Marcel PILORGET – 45990

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Droits réservés.

Marcel, Eugène, Pilorget naît le 5 avril 1920 à Chasseneuil-du-Poitou (Vienne – 86), fils de Louis Eugène Pilorget, 27 ans, employé des Postes, et Ernestine Babin, 20 ans, son épouse, domiciliés au 5 rue Guillemot.

Au moment de son arrestation, Marcel Pilorget est domicilié au 30, rue de Pleumartin à Châtellerault (86). Il est célibataire.

Marcel Pilorget est tourneur sur métaux aux Usines de Cenon, près de Châtellerault.

Il est secrétaire départemental des Jeunesses communistes (JC).

En octobre 1940, il constitue, avec Paul Bailly et Jacques Moron, le triangle de direction de la J.C. clandestine, et participe à de nombreuses actions : dépôt d’armes dans un caveau du cimetière Saint-Jacques, inscriptions sur le pont Henri IV pour célébrer le 1er mai 1941.

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JPEG - 133.2 ko Châtellerault. Le pont Henry IV. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

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Châtellerault. Le pont Henry IV. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 23 juin 1941, Marcel Pilorget est arrêté à son travail par des soldats allemands et des policiers français [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (33 communistes sont arrêtés ce jour-là dans la Vienne, selon Maurice Rideau). Il est conduit au camp de la Chauvinerie, à Poitiers.

Poitiers. L’entrée du quartier (caserne) de la Chauvinerie dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Poitiers. L’entrée du quartier (caserne) de la Chauvinerie dans les années 1900.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 12 juillet, Marcel Pilorget fait partie d’un groupe de détenus embarqués à la gare de Poitiers pour être transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht(Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; matricule 1194.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Pilorget est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45990 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Pilorget est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au Block 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I

Marcel Pilorget meurt à Auschwitz le 11 août 1942,  selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp [2] ; parmi les premiers “45000”, un mois après l’arrivée de leur convoi.

Son nom est inscrit sur la plaque apposée dans le hall de la mairie de Châtellerault en « Hommage aux victimes de la guerre 1939-1945 de la commune ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (14-12-1997).

Notes :

[1] [[L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), créé à cette occasion pour la détention des “ennemis actifs du Reich” sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui partiront dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans lesannées qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Marcel Pilorget, c’est le 5 janvier 1943 qui a été initialement retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, 73, 127 et 128, 379 et 417.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Deux-Sèvres et de la Vienne (2001), citant : Témoignages de Maurice Rideau (2/10/1971), de Raymond Montégut (27/11/1972), et d’Émile Lecointre (23/2/1989).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1568 (Stb. 2, 297-299).
- Site Mémorial GenWeb, 86-Châtellerault, relevé de Monique Ingé (2006).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 28-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Ernest PIGNET – (45988 ?)

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Ernest Pignet, photographie de studio. Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

Ernest Pignet, photographie de studio.
Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

Ernest, René, Pignet naît le 16 décembre 1897 à Bezenet (Allier), fils de François Pignet, ouvrier mineur, 31 ans, et de Léonie Rignal, 29 ans, cabaretière, son épouse, domiciliés au quartier des Gillettes. À sa naissance, Ernest a un frère aîné, Camille François, né le 1er mars 1894 à Commercy. Après Ernest, Jeanne naît le 16 décembre 1899 à Bezenet. Mais la production de houille de la cité minière est alors déclinante…
En octobre 1900, le père emmène sa famille dans le Pas-de-Calais (62), d’abord dans la cité minière de Liévin. En août 1901, ils habitent cité de la Fosse n° 5 à Grenay, au nord de Liévin. Églantine Léonie naît le 27 novembre 1901. En mai 1902, ils sont à Noyelles-Godault (62), où naît Raymond, le 14 novembre 1904. En 1906, en plus des enfants, le foyer familial – alors rue des Marais – héberge également Jeanne Lafleurière, mère de Léonie, âgée de 67 ans, et deux frères de François : Jean-Louis et… François. Les trois hommes de la maison sont “houilleurs” (mineurs de charbon) à la Compagnie des mines de Dourges (la fosse n° 4 est située sur la commune).À une date restant à préciser, la famille s’installe dans la cité minière de Carvin (62). Ernest Pignet, qui habite chez ses parents, commence à travailler comme mécanicien ajusteur.Le 14 septembre 1914, son frère Camille, jusque-là employé de commerce, est mobilisé comme soldat de 2e classe au 162e régiment d’infanterie.À partir du mois suivant, l’offensive allemande en Artois place un quart du territoire du Pas-de-Calais en zone occupée. À l’arrière du front, Carvin devient une ville de garnison (occupation le 8 octobre, installation d’une Kommandantur le 28 novembre), où des civils français sont restés sous autorité militaire allemande jusqu’en octobre 1918.Le 24 avril 1915, lors d’une contre-offensive allemande dans le secteur de La Harazée (Argonne), le fantassin Camille Pignet est porté disparu : fait prisonnier, il est par la suite interné à l’hôtel Windsor de Charneix en Suisse [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]. Malade, il sera rapatrié en France le 27 septembre 1918.

« Resté en pays envahi, non recensé en temps utile par suite d’un cas de force majeure », Ernest Pignet est classé “bon pour le service armé” à la mi-mai 1919 par la commission de réforme de Saint-Pol-sur-Ternoise. Le 22 mai, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 2e groupe d’aviation qu’il rejoint deux jours plus tard. Mais son service militaire (« campagne contre l’Allemagne, à l’intérieur ») est écourté : dès le 16 septembre 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire au 64 rue de Lille à Carvin.

À une date restant à préciser, Ernest Pignet obtient le permis de conduire automobile.

Le 2 octobre 1920, à Carvin, il épouse Flora Célina Mercier, née le 2 juillet 1897 dans cette ville, et habitant la maison voisine (n° 63) avec sa mère, veuve ; les témoins sont Camille Pignet, alors mécanicien, et Marcel Tomeno, maréchal-ferrant.

Fin mai 1921, Ernest et Flora Pignet sont installés au 23, rue du Marais, dans le quartier des Corons à Wingles, 9 km à l’ouest de Carvin et 9 km au nord de Lens (62) ; Ernest est alors ajusteur. Resté à Carvin avec sa famille, son père, François, est devenu artisan mécanicien pour cycles.

Le 18 mai 1922, Ernest et Flora Pignet ont un fils, René, François, né à Carvin. En janvier 1923, ils habitent au 107, rue Basse (?), dans cette ville. Le 10 août 1926, Ernest et Flora ont une fille, Marie-Louise, mais celle-ci décède prématurément l’année suivante, le 7 octobre 1927, chez ses parents, au 6, rue Séraphin-Cordier (Ernest se déclare alors “houilleur”).

Quelques semaines plus tard, le 27 novembre, François Pignet, père d’Ernest, décède à l’âge de 61 ans à son domicile au 5, rue de Lille à Carvin ; déclaration faite à l’état civil par son fils Raymond, alors forgeron.

Fin septembre 1929, Ernest, Flora, et René Pignet habitent au 63, rue Danjou à Boulogne-Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine). En 1931, Ernest s’y déclare comme coiffeur.

Flora et Ernest Pignet. Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

Flora et Ernest Pignet.
Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

Fin février 1932, ils habitent au 2, place Carnot à Beaune (Côte-d’Or). Au printemps 1936, Ernest s’y déclare comme artisan coiffeur (patron).

Le salon de coiffure de Beaune. Ernest et René Pignet, date inconnue. Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

Le salon de coiffure de la place Carnot, à Beaune.
Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

Le 18 janvier 1936, l’armée fait passer Ernest Pignet dans la réserve de la subdivision de Dijon.

Le 24 septembre 1938, lors de la crise des Sudètes, et jusqu’à la signature des accords de Munich (30 septembre), il est rappelé à l’activité militaire pendant quelques jours à la suite d’une mobilisation partielle de 700 000 réservistes, comme son neveu, Marcel Tomeno. Flora Pignet écrit à sa sœur, Marthe/Marie Tomeno, née Mercier. « Beaune le 29 septembre, (…) avec tout ce qui se passe en ce moment, nous vivons dans un vrai cauchemar, espérons qu’aujourd’hui la situation changera (…) Est-il possible que, pour la volonté d’un homme, on puisse recommencer ce carnage ? Aussi, j’ai bien prévenu Solange [une autre sœur] qu’il ne fallait surtout pas qu’elle reste chez nous [à Carvin] ; elle sait ce que nous avons souffert pendant quatre ans. Ici, mon mari est mobilisé depuis samedi [24] et notre voiture réquisitionnée, mais cela n’est rien si tout est évité. Je suis seule avec René. (…) J’ai écrit à Marcel pour voir s’il était toujours à Langres. Je n’ai pas eu de réponse, il attend peut-être de m’envoyer un mot au moment de partir. Ma chère Marthe, faites surtout de bonnes prières pour lui, car le pauvre petit est un des premiers à monter au front. »

Ernest et René Pignet, date inconnue. Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

Ernest et René Pignet, date inconnue.
Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

À une date restant à préciser, Ernest Pignet s’installe avec sa famille au 1, rue Lamarck à Albert (Somme), à l’étage du salon de coiffure où il exerce dorénavant son métier. Plus tard, son fils René commence à y travailler.

