Charles MIGEOT – 45879

Charles, Edmond, Migeot naît le 4 avril 1889 à Larivière 

[1] (Haute-Marne – 52), à 44 km au Sud-Est de Chaumont, fils d’Adeline Migeot, quarante ans, vigneronne, veuve de Louis Lapre (décédé en 1884) ; les témoins pour l’inscription du nouveau-né à l’état civil sont un vigneron et un agriculteur.

En 1906, sa mère vit en ménage avec un autre vigneron. Il habite avec eux au 21, rue de l’Abondice ou de la Bondice, à Larivière.

Le jeune homme travaille d’abord comme charpentier, scieur de long.

Le 5 octobre 1910, Charles Migeot est incorporé comme soldat de 2e classe au 152e régiment d’infanterie pour accomplir son service militaire. Le 27 septembre 1912, il passe dans la disponibilité de l’armée active, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

En mars 1913, il habite au 7, rue du Chêne-Rond à Bondy. En octobre, il demeure chez Monsieur Courageux (?), place de la République, toujours à Bondy. En décembre suivant, il est domicilié à Livry, 75, route nationale, chez Monsieur Lugue. En janvier 1914, il habite au 32, rue d’Aubervilliers, à Paris 19e.

Le 5 mars 1914, l’armée le classe comme affecté spécial pour la Compagnie des chemins de fer de l’Est.

Après le décret de mobilisation générale du 1er août 1914, Charles Migeot est « considéré comme appelé sous les drapeaux et maintenu à son emploi du temps de paix au titre des sections de chemins de fer de campagne du 2 août 1914 au 31 juillet 1919 ».

Le 3 juin 1916 à Paris 18e, Charles Migeot épouse (Marie) Rose Porte, née à Larivière le 25 octobre 1892, toujours domiciliée au village, fille de vignerons. Ils auront plusieurs enfants. René naît le 6 octobre 1918 à Paris 10e, chez une sage-femme, ses parents étant domiciliés au 9, rue Caillet ou Caillé (Paris 18e), et Alfred Jean nait le 28 septembre 1920 à Paris 18e.

En juillet 1927, la famille a déménagé pour Langres (52). En 1931, ils habitent faubourg des Auges. En 1933, naît Geneviève.

De 1935 à 1938, son fils René est apprenti au centre de formation SNCF de Chalindrey (52), nœud ferroviaire à 11 km de Langres ; il est ensuite chaudronnier aux ateliers du dépôt voisin, où travaille déjà probablement son père. René milite aux Jeunesses communistes puis au PCF.

Au moment de son arrestation, Charles Migeot, alors retraité de la SNCF, est revenu habiter à Larivière-sur-Arpance ; son adresse reste à préciser.Le 22 juin 1941, il est arrêté, parmi une soixantaine de militants communistes et syndicalistes interpellés en quelques jours dans la Haute-Marne [2] (dont 15 futurs “45000”). D’abord détenu à la prison de Chaumont, il est transféré le 27 juin au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne,
futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandises d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandises
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Charles Migeot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45879 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Charles Migeot se déclare alors comme agriculteur (Landwirt). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Charles Migeot.

Il meurt à Auschwitz le 31 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Au début de l’Occupation, son fils aîné, René Migeot, a poursuivit son activité militante en région champenoise. En juin 1941, il résidait à Tinqueux (Marne), en banlieue de Reims, sous le nom de “Georges Deloy”, dans une maison située 26, route de Soissons, où était installée une imprimerie clandestine. Il a bientôt été rejoint par Alice Cuvillers (née Corpel), militante communiste venue se réfugier à Reims après une vague d’arrestations opérées à Troyes, où elle résidait. Ils se consacraient alors tous deux à la composition et au tirage de plusieurs centaines de tracts et journaux clandestins. Le 30 août 1941, René Migeot a fait l’objet d’un premier mandat d’arrêt pour « distribution de tracts communistes et exercice d’une activité en vue de favoriser l’action de la IIIe Internationale ».

Le 3 août 1942, Alice Cuvillers a été arrêtée alors qu’elle allait récupérer du courrier envoyé par sa mère chez un couple de résistants rémois, M. et Mme Lévêque [3]. Le soir même, René Migeot est tombé dans le piège tendu chez les époux Lévêque, mais est parvenu à s’échapper en tirant sur les deux hommes en faction. Le 8 septembre 1942, il est visé par un second mandat d’arrêt.

C’est probablement à l’automne que René Migeot quitte Reims et est envoyé en région bordelaise (Gironde – 33), où il devient “interrégional” des Francs tireurs et partisans (FTP). Il organise plusieurs déraillements de trains ainsi que des sabotages sur des navires dans le port de Bordeaux. Il est par ailleurs l’auteur, avec Charles Bochard, de l’assassinat, le 26 août 1943, d’André Langeron, ancien militant communiste passé au Parti populaire français collaborationniste (PPF).

Le 18 ou le 19 septembre 1943, René Migeot est arrêté par la police française à Libourne (33). Une perquisition menée à son domicile permet d’y découvrir des armes et des munitions. Livré aux Allemands, il est emprisonné au fort du Hâ, à Bordeaux. Le 20 janvier 1944, le tribunal militaire de la Feldkommandantur 529 le condamne à mort. Le 26 janvier à 7 h 30, il est fusillé au camp de Souge, sur la commune de Martignas-sur-Jalle (33), en compagnie de seize résistants, essentiellement des membres du groupe FTP Bourgois.

Alfred Migeot, son frère – et fils cadet de Charles -, engagé dans la Résistance en région Rhône-Alpes, arrêté par des forces de l’ordre françaises, est déporté dans le transport de 720 détenus de la prison Saint-Paul de Lyon parti le 29 juin 1944 – avant la retraite de l’armée d’occupation – et arrivé au KL Dachau le 2 juillet 1944. Enregistré sous le matricule 75908, Alfred Migeot est ensuite transféré au KL Flossenbürg, puis au grand Kommando de Leitmeritz (Litomerice), près de Theresienstadt au nord-ouest de Prague,, lié à l’usine Elsabe et aux constructions “Richard”. Il y meurt le 1er février 1945 (41,5 % des déportés du convoi sont comptés comme décédés ou disparus).

Les noms de Charles Migeot et de ses fils René et Alfred sont inscrits sur le monument aux morts de Larivière.

Le nom de René Migeot est gravé sur une plaque apposée près du dépôt de Chalindrey et sur le mémorial du camp de Souge.

Marie-Louise Migeot décède à Bourbonne-les-Bains (52) le 16 juin 1957, âgée de 64 ans.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Charles Migeot (J.O. du 21-12-1995).

Notes :

[1] Larivière, puis Larivière-sur-Apance, aujourd’hui Larivière-Arnoncourt.

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] Alice Cuvillers : emprisonnée un temps à la prison pour femmes de Rennes, elle est déportée au KL Ravensbrück le 18 avril 1944, d’où elle reviendra en mai 1945.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 367 et 414.
- À propos de René Migeot, Cécile Hochard, Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1433-1434.
- À propos de René Migeot, Delphine Leneveu, Les fusillés (1940-1944), Dictionnaire biographique des fusillés et exécutés par condamnation et comme otage ou guillotinés pendant l’Occupation, sous la direction de Claude Pennetier, Jean-Pierre Besse, Thomas Pouty et Delphine Leneveu, Éditions de l’Atelier, 2015, page 1288.
- À propos d’Alfred Migeot, Thomas Fontaine, Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004 : transport, I.234, tome 4, pages 1026 et 1027, 1047.
- Archives départementales de la Haute-Marne (AD 52), site du conseil général, archives en ligne : état civil de Larivière-sur-Apance, registres d’état civil NMD 1883-1892 (E dépôt 5419), année 1889, acte n° 7 (vue 38/183) ; registre des matricules militaires, bureau de Langres, classe 1909, n° de 453 à 1000 (FRA052 R1617), matricule n° 957 (vue 1/47).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des mariages du 18e arrondissement à la date du 3 juin 1916 (18M 466), acte n° 820 (vue 17/21).
- Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 38.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 838, orthographié « Mugeot ».
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de L à R (26 p 842), acte n° 26196/1942.
- Site internet Mémorial GenWeb, relevés de Raymond Jacquot (2002) et Guy Chaillaud (2006).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-06-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Henri MIGDAL – (45880 ?)

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Droits réservés.

Henri Migdal naît le 26 novembre 1920 à Paris 14e, fils de Joseph Migdal et de Berthe Pester. La famille compte onze enfants, parmi lesquels Robert, né le 30 mai 1922, et André., né le 21 juin 1924, tous deux à Paris 14e.

Au moment de son arrestation, Henri Migdal est domicilié en hôtel au 95, rue Claude-Decaen (4e étage, chambre 27) à Paris 12e, alors que ses frères habitent encore chez leurs parents, dans une cité au n° 72 de la même rue (escalier E, 1er étage, porte 105 – entrée, cuisine, salle à manger, deux chambres à coucher, WC).

Henri Migdal est célibataire et travaille comme magasinier aux usines Citroën, au 51, quai Michelet, à Levallois-Perret (Seine / Hauts-de-Seine).

En juillet 1938, il adhère à la 12e section de Paris des Jeunesses communistes (JC).

Au début de l’occupation, Pierre Pannetrat, « ancien trésorier de la 12e section de Paris-Ville » constitue « un centre de diffusion de tracts où

[les militants viennent] se ravitailler ». En septembre 1940, il demande à un voisin de la cité HBM Fécamp-Robert-Tourneux, ancien camarade de Parti, Ludovic G., 47 ans, veuf, qu’il considère comme moins exposé, d’entreposer dans son propre logement ce matériel de propagande clandestine, ainsi que des brochures. À la suite de quoi, des délégués de région du PC (restés anonymes) viennent à plusieurs reprises y effectuer des dépôts de tracts. Ludovic G. stocke également des exemplaires du journal des JC, L’Avant-Garde, diffusés par les jeunes militants du secteur, dont son fils, Raymond, 19 ans. Enfin, son appartement servant aussi de lieu de réunion pour un comité de chômeurs de l’arrondissement, Ludovic G. entrepose aussi des exemplaires de La Vie Ouvrière, organe de la CGT clandestine.

