Lucien PERRIOT – (45969 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Lucien Perriot naît le 17 janvier 1896 à Fontaine-Française (Côte-d’Or), fils de Joseph Perriot, 45 ans, plâtrier, et de Joséphine Lagneau, 39 ans, son épouse.

Pendant un temps, Lucien Perriot travaille comme charron.

Le 12 avril 1915, il est incorporé 170e régiment d’infanterie. Le 24 novembre suivant, il passe au 149e R.I. Le 25 mars 1916, il passe au 109e R.I. Le 23 décembre 1917, il est cité à l’ordre du corps d’armée : « Le 23 octobre

[…], à l’attaque du chemin des Dames, route de Maubeuge, a mis son fusil-mitrailleur en batterie et, par la précision de son tir, a obligé à se terrer des mitrailleuses qui empêchaient la compagnie de déboucher. Fusil-mitrailleur d’une grande bravoure ». Il reçoit la Croix de guerre. Le 30 septembre 1918, il est blessé par balle à l’avant-bras gauche sans fracture et évacué à l’ambulance où il reste huit jours. Du 9 au au 30 octobre suivant, il est soigné à l’hôpital de la Chappe à Briançon (Hautes-Alpes).

Il retourne « aux armées » du 6 décembre 1918 au 23 avril 1919. Du 24 avril au 23 septembre, il bénéficie d’un sursis automobiliste. Le lendemain, 23 septembre 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation par le dépôt démobilisateur du 8e escadron du train des équipages et se retire à Fontaine-Française, titulaire d’un certificat de bonne conduite. Le 10 novembre suivant, l’armée le classe affecté spécial à la 5e section des chemins de fer de campagne comme ouvrier d’atelier à Paris. Le 1er mai 1920, il est rayé des cadres et « se retire » au 8, rue Saint-Vincent-de-Paul, à Paris 10e, où il habite depuis le mois janvier.

Une semaine plus tard, le 8 mai 1920, Lucien Perriot est embauché par la Compagnie des chemins de fer du Nord qui fusionnera au sein de la SNCF début 1938 [1]. À la même date, l’armée le classe dans l’affectation spéciale comme ouvrier au 92, boulevard de la Chapelle, à Paris.

En août 1927, il est possible qu’il habite au Bourget (Seine / Seine-Saint-Denis).

Au moment de son arrestation, Lucien Perriot est domicilié au 5 ou au 6, rue Myrrha à Paris 18e, vers la rue Stephenson. Il est célibataire.

Lucien Perriot est alors ouvrier ferrure, travaillant aux ateliers SNCF du matériel roulant de Drancy-Le Bourget  depuis août 1927.

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La gare Le Bourget-Drancy. Carte postale oblitérée en 1945.
Collection Mémoire Vive.

C’est un militant syndicaliste, secrétaire du syndicat CGT du dépôt du Bourget durant plusieurs années.

Le 20 décembre 1939, il est rayé de l’affectation spéciale. Le 2 mars 1940, il rejoint le dépôt d’infanterie n° 211. Il est démobilisé le 13 juillet 1940.

Sous l’occupation, il œuvre à la réorganisation syndicale des ouvriers dans les ateliers.

Le 8 septembre 1941, Lucien Perriot est arrêté sur son lieu de travail. Une instruction est ouverte pour présomption d’infraction au décret du 26 septembre 1939 qui entre également dans le cadre de la loi du 14 août 1941 créant les Sections spéciales. Le 6 octobre, un juge d’instruction du tribunal de première instance de la Seine prononce un non lieu.

Le 17 octobre 1941, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif de Lucien Perriot.

Le 10 novembre 1941, celui-ci fait partie d’un groupe de 58 militants communistes transféré au « centre de séjour surveillé » (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le 22 mai 1942, Lucien Perriot est parmi les 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Lucien Perriot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45969, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Lucien Perriot.Il meurt à Auschwitz le 2 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp.

Après leur retour de déportation, les rescapés du convoi qui attestent de son décès sont Lucien Penner, de Vanves (92) et Henri Gorgue, de Bagnolet (93).

À Drancy, le nom de Lucien Perriot a été donné à une école primaire, démolie, puis reconstruite en 1986, rue Raymond-Lefèvre. Sa mémoire « est honorée lors de la cérémonie du 8 mai, chaque année ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-03-1997).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 372 et 416.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Mairie de Drancy (lettre de Paul Nilès du 28 mars 1990) – État civil de Fontaine-Française.
- Archives départementales de la Côte-d’Or (AD 21), site internet, archives en ligne : état civil de Fontaine Française 1888-1897 (2 E 285/012), année 1896 (vue 324/388) ; registre des matricules militaires, bureau de recrutement de Dijon, classe 1916 (R2527-0233), n° 1667 (vue 233/505).
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 3 septembre au 16 décembre 1941 (D1u6-5858).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, communistes fonctionnaires internés… (BA 2114 ; BA 2374).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 145.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 919 (27027/1942).
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 22-06-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

 

André PERRIN – (45967 ?)

André, Sincère, Henri, Louis, Perrin naît le 20 juillet 1907 à Coussay-les-Bois (Vienne – 86), fils de Sincère Perrin, 29 ans, métayer, et de Berthe Limousin, 23 ans. Un des deux témoins pour l’enregistrement du nouveau-né à l’état civil est son grand-père maternel, menuisier.

Le 9 février 1929, à Coussay-les-Bois, André Perrin se marie avec Liliane Tibuleux. Ils auront deux enfants.

André Limousin est ouvrier plâtrier.

Domicilé à Coussay-les-Bois, il est le secrétaire de la section ou de la cellule communiste du village.

Le 23 juin 1941, André Perrin est arrêté par des soldats allemands et des policiers français [1], interné au camp de la Chauvinerie, près de Poitiers (selon M. Rideau, 33 communistes sont arrêtés ce jour-là dans la Vienne), puis transféré le 12 juillet 1941 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, André Perrin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Perrin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45967 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Perrin est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Il meurt à Auschwitz le 29 octobre 1942, d’après les registres du camp.

Selon Louis Cerceau, « il est le seul de la Vienne à ne pas être mort à la suite de coups, mais de maladie », la dysenterie, qui entraîna sa “sélection” pour la chambre à gaz**.

Maurice Rideau, qui était au Block 19 à Auschwitz-I, a rapporté ses derniers moments : « Il était au Revier [3], au Block 18. Je l’ai vu la veille de son départ pour la chambre à gaz. Il m’a dit, après m’avoir embrassé : “Si tu reviens, dis à ma femme et à mes enfants que ma dernière pensée sera pour eux”. Je n’ai pas eu l’occasion de revoir Madame Perrin à mon retour, mais je lui ai écrit ».

Le nom d’André Perrin est inscrit sur le monument aux morts de Coussay-les-Bois, dans le cimetière communal, sur plaque dédiée « Aux morts de la guerre » (« Morts en déportation »).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-03-1997).