Le salon de coiffure des Pignet à Albert, dans son aspect de 2007. © Françoise Tomeno

À gauche, le salon de coiffure des Pignet à Albert, dans son aspect de 2007.
© Françoise Tomeno

En juin 1940, Marcel Tomeno, neveu d’Ernest, (fils de Marie Tomeno, née Mercier, sœur de son épouse Flora), lieutenant, est fait prisonnier et envoyé au Kriegsgeft.-Offizierlager II-B en Allemagne (“Offlag II-D II-B”).

Le 20 mai 1942, à la suite d’une dénonciation, Ernest Pignet est arrêté dans son salon de coiffure par des Feldgendarmes d’Albert, en même temps que son fils et son épouse, laquelle sera relâchée un peu plus tard ; leur maison est perquisitionnée.

Après la guerre, trois motifs différents – mais non contradictoires – ont été avancés pour expliquer cette arrestation.

Le premier serait une expression trop publique de leurs sentiments anti-allemand. En 1943, le maire d’Albert déclarera : « très bavard ; la population n’a pas été très surprise de son arrestation ». Cet argument sera repris par le préfet de la Somme en juillet 1952.

D’après la mémoire familiale, la dénonciation pourrait résulter d’un conflit sur un “coup de pêche” après qu’ils aient jeté une grenade dans un étang.

Albert, le grand étang près du vélodrome. Carte postale. Collection mémoire Vive.

Albert, le grand étang près du vélodrome.
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Ernest et René Pignet seraient alors arrêtés par l’armée d’occupation parce que suspectés de détention d’armes. Cette deuxième explication sera partiellement reprise par le préfet en 1952 : « Monsieur René Pignet aurait détenu chez lui des grenades » et s’en serait débarrassé avant la perquisition du 20 mai 1942.

Enfin, après-guerre (1949-1950), quatre témoignages au moins indiquent qu’ils auraient aidé des prisonniers de guerre à s’évader, notamment du camp d’Amiens (Frontstalag 204), en les hébergeant, puis en les adressant à une cousine habitant Moulins, sur la ligne de démarcation, dans la perspective de leur passage en zone libre (l’année 1941 est citée). Selon Marcel Tomeno, Jean Fletcher, était impliqué « dans la même affaire », sans préciser laquelle.

Albert. L’hôtel de ville et le groupe scolaire dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Albert. L’hôtel de ville et le groupe scolaire dans les années 1900.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Les trois hommes restent enfermés à la prison de l’Hôtel de Ville d’Albert jusqu’au 22 mai à 9 heures, date à laquelle ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils sont dans la même chambrée, avec également Georges Hanse, de Beauvais (45653 – rescapé). Ernest Pignet est enregistré sous le matricule n° 5819 et René sous le n° 5820.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Avant la fin juin 1942, Ernest Pignet et son fils sont sélectionnés parmi plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Depuis le train, René Pignet jette un message transmis à sa mère.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Ernest Pignet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45988, selon les listes reconstituées (… un chiffre avant son fils). Sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Ernest Pignet et son fils René sont dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Selon Marius Sanzi (rescapé), Ernest Pignet est chef du chantier où celui-ci travaille.
Ernest Pignet meurt à Birkenau. L’acte de décès établi pour l’état-civil en France après guerre indique la date du 15 décembre 1942. Toutefois, celle-ci n’est confirmée par aucun survivant (André Faudry, Henri Peiffer, Georges Hanse, Marius Zanzi). Leurs témoignages – non convergents – situent sa mort entre fin août 1942 et le début 1943. Selon André Faudry, étant malade du typhus, Ernest Pignet est enfermé au Block 7, une prétendue infirmerie où personne n’est soigné et où sont rassemblés ceux qui seront gazés ; selon Marius Sanzi, il a effectivement été gazé.
Ce qui est certain, c’est que les disparitions respectives d’Ernest et René Pignet surviennent avant la mi-mars 1943, puisqu’ils ne font pas partie des 17 survivants de Birkenau qui réintègrent le camp principal à cette date.
Flora Pignet a reçu les deux cartes formulaires envoyées le 16 juillet 1942 par l’administration allemande du camp de Compiègne-Royallieu. Le 6 avril 1943, sur les conseils de son neveu Marcel, prisonnier de guerre, elle en appelle au Maréchal Pétain : « Je n’ai pas compris leur arrestation, mon mari et mon fils n’ayant jamais fait de politique. » Le 1er mai suivant, le secrétariat du Maréchal répond : « les Autorités supérieures allemandes se réservent le droit d’accorder aux prisonniers toute autorisation de correspondre avec leur famille. »
Ernest Pignet est déclaré “Mort pour la France” (10-6-1946).
Malgré la demande d’attribution du titre de “déporté résistant”, remplie le 12 octobre 1951 par Marcel Tomeno au nom de Madame Flora Pignet, en s’appuyant notamment sur un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française (RIF) comme “résistant isolé”, Ernest Pignet est seulement homologué comme “Déporté politique” (carte n° 110109768).La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (14-12-1997).

Notes :

[1] https://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2014-1-page-57.htm

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 379 et 417.
- Notice biographique envoyée par Cl. Cardon-Hamet à Françoise Tomeno (30-01-2006), citant : M. Aubert, adjoint au Maire Délégué, mairie d’Albert (80) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national) – Acte de décès. M. Lallou, ADIRP d’Amiens (lettre du 26 mars 1991).
- Divers services départementaux d’archives, sites internet, archives en ligne.
- Courriels de Françoise Tomeno, sa petite-nièce (01-2006, 05-2008, 02-2021, 03-2021) : photos familiales, courriers, documents numérisés, notes aux Archives des conflits contemporains, Caen.
- André Faudry, lettre du 12 juin 1945.
- Henri Peiffer, lettre du 3 juillet 1945.
- Georges Hanse, lettre du 4 mars 1946.
- Marius Zanzi, lettre du 12 mars 1946.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 22-03-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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René PIGNET – 45989

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René Pignet, photographie de studio, peu avant son arrestation. Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

René Pignet, photographie de studio,
peu avant son arrestation.
Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

René, François, Pignet naît le 18 mai 1922 à Carvin (Pas-de-Calais), cité minière, fils d’Ernest René Pignet, 24 ans, mécanicien ajusteur, et Flora Célina Mercier, 24 ans, son épouse. Son père travaille ensuite quelque temps comme “houilleur” (mineur de charbon). Le 10 août 1926, Ernest et Flora ont une fille, Marie-Louise, sœur de René, mais celle-ci décède prématurément l’année suivante, le 7 octobre 1927, chez ses parents, au 6, rue Séraphin-Cordier à Carvin.

Fin septembre 1929, Ernest, Flora, et René Pignet habitent au 63, rue Danjou à Boulogne-Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine). En 1931, Ernest s’y déclare comme coiffeur.

Fin février 1932, ils habitent au 2, place Carnot à Beaune (Côte-d’Or), et ils y sont encore au printemps 1936, Ernest se déclarant alors comme artisan coiffeur (patron).

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Le salon de coiffure de Beaune. Ernest et René Pignet, date inconnue. Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

Le salon de coiffure de Beaune.
Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

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Ernest et René Pignet, date inconnue. Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

Ernest et René Pignet, date inconnue.
Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

À une date restant à préciser, Ernest Pignet s’installe avec sa famille au 1, rue Lamarck à Albert (Somme), à l’étage du salon de coiffure où il exerce son métier. Plus tard, son fils René commence à y travailler.

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À gauche, le salon de coiffure des Pignet à Albert, dans son aspect de 2007. © Françoise Tomeno

À gauche, le salon de coiffure des Pignet à Albert, dans son aspect de 2007.
© Françoise Tomeno

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René Pignet. Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

René Pignet.
Collection Françoise Tomeno, droits réservés.

Le 20 mai 1942 – deux jours après ses vingt ans -, René Pignet est arrêté avec son père, dans leur salon de coiffure, par des Feldgendarmes d’Albert, à la suite d’une dénonciation (selon la mémoire familiale) ; leur maison est perquisitionnée. Sa mère, emmenée avec eux, sera relâchée un peu plus tard.

Après la guerre, trois motifs différents – mais non contradictoires – ont été avancés pour expliquer cette arrestation.

