Charles PASSOT – 45951

JPEG - 76.8 ko
Collection Roger Arnould. Droits réservés.

Charles, Henri, Passot naît le 14 mai 1896 à Fourchambault (Nièvre), qui constitue avec la commune voisine de Garchisy un des plus vieux sites sidérurgiques du centre de la France, fondé sous le Second Empire. Dans cette famille ouvrière, on est sympathisant socialiste.

Avant la première guerre mondiale, Charles Passot est ouvrier en tôlerie automobile chez Renault à Boulogne-Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine). Sur la butte du Chapeau Rouge 

[1], il assiste à un meeting avec Jean Jaurès accompagné de sa jeune sœur Marie-Louise, alors âgée de 12 ans. En août 1915, son frère Jean-Baptiste est arrêté et écroué pour avoir manifesté contre la guerre.

En 1920, lors de la scission du Congrès de Tours, Charles Passot choisit le Parti communiste. Sa sœur y adhère en 1923.

Dans l’entre-deux-guerres (?, à vérifier…), Charles et Jean-Baptiste Passot sont conseillers municipaux à Boulogne-Billancourt.

Militant communiste, Charles Passot est sur la ”liste rouge” du patronat : ouvrier hors pair en carrosserie, il peut trouver facilement du travail, mais dès que son nouvel employeur apprend son engagement, il est licencié.

Dans les années 1920 (?, à vérifier…), Charles Passot part s’établir à Granville (Manche – 50). Dans les années 1930, il ouvre un petit atelier de tôlerie-carrosserie, se mettant à son compte comme artisan.

JPEG - 103.3 ko
Charles Passot au volant de son As de Trèfle.
Il semble que ce soit une voiture de course (Alfa-Romeo ?).
Collection Roger Arnould. Droits réservés.

Au moment de son arrestation, il est domicilié boulevard Louis-Dior à Granville. Marié, il a un enfant.

À Granville, Charles Passot poursuit son activité militante, avec son ami L. Blouet, Léon Lamort [2] et René Longle, notamment dans la période du Front populaire.

Lors des élections cantonales d’octobre 1937, le Parti communiste présente Charles Passot comme candidat au Conseil général dans la circonscription de Mortin.

À l’automne 1939, quand le Parti communiste est dissout et interdit, les quatre camarades de Grandville sont interdits de séjour et « envoyés loin en résidence surveillée ».

À l’été 1940, après le début de l’occupation, ils reviennent à Granville et commencent à reconstituer le Parti communiste dans la clandestinité.

Pendant cette période, un autre frère Passot, Émile, est arrêté, jugé et condamné à sept mois de détention pour son activité communiste. Écroué à la Maison centrale de Poissy, il est libéré juste avant la mise en œuvre de la politique des otages.

Le 22 juin 1941, Charles Passot est arrêté à son domicile [3]. D’abord détenu à la prison de Granville, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule 1327. Pendant cette détention, il correspond avec ses proches par l’intermédiaire de sa sœur Marie-Louise, alors infirmière assistante sociale au dispensaire municipal de Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne).

Le 28 octobre, son nom figure sur une liste de dix-huit otages établie par la Felkommandantur 722 de Saint-Lô.

Entre fin avril et fin juin 1942, Charles Passot est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Charles Passot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45951 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Charles Passot est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Il meurt à Birkenau le 29 décembre 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp.

Sa nièce Madeleine, fille de son frère Jean-Baptiste (alias Lucienne Langlois, dite “Betty”), engagée dans l’activité du Parti communiste clandestin (agent de liaison au plus haut niveau), est arrêtée dans sa planque à Paris le 3 mars 1942, à la suite des filatures de l’affaire Pican-Cadras-Politzer. Après sa détention au secret dans le quartier allemand de la prison de la Santé, elle est transférée au fort de Romainville, Haftlager 122, le 20 août. Là, elle apprend que son oncle Charles a été déporté. Dans une lettre sortie clandestinement et adressée à sa mère, elle écrit : « [l’ami de Normandiedoit travailler de force, car tout le camp de Compiègne a été vidé et les prisonniers envoyés là-bas [en Allemagne] ». Dans un message ultérieur, elle demande à ses parents s’ils ont reçu des nouvelles de lui. Dans un de ses derniers mots clandestins avant son propre départ, Madeleine évoque qu’il a pu être déporté vers la Galicie, en Pologne. Enfin, dans un ultime message avant le passage par Compiègne, elle écrit : « Je retrouverai, peut-être l’ami de la Manche. »

Le 26 janvier 1943, lorsqu’elle arrive arrive à Auschwitz dans le convoi des “31000“, il ne lui sera pas donné de retrouver son oncle : Charles Passot a disparu depuis deux mois. Mais Madeleine ignore le sort de celui-ci. Quand les déporté(e)s politiques français rescapé(e)s obtiennent le droit d’écrire – sous la censure et en allemand -, c’est elle qui interroge ses parents, en septembre, puis un peu avant Noël 1943 : « …je voudrais aussi savoir quelque chose de l’oncle Charles ». En février 1944, elle écrit suivant un langage codé : « Charles est probablement chez grand-mère [décédée !], ce qui n’est pas du tout étonnant. »

Après la guerre, une photographie de Charles Passot est exposée pendant un temps dans la vitrine de la permanence du Parti communiste à Granville, ce qui n’est pas « du goût » de sa veuve (selon le témoignage de sa sœur Marie-Louise).

Parmi les ”45000” rescapés, Georges Gourdon notamment se souvient de lui.

Grâce aux démarches de L. Blouet, résistant de Granville, Charles Passot est reconnu comme “Déporté Résistant” (il avait d’abord été homologué comme “Déporté politique” en 1953). La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-02-1996).

En avril 2009, grâce à l’obstination de Génia Oboeuf, présidente de la FNDIRP de la Nièvre, sa nièce Madeleine (veuve de Mathurin Jégouzo) obtient qu’une plaque commémorative à la mémoire de Charles Passot soit apposée sur le Monument aux morts de Fourchambault, sa ville natale ; dévoilée le jour du souvenir national de la déportation.

Madeleine Jégouzo décède le 19 septembre 2009.

Notes :

[1] La butte du Chapeau Rouge, de l’autre côté des fortifications, animée d’une guinguette qui lui a laissé son nom, était située sur la commune du Pré-Saint-Gervais, dirigée par une municipalité socialiste SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière). Au début des années 1910, la fédération socialiste de la Seine loue ce terrain privé qui lui permet contourner l’interdiction des réunions sur la loi publique, tout en rassemblant des foules qu’aucune salle parisienne ne pourrait contenir. Au printemps 1913, alors que la guerre devient imminente, le rassemblement en souvenir des communards qui doit se tenir le 25 mai, comme chaque année, au Mur de Fédérés du Père-Lachaise est annulé par la préfecture de police de Paris : le gouvernement de Louis Barthou redoute que la manifestation ne se retourne contre lui. Cent cinquante mille personnes répondent alors à l’appel des élus socialistes et des syndicats à manifester au Pré-Saint-Gervais. Sur la butte du Chapeau Rouge, parmi d’autres orateurs et au milieu d’une véritable marée humaine, Jean Jaurès prononce un discours contre la loi des Trois ans tendant à allonger d’une année le service militaire (un préalable à la mobilisation). Les premiers journalistes photographes immortalisent sur le vif son charisme. Malgré l’ampleur de la mobilisation, l’Assemblée nationale vote la loi. On connait la suite… Jean Jaurès prend encore la parole au Pré-Saint-Gervais, le 13 juillet suivant, au cours d’une nouvelle manifestation (depuis le balcon de l’Hôtel de Ville ?).

[2] Léon Lamort, né le 3 mai 1905 à Granville, déporté le 24 janvier 1943 de Compiègne, enregistré le 25 janvier au KL Sachsenhausen, matricule n° 59152, transféré au KL Neuengamme, affecté au KommandoBlohm & Vos à Hambourg, créé en octobre 1944, dans lequel plus de 400 détenus sont utilisés à des travaux de déblaiement et de constructions navales. Léon Lamort y succombe le 2 février 1945.