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. »
Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre.
Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.
En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.
Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action.
131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

[3] Revier : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. » Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.
Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en Allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 150 et 153, 379 et 416.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Deux-Sèvres et de la Vienne (2001), citant : FNDIRP de la Vienne, Raymond Jamain (1973, 1989) – Témoignages de Maurice Rideau (2/10/1971) et Émile Lecointre (23/2/1989) – Louis Cerceau (45347), cité par Michel Bloch, historien (1-2/1973).
- Archives départementales de la Vienne (AD 86), site internet du conseil général, archives en ligne : registre d’état civil N.P.M.D. de Coussay-les-Bois de 1906 à 1909 (9 E 103/13), naissances de l’année 1907, acte n° 9 (vue 37/136).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 919 (37914/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 86-Coussay-les-Bois, relevé de Françoise & Jean Grivet (2002).
- Site Les plaques commémoratives [actuellement hors service], photographie de Jean-Jacques Guilloteau.
- Nathalie Rambault, message (02-2018).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-08-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Marcel PERRIN – 45968

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marcel, Georges, Perrin naît le 25 septembre 1899 à Mehun-sur-Yèvre (Cher – 18), fils de Désiré Perrin, 26 ans, porcelainier – peut-être à la manufacture Pillivuyt, qui emploie plus de mille personnes en 1900 -, et de Marie Beauvais, 27 ans, couturière, son épouse, domiciliés route de Foëcy (les témoins pour l’inscription du nouveau-né à l’état civil sont un autre porcelainier et un sabotier). Marcel a une sœur, Marguerite Désirée, née le 16 février 1903 à Méhun-sur-Yèvre, et un frère, Désiré (comme leur père) Léon, né le 12 novembre 1905 à Vierzon-Villages (18)

[1]. Cette année-là (1905), la famille habite route de Puits-Berteau.

Pendant un temps, Marcel Perrin habite à Vierzon-Villages. Il travaille comme encastreur de porcelaine.

De la classe 1919, il est incorporé le 19 avril 1918 au 79e régiment d’infanterie afin d’accomplir son service militaire. Le 10 février 1920, il passe à la 23e section de commis et ouvriers militaires d’administration (C.O.A.). Deux jours plus tard, il est affecté à la 5e section de C.O.A. Le 4 avril 1921, il est renvoyé dans ses foyers – certificat de bonne conduite refusé –  et se retire chez ses parents, rue du Bas-de-la-Grange, à Vierzon-Villages. Mais, le 4 mai suivant, il est rappelé à l’activité militaire dans le cadre de l’occupation des Pays Rhénans. Il est définitivement renvoyé dans ses foyers le 2 juillet.

Cette année-là (1921), son père est porcelainier chez Bailleul et son frère Désiré est “métallurgiste” à la Société Française de Vierzon, usine fabricant notamment des tracteurs agricoles.

Le 18 février 1922, à Vierzon-Villages, Marcel Perrin se marie avec Maria Louise Desseix, née le 3 août 1903 à Saint-Saud-Lacoussière (Dordogne). Leur fils Maurice est né en 1921 à Vierzon (lequel ?). Le même jour (18 février 1922, à Vierzon-Villages), sa sœur Marguerite se marie avec Aimé Gauthier, voyageur de commerce.

Après leur mariage, Marcel et Maria Perrin quittent la commune.

Le 18 juin 1927, à Chartres (Loir-et-Cher), son frère Désiré Léon se marie avec Odette Fleury.

Fin avril 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Marcel Perrin est domicilié rue des Varennes, à Vierzon-Ville (18). En 1936, il est “journalier”, manœuvre, chez Caillemitte (?).

C’est un militant communiste.

Le 27 août 1939, il est rappelé à l’activité militaire et arrive le lendemain au détachement principal de la « S. magasin de  Mignières » (Eure-et-Loire ?). Il est démobilisé par le centre de Lavaur (Dordogne ou Tarn ?) le 14 août 1940.

Le 22 juin 1941 [1], il est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Perrin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45968 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcel Perrin.

Il meurt à Auschwitz le 14 août 1942, d’après le registre d’appel du camp (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS (Sterbebücher) ; cinq semaines après l’arrivée de son convoi.

Il existe à Vierzon une rue Marcel Perrin, où se trouve la bourse du travail Benoît Frachon de la ville, siège de l’union locale CGT (au n° 11) : s’agit-il de lui ?

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-03-1997).

À Vierzon, son nom est inscrit sur la haute plaque dédiée aux Victimes vierzonnaises de la barbarie nazie 1939-1945 complétant le Mémorial de La Résistance et Déportation, inauguré en 2011 au 10 avenue du Général-de-Gaulle, près de la médiathèque Paul Éluard.

Notes :

[1] L’ “ Aktion Theoderich ” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich,plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 363 et 416.
- Archives départementales du Cher (AD 18), site internet du Conseil départemental, archives en ligne : registre des naissances de Mehun-sur-Yèvre, années 1895-1902 (3E 5567), année 1899, acte n° 117 (vue 581/588) ; registre des matricules militaires, bureau de recrutement de Bourges, classe 1919 (2R 762), matricule n° 1996 (vue 411/877).
- Association des amis du musée de la Résistance et de la Déportation de Bourges, article dans La Nouvelle République du 31 janvier 2005.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 919 (20507/1942).
- Site Mémorial GenWeb, relevé d’Alain Girod (n° 80755), 10-2016.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-10-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

René PERRAULT – (45966 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René, Bernard, Perrault naît le 26 octobre 1919 à Segré (Maine-et-Loire),  fils de René Perrault, 30 ans, et de Bernadette Hoisneau, son épouse, 30 ans.

Il passe son enfance à Rennes (Ille-et-Vilaine – 35), où il demeure avec ses parents, chemin (rue, n°15 ou 19) de la Poterie, quartier de lotissements. Élève de l’école primaire du boulevard René-Laënnec, puis de l’École pratique d’industrie, au n° 70 du même boulevard, où il passe avec succès son C.A.R. (?) et son brevet industriel. Il est célibataire.

Le 18 janvier 1937, René Perrault est embauché par l’Administration des chemins de fer de l’État ou Réseau de l’État, qui fusionnera avec plusieurs compagnies privées au sein de la SNCF début 1938 

[1].

Il est ouvrier ajusteur dans un atelier SNCF de Rennes.

René Perrault est responsable des Jeunesses communistes de Rennes avec Jules Lebrun [2], cheminot. Avant guerre, René Perrault est en contact avec Jean Rouault, également cheminot, et Émile Drouillas, dit Laporte.

