

À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Vitry-sur-Seine donne son nom à une rue de la commune (à vérifier…).

Son nom est inscrit sur le monument « À la mémoire de Vitriotes et des Vitriots exterminés dans lescamps nazis » situé place des Martyrs de la Déportation à Vitry.

Une plaque dédiée aux “45000” vitriots a été apposée au dos du monument. Elle est parfois masquée par la végétation.

Une plaque dédiée aux “45000” vitriots a été apposée
au dos du monument. Elle est parfois masquée par la végétation.

La plaque apposée pour le 50e anniversaire de la libération des camps (avril 1995).

La plaque apposée pour le 50e anniversaire de la libération des camps (avril 1995).

Notes :

[1] Ivry-sur-SeineVitry-sur-SeineFresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Paul Froment, né le 4 janvier 1875 à Bordeaux (Gironde), ouvrier chaudronnier, militant du Secours rouge international (SRI) et du Parti communiste, élu conseiller municipal de Vitry-sur-Seine le 12 mai 1929 sur une liste dirigée par Pierre Périé, réélu le 5 mai 1935 sur une liste dirigée par le communiste Charles Rigaud, adjoint au maire, déchut de son mandat le 29 février 1940 par le conseil de préfecture pour appartenance au Parti communiste, condamné le 7 avril 1941 à dix-huit mois de prison, écroué à Fresnes, transféré à Poissy le 20 février 1942, remis aux autorités d’occupation et transféré au camp de Compiègne le 20 avril suivant, déporté dans le convoi du 18 juin 1944 arrivé deux jours plus tard au KL Dachau (matricule 74341), mort à 19 février 1945 au KL Bergen-Belsen, à 70 ans. (sources : Claude Pennetier, Le Maitron en ligne ; le Livre-Mémorial de la FMD, I.229, tome 3, page 932)

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur l’acte de décès en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois. Concernant Georges Martin, c’est le 15 octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur publication au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Informations collectées par José Martin (frère d’Angel Martin) pour Roger Arnould (FNDIRP), 1973.
-  1939-1945, La Résistance à Vitry, Ville de Vitry-sur-Seine, 1992, page 19.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 390 et 413.
- Archives municipales d’Ivry-sur-Seine : acte de naissance.
- Archives communales de Vitry-sur-Seine : listes de recensement de 1936.
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 28 mars au 5 juin 1941 (D1u6-5855).
- Archives Départementales du Val-de-Marne, Créteil : Maison d’arrêt de Fresnes, dossier des détenus “libérés” du 1er au 15-10-1941, cote 511w23.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, (BA 2374) camps d’internement…, (BA 2397) liste des internés communistes, 1939-1941 ; dossiers de la BS1 (GB 54), n° 207, « Affaire Froment – B. – Martin – Ruiz », 31-03-1941.
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 124.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 784 (24735/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Michel (Miguel) MARTIN – 45850

Miguel MARTIN naît le 8 mai 1890 à Siguenza, en Espagne.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 6, rue Félix-Terrier à Paris 20e, dans une cité HBM récente donnant sur le boulevard Davout. Il a toujours la nationalité espagnole.

Il travaille comme cordonnier.

Miguel Martin est un « militant communiste convaincu ».

Le 24 octobre 1941, la police française mène chez lui « une visite domiciliaire infructueuse ».

Le 28 avril 1942, Miguel Martin est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Miguel Martin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

JPEG - 128.9 ko

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Miguel Martin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 445850 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

JPEG - 77.1 ko
Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Il meurt à Auschwitz le 10 août 1942, d’après les registres du camp ; un mois après l’arrivée de son convoi, le même jour que dix-neuf autres “45000”.

Il est déclaré “Mort pour la France” et homologué comme “Déporté politique”.

Sources :
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 374 et 413.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Liste des déportés présents au Revier (infirmerie) d’Auschwitz – Liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, (BA ?).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre d’appel avec liste des détenus décédés.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 784 (19245/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 1-12-2011)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

Gustave MARTIN – 45849

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Gustave, Ernest, MARTIN naît le 3 octobre 1889 à Mareuil-sur-Ourcq (Oise), fils d’Édouard Martin, 27 ans, bûcheron puis manouvrier, et de son épouse, Alexandrine Bridelle, 28 ans, domiciliés à Fulaines avec six enfants (parents décédés au moment de l’arrestation de Gustave).

Bien qu’appartenant à la classe 1909, Gustave Martin effectue son service militaire comme soldat de 2e classe au 155e régiment d’Infanterie de l’automne 1911 à l’automne 1913.

Le 2 août 1914, rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale, il “rejoint le corps”. Le 25 mars 1917, il est évacué comme malade sur l’hôpital n° 8 du Havre, mais “rejoint” dès le 7 mai suivant. Le 22 juillet 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire à Mareuil. Cité à l’ordre de l’armée, il est titulaire de la Croix de guerre (vérifier la date…), il garde des séquelles des combats (non pensionné ?).

Le 24 juillet 1923, il est embauché comme manœuvre sur voie par la Compagnie des chemins de fer de l’Est qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938

[1].

En novembre 1925, Gustave Martin est domicilié au 4, rue des Vieux-Moulins à Lagny (Seine-et-Marne – 77)

Le 25 juin 1927, il aurait une adresse à Pantin (Seine / Seine-Saint-Denis) ; probablement un adresse de fonction (à vérifier…).

Le 12 novembre 1927, à Lagny (Seine-et-Marne – 77), il se marie avec Ismérie, Rosa, Marnet, née le 20 janvier 1885 au Pin (77), veuve en 1926 d’un premier mariage. Ils n’auront pas d’enfant.Au moment de son arrestation, Gustave Martin est domicilié au 16, rue des Vieux-Moulins à Lagny.

Il est alors ouvrier de 2e classe dans un atelier SNCF de Pantin. « Probe et travailleur, il [jouit] d’une bonne réputation ».

Militant communiste, il est trésorier de la cellule de Lagny de 1932 à 1939.

Le 28 janvier 1939, à la demande de la direction générale de la Sûreté nationale au ministère de l’Intérieur, et après avoir consulté ses sous-préfets, le préfet de Seine-et-Marne transmet à celle-ci un long rapport sur « l’organisation et l’activité de chacun des partis extrémistes » de son département dans lequel sont répertoriées les cellules du parti communiste. Pour Lagny, il désigne Gustave Martin comme trésorier aux côtés du secrétaire responsable, Maurice Rust, emboutisseur, et de Pierre Dumont, secrétaire adjoint. « Les réunions organisée par cette cellule se tiennent une fois par semaine dans une petite salle se trouvant au domicile du trésorier de la section, M. Bouyrat, tailleur d’habits, 32 rue du Chemin de fer à Lagny. Les militants se réunissent quelquefois au Café Jovenes, 17 rue Saint-Denis […]. L’activité de la cellule de Lagny s’est ralentie depuis plusieurs mois, en raison notamment d’un désaccord survenu entre les dirigeants et M. G. Georges, ex-secrétaire de cellule, conseiller municipal communiste de Lagny […]qui aurait démissionné, depuis peu de temps, du parti communiste. »

Après l’interdiction du PCF, la police ne connaît aucune activité à Gustave Martin.

Le 9 novembre 1939, le maire de Lagny écrit au sous-préfet de Meaux pour lui transmettre un renseignement « émanant d’une personne [qu’il] considère comme sûre, mais qui [lui] a demandé de ne pas révéler son nom. » « Je connais moi-même M. Martin qui, en effet était un militant du parti communiste de Lagny ; il a été candidat sur la liste de ce parti aux dernières élections. » Le délateur anonyme écrit : « Mr Martin employé du chemin de fer rue des vieux moulins au n°16. Il est venu de Russie un Français, Mr Moulin pour diner chez lui et donner des renseignements à ce dit Martin lui donnant des instructions concernant leur parti venant de Moscou. Il paraît que tous ses paperasses sont transportés chez sa fille [?] à Paris Mme B[…] 17 rue Pauquet ; concierge Iéna (Paris). Il paraît qu’il n’y a que chez Mr Martin qu’il n’y a pas eu d’enquette quand les inspecteurs venus de Meaux sont venus perquisitionner à Lagny. » [sic] Il semble que le bas du message a été découpé afin de ne pas permettre l’identification de son auteur.

Sous l’occupation, Gustave Martin est le principal organisateur du groupe de Résistance communiste clandestine à Lagny, qui imprime et distribue des tracts contre le régime de collaboration du maréchal Pétain.

Le dimanche 19 octobre 1941, il est appréhendé à son domicile par des Feldgendarmes au cours d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant à l’encontre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – incendies de meules et de hangars – ayant eu lieu dans le département.

Gustave Martin est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (42 d’entre eux seront des “45000”). Immatriculé sous le n° 1773, il se trouve assigné au bâtiment A7 en juin 1942.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 28 novembre, la Feldkommandantur 680 de Melun adresse au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-[en-Laye] une liste de 79 otages communistes seine-et-marnais pouvant être proposés pour uneexécution de représailles, parmi lesquels Gustave Martin.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gustave Martin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45849 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

 Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Gustave Martin est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Pendant un temps, il est assigné au Block 4, avec Jean Mahon, Charles Mary, Emmanuel Michel et Raymond Monnot.
Gustave Martin meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942,  selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des inaptes au travail à la suite de laquelle 146 des 45000 sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement  tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).Après leur retour de déportation, les rescapés du convoi qui attestent de son décès sont Raymond Cornu, de Quincy-Voisin (77), et Étienne Pessot, de Cachan (94).À une date restant à préciser, une plaque commémorative à son nom est apposée sur l’immeuble où il habitait à Lagny.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 11-01-1995).