De son côté, Henri Midgal participe aux « réunions de propagande » des JC, organisées par Jean Canard [2] sous la direction de Joseph Le Lagadec [3], 27 ans, et regroupant également son frère Robert, Raymond G., Roland Pannetrat, les frères Armand et Jean Feldmann. Certaines réunions se tiennent dans la rue, près de la grille d’entrée des immeubles située au 10, rue Tourneux, d’autres à la grille de la rue Édouard-Robert, enfin – peut-être un autre groupe ? -, occasionnellement, chez Robert Poing, dont le père – domicilié au 10, rue Tourneux – est souvent absent le soir. Ensuite, « à la faveur de l’obscurité », les membres du groupe diffusent leur journal et/ou des tracts, collent des papillons sur les murs du voisinage, ou y inscrivent à la craie des slogans comme « Thorez au pouvoir ».

En décembre 1940 et janvier 1941, la brigade spéciale des renseignements généraux constate « qu’une active propagande communiste [est] menée dans le 12e arrondissement » et surveille de très près un militant (Fernand Notin ?) qui reçoit « à son domicile, [19] rue de la Lancette, de nombreux individus ». Surveillances et filatures permettent en effet de repérer plusieurs militants. Le 25 janvier, deux inspecteurs se présentent au domicile de Ludovic G. (15, rue Édouard-Robert, premier étage gauche, deux pièces). La perquisition opérée amène la découverte dans un coffre à charbon de 15 000 tracts ronéotypés divers (« scellé n° 1 […] conduit à la fourrière en raison de son volume et de son poids ») et, sur une table dans la chambre, de diverses brochures, de 90 Avant-Garde, de 70 tickets de souscription pour les chômeurs, et de 530 papillons gommés. Père et fils sont conduits dans les locaux des renseignements généraux, à la préfecture de police, pour y être interrogés, Ils admettent rapidement leur propre implication et mettent en cause les membres de leur réseau qui leurs sont connus ; André Migdal parlera ultérieurement d’« un père et son fils qui ne résistèrent pas aux interrogatoires ». Ainsi, Raymond G. signe une liste nominative de tous leurs contacts (« Je certifie que les susnommés prennent part à la propagande clandestine est [sic] qui venaient chez mon père chercher les tracts »), parmi lesquels les trois frères Migdal et la famille Pannetrat. Tous sont appréhendés le lendemain, 26 janvier, à leurs domiciles respectifs. Arrêté chez ses parents, André Migdal est trouvé porteur d’un exemplaire de L’Humanité clandestine n° 6 de décembre 1940. Rien de compromettant n’est découvert lors de la perquisition de l’appartement familial. Résultat également négatif lors de la fouille de la chambre d’hôtel d’Henri.

Dix-sept autres personnes sont ainsi conduites dans les bureaux des RG pour y être interrogées à leur tour. Les inspecteurs de la BS 1 mentionnent que la carte d’identité présentée par Henri Migdal « ne porte pas l’indication “Juif ” bien que l’intéressé soit israélite » (il déclare avoir omis cette formalité par manque de temps). Il admet sa participation à l’activité de propagande clandestine depuis le début de l’occupation jusqu’à la fin du mois d’octobre, mais déclare y avoir mis fin depuis deux mois. Lors de sa confrontation avec le fils G., celui-ci désigne Henri Migdal comme un simple exécutant, mais présenté à lui par Joseph Le Lagadec comme un militant sûr.

Le 26 janvier, après les divers interrogatoires et au vu des rapports des inspecteurs, considérant que leur activité « avait pour but la diffusion des mots d’ordre de la IIIe Internationale communiste ou d’organismes s’y rattachant, par la distribution, la détention en vue de la distribution, l’apposition de tracts et de papillons d’inspiration communiste », le commissaire André Cougoule, chef de la brigade spéciale, officier de police judiciaire, inculpe seize personnes – dont les trois frères Migdal – d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 et les fait conduire au Dépôt, à disposition du procureur de la République (trois personnes étant laissées libres, aucun fait délictueux n’ayant été relevé à leur charge).

Henri Migdal est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e) jusqu’au jugement.

Les trois frères sont défendus par Michel Rolnikas, avocat du PC (arrêté le 23 juin et fusillé comme otage communiste le 20 septembre 1941).

Henri Migdal est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e) jusqu’au jugement.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 30 mai 1941, seize inculpés comparaissent devant la chambre des mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine ; trois pères ont été convoqués à l’audience comme civilement responsables, dont celui des frères Migdal. Henri est condamné à six mois d’emprisonnement. Appel est fait, mais toutes les peines sont augmentées.

Henri Migdal exécute sa peine à la l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Il doit être ensuite interné administrativement au camp français de Choisel à Châteaubriant (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique) ; l’arrêté d’internement semble dater du lendemain de la décision de justice. Mais, avec la complicité d’un inspecteur de police, il est libéré comme « contagieux » (gale infectée).

Henri Migdal reprend ses activités de résistance et participe à l’attaque d’un dépôt d’essence boulevard Diderot.

Le 1er novembre 1941, jour des Morts, Henri Migdal est arrêté au cimetière du Père-Lachaise où il participe à une manifestation patriotique sur la tombe de Paul Vaillant-Couturier. Le jour même, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif.

Le 10 novembre, Henri Migdal fait partie d’un groupe de 58 militants communistes transférés au « centre de séjour surveillé » (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le 18 mars 1942, il est parmi les treize « jeunes » communistes « extraits par les autorités allemandes et transférés, pour des raisons qui n’ont pas été indiquées » au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; tous sont de futurs “45000” sauf André Giraudon, de Bourges, fusillé au Mont-Valérien le 9 mai 1942. Henri Migdal est enregistré à Royallieu sous le matricule n° 3797.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 5 juin, son frère Robert – 20 ans – est déporté dans le convoi d’otages juifs partant de la gare de Compiègne pour Auschwitz. Il y est enregistré sous le matricule n° 38789.

Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Migdal est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Henri Migdal est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45880, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Henri Migdal.

Son frère Robert meurt à Auschwitz le 9 août.

On ignore la date exacte de la mort à Auschwitz d’Henri Migdal, à la fin du mois de novembre ou au début de décembre 1942 selon le témoignage des rescapés : il aurait été désigné comme inapte au travail lors d’une sélection. En partant pour la chambre en gaz [4], il « chantait La Marseillaise ».

Déclaré “mort pour la France”, Henri Migdal est homologué comme Déporté résistant.

Ses parents, Joseph et Sophie-Berthe Migdal, sont arrêtés comme juifs par la police française, avec tous les autres habitants de leur immeuble – 158 personnes -, livrés à l’armée allemande et déportés le 13 février 1943 vers Auschwitz dans un convoi du génocide (n° 48).

Son frère André, écroué à Fresnes, puis interné dans les camps français de Pithiviers (Loiret) et de Voves, déporté en mai 1944 au KL Neuengamme (matricule 30655), affecté aux Kommandos Bremen-Farge puis de la Kriegsmarine à Brême-Riespott, survit à la tragédie de Lübeck, le 3 mai 1945 : bombardement et mitraillage par l’aviation anglaise de bateaux civils allemands dans lesquels les SS ont entassés des déportés. Rapatrié en France, André Migdal accompagne d’abord un camarade à Lyon pour témoigner du sort des disparus auprès des familles, puis rentre seul à Paris en train le 25 juin.

En octobre 1947, le cercle du 12e arrondissement de l’Union de la Jeunesse Républicaine de France (UJRF) souhaite déposer une plaque commémorant le souvenir d’Henri et de Robert Migdal et des 46 familles de cet immeuble victimes de la barbarie nazie, mais le propriétaire – une société immobilière – s’y oppose.

Après la guerre, une cellule du PCF du 12e arrondissement porte le nom des deux frères.

Notes :

[1] La cité Fécamp-Robert-Tourneux se situe dans le 12e arrondissement à proximité de la place Félix Eboué et du métro Daumesnil (quartier de Bel-Air sud). Il s’agit d’un ensemble HBM construit en 1920-1924 sur un dessin de l’architecte Alexandre Maistrasse, comptant 603 logements de taille réduite – ainsi que 2 loges de gardiens et 3 logements rattachés à des commerces – répartis dans 4 ensembles de bâtiments en briques à R+6 et R+7 aux angles des rues.
L’office public d’habitations à bon marché (HBM) a été créé en 1914 pour fournir un logement aux miséreux de la “zone”, mais aussi un “cadre éducateur d’ordre et de propreté”. Ainsi les nouveaux logements sont-ils plus spacieux et confortables que les anciens bidonvilles (électricité, eau courante, W-C, douches, chauffage). Cependant, l’îlot refermé sur lui-même est au service de la discipline et de la surveillance sociale, comparable à celle des grandes usines. (source : parisbalades.com/arrond/12/12ereuilly.htm et belairsud.blogspirit.com/files/2013%20DLH%20338.pdf)

[2] Jean Canard, né le 3 avril 1919 à Paris 12e, employé de banque, domicilié au 16, rue Édouard-Robert, déporté le 12 mai 1944 (comme Pierre Pannetrat) dans le transport de 2073 hommes parti de Compiègne et arrivé deux jours plus tard au KL Buchenwald (matricule n° 51834), est transféré au Kommandos de Dora-Ellrich, puis Dora-Nordhausen. Rescapé, il est libéré dans ce camp le 11 avril 1945. (source : Claude Mercier, François Perrot, Livre-Mémorial de la Fondation pour la mémoire de la Déportation, convoi I.211, tome 3, pages 541-543, 559)

[3] Joseph Le Lagadec, né le 24 novembre 1913 à Paris, employé de bureau, domicilié au 43, rue de Fécamp, déporté le 6 avril 1944 dans le transport de 1489 hommes parti de Compiègne et arrivé deux jours plus tard au KL Mauthausen (matricule n° 62683), meurt au Kommando de Gusen le 10 mars 1945. (source : Claude Mercier, in Livre-Mémorial de la FMD, convoi I.199, tome 3, pages 354-355, 390)

[4] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme « inaptes au travail » (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 66, 150 et 153, 371 et 414.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, (2002), citant : Témoignage d’Aimé Oboeuf, qui connaissait H. Migdal depuis le Congrès de Royan – Entretien avec André Migdal (3-12-1991) qui a rempli le questionnaire et fournit une substantielle documentation ; lui-même étant l’auteur d’articles et de poèmes.
- André Migdal, Les plages de sable rouge, La tragédie de Lübeck – 3 mai 1945, NM7 Éditions, juin 2001, pages 78 à 82, entre autres.
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 5 juin au 22 septembre 1941 (D1u6-5857).
- Archives nationales : correspondance de la Chancellerie, BB18 7047, 2B2 3260.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande” (BA 2374) ; dossiers de la BS1 (GB 53), n° 112, « affaire G. – Pannetrat – Canard – Vadkerti – Poing – Feldman – Migdal – Stéphan – Le Lagadec », 26–1-1941.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 811, Migdal Robert (19038/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Emmanuel MICHEL – 45878

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Photographié au retour des camps…

Emmanuel, Paul, MICHEL naît le 27 mai 1901 à Saint-Pierre-Église (Manche- 50), fils de Désiré, Jean, Pierre, Michel, journalier, et de Maria Augustine Valo, son épouse (ses parents seront décédés, en un autre lieu, au moment de son incorporation ; à vérifier…).