En août 1940, René Perrault organise des groupes de jeunes pour le sabotage. Le 25 octobre, il provoque la rupture de câbles téléphoniques allemands à la SNCF. Le 30 novembre, il est convoqué par le commissaire Morellon qui le menace, mais le libère. Il continue néanmoins son activité, réalisant plusieurs sabotages de janvier à la fin mai 1941.

Le 22 juin 1941, René Perrault est arrêté par deux Feldgendarmes qui viennent le chercher sur son lieu de travail [3] et interné à la prison Jacques-Cartier de Rennes.

Le 10 juillet 1941, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 1161.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Dans le camp, il dessine, réalisant notamment un portrait de son ami et camarade Émile Drouillas en train d’écrire et un dessin symbolique du pays d’Armor, signé « R42 » (« R » certainement pour « René » et « 42 » probablement pour l’année en cours).

Dessin de René Perrault daté de mars 1942. Collection Renée Thouanel. Droits réservés.

Dessin de René Perrault daté de mars 1942.
Collection Renée Thouanel. Droits réservés.

Dans le cahier d’Émile Drouillas, “Les chansons de Royallieu”. Collection Renée Thouanel. Droits réservés.

Dans le cahier d’Émile Drouillas, “Les chansons de Royallieu”.
Collection Renée Thouanel. Droits réservés.

Il fera des dessins pour d’autres camarades, tel Marcel Lecour, de Maromme (un paysage champêtre daté du 30 avril 1942).

Collection Martine Groult. Droits réservés.

Collection Martine Groult. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, René Perrault est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Perrault est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45966, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Perrault est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 2 octobre 1942, il se serait jeté sur les barbelés électrifiés, d’après le témoignage de Jean Rouault, confirmé par Roger Abada, tous deux interné à Auschwitz-I. Ni à cette date, ni à une autre, René Perrault (23 ans) ne figure dans les registres de décès tenus par l’administration SS du camp qui ont été retrouvés, ceux-ci comportant des lacunes.

René Perrault a été nommé sergent au titre de la Résistance Intérieure Française. La Croix de Guerre lui a été décernée à titre posthume.

À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Rennes donne son nom à une rue de la ville, dans le quartier de Saint-Hélier.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-03-1997) « à Birkenau » (?).

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] Jules Lebrun est tué à Bobigny pendant les combats pour la libération de Paris et de sa banlieue, le 2 septembre 1944).

[3] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 364 et 416.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Bretagne (2002), citant : Archives municipales de Rennes, Témoignages de Jean Rouault et Roger Abada,Mémoires de granit, édité par l’Office des Anciens Combattants d’Ille-et-Vilaine.
- Jeanne Roquier-Drouillas et Renée Thouanel-Drouillas [ses filles], Émile Drouillas dit Laporte, militant ouvrier, Imprimerie Commerciale, Rennes 1978, 224 p.
- UDAC d’Ille-et-Vilaine, site Mémoire de guerre.
- Archives municipales de Rennes, site internet, recensement de population de 1946, canton sud-est, page 521 (1F4/86, vue 286).
- Base de données des archives historiques SNCF : service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1153-1154.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Hippolyte PERRAU – 45965

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Hippolyte, Marie, François, Perrau (parfois orthographié Perreau) naît le 19 février 1890 à Bordeaux (Gironde), fils de François Perrau, courtier en vins, et de Catherine Gibert, son épouse.

Le 19 août 1908, à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), Hippolyte Perrau, âgé de 18 ans, s’engage volontairement pour trois ans comme soldat de 2e classe au 49e régiment d’infanterie. Le 9 janvier 1910, il passe à la 18e section de secrétaires d’état-major. Il est démobilisé le 19 août 1911, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Fin janvier 1912, Hippolyte Perrau habite au 96, avenue des Pavillons aux Pavillons-sous-Bois (Seine / Seine-Saint-Denis). Fin mars, il demeure au 34, rue du Vert-Bois, à Paris 3e. Pendant un temps, Hippolyte Perrau travaille comme employé de commerce (courtier en vins).

Fin juillet 1914, il est domicilié au 34, rue du Roi-de-Sicile, à Paris 4e.

Rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914, Hippolyte Perrau rejoint son unité deux jours plus tard.

Néanmoins, le 8 septembre suivant, à la mairie du 4e arrondissement, il se marie avec Henriette Berguedieu, née le 20 décembre 1893 à Bordeaux, lingère, avec qui il vit déjà. Ce mariage amène la légitimation du fils d’Henriette, Emmanuel, né le 31 décembre 1913 à Paris 14e.

Le 1er mars 1915, Hippolyte Perrau passe à la 18e section d’infirmiers. Le 6 août suivant, il passe au 144e régiment d’infanterie. Le 17 juillet 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation par le dépôt du 18e régiment du génie et se retire à Villenave-d’Ornon, au sud de l’agglomération de Bordeaux, probablement chez ses parents.

Le premier fils d’Hippolyte et Henriette Perrau, André, naît le 20 novembre 1919 à la  clinique obstétricale Tarnier, au 89 rue d’Assas (Paris 6e)

À partir de 1920 et jusqu’au moment de son arrestation, Hippolyte Perrau est domicilié au 18, rue du Temple à Paris 4e

Le 23 mai 1923, Henriette donne naissance à leur fils Jacques.

Électricien T.S.F. (radio) – peut-être pendant un temps à Levallois-Perret – Hippolyte Perrau est au chômage. En 1935, il est secrétaire de la Ligue des droits de l’Homme du 4e arrondissement. En 1938, il adhère au Parti communiste et est membre de “Radio-liberté”. Il tient à plusieurs reprises la permanence d’Albert Rigal,  député communiste du quatrième arrondissement et lui aussi natif de Bordeaux.

Toute sa famille est militante : sa femme est également au Parti communiste et ses deux fils sont appréhendés le 28 août 1939 pour vente de journaux communistes sur la voie publique.

De septembre 1939 à octobre 1940, Hippolyte Perrau est mobilisé comme “affecté spécial” au service électrique de la Compagnie Parisienne du Métropolitain (CMP, future RATP).

En octobre 1940, la police effectue une perquisition à son domicile, mais ne découvre que des brochures et documents communistes d’avant-guerre.

Le 28 juin 1941, Hippolyte Perrau est arrêté à son domicile à la demande du commissaire de police du quartier Saint-Merri qui le soupçonne « de se livrer à la propagande communiste clandestine ». Il est conduit à l’Hôtel Matignon où il rejoint d’autres militants ouvriers. Le préfet de police de Paris a signé les arrêtés ordonnant leur internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939, mais les opérations sont menées en concertation avec l’armée allemande. En effet, pendant quelques jours, des militants de Paris et de la “petite couronne” arrêtés dans ces conditions sont conduits à l’hôtel Matignon, puis aussitôt livrés aux « autorités d’occupation » qui les rassemblent au Fort de Romainville (HL 122), sur la commune des Lilas (Seine-Saint-Denis). En transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp.