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 150 et 153, 378 et 413.
- Archives départementales de l’Oise, site internet : recensement 1891 (p. 12) et 1901 de Mareuil-sur-Ourcq.
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys, cabinet du préfet ; arrestations allemandes, dossier individuel (SC51228). ; notes (SC51241) ; internement correspondance (SC51259).
- Claude Cherrier (et René Roy), La Résistance en Seine-et-Marne (1939-1945), Etrépilly, Presses du Village, 2002, pages 197 et 199.
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste d’otages, document allemand, cote XLIV-60.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 784 (31521/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) : page du registre du Block 4..
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1000-1001.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Alexis MARTIN – 45847

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Alexis, Victor, Martin naît le 17 septembre 1892 au Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime), chez sa grand-mère, au 5, rue Bonvoisin. Il est fils de Thérèse Martin, 19 ans.

Pendant un temps, Alexis Martin travaille comme journalier.

Le 9 octobre 1913, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 164e régiment d’infanterie afin d’accomplir son service militaire. Neuf mois plus tard, la guerre est déclarée. Le 25 décembre 1915, à Louvemont

[1], Alexis Martin est blessé par des éclats d’obus qui lui occasionnent des plaies multiples. Évacué, il est hospitalisé jusqu’au 21 octobre 1916. Le 4 décembre suivant, la commission de réforme de Laval propose son changement d’arme avec affectation dans l’artillerie lourde à tracteur pour : « raideur tibio-tarsienne droite et cicatrice douloureuse ». Le 20 décembre, Alexis Martin passe au 81e régiment d’artillerie lourde. Le 28 novembre 1917, il passe au 49e régiment d’artillerie de campagne, où il est mitrailleur à la 1re batterie.

Mitrailleurs à l’exercice, en manœuvre à l’arrière du front. Carte postale non datée. Coll. Mémoire Vive.

Mitrailleurs à l’exercice, en manœuvre à l’arrière
du front. Carte postale non datée. Coll. Mémoire Vive.

Le 10 mai 1918, à Grivesnes (Somme), il est  intoxiqué par les gaz de combat et évacué. Le lendemain, il est cité à l’ordre de son régiment : « Mitrailleur remarquable, est resté à son poste de combat sous un bombardement prolongé jusqu’à ce qu’il soit blessé ». Alexis Martin reçoit la Croix de Guerre. En décembre 1934, il sera décoré de la Médaille militaire.

Le 15 mars 1919, l’armée le met à la disposition des Chemins de fer de l’État, titulaire d’un certificat de bonne conduite. Le 23 juin suivant, elle le classe « affecté spécial » dans la Réserve comme employé des Chemins de fer.

Le 30 mars 1920, à Sotteville-les-Rouen (76), Alexis Martin se marie avec Suzanne Roger. Ils auront un fils, Max.

Le 23 décembre 1920, la commission de réforme de Grand-Quevilly propose qu’il touche une pension temporaire de 40 % pour « bacillose pulmonaire imputable au service ». En juillet 1923 la commission de réforme de Rouen mentionne une « cicatrice scapulaire droite ».

En juillet 1931, il est domicilié au 198, avenue Édouard-Vaillant, à Boulogne-Billancourt [2] (Seine / Hauts-de-Seine). En décembre 1934, il demeure au 4 bis, rue du Hameau, dans cette commune.

Alexis Martin est ouvrier (manœuvre spécialisé) aux usines Renault de Billancourt. En avril 1933, l’armée le classe affecté spécial dans la Réserve sur son poste de travail : contrôleur technique.

Boulogne-Billancourt. Place Jules-Guesde. Carte postale écrite le 16 novembre 1942. Coll. Mémoire Vive.

Boulogne-Billancourt. Place Jules-Guesde.
Carte postale écrite le 16 novembre 1942. Coll. Mémoire Vive.

Au moment de son arrestation, il habite au 65 bis boulevard de Saint-Cloud à Boulogne(-sur-Seine).

C’est un militant syndical. Il est membre du Parti communiste, selon la police.

Le 24 ou 25 juin 1941, Alexis Martin est arrêté (probablement) à son domicile par les services du commissariat de police de la circonscription, qui l’avaient déclaré comme un « communiste acharné, agitateur particulièrement actif ». Le préfet de police a signé l’arrêté ordonnant son internement administratif « en application du décret du 18 novembre 1939 ». Mais, en réalité, il est pris dans le cadre d’une vaste opération menée en concertation avec l’occupant [3]. En effet, pendant quelques jours, plusieurs dizaines de militants de Paris et de la “petite couronne” arrêtés dans les mêmes conditions sont aussitôt conduits dans la cour de l’Hôtel (de) Matignon [4], alors désigné comme siège de la Geheime Feldpolizei (GFP), pour y être “mis à la disposition des Autorités d’occupation”. Tous sont ensuite regroupés au Fort de Romainville, sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément du Frontstalag 122 ; considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp. Le 1er juillet, ils sont conduits à la gare du Bourget et un train les transporte à Compiègne (Oise), où ils sont les premiers internés du camp allemand de Royallieu (Polizeihaftlager – extension du Frontstalag 122), administré et gardé par la Wehrmacht [5]. Enregistré sous le matricule n° 314, Alexis Martin est assigné pendant un temps au bâtiment A5.

Au cours de l’été suivant, Suzanne Martin écrit à une haute autorité française (à préciser…) afin de solliciter la libération de son mari, car celui-ci serait victime d’une erreur. Le 9 août, le secrétaire général pour la police écrit au service des affaires de Sûreté générale de la préfecture de police afin de lui demander de procéder à une enquête supplémentaire et de lui en communiquer les résultats. Le 12 septembre, la 1re brigade des Renseignements généraux de la préfecture de police donne son avis « au sujet de Martin Alexis, interné par les autorités allemande en tant que communiste », « les renseignements recueillis sur (son compte) confirment les motifs qui lui ont valu d’être arrêté en application du décret du 18 novembre 1939. Il ne semble pas, dans les circonstances actuelles, que la mesure d’internement dont il fait l’objet puissent être rapportés ». Le 29 septembre, le préfet  de police, F. Brard, répond finalement : « Dans les circonstances actuelles, j’émets un avis défavorable à la libération de cet interné. »

Le 3 mars 1942, la Royal Air Force bombarde les usines Renault, mais de nombreux bâtiments d’habitation sont touchés, dont l’immeuble où habite toujours Madame Alexis. Dès lors, elle est hébergée par son fils, domicilié au 2, rue des Platanes, au Plessis-Robinson.

En juin 1942, Suzanne Martin écrit directement au préfet de police. Déniant que son mari ait « jamais fait de politique, ni communiste, ni socialiste », elle l’informe du changement de sa propre situation : « … sinistrée du 3 mars 1942, je suis partie demeurer chez mon fils qui habite à Plessis-Robinson, Seine, 2 rue des Platanes ». Elle sollicite la grâce de son mari « étant restée depuis un an sans ressources ».

Entre fin avril et fin juin 1942, Alexis Martin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Alexis Martin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45847 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Alexis Martin.

Le 17 juillet, en France, les R.G. rédigent une note précisant que Suzanne Martin a été victime du « bombardement effectué par la Royal Air Force (…), l’immeuble qu’elle occupait ayant été détruit (…). Le commissaire de police de Boulogne, consulté, n’est pas opposé à une mesure de clémence à l’égard du nommé Martin en raison des moments difficiles que son épouse traverse (…) Il semble qu’à titre exceptionnel la libération de Martin pourrait être sollicitée auprès des Autorités allemandes ». Le 27 juillet, le cabinet du préfet de police écrit à l’état-major d’administration du commandant allemand du Grand Paris afin de solliciter cette mesure de clémence. Le 3 août, un SS-Obersturmführer, chef de la Sureté et du Service de Sécurité auprès du Commandant militaire en France (Sicherheitspolizei und SD) répond à la préfecture dans une note très brève : « En réponse à votre lettre citée en référence, nous vous informons qu’il n’est pas possible de libérer M. » Le 14 août, le cabinet du préfet de police écrit au commissaire de la circonscription de Sceaux : « Je vous prie de faire connaître à la pétitionnaire que, dans les circonstances actuelles, aucune suite favorable ne peut être réservée à sa requête. »

Alexis Martin meurt à Auschwitz le 17 août 1942, d’après les registres du camp. Ce jour-là, 26 autres “45000” sont portés décédés ; probablement à la suite d’une séance de désinfection à Auschwitz-I (coups, manque de sommeil…).

Ce n’est que le 27 juillet 1942 que le préfet de police a sollicité de l’administration militaire allemande une mesure de clémence, « en raison de la situation pénible et difficile dans laquelle se trouve Madame Martin par suite du bombardement anglais ».

Au cours de l’été, la supplique de Suzanne Martin parvient à la Délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés, où officie l’ambassadeur de France (de) Brinon. Le 9 septembre, ce service interroge la préfecture de police. Une semaine plus tard, le directeur de cabinet du préfet répond : « Je crois devoir vous signaler que (…) les Autorités allemandes, à qui j’avais soumis le cas de l’intéressé, m’ont fait savoir qu’elles ne pouvaient libérer Martin actuellement. »

Alexis Martin est déclaré mort en déportation (J.O. du 11-01-95).