Pendant un temps, Emmanuel Michel habite à Gouneville (50) et travaille comme domestique (agricole ?).

Le 2 mars 1921, à Cherbourg, il s’engage volontairement pour trois ans comme apprenti-marin au 1er dépôt des équipages de la Flotte. Le 1er avril 1921, il est nommé matelot de 2e classe canonnier. Le 1er juillet 1923, il est nommé matelot de 1re classe canonnier. Du 14 novembre 1921 au 21 juillet 1922, puis du 30 août suivant au 31 août 1923, il est embarqué sur le croiseur cuirassier Ernest Renan, en campagne au Levant. Le 2 mars 1924, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire rue aux Juifs à Saint-Pierre-Église, chez « de Valo » (?).

Début juillet 1924, il habite au 9, rue de la Vicomté à Argentan (Orne – 61)

Le 23 août 1924, il entre à la Compagnie des chemins de fer de l’État qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938

[1].

Le 17 janvier 1927 à La Ferté-Macé, à proximité de Bagnoles-de-l’Orne (61), Emmanuel Michel se marie avec Louise, Pauline, Françoise, Jacq, née le 11 février à 1907 à Saint-Maurice-du-Désert, Les Monts d’Andaine (60). Ils auront deux enfants.

En juillet 1927, il habite au 16, rue de la Chaussée à Argentan.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 5, rue des Écores à Trouville-sur-Mer (Calvados – 14).

Emmanuel Michel est homme d’équipe à la gare de Trouville-Deauville (14), arrondissement de l’Exploitation de Caen.

Lors élections cantonales d’octobre 1937, le Parti communiste le présente comme candidat au Conseil d’arrondissement dans la circonscription de Trouville.

En mars 1941, Emmanuel Michel commence à participer à l’activité communiste clandestine, notamment par le transport et la distribution de tracts (selon ses propres déclarations ultérieures).

Le 1er juillet 1941 au soir, Emmanuel Michel est arrêté à son domicile par le commissaire de police de Trouville qui le conduit à la prison de Pont-l’Évêque où il est interrogé sur ses “activités communistes”. Le 21 juillet 1941, il comparait devant un tribunal français qui décide de sa mise en liberté surveillée : il doit se présenter régulièrement au commissariat de Trouville pour y signer un registre.

Le 1er mai 1942, vers 23 h, à la suite de l’attentat ferroviaire de Moult-Argences (Airan) [3], il est de nouveau arrêté, par le même policier, et son domicile est perquisitionné (des tracts et des documents clandestins y sont trouvés). Il est ensuite conduit au commissariat de Trouville. Là, il subit un premier interrogatoire devant un Feldgendarme, puis est descendu en cellule ; situation qui se répète à plusieurs reprises.

Le dimanche 3 mai, l’ordre est donné de le transférer à la prison de Pont-l’Évêque. Quatre cents personnes manifestant devant le commissariat, les policiers l’emmènent « dans une auto rapide » pour éviter cette foule (dans sa brochure-témoignage, E. Michel n’indique pas si Maurice Guerrier, de Trouville, est avec lui).

De Pont-l’Évêque, le soir-même, il est conduit à Caen en camion avec 25 à 30 hommes remis aux autorités d’occupation comme otages.

Emmanuel Michel ne précise pas le lieu où passe la nuit, « dans une grande pièce » où ils sont « rassemblés à cinquante-deux », mais on peut penser que c’est au “petit lycée”.

Le lendemain après-midi, 4 mai, Emmanuel Michel fait partie du groupe de détenus emmenés à la gare de Caen et embarqués dans deux wagons de marchandise.

Selon Emmanuel Michel, des complicités parmi les cheminots (dont le chef de train Roussel) font arrêter brièvement le train en gare de Mézidon où sept détenus peuvent faire leurs adieux à leurs familles qui avaient été alertées, puis en gare de Lisieux, où Alphonse Marie peut dire au revoir à ses proches.

Intérieur de la gare de Mézidon. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Intérieur de la gare de Mézidon. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Le lendemain matin, ils arrivent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le 25 juin, après une visite médicale, Emmanuel Michel est déclaré bon pour aller « travailler en Allemagne » ; sélectionné avec plus d’un millier d’otages communistes et une cinquantaine d’otages juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Le 5 juillet, on lui fait renvoyer ses vêtements chez lui, ce qui désespérera les siens (ils peuvent imaginer une exécution…).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Emmanuel Michel est dans le quatrième groupe de détenus à embarquer dans les wagons (Marcel Cimier parle de « deux moitiés »). Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Comme ses compagnons, E. Michel écrit quelques messages pour sa famille, lancés « aux gardes-barrière et brigades de voie ».

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures. Dans la gare, Emmanuel Michel est témoin que la garde de celui-ci passe de la Feldgendarmerie aux SS. Le train repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Emmanuel Michel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45878 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard). Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Emmanuel Michel est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 4, avec Jean Mahon, Gustave Martin, Charles Mary et Raymond Monnot.

Au cours du premier mois, il travaille dans le Kommando de terrassement de la “Hutta”, surnommé selon lui « le kommando de la mort », ce qui l’amène souvent à traverser la petite ville d’Auschwitz (Oswiecim). Il travaille alors à côté de femmes détenues à Birkenau, dont il estime le sort pire que celui des hommes. Il est ensuite affecté au Strassen Bau Chaleix, un Kommando spécialisé dans les travaux de route. Le 30 août, après que Maurice Guerrier (45634), de Trouville, ait été désigné lors d’une sélection, il échange des adieux avec celui-ci avant qu’il ne parte en camion pour la chambre à gaz.

Blessé à la jambe gauche depuis le 28 juillet, Emmanuel Michel demande à son Kapo l’autorisation d’entrer à l’infirmerie (Block 10) où il est admis le 12 septembre. Le 17 septembre, il entre au Krakenbaü, Block chirurgical (21). Le 19, il est conduit dans la salle d’opération, où le chirurgien, estimant qu’il n’a plus que quelques jours à vivre, décide que son amputation est inutile. Le 2 octobre, Emmanuel Michel est sélectionné pour la chambre à gaz. Ayant sombré dans l’inconscience à cause d’une forte fièvre, il est sauvé par l’intervention d’un compagnon de châlit et d’un médecin polonais qui inscrit son matricule au crayon sur la poitrine d’un mort (envoyé au crématoire à sa place).

Début décembre, à peu près remis, Emmanuel Michel est de nouveau affecté dans différents Kommandos de terrassement. L’un de ceux-ci consiste à niveler un terrain devant recevoir des voies de chemins de fer, à proximité de Birkenau (probablement vers la première “rampe des Juifs”)… Il commence ainsi à en apprendre davantage sur le processus industriel de mise à mort. C’est probablement dans ces périodes de travail près de Birkenau qu’il assiste à des arrivées de convois et à la sélections de familles juives vouées à l’extermination.

Victime du typhus, Emmanuel Michel doit retourner à l’hôpital, « Block 21, salle 2, stube 4 ». En avril 1943, sélectionné pour la chambre à gaz, il s’enfuit et se dissimule toute une journée à l’intérieur du camp. Battu quand il revient à l’hôpital (25 coups sur les reins), il en est chassé et affecté au Block 6A où, étant le seul Français, les Kapos le brutalisent régulièrement. Puis il est dirigé vers le Block 25 et affecté aux cuisines, à l’épluchage de pommes de terre.

Le 4 juillet 1943, comme les autres “politiques” français (essentiellement des “45000” rescapés), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

Un soir de juillet, Emmanuel Michel assiste à une pendaison collective qui a lieu, au son de l’orchestre du camp, devant tous les détenus rassemblés sur la place d’appel devant les cuisines. Il s’agit probablement de l’exécution, le 19 juillet 1943, de douze détenus polonais suspectés par la police politique du camp de complicité avec trois de leurs compatriotes évadés en mai du Kommando Arpentage. Les corps sont laissés longtemps sur place pour servir d’exemple.

À la mi-août 1943, Emmanuel Michel est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant lesBlocks 10 et 11.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine. Emmanuel Michel est assigné au Block 6A, puis au Block 25, parmi les détenus affectés aux cuisines. Il semble qu’il y reste jusqu’à l’été suivant.

Le 3 août 1944, Emmanuel Michel est parmi les trois-quarts des “45000” restant à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine”, au Block 10, en préalable à un transfert.

Le 29 août 1944, il est parmi les trente “45000” [3] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. Selon E. Michel, conduits, afin d’embarquer, vers le secteur de la gare de marchandises d’Auschwitz d’où part la bifurcation qui mène à l’intérieur de Birkenau, les détenus éprouvent une grande frayeur en se rapprochant des crématoires. En même temps, ils assistent à l’arrivée d’un nouveau convoi de Juifs hongrois. C’est à ce moment que sont donnés à E. Michel les ultimes renseignements sur le processus d’extermination : existence précaire du Sonderkommando, fosses d’incinération suppléant à l’insuffisance des crématoires.