L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122), surplombée par un mirador. © Musée de la résistance nationale (MRN), Champigny-sur-Marne (94).

L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122), surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN), Champigny-sur-Marne (94).

Dans les jours qui suivent (le 27 juin, le 1er juillet…) ils sont conduits à la gare du Bourget où des trains les transportent à Compiègne (Oise) 

[1]. Hippolyte Perrau fait probablement partie de ces hommes transférés au camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) [2].

Le 25 décembre 1941, son fils cadet Jacques, âgé de 18 ans, décède à l’hôpital Paul-Doumer de Labruyère (Oise).

Entre fin avril et fin juin 1942, Hippolyte Perrau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Hippolyte Perrau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45965 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Hippolyte Perrau est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Il est assigné au Block 22a.

Deux jours plus tard, le 15 juillet, il est admis au Block 20 de l’hôpital des détenus, en même temps que Joseph Kermen, de Paris 20e.
Hippolyte Perrau meurt à l’hôpital d’Auschwitz-I le 20 juillet 1942, d’après les registres du camp ; moins de deux semaines après l’arrivée de son convoi.

Déclaré “Mort pour la France”, il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-11-1991).

Notes :

[1] Arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, trois témoignages :

Jean Lyraud (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Le 26 juin, à 5 heures du matin, il est réveillé par des policiers français : « Veuillez nous suivre au poste avec une couverture et deux jours de vivres. » Un autobus le prend bientôt avec trois autres personnes arrêtées. Le véhicule fait le tour des commissariats de Montreuil et du XIe arrondissement. Un crochet à l’hôtel Matignon, qui abrite alors la police de Pétain, puis c’est le transport jusqu’aux portes du Fort de Romainville où les prisonniers sont remis aux autorités allemandes. Avec ses compagnons, jean Lyraud passe la nuit dans les casemates transformées en cachots. « Le lendemain 27 juin dans l’après-midi, nous embarquons en gare du Bourget dans des wagons spéciaux pour Compiègne. Nos gardes ont le revolver au poing et le fusil chargé, prêts à faire feu. Dans la soirée nous arrivons au camp. Quelques jours après, d’autres contingents de la région parisienne nous rejoignent. »

Henri Pasdeloup (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943), cheminot de Saint-Mihiel (Meuse), est arrêté le 23 juin 1941 par la Gestapo qui le conduit à la prison de la ville. Le 27 juin, avec d’autres détenus emmenés à bord de deux cars Citroën, il arrive devant le camp de Royallieu vers 16 h 30 : « À l’arrivée face au camp, nos gardiens nous font descendre. Alignement sur la route, comptages et recomptages. En rangs par trois nous passons les barbelés… À 19 heures, environ 400 prisonniers en provenance de la région parisienne entrent en chantant L’Internationale… Le lendemain 28 juin, réveil à 7 heures : contrôle d’identité, toise, matricule. J’ai le numéro 556. Pour notre groupe de la Meuse, cela va de 542 à 564. Ceux de la région parisienne, bien qu’arrivés après nous, sont immatriculés avant… »

Henri Rollin : «  Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention «  communiste  », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[2] L’ “ Aktion Theoderich ” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich,plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 370 et 416.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
- Archives départementales de Gironde (AD 33), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des matricules militaires, bureau de Bordeaux, classe 1910, matricules de 3501 à 4000 (1 R 1438), matricule 3674 (vue 252/692).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : état civil du 4e arrondissement, registre des mariages, année 1914 (4M 247), acte n° 903 (vue 15/31).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 1339-70632).
- Sachso, Amicale d’Orianenburg-Sachsenhausen, Au cœur du système concentrationnaire nazi, Collection Terre Humaine, Minuit/Plon, réédition Pocket, mai 2005, page 36 (sur les arrestations du 26 juin 1941).
- Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 919 (16043/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), registre du Block 20 de l’hôpital, page 029-262.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Jean PÉROT – 46255

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jean, Marcel, Pérot naît le 25 décembre 1921 à Saint-Léger-sur-Dheune, entre Autun et Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 1 ou au 3, rue de Metz (devenue rue Maurice-Thorez), quartier de la Grande Fin, à Homécourt (Meurthe-et-Moselle – 54). Il est célibataire (il a vingt ans).

Il est aide-monteur à l’usine sidérurgique d’Homécourt, les Aciéries de la Marine.

Homécourt. Les cités. À l’arrière-plan, l’usine derrière le centre-ville. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Homécourt. Les cités. À l’arrière-plan, l’usine derrière le centre-ville.
Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Pendant la guerre civile espagnole, Jean Pérot participe aux collectes de solidarité avec la population du secteur républicain.

Le 31 janvier 1942, parallèlement à son rapport au préfet de Meurthe-et-Moselle signalant une distribution de tracts communistes à Auboué et Homécourt (communes limitrophes) dans la nuit du 29 au 30 janvier, le sous-préfet de Briey propose l’internement au centre de séjour surveillé d’Écrouves (54) de Jean Pérot, « réputé pour ses sentiments communistes ».

Le 7 février 1942, le jeune homme est arrêté comme otage à la suite du sabotage du transformateur d’Auboué ; action de résistance qui déclenche une vague d’arrestations dans le département (70, dont plusieurs dizaines de futurs “45000”)

Le 5 mars, Jean Pérot est parmi les 39 détenus transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Pérot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46255 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Jean Pérot est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

À une date restant à préciser, il est admis au bâtiment des maladies contagieuses (Block 20) de l’hôpital du camp, chambrée (Stube) n° 6.

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Jean Pérot meurt à Auschwitz le 30 octobre 1942, selon un registre tenu par l’administration SS du camp. Il a 21 ans.

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts d’Homécourt (avec la date erronée « 6-05-1944 » ?

[1]).

Des treize déportés “45000” de la commune, seul Jacques Jung est revenu.

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 368 et 416.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : cotes W1304/23 et W927/17.
- Raymond Falsetti, amicale des familles de déportés d’Homécourt (dossier de l’exposition de 2005, courrier 03-2009).
- Association Mémoire du Pays de l’Orne, bulletin Pagus Orniensis n°10, page 26.
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, pages 345.
- Site Mémorial GenWeb, relevé de Philippe Dezerville (01-2005).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Henri, Jules, PERNOT – 45964

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

 

Henri, Jules, Joseph, Pernot, naît le 15 avril 1902, à Couillet 

[1], dans l’agglomération de Charleroy (Hainaut – Belgique). Il est français « par option ».

Pendant un temps, Henri Pernot habite à l’Île-Saint-Denis (Seine /Seine-Saint-Denis – 93).

Le 13 novembre 1920 à Saint-Denis (93), il épouse Marie Laz (?), née le 3 septembre 1904 à Laz (Finistère). Ils ont deux enfants : Georges, Henri, né le 21 juillet 1921, et Henri, né le 20 septembre 1924, tous deux à Paris 14e.