[3] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 366 et 416.
- Yves Jégouzo, in Madeleine dite Betty, Déportée résistante à Auschwitz-Birkenau, L’Harmattan, collection Graveurs de mémoire, Paris juin 2001, pages 9, 42, 134, 151, 162, 185, 194, 195, 196.
- Roger Arnould, Le convoi des “45000” d’Auschwitz, état des lieux en mars 1980, cité par Yves Jégouzo, op. cit., pages 52 à 53. Roger Arnould s’appuie notamment sur le témoignage de Marie-Louise Passot, épouse Lemonnier, sœur cadette de Charles Passot, qui lui confie également la seule photographie connue de son frère, au volant de sa voiture.
- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Évrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Cl. Caron-Hamet page 130.
- Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France, L’Humanité n° 14152 du vendredi 17 septembre 1937, page 4, “dix-huitième liste (suite)…”.
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; doc. XLIII-22.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).
- Site Paris quartiers d’été.
- Philippe Vehrung, in Socialistes à Paris : 1905-2005, textes réunis par Laurent Villate, éditions CREAPHIS, 2005.
- Livre-Mémorial de la FMD, tome 1, 10 mai 2004, page 625, convoi I.74.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 1-08-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Natale PASSERI – 45950

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Natale Alfonso Tomaso Passeri naît le 29 décembre 1898 à Gualdo Tadino, au Nord d’Assise (Italie), fils de Luigi Passeri, ouvrier agricole, et de Carolina Becchetti (?). Il a cinq frères et sœurs, dont l’aîné (Roberto ?) partira travailler comme mineur aux U.S.A.

De 1916 à 1920, il est mobilisé dans l’infanterie italienne.

Arrivé en France en décembre 1921, il habite d’abord à Hayange (Moselle – 57), où il travaille comme manœuvre.

Le 24 mars 1923 à Hayange, Natale Passeri se marie avec Maddalena Giustiniani, née le 19 septembre 1901 à Nocera-Umbra. Ils auront quatre enfants : Angèle Félicité, née le 6 mars 1926 à Hayange, Aldina, née le 6 janvier 1929 à Audun-le-Tiche, Gustave (Liebchnecht sur le recensement de 1931 ?), né le 5 septembre 1930 à Jarny, et Flavia, née le 17 janvier 1931 à Fontoy.

Après avoir déposé leur dossier au cours de l’été 1927 – alors qu’ils habitaient à Audun-le-Tiche (57), depuis le 1er août 1928 -, le couple Passeri obtient la nationalité française par décret le 12 mars 1929 (publié au Journal officiel le 24 mars) ; le prénom de Maddalena est francisée en Madeleine.

Pendant en temps, Natale Passeri habite avec sa famille à Jarny (Meurthe-et-Moselle – 54), Il est monteur à la Compagnie Lorraine (?).

La police française l’accusera de tenir un débit de boissons dans lequel il reçoit de nombreux ouvriers mineurs et considéré comme siège de la cellule locale du Parti communiste.

Le 24 mai 1931, Natale Passeri arrive à Chatenois (Territoire de Belfort) avec sa famille, entrant à l’usine Vermot le 26 mai.

Le 28 mai, une perquisition menée à son ancien domicile (?) de Jarny amène la découverte de 25 cartouches de dynamite dans un hangar qui en dépend. Lors d’une perquisition chez un camarade italien est découverte une lettre que Passeri lui a envoyé pour lui donner sa nouvelle adresse. Le 3 juin suivant, il est arrêté par la gendarmerie de Belfort, « en vertu d’un mandat d’arrêt télégraphique

[du] juge d’instruction de Briey et mis à la disposition de ce magistrat », par lequel il est « inculpé de détention d’explosifs sans autorisation et sans motifs légitimes ». Le 24 novembre 1931, le tribunal correctionnel de Briey prononce un jugement condamnant Natale Passeri à une peine de 8 mois d’emprisonnement et 500 francs d’amende. Mais le prévenu interjette appel. Le 6 janvier 1932, la Cour d’appel de Nancy l’acquitte, estimant que la preuve de sa culpabilité n’était pas suffisamment établie par le Ministère Public.

Fin janvier 1936, la Sûreté nationale signale qu’une vente de billets de loterie au profit de la guerre contre l’Éthiopie est organisée sans autorisation dans le département de Moselle par les Comités italiens du Front unique (Amsterdam-Pleyel). L’enquête précise que ces billets ont été vendus au cours d’une réunion de l’Association d’anciens combattants France-Italie organisée par Natale Passeri, dit « Pasari », alors domicilié avec sa famille au 15 rue du Roi Albert à Hayange. Connu des Services de la police spéciale (Sûreté nationale) « comme communiste militant et homme de confiance de ce Parti, il est l’objet d’une surveillance toute particulière… ».

Au moment de son arrestation, Natale Passeri est domicilié dans un petit immeuble de trois étages au 5, rue Mirabeau, dans le quartier Gare, à Homécourt (54).
Il est manœuvre, puis chef d’équipe à l’usine sidérurgique d’Homécourt.

L’usine Sidelor d’Homécourt après-guerre. Carte postale colorisée sur papier photographique. Collection Mémoire Vive.

L’usine Sidelor d’Homécourt après-guerre. Carte postale colorisée sur papier photographique. Collection Mémoire Vive.

Natale Passeri est syndiqué CGT à la Fédération des Métaux, de 1936 (il participe aux grèves) à 1939. La police note qu’il est adhérent au Parti communiste « durant quatre mois avant la guerre ».

Pendant la guerre, il est “affecté spécial” à l’usine de Wendel à Hayange.

En dernier lieu, il serait chargeur dans une entreprise de travaux publics.

Le 15 juillet 1941, le préfet de Meurthe-et-Moselle signe un arrêté ordonnant son internement administratif à la Maison d’arrêt de Briey à la suite d’une distribution de tracts communistes dans la nuit du 10 au 11 juillet (il y est gardé quinze jours). Le 2 novembre suivant, le préfet rédige un rapport préconisant la révision de sa naturalisation : « J’estime, en raison de ses antécédents au point de vue politique et de son assimilation insuffisante (sic !), qu’il y a lieu de lui retirer la nationalité française par application des dispositions de la loi du 22 juillet 1940. Cette nationalité pourrait être conservée à sa femme et à ses enfants. » La commission de révision du ministère de la Justice se conforme à cette proposition le 21 novembre ; mais le décret sera pris plus tard.

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Le nom de “Natal” Passeri figure – n°46 – sur une « liste communiquée le 19 (février ?) au soir à la KK (Kreiskommandanturde Briey par le sous-préfet » pour préciser la nationalité de cinquante-trois hommes : il est désigné comme français (par naturalisation).

Natale Passeri est arrêté dans la « rafle effectuée dans la nuit du 19 au 20 » février par les autorités allemandes (rapport du préfet de la région de Nancy). Le lendemain, il fait partie d’un groupe d’otages transférés par la police allemande au centre de séjour surveillé d’Écrouves, près de Toul (54), en attente « d’être dirigés sur un autre camp sous contrôle allemand en France ou en Allemagne ».

Et, effectivement, le 5 mars, Natale Passeri est parmi les trente-neuf (nombre à vérifier…) détenus transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Natale Passeri est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45950 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Natale Passeri.

Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après les registres du camp, alors qu’a lieu une grande sélection des inaptes au travail comme otage à la suite de laquelle 146 des 45000 sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [1]).

Le 3 août précédent, Natale Passeri et sa famille ont été déchus de la nationalité française par décret, décision publiée au Journal officiel le 18 août 1942. En octobre, convoquée à la mairie d’Homécourt, son épouse en reçoit notification par un inspecteur des Renseignements généraux : « Disons que Madame Passeri et son fils Angel, âgé de plus de 15 ans, ont été invités à prendre, en ce qui les concerne, toutes mesures nécessaires à l’exécution de ce décret, notamment au regard de la loi sur le séjour des étrangers en France. » Madeleine Passeri remet aussitôt au policier son décret de naturalisation et celui de son mari, ainsi que sa carte d’identité.

Le 3 mai 1945, “Maddalena” Passeri écrit au Garde des sceaux pour réclamer la restitution de son décret de naturalisation. En effet, faute de se voir présenter ce document, la mairie d’Homécourt lui fait des difficultés pour lui remettre des titres de rationnement. À cette date, elle est toujours sans nouvelle de son mari, ignorant s’il est encore en vie. Le 11 juillet suivant, l’ampliation du décret original de naturalisation est restitué à sa famille.