Notes :

[1] Louvemont : s’il n’y a pas erreur sur le toponyme, il s’agit d’un des neuf villages français détruits durant la Première Guerre mondiale qui n’a jamais été reconstruit. Déclaré « village mort pour la France » à la fin des hostilités, il fut décidé de conserver cette commune en mémoire des évènements qui s’y déroulèrent (source Wikipedia).

[2] Boulogne-Billancourt : créée sous le nom de Boulogne-sur-Seine en 1790, la commune prend le nom de Boulogne-Billancourt en 1926, le rattachement de Billancourt datant de 1859. Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] L’hôtel Matignon, 57 rue de Varenne (Paris 7e) : le 8 septembre 1940, les Renseignements généraux de la préfecture de police constatent la réquisition de l’hôtel pour le bureau de cantonnement des hommes de la police militaire secrète : Geheime Feldpolizei – Dienstelle – Männer-Unterkunft (source : Cécile Desprairies, Paris dans la Collaboration, éditions du Seuil, mars 2009, page 268).

[4] L’ “Aktion Theoderich : Le 22 juin 1941, l’attaque de l’Union soviétique se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.
En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés en zone occupée par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.
Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Les autorités d’occupation opéreront un tri et certains seront libérés. Mais, fin août, deux cents d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[5] Les arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, trois témoignages :
Jean Lyraud (déporté au KL Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Le 26 juin, à 5 heures du matin, il est réveillé par des policiers français : « Veuillez nous suivre au poste avec une couverture et deux jours de vivres. » Un autobus le prend bientôt avec trois autres personnes arrêtées. Le véhicule fait le tour des commissariats de Montreuil et du 11e arrondissement. Après un crochet à l’hôtel Matignon où les “internés administratifs” sont livrés à l’armée d’occupation, c’est le transport jusqu’au Fort de Romainville où ils passent la nuit dans les casemates transformées en cachots. « Le lendemain 27 juin dans l’après-midi, nous embarquons en gare du Bourget dans des wagons spéciaux pour Compiègne. Nos gardes ont le revolver au poing et le fusil chargé, prêts à faire feu. Dans la soirée nous arrivons au camp. Quelques jours après, d’autres contingents de la région parisienne nous rejoignent. »
Henri Pasdeloup (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943), cheminot de Saint-Mihiel (Meuse), est arrêté le 23 juin 1941 par la Gestapo qui le conduit à la prison de la ville. Le 27 juin, avec d’autres détenus emmenés à bord de deux cars Citroën, il arrive devant le camp de Royallieu vers 16 h 30 : « À l’arrivée face au camp, nos gardiens nous font descendre. Alignement sur la route, comptages et recomptages. En rangs par trois nous passons les barbelés… À 19 heures, environ 400 prisonniers en provenance de la région parisienne entrent en chantant L’Internationale… Le lendemain 28 juin, réveil à 7 heures : contrôle d’identité, toise, matricule. J’ai le numéro 556. Pour notre groupe de la Meuse, cela va de 542 à 564. Ceux de la région parisienne, bien qu’arrivés après nous, sont immatriculés avant… »
Henri Rollin : « Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention “communiste”, soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 147 et 148, 381 et 413.
- Bulletin municipal de Boulogne-Billancourt, supplément au n° 335, avril 2005, page 26, Liste des déportés des usines Renault, document cité dans un fichier pdf d’Annie Lacroix-Riz et Michel Certano (juin 2011).
- Archives départementales de la Seine-Maritime (AD 76), site internet du conseil départemental, archives en ligne : registre des naissances du Havre, année 1892 (4E 12484), acte n° 2909 (vue 214/544) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau du Havre, classe 1912 (1 R 3331), matricule 729.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; archives du cabinet du préfet, dossier individuel de Martin Alexis (1 W 723-26853).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 784 (21383/1942).

MÉMOIRE VIVE

(Dernière mise à jour, le 31-06-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Victor MARTIN – 45846

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Victor, Albert, André, Martin naît le 6 mai 1918 à Paris 9e, chez ses parents, Émile Martin, 40 ans, cordonnier, alors mobilisé, et Angèle Decaestekker, 40 ans, couturière, son épouse, domiciliés au 39 rue de Chateaudun. Victor est le dernier-né d’une famille d’au moins cinq enfants comptant également Émile, né en 1905 à Bours (Pas-de-Calais), Hélène, née en 1906, Marie, née en 1913, et Alice née en 1915, toutes trois à Paris.

Rappelé à l’activité militaire par le décret du mobilisation générale du 1er août 1914, leur père a rejoint le 6e régiment territorial d’infanterie trois jours plus tard. Mais, dès le 14 septembre suivant, la Commission spéciale de Dunkerque l’a réformé n° 2 pour « bronchite chronique ». Le 8 mai 1915, tenant compte de son emphysème, la Commission spéciale de réforme de Paris l’a affecté au “service auxiliaire”. Le 30 juillet suivant, il a rejoint la 24e section de C.O.A. comme soldat de 2e classe. Le 27 janvier 1916, la Commission de réforme de Versailles l’a réformé temporairement 1re catégorie pour « emphysème, bronchite chronique ». Le 8 janvier 1917, la Commission de réforme de la Seine l’a classé de nouveau “service auxiliaire”. Il a été affecté à la 20e section de secrétaires d’état-major, puis à la 22e section d’infirmiers militaires de Paris. Le 17 février 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation.

Le 14 janvier 1920, la 4e Commission de réforme de la Seine propose Émile Martin pour une pension d’invalidité temporaire de 30 % pour « bronchite chronique avec emphysème, tachycardie, crises d’asthme. Bon état général » (sic). Cependant, celui-ci décède « en son domicile » deux ans plus tard, le 10 janvier 1922, âgé de 43 ans.

Le 28 janvier 1925, son fils Victor (5 ans 1/2) est “adopté par la Nation” en vertu d’un jugement du Tribunal civil de la Seine.

Pendant un temps, celui-ci habite seul avec sa mère au 39, rue de Châteaudun. Au printemps 1936, il est employé chez Lesage, 13 rue Grange-Batelière (9e).

Victor Martin est  militant des Jeunesses communistes de 1936 à 1938.

À partir du 20 septembre 1937, il est cycliste au service photographique du journal quotidien Ce Soir, édité par le Parti communiste sous la direction de Louis Aragon et Jean-Richard Bloch, au 31 rue du 4-septembre (Paris 2e).

En octobre 1938, il est incorporé au 8e Zouaves à Mourmelon-le-Grand afin d’accomplir son service militaire ; il y reste mobilisé au début de la “drôle de guerre”.

Le 11 novembre 1939, à Paris 9e, Victor Martin – alors déclaré comme plombier « actuellement aux armées » – se marie avec Andrée Nère, née le 4 décembre 1921 à Fontenay-aux-Roses (Seine), vendeuse, habitant chez ses parents, dans un immeuble au 21, rue Turgot à Paris 9e.

Le 4 janvier 1940, Victor Martin est réformé temporairement « pour maladie de cœur et lésion pulmonaire ».

Du 15 février au 27 août suivant, il trouve un emploi de chauffeur-livreur chez Lévy-Février, 19 rue de l’Entrepôt (Paris 10e). Après ou avant cette période, il est aussi employé chez Bulard, 61 rue de la Pointe (Paris 13e), et chez De Fontaine, 60 rue Saint-André-des-Arts (6e).

À partir d’avril et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié chez ses beaux-parents, rue Turgot.

À partir de septembre, il est inscrit au fonds de chômage de l’arrondissement.

Selon la police, il continue « la propagande clandestine dans le 9e arrondissement, servant d’agent de liaison et distribuant à d’autres militants des tracts ronéotypés et des papillons gommés ».

Le 8 novembre 1940, les services de la préfecture de police (« trois hommes en civil ») effectuent une perquisition à son domicile au cours de laquelle est seulement trouvé un livre de Jacques Duclos, Les droits de l’intelligence. Le lendemain, Victor Martin est placé sous mandat de dépôt : avec cinq autres jeunes militants parisiens, il est inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 16 janvier 1941, ils comparaissent devant la chambre des mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine ; trois pères ont été convoqués à l’audience comme civilement responsables. Victor Martin est condamné à six mois de prison avec sursis. Tous se pourvoient en appel auprès du procureur de la République. Ils doivent passer devant la Cour d’appel de Paris le 17 février 1941 (date repoussée, voir plus loin…).

Victor Martin n’est pas libéré : le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif. Dès le lendemain, 17 janvier, il est conduit avec 26 autres militants au camp français d’Aincourt Seine-et-Oise / Val-d’Oise), “centre de séjour surveillé” (CSS) créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Selon une autre source, il est écroué provisoirement à la Santé et ne serait transféré à Aincourt que le 25 janvier.

Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante.

Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante.

Le 18 janvier, Andrée Martin écrit au préfet de police pour lui demander où se trouve son mari et combien de temps celui-ci sera-t-il encore incarcéré.

En février, alors que les autorités françaises envisagent le transfert de 400 détenus d’Aincourt vers « uncamp stationné en Afrique du Nord », le docteur du centre dresse trois listes d’internés inaptes. Victor Martin figure sur celle des internés « non susceptibles absolus » en raison de son état général et de l’état de son cœur.

Le 4 février 1941, Andrée Martin donne naissance à leur fils Daniel.

Le 4 mars, elle écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter une permission exceptionnelle de sortie de son mari afin que celui-ci puisse voir leur enfant. Le haut fonctionnaire départemental renvoie la décision au préfet de police, direction des services des Renseignements généraux (la suite donnée est inconnue…).