À leur arrivée à Sachsenhausen, et jusqu’au 25 septembre, les trente “45000” sont affectés au Block 66.

Emmanuel Michel est évacué le 21 avril 1945. Du 25 au 30 avril, il est détenu (?) à Wisttock. Le 1er mai, sa colonne de détenus est libérée à la jonction des armées soviétique et américaine.

Rapatrié, il retrouve sa famille en France le 23 mai suivant.

Il est alors domicilié au pavillon n° 8 en gare de Trouville (?).

Dès janvier 1946, il fait publier une plaquette, Auschwitz : antre du crime et du sadisme, d’après le récit d’Emmanuel Michel, parue sous la signature de “P.C.” Auparavant, il s’est fait photographier dans un studio, en “rayé” avec le béret – voir ci-dessus. Tiré à plusieurs exemplaires, ce portrait sera diffusée auprès de ses anciens compagnons et figure au début de sa brochure.

En avril 1952, Emmanuel Michel remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté Résistant. Dans sa séance du 23 septembre 1952, la Commission départementale d’attribution du Calvados émet un avis favorable à sa demande, repris par la Commission nationale, à partir duquel le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre lui délivre le 16 février 1953 le titre de Déporté Résistant (carte n° 1003.15304).

Le 18 décembre 1961, il se voit accorder la Croix de combattant volontaire 1939-1945 (certificat n° 36509).

Par le décret du 31 décembre 1962, il est fait chevalier de la Légion d’honneur (J.O.R.F. du 5-01-1963).

Le 26 août 1987, à Caen, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

Emmanuel Michel décède le 22 février 1992, à Lisieux (14).

Le nom d’Emmanuel Michel est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen. Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir de l’attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage. Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht. Au total plus de la moitié des détenus sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations. Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe (lequel est devenu Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là). Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés, au Mont-Valérien (Hauts-de-Seine – 93) pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen. La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[3] Les trente d’Auschwitz vers Sachso : (ordre des matricules, noms de G à P) Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Le Gal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).

Sources :

- Emmanuel Michel, Auschwitz : antre du crime et du sadisme… ; son témoignage est souvent imprécis, rapportant parfois des “rumeurs” du camp.
- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Évrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice biographique par Claudine Cardon-Hamet page 128.
- Hommes et femmes à Auschwitz, Hermann Langbein, éditions Fayard, 1998, page 128.
- Claude Doktor, Le Calvados et Dives-sur-Mer sous l’Occupation, 1940-1944, La répression, éditions Charles Corlet, novembre 2000, Condé-sur-Noireau, page 206.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 131 (n° 44) et 138.
- Mémorial de la Shoah, Paris, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLIII-91.
- Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France, L’Humanité 14160 du 25 septembre 1937, page 4, “vingtième liste…”.
- Service d’information sur les anciens détenus, Biuro Informacji o Byłych Więźniach, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne ; page du registre du Block 4.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier d’Emmanuel Michel (21 P 597 898), recherches de Ginette Petiot (message 12-2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-10-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Lucien MICHEL – 45877

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Lucien MICHEL naît le 28 août 1902 à Bourges (Cher – 18), chez ses parents, Raymond Michel, 38 ans, charron, et Marie Julien, son épouse, 27 ans, couturière, domiciliés au 10, quai des Maraîchers. Les témoins pour l’inscription du nouveau-né à l’état civil sont deux autres charrons. Lucien a une sœur aînée, Alice, née le 1er août 1897 à Plaimpied (18), où sont nés et vivent alors leurs parents (18). Lucien a une sœur aînée, Alice, née le 1er août 1897 à Plaimpied, où étaient nés et vivaient alors leurs parents (18).

En décembre 1903, son père, Raymond Michel, demeure route de Bourges à Vierzon-Ville (18)

[1].

Le 8 août 1906, la sœur de Lucien, (Hermine) Germaine, naît avenue de la Mairie à Vierzon-Villages ou Vierzon-Forges (?). Cette année-là, son père est menuisier chez Barberan.

En 1921, Lucien Michel n’est pas recensé avec ses parents et sa sœur, alors domiciliés rue Étienne-Marcel, à Vierzon-Forges.

En 1926, il habite rue Étienne-Dolet, à Vierzon-Forges, avec sa mère et sa sœur. Il est menuisier.

Pendant un temps, Lucien Michel est secrétaire du syndicat unitaire des Métaux de Vierzon (quelle commune ?).

Au cours du dernier trimestre de 1926, Lucien Michel est emprisonné, vraisemblablement à la suite des manifestations des 8 octobre et 7 novembre, qui furent toutes dispersées par la gendarmerie à cheval. En décembre, il est licencié de l’usine des établissements Georges Brouhot, matériels agricoles et industriels (locomobiles et batteuses), rue du Cavalier.

En 1927, il est secrétaire adjoint de la cellule communiste de Vierzon-Forges [1].

Le 9 août 1930, à Vierzon-Ville, Lucien Michel se marie avec Jeanne Lagrange.

En 1937, il devient conseiller d’arrondissement communiste, succédant à André Collier, vigneron (petit propriétaire et ouvrier agricole), élu maire communiste de Vierzon-Bourgneuf en 1935, décédé.

Au moment de son arrestation, Lucien Michel est domicilié à Vierzon [1] ; son adresse reste à préciser.

Il travaille à l’usine d’aviation de Bourges (très probablement aux Établissements Hanriot, devenue Aérospatiale).

Il est secrétaire de la section du PCF de Vierzon. À une date restant à préciser, il est élu Conseiller général.

Le 22 juin 1941 [1], il est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Lucien Michel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45877 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Lucien Michel est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Il meurt à l’ “hôpital” d’Auschwitz (Block 20) le 16 août 1942, d’après les registres du camp ; cinq semaines après l’arrivée de son convoi.

Selon d’autres témoignages, il fait partie des trente-neuf “45000” sélectionnés le jour suivant pour la chambre à gaz et qui chantent La Marseillaise dans le camion qui les emportent [2].

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du Xx-1995).

À Vierzon, son nom est inscrit sur la haute plaque dédiée aux Victimes vierzonnaises de la barbarie nazie 1939-1945 du Mémorial de La Résistance et Déportation, inauguré en 2011 au 10 avenue du Général-de-Gaulle, près de la médiathèque Paul Éluard.

Notes :

[1] L’ “ Aktion Theoderich ” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 150 et 153, 356, 363 et 414.
- Association des amis du musée de la Résistance et de la Déportation de Bourges, article dans La Nouvelle République du 31 janvier 2005.
- Le Maitron en ligne, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier – mouvement social, site internet : notice biographique.
- Archives départementales du Cher, site internet du Conseil départemental, archives en ligne : registre des naissances de Bourges, année 1902 (3E 54232), acte n° 377 (vue 92/219).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 1, page 120* (registre de la morgue relevé par la Résistance) ; tome 3, page 808 (21235/1942).
- Site Mémorial GenWeb, relevé d’Alain Girod (n° 80755), 10-2016.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-10-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Samy, Michel, MIASKOVSKY – 46301

© Collection Danielle Miaskovsky Amram.

© Collection Danielle Miaskovsky Amram.

Samy, Michel, Miaskovsky (parfois orthographié Miaskowsky), d’origine russe, naît le 20 mars 1896 à Constantinople (Turquie), fils Jakob Miaskovsky et de Rosa Eisenstein ; il parle le Turc. Il a – au moins – deux sœurs plus jeunes : Sonia, Sophie, née le 14 décembre 1903, et Ida, née le 22 décembre 1905, toutes deux à Constantinople.

Samy Miaskovsky est expert-comptable.

Le 28 avril 1934, à Paris 16e, il se marie avec Simone de Pellieux, née le 16 août 1906 à Paris 6e, secrétaire.

Pendant un temps, il habite rue Baudin (dénommée Pierre-Semard en décembre 1944) à Paris 9e, peut-être aussi au 154 quai Louis-Blériot (Paris 16e). Mais il est arrêté à Saint-Jean-de-Monts (Vendée), où il habite alors la villa “Le Bleuet”, sur le boulevard du Midi.

Le 23 avril 1942, il est arrêté à son domicile par les autorités allemandes, transféré vers la capitale et interné le lendemain au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il y est enregistré sous le matricule n° 3878.

Le 29 avril, quand François Montel, représentant des internés auprès des autorités du camp de Drancy installé dans la cité de la Muette (Seine / Hauts-de-Seine), destitué le jour-même par Dannecker, y est transféré dans un groupe de 784 hommes, Samy Miaskovsky est chef du bâtiment C 3 (dans le camp “des Juifs”, ouvert le 12 décembre 1941). Le dentiste Benjamin Schatzman décrit ce dernier comme : « Un homme doux et correct dont la société est agréable car il parle plusieurs langues, tout en n’ayant eu qu’une instruction primaire. » Pour être désigné comme chef de bloc, Samy Miaskovsky parlait certainement allemand, condition nécessaire.

Après une nuit passée dans l’ancien camp “russe” (bât. C4 ou C8), lors de la sélection du convoi d’otages juifs du 5 juin, Samy Miaskovsky s’installe dans une petite chambre du C6 avec François Montel.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 24 juin, l’administration militaire du camp établit un certificat (Bescheinigung) de présence de Samy Miaskovsky, envoyé à son épouse.

Entre fin avril et fin juin 1942, Samy Miaskovsky est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Samy Miaskovsky est sur la liste (reconstituée) des hommes déportés comme otages juifs.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Samy, Michel, Miaskovsky est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46301 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Samy Miaskovsky se déclare alors comme fonctionnaire (Beamte). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Samy Miaskovsky.