Le 2 avril 1946, à la mairie d’Homécourt, Jacques Jung et Giobbe Pasini signent conjointement une attestation selon laquelle : « Le déporté Passeri Natale est tombé malade durent la période 1942-1943 en raison de sa faiblesse générale (manque de nourriture) et du typhus. Il est rentré dans le bloc des malades et n’est jamais reparu. Le 14 août 1943, lorsque l’ordre donné par la gestapo de mettre tous les Français en quarantaine a été exécuté, il n’existait déjà plus. Le 4 juillet 1943, nous avons eu l’autorisation d’écrire, et ce malheureux, à notre connaissance, n’a jamais écrit. Nous faisions partie du convoi du 6 juillet 1942 dirigé sur Auschwitz ». Le document est entièrement dactylographié, excepté le nom du disparu, les signatures et la date de leur légalisation par le maire ; il est possible que les deux rescapés aient complétés des documents identiques pour d’autres camarades décédés (à vérifier…).

Le nom de Natale Passeri  est inscrit sur le Monument aux morts d’Homécourt. Des treize déportés “45000” de la commune, seul Jacques Jung est revenu.

Le 14 septembre 1964, Madeleine Passeri – alors domiciliée dans le New-Jersey (U.S.A.) – dépose une demande d’indemnisation en application de l’accord conclu le 15 juillet 1960 entre la République Française et la République Fédérale d’Allemagne en faveur des ressortissants français ayant été l’objet de mesures de persécution nationales-socialistes (suites inconnues…).

Notes :

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 150 et 153, 368 et 416.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Raymond Falsetti, amicale des familles de déportés d’Homécourt (courrier 03-2009).
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy, cotes W1304/23 et WM 312 ; fiches du centre de séjour surveillé d’Écrouves (ordre 927 W) ; recherches de Daniel et Jean-Marie Dusselier.
- Archives nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine : fichier central de la Sûreté nationale, dossiers individuels de PA à PE (19940469/088, 7245) ; dossier de dénaturalisation (BB/11/120336441 X 29) ; fiche (BB/27/1438).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 907 (31657/1942).
- Ministère de la Défense, Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC), Caen : cartons Auschwitz (26 p 852).
- Site Mémorial GenWeb, relevé de Philippe Dezerville (01-2005).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 22-11-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Giobbe PASINI – 45949

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Giobbe, Sante, Francesco, Pasini naît le 4 octobre 1892 à Gussola (Italie), fils de Ricardo (Richard) Pasini et d’Angèle Lahini (ou Labruno), « jardiniers ». Il a deux frères, jardiniers eux aussi, qui resteront dans leur village natal, un frère jardinier qui viendra en France à Montois-la-Montagne (Moselle), et deux sœurs mariées qui vivront à Ausnes (Meurthe-et-Moselle – 54).

Giobbe Pasini arrive en France en 1900, probablement avec ses parents, d’abord à Thil (54), puis à Anderny et à Gandrange. Il retourne en Italie du 25 mai 1908 au 12 septembre 1909.

Il revient en France pour travailler dans les mines de Trieux (54), jusqu’au moment de retourner en Italie accomplir son service militaire. Incorporé le 18 octobre 1912, il participe à la campagne de Lybie. Pendant la guerre 1914-1918, il est mobilisé dans l’armée italienne.

Le 4 mars 1920, il se fait immatriculer comme étranger à Jarny, dans le bassin de Briey (54).

Le 30 octobre 1920, à Jarny, il épouse Jeanne Klock, née le 26 février 1901 à Boulay (Moselle), déclaré “luxembourgeoise” en 1931. Ils ont deux enfants : Henri, né le 3 février 1922, et Gilbert, né le 13 février 1926, tous les deux à Jarny.

Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 1, cité de Droitaumont à Jarny.

Giobbe Pasini est mineur de fer (« poudrier ») ou poseur de voies à la mine de Droitaumont.

JPEG - 122 ko
Jarny, la mine de Droitaumont. Carte postale oblitérée en 1936.
Collection Mémoire Vive.

Giobbe Pasini est militant syndical.

Le 15 mai 1934, le préfet de Meurthe-et-Moselle donne un avis favorable à la naturalisation française de Giobbe Pasini et de son épouse.

Lors de la mobilisation, de septembre 1939 à juin 1940, Giobbe Pasini est “affecté spécial” à la mine. Selon une liste manuscrite de 44 internés établie ultérieurement par le chef du centre de séjour surveillé d’Écrouves, il “démissionne” de son syndicat, probablement lors de l’interdiction du Parti communiste à l’automne 1939, accompagnée de scissions au sein de la CGT.

En juillet 1941, Giobbe Pasini subit 15 jours d’internement administratif (au Centre de séjour surveillé d’Écrouves ? à vérifier…).

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Le nom de Pasini (sans son prénom) figure – n°43 – sur une « liste communiquée le 19 (février ?) au soir à la KK (Kreiskommandanturde Briey par le sous-préfet » pour préciser la nationalité de cinquante-trois hommes : il est désigné comme français.

Le 22 février, Giobbe Pasini est arrêté par la police française et remis aux autorités militaires allemandes, avec Antoine Corgiatti et Joseph Zerlia, de Droitaumont-Jarny. Le 23 février, il fait partie des vingt-cinq otages transférés par la police allemande au centre de séjour surveillé d’Écrouves, près de Toul (54), en attente « d’être dirigés sur un autre camp sous contrôle allemand en France ou en Allemagne » ; ils y rejoignent quatorze autres otages arrivés la veille.

Le 27 février, le nom de Giobbe Pasini est inscrit sur un état nominatif des otages transmis par le préfet Jean Schmidt à Fernand (de) Brinon à Vichy ; 34e sur la liste.

Le 5 mars, il est parmi les trente-neuf détenus transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Dans ce camp, – avec notamment Antoine Corgiatti – il participe au creusement du tunnel qui permet l’évasion de 19 militants syndicalistes (dont Georges Cogniot, André Tollet, Camille Thouvenin, responsable politique du triangle de direction régional du PC de Meurthe-et-Moselle, et Adrien Bermand, mineur et responsable syndical de Mancieulles) dans la nuit du 21 au 22 juin 1942. Tous deux doivent faire partie de la seconde équipe, mais la découverte du souterrain empêche tout nouvelle tentative.

Entre fin avril et fin juin 1942, Giobbe Pasini est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Giobbe Pasini est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45949 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Giobbe Pasini est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

C’est dans ce camp qu’il apprend la mort de son camarade Antoine Corgiatti à Birkenau, après une tentative d’évasion.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Giobbe Pasini est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Giobbe Pasini est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine”, au Block 10, en préalable à un transfert.

Le 29 août , il est parmi les trente “45000” intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont assignés au Block 66.

Le 21 avril 1945, Giobbe Pasini est dans une des colonnes de détenus évacués à marche forcée vers le Nord-Ouest. Avec Louis Lecoq, il atteint Schwerin, où ils sont libérés par les troupes Anglaises.

Giobbe Pasini est de retour à Jarny le 22 mai 1945.

Il décède le 28 décembre 1980.

JPEG - 254.3 ko
Photographie de Denis Martin – ARMREL.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 101, 161 et 162, 348 à 350, 359, 367 et 401.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : cotes W1304/23, W927/17 et WM 312 (recherches de Daniel Dusselier).
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, pages 247, 345, 359.
- Jean-Claude Magrinelli, Ouvriers de Lorraine (1936-1946), tome 2, Dans la résistance armée, éditions Kaïros / Histoire, Nancy, avril 2018, L’affaire d’Auboué, pages 199-227 (listes d’otages p. 205, 208-210).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Paul PAOUTY – 45948

Paul, Charles, Paouty naît le 8 mars 1920 à Cherbourg (Manche – 50).

Célibataire, il est le plus jeune des “45000” de la Manche.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 26, rue Victor-Grignard à Tourlaville (50).

Tourlaville. Carte postale sans date (années 1950 ?). Collection Mémoire Vive.

Tourlaville. Carte postale sans date (années 1950 ?). Collection Mémoire Vive.

Il est employé aux écritures à l’Arsenal de Cherbourg.

Cherbourg. Entrée de l’arsenal dans les années 1900. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Cherbourg. Entrée de l’arsenal dans les années 1900. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Adhérent aux Jeunesses communistes, il est arrêté le 21 octobre 1941 à son domicile.

Détenu à la prison maritime de Cherbourg, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise) avant décembre 1941 ; il est recensé sur la liste des Jeunes communistes du camp, établie à cette date en vue de leur déportation (suite à l’avis allemand du 14 décembre).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Paul Paouty est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45948 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Paul Paouty.

À Auschwitz, il est atteint du typhus et meurt le 8 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), un mois après l’arrivée du convoi ; il a 22 ans.