Le 14 mars, Victor Martin est extrait du camp (avec André Bouchevereau) et conduit au Dépôt pour comparaître devant la Cour d’Appel qui confirme le premier jugement. Le 18, il est transféré à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 23 mars, son épouse écrit au préfet de la Seine, à l’Hôtel de Ville de Paris, pour solliciter sa libération.

Le 25 mars, Victor Martin est ramené à Aincourt.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 25 février 1942, la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud adresse au préfet de Seine-et-Oise un courrier intitulé : « Communistes du camp d’Aincourt susceptibles de travailler ». Trois listes sont exigées pour le 10 mars.

Dans le courrier de réponse du préfet de Seine-et-Oise – porté par moto le 12 mars – Victor Martin est inscrit parmi douze noms sur un « état des jeunes gens âgés de 21 à 27 ans, condamnés pour propagande communiste et qui ont été internés au centre d’Aincourt ».

Le 9 mai 1942, Victor Martin est parmi les quinze internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Victor Martin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45846 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Victor Martin.Il meurt à Auschwitz le 25 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Avant le 13 février 1947 (copie certifiée conforme), Madeleine Dechavassine, secrétaire générale de l’Amicale d’Auschwitz, rédige un certificat selon lequel Victor Martin est décédé à Auschwitz fin 1942, selon le témoignage de Maurice Martin, de Gentilly (Seine / Val-de-Marne – 94), et de Raymond Boudou, de l’Hay-les-Roses (94).

Le 22 janvier 1962, sa veuve, remariée, dépose au nom de son fils une demande d’attribution du titre de “déporté politique” à Victor Martin à titre posthume. Le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre lui envoie la carte n° 1175 15971 le 25 juin 1964.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 371 et 413 ; notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier individuel  de Victor Martin (21 P 513 425).
- Archives de Paris: archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 2 décembre 1940 au 25 février 1941 (D1u6-5852) ; jugement du jeudi 16 janvier (D1u6-3705).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 0683-15517).
- Archives départementales des Yvelines et de l’ancien département de Seine-et-Oise (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt (1W76, 1W77, 1W80), dossier individuel (1W138) ; recherches parallèles de Claude Delesque.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 784 (28983/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 23-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Maurice MARTIN – 45845

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Maurice, René, MARTIN naît le 13 janvier 1913 au Raincy 

[1] (Seine-et-Oise / Seine-Saint-Denis – 93), chez ses parents, Albert Martin, 24 ans, fumiste, et Louise Demets, 22 ans, blanchisseuse, son épouse, domiciliés au 48 allée du Plateau.

Pendant un temps, Maurice Martin est membre des jeunesses communistes de Livry-Gargan (93), commune voisine au Nord-Est.

À partir du 6 novembre 1935, il est employé de l’Assistance publique comme fumiste à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (94), commune limitrophe.

Le Kremlin-Bicêtre, entrée principale de l’hospice peu après la guerre. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le Kremlin-Bicêtre, entrée principale de l’hospice peu après la guerre. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le 28 mars 1936, à la mairie de Livry-Gargan, Maurice Martin épouse Réjane Aimée G.

À partir de 1937 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 162, route de L’Haÿ [2] à Gentilly [3] (Val-de-Marne – 94), dans un petit appartement de deux pièces. Un document daté de mars 1945, indique qu’avant-guerre il y vivait seul avec son fils, Jacques, né en 1936, étant séparé de fait et en instance de divorce

Gentilly. Les HBM de la rue de l’Haÿ dans les années 1920. Carte postale.

Gentilly. Les HBM de la rue de l’Haÿ dans les années 1920. Carte postale.

De la classe 1933 et du recrutement de Versailles (matricule 2674), il est mobilisé du 23 août 1939 au 27 août 1940.

Début septembre 1941, sous l’Occupation, « à la suite de la constatation d’une certaine recrudescence de la propagande communiste clandestine à Cachan et dans les communes avoisinantes, les services de la préfecture de police » mènent des enquêtes et surveillances à l’issue desquelles ils arrêtent plusieurs « principaux animateurs d’un centre clandestin de matériel communiste imprimé » : Germain Lefevre, de Cachan, maçon à l’hospice du Kremlin-Bicêtre, Gaston Terrade, du Kremlin-Bicêtre, infirmier, et Marcel Ducret, domicilié également au 162 rue de L’Haÿ à Gentilly, également fumiste. Lors de son interrogatoire, l’un d’eux met en cause Maurice Martin.

Le 5 septembre, Maurice Martin est arrêté par la brigade spéciale anticommuniste (BS1) des Renseignements généraux de la préfecture de police sur son lieu de travail à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, à la suite d’une diffusion massive, dans le secteur, de tracts édités par le Front National. Lors de son interrogatoire dans les locaux de la BS1 à la préfecture, les inspecteurs lui font savoir qu’ils connaissent ses récents déplacements – jeux de boules et mairie – grâce à une filature effectuée quelques jours auparavant. Lui-même reconnait pendant un temps avoir été « pressenti pour participer à l’incendie de camions appartenant à l’usine Panhard et stationnés boulevard Masséna à Paris 13e » (sur l’esplanade, près de la Porte d’Italie). Il s’agissait, en trompant la vigilance des sentinelles allemandes surveillant ce matériel de guerre, d’injecter de l’acide dans les circuits électriques des moteurs en utilisant une poire en caoutchouc. Après avoir mis en cause le camarade lui ayant proposé cette action, Maurice Martin se récuse et déclare avoir menti.

Les quatre militants sont inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 et conduits au Dépôt à la disposition du procureur de la République.

Le 7 septembre, Maurice Martin est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e.

Un mois plus tard, le 6 octobre, la procédure judiciaire se clôt par un non lieu, mais Maurice Martin est peut-être maintenu en détention.

Le 18 octobre suivant, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Le lendemain, Maurice Martin est conduit au Dépôt de la préfecture de police.

Le 10 novembre, il fait partie d’un groupe de 58 militants communistes transféré au « centre de séjour surveillé » (CSS) de Rouillé (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 14 avril 1942, le préfet de police de Paris « fait savoir » au préfet de la Vienne « que les autorités allemandes viennent d’interdire le transfert dans un autre camp ou prison, sans leur autorisation expresse » de onze internés de Rouillé parmi lesquels figure Maurice Martin.

Le 22 mai, celui-ci fait partie d’un groupe de 148 détenus (pour la plupart déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin, Maurice Martin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Maurice Martin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45845 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passés cinq jours à Birkenau -, Maurice Martin est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Pendant un temps, il est assigné au Block 6.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août, Maurice Martin est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 12 décembre, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Maurice Martin est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 29 août, il est parmi les trente “45000” [4] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL [5] Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont assignés au Block 66.

Fin avril 1945, Maurice Martin est libéré « sur la route » par les troupes russes pendant une marche d’évacuation.

Il revient en France par le Centre de rapatriement de Lille le 21 mai suivant. Le formulaire d’examen médical rempli à cette occasion indique un bon état général malgré un amaigrissement global de cinq kilos, une cicatrice de 8 cm à l’avant-bras gauche et une pleurite droite (pleurésie sèche).

Arrivé le même jour à Paris, Maurice Martin passe également par le Centre de rapatriement de l’Hôtel Lutetia.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945.
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

Le 5 juin 1946, le tribunal civil de la Seine dissous son mariage par jugement de divorce.

Le 8 avril 1947, à Saint-Marcan (Ille-et-Vilaine), Maurice Martin se marie avec Yvette B.

Le 5 mars 1950, il rempli un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté Résistant. Le 22 février 1954, le ministère des Anciens combattants et victimes de la guerre décide de rejeter sa demande et ne lui délivre, le 12 mars, que la carte de Déporté Politique (n° 11010.9925). Le 30 avril, Maurice Martin envoie un courrier au ministère afin de protester contre cette décision et de solliciter un recours gracieux pour un réexamen de sa situation. Le 2 juin 1955, le ministère lui attribue le titre de Déporté Résistant (carte n° 1001.25702).

Maurice Martin décède le 31 décembre 1968 à Saint-Hilaire-du-Harcouët (Manche), âgé de 55 ans.

Notes :

[1] Le Raincy : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Route de L’Haÿ/rue de L’Haÿ : après la Libération, le Conseil municipal de Gentilly dénomme cette voie de circulation rue Gabriel-Péri, en hommage au journaliste et député communiste fusillé par l’armée d’occupation le 15 décembre 1942 au Mont-Valérien parmi 68 otages.

[3] Gentilly : jusqu’à la loi de juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert effectif en janvier 1968).

[4] Les trente d’Auschwitz vers Sachso : (ordre des matricules, noms de G à P) Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Legal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).

[5] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 348 et 349, 359, 388 et 413.
- Archives communales de Gentilly, recherches menées par Chantal Rannou (2007).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), communistes fonctionnaires internés… (BA 2214), chemise “transfert des internés, correspondance 1942-1944” (BA 2377) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 52-25038).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : liste XLI-42, n° 125.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Maurice Martin (21 P 592 624), recherches de Ginette Petiot (message 12-2012).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 22-11-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Angel MARTIN – 45844

Angel Martin.

Angel Martin.

Angel Martin naît le 3 août 1915 à Bilbao (Espagne), fils cadet de Luis Martin et Angela Rodriguez, son épouse.

En 1916, son père vient d’abord seul en France pour travailler dans des usines d’armement, laissant en Espagne son épouse et ses deux garçons : Louis (Luis), l’aîné, né le 25 avril 1912, et Angel. Puis, il les fait venir un an plus tard. Trois autres enfants naîtront : Aurore, Carmen, née le 13 mars 1920, José, né le 28 avril 1922, et Raymond, né le 20 décembre 1924, tous à Vitry-sur-Seine

[1] (Seine / Val-de-Marne).