En 1926, Henri, Jules, Pernot est embauché comme chauffeur de chaudière à l’usine à gaz de Gennevilliers (Seine / Hauts-de-Seine), appartenant à la Société d’éclairage, chauffage et force motrice (ECFM) [2].

À partir de 1932 et jusqu’à son arrestation, il habite dans une maisonnette de bois dont il est propriétaire au 58, chemin de halage à Épinay-sur-Seine [3] (93), sur le bord du fleuve.

À cette époque, Henri Pernot est adhérent à la Chambre syndicale des employés de la ECFM et membre du rayon de Saint-Ouen de la région Paris-Nord du Parti communiste. Il est membre de la Jeunesse sportive ouvrière d’Épinay, probablement comme animateur ; la police ne lui connaît pas d’autre activité militante.

Fin 1936, il est au chômage. Son épouse est alors infirmière aux « Enfants assistés » (pris en charge par l’Assistance publique).

Début 1937, Henri Jules, Pernot postule pour un emploi à l’Imprimerie Nationale (suite à vérifier…).

Sous l’occupation, il serait « en relation avec des groupes de résistance », selon un rapport ultérieur de la police française… qui n’en sait pas davantage.

Le 3 septembre 1941, Henri, Jules, Pernot est arrêté à son domicile par cinq militaires allemands et conduit à la prison militaire du Cherche-Midi, alors réquisitionnée par l’armée d’occupation, à la hauteur du 54 boulevard Raspail (Paris 6e). Ensuite, il est transféré à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier (Paris 20e), puis au fort de Romainville (commune des Lilas).

Enfin, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne – sur la commune de Margny – et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Henri Pernot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45964 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’uniforme rayé et photo), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Henri Pernot est dans la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers utilisant certains ouvriers qualifiés.

Henri Pernot meurt à Auschwitz le 1er février 1943, d’après les registres du camp (Block 20-II, Block 28/7, Leichenhalle).

Le 25 septembre 1946, son acte de décès (établi par le ministère des ACVG ?) est transcrit sur les registres de l’état civil de la mairie d’Épinay-sur-Seine avec la date du 1er décembre 1942.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-03-1997, indiquant toujours la date erronée du 1er décembre).

Sources :
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 385 et 416.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cabinet du préfet sous l’Occupation (1 W 846), dossier individuel de Pernot Henri, Jules (36472).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-06-2017)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Couillet (en wallon Couyet) : c’est dans cette ville que le chimiste et industriel belge Ernest Solvay (1838-1922) installa sa première usine de soude en 1863.

[2] La Société d’éclairage, chauffage et force motrice (ECFM) s’installe en 1905 à Gennevilliers, entre l’ancienne gare et la route départementale 9 (boulevard Dequevauvilliers sur la commune de Gennevilliers, qui devient boulevard Charles-de-Gaulle sur la commune de Villeneuve-la-Garenne). Cette usine à gaz est alors l’une des plus puissantes d’Europe. Elle emploie dès le début environ 2000 ouvriers. Rapidement son emprise s’étend jusqu’au bord de Seine, le long de l’avenue Marcel-Paul et jusqu’au pont d’Épinay-sur-Seine (en passant donc “par-dessus” la D 9). Elle occupe au plus fort 58 hectares et possède un réseau ferré de 24 km. En 1929, la dissidence d’un hameau pour former la commune de Villeneuve-la-Garenne coupe le site en deux. Les squelettes métalliques des quatre immenses gazomètres à toit coulissant (dont deux de 225 000 m3), qui marquent pendant plusieurs décennies le paysage industriel de la zone en étant visibles de très loin, se retrouvent alors sur la nouvelle commune. En 1945, la société est nationalisée, puis transférée au Gaz de France en 1946. Mais le gisement de gaz de Lacq, découvert en 1951, arrive dans les années 1960 par gazoducs. GDF décide alors l’arrêt de la production en 1961 et l’usine commence rapidement à être démantelée. Dès la fin des années 1960, la partie nord du site commence à être occupée par de nouvelles entreprises. Mais si, au milieu des années 1970, le site est une friche industrielle où table rase a été faite, en 2015 le site n’est toujours pas entièrement réoccupé. À l’emplacement des quatre gazomètres se trouvent deux entrepôts (celui d’un transporteur international et celui d’un groupe de la grande distribution). Source Wikipedia.

[3] Épinay-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Maurice PENVERNE – 45963

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Maurice, Denis, Penverne naît le 24 mars 1920 à Paris à la “clinique d’accouchement” – devenue hôpital Garnier rattaché à Cochin – du 89 rue d’Assas à Paris 6e, fils de Joseph Penverne, 44 ans, journalier (terrassier), et d’Anne Marie Duverger, 40 ans, son épouse, demeurant au 22 rue de Lourmel à Paris 15e. Maurice a (au moins) deux frères, Alexandre Joseph, né 2 octobre 1903, et Georges Vincent, né le 9 mars 1910.

De novembre 1936 a septembre 1939, Maurice Penverne est employé comme tourneur sur métaux aux Usines de Mécanique générale, 13 rue du Mont-Valérien à Puteaux (Seine / Hauts-de-Seine). Puis il est inscrit au fonds du chômage du 15e arrondissement, jusqu’en mai 1940.

De la classe 1940, du recrutement de la Seine (2e bureau), il effectue un stage dans un camp de jeunesse à la fin de l’année 1940. Puis il trouve du travail dans plusieurs chantiers de la région parisienne et de province, et notamment à Montdésir (Seine-et-Oise / Essonne), aérodrome militaire d’Étampes, où il travaille « pour le compte des autorités allemandes ».

Il est fiancé à Madeleine A., née en 1923 (Seine), domiciliée chez ses parents, 7 rue Jean Perrin à Saint-Ouen (Seine / Seine-Saint-Denis), et dont le père est manœuvre à la T.C.R.P.

Au moment de son arrestation, Maurice Penverne habite toujours chez ses parents.

Le 23 mars 1941, il est arrêté par les services du commissariat de police du quartier de Grenelle, étant trouvé en possession d’un tract communiste intitulé « L’Allemagne exige le retour de Laval au Pouvoir », qu’il déclare avoir trouvé dans le train en rentrant de son travail. Conduit au Dépôt de la préfecture de police sous l’inculpation d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939, il est mis à la disposition du Parquet. Une perquisition effectuée à son domicilie le jour même se révèle infructueuse. Dès le lendemain, 24 mars, il est relaxé sans jugement… « après avoir été au préalable signalé aux services de Police allemands ».

Ultérieurement, les Renseignements généraux noteront à son sujet : « Dans son entourage, Penverne n’est pas représenté comme un militant révolutionnaire convaincu, mais tout au plus comme un sympathisant qui a eu le tort de fréquenter des jeunes éléments douteux de son quartier. Il appartient à une bonne famille et il semble pas qu’on puisse le considérer comme dangereux ».