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Caron-Hamet page 131.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 366 et 416
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 903 (18830/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, bureau d’information sur les prisonniers : copies du Starke Bucher du 7 au 8 août 1942.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Read More

Laurent PANTIN – 45947

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Laurent, Jean, Pantin naît le 17 septembre 1901 à Belmont (Ain – 01), fils de François Pantin, 50 ans, cultivateur exploitant, et de Marie-Louise, née Coste, 37 ans, son épouse, qui ont cinq autres enfants : Louis, né en 1882, Emily, née en 1896, Joanny, né en 1899, Marie, née en 1905, Antoinette, née en 1907 (à vérifier…).

Pendant un temps, Laurent Pantin travaille comme boucher.

Le 5 avril 1921, Conseil de révision l’ayant déclaré “bon pour le service armé”, malgré une arthrite de l’épaule droite, Laurent Pantin est appelé pour accomplir son service militaire comme soldat de 2e classe au 44e régiment d’Infanterie. Mais, le 21 mai, la Commission de réforme de Lons-le-Saulnier le reforme temporairement n° 2 pour « bronchite du sommet droit, affaissement musculaire, vibrations exagérées, submatite, craquements secs en arrière, légère hémoptysie ». Il est renvoyé dans ses foyers quatre jours plus tard et se retire à Belmont. La même commission renouvelle cette réforme les deux années suivantes.

En avril 1925, Laurent Pantin habite au 2, rue Bonnardel, à Saint-Nicolas-de-Port.

Le 23 mai de cette année, à Saint-Nicolas, il se marie avec Anne Raymonde Daviatte, née le 2 juillet 1902 dans cette commune. En décembre 1926, ils demeurent au 54, rue Saint-Laurent, à Pont-à-Mousson. Ils ont quatre enfants, dont François, né en 1928, Michel, né en 1930, et Nicole, née en 1935, tous trois à Varangéville.

Laurent Pantin est ouvrier aux soudières (production de carbonate de sodium à partir de sel extrait par la saline de Varangéville et de calcaire, produit entrant dans la fabrication du verre). Travaille-t-il à l’usine de la Compagnie de Saint-Gobain de Varangéville ou celle de La Madeleine ?

Varangéville. Soudière de la Compagnie de Saint-Gobain et canal de la Marne au Rhin. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Varangéville. Soudière de la Compagnie de Saint-Gobain et canal de la Marne au Rhin.
Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

En septembre 1934 et jusqu’à son arrestation, Laurent Pantin est domicilié au 5, cité du Meuzat à Varangéville (Meurthe-et-Moselle – 54), entre Saint-Nicolas-de-Port et Dombasles-sur-Meurthe.

À une date restant à préciser, il est arrêté pour « menées communistes » sur décision du préfet de Meurthe-et-Moselle qui se réfère au décret du 18 novembre 1939 « relatif aux mesures à prendre à l’égard d’individus dangereux pour la Défense nationale ». Laurent Pantin est-il jugé et condamné à une peine d’emprisonnement ou est-il interné administrativement ?

Son trajet en détention de Laurent Pantin reste à éclaircir.

En août 1941, il est arrêté par les « autorités allemandes ». Est-il rapidement transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ?

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Il est désigné comme otage à la suite du sabotage du transformateur électrique d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942 ; action de résistance qui déclenche une vague d’arrestations dans le département (70, dont plusieurs dizaines de futurs “45000”).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Laurent Pantin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45947 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Laurent Pantin.

Il meurt à Auschwitz le 20 février 1943, l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Varangéville, situé dans le square Georges Brassens.

Anna Pantin décède à Saint-Nicolas le 10 septembre 1953, âgée de 51 ans.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 368 et 416.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Archives départementales de l’Ain, site internet, archives en ligne : recensement de 1901, 1906 ; registre des matricules militaires, bureau de recrutement de Belley, classe 1921 (1 R 0191), matricule n° 534.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : fiches du centre de séjour surveillé d’Écrouves (ordre 927 W) ; recherches de Daniel Dusselier.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 903 (9315/1943).
- Site Mémorial GenWeb, relevé de Stéphane Protois (10-2007).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Roland PANNETRAT – (45946 ?)

JPEG - 77.1 ko
Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Roland, Jean, Pannetrat naît le 15 décembre 1923 à Paris 11e (75), fils de Pierre Pannetrat, 32 ans, monteur en fer, et de Marguerite Pellé, son épouse, 27 ans, culottière à domicile. Roland a un frère aîné, Gilbert, né 21 décembre 1919 à Paris 20e.

Leur père est mobilisé au cours de la première guerre mondiale : titulaire de la Croix de guerre, de la Médaille militaire et de la Croix de combattant, sergent dans la réserve, il est pensionné à 10 % pour blessure de guerre.

Au moment de son arrestation, Roland Pannetrat habite encore chez ses parents, alors domiciliés dans une cité HBM

[1] au 11, rue Édouard-Robert à Paris 12e, de même que son frère.

Pendant un temps, il travaille comme manœuvre (petite main ajusteur) à l’établissement des Eaux minérales de Vic-sur-Serre, aux entrepôts de Bercy (Paris 12e). À partir de juillet 1940, il est au chômage.

Avant-guerre, il est membre des Jeunesses communistes (JC).

Pendant la drôle de guerre (après la dissolution du Parti communiste ?), Roland Pannetrat est évacué dans le Cher, d’où il revient au début juillet 1940, après l’armistice.

Au début de l’occupation, son père, Pierre Pannetrat, « ancien trésorier de la 12e section de Paris-Ville » constitue « un centre de diffusion de tracts où [les militants viennent] se ravitailler ». En septembre 1940, il demande à un voisin des HBM, ancien camarade de Parti, Ludovic G., 47 ans, veuf, qu’il considère comme moins exposé, d’entreposer dans son propre logement ce matériel de propagande clandestine, ainsi que des brochures. À la suite de quoi, des délégués de région du PC (restés anonymes) viennent à plusieurs reprises y effectuer des dépôts de tracts. Ludovic G. stocke également des exemplaires du journal des JC, L’Avant-Garde, diffusés par les jeunes militants du secteur, dont son fils, Raymond, 19 ans. Enfin, son appartement servant aussi de lieu de réunion pour un comité de chômeurs de l’arrondissement, Ludovic G. entrepose aussi des exemplaires de La Vie Ouvrière, organe de la CGT clandestine.

De son côté, Roland Pannetrat participe aux « réunions de propagande » des JC, dont certaines se tiennent dans la rue, près de la grille d’entrée des immeubles située au 10, rue Tourneux, sous la direction de Joseph Le Lagadec [2] (27 ans) et regroupant également Jean Canard [3], Raymond G., les frères Migdal, Armand et Jean Feldmann. Les membres du groupe diffusent leur journal et/ou des tracts, collent des papillons sur les murs du voisinage, ou y inscrivent à la craie des slogans comme « Thorez au pouvoir ». Le père de Roland Pannetrat est au courant de l’engagement clandestin de son fils.

En décembre 1940 et janvier 1941, la brigade spéciale des renseignements généraux constate « qu’une active propagande communiste [est] menée dans le 12e arrondissement » et surveille de très près un militant qui reçoit « à son domicile, rue de la Lancette, de nombreux individus » Surveillances et filatures permettent en effet de repérer plusieurs militants. Le 25 janvier, deux inspecteurs se présentent au domicile de Ludovic G. (15, rue Édouard-Robert, premier étage gauche, deux pièces). La perquisition opérée amène la découverte dans un coffre à charbon de 15 000 tracts ronéotypés divers (« scellé n° 1 […] conduit à la fourrière en raison de son volume et de son poids ») et, sur une table dans la chambre, de diverses brochures, de 90 Avant-Garde, de 70 tickets de souscription pour les chômeurs, et de 530 papillons gommés. Père et fils sont conduits dans les locaux des renseignements généraux, à la préfecture de police, pour y être interrogés, Ils admettent rapidement leur propre implication, et mettent en cause les membres de leur réseau qui leurs sont connus ; André Migdal parlera ultérieurement d’« un père et son fils qui ne résistèrent pas aux interrogatoires ». Ainsi, Raymond G. signe une liste nominative de tous leurs contacts (« Je certifie que les susnommés prennent part à la propagande clandestine est [sic] qui venaient chez mon père chercher les tracts »). Sur cette liste figurent les trois frères Migdal et la famille Pannetrat. Tous sont appréhendés le lendemain, 26 janvier, à leurs domiciles respectifs. Sur Pierre Pannetrat, les inspecteurs de la BS 1 trouvent alors un carnet (de rendez-vous ?) et, dans l’appartement, 18 exemplaires du tract intitulé « Liberté pour les emprisonnés politiques ».