Le premier serait une expression trop publique de leurs sentiments anti-allemand. En 1943, parlant du père, le maire d’Albert déclarera : « très bavard ; la population n’a pas été très surprise de son arrestation ». Cet argument sera repris par le préfet de la Somme en juillet 1952.

D’après la mémoire familiale, la dénonciation pourrait résulter d’un conflit sur un “coup de pêche” après  que père et fils aient jeté une grenade dans un étang. Ils seraient alors arrêtés par l’armée d’occupation parce que suspectés de détention d’armes. Cette deuxième explication sera partiellement reprise par le préfet en 1952 : « Monsieur René Pignet aurait détenu chez lui des grenades » et s’en serait débarrassé avant la perquisition du 20 mai 1942.

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Albert, le grand étang près du vélodrome. Carte postale. Collection mémoire Vive.

Albert, le grand étang près du vélodrome.
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Enfin, après-guerre (1949-1950), quatre témoignages au moins indiquent qu’ils auraient aidé des prisonniers de guerre à s’évader, notamment du camp d’Amiens (Frontstalag 204), en les hébergeant, puis en les adressant à une cousine habitant Moulins, sur la ligne de démarcation, dans la perspective de leur passage en zone libre (l’année 1941 est citée).

Selon Marcel Tomeno – qui n’était pas témoin direct -, Jean Fletcher, domicilié à Carvin et gardien à l’usine aéronautique de Méaulte, commune voisine, était impliqué  « dans la même affaire », sans davantage de précision.

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Albert. L’hôtel de ville et le groupe scolaire dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Albert. L’hôtel de ville et le groupe scolaire dans les années 1900.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Les trois hommes restent enfermés à la prison de l’Hôtel de Ville d’Albert jusqu’au 22 mai à 9 heures, date à laquelle ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils sont dans la même chambrée, avec également Georges Hanse, de Beauvais (45653 – rescapé). Ernest Pignet est enregistré sous le matricule n° 5819 et René sous le n° 5820.

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La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Avant la juin 1942, René Pignet est sélectionné avec son père parmi plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Depuis le train, René Pignet jette un message transmis à sa mère. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Pignet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45989 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

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Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Pignet et son père Ernest sont dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Selon Marius Sanzi (rescapé), René Pignet « travaille longtemps de son métier » (coiffeur), puis est atteint du typhus.

Le 17 novembre 1942, dans la chambrée (Stube) n° 5 du “Revier” de Birkenau (Block n° 8 – en brique – du secteur BIb) – où se trouvent également Henri Peiffer et  Alexandre Varoteau -, il reçoit quarante gouttes de valériane (antispasmodique et calmant) et un comprimé de Pyramidon (antinévralgique et antifébrile). Le 24 novembre, il reçoit 6 comprimés de charbon (Kohle) et 15 grains de « Bol blanc » (Bolus alba, du kaolin) pouvant soulager de la dysenterie. Dans ce dispensaire, le SS-Rottenführer Franz Schulz exécute certains détenus avec une injection mortelle dans le cœur…

René Pignet meurt à Birkenau à une date inconnue.

En France, l’acte de décès établi après-guerre par l’état-civil indique le 15 décembre 1942 [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]. Toutefois, celle-ci n’est confirmée par aucun survivant (André Faudry, Henri Peiffer, Georges Hanse, Marius Zanzi). Leurs témoignages – non convergents – situent sa mort entre la fin octobre 1942 et le début de l’année 1943.

Selon André Faudry, malade du typhus, René Pignet est enfermé au Block 7, une prétendue infirmerie où personne n’est soigné et où sont rassemblés ceux qui seront gazés.

Ce qui est certain, c’est que les disparitions respectives de René et d’Ernest Pignet surviennent avant la mi-mars 1943, puisqu’ils ne font pas partie des dix-sept survivants de Birkenau qui réintègrent le camp principal à cette date.

Déclaré “Mort pour la France” (10-6-1946), René Pignet est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (14-12-1997).


UNE MÉMOIRE VIVE

Françoise Tomeno
1er juillet 2012

C’était il y a quelques années. J’étais allée, suite à des recherches familiales, dans la ville où avaient habité et travaillé un oncle et un cousin de mon père, arrêtés le 20 mai 1942, emmenés au camp d’internement de Royallieu à Compiègne, puis déportés le 6 juillet de la même année à Auschwitz Birkenau, d’où ils n’étaient jamais revenus.

Je prenais des photos du lieu où ils avaient été arrêtés, leur lieu de travail, un salon de coiffure. J’avais été surprise en constatant qu’à cette adresse il y avait toujours le salon de coiffure. Après avoir pris quelques photos depuis l’autre côté de la rue, voyant que cela intriguait les personnes qui se trouvaient dans le salon, je suis entrée pour expliquer ce que je faisais là. La patronne me dit alors : « J’ai coiffé votre grand-tante il y a quelques jours ». Surprise pour moi, ma grand-tante était décédée depuis bien longtemps, et aurait dépassé très largement la centaine d’années. Je lui explique que c’est impossible. Elle me dit que, pourtant, la très vieille dame à laquelle elle pense s’est présentée, avec beaucoup d’émotion, comme la femme d’un coiffeur qui travaillait dans ce salon, qui avait été arrêté, déporté à Auschwitz, et qui n’en était jamais revenu. Cette dame avait précisé qu’elle-même travaillait à l’étage.

Très intriguée, je fais un rapide calcul, et je fais l’hypothèse que cette vieille dame d’environ 80 ans était peut-être la fiancée du cousin de mon père, fiancée dont l’histoire familiale mentionnait l’existence. Le cousin de mon père avait été arrêté deux jours après avoir fêté ses vingt ans.

Je demande alors à la patronne si je peux lui laisser mes coordonnées, afin qu’elle puisse, lorsque cette vieille dame reviendrait, lui faire part du fait que je souhaitais, si elle le voulait bien, la rencontrer. J’avais dans l’idée que je pourrais lui transmettre le fruit de mes recherches. Que savait-elle du motif de la déportation de son amoureux ? Que savait-elle de son décès ? Ma famille elle-même avait été, jusqu’il y a peu, dans l’ignorance, et c’est ce qui m’avait conduite à prendre contact avec les Archives en Allemagne, et à aller consulter les dossiers de mon grand – oncle et de son fils aux Archives de Caen.

La patronne me dit qu’elle ne sait pas si elle reverra cette dame, qui n’était venue que deux fois, qui n’avait parlé de la disparition de son homme que la deuxième fois. Et puis cette dame était très âgée.

Je repars avec l’espoir que je pourrai tout de même la rencontrer. Je sens monter en moi, pour cette femme, un immense respect, et beaucoup d’émotion. Quelle belle rencontre elle avait dû avoir avec mon grand – cousin pour venir ainsi, plus de soixante années après, évoquer son souvenir auprès de celle qui avait repris le salon récemment.

Je n’ai jamais eu de nouvelles de cette vieille dame. Elle n’est jamais revenue dans le salon de coiffure. Avait-elle accompli ce qu’elle devait à la mémoire de son homme ? Était-elle venue, par ce geste, témoigner de son attachement à cet homme, et d’une émotion toujours présente à l’évocation de son souvenir ?

Je n’ai jamais pu lui dire que son homme, et le père de celui-ci, avaient aidé des Français, faits prisonniers par les nazis, à s’échapper d’un camp d’internement, et à passer en zone libre. Je n’ai jamais pu lui dire qu’ils étaient tous deux morts très peu de temps après leur arrivée au camp de Birkenau, malades l’un et l’autre. Je n’ai jamais pu lui faire part des témoignages de leurs compagnons de déportation rentrés du camp. Je n’ai jamais pu….

Mais quel hasard l’avait fait venir au salon de coiffure quelques jours avant mon passage, rendant possible que j’apprenne son existence, sa fidélité à la mémoire de celui qui avait été son amoureux ?

Madame, j’ai pour vous un profond respect. Je remercie le hasard de m’avoir offert cette luciole de votre vie, et je suis heureuse de la publier ici.


Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 379 et 417.
- Cl. Cardon-Hamet, notice biographique envoyée à Françoise Tomeno (30-01-2006), citant : M. Aubert, adjoint au Maire Délégué, mairie d’Albert (80) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national). – Acte de décès. M. Lallou, ADIRP d’Amiens (lettre du 26 mars 1991).
- Divers services départementaux d’archives, sites internet, archives en ligne.
- Courriels de Françoise Tomeno, sa petite-nièce (01-2006, 05-2008, 2-2021, 03-2021), documents numérisés, notes au Bureau des archives des conflits contemporains (BACC), Caen.
- André Faudry, lettre du 12 juin 1945.
- Henri Peiffer, lettre du 3 juillet 1945.
- Georges Hanse, lettre du 4 mars 1946.
- Marius Zanzi, lettre du 12 mars 1946.
- Registre de délivrance de médicaments de l’infirmerie de Birkenau, Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (Archiwum Państwowego Muzeum Auschwitz-Birkenau – APMAB), Oświęcim, Pologne ; Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; page complémentaire transmise par André Nouvian.
- Irena Strzelecka, Les hôpitaux dans le camp de concentration d’Auschwitz, in Auschwitz 1940-1945, tome 2, Les détenus – La vie et le travail, chap. 9, p. 364-365, éditions du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, 2011.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 22-03-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Roger PIGALLE – 45987

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Devant la mairie de Drancy en mars 1936.
Photo de l’agence Mondial Photo Presse.
Collection de l’association Le Papyrus Drancéen,
section DIMEME.

Roger, Georges, Pigalle naît le 1er mars 1901 à Malakoff [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), chez ses parents, Camille, Louis, Pigalle, 40 ans, menuisier, et Azelia, Marie, Lefevre, son épouse, 38 ans, domiciliés au 54, rue Chauvelote.

Roger Pigalle commence à travailler comme cocher livreur, habitant avec sa mère, alors veuve, au 68, rue Racine à Montrouge (92).

Le 5 avril 1921, il est incorporé au 153e régiment d’artillerie à pied afin d’y accomplir son service militaire. Le 1er septembre 1921, il passe au 6e bataillon d’ouvriers d’artillerie. Il est “renvoyé dans ses foyers” le 15 mai 1923, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Par la suite, Roger Pigalle travaille régulièrement comme manœuvre (maçon plâtrier) chez des entrepreneurs de maçonnerie ou des marbriers.

Pendant un temps, il habite au 154, avenue de la République à Montrouge. À partir du 18 août 1923, il loge au 31, rue Froidevaux, près de la place Denfert-Rochereau (Paris 14e) avec sa jeune compagne, Germaine B., née vers 1905 à Nancy (Meurthe-et-Moselle), ouvrière décolleteuse. Ils auraient alors ensemble une fille, Carmen, née vers 1922.

Roger Pigalle est un militant communiste et syndicaliste : le 7 février 1924, il est arrêté au cours d’une manifestation organisée devant l’Assemblée Nationale (Palais-Bourbon) par la CGTU et l’Union des syndicats de la Seine, puis conduit au commissariat du quartier de la Madeleine où il est relaxé après vérification d’identité.

Pendant un temps, selon la police, il serait domicilié à Gennevilliers, étant élu conseiller municipal de cette commune (à vérifier…).

Le 9 janvier 1926, à Antony (92), Roger Pigalle épouse en premières noces Germaine Marie Louise B.

En mars 1927, ils habitent au 39, avenue Léon-Gambetta à Montrouge. En juin 1931, ils demeurent au 132, rue Jean-Marie-Baudin à Bagneux (92).

En septembre suivant, Roger Pigalle est installé au 40, rue Pasteur à Drancy [2] (Seine / Seine-Saint-Denis).

En mai 1932, il déclare habiter au 23, rue Victor-Hugo, à Drancy. Le 31 mai est prononcé le jugement de divorce d’avec sa première épouse.

Le 15 avril 1933 à Drancy, Roger Pigalle se marie avec Alice Husson, née le 18 mai 1905 à Toul (Meurthe-et-Moselle), journalière, elle-même divorcée ; ils vivent déjà ensemble.

À partir de 1935 et jusqu’au moment de son arrestation, Roger Pigalle est domicilié au 8, avenue Pasteur à Drancy.

Le 5 mai 1935, Roger Pigalle est élu conseiller municipal de Drancy sur la liste du Parti communiste conduite par Jean Berrar. Très assidu, il ne manque que deux séances du conseil municipal.

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Drancy. La mairie. Carte postale oblitérée en 1932.
Coll. Mémoire Vive.

Dans les années 1930, il travaille irrégulièrement, étant inscrit à plusieurs reprises au fonds de chômage de Drancy.

Le 17 juin 1937, Roger Pigalle « fait l’objet d’une plainte pour (…) atteinte au libre exercice de l’industrie et du travail, opposition par voies de fait à la confection de travaux organisés par le gouvernement. » (une action syndicale ?) ; affaire sans suite judiciaire.

Le 31 août 1939, après qu’il ait été « signalé comme se livrant à la distribution de tracts du Parti communiste », le commissaire de police de Pantin procède à une perquisition à son domicile. On y trouve – entre autres – des fiches d’adhérents et de bulletins d’adhésions remplis, « un original au crayon de tract du 27 août 1939 »…

Le 6 septembre 1939, Roger Pigalle est rappelé à l’activité militaire au CR de munitions n° 5 (artillerie) à Orléans (Loiret), où il arrive deux jours plus tard. Il ne peut  se prononcer sur « L’appel aux Drancéens », lancé par le maire, Berrar, à l’automne et signé par les seize conseillers municipaux présents, par lequel les élus entendent « continuer à remplir le mandat qui leur a été confié par le suffrage universel dans le cadre des lois républicaines avec la volonté de réaliser au maximum l’unité morale de la population civile indispensable à la vie normale de la cité » ; texte ne constituant pas en soi un désaveu du Pacte germano-soviétique et de la politique du Parti communiste.

Le 15 février 1940, le conseil de préfecture de la Seine déchoit Roger Pigalle de son mandat ainsi que d’autres élus drancéens, pour ne pas avoir publiquement renoncé à son appartenance au Parti communiste.

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Extrait de la presse quotidienne,
sans titre ni date.
Archives de la préfecture de police, Paris.

Roger Pigalle est démobilisé le 17 août 1940, sans avoir été fait prisonnier.

Sous l’Occupation, le commissaire de police de la circonscription de Pantin désigne Roger Pigalle pour l’internement administratif, au motif que celui-ci « se livre à la propagande clandestine ».

Le 5 octobre, il est arrêté à son domicile par la police française lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant-guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT), en application des décrets des 18 novembre 1939 et 9 septembre 1940 ; cette action de répression visant essentiellement des suspects est menée avec l’accord de l’occupant.

Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940. Arch. dép. des Yvelines (1W71).

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte
montrant les points d’impact après le bombardement
par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines (1W71).

Le 11 février 1941, en réponse à une directive du chef de camp concernant la révision du dossier de certains internés, Roger Pigalle transmet à celui-ci une demande ferme : « J’ai l’honneur de réclamer ma libération immédiate, car je considère mon arrestation comme arbitraire ».

Le 19 février, Alice Pigalle écrit au préfet de la Seine pour solliciter une autorisation de rendre visite à son mari : « La bonne tenue que les hommes du département de la Seine ont eu au court du bombardement me laissait espérer qu’ils auraient pu obtenir la même faveur que ceux des départements de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne. » Le 25 février, elle adresse une demande en termes presque identiques au préfet de Seine-et-Oise, où se trouve le camp d’Aincourt. Celui-ci transmet sa lettre au préfet de police le 12 mars. Le 8 avril, le chef du 1er bureau de la préfecture de police demande au commissaire de la circonscription de Pantin de faire connaître à la demandeuse « qu’il est impossible, dans les circonstances actuelles, de lui donner satisfaction ».

Le 6 mars 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Roger Pigalle, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, émet un avis défavorable en s’appuyant sur le constat que cet interné « suit les directives du parti communiste » et bien qu’il lui reconnaisse une « attitude correcte ».

Le 24 juin, Roger Pigalle fait partie d’une trentaine de « meneurs indésirables » écroués à la Maison d’arrêt de Rambouillet (Seine-et-Oise / Yvelines), à la suite d’ « actes d’indiscipline » collectifs.

Le 27 septembre, Roger Pigalle est parmi les 23 militants communistes de la Seine transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle, puis en caserne ; il est assigné au bâtiment F (aile Est du pavillon Colbert [3]), 1er étage, chambre 2, lit 23.

Le camp de Gaillon, ancien château de l’évêque de Rouen. Carte postale d’après-guerre. Collection Mémoire Vive.

Le camp de Gaillon, ancien château de l’évêque de Rouen. Carte postale d’après-guerre. Collection Mémoire Vive.

Roger Pigalle s’y trouve avec Louis D. Ensemble, ils sollicitent l’entremise de Fernand Valat et Marcel Capron pour obtenir leur libération ; à cette fin, Alice Pigalle remplit plusieurs questionnaires pour son mari.

Selon une note de la police (RG ?) datée du 18 février 1942, Roger Pigalle figure sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion », et qui sont pour la plupart internés au camp de Gaillon.

Roger Pigalle et Louis D. espèrent alors leur libération pour le 1er mai.