Il meurt à Auschwitz le 19 juillet 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher). La cause mensongère indiquée est « mort subite d’origine cardiaque » (Plötzlicher Herztod). Il est parmi les tous premiers morts du convoi…

Peu de temps après le départ du transport, un correspondant anonyme (peut-être un des rares Juifs à être resté au camp) écrit à son épouse : « Je crois de mon devoir de vous informer que M. Miaskovsky est parti le lundi 6/7 de Compiègne avec une cinquantaine d’autres Juifs et de nombreux Français, pour travailler en Allemagne. D’après les renseignements qu’on avait dans le camp, ils s’arrêteront en route une dizaine de jours à Mourmelon où le triage sera fait. On croit savoir qu’ils seront considérés comme travailleurs bénévoles et seront par conséquent payés. M. Miaskovsky a pu emporter une partie de ses bagages et l’administration du camp vous renverra le reste. »

Le 15 juillet, l’administration militaire du Frontstalag 122 avait envoyé à sa famille une une carte-formulaire en allemand indiquant que « (…) le détenu Miaskovsky Samy a été transféré dans un autre camp pour travailler. Le lieu de destination ne nous est pas connu, de sorte que vous devez attendre des nouvelles ultérieures… ».

Samy, Michel, Miaskovsky est le seul ”45000” de Vendée.

Sonia, Sophie et Ida Miaskovsky. © Collection Danielle Miaskovsky Amram.

Sonia, Sophie et Ida Miaskovsky. © Collection Danielle Miaskovsky Amram.

Ses sœurs, Sophie, alors secrétaire traductrice, et Ida, éducatrice, domiciliées au 22, rue Duroc à Paris 7e, sont déportées le 24 juillet 1942 (convoi n° 10). Sophie meurt à Auschwitz quatre jours plus tard, le 28 juillet, probablement conduite à la chambre à gaz. Ida – ayant, elle, été enregistrée dans le camp – succombe le 28 septembre.

Le 24 septembre 1946, Simone Miaskovsky, veuve de Samy, alors domiciliée rue des Dunes, à Bretignolles-sur-Mer (Vendée), remplit un formulaire du ministère des anciens combattants et victime de guerre (ACVG) pour obtenir la régularisation de l’état civil d’un « non rentré ». Dans la rubrique consacrée au statut, elle inscrit « déporté racial ».

Le 24 octobre, ayant été interrogé sur ce point par le ministère des ACVG, le secrétariat de la FNDIRP est en mesure de préciser – sur la base de renseignements qu’il a recueillis – que « Miaskouski Michel, né le 20.3.96 matricule 46301, est décédé le 19.7.42 au Auschwitz » (sic).

Le 12 décembre suivant, un officier de l’état civil du ministère dresse l’acte de décès officiel de Samy Miaskovsky, en fixant la date au 19 juillet 1942 sur la base des éléments figurant au dossier du de cujus.

Le 15 juin 1961, Madame Sylvain Riva, autre sœur de Samy, domiciliée à Antony (Seine) se rend au ministère pour demander où et quand a été transcrit l’acte de décès de celui-ci.

En 2010, la mention « mort en déportation » est inscrite en marge de l’acte de décès de Samy Miaskovsky.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 379 et 414.
- François Montel, Journal de Compiègne, 29 avril 1942 – 23 juin 1942, présenté et annoté par Serge Klarsfeld, édition FFDJF (Fils et filles des déportés juifs de France), 1999, pages 49, 57.
- Benjamin Schatzman, Journal d’un interné, Compiègne-Drancy-Pithiviers, préfacé par Serge Klarsfeld, éditions Fayard, avril 2006, pages 172-173-174, 219, 220, 224.
- Danielle Miaskovsky Amram, sa nièce, messages (09-2012 et 11-2014).
- JORF n°0059 du 11 mars 2010 page 4832 texte n° 50 : Arrêté du 27 novembre 2009 portant apposition de la mention « Mort en déportation » sur les actes et jugements déclaratifs de décès.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 805.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; actes de décès de Samy (15898/1942) et Ida (33454/1942) ; page du registre d’appel avec la liste des détenus décédés (« Verstorbene Häftlinge).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, moteur de recherche sur les victimes.
- Pôle des archives des victimes des conflits contemporains (PAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Miaskovsky, Samy, Michel (21 P 265 367).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

Kléber MEUNIER – (45874 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Kléber, Henri, Meunier naît le 13 août 1888 à La Ferté-Bernard (Sarthe), chez ses parents, Henri Meunier, 26 ans, arçonnier 

[1], et Esther, Alphonsine (Victoire ou Victorine) Caillère, 18 ans, couturière, son épouse, domiciliés rue Notre-Dame.

Le 7 octobre 1909, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 102e régiment d’infanterie afin d’accomplir son service militaire. Le 24 septembre 1911, il est envoyé dans la disponibilité, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 25 septembre 1911, Kleber Meunier habite rue Molière, à Ivry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne). Entre juin 1912 et juin 1913, il demeure au 6, rue de l’Amiral-Mouchez, à Paris 14e.

Le 20 décembre 1913, à Paris 13e, Kléber Meunier se marie avec Madeleine Gauthier. Ils auront trois enfants.

En janvier 1914, le couple habite au 24, rue Vandrezanne, à Paris 13e.

Rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale publié le 2 août 1914, il rejoint son unité le lendemain. Celle-ci part « aux armées » le 7 août. Le 9 septembre 1914, à Nanteuil-le-Haudoin (Oise), Kléber Meunier est blessé par balle à la main gauche. Il rejoint le dépôt le 10 octobre suivant et retourne au front dix jours plus tard. Le 25 juillet 1915, à Jonchery-sur-Suippes (Marne), il est blessé par une bombe qui lui cause une plaie thoracique et une surdité de l’oreille gauche. Il rentre au dépôt le 1er décembre 1915 et retourne aux armées le 25 janvier 1916. Le 2 août 1917, il est évacué malade.Il rejoint les armées le 31 octobre suivant. Le 14 mars 1918, il manque à l’appel. Quinze jours plus tard, il est placé en détention préventive. Le 8 août, le conseil de guerre de la 7e division d’infanterie le condamne à cinq ans de travaux publics pour abandon de poste en présence de l’ennemi, tout en lui reconnaissant des circonstances atténuantes. Deux jours plus tard, le général commandant la 7e D.I. décide de suspendre l’exécution de la peine en application de l’article 150 du code militaire (elle sera amnistiée début 1925). Le 11 août, Kléber Meunier passe au 104e R.I. qui part aux armées. Il passe au 69e R.I. le 19 juin 1919. Le 2 août suivant, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire au 79 bis, rue du Gaz, à Paris.

En décembre 1923, Kléber Meunier habite rue des Cerisiers, à Sanvignes-les-Mines (Saône-et-Loire). En février 1926, il demeure au Bois du Leu, toujours à Sanvignes.

En 1931, la famille est domiciliée au 46 rue du Moulin de la Pointe, dans le quartier de Maison-Blanche à Paris 13e, Kléber travaillant alors comme ouvrier cimentier. Madeleine travaille dans une raffinerie (?).

En 1936, la famille habite toujours à la même adresse. Kleber se déclare alors comme ouvrier maçon dans le 8e arrondissement, Madeleine étant concierge dans le 12e !

Au moment de son arrestation, Kléber Meunier est domicilié dans l’immeuble du 9-11, avenue Stephen-Pichon à Paris 13e, située derrière l’École Nationale supérieure d’Arts et Métiers de l’avenue de l’Hôpital.

Kléber Meunier est de nouveau déclaré comme cimentier ; il est possible que, pendant un temps, l’entreprise qui l’emploie travaille pour un chantier de la SNCF.

C’est un militant communiste et un syndicaliste. Il est inscrit au carnet B (3e groupe) le 15 mai 1930 (on lui connaît un pseudonyme : “Jean”).

Le 7 octobre 1941, il est arrêté « par les Autorités allemandes à la suite d’une perquisition ayant amené la saisie de tracts communistes ». À une date et dans des conditions restant à préciser, il est relâché par celles-ci.

Le 28 avril 1942, il est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par « les Autorités d’occupation » dans le département de la Seine, avec le concours de la police française, et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une procédure judiciaire, avec ou sans condamnation. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Entre fin avril et fin juin 1942, Kléber Meunier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Kléber Meunier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45874, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Kléber Meunier se déclare alors comme maçon. Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Kléber Meunier.

Il meurt à Auschwitz le 16 septembre 1942,selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2]. La cause mensongère indiquée est une « entérite [diarrhée] avec faiblesse corporelle » ; « Darmkatarrh bei Körperschwäche »

Il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-08-1995).

À son domicile du 9-11, avenue Stephen-Pichon à Paris 13e, une plaque rappelle sa mémoire.

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Cliché © Mémoire Vive.

Après la guerre, sa veuve est employée à la SNCF, femme de ménage à la gare d’Austerlitz (ligne S.O. ?) au 1er M.RT., au 5bis boulevard de l’Hôpital à Paris.

Notes :

[1] Arçonnier, subst. masc.,sellerie. Ouvrier spécialisé dans la fabrication des arçons et des armatures de selle. Synon. sellier. Source : CNRTL

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans lesannées qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Kleber Meunier, c’est le 1er septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 372 et 414.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Témoignage d’Auguste Monjauvis.
- Archives départementales de la Sarthe (AD 72), site du conseil général, archives en ligne ; registre des naissances de La Ferté-Bernard, année 1888 ( 5Mi 140 40), acte n° 58 (vue 184/366) ; registre des matricules militaires, bureau de recrutement de Mamers, classe 1908, matricules de 1 à 500 ( 1 R 1184), matricule n° 477 (vue 628/624).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) cartons “occupation allemande” BA (?) ; cartons “carnet B”, BA 1774 (…).
- Comité du 13e arrondissement de l’ANACR, La résistance dans le treizième arrondissement de Paris, imprimé par l’École Estienne en 1977, page 89.
- Louis Chaput, Auguste et Lucien Monjauvis (entre autres), Le 13e arrondissement de Paris, du Front Populaire à la Libération, les éditeurs français réunis, Paris 1977, pages 115 et 228.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 803.
- Acte de décès à Auschwitz (30947/1942), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach).
- Association Mémoire et création numérique, site Les plaques commémoratives, sources de mémoire.
- Hervé Barhélémy, association Rail & Mémoire, message et pièce jointe (05-2012).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Jules METTAY – 45873

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Droits réservés.