Dix-sept autres personnes sont arrêtées et interrogées à leur tour dans les bureaux des RG. La plupart démentent d’abord leur participation à l’activité de propagande clandestine. Mais, les dénégations des militants ne tiennent pas lors de leur confrontation avec le père et le fils G. qui persistent à les mettent en cause, ou lors des confrontations avec les premiers d’entre eux ayant “craqué” (situation vécue par Roland Pannetrat).

Le 26 janvier, après les divers interrogatoires et au vu des rapports des inspecteurs, considérant que leur activité « avait pour but la diffusion des mots d’ordre de la IIIe Internationale communiste ou d’organismes s’y rattachant, par la distribution, la détention en vue de la distribution, l’apposition de tracts et de papillons d’inspiration communiste », le commissaire André Cougoule, chef de la brigade spéciale, officier de police judiciaire, inculpe seize personnes – dont les quatre membres de la famille Pannetrat – d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 et les fait conduire au Dépôt, à disposition du procureur de la République (trois personnes étant laissées libres, aucun fait délictueux n’ayant été relevé à leur charge). Le, 28 janvier, Roland Pannetrat est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, Paris 14e.

Le 30 mai 1941, les seize inculpés de cette affaire comparaissent devant la chambre des mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine ; trois pères ont été convoqués à l’audience comme civilement responsables. Roland Pannetrat est condamné à quatre mois de prison, son père à un an de prison et 100 francs d’amende (il se pourvoit en appel), son frère et sa mère sont relaxés ; « Il est bien apparu en effet que ceux-ci sont restés étrangers aux agissements du sieur Pannetrat. » Roland Pannetrat est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne), quartier des mineurs, le jour-même.

Le 26 mars 1942, la Cour d’appel de Paris, considérant qu’il est mineur (17 ans) et « ayant agi sans discernement », le place sous le régime de la liberté surveillée (n’avait-il pas purgé sa peine entre temps ?).

Le 28 avril suivant, Roland Pannetrat est de nouveau arrêté – par la police française et la Feldgendarmerie – comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par «  les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin (particulièrement des hommes ayant précédemment été poursuivis par la Justice). Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Roland Pannetrat est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

JPEG - 128.9 ko

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roland Pannetrat est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45946, selon les listes reconstituées (la photo correspondant à ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Roland Pannetrat est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier). Là, il se trouve un moment dans le même Kommando qu’Aimé Obeuf, lequel s’efforce de le protéger : lui, qui est ancien mineur et ancien terrassier, creuse la terre pour deux, pendant que Roland Pannetrat fait le guet. Mais cela ne suffit pas…

Roland Pannetrat meurt à Birkenau, le 2 décembre 1942 d’après les registres du camp ; il n’a pas encore dix-neuf ans.

Son père, Pierre Pannetrat (né le 10 novembre 1891 à Paris 12e), est déporté le 12 mai 1944 dans le transport de 2073 hommes parti de Compiègne et arrivé deux jours plus tard au KL Buchenwald (matricule n° 51559). Rescapé, il est rapatrié en 1945.

Roland Pannetrat est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-02-1994).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 371 et 416. 
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Témoignage d’André Migdal, frère de son camarade Henri Migdal qui a connu le même sort – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier statut). 
- Archives de Paris, archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 5 juin au 22 septembre 1941, cote D1u6-5857. 
- Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande” (BA ?) ; dossiers de la BS1 (GB 53), n° 112, « affaire G. – Pannetrat – Canard – Vadkerti – Poing – Feldman – Migdal – Stéphan – Le Lagadec », 26–1-1941. 
- Archives nationales, correspondance de la Chancellerie, BB18 7047, 2B2 3260. 
- Aimé Oboeuf, entretien réalisé par Claudine Ducastel et Gilbert Lazaroo (4-10-1997), transcription de Renée Joly. 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 902 (42686/1942). 
- Concernant Pierre Pannetrat : Claude Mercier, François Perrot, Livre-Mémorial d la Fondation pour la mémoire de la Déportation, convoi I.211, tome 3, pages 541-543, 606.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-01-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] La cité Fécamp-Robert-Tourneux se situe dans le 12e arrondissement à proximité de la place Félix Eboué et du métro Daumesnil (quartier de Bel-Air sud). Il s’agit d’un ensemble HBM construit en 1920-1924 par l’architecte Alexandre Maistrasse, comptant 603 logements de taille réduite – ainsi que 2 loges de gardiens et 3 logements rattachés à des commerces – répartis dans 4 ensembles de bâtiments en briques à R+6 et R+7 aux angles des rues.
L’office public d’habitations à bon marché (HBM) a été créé en 1914 pour fournir un logement aux miséreux de la « zone », mais aussi un « cadre éducateur d’ordre et de propreté ». Ainsi les nouveaux logements sont-ils plus spacieux et confortables que les anciens bidonvilles (électricité, eau courante, W-C, douches, chauffage). Cependant, l’îlot refermé sur lui-même est au service de la discipline et de la surveillance sociale, comparable à celle des grandes usines. (source : parisbalades.com/arrond/12/12ereuilly.htm et belairsud.blogspirit.com/files/2013%20DLH%20338.pdf)

[2] Joseph Le Lagadec, né le 24 novembre 1913 à Paris, déporté le 6 avril 1944 dans le transport de 1489 hommes parti de Compiègne et arrivé deux jours plus tard au KL Mauthausen (matricule n° 62683), meurt au Kommando de Gusen le 10 mars 1945. (source : Claude Mercier, in Livre-Mémorial FMD, convoi I.199, tome 3, pages 354-355, 390)

[3] Jean Canard, né le 3 avril 1919 à Paris 12e, employé de banque, domicilié au 16, rue Édouard-Robert, déporté le 12 mai 1944 (comme Pierre Pannetrat) dans le transport de 2073 hommes parti de Compiègne et arrivé deux jours plus tard au KL Buchenwald (matricule n° 51834), est transféré au Kommandos de Dora-Ellrich, puis Dora-Norhausen. Rescapé, il est libéré dans ce camp le 11 avril 1945. (source : Claude Mercier, François Perrot, Livre-Mémorial d la Fondation pour la mémoire de la Déportation, convoi I.211, tome 3, pages 541-543, 559)

René PANEL – (45945 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René, Louis, Panel naît le 24 avril 1922 au Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime 

[1] – 76). Son père est amputé d’un bras.

Au moment de son arrestation, René Panel est domicilié chez ses parents au 10, rue Mogador au Havre : à 21 ans, il est célibataire. Il est monteur de sable (ouvrier sur le port ?).

Le 24 février 1942, il est arrêté avec son père au café Lebas, rue Frédéric X, lors de la rafle qui suit l’attentat de la place de l’Arsenal [2].

Au Havre, la place de l’Arsenal, à la fois esplanade et quai entre le bassin du Roy (à gauche) et le bassin du Commerce (à droite). Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive.

Au Havre, la place de l’Arsenal,
à la fois esplanade et quai entre le bassin du Roy (à gauche) et le bassin du Commerce (à droite).
Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive.

En représailles, il y aura de nombreuses arrestations d’otages et vingt seront fusillés le 31 mars suivant [3].

Les deux hommes sont internés pendant deux mois au Havre, puis transférés à Rouen. Un mois plus tard, le père est libéré. René Panel est finalement transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne [4] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Panel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45945, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté René Panel.

Il meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] L’action de la place de l’Arsenal et la rafle de février 1942 : « Le 23 février 1942, place de l’Arsenal au Havre, les jeunes des premiers “Bataillons de la Jeunesse” incorporés dans l’O.S , attaquent à la grenade un détachement de l’armée allemande. L’O.S. est l’ Organisation Spéciale qui à partir de septembre 1940 est la structure militante chargée de la protection des colleurs d’affiches et des distributeurs de tracts, elle est devenue le premier cadre de la résistance armée. Il y a là Michel Muzard, Jean Hascouet et le groupe “Léon Lioust”. C’est une des premières attaques d’un détachement de l’armée allemande dans la France occupée. » Albert Ouzoulias,Les bataillons de la Jeunesse, Éditions Sociales, Paris 1967, p. 201, 202. Claude-Paul Couture désigne comme auteur de l’attentat « le groupe Chatel de la 2e Cie FTP », En Seine-Maritime de 1939 à 1945, CRDP de Rouen, 1986, p. 15.