Le 4 mai 1942, Roger Pigalle et Louis D. font partie des 58 détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 310, Roger Pigalle, lui, n’y reste que deux semaines.
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Entrée du camp de Voves.
Date inconnue, probablement après mars 1943.
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Musée de la Résistance Nationale, Champigny.
Fonds de l’Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant.
Droits réservés.

Le 20 mai, il fait partie d’un groupe de 28 détenus (dont 19 futurs “45000”) que viennent chercher des gendarmes français. Pensant qu’on les emmène pour être fusillés, les partants chantent La Marseillaise. En fait, remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 –Polizeihaftlager).

Le 9 juin, Alice Pigalle écrit à un ministre (celui de l’Intérieur, ou à Fernand de Brinon ?) pour savoir ce qu‘il est advenu de son mari, dont elle est sans nouvelles depuis son transfert ; se demandant même s’il est encore en vie. Le 8 juillet, ce sont les services de la Délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés qui demanderont au préfet de police d’effectuer une enquête « en vue d’une intervention éventuelle ». Le préfet transmettra un rapport des Renseignements généraux en réponse… le 5 décembre suivant.

Entre fin avril et fin juin 1942, Roger Pigalle est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus de Royallieu sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche”. « Arbeit macht frei » (« Le travail rend libre »).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 8 juillet 1942, Roger Pigalle est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45987 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Roger Pigalle est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Il est rapidement admis au Block 28 (médecine interne) de l’ “hôpital d’Auschwitz” [4].

Il meurt à Auschwitz le 28 juillet 1942, d’après les registres du camp ; trois semaines après l’arrivée de son convoi.

À la mi-juillet, Alice Pigalle a reçu la carte-formulaire envoyée par l’administration du camp pour prévenir certaines familles du transfert des déportés. Le 4 août, elle s’adresse de nouveau à de Brinon pour obtenir des nouvelles de son mari. Le 12 septembre, le préfet de police de Paris transmet à la Délégation générale le rapport de ses services sur le nommé Pigalle, « actuellement détenu par les Autorités allemandes ».

À une date inconnue, son épouse et/ou l’administration française engage auprès de la Croix-Rouge une demande de renseignement sur la situation de Roger Pigalle. Le 19 juillet 1943, la Croix-Rouge internationale, basée à Genève, transmet cette demande sa “filiale” allemande, laquelle s’adresse à son tour au Bureau central de sécurité du Reich (la « Gestapo ») à Berlin.

CroixRougeNazieLe 1er mars 1944, la police répond à la Croix-Rouge allemande en utilisant un formulaire sur lequel il suffit de rayer la mention inutile : « b) pour des raisons de police d’État, aucun renseignement ne peut être donné sur son lieu de séjour ni sur son état de santé. » On ne sait pas si cet avis a été transmis à son épouse.

Le 12 décembre 1945, une des premières personnes à certifier du décès de Roger Pigalle est Christiane Charua (“Cécile”), rescapée “31000”, qui écrit à sa veuve sur un papier à en-tête de l’Amicale d’Auschwitz/FNDIRP : «Votre mari a été déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz avec 1200 camarades. Ils sont jusqu’à ce jour rentrés qu’à 110. Malheureusement, de ce convoi, il n’en reste plus à rentrer. Je m’excuse par avance de la peine que je peux vous faire, mais il est de mon devoir de ne pas maintenir l’espoir dans les familles, quand je sais pertinemment que votre mari ne rentrera pas. Je vais essayer de trouver, parmi ces 110 rapatriés, ceux qui l’ont connu. Je puis vous dire dès à présent qu’il est décédé avant juillet 1943, date à laquelle ce convoi a eu le droit d’écrire, et, à ce moment, ils n’étaient plus que 128. Je vous donne tous ces détails étant moi-même déportée au même camp et que j’ai connu quelques-uns de ces camarades… ».

Avant août 1946, Raymond Saint-Lary atteste de la disparition à Auschwitz de Roger Pigalle, victime du typhus, mais il date celle-ci de novembre 1942.

Le 29 juillet 1948, la mention « Mort pour la France » est apposée sur son acte de décès.

Le 9 janvier 1962, Alice Pigalle complète un formulaire à en-tête du ministère des Anciens combattants et victimes de guerre pour demander l’attribution à son mari du titre de déporté politique. À la rubrique « Renseignements concernant la famille du déporté décédé ou disparu », elle inscrit son nom comme conjointe, mais ne mentionne aucun enfant (?). À la rubrique « Renseignements relatifs à l’arrestation et la déportation », elle complète l’alinéa « Circonstances » par « sur dénonciation pour activités anti-allemandes ». En juin 1963, elle reçoit sa carte de déporté politique (n° 117516207).

La mention « mort en déportation » est apposée sur  l’acte de décès de Roger Pigalle (JORF du 14 décembre 1997).

Le 12 décembre 2003, sa fille, Carmen Pigalle, domiciliée à Bergerac (Dordogne), écrit à la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la Défense pour demander une attestation de déportation concernant son père.

Le nom de Roger Pigalle est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux déportés et apposée à l’entrée de la mairie de Drancy.

Notes :

[1] Malakoff : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Drancy : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine. Elle est aussi sinistrement connue pour avoir été le lieu où fut implanté – dans la cité de la Muette inachevée – le camp de regroupement des Juifs (vieillards, enfants…) avant leur transport vers Auschwitz-Birkenau et autres lieux.

[3] Château de Gaillon. Le pavillon Colbert, sur la terrasse du jardin haut, a été dessiné par Jules-Hardoin Mansard vers 1700 pour l’archevêque Jacques-Nicolas Colbert, second fils du ministre de Louis XIV.

[4] Marcel Capron : peu après la signature du pacte germano-soviétique, le député-maire d’Alfortville prend ses distances avec la direction du PCF et finit par s’associer avec Marcel Gitton dans une tentative pour rallier le milieu ouvrier à la collaboration, notamment auprès des internés des camps.

[4] L’ “hôpital d’Auschwitz” : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”. Mais les “31000” et Charlotte Delbo ont connu et utilisé le terme « Revier » : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

 

Sources :

- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron (aujourd’hui Claude Pennetier), Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, 1990-1997 CD-rom (citant : Arch. Dép. Seine, DM3 , vers. 10451/76/1 et 10441/64/2 – Arch. Com. Drancy).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 385 et 417.
- Françoise Bulfay, section DIMEME de l’association Le Papyrus Drancéen ; photo de Roger Pigalle (06-2013).
- Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Malakoff, année 1901 (E NUM MAL N1901), acte n° 46 (vue 17/113).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : carton “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; carton “PC”, dissolution… (BA 1928) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 1610-91178).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, révision trimestrielle (1w74), dossier individuel (1w147).
- Archives départementales de l’Eure, Évreux : archives du camp de Gaillon (89w4, 89w11 et 89w14), recherches de Ginette Petiot (message 08-2012).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996, page 61. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 932.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès du camp (17287/1942), relevé clandestin de la morgue par la Résistance intérieure du camp.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Roger Pigalle (21 P 525 745), recherches de Ginette Petiot (message 10-2012).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Drancy, relevé de Monique Diot Oudry (11-2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-02-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Lucien PIERSON – (45986 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Lucien Pierson naît le 21 décembre 1901 à Frouard, entre Pompey (aciéries) et Nancy (Meurthe-et-Moselle – 54), fils de Jean-Baptiste Pierson, 47 ans, forgeron (batteleur ?), et de Louise Lahaye, 42 ans, son épouse (décédés au moment de son arrestation).

Le 16 octobre 1926, à Frouard, Lucien Pierson se marie avec Alice Joséphine Mathieu, née le 7 mars 1903 à Frouard, fille d’un ouvrier des Forges. Ils ont trois enfants, dont Roger Louis, né le 4 juin 1928 et André Lucien, né le 14 janvier 1932, tous deux à Frouard.

Lucien Pierson est manœuvre, ouvrier d’usine aux Aciéries de Pompey.

Il est membre du bureau syndical (local ou de son entreprise ? CGT ?)

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 36, rue de l’Hôtel de Ville à Frouard.

Le 18 août 1940, il est arrêté à son domicile, comme militant communiste, par deux gendarmes de la brigade de Frouard en exécution d’un arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle daté du 14 août et pris selon le décret du 18 novembre 1939. « Déposé à la chambre de sûreté de la caserne de gendarmerie », il est peut-être d’abord conduit à la Maison d’arrêt de Toul. Il est ensuite interné au centre de séjour surveillé d’Écrouves du 19 août au 3 septembre, date à laquelle il est libéré.

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Le 18 avril, Lucien Pierson est arrêté par les « autorités allemandes » et conduit à la prison Charles-III de Nancy.