Luis Martin, le père de famille, loue une maison au 11, avenue Dubois (actuelle avenue Danielle-Casanova) à Vitry. Il loue ou achète un jardin dans les environs de la Ferme de Vitry, afin d’y cultiver des légumes pour la consommation familiale.

En 1927, Luis Martin meurt prématurément d’une maladie d’estomac. Louis, le frère aîné, devient alors chef de famille.

Angel Martin étant asthmatique, les médecins lui conseillent de travailler en plein air.

Il se fait embaucher comme jardinier chez des maraîchers, comme Madame Doriez de mars 1931 au 14 septembre 1939, mais il exercera également d’autres métiers, comme manœuvre, notamment sur le chantier de la centrale Arrighi de Vitry. Ayant une très mauvaise vue, il porte ordinairement des lunettes.

À cause de cette mauvaise vue et de ses problèmes respiratoires, il est exempté du service militaire.

Il est célibataire.

Sans être adhérent du Parti communiste, Angel Martin est membre du Comité de diffusion de L’Humanité (CDH) de Vitry et distribue le journal.

Au cours de la « débâcle » de juin 1940, son frère aîné Louis – ouvrier à la centrale Arrighi avant d’être mobilisé – est fait prisonnier de guerre (envoyé en Prusse orientale, il sera affecté à un travail de maçon). Angel – qui habite le domicile familial avec sa mère, ses autres frères et sœur – devient à son tour « soutien de famille ». Dans la même période, son jeune frère Raymond suit des cours de mécanique dans une école d’apprentissage, effectuant des stages en usine au Petit Estampage, à Vitry.

Dans la clandestinité, Angel fabrique et distribue des tracts, colle des affiches. Raymond (15 ans 1/2) participe à la distribution de ces tracts dans les alentours du domicile familial. Une machine d’impression ronéo (Gestetner) est utilisée dans leur grande cave (appartenant à un ancien marchand de charbon). Quelques jours avant son arrestation, Angel déménage – seul – la machine quelques rues plus loin, dans le cabanon de jardin d’une famille amie, rue de la Gaité à Vitry. Alors qu’il la transporte sur un petit chariot (peut-être un landau de bébé), il se rend compte qu’il est suivi à vélo par « le patron de l’hôtel du coin »…

Le matin du 22 avril 1941, Angel Martin est arrêté à son domicile par les gendarmes de la brigade de Vitry, probablement sur dénonciation, avec son frère Raymond. Après avoir été amenés à la gendarmerie de Vitry, ils ont conduits vers 21 h à la gendarmerie (ou au commissariat ?) d’Ivry-sur-Seine, puis au dépôt de la préfecture de police. Le lendemain, inculpés pour propagande communiste et placés sous mandat de dépôt par un juge d’instruction, Angel est écroué en détention préventive à la maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e) – n° 10.33-2 – tandis que Raymond est dirigé vers l’établissement pénitentiaire de Fresnes [1] (94), certainement au quartier des mineurs. Il y sera rejoint par « Loulou » , probablement Maurice Coulin, de Vitry. Les deux frères se revoient chez le juge, au Palais de Justice, lors de l’instruction de leur affaire. La mère de famille – la “ Paqua » – chez laquelle a été déposée la ronéo est rapidement disculpée de toute responsabilité ; elle sera simple témoin au cours de l’instruction.

Tout au long de sa détention et en chaque lieu, Angel notera très scrupuleusement le contenu de ses repas et ses dépenses de cantine. Dans ses lettres envoyées à sa famille, il donnera souvent des conseils précis à son jeune frère José pour cultiver des légumes dans le jardin familial.

Son courrier du 12 mai n’est pas posté par l’administration de la prison notamment parce qu’il y décrit sa cellule, théoriquement individuelle, mais partagée à trois, voire quatre, détenus – « Lettre à refaire : ne parler que de votre santé ». Il parvient néanmoins à transmettre cette lettre avec celle du 2 juin, sorties par son avocat.

Le 16 mai, après un deuxième passage devant le juge d’instruction, « l’affaire est close ».

Dans sa lettre du 25 juin, Angel fait allusion à l’attaque de l’Union soviétique par l’armée du Reich. Il écrit : « … pour le moral, il ne faut pas en parler. […] avec les événements qui se sont déclenchés dimanche, je suis gonflé à bloc, car c’est la libération des peuples qui arrive ».

Dans sa lettre du 30 juin, il annonce la date de son prochain jugement, mais aussi « qu’ils ont fait arrêter pas mal d’avocats qui défendaient les emprisonnés politiques “entre parenthèses” : Vianney, Pitard et les autres ». Il s’attend déjà à être interné dans un camp à sa sortie de prison. Son passage chez le coiffeur de la prison à la veille du procès lui déclenche une crise d’asthme.

Le 4 juillet, Angel et Raymond Martin comparaissent devant la chambre des mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine. Leur mère a été convoquée à l’audience, comme civilement responsable de Raymond. Carmen est peut-être parmi le public. Un commissaire de police vient témoigner à charge. Angel est condamné à dix mois d’emprisonnement et cent francs d’amende, Raymond à six mois (Angel et sa mère devant payer les frais du jugement). Estimant que le verdict leur est plutôt favorable, ils ne font pas appel de la sentence ; « comme on a 10 jours après une condamnation pour faire appel, ils attendent que ce délai soit passé pour nous transférer… ». Sachant qu’il va être conduit à Fresnes, Angel songe à demander de pouvoir partager une cellule avec son frère.

Le 17 juillet, Angel est conduit à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (2e division, cellule 90, E.9321) où il retrouve son ami Victor Ruiz [2], de Vitry, détenu alors employé comme auxiliaire.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Mais Raymond est transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines – 78), où il subira de terribles brimades (« banc de… », astreint à rester assis avec les pieds qui ne touchent pas terre).

Dans une lettre envoyée de Fresnes le 20 juillet, Angel pense possible qu’il soit lui-même conduit à Poissy, avec d’autres condamnés.

Le jeudi 24 juillet – d’après ses listes de dépense de cantine -, il quitte Fresnes pour être conduit à la maison centrale de Clairvaux (Aube). Il parvient à en faire sortir clandestinement des lettres rédigées sur des pages de cahier d’écolier (onze, sur six mois). Dans plusieurs d’entre elles, il donne des consignes afin que Raymond de retombe pas entre les mains de la police française après sa libération, préconisant qu’il parte se réfugier chez leur oncle (« Tio ») Laurent (Laurenzo) Rodriguez – frère de leur mère, Angela – domicilié à Arjusanx, près de Morcenx (Landes).

Fin septembre 1941, José profite des vacances pour faire le trajet à vélo avec un ami. Le dimanche, il peut voir son frère au cours des deux visites autorisées d’une demi-heure. José le voit pour la dernière fois, dans l’uniforme carcéral (« en tenue de bagnard »), chaussé de sabots en bois. Il lui montre une coupure de journal dans laquelle il est question qu’Angel subisse un nouveau procès, mais celui-ci ne s’en inquiète pas. Il ordonne à son jeune frère de cesser toute implication dans l’action clandestine.

À Clairvaux, Angel est en contact avec un nommé Renard, domicilié au 13, rue Philibert-Lucot à Paris 13e (il fait sortir clandestinement un message à destination de l’épouse de celui-ci).

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 15 octobre, Angel sait que Raymond a enfin été libéré de la Maison centrale de Poissy et qu’il a été se réfugier chez leur oncle Laurent, dans les Landes. Dans la même lettre clandestine, Angel ajoute : « tout à une fin et je crois qu’elle approche, et en notre faveur cette fois-ci, car le camarade Staline est là et s’en occupe sérieusement avec l’Armée Rouge ».

Le 17 janvier 1942, dans sa dernière lettre clandestine de Clairvaux, il écrit : « …je devrais être libéré légalement le 21 janvier, mais, comme je l’avais pressenti et vous l’avais déjà dit, je suis maintenu par les autorités allemandes soi-disant, comme le sont déjà quelques camarades, et cela comme otage […] ainsi, ils gardent les copains responsables et les meilleurs militants du Parti à leur disposition, se réservant le droit de faire des représailles sur nous à l’occasion, comme ils l’ont fait ici il y a quelques jours […] vous saurez que l’on a fusillé huit camarades dans la région de Dijon et deux ici : un nommé Petitjean, lui-même de la région dijonnaise, et l’autre était le camarade Léon Frot, conseiller municipal de Paris 11e. On est venu prévenir ces deux camarades le mardi 13 janvier à onze heures qu’ils seraient fusillés à cinq heures du soir, en représailles de l’assassinat d’un colonel allemand à Dijon [?] ». En post-scriptum, il demande à son frère José de lui faire parvenir deux ou trois petits calendriers des postes (année 1942).

Le 13 février 1942, le préfet de l’Aube reçoit des autorités d’occupation l’ordre le faire transférer Angel Martin et cinq autres détenus de Clairvaux – tous futurs “45000” – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Angel Martin arrive au camp le mardi 24 février. « …si l’on y mange pas mieux [qu’à Clairvaux], on n’est pas avec des bandits et voleurs : ce n’est que des copains, j’en ai vu au moins vingt de Vitry… ».