[3] AVIS

De nouveau, un attentat a été commis au Havre contre l’armée allemande et cela contre une colonne en route. Jusqu’à présent, le coupable n’a pas été découvert. Si, dans un délai de douze jours, c’est-à-dire jusqu’au 6 mars 1942 à midi, le coupable n’est pas retrouvé, trente communistes et juifs, parmi lesquels le coupable doit être recherché, seront fusillés sur l’ordre du Militaerbefehlshaber in Frankreich. Pour éviter cette sanction, la population est invitée à coopérer de toutes ses forces à la recherche et à l’arrestation du coupable.

Der Chef des Militaerbefehlshaber in Frankreich Von der Lippe, Generalleutnant

Journal de Rouen du 25 février 1942.

AVIS

Le 23 février 1942, au Havre, on a jeté un engin explosif sur une colonne de route de la Kriegsmarine. Deux soldats allemands ont été blessés. Jusqu’à aujourd’hui, malgré ma demande à la population havraise, les auteurs de cette attaque si lâche sont restés inconnus. En suite, le vom Frankreich a ordonné, comme je l’ai menacé l’autre jour, la fusillade de communistes et juifs – dont appartiennent les malfaiteurs – pour expier cette nouvelle attaque. La fusillade a été exécutée aujourd’hui.

Saint-Germain-en-Laye, le 31 mars 1942 Der Chef des Militaerverwaltung Bezirkes A. Gez : Von der Lippe, Generalleutnant

Journal de Rouen des 4 et 5 avril 1942.

[4] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 416.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie, réalisée à Rouen en 2000, citant : Liste établie par Louis Eudier (45523), du Havre, 1973 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Archives départementales de Seine-Maritime (AD 76), Rouen : cote 51w419 Lh-Q.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 902 (38777/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-04-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Lucien PAIRIÈRE – 45944

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Lucien Pairière naît le 14 décembre 1897 à Bourges (Cher), chez ses parents, Alexandre Pairière, 25 ans, ébéniste, et Madeleine Jolivet, 20 ans, son épouse, domiciliés au 41, rue Saint-Amand.

Pendant un temps, Lucien Pairière travaille comme ébéniste.

De la classe 1917, il est incorporé le 11 janvier au 85e régiment d’infanterie afin d’y accomplir son service militaire alors que la Première Guerre mondiale est en cours. Passé au 95e R.I. le 17 juillet suivant, il part « aux armées » (sur le front) le 26 juillet. À une date restant à préciser, il passe au 414e R.I. Le 20 mars 1917, son régiment se rend par étapes dans la région de Fismes où il doit participer à une attaque de la position du Chemin des Dames. Cette attaque a lieu le 16 avril, puis le 5 mai, sans que le régiment soit engagé. Dans la nuit du 6 au 7, en fin de combat, il relève des unités du 18e corps d’armée sur les plateaux de Craonne et de Californie. Les trois bataillons du 414e R.I. sont en ligne sur une position constituée simplement par des trous d’obus et bombardée avec une violence inouïe.

Carte postale. Collection Mémoire Vive.
Chemin des Dames, Craonne, le plateau de Californie vu de l’église.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 7 mai, Lucien Pairière est blessé à l’avant-bras droit par un éclat d’obus qui lui fracture le radius. Évacué, il est soigné jusqu’au 3 décembre. Le 27 avril 1918, la commission de réforme du Rhône sud le propose pour la réforme temporaire n° 1 avec gratification de 7e catégorie et 20 % d’incapacité pour fracture du radius droit. Démobilisé, il se retire au 36, rue Molière, à Bourges, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 2 septembre 1919, à Bourges, Lucien Pairière épouse Marie Louise Auclère, née le 18 août 1897 à Meillant (Cher). Ils auront une fille, Lucienne, née vers 1930.

En octobre 1932, déclaré comme menuisier et domicilié au 38 bis, rue Auguste-Blanqui à Puteaux

[1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), Lucien Pairière est secrétaire administratif adjoint de la Jeunesse Sportive ouvrière de Puteaux, club affilié à la Fédération sportive du travail. Selon la police, tous les dirigeants du club sont membres du 15e rayon de la région parisienne du Parti communiste.

En 1935, Lucien Pairière est candidat sur la liste du Parti communiste à Puteaux.

Il est possible qu’il s’installe un temps comme artisan ébéniste (« entrepreneur »).

Il est également employé comme menuisier par la maison Bertaux, rue Anatole-France, à Puteaux.

Du 20 mai 1936 au 1er septembre 1939, il est menuisier à la maison Charles Mochet [2], 68 rue Roque-de-Fillol, à Puteaux, où il est considéré comme un bon ouvrier bien que son engagement syndical soit connu.

En juillet 1938 (peut-être depuis le début des années 1930) et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié dans un logement au 2, rue Collin à Puteaux.

Le 2 décembre 1939, Lucien Pairière est classé dans l’affectation spéciale au titre de l’arsenal aéronautique de Vélizy à Villacoublay (Seine-et-Oise) comme menuisier d’études.

Le 7 octobre suivant, la direction militaire de l’Arsenal demande au préfet de police de lui renvoyer complété un formulaire d’enquête sur Lucien Pairière, qui rejoint ses ateliers deux jours plus tard. Le 4 novembre suivant, le commissaire de police de la circonscription de Puteaux rapporte, à partir de renseignements recueillis dans le voisinage, que Lucien Pairière « ne s’occuperait pas de politique. » La réponse retournée au ministère de l’Air le 28 février 1940, indique : « Avant les hostilités, il a mené une active propagande en faveur de l’ex-Parti communiste et fait de nombreux adeptes, notamment parmi la jeunes de son quartier. Actuellement […], il se tient sur une grande réserve mais doit être considéré comme suspect au point de vue national. » Le préfet conclue : « À ne pas employer. »

Rayé de l’affectation spéciale le 16 avril 1940, Lucien Pairière rejoint trois jours plus tard le dépôt d’infanterie n° 212, à Fontainebleau. Il est démobilisé le 14 juillet suivant à Aix-sur-Vienne (Haute-Vienne).

Au retour, il trouve un emploi à la Maison Mesnard, sise 10, rue de la Pierre-Levée à Paris 11e.

Le 6 février 1941, Lucien Pairière est arrêté à son domicile par les services du commissariat de police de la circonscription de Puteaux.

Le 13 février, les services de la préfecture de police rendent compte qu’ « au terme d’une série d’enquêtes et de multiples surveillances », ils ont appréhendé 26 militants pour « recrutement d’éléments susceptibles de participer d’une manière particulièrement active à l’organisation de la propagande communiste clandestine à Puteaux » et confection, répartition et diffusion du « matériel de propagande (tracts, papillons, placards) », parmi lesquels Lucien Pairière et André Arsène Bisillon, Louis Leroy, Émile Poupleau, qui seront déportés avec lui. À l’exception de deux d’entre eux, laissés en liberté provisoire, tous sont inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 et passent par le dépôt de la préfecture de police où ils sont mis à la disposition du procureur de la République.

Lucien Pairière est peut-être jugé, condamné et incarcéré, parallèlement à un pourvoi en appel (à vérifier…).

Le 13 octobre, il fait l’objet d’un ordre de mise en liberté provisoire par la Justice, mais il n’est pas libéré pour autant…

Le 19 octobre, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 19 octobre 1939. Il reste détenu au Dépôt en attendant son transfert dans un “centre de séjour surveillé” (CSS).

Le 10 novembre, Lucien Pairière fait partie d’un groupe de 58 militants communistes transféré au camp français de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942, la Section spéciale de la cour d’appel de Paris chargée de la répression des menées communistes commence l’examen de son affaire, mais disjoint son cas et celui d’Émile Poupleau au motif de leur absence ; et pour cause…

Le même jour à l’aube, les détenus sélectionnés à Royallieu sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le 8 juillet, Lucien Pairière est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45944 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Lucien Pairière se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Lucien Pairière est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

À une date restant à préciser, il est admis au Block 21 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I. Le 16 août, il est transféré au Block 20 de l’hôpitaloù il succombe deux jours plus tard.

Lucien Pairière meurt à Auschwitz le 18 août 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp. La cause mentionnée pour son décès – tout en pouvant être mensongère – est crédible : typhus exanthématique (Fleckfieber).
(aucun “45000” de Puteaux n’a survécu)

Les 10 et 15 mars 1945, Marie Louise Pairière est entendue comme témoin par la Justice au sujet de l’arrestation de son mari dans le cadre de procédures d’épuration de la police.