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Nancy. La prison Charles III. Carte postale écrite en août 1915. Collection Mémoire Vive.

Nancy. La prison Charles III. Carte postale écrite en août 1915. Collection Mémoire Vive.

À une date restant à préciser, Lucien Pierson est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Lucien Pierson est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45986 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

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© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Lucien Pierson.

Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des inaptes au travail comme otage à la suite de laquelle 146 des 45000 sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]).

Son nom est inscrit sur la plaque apposée dans le hall de la mairie de Frouard en hommage aux « déportés dans les camps nazis morts pour la France », ainsi que sur le monument au morts situé près du carré militaire dans le cimetière communal (son prénom étant seulement indiqué par l’initiale « L »). Un dénommé J. Pierson figure sur ce monument pour la guerre 1914-1918 : un parent (oncle…) ?

Le 6 octobre 1952, à Frouard, Alice se remarie avec Georges Vautrin. Elle décède le 3 mars 1988 à Nancy.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (14-12-1997).

Notes :

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 150 et 153, 367 et 417.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, site internet, archives en ligne, registre des naissance de Frouard, année 1901, cote 2 Mi-EC 213/R5, acte n° 129, vue 136/224.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : cote W927/17 ; fiches du centre de séjour surveillé d’Écrouves (ordre 927 W) ; recherches de Daniel et Jean-Marie Dusselier.
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, page 349.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 929 (31365/1942).
- Site Mémorial GenWeb, relevé et photographie de Bernard Legendre (07-2009).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 1-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Germain, Nicolas, PIERRON – 45985

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Germain, Nicolas, Pierron naît le 15 novembre 1912 à Clémency (Luxembourg), près des frontières belge et française, fils d’Eugène Pierron et d’Anne Kaun.

Pendant un temps, il habite à Audun-le-Tiche (Moselle).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 9, rue du Viaduc à Thil, à l’ouest de Villerupt (Meurthe-et-Moselle). Célibataire, il vit en concubinage avec Rosette P., d’origine italienne, au domicile des parents de cette dernière, à partir du 11 mars 1941. Sa compagne est connue par la police comme partageant ses idées politiques et le père de celle-ci est désigné comme un « vif sympathisant communiste ».

Nicolas Pierron est ouvrier, wattman de mine à la Société des Mines des Aciéries de Micheville à Thil.

De 1937 à 1938, il est syndiqué à la Fédération du sous-sol. La police le considère également comme « sympathisant communiste », ajoutant qu’il « s’est fait remarqué (sic) lors de manifestations communistes ».

Au cours des « hostilités 1939-1940 », il est mobilisé au 139e régiment d’infanterie, au camp de Mortfontaine. Mais il est démobilisé dès le 17 octobre 1939, selon un rapport de police. Peut-être est-ce alors qu’il revient à Thil comme « affecté spécial ». La police le considère comme un « vif propagandiste » du Parti communiste, continuant à colporter le journal L’Humanité et soupçonné de placarder des affiches la nuit. Mais, au retour de l’évacuation de son entreprise (“débâcle” et “exode”), la police ne recueille plus de « preuve de son activité subversive ».

À une date restant à préciser, il semble qu’il soit envoyé en Allemagne par son entreprise, mais qu’il revienne en France « irrégulièrement ».

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Le 21 février, Nicolas Pierron est arrêté comme otage par la Feldgendarmerie, avec Maurice Ostorero, de Thil.

Le 23 février, il fait partie d’un groupe de vingt-cinq otages transférés par la police allemande au centre de séjour surveillé d’Écrouves, près de Toul (54), en attente « d’être dirigés sur un autre camp sous contrôle allemand en France ou en Allemagne » ; ils y rejoignent quatorze autres otages arrivés la veille.

Et, effectivement, le 5 mars, Nicolas Pierron est parmi les trente-neuf détenus transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Probablement sollicité par sa compagne lui demandant d’intervenir pour le faire libérer, le commissaire de police de Villerupt écrit au sous-préfet de Briey : « il ne me semble pas qu’il y ait lieu de réserver une suite favorable à la requête de la demanderesse. »

Entre fin avril et fin juin 1942, Nicolas Pierron est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Nicolas Pierron est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45985 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Nicolas Pierron est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Germain Pierron est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I.
Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Germain Pierron est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine”, au Block 10, en préalable à un transfert.

Le 29 août 1944, Germain Pierron est parmi les trente “45000” [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont assignés au Block 66.

On ignore le parcours qu’il a suivi ensuite en déportation et les circonstances de sa libération et de son rapatriement.

Germain, Nicolas, Pierron décède le 25 août 1993.

Notes :

[1] Les trente “45000” d’Auschwitz vers Sachso (ordre des matricules, noms de G à P) : Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Le Gal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 348 et 350, 359, 368 et 417.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, page 246.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : fiches du centre de séjour surveillé d’Écrouves (ordre 927 W) et  cote WM 312 ; recherches de Daniel et Jean-Marie Dusselier.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-02-2024

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Pierre PICQUENOT – 45984

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Collection Sylvie Picquenot. D.R.

Collection Sylvie Picquenot. D.R.

Pierre, Jean, Marin, Picquenot naît le 6 juillet 1900 à Hainneville [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], agglomération de Cherbourg (Manche), fils de Marin Picquenot et de Marie Boissy, son épouse.

Le 10 février 1925 à Cherbourg, Pierre Picquenot – chaudronnier en fer – épouse Marie-Louis Enault, née le 21 février 1903 dans cette ville, fille de salle (employée d’hôpital). Ils ont deux enfants : Pierre, né le 2 juin 1926, et Roger, né le 22 juin 1931.

Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 129, rue Saint-Sauveur à Octeville, agglomération de Cherbourg [2].

Ouvrier métallurgiste, Pierre Picquenot est employé à l’Arsenal de Cherbourg, comme Lucien Levaufre, d’Octeville, et Lucien Siouville, de Cherbourg.

Cherbourg. Le port militaire et les ateliers des forges de l’Arsenal  dans les années 1900. Carte Postale. Coll. Mémoire Vive.

Cherbourg. Le port militaire et les ateliers des forges de l’Arsenal
dans les années 1900. Carte Postale. Coll. Mémoire Vive.

Militant communiste, il diffuse notamment la presse du parti.

Après l’entrée en guerre de septembre 1939, Pierre Picquenot est révoqué de l’Arsenal. C’est probablement alors qu’il est embauché par la Maison Ratti, à Cherbourg.

Sous l’occupation, il poursuit son engagement militant dans la clandestinité, en participant à la répartition et à la diffusion de tracts, intégrant le Front national [3] après sa création en mai 1941.

Le 21 octobre 1941 à 21 h 30, un sous-lieutenant de la Feldgendarmerie, accompagné de quatre gendarmes se présente au domicile de Pierre Picquenot afin, soit-disant, d’y opérer une perquisition à la recherche d’armes. Bien que celle-ci soit infructeuse, Pierre Picquenot est arrêté – devant son fils Roger.

Pierre Picquenot est conduit à la prison maritime de Cherbourg, comme Levaufre, Siouville, Pierre Cadiou, d’Equeurdreville, ouvrier paveur à l’Arsenal, qui seront déportés avec lui (et Matelot, Lecour, Sizou ?).

Le 3 décembre, remis aux autorités d’occupation à leur demande, Pierre Picquenot est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 2132. Pendant un temps, il est assigné au bâtiment A0 (à vérifier…).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Pierre Picquenot est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 8 juillet 1942, Pierre Picquenot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45984 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Pierre Picquenot est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. En effet, pendant un temps il est admis au Block 20 de l’hôpital d’Auschwitz-I.

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Soit par l’intermédiaire de l’administration française, soit par l’intermédiaire de la Croix-Rouge, Marie-Louise Picquenot engage une demande d’information sur la situation de son mari qui parvient à l’agence centrale des prisonniers de guerre du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), basé à Genève (Suisse). Le 1er septembre 1943, l’organisation transmet cette demande sa “filiale” germanique. Le 16 octobre, la Croix-Rouge allemande s’adresse à son tour au Bureau central de sécurité du Reich (la « Gestapo ») à Berlin. Le 6 avril 1944, la police répond à la Croix-Rouge allemande en utilisant un formulaire sur lequel il suffit de rayer la mention inutile : « b) pour des raisons de police d’État, aucun renseignement ne peut être donné sur son lieu de séjour ni sur son état de santé. » On ne sait pas si cet avis a été transmis à Madame Picquenot.

Le 20 novembre 1955, Marie-Louise Picquenot signe un formulaire de demande d’attribution de la mention “Mort pour la France” en faveur d’une victime civile de la guerre.