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne,
futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Assigné au bâtiment A8, matricule 3635, Angel Martin fait partie d’un groupe de sept copains pour le partage des colis. Il suit très sérieusement plusieurs cours dispensés par ses camarades détenus : algèbre, géométrie, sciences physiques et sciences naturelles, histoire de France, géographie… Là encore, il réussit à faire sortir clandestinement plusieurs messages, rédigés d’une petite écriture très lisible, qui parviennent à sa famille par l’intermédiaire de Monique Tardieu [3], épouse de Gérard Tardieu qui vient dîner chez eux au cours du mois de mars.

Le 27 avril, Angle Martin annonce que son groupe a été transféré au bâtiment A0 (le 2 juin, il écrira à sa mère que le vent « a enlevé la moitié du toit »).

Le 12 mai, il écrit : « on a fait une équipe de basket avec le fils de Louis, du fort [peut-être Jean Hernando], Daniel [Germa ?] et Émile, et ça marche à fond : ils ont la forme et moi aussi ». Il transmet le bonjour à Carmen, la sœur de Jean Hernando.

Le 20 juin : « …il y a une commission qui fonctionne. Et, si des gars sont libérés, […] qu’est-ce qu’il y a comme avis et comme paperasse : hier, ils ont pris les cartes d’identité… », « …j’ai appris que l’on a fusillé le pauvre Victor [Ruiz, « ce vieil ami si cher »] il y a deux mois. […] cela m’a fait un drôle de coup, car un ami comme lui, ça touche quand même. Enfin, encore un à venger… Faites-vous les interprètes auprès de ses frères pour moi. ». Le 16 juin, dans une carte de correspondance officielle, il écrivait : « …je viens d’apprendre la grave maladie qui a emporté le pauvre Victor. Cela a dû faire un drôle de coup à sa famille, ainsi qu’à vous et surtout aux copains ».

Le 24 juin, sur une autre carte, il écrit : « Chère Maman, je suis en bonne santé, et chanceux d’avoir passé, ainsi que les copains, sans dégât au travers du bombardement de cette nuit ».

Entre fin avril et fin juin, Angel Martin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 1er juillet, dans un petit message sorti clandestinement, Angel Martin annonce à sa famille : « …depuis quelque temps, il y a du remue-ménage ici, car 19 copains sont partis ; peut-être en verrez-vous un. Et hier, on a passé une visite et il court le bruit que l’on va aller travailler en Allemagne… ».

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne – sur la commune de Margny – et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

À Châlons-sur-Marne, Angel Martin  finit d’écrire puis jette sur la voie un message qui parviendra à sa mère. Celle-ci recevra également la carte-formulaire (verte) émise par la direction du camp le 17 juillet et annonçant son “transfert”.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Angel Martin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45844 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Angel Martin se déclare comme « travailleur » (Arbeiter). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Angel Martin.

Il meurt à Auschwitz le 30 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique pour cause mensongère de sa mort « inflammation stomacale aigüe » (Akuter Magendarmkatarrh).

(aucun des treize “45000” de Vitry n’est revenu).

Par une déclaration sur papier à en-tête de la FNDIRP et datée du 23 mai 1945, Frédéric Ginollin, de Paris, qui l’a peut-être connu à Clairvaux, atteste de son décès.

Angel Martin est homologué dans la Résistance Intérieure française (RIF), avec le grade d’adjudant, pour son activité au sein du Front national [4] (6-8-1948).

Son nom est inscrit sur le monument « À la mémoire de Vitriotes et des Vitriots exterminés dans les camps nazis » situé place des Martyrs de la Déportation à Vitry.

Une plaque dédiée aux “45000” vitriots a été apposée au dos du monument. Elle est parfois masquée par la végétation.

Une plaque dédiée aux “45000” vitriots a été apposée
au dos du monument. Elle est parfois masquée par la végétation.

La plaque apposée pour le 50e anniversaire de la libération des camps (avril 1995).

La plaque apposée pour le 50e anniversaire de la libération des camps (avril 1995).

José Martin, frère d’Angel, qui n’a jamais abandonné le combat social de ses parents et camarades, porteur de leur mémoire et adhérent de Mémoire Vive, décède à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre le 18 mars 2014, âgé de 91 ans, sa dépouille étant incinérée – selon son souhait – au crématorium du Père-Lachaise et ses cendres dispersées.

Notes :

[1] Vitry-sur-Seine et Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Victor Ruiz, né le 16 avril 1917 à Arques (Pas-de-Calais), domicilié à Vitry-sur-Seine, ancien membre des brigades internationales, interné au camp de Choisel à Châteaubriant, célibataire. Le 23 avril 1942, lui et Henri Cario, de Carhaix-Plouguer (Finistère) sont pris Choisel par la Wehrmacht, fusillés à Nantes, puis inhumés dans la soirée au cimetière de Grandchamp-des-Fontaines, sous sépultures anonymes, avec la seule présence du maçon fossoyeur requis et du maire de la commune. En 1949, leurs dépouilles sont exhumées et rendues à leur famille. Victor Ruiz est inhumé au carré militaire de Vitry-sur-Seine. Le 11 novembre 2006, dans le cimetière de Grandchamp, une stèle commémorative apposée à l’initiative du Souvenir Français est dévoilée par le maire de la commune. (source : L’Écho des Fontaines, journal municipal de Grandchamp-des-Fontaines, nov.-déc. 2006)

[3] Monique Tardieu a transmis les messages sortis clandestinement de plusieurs internés. Domiciliée à Montrouge avec son mari, elle a aussi une planque à Paris 13e (entrée en clandestinité après l’arrestation de celui-ci ?).

[4] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

Sources :

- José Martin, son frère, témoignage (01-2007), documents.
- Informations collectées par José Martin pour Roger Arnould (FNDIRP), 1973.
- 1939-1945, La Résistance à Vitry, Ville de Vitry-sur-Seine, 1992, page 19.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 390 et 413.
- Archives départementales de l’Aube, site internet : (310W114).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 784.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de L à R (26 p 842), acte n° 25911/1942.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Read More

Gérard MARTI – 45843

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Gérard Marti naît le 25 août 1891 à Perpignan (Pyrénées-Orientales – 66), chez ses parents, Jacques Marti, 44 ans, cultivateur, et Catherine Depère, son épouse, 35 ans, domiciliés au 38, rue Dagobert.

Il commence à travailler comme chaudronnier en cuivre.

Le 3 mai 1910, à la mairie de Toulon (Var), il s’engage pour cinq ans au 5e dépôt des équipages de la Flotte comme matelot mécanicien de 2e classe. Il accomplit des « services à la mer » sur le Sidi Abd

[?] du 5 août 1910 au 1er juillet 1911. Puis il est affecté au D.F. Bizerte, en Tunisie, jusqu’au 1er septembre 1912, ensuite sur le cuirassé garde-côtes Henri IV, de la division navale de Tunisie, pendant un an, puis sur le Rhône – pétrolier de la Royale affecté à l’importation d’hydrocarbures en provenance de la Mer Noire – l’année suivante.

Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. L’engagement de Marcel Marti n’est pas terminé. À partir de février 1915, la base maritime de Bizerte sert d’escale pour tous les navires en route vers le front des Dardanelles et Salonique. Du 17 septembre au 30 octobre 1915, Marcel Marti est engagé en « campagne de guerre » sur le contre-torpilleur Renaudin, puis sur le vieux croiseur protégé Châteaurenault – alors utilisé comme transport de troupes rapide entre les ports de Tarente (Italie) et Itéa (Grèce). Au matin du 14 décembre 1917, navigant à destination de Patras entre les îles ioniennes de Leucade, Céphalonie et Ithaque, le bâtiment est frappé successivement par deux torpilles du sous-marin allemand UC 38 et sombre. Gérard Marti fait partie des naufragés récupérés par les navires d’escorte : 984 officiers, sous-officiers et soldats de l’Armée d’Orient et 447 hommes d’équipage, l’explosion de la première torpille au niveau des chaudières ayant fait huit victimes parmi les chauffeurs, dont les corps ont disparu avec le navire.

Photo de Marius Bar, photographe français (Toulon, 1862 - 1930). © Wikimedia Commons

Photo de Marius Bar, photographe français (Toulon, 1862 – 1930). © Wikimedia Commons

Gérard Marti est mis en congé illimité de démobilisation le 30 juillet 1919 et se retire au 1, rue des Dragons à Perpignan, titulaire d’un certificat de bonne conduite. Il aura servi durant neuf ans dans la Marine nationale.
Entre temps, le 26 novembre 1918, à Perpignan, Gérard Marti s’est marié avec Françoise Llerès. Leur enfant naîtra le 12 février 1920.
Le 11 novembre 1919, Gérard Marti est embauché comme chaudronnier à la Compagnie des chemins de fer de l’État qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [1]. En juillet 1921, il travaille dans les ateliers de Dreux (Eure-et-Loir). En août 1927, il est domicilié au 44, rue Saint-Martin dans cette ville.
Fin janvier 1933 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 10, rue Édouard-Vaillant, à Oissel (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [2] – 76). Il est alors chaudronnier en cuivre aux ateliers des Quatre-Mares à Sotteville-lès-Rouen (76) où l’on répare des locomotives (n° d’agent SNCF : 44458).
Le 3 mai 1938, l’armée enregistre son séjour à Perpignan.
Le 17 septembre 1941, une distribution de tracts communistes est effectuée dans les ateliers SNCF des Quatre-Mares, sur le territoire de Saint-Étienne-du-Rouvray. Le commissaire de police de Sotteville n’en découvre pas immédiatement les auteurs. Cependant, il est invité par les autorités allemandes à assister à l’interrogatoire de plusieurs « suspects » arrêtés entre le 21 et le 27 octobre et détenus à la caserne Hatry de Rouen. En collaboration avec les inspecteurs du commissaire spécial de Rouen, il est « établi » que les auteurs de la distribution de tracts sont Auguste Bérault, Gérard Marti et François Pelletan. Le commissaire de police de Sotteville arrête Bérault le 26 octobre, Marti et Pelletan le 28.
Les deux hommes sont aussitôt remis aux « autorités allemandes » à la demande de celles-ci et interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Enregistré sous le matricule n° 2092, Gérard Marti est assigné pendant un temps au bâtiment A7.
Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Gérard Marti est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gérard Marti est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45843. Sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Gérard Marti meurt au Revier [4] d’Auschwitz le 17 août 1942, d’après les registres du camp.