Lors du scrutin municipal du 26 avril 1953, elle est présentée à Puteaux sur la liste du PCF. Le 14 mars 1965, elle est déléguée de liste aux municipales.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Lucien Pairière (J.O. du 4-01-1994).

Notes :

[1] Puteaux : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Charles Mochet (1880-1934) est l’inventeur en 1925 du Vélocar, un quadricycle biplace sans moteur caréné avec un contreplaqué aéronautique léger, puis, en 1933, du premier vélo couché, très performant, disqualifié pour la compétition par l’Union cycliste internationale. Son fils, Georges Mochet, prendra la direction de l’entreprise après le décès de son père. Après-guerre, il construira des voiturettes motorisées sans permis.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 383 et 416.
- Archives départementales du Cher (AD 18), site internet du Conseil général, archives en ligne ; registre des naissances de Bourges, année 1897 (cote 3E 5408), acte n° 736 (vue 369/421) ; registre des matricules militaires, bureau de Bourges, classe 1917 (cote 2R 747), matricule n° 1874 (vues 658-659/827).
- Jean-Luc Dron et Paul Chagnoux, ficher PDF Ancestramil 2011, transcription de l’historique 1914-1918 du 414e régiment d’infanterie.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 303-32258) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1748-104177).
- Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris ; liste XLI-42, n° 140.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 898.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Office for information on former prisoners) : acte de décès à Auschwitz (21992/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

René PAILLOLE – 46254

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René Paillole naît le 3 septembre 1897 à Aiguillon (Lot-et-Garonne), au domicile de ses parents, Baptiste Paillole, 30 ans, charpentier, et Jeanne Fallières, son épouse, 25 ans, demeurant rue de la République.

En décembre 1900, le père de famille déclare loger au 209, avenue Daumesnil à Paris 12e. En mars 1904, il habite à Nantes (Loire-Atlantique), mais, début mai 1907, il est revenu à Paris 12e.

En février 1910, la famille est installée au 64, rue de Watttignies, à Paris 12e. À la mi-mai 1915, le père de famille déclare habiter à Orsay

[1] (Seine-et-Oise / Essonne – 91).

Lors du conseil de révision, René Paillole habite chez ses parents au 16, chemin du Buisson à Orsay, et a commencé à travailler comme ajusteur-mécanicien.

Le 11 août 1916, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 1er groupe d’aviation. Le 31 janvier 1917, il passe au 2e groupe d’aviation. Le 5 juin 1919, il est classé “affecté spécial” à la 3e section de chemins de fer de campagne comme employé permanent de la Compagnie des chemins de fer d’Orléans. Le 24 décembre suivant, il est réaffecté au 2e groupe d’aviation. Il est démobilisé peu après, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Au printemps 1926, René Paillole est marié avec Paule, née en 1900 à Paris. Ils ont un fils, Roger, né en 1924 à Orsay. Tous trois habitent chez les parents de René, au 11, rue de Libernon à Orsay. En cette année 1926, son père est charpentier chez Gorgeon, au 41, rue des Plantes à Paris, et René est mécanicien-ajusteur aux établissements Peugeot, rue de la République à Issy-les-Moulineaux (Seine / Hauts-de-Seine).

Au printemps 1931, René Paillole est ajusteur chez Ballot à Paris. Avec son épouse, ils ont eu un deuxième fils, Jean, né en 1926. Au printemps 1936, René est ouvrier aux usines Citroën, 143 quai de Javel à Paris 15e (le 1er octobre, l’armée le classe “affecté spécial” au titre cet établissement).

Au moment de son arrestation, René Paillole habite toujours avec son père, rue de Libernon.

Le 5 novembre 1940, le tribunal correctionnel de Versailles condamne René Paillole à six mois d‘emprisonnement et cent francs d’amende pour « propagande communiste ».

Le 20 juillet 1941, il est écroué dans la Maison de correction de l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine/Val-de-Marne), venant de la 3e division (quartier allemand (à vérifier…). Le 1er août, il est transféré à la Maison centrale de Clairvaux (Aube).

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 13 février 1942, le préfet de l’Aube reçoit des autorités d’occupation l’ordre le faire transférer avec cinq autres détenus – tous futurs “45000” – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Le transfert a probablement lieu le 23 février, comme pour Roger Le Bras.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, René Paillole est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Paillole est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46254 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Paillole est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au Block 28 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

Il meurt à Auschwitz le 16 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

(il est le seul “45000” d’Orsay)

À une date restant à préciser, le Conseil municipal d’Orsay donne son nom à une voie de circulation de la commune. Celui-ci est également inscrit sur le monuments aux morts d’Orsay, situé dans le cimetière communal, parmi les déportés.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 4-01-1994).

Notes :

[1] Orsay : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 380 et 415.
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes
- Archives départementales du Lot-et-Garonne (AD 47), Agen, site internet, archive en ligne : registre des naissances d’Aiguillon (4E 4-33), acte n° 39 (vue 75/239).
- Archives départementales de l’Aube, site internet, cote 310W114.
- Archives départementales du Val-de-Marne (AD 94), Créteil : archives de la prison de Fresnes, maison de correction, registre d’écrou 152 (2742w 19), n° 9384.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 898 (30918/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 91-Orsay, relevé de Véronique Pagnier (2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-06-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

Marcel OUVRIER – (45943 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marcel, Eugène, Ouvrier naît le 2 août 1899 à Paris 6e, fils de Joseph Ouvrier, 25 ans, fabricant d’instruments de précision, et de Marie Martin, son épouse, 23 ans, couturière, domiciliés au 19, rue Saint-Placide. Cette dernière sera décédée au moment de l’arrestation de son fils.

Pendant un temps, Marcel ouvrier habite chez ses parents, alors domiciliés au 11, rue Rousselet à Paris 7e, et travaille comme fabriquant d’yeux artificiels.

Le 15 avril 1918, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 113e régiment d’infanterie. Le 23 avril 1919, il est nommé caporal.  Du 1er mars au 1er juillet 1920, il est « appelé à servir en Asie Mineure, en Turquie d’Asie ». Le 20 mai, il passe au 412e RI. Au Levant en guerre, il contracte le paludisme avec une anémie profonde et des fièvres si fortes qu’il doit être rapatrié en France. Le 8 novembre suivant, il passe au 89e RI. Le 23 mars 1921, il est renvoyé dans ses foyers, et se retire chez ses parents, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Pendant un temps, il habite au 61, rue de Sèvres (Paris 6e). En décembre 1923, il demeure au 27, boulevard Beaumarchais (Paris 4e).

Marcel Ouvrier est artisan émailleur oculariste, fabricant d’yeux artificiels.

Le 31 mai 1924 à Athis-Mons (Seine-et-Oise / Essonne – 91), Marcel Ouvrier se marie avec Yvonne Reinette Baptiste, née le 10 octobre 1897 à Châtillon-sur-Loire (Loiret). Il ont un fils, Jean, né en 1928 à Paris ; probablement Jean Germain, né le 21 février 1928 à Paris 4e.

Fin juillet 1930 et jusqu’au moment de son arrestation, Marcel Ouvrier est domicilié au 72, route de Morangis, villa Champs de Mars, à Paray-Vieille-Poste

[1] (91), commune voisine.

Marcel Ouvrier est président de la section locale de l’Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC).

En mai 1935, il est élu conseiller municipal de Paray-Vieille-Poste sur la liste du parti communiste et deuxième maire-adjoint. C’est seulement ensuite qu’il adhère au PCF.

Il est déchu de son mandat au début de 1940.

Durant la guerre, il est mobilisé comme « affecté spécial » aux usines Hispano-Suiza de Bois-Colombes (Seine / Hauts-de-Seine), travaillant dans une cabine d’émaillage (après son arrestation, il sera déclaré comme manœuvre). Selon la police, il rentre régulièrement à son domicile, ce qui lui permet de poursuivre son activité militante. Mais, lui-même déclare ne pouvoir rentrer que tous les quinze jours, au changement d’équipe.

Lors de la débâcle, il rejoint – à vélo ! – son entreprise qui s’est repliées sur Tarbes (Hautes-Pyrénées). Quand il est démobilisé, le 4 juillet, après la signature de l’armistice, il retrouve sa famille à Florantin, près d’Albi (Tarn), où celle-ce était descendue se réfugier. Il reste sur place jusqu’au 20 août. Rentré à Paray, il trouve sa maison « visitée » et la remet en état. Il s’inscrit au chômage, puis trouve du travail au camp d’aviation d’Orly.