Le 22 mars 1942, il est signalé par les Autorités allemandes sur une liste d’ouvriers suspectés de se livrer à la propagande communiste.

Le 28 avril 1942, Maurice Penverne est arrêté à son domicile par des policiers français et des Feldgendarmes, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée dans le département de la Seine par les « autorités d’occupation », avec le concours de la police française et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une poursuite policière ou judiciaire et ayant été libérés, soit après avoir bénéficié d’un non-lieu, d’un acquittement ou d’un sursis, soit après avoir fini de purger une courte peine, parmi lesquels beaucoup de jeunes gens. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Penverne est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Maurice Penverne est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 6.

Du 16 au 31 septembre il est admis au Block 20 de l’ “hôpital” des détenus (Revier

[1]), son nom étant orthographié « Penwerne ».
Le 8 décembre 1942, Maurice Penverne entre de nouveau au Revier d’Auschwitz-I, mais on ignore la date exacte de son décès ; certainement avant la mi-mars 1943 [2].

Il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 19-02-1997).

Notes :

[1] Revier, selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil… Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Maurice Penverne, c’est « le 11 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) et non en juillet 1942 à Compiègne (Oise) » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 373 et 416.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Témoignage de Fernand Devaux, rescapé du convoi (décembre 1985).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”  (BA ?) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 638-19895).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Bureau d’information sur les prisonniers, registres du HKB (message du 3-04-2009).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-03-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Lucien PENNER – 45962

Lucien, Jean, Penner naît le 11 mars 1912 à la maternité de l’hôpital Cochin, 123 boulevard de Port-Royal à Paris 14e, fils de Xavier Marcel Penner, 22 ans, tôlier, et de Joséphine Gueury, 25 ans, son épouse, domiciliés au 12 rue Saint-Sébastien à Nogent-sur-Marne (Seine / Val-de-Marne). Lucien a une sœur aînée, Marcelle, née en 1906 au Perreux, et un frère, Raymond André, né le 14 mars 1919 à Nogent.

À la mi-mars 1929, la famille habite toujours à la même adresse, à Nogent.

De la classe 1932, du 4e bureau de recrutement de la Seine, Lucien Penner effectue probablement son service militaire cette année-là.

Il travaille ensuite comme tuyauteur.

Le 11 août 1934 à Vanves

[1] (Seine / Hauts-de-Seine), Lucien Penner se marie avec Reine Boureille, née le 8 janvier 1912 à Nemours (Seine-et-Marne), couturière, domiciliée au 26 rue Corot à Vanves (voie aujourd’hui disparue, 2023). Ils auront un enfant, Claude, né le 6 novembre 1934 à Paris 6e.

Au moment de son arrestation, Lucien Penner est domicilié au 26 ou au 28, rue Corot à Vanves. Il est inscrit pour la première fois sur les listes électorales de la commune en 1935.

Il devient secrétaire de la Société municipale d’éducation physique de Vanves.

En 1936, Lucien Penner est tuyauteur chez Renault.

Plus tard, Lucien Penner, est ajusteur aux Ateliers de construction d’Issy-les-Moulineaux, au 247 quai d’Issy (voie dénommée “quai de la Bataille Stalingrad” après guerre).

Le 26 août 1939, avant la mobilisation générale, il est rappelé sous les drapeaux au 4e régiment d’autos-mitrailleuses stationné à Verdun, unité placée ensuite en avant-poste de la ligne Maginot. Après avoir sollicité à trois reprises sa réintégration dans son entreprise (“usines Chars Nationaux Renault” ; une appellation de guerre ?) au titre de l’“affectation spéciale”, Lucien Penner est rappelé le 6 novembre afin d’y monter un prototype. Deux jours plus tard, le commissaire de police de la circonscription de Boulogne-Billancourt vient l’interpeller en préalable à une perquisition à son domicile, laquelle se révèle infructueuse. Il est laissé en liberté. Considéré comme un propagandiste au sein de son atelier, Lucien Penner est rappelé aux armées le 18 décembre.

Le 17 mai 1940, lors de l’offensive allemande, il est fait prisonnier de guerre à Maroille (Nord, à la limite du département de l’Aisne). Il parvient à s’échapper en traversant l’Helpe Mineure à la nage, entraînant plusieurs camarades. Le 2 juin suivant, il est cité à l’ordre de la 4e division légère de cavalerie pour cette action d’éclat et reçoit la Croix de guerre avec étoile d’argent (dix ans plus tard, il recevra la Médaille des évadés). Il finit la campagne comme brigadier. Fait prisonnier également, son frère Raymond est envoyé en détention en Allemagne.

Démobilisé le 25 juin 1940, Lucien Penner retrouve un emploi comme ajusteur à la SNCAC [3], 157 rue de Silly à Boulogne-Billancourt.

À partir de mai 1941, dit « Pépé » (surnom ou pseudonyme ?), il est actif au sein du “Front national” [4], comme « responsable de secteur » (?) au sud de la région parisienne, sous la direction de Pierre Tirot, de Vanves [5], instructeur militaire de l’Organisation spéciale du PCF clandestin. Lucien Penner participe d’abord à la diffusion de tracts et à la lacération d’affiches.

Au printemps, afin de se soustraire à une possible répression après sa participation à une action de sabotage à Goussainville, Lucien Penner quitte la SNCAC. Il est possible qu’il retrouve un emploi à la maison M.A.N. (“Maschinenfabrik Augsburg-Nürnberg AG”), entreprise allemande fabriquant des véhicules militaires pour la Wehrmacht dans ses différentes usines européennes ; en 1942, cette société reçoit la commande d’un blindé VK3002, plus connu sous le nom de Panzer.V Panther, afin de combattre efficacement le T-34 soviétique. En France, l’entreprise est installée au 247 quai d’Issy, partageant ou occupant l’intégralité des Ateliers de construction d’Issy-les-Moulineaux. Plus tard, Lucien Penner déclarera pratiquer le sabotage sur des voitures et des chenillettes de véhicules blindés (chars) au sein de cette usine.

Le 15 septembre, il est signalé comme « agitateur communiste » au commissariat de Boulogne.

Le 24 octobre, le commissariat de Vanves procède à une perquisition de son domicile en son absence qui se révèle infructueuse (son épouse a ouvert la porte).

Le 24 octobre 1941, le commissaire de police de sa localité le signale « comme devant être interné au cas de troubles intérieurs graves ».

Le 28 avril 1942, autour de 5 h du matin, après une diffusion nocturne de tracts dans les rues de Vanves, Lucien Penner est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont conduits à l’École militaire, où Lucien Penner est interrogé. Le 30 avril, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 4176.

Après son arrestation, son épouse est employée aux Ateliers de construction d’Issy-les-Moulineaux.