Le 16 septembre 1955, Madame Picquenot signe un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté politique au nom de son mari. Le 14 juin 1954, la Commission départementale des déportés et internés politiques émet un avis favorable, suivie par la commission nationale le 17 septembre suivant. Le 11 octobre, la demande est acceptée par le ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre et le chef du bureau des fichiers et de l’état-civil déporté envoie une carte de déporté politique délivrée à Madame Picquenot (n° 1176 0552).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Pierre Picquenot (14-12-1997).

Son fils Roger, lecteur fidèle de L’Humanité, mais n’ayant jamais pu affronter un “pélerinage” à Auschwitz, décède le 26 janvier 2023.

Notes :

[1] Hainneville : commune aujourd’hui unie à celle d’Équeurdreville.

[2] La commune d’Octeville fusionne en 2000 avec Cherbourg pour former la nouvelle commune de Cherbourg-Octeville, à la suite d’un référendum local. Elle devient ensuite commune déléguée de Cherbourg-en-Cotentin, commune nouvelle créée le 1er janvier 2016 et issue de la fusion de Cherbourg-Octeville, Équeurdreville-Hainneville, La Glacerie, Querqueville et Tourlaville. (source Wikipedia)

[3] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN” et toujours existante).

[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Pierre Picquenot, c’est le 15 septembre 1942 qui a été retenu par le jugement déclaratif de décès du 22 janvier 1947 (application de la loi du 30 avril 1946). Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 366 et 417.
- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Cl. Caron-Hamet page 130.
- Message de Sylvie Cauvin, petite-fille de Pierre Picquenot (05-2006).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 927 (25348/1942).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Pierre Picquenot (21 p 525 526), recherches de Ginette Petiot (message 05-2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Georges PICOT – (45983 ?)

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Droits réservés.

Georges, Louis, Jean-Baptiste, Picot naît le 14 novembre 1892 à Saint-Amand-Montrond (Cher), fils d’Étienne Picot, 33 ans, tailleur d’habit, et de Louise Durand, 29 ans, son épouse, domiciliés au 64 (?), route du Pondy (8e quartier). Les témoins pour l’enregistrement à l’état civil sont deux vignerons. Georges, Louis a une sœur de trois ans plus âgée : Noémie. La famille a changé d’adresse lors du recensement de 1911.

Georges Picot commence à travailler comme tailleur d’habits, habitant à Savigny-sur-Braye (Loir-et-Cher).

Le 10 octobre 1913, Georges Picot est incorporé au 170e régiment d’infanterie afin d’effectuer son service militaire. Le 13 juin 1914, il passe au 62e régiment d’artillerie. L’ordre de mobilisation générale publié le 2 août suivant le maintient sous les drapeaux : il est mobilisé durant toute la Première Guerre mondiale. Il fait l’objet de deux citations et reçoit la Croix de guerre. Le 16 mai 1919, il passe au 7e régiment d’artillerie. Le 26 août suivant, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire à Saint-Amand, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 14 février 1920, à Saint-Amand-Montrond, il se marie avec Renée D., 19 ans, employée de commerce. À une date restant à préciser, ils divorceront.

De ce premier mariage probablement, Georges Picot a une fille, Jeannine, née le 10 décembre 1923 à Saint-Amand.

Le 11 juillet 1931, à Paris 18e, il épouse en secondes noces Claudia, Louise, Garric, née le 25 avril 1898 à Carmaux (Tarn). Il habite alors au 13, rue Boinod, dans le même arrondissement. Fin novembre, ils demeurent au 71, avenue d’Italie (Paris 13e). Ils auront une fille, Simone, née le 2 octobre 1934, à Paris 16e, et un autre enfant âgé de 17 ans en 1941.

À partir de 1935 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 55, rue Planchat, à Paris 20e, vers la rue de Bagnolet.

Georges Picot est tailleur d’habits aux magasins de la Samaritaine. Son épouse y est confectionneuse.

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Illustration d’un papier à en-tête pour un courrier envoyé en mai 1935. Collection Mémoire Vive.

Illustration d’un papier à en-tête pour un courrier envoyé en mai 1935.
Collection Mémoire Vive.

Communiste, Georges Picot milite activement dans son quartier : le dimanche, il vend la presse de son parti. Il a pour ami Augustin Gaye, délégué syndical du personnel des magasins de la Samaritaine, « congédié en raison de son attitude révolutionnaire », domicilié au 71, avenue d’Italie, membre de la section du 13e de la Région de Paris-ville.

Licencié à la suite des grèves de 1936, Georges Picot ne trouve plus que de « petits emplois ». À la veille de son arrestation, il est au chômage depuis deux mois.

« Aux début des hostilités », il est signalé à la police « comme tenant des propos défaitistes et distribuant des tracts ».

Son ami Augustin Gaye, mobilisé en septembre 1939 comme brancardier au 44e régiment de Pionniers, est fait prisonnier de guerre à Dunkerque en mai-juin 1940, puis interné au Stalag VI D, à Dortmund (libéré et rapatrié au début 1942, il fera alors l’objet d’une lettre de dénonciation au préfet de police).

Le 23 juin 1941, vers 23 h 30, « au cours d’une battue », des gardiens en civil du 20e arrondissement remarquent « l’apposition toute récente de papillons grossièrement façonnés au composteur et ainsi libellés : “Vive la République française des Soviets – Thorez au pouvoir” ». Sur l’indication d’un passant, ils arrêtent au carrefour de la rue d’Avron et de la rue des Pyrénées, Georges Picot et un autre militant, Eugène M., garçon de recettes âgé de 64 ans, beau-père de René Arrachard, ex-secrétaire de la Fédération du Bâtiment, alors prisonnier de guerre. Sur le point d’être appréhendé, Georges Picot jette par terre deux papillons. Il est également trouvé porteur d’un papillon identique plié dans son porte-monnaie. La perquisition effectuée à son domicile par le commissaire de police du quartier de Charonne n’amène la découverte d’aucun autre document ou tract clandestin. Par contre, chez Eugène M. est trouvée un fascicule d’Instruction et conseils aux chefs de groupes indiquant comment s’y prendre pour apposer des inscriptions et signé du responsable régional à la propagande de Paris-Ville, ainsi qu’une lettre manuscrite à l’amiral Darlan, Président du Conseil, « et qui est injurieuse ». Pris en « flagrant délit d’apposition de papillons communistes », les deux hommes sont envoyé au Dépôt  à la disposition du procureur de la République. Inculpé d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 et Georges Picot est écroué dès le lendemain à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 4 juillet 1941, un délateur anonyme – qui s’y prend avec retard – écrit au préfet de police : « En ce moment où notre pays a besoin de vrais Français et que nombre d’individus font une propagande abjecte au profit des Soviets, j’ai l’honneur de vous informer que je connais un monsieur qui se permet de critiquer les anciens combattants 39-40 et distribue des tracts et imprimés communistes. Je vous prie donc de faire faire une enquête sérieuse au sujet de cet individu. Respectueuses salutations. Mr Louis Picot, 55 rue Planchat, Paris XXe ».

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Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 18 août 1941, les deux hommes comparaissent devant la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine qui condamne Georges Picot à six mois d’emprisonnement. Il est écroué à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

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Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À l’expiration de sa peine, Georges Picot n’est pas libéré : le 13 février 1942, il est dans un groupe de vingt-quatre « militants communistes » – composé pour moitié de futurs “45000” – transférés au dépôt de la préfecture de police (au sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité). Le 26 mars, le préfet signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, en application du décret du 18 novembre 1939, officialisant la situation.

Le 26 mars, deux inspecteurs le conduisent à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu pour une consultation d’ophtalmologie.

Le 16 avril, Georges Picot fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il est enregistré sous le matricule n° 105.

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Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Georges Picot est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Georges Picot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45983, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

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© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Georges Picot.

Il meurt le 19 septembre 1942 à Auschwitz, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]).

Il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 14-12-1997).

Après-guerre, une plaque commémorative fut apposée sur la façade de sa dernière adresse, rue Planchat (… disparue aujourd’hui, janvier 2024).

Notes :

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 381 et 419.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Madame Picot, sa veuve (entretien avec Roger Arnould, avril 1972) – Liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (liste établie à partir d’un des registres des morts d’Auschwitz).
- Archives départementales du Cher (AD 18), site internet du Conseil général, archives en ligne : recensement de population de 1911 à Saint-Amand-Montrond (6M 0150 – vue 116/141) ; registre des matricules militaires, bureau de Bourges, classe 1912 (2R 707), matricule n° 1612 (vue 224/640).
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 5 juin au 22 septembre 1941 (D1u6-5857).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel des Renseignement généraux (77 W 22 – 88.680).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 927 (31834/1942).
- Site Les plaques commémoratives, sources de mémoire (aujourd’hui désactivé – nov. 2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Auguste PICARD – (45982 ?)