Sous l’occupation, la police française estime qu’il « peut-être considéré comme l’éminence grise du noyau communiste de Paray-Vieille-Poste », ayant « pris part à la réorganisation de la propagande locale ». Le 24 octobre 1940, le commissaire de police du 2e district, circonscription d’Athis-Mons, rédige un formulaire de « notice individuelle » sur lequel, au paragraphe « Résumé des motifs de l’arrestation », il indique : « Son internement administratif s’impose pour mettre fin à l’activité communiste locale ».

Le 26 octobre 1940, le préfet de Seine-et-Oise signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif de Marcel Ouvrier. Le jour même, celui-ci est arrêté sur son lieu de travail, au camp d’Orly, et aussitôt conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 11 janvier 1941, Yvonne Ouvrier écrit au préfet pour solliciter la libération de son mari, argumentant que celui-ci n’a « participé à aucune cause politique depuis le début des hostilités ».

Le 18 janvier, le préfet sollicite l’avis du commissaire de police d’Athis-Mons, lequel répond six jours plus tard en reprenant son exposé d’octobre précédent pour justifier un avis défavorable à une libération.

Le 22 janvier, le commissaire spécial dirigeant le camp formule de son côté cette appréciation : « Cet interné […] travaille régulièrement depuis [son arrivée] à la corvée des bûcherons, il n’a fait l’objet d’aucune punition. Il a toujours manifesté un excellent esprit. Néanmoins, ses opinions sont demeurées les mêmes… ». Raison pour laquelle lui aussi émet un avis négatif.

Le 3 février, Yvonne Ouvrier est convoquée au commissariat d’Athis-Mons où lui est notifié le refus du préfet d’autoriser son mari à retourner « dans ses foyers ».

Lors de la « révision trimestrielle » du 6 mars, le commandant du camp renouvelle son avis défavorable sur l’éventualité d’une mesure de libération.

Le 27 juin 1941, avec cinq autres Paraysiens, Marcel Ouvrier fait partie d’un groupe de 88 internés communistes de Seine-et-Oise – dont 32 futurs “45000” – remis aux “autorités d’occupation” et conduits à l’Hôtel Matignon, à Paris, – alors siège de la Geheime Feldpolizei – où ils sont rejoints par d’autres détenus, arrêtés le même jour et les jours suivants dans le département de la Seine [2]. Tous sont ensuite menés au Fort de Romainville (sur la commune des Lilas, Seine / Seine-Saint-Denis), élément du Frontstalag 122. Considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp [3].

Trois jours plus tard, les hommes rassemblés sont conduits à la gare du Bourget (Seine / Seine-Saint-Denis) et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par laWehrmacht (Polizeihaftlager). Pendant la traversée de la ville, effectuée à pied entre la gare et le camp, la population les regarde passer « sans dire un mot, sans un geste. Tout à coup nous entonnons La Marseillaise et crions «  Des Français vendus par Pétain » [4]. Ils sont parmi les premiers détenus qui inaugurent ce camp créé pour les « ennemis actifs du Reich ».

Dix mois plus tard, le 5 mai, le préfet de Seine-et-Oise transmet au Conseiller supérieur d’administration de guerre [sic] de la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud une liste d’anciens internés d’Aincourt à la libération desquels il donne un avis défavorable – « renseignements et avis formulés tant par [ses]services de police que par le directeur du centre de séjour surveillé » ; liste accompagnée de « notes » individuelles avec copie traduite en allemand, dont celle concernant Marcel Ouvrier.

Entre fin avril et fin juin 1942, celui-ci est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Ouvrier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45943, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcel Ouvrier.On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943. L’état civil français a enregistré le mois de janvier 1943 comme date de décès.

(aucun des cinq “45000” paraysiens n’est revenu)

Après la guerre, le Conseil municipal donne son nom à une avenue de la commune. Celui-ci est également inscrit sur le monuments aux morts de Paray-Vieille-Poste, situé dans le cimetière communal, comme résistant mort en déportation.

Notes :

[1] Paray-Vieille-Poste : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les 88 internés de Seine-et-Oise. Le 26 juin 1941, la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud transmet au préfet du département de Seine-et-Oise – « police d’État » -, cinq listes pour que celui-ci fasse procéder le lendemain à l’arrestation de ressortissants soviétiques ou de nationalité russe ancienne ou actuelle, dont 90 juifs, et de républicains espagnols en exil, soit 154 personnes. La sixième catégorie de personnes à arrêter doit être constituée de «  Différents communistes actifs que vous désignerez  » (aucune liste n’étant fournie). Tous doivent être remis à la Geheime Feldpolizei, à l’Hôtel Matignon, à Paris.

Si aucun autre document n’atteste du contraire, c’est donc bien la préfecture de Seine-et-Oise qui établit, de sa propre autorité, une liste de 88 militants communistes du département à extraire du camp d’Aincourt.

Le 27 juin, le commandant du camp écrit au préfet de Seine-Et-Oise pour lui « rendre compte que 70 internés [du département] ont été dirigés aujourd’hui dans la matinée sur le commissariat central de Versailles et que 18 autres internés ont été dirigés dans le courant de l’après-midi à l’Hôtel Matignon à la disposition des Autorités allemandes d’occupation. Le départ de ces internés s’est déroulé sans incident. » Les listes connues à ce jour ne distinguent pas les deux groupes et réunissent les 88 internés.

Le 29 juin, l’inspecteur de police nationale commandant l’escorte conduisant le contingent de 70 détenus à Versailles, rend compte que le commissaire divisionnaire lui a ordonné de poursuivre son convoyage « jusqu’à l’Hôtel Matignon, à Paris, siège de la Geheime Feldpolizei. En passant à Billancourt, quelques internés du premier car ont montré le poing et des ouvriers qui allaient prendre leur travail ont répondu par le même geste. J’ai immédiatement donné des ordres aux gardiens pour que les internés rentrent leurs bras.

À mon arrivée à Paris, je me suis trouvé en présence d’une quinzaine de cars remplis de prisonniers ayant la même destination que les internés d’Aincourt et j’ai dû prendre la suite.

Le formalités d’immatriculation étant assez longues, j’ai dû attendre mon tour ; l’opération a commencé à 18 heures et s’est terminée à 19h15 ; je n’ai pu faire la remise que de 38 internés sur 88 venus d’Aincourt. En raison de l’heure, le chef de bureau de la Feldpolizei m’a fait savoir qu’il recommencerait l’immatriculation le lendemain matin à 8h15, d’avoir à revenir à cette heure-là. J’ai rassemblé les 50 internés restant dans les deux cars et ai libéré les camionnettes et les gardiens disponibles.

Je me suis aussitôt mis en rapport avec la préfecture de Seine-et-Oise afin de savoir où je devais conduire, pour passer la nuit, les 50 internés. Une heure après, je recevais l’ordre de les conduire au Dépôt, 4 quai de l’Horloge, et de continuer ma mission le lendemain matin. Cette formalité étant remplie, j’ai renvoyé les cars et le personnel à Versailles.

Le 28 juin, à 7 heures, j’ai continué ma mission qui a pris fin à 11 heures. Cette escorte s’est déroulée sans autre incident. »

[3] Arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, témoignage d’Henri Rollin : «  Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention «  communiste  », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[4] De l’Hôtel Matignon au Frontstalag 122 : témoignage de Marcel Stiquel (déporté au KL Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Son récit fait état de 87 internés (la liste en comporte 88) et d’un départ d’Aincourt étalé sur deux jours : les 27 et 28 juin 1941 (voir note ci-dessus).

Sources :
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 356, 380 et 415.
- Nadia Michel-Ténine, notice dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, t. 37, p. 392.
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : extrait du registre des naissances du 6e arrondissement à la date du 3-08-1899 (V4E 8554), acte n° 2447 (vue 18/29).
– Archives de Paris : registres des matricules du recrutement militaire, classe 1919, 2e bureau de la Seine, volume 501-1000 (D4R1 2105), Ouvrier Marcel Eugène, n° 677.
– Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, relations avec les autorités allemandes (1w73, 1w80), dossier individuel (1w144), Liste des 88 internés d’Aincourt remis le 27 juin 1941 à la disposition des autorités d’occupation (1w277).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
- Site Mémorial GenWeb, 91-Paray-Vieille-Poste, relevé de Bernard Tisserand (2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-12-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Go to Top