Entre fin avril et fin juin 1942, Lucien Penner est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Lucien Penner est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45962 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Lucien Penner est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Là, il est assigné au Block 15 A et affecté au Kommando de la serrurerie, avec Robert Lambotte.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

Avant le 1er août de cette année, son frère Raymond, détenu au Stalag XI A (lager 170/16, matricule 96 391), transmet, par l’intermédiaire de l’homme de confiance du camp, une demande de recherches à Georges Scapini, ambassadeur de France, la famille de Lucien Penner n’ayant plus reçu de nouvelles depuis son arrestation.

À la mi-août 1943, Lucien Penner est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

En février 1944, – avec Robert Lambotte, Raymond Montégut et Camille Nivault – Lucien Penner est transféré au KL Buchenwald, dans un groupe de plusieurs dizaines de détenus de toutes nationalités, en réponse à un besoin de main d’œuvre de la SS. Après leur arrivée, le 23 février, ils sont affectés dans des ateliers dépendant de la DAW. Lucien Penner est enregistré sous le matricule n° 34161.

Assignés au Block 14, Camille Nivault, Raymond Montégut et Lucien Penner restent au même poste de travail jusqu’à la libération du camp, le 11 avril 1945, la Résistance militaire organisée parmi les détenus prenant le contrôle du camp à l’approche des troupes américaines.

Le 2 mai suivant, Lucien Penner est rapatrié en train en faisant étape par le centre de Longuyon (Meurthe-et-Moselle). Une fiche médicale constate qu’il est en bon état général, malgré des dents cassées et une douleur constante dans l’épaule droite (carte n° 0515.158).

Le rescapé réintègre son entreprise – les Ateliers de construction d’Issy-les-Moulineaux – et milite de nouveau au sein du Parti communiste.

Le 25 octobre 1948, Frédéric-Henri Manhès, ex-chef militaire de la brigade d’action libératrice du camp de déportation de Buchenwald, signe un certificat selon lequel Lucien Penner y était chef de groupe au sein du 2e bataillon, 3e compagnie.

Le 14 février 1949, Antoinette Besseyre, de Vanves, rédige sur papier libre un certificat selon lequel Lucien Penner a bien travaillé au sein de la Résistance dans l’organisation « Front National » [2], à laquelle elle-même appartenait. Quatre jours plus tard, le 18 février, Lucien Hamelin, conseiller municipal de Vanves, rédige sur papier libre un certificat selon lequel Lucien Penner est entré au « Front National » en mai 1941 et y militait activement.

Le 1er mars 1950, le ministère de la Défense nationale lui délivre un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française (RIF) pour son appartenance au Front national, avec le grade fictif de sergent.

Le 4 février précédent, Lucien Penner a rempli un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté résistant. Le 7 décembre suivant, la commission départementale des déportés et internés de la Résistance rend un avis favorable. Mais, lors de sa séance du 30 mai 1951, la commission nationale prononce un avis défavorable, estimant qu’« il ressort des documents versés au dossier et, notamment, des propres déclarations de l’intéressé en date du 4 juillet 1946, que les faits à la base de l’arrestation sont d’ordre politique et non résistant ». Ce rejet est notifié au demandeur le 30 juillet 1951. Le 27 septembre, Lucien Penner présente alors au ministère un recours gracieux de cette décision par l’intermédiaire de la « Fédération des associations de fonctionnaires agents et ouvriers de l’État et des services publics anciens combattants et victimes des deux guerres ». Un nouveau rejet lui est notifié le 15 octobre, aucun élément nouveau d’information n’ayant été apporté à l’appui de cette demande.

Du 24 janvier au 4 février 1952, Lucien Penner participe à un voyage à Varsovie ; “pèlerinage” des rescapés et familles dans le cadre de l’Amicale d’Auschwitz (à vérifier…) ?

Le 4 avril 1953, Lucien Penner se résigne à remplir un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté politique (cependant, il n’y raye pas la mention « Résistant »).  Le 12 février 1954, le Conseil d’État prononce un arrêt rejetant le pourvoi introduit par Lucien Penner contre la décision du ministère, au motif : « qu’il ne ressort pas des pièces versées au dossier que le requérant ait apporté la preuve exigée par le décret du 25 mars 1949 qu’un lien de cause à effet ait existé entre la déportation dont il a été l’objet et l’un des faits qualifiés de résistance prévu à l’article 2 dudit décret ». Le 2 février 1955, Lucien Penner reçoit la carte de déporté politique n° 1.101.14110.

Le 17 juillet 1956, le secrétaire d’État aux Forces armées (Terre) écrit au directeur général de la Sûreté nationale, au 11 rue des Saussaies (Paris 8e), pour lui demander de bien vouloir prescrire une enquête afin de préciser l’activité de M. Penner dans la Résistance et le motif et les circonstances de son arrestation, en raison de l’imprécision des renseignements figurant au dossier et des poursuites judiciaires qui pourraient éventuellement être intentées à son égard si son activité n’était pas confirmée.

Le 3 novembre suivant, Lucien Penner dépose dans les bureaux des ACVG « un nouveau lien de cause à effet » suite à sa rencontre avec la veuve de Pierre Tirot, qu’il déclare avoir été son supérieur dans la Résistance ; Raymonde Tirot a probablement témoigné en sa faveur (le document mentionné n’apparaît pas dans les archives de la DAVCC). Le 8 janvier 1957, Lucien Penner reçoit du directeur de cabinet une lettre indiquant « il n’y a pas de fait nouveau et, dans ces conditions, rien ne permet de reprendre l’étude de ce dossier ». Le 1er mars suivant, il répond au directeur des statuts en exprimant sa déception (« pour moi, c’est dix ans de bonification pour ma retraite qui sont en jeu ») et en réfutant le contenu des rapports produits à son sujet sous l’occupation. Dans ce courrier, il indique qu’il est cloué au lit depuis trois mois suite à une crise cardiaque. Il écrit : « Je reconnais […] avoir fourni pour l’obtention de mon matricule A une attestation du Parti communiste, et, en effet, la plupart de mes camarades de combat étaient des communistes et j’ai dû m’adresser à eux à mon retour pour l’obtention du modèle A, et à Mugnier [liquidateur du Front national] pour le lien de cause à effet. ». Ce qui semble indiquer qu’il n’a pas été membre du PCF ni avant ni après la guerre, bien que les Renseignements généraux l’aient considéré comme « militant communiste actif ». De manière non explicite, il fait allusion à la destruction d’un poste de radio allemand en mai 1941 à Goussainville (Seine-et-Oise, Val-d’Oise) à laquelle a participé Pierre Tirot : « En septembre 1941, la police et la gestapo me recherchent à la S.N.A.C. [3], 157 rue de Silly à Boulogne, que j’ai quittée après la destruction du poste de radio à Goussainville. » Comment établit-il ce lien ? Qu’a-t-il su de cette action, qui semble l’avoir amené à quitter son emploi ? Il termine en remerciant le directeur « pour un de mes camarades, Rideau Maurice, que j’avais envoyé vous voir […] et qui a eu satisfaction après mon intervention par recours gracieux, et qui est maintenant Déporté Résistant à la place de Politique ».