Jules, Eugène, Mettay naît le 28 décembre 1897 à Petit-Quevilly, à l’ouest de Rouen, dans la boucle de la Seine (Seine-Maritime 

[1] – 76), au domicile de ses parents, Édouard Mettay, 37 ans, employé de magasin, et Augustine Toutain, son épouse, 36 ans, demeurant au 15, boulevard Saint-Julien.

Jules Mettay commence à travailler comme tapissier.

Le 10 janvier 1916, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 24e régiment d’infanterie.

Le 28 février 1918, son unité rejoint l’Armée d’Orient. Le 6 mars suivant, Jules Mettay passe au 5e régiment d’infanterie coloniale, puis, le 29 juillet, au 6e bataillon d’infanterie coloniale du Maroc. Le 15 octobre 1918, il est cité à l’ordre de la division : « s’est jeté sur l’adversaire à la tête d’un groupe de grenadiers qu’il entraînait par son exemple ; a livré un combat acharné qui a contribué largement à nous rendre maîtres d’une position que l’ennemi avait l’ordre de tenir à tout prix ». Cette action lui vaut la Croix de guerre. Une autre fois, il est cité à l’ordre du régiment : « Soldat d’une grande bravoure, se trouvant en tête d’une patrouille, a, malgré le tir de l’ennemi, continué à couper les fils de fer qui devaient livrer passage à sa patouille ». Le 29 septembre 1919, il est « renvoyé en congé illimité », titulaire d’un certificat de bonne conduite.

En avril 1923, il est domicilié au 6, place de Rouville, à Lyon 1er (Rhône).

Le 21 janvier 1929, à Petit-Quevilly, il se marie avec Armandine Wairy.

En août de la même année, le couple habite au 47, rue Saint-Jacques, à Dieppe (76). Ils auront quatre enfants, dont Julien, né le 8 aout 1924, Jacques Édouard Edmond, né le 23 février 1930, et Jeanine Amelina Louise, née le 28 juillet 1931 (ces deux-là à Dieppe).

Jules Mettay est ouvrier dans une usine de produits chimiques de Dieppe (selon le Maitron) ; ouvrier huilier, selon la police ; probablement aux Établissements Robbe frères (usine).

Membre du Parti communiste, il est secrétaire du Syndicat des Produits Chimiques de Dieppe.

Le 2 septembre 1939, rappelé par le décret de mobilisation générale, Jules Mettay est d’abord maintenu dans son emploi (en novembre, il demeure au 43, rue Saint-Jacques, à Dieppe). Le 4 novembre, il est rayé de l’affectation spéciale et affecté au dépôt d’infanterie n° 32, parce que coupable d’infraction au décret du 26 décembre 1936 (avec circonstances atténuantes). Le 11 novembre, il est affecté au 21e R. Ral (régiment régional ?), 3e compagnie. Le 19 décembre, il est renvoyé dans ses foyers.

À une date restant à préciser, Jules Mettay s’installe au 34, avenue Jean-Jaurès à Petit-Quevilly.

Dans la clandestinité, il appartient au réseau Libération Nord.

Le 21 octobre 1941, il est arrêté lors de la grande rafle de Rouen et de sa banlieue [2].

Rouen. La caserne Hatry dans les années 1920. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Rouen. La caserne Hatry dans les années 1920. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Il est interné à la caserne Hatry de Rouen, puis transféré le 30 octobre au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Jules Mettay est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jules Mettay est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45873. Sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; au cours duquel Jules Mettay se déclare tapissier et sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Jules Mettay est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Le 20 août, il est admis au bâtiment (Block 20) de l’hôpital d’Auschwitz-I réservé aux détenus porteurs de maladies contagieuses [4].

Le 28 août, Jules Mettay y meurt ; l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) indique pour cause certainement mensongère de sa mort « entérite (diarrhée) avec faiblesse corporelle générale » (Darmkatarrh bei Körperschwäche).

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Stèle en hommage aux Déportés apposée sur le monument
aux morts de Petit Quevilly situé dans le cimetière communal.
Photo Mémoire Vive. D.R.

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – dans un large périmètre autour de Rouen a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste). Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire A, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. Tous les hommes appréhendés furent, en effet, remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941. 44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.

(*) 150 selon “30 ans de luttes”, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).

[4] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”. Mais les “31000” et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme “Revier” : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 413.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie réalisée à Rouen en 2000, citant : liste établie par Louis Jouvin (45697), du Grand-Quevilly – Liste établie par la CGT, p. 8 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : avis de décès.
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 36, p. 297.
- Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (2-1973 ?).
- Archives départementales de la Seine-Maritime (AD 76), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Petit-Quevilly, année 1897 (4E 13785), acte n° 386 (vue 189/212) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau de Rouen, classe 1917 (1 R 3442), matricule 1882.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 802.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de L à R (26 p 842), acte n° 25596/1942.
- Marylin Mettay, sa petite-fille (message 10-2017).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Maurice MÉTAIS – 45872

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Maurice, Léon, Métais naît le 22 septembre 1892 à Bétigny-Gaulard, commune de Saint-Aignan-sur-Erre (Orne – 61), fils d’Auguste Métais, 46 ans, journalier et d’Andréline Levier, 41 ans, nourrice, son épouse.

Pendant un temps, Maurice Métais travaille comme domestique.

Le 9 octobre 1913, il est incorporé comme soldat de 2e classe à la 24e division des commis et ouvriers militaires d’administration afin d’accomplir son service militaire. La première guerre mondiale commence avant le terme de celui-ci. Le 24 août 1914, la 4e commission de réforme de la Seine le classe pour le service armé. Le 25 décembre, Maurice Métais passe au 103e régiment d’infanterie. Le 1er février 1915, il part au front. Le 29 août suivant, à Saint-Hilaire-le-Grand (Marne), il est « atteint de commotion cérébrale par éclatement d’obus de gros calibre ». Évacué et soigné, il rentre au dépôt le 25 novembre. Le 20 janvier 1916, il retourne dans la zone de combat. Le 8 mars, il est évacué pour bronchite. Il revient au dépôt le 24 mai. Le 5 août, il passe au 247e régiment d’infanterie. Le 25 avril 1917, il est évacué pour fracture du péroné et contusion de la jambe droite par chute d’un rondin en service commandé, soigné à l’hôpital de Vadelaincourt, puis envoyé en convalescence. Il rentre au dépôt le 17 juillet. Le 14 juillet 1915, il est cité à l’ordre de son régiment (libellé inconnu). Le 29 décembre 1917, il passe au 272e R.I. Le 8 mars 1919, il passe au 51e régiment d’infanterie. Le 15 août suivant, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire à Saint-Hilaire-sur-Erre, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En 1932, la Commission de réforme de la Seine lui attribuera un taux d’invalidité inférieur à 10% pour « légère sclérose pulmonaire sans réaction bronchique », reconnaissant probablement ainsi une intoxication aux gaz de combat.

Le 27 septembre 1917 à Souancé-au-Perche (Eure-et-Loir), Maurice Métais se marie avec Blanche Louis, née le 18 mars 1893 à Saint-Bomer (Eure-et-Loir), domestique. Ils auront un enfant.

Maurice Métais devient tourneur sur métaux.

En juin 1921, il habite au 4, allée du canal, à Sevran 

[1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93). En septembre 1922, il demeure au 40, avenue Lamoricière, à Aulnay-sous-Bois.

Fin août 1928, et jusqu’à l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 50-bis rue des Trèfles à Sevran.

Maurice Métais y est élu conseiller municipal communiste en novembre 1931, lors d’une élection partielle annulée en 1932, puis est réélu en 1935, au second tour.

Sevran. La mairie en 1948. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Sevran. La mairie en 1948.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

En octobre 1939, la municipalité élue est suspendue et remplacée par une délégation spéciale nommée par le préfet.

Début 1940, Maurice Métais est déchu de son mandat.

Le 24 novembre 1940, le préfet de Seine-et-Oise signe un arrêté ordonnant l’assignation à résidence sur le territoire de leur commune de domicile de 1097 « individus dangereux pour la Défense nationale et la sécurité publique », selon les termes du décret du 18 novembre 1939 ; parmi ceux-ci, Maurice Métais.

Sous l’occupation, celui-ci est actif au sein du parti communiste clandestin.

Cependant, le 21 février 1941, le commissaire de Police de Livry-Gargan écrit au secrétaire général de la Police de Seine-et-Oise, à Versailles, pour lui transmettre un rapport d’enquête approfondie et de surveillance sur 29 individus signalés et domiciliés à Servan, desquelles il résulte que tous sont d’anciens adhérents du parti communiste, certains militants, aucun ne semblant se livrer alors à une « activité subversive en faveur du parti dissous ». Parmi ceux-ci, Maurice Métais et André Mortureux.

Le 27 janvier 1941, un habitant de Freinville-Sevran dénonce Maurice Métais à la police française comme distributeur de tracts, ce qui déclenche une enquête complémentaire ordonnée le 3 février au commissariat central d’Aulnay-sous-Bois.

Dans la nuit du 13 au 14 février, une distribution de tracts – L’Avant-Garde n° 31 du 12 janvier 1941 – est réalisée à Sevran. Le commissaire de police de Livry-Gargan propose au Secrétaire général de la police d’État à Versailles deux noms de militants communistes pour un internement administratif, dont celui de Maurice Métais ; allusion très probable à l’arrêté préfectoral du 19 octobre 1940 [2].

Le 11 mars 1941, le préfet de Seine-et-Oise transmet au secrétaire général pour la police d’État – suite à ses propositions – vingt-et-un arrêtés d’internement administratif ; huit concernant des militants déjà internés, les autres visants ceux « qu’il convient d’interner d’urgence », parmi lesquels  Maurice Métais. Le 13 mars, celui-ci est conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement. Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.

L’administration du camp censure sa correspondance à plusieurs reprises. Ainsi, le 17 avril 1941, quand il écrit à son épouse : « Nous avons une confiance inébranlable. Nous avons été arrêtés parce que nous avons eu le courage de nous élever contre la guerre […] Cela ne nous empêche pas d’avoir notre idée communiste. Nous sommes alors communistes et nous le resterons ».