Un document du ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre indique : « Aurait été vu à Auschwitz par Robert Gaillard », du Petit-Quevilly (45565).

Un acte de décès a été établi le 29 janvier 1947.

Après la guerre, à une date restant à préciser, le Conseil municipal d’Oissel donne son nom à une rue de la commune.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts SNCF des ateliers des Quatre-Mares de Sotteville-les-Rouen.

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).

[4] Revier , selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemandHäftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 377 et 413.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : Archives de la Mairie d’Oissel (1/6/1992) – Liste de Louis Eudier (45523), annexes p. 22 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Archives départementales des Pyrénées Orientales (AD66), site internet, archives en ligne : registre de naissance de Perpignan, années 1890-1891 (9NUM2E4528-4529), acte n° 630 (vue 237/277) ; registres des matricules militaires, bureau de recrutement de Perpignan, classe 1911, n° 1-500 (13NUM1R505), matricule 385 (vue 755/952).
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen : cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels Lh-Q (51w419), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis Jouvin (“45697”).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 784 (21147/1942).
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (cote 0110LM0108).
- Site du Groupe Archives Quatre-Mares (GAQM).
- Site PAGES 14-18 Forum.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-12-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Henri MARTI – 45842

Jean, Henri, Marti naît le 14 septembre 1909 à Paris 13e, fils de Jean Marti et de Blanche Tribout, son épouse.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 99, rue Monge dans le 5e arrondissement, près de lastation de métro Censier-Daubenton. Il est marié et père d’une fille, Josette, et d’un garçon, Jean.

JPEG - 171.3 ko
La rue Monge au carrefour de la rue Daubenton. 
La famille Marti habitait au cinquième étage 
(celui avec le balcon) du premier immeuble. 
Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive.

Henri Marti est ouvrier plombier de métier, mais travaille comme métallurgiste à l’usine d’aviation Gnome-et-Rhône du boulevard Kellerman (Paris 13e) ; entreprise dans laquelle a également travaillé Maurice Fontès, de Choisy-le-Roi.

JPEG - 209.2 ko
L’usine Gnome et Rhône du boulevard Kellerman, Paris 13e. 
Carte postale colorisée (années 1920 ?). Coll. Mémoire Vive.

Membre du Parti communiste, il participe à la distribution de tracts et de prospectus et assure la protection des vendeurs à la criée de L’Humanité.

Pendant un temps, Henri Marti est concierge au 22, rue Daubenton. À cette occasion, il fait la connaissance de Marie G., également concierge dans ce groupe d’immeubles.

Henri Marti est au chômage au moment de son arrestation.

Membre du Parti communiste, il reste actif dans la clandestinité.

Au début de l’année 1941, son ancienne camarade, Marie G. lui rend visite chez lui. Il lui demande alors de l’aider reprendre une activité militante au sein de sa cellule. Elle le met en contact avec  Marius Pougeade, électricien, ex-secrétaire de la cellule du Jardin des Plantes, secrétaire de l’Amicale sportive des Arènes (club affilié à la FSGT), qui lui remettra régulièrement de petites quantités de tracts ronéotypés (L’Humanité, La Vie Ouvrière) ; leur petit groupe – alimenté par un dénommé « Albert » – se trouve au bout de la chaîne de diffusion.

Tous les quinze jours, le lundi, entre 20 h 30 et 21 h, Henri Marti participe également à des réunions organisées chez Pougeade, domicilié au 7, rue de la Clef, au cours desquelles les trois militants discutent de leurs moyens de propagande, commentant les articles des nouveaux tracts. Selon Henri Marti, il est aussi « question des événements actuellement en cours en Europe centrale et de la participation éventuelle de l’URSS à ce conflit ».

Début avril 1941, « continuant leur enquête au sujet de la propagande communiste clandestine qui sévit au sein du personnel des HBM » du 5e arrondissement, deux inspecteurs de la brigade spéciale 1 des Renseignements généraux acquièrent « la certitude que

[Auguste B., peintre en bâtiment, ex-membre de la cellule du Jardin des Plantes], anciennement employé des HBM, [continue] à entretenir des relations avec des militants de ce service et [participe] activement à cette propagande par la distribution de tracts et par apposition d’affichettes portant les slogans communistes ». Le 5 avril, après l’avoir mis sous surveillance, ils l’arrêtent à son domicile, au 12, rue Saint-Hilaire, où son épouse, Jeanne, est concierge. Avant qu’une perquisition soit engagée, Auguste B. leur remet « spontanément » plusieurs imprimés clandestins : quatre exemplaires de L’Humanité datée du 22 février 1941, six exemplaires de La Vie Ouvrière du 6 février, deux autres datés du 8 février et une affichette intitulée « Vive Thorez ». Au cours de leurs interrogatoires respectifs, Auguste et Jeanne B., mettent rapidement en cause Marie G. comme étant la personne qui vient leur porter ce matériel de propagande qu’ils prétendent ne pas distribuer. La concierge du 22, rue Daubenton est aussitôt arrêtée. Dès son premier interrogatoire dans les locaux de la BS 1, Maria G. admet sa propre activité clandestine et livre des indications permettant aux inspecteurs de découvrir l’identité de son chef de groupe.

En soirée, Charles G., qui connaît au moins partiellement l’engagement de son épouse, va successivement prévenir Marius Pougeade et Henri Marti – vers 19 h – de l’arrestation de celle-ci, en leur préconisant de se méfier. Pougeade ne rentre chez lui qu’à une heure avancée de la nuit, mais cela ne fait que retarder son arrestation.

Le 6 avril 1941, Henri Marti est appréhendé à son domicile. La perquisition effectuée ne donne rien, les paquets de tracts étant cachés sous le matelas du berceau de sa petite fille, Josette. Henri Marti, Marius Pougeade et Jeanne B. sont à leur tour conduits dans les locaux de la BS 1 pour interrogatoire. Dans un premier temps, Henri Marti nie toute reprise d’activité militante. Mais – directement confronté à Marie G. qui continue à le mettre en cause -, il admet sa participation au groupe, tout en déclarant ne pas avoir distribué les tracts qui lui ont été remis. Alors qu’il n’existe comme preuve matérielle que les treize documents trouvés chez le couple B., les six prévenus sont inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 ; Jeanne B. et Charles G. pour complicité. Mis « à la disposition de Monsieur le Procureur de la République », ils sont conduits au dépôt de la préfecture de police (la Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité). Dès le lendemain, Henri Marti est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

JPEG - 126.7 ko
Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. 
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. 
(montage photographique)

Le 12 avril, les inculpés comparaissent devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine qui condamne Henri Marti à huit mois d’emprisonnement pour propagande communiste (motif résumé par le mot « tracts » dans certains documents). Le 29 avril, il est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne – 94).

Le 16 juin, la 10e chambre de la Cour d’appel de Paris confirme sa condamnation.

À l’expiration de sa peine, le 7 octobre 1941, Henri Marti n’est pas libéré : le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif. Pendant un temps, il est détenu au dépôt de la préfecture.

Le 9 octobre, il est parmi les 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne – 86) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.

JPEG - 91.7 ko
Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, 
vu du haut d’un mirador. Date inconnue. 
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. 
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), 
Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe d’internés – dont 148 de la Seine, pour la plupart déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Marti est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

JPEG - 128.9 ko

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Henri Marti est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45842 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

JPEG - 77.1 ko
Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartisdans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – il est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).

JPEG - 174.4 ko
Portail du sous-camp de Birkenau, secteur B-Ia, semblable 
à celui du secteur B-Ib par lequel sont passés tous les “45000”.

Le 15 janvier 1943, il est affecté à la compagnie disciplinaire.

Le 17 ou 18 mars 1943, il fait partie des dix-sept “45000” rescapés de Birkenau conduits à Auschwitz-I (en tout, 24 survivants sur 600 !).

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage duBlock 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

JPEG - 110.2 ko
Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient 
les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues – 
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage 
de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. 
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

À partir du 15 avril 1944, Henri Marti travaille au “Kommando des installateurs”, avec Clément Coudert et Cyrille Chaumette, ce qui les amène à revenir travailler à Birkenau. À l’initiative d’un Juif parisien affecté au Sonderkommando, tous trois assistent à l’ouverture des portes d’une chambre à gaz ; probablement le Krematorium-IV, mis en service le 22 mars 1943, ou le Krematorium-V, mis en service le 4 avril, d’après leur description au retour.

Le 3 août 1944, Henri Marti est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert (d’après Cl. Cardon-Hamet).

Le 29 août 1944, il est parmi les trente “45000” [1] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL [2] Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont affectés au Block 66.