Le 10 octobre 1957, le directeur de l’Office national des anciens combattants et victimes de la guerre écrit au secrétaire d’État aux Forces armées (Terre), pour lui faire connaître que la commission départementale de la Seine a émis un avis défavorable concernant la demande de carte de Combattant volontaire de la Résistance présentée par Lucien Penner. Il y ajoute une suspicion en demandant que lui soit précisé les conditions dans lesquelles les services de l’intéressé ont été homologuées et s’il y a lieu de considérer comme valable le certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française qui lui a été décerné.

Lucien Penner décède le 10 décembre 1958 à Paris 10e, âgé de 46 ans.

Notes :

[1] Vanves : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[1] La rue Corot, aujourd’hui disparue à la suite d’un réaménagement urbain : avant guerre, elle se trouvait dans un quartier de petits pavillons compris entre les rues Victor Hugo, Jean-Jaurès, Sadi Carnot et Louis Vicat (son emplacement était dans le secteur du square des Droits de l’Enfant).

[3] Les Ateliers de construction d’Issy-les-Moulineaux (ou AMX, avec A pour Ateliers et MX pour MoulineauX) sont nés de la nationalisation en 1936 des usines Renault d’Issy-les-Moulineaux  spécialisées dans la construction de véhicules blindés pour l’armée française. À la veille de la guerre,  ils ont produit les chars d’assaut Renault AMC 35 ACG 1. Après guerre, les ateliers seront progressivement déménagés sur le plateau de Satory, près de Versailles, devenant les Ateliers militaires du camp de Satory (Yvelines), Lucien Penner y suivant son emploi en 1953.

[4] S.N.(C.)A.C. : en fait, SNCAO, Société nationale de construction aéronautique de l’Ouest, résultant de la nationalisation de la société Loire-Neuport le 16 janvier 1937.

[5] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018)

[6] Pierre Tirot, de Vanves, arrêté le 26 février 1942 par la Brigade spéciale n° 2 des Renseignements généraux de la préfecture de police, est fusillé par l’armée d’occupation le 17 avril suivant au Mont Valérien pour sa participation à la résistance armée communiste.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 346, 359, 384 et 416.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 284-64835).
- Archives municipales de Vanves : listes électorales.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier de Lucien Penner (21 P 657 215), consulté par Ginette Petiot (message octobre 2016)

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Gaston PELLETIER – (45960 ?)

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Gaston, Eugène, Pelletier naît le 24 avril 1908 à Saint-Firmin (Saône-et-Loire), probablement au lieu-dit Les Caillots, fils d’Eugène Pelletier, 29 ans, tailleur de pierre (patron) et de Mariette (Marie) Lauriot, son épouse, 23 ans. Il a – au moins – une sœur, Yvonne, née en 1905 à Saint-Firmin.

En octobre 1913, la famille est installée à Paris, au 37 rue David d’Angers (19e arr.).

Le 16 septembre 1914, le père est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale et rejoint le 37e régiment d’artillerie. Peut-être accompagne-t-il auparavant sa famille chez ses propres parents à Saint-Firmin… Le 27 décembre suivant, il est détaché aux Aciéries de Firminy. Le 1er juillet 1917, il passe au 86e régiment d’infanterie. Le 10 février 1919, Eugène Pelletier est envoyé en congé de démobilisation et se retire rue David d’Angers, à Paris.

En 1926, Gaston, 18 ans, vit encore chez ses parents. Il a commencé à travailler comme ébéniste.

Le 24 septembre 1927 à la mairie du 19e, il se marie avec Rachel Yvonne Tabuteau, 22 ans, née le 19 décembre 1904 à Pussay (Seine-et-Oise / Essonne), employée de commerce, domiciliée au 65 rue du Mont-Cenis.

En 1931, le couple habite au 125 rue du Colonel Marchand à Villejuif

[1] (Seine / Val-de-Marne – 94) ; Gaston est menuisier chez Citroën. Rachel est employée commerciale chez Poulain.

À partir du 5 octobre 1935, Gaston Pelletier est infirmier à l’Asile d’aliénés de Villejuif (titularisé en juin 1936).

Entrée de l’asile de Villejuif (aujourd’hui hôpital Paul Guiraud).  Carte postale oblitérée fin août 1930. Coll. Mémoire Vive.

Entrée de l’asile de Villejuif (aujourd’hui hôpital Paul Guiraud).
Carte postale oblitérée fin août 1930. Coll. Mémoire Vive.

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Gaston Pelletier est domicilié au 22, rue Jean-Jaurès à Villejuif.

Cette même année, il adhère au Parti communiste.

Sous l’occupation, la police française (RG) note, le concernant : « se livre à une active propagande auprès de ses collègues ».Le 6 décembre 1940, Gaston Pelletier est appréhendé par des agents du commissariat de Gentilly [1] lors d’une vague d’arrestation collective visant 69 hommes dans le département de la Seine, dont plusieurs autres employés de l’asile : Henri Bourg, Roger Gallois, René Herz, et René Balayn, Auguste Lazare qui seront déportés avec lui. Dominique Ghelfi, employé municipal à Villejuif, est aussi du nombre. D’abord conduits à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, ils sont internés administrativement – le jour même – au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé deux mois plus tôt dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.

Le 5 janvier 1941, Gaston Pelletier écrit au préfet de la Seine afin que soit versé à son épouse trois mois de son salaire, conformément à la loi du 30 août 1940 et à l’arrêté préfectoral du 31 octobre, car, s’il a été révoqué par le préfet le 15 novembre, sa femme n’a perçu son traitement d’infirmier que comptabilisé jusqu’au 5 décembre.

Le 6 septembre 1941, Gaston Pelletier fait partie d’un groupe de 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin, Gaston Pelletier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Gaston Pelletier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45960, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Gaston Pelletier.Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-08-1996).

Notes :

[1] Villejuif et Gentilly : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail”. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés montent dans des camions qui les conduisent à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 389 et 410.
- Archives départementales de Saône-et-Loire, site internet, archives en ligne : recensement de Saint-Firmin, vue 12/19, Les Caillots, n°5.
- Archives de la préfecture de police (Seine /  Paris) : cartons “occupation allemande” : BA 2214 (communistes fonctionnaires internés…), liste des fonctionnaires internés administrativement le 6 décembre 1940, par application de la loi du 3-09-1940 ; BA 2397 (liste des internés communistes).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w73, 1w145 (notice individuelle).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 142.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 916 (31549/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP ( Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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