Le 27 juin 1941 – avec cinq autres Sevranais, dont Georges Denancé et André Mortureux – Maurice Métais fait partie d’un groupe de 88 internés communistes de Seine-et-Oise – dont 32 futurs “45000” – remis aux “autorités d’occupation” et conduits à l’Hôtel Matignon, à Paris, – alors siège de la Geheime Feldpolizei – où ils rejoignent des hommes appréhendés le jour même dans les départements de la Seine-et-Oise et de la Seine par la police française en application d’arrêtés d’internement administratifs [3]. Tous sont ensuite menés au Fort de Romainville (sur la commune des Lilas – 93), alors camp allemand, élément duFrontstalag 122. Considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp [4].

Trois jours plus tard, les hommes rassemblés sont conduits à la gare du Bourget (93) et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Polizeihaftlager). Pendant la traversée de la ville, effectuée à pied entre la gare et le camp, la population les regarde passer « sans dire un mot, sans un geste. Tout à coup nous entonnons La Marseillaise et crions “Des Français vendus par Pétain !” » [5]. Ils sont parmi les premiers détenus qui inaugurent ce camp créé pour les « ennemis actifs du Reich ».

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Neuf mois plus tard, le 25 mars 1942, le préfet de Seine-et-Oise transmet au Conseiller supérieur d’administration de guerre [sic] de la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud une liste d’anciens internés d’Aincourt à la libération desquels il oppose un avis défavorable – « renseignements et avis formulés tant par [ses] services de police que par le directeur du centre de séjour surveillé » ; liste accompagnée de « notes » individuelles avec copie traduite en allemand, dont celle concernant Maurice Métais.

Entre fin avril et fin juin 1942, Celui-ci est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Maurice Métais est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45872 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Maurice Métais est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Plus tard, il est admis au Block 20 de l’hôpital (« Revier ») d’Auschwitz.

Maurice Métais meurt à Auschwitz le 8 août 1942, d’après les registres du camp ; un mois après l’arrivée de son convoi.

Le 20 février 1943, le nouveau préfet de Seine-et-Oise répond à une interrogation des services de Ferdinand de Brinon, ambassadeur du gouvernement français dans les territoires occupés, sur la façon dont Maurice Métais et André Mortureux, de Sevran, se sont retrouvés entre les mains des « autorités allemandes » en indiquant qu’ils ont été préalablement internés à Aincourt – à des dates différentes – « par les soins » de son prédécesseur « pour sanctionner leur activité subversive », étant considérés comme « militants communistes particulièrement dangereux ».

Après la guerre, le conseil municipal de Sevran donne le nom de Maurice Métais à l’ancienne rue des Trèfles, où il était domicilié. Le matin du dimanche 24 août 1947, une cérémonie officielle a lieu pour l’inauguration de la plaque de rue, ainsi que celles d’autres voies de la commune portant les noms de conseillers municipaux morts en déportation, dont Georges Denancé, qui habitait à proximité, rue de Bourgogne.

Sur un mur de la mairie de Sevran… © Photo Daniel Mougin, 02-2023.

Sur un mur de la mairie de Sevran…
© Photo Daniel Mougin, 02-2023.

Le nom de Maurice Métais est inscrit sur le Monument aux morts de Sevran, situé dans le cimetière communal.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-08-1995).

Notes :

[1] Sevran : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’arrêté préfectoral du 19 octobre 1940 :


CABINET du PRÉFET de SEINE-et-OISE

Versailles, le 19 octobre 1940

Le PRÉFET de SEINE-et-OISE, OFFICIER de la LÉGION d’HONNEUR,

Vu le décret-loi du 26 septembre 1939 ;

Vu la loi du 3 septembre 1940 ;

Considérant que la diffusion de tracts est interdite par les ordonnances des autorités d’occupation et par les lois françaises et qu’elle est, à ce double titre, illégale ;

Considérant que ces tracts sont d’inspiration communiste et que leur diffusion ne peut avoir lieu qu’avec la complicité de militants du parti, ainsi que l’ont prouvé de nombreuses perquisitions domiciliaires ;

ARRÊTE :

Article 1er. – Toute découverte de tracts à caractère communiste sur le territoire d’une commune du département de Seine-et-Oise entraînera l’internement administratif immédiat d’un ou de plusieurs militants communistes notoirement connus résidant sur le territoire de cette commune, sans préjudice des poursuites judiciaires dûment engagées.

Article 1er. – MM. le Secrétaire Général de la Préfecture pour la Police, les Sous-Préfets, le Directeur de la Police d’État, le Chef d’Escadron, Commandant la Compagnie de Gendarmerie de Seine-et-Oise, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté.

Fait à Versailles, le 19 octobre 1940.

Le PRÉFET de SEINE-et-OISE, signé : Marc CHEVALIER

Pour ampliation, Le Sous-Préfet, Directeur du Cabinet.


[3] Les 88 internés de Seine-et-Oise. Le 26 juin 1941, la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud transmet au préfet du département de Seine-et-Oise – « police d’État » -, cinq listes pour que celui-ci fasse procéder dès le lendemain à l’arrestation de ressortissants soviétiques ou de nationalité russe ancienne ou actuelle, dont 90 juifs, et de républicains espagnols en exil, soit 154 personnes. La sixième catégorie de personnes à arrêter doit être constituée de «  Différents communistes actifs que vous désignerez  » (aucune liste n’étant fournie). Tous doivent être remis à la Geheime Feldpolizei, à l’Hôtel Matignon, à Paris.

Si aucun autre document n’atteste du contraire, c’est donc bien la préfecture de Seine-et-Oise qui établit, de sa propre autorité, une liste de 88 militants communistes du département à extraire du camp d’Aincourt.

Le 27 juin, le commandant du camp écrit au préfet de Seine-Et-Oise pour lui « rendre compte que 70 internés [du département] ont été dirigés aujourd’hui dans la matinée sur le commissariat central de Versailles et que 18 autres internés ont été dirigés dans le courant de l’après-midi à l’Hôtel Matignon à la disposition des Autorités allemandes d’occupation. Le départ de ces internés s’est déroulé sans incident. » Les listes connues à ce jour ne distinguent pas les deux groupes et réunissent les 88 internés.

Le 29 juin, l’inspecteur de police nationale commandant l’escorte conduisant le contingent de 70 détenus à Versailles, rend compte que le commissaire divisionnaire lui a ordonné de poursuivre son convoyage « jusqu’à l’Hôtel Matignon, à Paris, siège de la Geheime Feldpolizei. En passant à Billancourt, quelques internés du premier car ont montré le poing et des ouvriers qui allaient prendre leur travail ont répondu par le même geste. J’ai immédiatement donné des ordres aux gardiens pour que les internés rentrent leurs bras.

À mon arrivée à Paris, je me suis trouvé en présence d’une quinzaine de cars remplis de prisonniers ayant la même destination que les internés d’Aincourt et j’ai dû prendre la suite.

Le formalités d’immatriculation étant assez longues, j’ai dû attendre mon tour ; l’opération a commencé à 18 heures et s’est terminée à 19h15 ; je n’ai pu faire la remise que de 38 internés sur 88 venus d’Aincourt. En raison de l’heure, le chef de bureau de la Feldpolizei m’a fait savoir qu’il recommencerait l’immatriculation le lendemain matin à 8h15, d’avoir à revenir à cette heure-là. J’ai rassemblé les 50 internés restant dans les deux cars et ai libéré les camionnettes et les gardiens disponibles.

Je me suis aussitôt mis en rapport avec la préfecture de Seine-et-Oise afin de savoir où je devais conduire, pour passer la nuit, les 50 internés. Une heure après, je recevais l’ordre de les conduire au Dépôt, 4 quai de l’Horloge, et de continuer ma mission le lendemain matin. Cette formalité étant remplie, j’ai renvoyé les cars et le personnel à Versailles.

Le 28 juin, à 7 heures, j’ai continué ma mission qui a pris fin à 11 heures. Cette escorte s’est déroulée sans autre incident. »

[4] Arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, témoignage d’Henri Rollin : «  Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention «  communiste  », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[5] De l’Hôtel Matignon au Frontstalag 122 : témoignage de Marcel Stiquel (déporté au KLSachsenhausen le 24 janvier 1943). Son récit fait état de 87 internés (la liste en comporte 88) et d’un départ d’Aincourt étalé sur deux jours : les 27 et 28 juin 1941 (voir note ci-dessus).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 356, 386 et 413.
- Archives départementales de l’Orne (AD 61), site internet du conseil général, archives en ligne ; registre d’état-civil de Saint-Aignan-sur-Erre ; registre des matricules militaires, classe 1912, bureau de recrutement d’Alençon (cote R1217), matricule n° 815 (vues 531-532/687).
- Nadia Ténine-Michel, notice dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Editions de l’Atelier/ Editions Ouvrières, 1990-1997, CD-rom (qui cite : Arch. Dép. Seine-et-Oise, 2 M 30/32, 30/58, 1 W 71. 73, 80, 222- État civil).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux ; cotes 1W69 (bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise), 1W76 (centre de séjour surveillé), 1W80 (relations avec les autorités allemandes), 300w48 (police française, manifestations et mises en résidence forcée).
- Liste des 88 internés d’Aincourt (domiciliés dans l’ancien département de Seine-et-Oise) remis les 27 juin 1941 à la disposition des autorités d’occupation, et liste Internés de Seine-et-Oise à la suite d’une mesure prise par le préfet de ce département, ayant quitté le centre d’Aincourt, copies de documents des AD 78 communiquées par Fernand Devaux (03 et 11-2007).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 802 (18691/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), archives ; registre de la morgue (microfilm n° 741/195).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
- Site Mémorial GenWeb, 93-Sevran, relevé d’Alain Claudeville (2000-2002).
- Marie-France Xavier Alves,petite-fille de Georges Denancé, messages (02-2013).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Maurice Métais (21 P 515.779), recherches de Ginette Petiot (message 03-2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-05-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Louis MÉRESSE – 45871

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Louis Méresse naît le 3 novembre 1899 à Paris 19e arrondissement, de Charles Méresse, 52 ans, chauffeur, et de Rosine Maquiné, son épouse, 43 ans, domiciliés au 30, rue de l’Ourcq. Il a (au moins) une sœur cadette, Marie, née le 3 août 1902 (décédée en juillet 1983).