Le 10 octobre, Henri Marti est transféré à Trebnitz avec Paul Mougeot. Le 1er février 1945, ils sont conduits au Kommando Heinkel avant d’aboutir au KL Flossenbürg. Paul Mougeot entre alors à l’infirmerie, où il mourra, alors que Henri Marti est dirigé sur le Kommando de Pottenstein (constructionsSS ?), où il arrive le 26 février.

Le 16 avril 1945, ce sous-camp est libéré.

JPEG - 105 ko
Henri Marti après sa libération. 
Collection Josette Marti. Droits réservés.

Mais Henri Marti connaît encore une succession d’étapes avant rapatriement : il arrive à Paris le 13 mai 1945 (? ?).

Il apprend que son frère Jacques, arrêté en 1944 et déporté le 28 août de Belfort vers le KL Neuengamme (matr. 44191), a trouvé la mort le 3 mai 1945 dans la baie de Lübeck-Neustadt à bord du Cap Arcona, bateau civil allemand dans lequel des déportés ont été entassés et qui a été mitraillé et incendié parl’aviation anglaise qui le prend pour un transport militaire.

Presque immédiatement après le rapatriement de Clément Coudert, libéré dans le secteur de Dora, le quotidien communiste L’Humanité publie une transcription du témoignage que celui-ci est venu livrer sur Birkenau et le fonctionnement des chambres à gaz (édition du 24 avril 1945). Plus tard, Henri Marti confirmera ce témoignage à Roger Arnould.

Comme d’autres rescapés, il signe des attestations de décès pour les familles.

JPEG - 180 ko
Droits réservés.
JPEG - 143 ko
Lors d’une rencontre des “45000” et des “31000” au Havre 
en 1980, Henri Marti, debout, chahute avec Gustave Raballand 
sous le regard d’André Montagne. 
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Henri Marti décède le 16 août 1983.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 348 et 349, 359, 371 et 413. 
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Témoignage de sa fille Josette – Son propre témoignage sur les chambres à gaz publié par Roger Arnoult dans Le Patriote Résistant (mensuel de la FNDIRP) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel). 
- Archives de Paris, archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 28 mars au 5 juin 1941, cote D1u6-5855. 
- Archives Départementales du Val-de-Marne, Maison d’arrêt de Fresnes, dossier des détenus “libérés” du 1er au 15-10-1941, cote 511w23. 
- Archives de la préfecture de police (Paris) site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande” (BA … ?) ; dossiers de la BS1 (GB 54), n° 216, « Affaire B.-G.-Pougeade-Marti », 5-04-1941. 
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 123. 
- Thomas Fontaine, Guillaume Quesnée, Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, I.267, pages 258-259 et 282. 
- Ady Brille, Les techniciens de la mort, les éditions de la FNDIRP, Paris 1976, 1ère partie, La formation des tueurs, pages 37 et 40 ; 3e partie, Les usines de la mort, page 184.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-12-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

 

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Les trente d’Auschwitz vers Sachso : (ordre des matricules, noms de G à P) Georges Gourdon(45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung(45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux(45756), Maurice Le Gal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais(45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin(45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté(45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean(45976) et Germain Pierron (45985).

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Marcel MARTEL – 45841

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marcel, Aimé Martel naît le 27 novembre 1897 à Art-sur-Meurthe (Meurthe-et-Moselle – 54), chez ses parents, Aimé Martel, 27 ans, cantonnier, et Maria Claude, 30 ans, son épouse, habitant au village (rue de la Cour ?).

Sa mère décède au domicile familial le 8 octobre 1898, âgée de 31 ans. Le 11 mars 1899, son père se remarie avec Émilie Lader, 19 ans, domiciliée à Péronne.

Au printemps 1911, le nouveau couple a six autres enfants, mais Marcel – 12 ans – n’habite pas alors avec cette famille recomposée…

Marcel Martel commence à travailler comme garçon épicier.

De la classe 1917 et du recrutement de Nancy, il s’engage (en 1915 ?) pour la durée de la guerre au 13e régiment d’artillerie de campagne (RAC). Le 23 janvier 1918, il passe au 38e RAC. Le 3 mars suivant, il rejoint l’Armée d’Orient à Salonique. Le 3 avril 1818, il est affecté à la 4e batterie du 2e groupe du 274e RAC. Le 7 février 1919, il rejoint le dépôt du 2e R.A.M. (?).
Il est décoré de la Croix de guerre et de la Médaille militaire.

Fin 1925, il habite au 11 passage Alexandrie à Paris, et travaille comme presseur.

Le 19 décembre 1925, à Paris 11e, il se marie avec Augustine Louise Morand, 26 ans, née le 27 juin 1899 à Paris 14e, cartonnière, habitant à la même adresse. Ils auront neuf enfants, dont Louise, née en 1920, Suzanne, née en 1924, Maria, née en 1927, Aimé, né en 1929, André, né en 1930, Marguerite, née en 1934…

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Marcel Martel est domicilié dans un immeuble au 159, rue du Château-des-Rentiers à Paris 13e, vers la rue Ricault.

L’immeuble du 159, rue du Chateau-des-Rentiers, côté rue, en 2013. © Photo Mémoire Vive.

L’immeuble du 159, rue du Chateau-des-Rentiers, côté rue, en 2013.
© Photo Mémoire Vive.

Marcel Martel est cisailleur (coupeur en maroquinerie) aux établissements Wagner, sis au 18, rue Duclos, à Paris 20e. Pendant ses loisirs, il cultive un jardin au barrage de Vitry (près du barrage éclusé de Port-à-l’Anglais, à Vitry-sur-Seine ?). Pour s’approvisionner, il fait ses courses place Jeanne d’Arc.

Il adhère au Parti communiste en 1936 – membre du rayon du 13e de la région Paris-Ville – et y reste jusqu’à sa dissolution en septembre 1939. Il est également membre de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC).

En 1936, il est trésorier du Club sportif des HBM du 13e arrondissement, affilié à la Fédération sportive et gymnique du Travail (FSGT). Il milite aussi au Syndicat des Locataires de l’arrondissement.

Sous l’Occupation, il reste actif au sein du Parti communiste clandestin.

En avril 1941, « à la suite de la recrudescence de la propagande communiste clandestine dans le 13e arrondissement et principalement dans le quartier de la gare », deux inspecteurs de la brigade spéciale 1 des Renseignements généraux commencent « à effectuer diverses surveillances et enquêtes à l’issue desquelles

[ils acquièrent] la certitude que [Marcel Martel et Édouard Ch., monteur en chauffage, habitant le même groupe d’immeubles], membres actifs de l’ex-parti communiste [participent] de façon active à la propagande des théories de la troisième Internationale par la diffusion de tracts et brochures clandestines… ».

Le 23 avril 1941 au soir, les deux inspecteurs arrêtent Marcel Martel à son domicile en même temps que son voisin. Le premier remet les imprimés clandestins qui se trouvent chez lui avant la perquisition de son appartement : un opuscule et un tract qu’il dit avoir trouvé dans son atelier, deux opuscules et deux tracts qu’il dit avoir trouvé dans une poubelle, et six tracts qu’il dit avoir trouvé sous la porte de son appartement, représentant dix intitulés différents (La Vie du Parti, Nous accusons, Deux ans de désordre, Vive la Paix, Les camps de concentration [d’internement] sont la honte de la France, Les conseillers de Pétain…, et les journaux La Vie Ouvrière du 1er mai 1941, L’Humanité datée du même jour, deux autres exemplaires de L’Huma et L’Avant-Garde. Interrogé le lendemain, Marcel Martel déclare avoir conservé ces documents dans l’intention de les lire, sans en avoir eu le temps ni l’intention de les diffuser ou de les distribuer. Au motif des pièces saisies et du rapport des inspecteurs, le commissaire de police André Cougoule inculpe Marcel Martel d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939, mais celui-ci est laissé libre en raison de ses nombreux enfants, à charge « par » lui de déférer à toute convocation de justice. Son voisin est conduit au Dépôt de la préfecture de police.

Le 26 mai, Marcel Martel et son camarade comparaissent devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine, laquelle le libère en raison de ses nombreuses charges de famille.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 28 avril 1942, Marcel Martel est de nouveau arrêté lors d’une vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, avec le concours de la police française, et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une procédure judiciaire, avec ou sans condamnation. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; matricule 4088.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Marcel Martel se trouve dans le même wagon qu’Auguste Monjauvis.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Martel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45841 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Martel est probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au bâtiment des maladies contagieuses (Block 20) de l’hôpital des détenus du “camp souche”.

Il meurt à Auschwitz le 13 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Il est homologué comme “Déporté politique”.

Après la guerre, une plaque commémorative est apposée sur l’immeuble où il habitait au moment de son arrestation.

Plaque apposée sur le local du gardien (?), à droite du portail et de la grille. © Mémoire Vive.

Plaque apposée sur le local du gardien (?), à droite du portail et de la grille.
© Mémoire Vive.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 372 et 413.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Témoignage d’Auguste Monjauvis – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
- Comité du 13e arrondissement de l’ANACR, La résistance dans le treizième arrondissement de Paris, imprimé par l’École Estienne en 1977, page 87.
- Louis Chaput, Auguste et Lucien Monjauvis (entre autres), Le 13e arrondissement de Paris, du Front Populaire à la Libération, les éditeurs français réunis, Paris 1977, page 226.
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 31 mai au 3 septembre 1941 (D1u6-5856).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier des Renseignements généraux de la préfecture de police, brigade spéciale anticommuniste (BS 1), Affaire Charpentier – Martel (GB 61 – 233).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 784 (20393/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 13-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

Go to Top