Pendant un temps, Louis Méresse habite chez ses parents, alors domiciliés au 150, rue de Flandre (Paris 19e), et travaille comme manœuvre.

De la classe 1919 et du 1er bureau de recrutement de la Seine, la commission de révision de la Seine le classe dans la 5e partie de la liste en 1918 – décision prorogée à deux reprises -, ce qui semble l’exempter d’accomplir son service militaire.

Louis Méresse devient peintre en voitures.

Le 23 décembre 1922 à Paris 19e, Louis Méresse épouse Ermine Jeanne Moruzzi, 19 ans, née le 30 novembre 1903 à Paris 12e, papetière. En septembre 1923, ils habitent chez les parents de celle-ci au 15, passage Wattieaux (Paris 19e).  Mais le tribunal civil de la Seine prononce leur divorce le 17 juin 1929.

En 1936, Louis Méresse habite seul au 7 rue Bordier, à Aubervilliers.

Selon sa propre déclaration, il ne milite ni politiquement, ni syndicalement dans la période du Front populaire.

À une date restant à préciser, étant au chômage, il part travailler à Planquignon ? (Orne).

Le 1er décembre 1939, l’armée l’enregistre à Courménil (Orne).

 Le 23 janvier 1940, l’armée l’affecte au 19e dépôt du train ; peut-il rejoindre son unité ?
Le 26 août, il est démobilisé à Paris. Trois jours plus tard, il s’inscrit de nouveau au chômage. Trente jours plus tard, il part travailler pour la Maison Haulmann (?) à Lorient (Morbihan). Il revient à Paris le 29 mars 1941. Le 6 avril suivant, il obtient un emploi chez Hardy et Tortuaux, dépôt de produits métallurgiques, rue des Gardinoux à Aubervilliers. Il habite alors au 52, boulevard Édouard-Vaillant dans cette commune.Au commissariat de police de la circonscription d’Aubervilliers, on connaîtrait Louis Méresse comme « propagandiste communiste notoire ; agitateur de premier ordre, ayant participé à plusieurs reprises à des diffusion intensives de tracts ».

Le 5 juillet 1941 au soir, il est arrêté à son domicile par le police française. Le lendemain, 6 juillet, il est est interné administrativement comme « détenu communiste » à la caserne désaffectée des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police de Paris. Il est assigné à la chambre 36 du bâtiment A

La caserne des Tourelles, vers la Porte des Lilas, entre l’avenue Gambetta, à gauche, et le boulevard Mortier. Carte postale d’après guerre. Coll. Mémoire Vive.

La caserne des Tourelles, vers la Porte des Lilas, entre l’avenue Gambetta, à gauche, et le boulevard Mortier. Carte postale d’après guerre. Coll. Mémoire Vive.

Le 19 juillet suivant, Louis Méresse écrit au préfet de police pour lui demander « la raison pour laquelle ont et venue m’arrêtez chez moi

[…] sans nous dire pourquoi […] je n’aspirez qua une chose : travail et tranquillité. Ou vois ton la dedans ou je pouvez militez à Aubervilliers vue que je ny était pas […] Je suis arrivé à l’âge de 42 ans pour me voir emprisonné, moi qui n‘est jamais eu de condamnation de ma vie, avoué que c’est dur quand même. (sic) »

Le 5 mai 1942, Louis Méresse fait partie des 24 internés des Tourelles, dont beaucoup d’anciens Brigadistes, que viennent « prendre des gendarmes allemands » afin de les conduire à la gare du Nord prendre le train de 5 h 50 à destination du camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Louis Méresse est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45871 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Méresse est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Plus tard, il est admis au Block 28 (médecine interne), chambrée 12, de l’hôpital d’Auschwitz [2].

Il meurt à Auschwitz le 8 août 1942, d’après les registres du camp ; un mois après son arrivée.

Il est déclaré “Mort pour la France” (9-12-1948).

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts d’Aubervilliers, situé dans le cimetière communal.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-07-1995).

Notes :

[2] Aubervilliers : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 384 et 398.
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 19 arrondissement, année 1899 (V4E 10594), acte n° 2990 (vue 16/31), et année 1902 (V4E 10639), acte 1950 (vue 3/31) pour sa sœur.
- Archives de Paris ; registre des matricules militaires, classe 1919, 1er bureau de recrutement de la Seine, volume 1501-2000 (D4R1 2094), Méresse Louis, matricule 2094.
- Archives communales d’Aubervilliers : liste électorale de 1939, Pages d’histoire d’Aubervilliers, luttes ouvrières de 1900 à nos jours, brochure éditée par le Comité de ville d’Aubervilliers du PCF.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”… (BA ?) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 718-26585).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 801 (18794/1042).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Office for information on former prisonniers) : registre de la morgue (microfilm n° 741/195).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Aubervilliers, relevé d’Alain Claudeville (2000-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-05-202)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Roger MERCIER – (45870 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Roger, Charles, Mercier naît le 12 novembre 1923 à Reims (Marne), fils d’Eugène Mercier et de Victorine Rosso. Roger à quatre frères et sœurs, dont Marcel, Eugène, né le 21 octobre 1922 à Paris 13e. Leur père, ancien combattant de la guerre 1914-1918, a reçu trois blessures qui lui ont valu autant de citations et la Croix de guerre.

Au moment de son arrestation, Roger Mercier est domicilié chez ses parents au 26, rue Alphonse-Karr à Paris 19e. Il est célibataire (il n’a pas 18 ans quand il est arrêté…).

Il est apprenti lithographe, sans travail à partir de juin 1940. Il trouve peut-être ensuite un emploi de frigoriste.
Sous l’occupation, il est actif dans un groupe de jeunes dirigé par Camille Bouvinet 

[1] et Ventura, et diffusant de la propagande communiste clandestine dans le 19e arrondissement.

Le 22 octobre 1940, à 5 h 30 du matin, – suite à une dénonciation – il est arrêté avec son frère Marcel à leur domicile par des policiers français. Sont également arrêtés « les camarades (René) Millet, Durand, Mario (Ripa – 46060), François du groupe des HBM 52 rue de l’Ourcq », les frères Varlet,. Tous sont conduits dans les locaux de la préfecture de police pour y être interrogés.

Tous sont inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 et conduits le jour même au dépôt de la préfecture, puis, pour la plupart, écroués à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e) ; alors âgé de 16 ans, Roger Mercier est conduit au quartier des mineurs de l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne) avant sa comparution devant la Justice (comme Alferd Varlet, 17 ans).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 21 décembre 1940, ils comparaissent devant la chambre des mineurs (la 15e) du tribunal correctionnel de la Seine, où ont été convoqués les pères Mercier et Varlet, civilement responsables. Alors que son frère Marcel et Mario Ripa sont jugés et condamnés avec sursis, puis internés au CSS d’Aincourt,  Roger Mercier est relâché – sans doute au bénéfice de l’âge : il vient d’avoir 17 ans – et remis à sa famille.

Les parents Mercier interviennent à plusieurs reprises auprès du préfet de police en soulignant l’état de santé très précaire de leur fils Marcel, resté en détention, qui souffre de problèmes cardiaques et rhumatismaux (polyarthrite) réactivés dès qu’il s’est trouvé à la Santé. Certificats médicaux à l’appui, ils argumentent : « Si notre fils devait rester plus longtemps au camp de concentration [sic], sa vie serait mise en danger, et nous estimons que les faits qui lui sont reprochés ne doivent pas entraîner pour lui la peine capitale ». Dans une lettre du 24 mai 1942, profitant de la célébration de la fêtes des mères, Madame Mercier ajoute : « … je m’engage, si vous libérez mon fils Marcel, de le mettre dans un centre école du Maréchal Pétain, où, du reste, se trouve mon fils âgé de 17 ans ». Le diagnostic étant confirmé par le médecin du camp, le préfet de police rapporte son arrêté concernant Marcel le 28 juillet 1941. Celui-ci est libéré d’Aincourt quelques jours plus tard.

Le 28 avril 1942, Roger Mercier est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, avec le concours de la police française, et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une procédure judiciaire, avec ou sans condamnation, notamment de jeunes mineurs ayant été remis à leur famille. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Roger Mercier y est enregistré sous le matricule 4118.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Roger Mercier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roger Mercier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45870, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Roger Mercier se déclare alors protestant (« Evangelisch »). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Roger Mercier.

Il meurt à Auschwitz, le 17 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2] ; il n’a pas 19 ans.Il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-07-1995).

Selon Mario Ripa, son frère Marcel, interné au CSS d’Aincourt, est mort au cours de la guerre. Cependant, il semble ne pas figurer sur les listes des convois du Livre-Mémorial de la Fondation pour la mémoire de la Déportation (FMD) ; il peut avoir été fusillé ou avoir succombé aux mauvaises conditions de la détention en France ; à vérifier…

Une plaque commémorative est apposé à l’entrée de l’immeuble où Roger Mercier a vécu.

Notes :

[1] Camille Bouvinet, cantonnier de la Ville de Paris domicilié au 26 rue Alphonse-Karr, est arrêté le 21 novembre 1941 sur son lieu de travail, place Gaillon, et interné en France jusqu’à la Libération. René Millet meurt à la Santé quelques jours après son incarcération (à vérifier…).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Roger Mercier, c’est « le 11 juillet 1942 en Allemagne et non le 6 juillet 1942 à Compiègne (Oise) » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 374 et 413.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 15 novembre 1940 au 20 janvier 1941, cote D1u6-5851.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; carton de la BS 1 (GB 51), « affaire F.-Ripa-Varlet-Mercier-Millet-Durand » (16) ; dossiers individuels du cabinet du préfet (1w0580), dossier commun de Marcel et Roger Mercier (16787)..
- 1940-1945, La Résistance dans le 19e arrondissement de Paris, ANACR, éditions Le temps des cerises, Pantin septembre 2005, pages 10, 102 et 103 (témoignage de Camille Bouvinet).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 801 (acte n° 36382/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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