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Droits réservés.

Auguste Picard naît le 8 juillet 1896 à Saint-Léger, commune de Marigny-Brisay (Vienne – 86), fils de Benjamin Picard, 43 ans, cultivateur journalier, et d’Alexandrine Couturier, son épouse, 35 ans. Auguste a deux frères plus âgés, Roger, né en 1889, et Henri, né en 1894 ; et une sœur plus jeune, Germaine, née en 1900. Lors du recensement de 1901, la famille habite au Châtelet, autre lieu-dit de la commune.

Le 6 septembre 1916, Auguste Picard est incorporé au 169e régiment d’infanterie. Le 12 février 1917, il passe au 82e R.I. Le 11 août suivant, il passe au 147e R.I. Le 3 octobre 1918, à Marvaux (Ardennes), il est intoxiqué par les gaz de combat. Le 2 septembre 1919, il est « envoyé en congé illimité de démobilisation » et se retire à Marigny-Brisay, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 25 septembre 1920 à Châtellerault (86), Auguste Picard se marie avec Blanche Bussereau, née le 4 janvier 1901 dans cette ville. Ils auront six enfants : d’abord Georges, né en 1920, Edgard, né en 1921, Henriette, née en 1923, et Maurice, né en 1925, tous quatre à Beaumont (86).

Le 11 octobre 1920, Auguste Picard est embauché comme cantonnier à l’essai par la Compagnie des chemins de fer d’Orléans (Paris-Orléans, P.O.) qui fusionnera au sein de la SNCF début 1938 [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]. En mai 1921, il est classé “affecté spécial” dans l’armée de réserve comme cantonnier à Châtellerault pour cette compagnie.

En septembre 1927, il a la même affectation à La Tricherie, lieu dit de Beaumont, où il demeure.

En 1929, il est domicilié à Ingrandes-sur-Vienne (86), où naissent Jacques et enfin Yves, en 1933.

En janvier 1931, Auguste Picard y est sous-chef de rayon au P.O.

Ingrandes. La gare (« Station d’Ingrandes »).  Carte postale oblitérée en 1938. Coll. Mémoire Vive.

Ingrandes. La gare (« Station d’Ingrandes »).
Carte postale oblitérée en 1938. Coll. Mémoire Vive.

Au moment de son arrestation, il est domicilié à Saint-Ustre(s), sur la commune d’Ingrandes ; dans ce lieu-dit est implanté un camp de détention allemand (bombardé par les alliés le 22 juillet 1944) [2]. La famille Picard habite une « maisonnette du P.N. 205 » (passage à niveau).

Auguste Picard appartient à la direction du Parti communiste d’Ingrandes (trésorier de cellule), ce qui n’empêche pas sa hiérarchie d’apprécier son travail.

Le 23 juin 1941, il est arrêté par ordre des autorités d’occupation et conduit au camp de la Chauvinerie à Poitiers [3] (selon M. Rideau, 33 communistes sont arrêtés ce jour-là dans la Vienne).

Poitiers. L’entrée du quartier (caserne) de la Chauvinerie dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Poitiers. L’entrée du quartier (caserne) de la Chauvinerie dans les années 1900.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 12 juillet 1941, ils sont transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Auguste Picard est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandises d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandises
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Auguste Picard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45982, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Auguste Picard se déclare alors comme employé des chemins de fer (Eisenbahnbeamte). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Auguste Picard est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, d’après le témoignage de Raymond Montégut, de Châtellerault (alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I).

Auguste Picard meurt le 2 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique « insuffisance (du muscle) cardiaque » (Myocardinsuffizienz) pour cause mensongère de sa mort.
Après leur retour de déportation, les rescapés du convoi qui attestent de son décès sont Maurice Rideau, de Paris 10e, Lucien Penner, de Vanves (92), et Henri Peiffer, de Villerupt (Meurthe-et-Moselle). Néanmoins, la mention « décédé à Dachau (Allemagne) le 5 mai 1945 » a été inscrite par erreur en marge de son acte de naissance.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts d’Ingrandes, sur la place à côté du cimetière communal (sur la plaque apposée pour la guerre 1939-1945, année 1942, « déporté »).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (14-12-1997).

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] Le camp de Saint-Ustre(s) deviendra une base américaine de l’OTAN après la guerre. Aujourd’hui, c’est une zone industrielle.

[3] L’ “Aktion Theoderich :

L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total (bilan au 31 juillet), 1300 hommes environ y seront internés à la suite de cette action. Effectuant un tri a posteriori, les Allemands en libéreront plusieurs dizaines. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

L’Aktion Theoderich dans la Vienne. Témoignage du postier Marcel Couradeau (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943) : « 22 juin 1941, je viens de terminer mon service de nuit au centre de tri de Poitiers-Gare. Je rentre à la maison, mais cette fois je prends le chemin des écoliers. J’ai des tracts contre Vichy et l’occupant à mettre dans les boîtes aux lettres, à glisser sous les portes… À six heures, je suis chez moi. À midi, ma femme me réveille. Elle est pâle. Ça y est, les bruits qui couraient depuis quelques jours sont confirmés : l’Allemagne attaque l’URSS… Il va falloir faire vite, sinon les Allemands ne seront pas longs à me cueillir. Mais on frappe à la porte. Trop tard, ils sont déjà là. Ce sont des policiers français, des civils. J’essaie de parlementer. Je me heurte à un mur. En fin d’après-midi, nous sommes six au poste de l’hôtel de ville. À 18 heures, laFeldgendarmerie nous emmène à la Chauvinerie, dans une baraque entourée de barbelés. Nous y serons bientôt près d’une quarantaine avec un fort contingent de Châtellerault et quelques femmes… 14 juillet 1941 grand branle-bas pour un nouveau départ. Nous débarquons en plein midi dans la cour de la gare de Poitiers. Les amis, les parents sont là (les nouvelles vont vite). Ils veulent s’approcher. Les Allemands les repoussent brutalement. Dans le train qui nous emmène vers Compiègne, nous avons un wagon pour nous seuls. Notre brave Rocher est tout retourné. Fervent témoin de Jéhovah, il décide d’offrir sa vie pour la sauvegarde de la nôtre. Il s’ouvre les veines blesse profondément. À Orléans, on l’évacue… »

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 379 et 417.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Deux-Sèvres et de la Vienne (2001), citant : FNDIRP de la Vienne, Raymond Jamain (1972, 1989) – Témoignages de Maurice Rideau (2/10/1971), Émile Lecointre (2/1989) et Raymond Montégut (11/1972) – Michel Bloch, historien (1-2/1973) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1172-1173.
- Archives départementales de la Vienne (AD 86), site internet du conseil général, archives en ligne, état civil de Marigny-Brizay, registres des naissances 1893-1902 (5 MI 1196), année 1896, acte n°12 (vue 24/68) ; recensement de 1901 à Marigny-Brizay (vue 8) ; registre matricule du recrutement militaire pour l’année 1916, bureau de Châtellerault, numéros de 1501 à 1613 (1R/RM 521), matricule 1595 (vue 125/148).
- Sachso, Amicale d’Orianenburg-Sachsenhausen, Au cœur du système concentrationnaire nazi,Collection Terre Humaine, Minuit/Plon, réédition Pocket, mai 2005, page 38 (sur les arrestations des Viennois, fin juin 1941).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 926.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de L à R (26 p 842), acte n° 26855/1942.
- Base de données des archives historiques SNCF : service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Site Mémorial GenWeb, 86-Ingrandes, relevé de Daniel Fouquerel (2004).
- Site Les plaques commémoratives, sources de mémoire (aujourd’hui désactivé – nov. 2013), photographie de Jean-Jacques Guilloteau.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Pierre PIAZZALUNGA – (45981 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Louis, Pierre, Piazzalunga naît le  le 26 février 1912 dans une maternité au 25 rue Gazan à Paris 14e, fils de Marthe (Édith ?) Piazzalunga, 17 ans, journalière, domiciliée au 78 rue de Fontainebleau au Kremlin-Bicêtre (Seine / Val-de-Marne), et de père “non dénommé”.

En 1936, Pierre Piazzalunga est domicilié au 6, avenue des Mésarmes à Bondy [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93). Il vit en ménage avec Germaine Langlois, née le 15 août 1909 aux Pavillons-sous-Bois (93). Ils ont une fille, qui porte le nom de son père : Louise Berthe, née le 25 juin 1931 à Livry-Gargan (Seine-et-Oise / Seine-Saint-Denis). En 1937, Pierre Piazzalunga se déclare comme couvreur. Le 17 avril de cette année-là, son fils Pierre Louis naît à Bondy.

En 1936, Pierre Piazzalunga adhère au Parti communiste. Il deviendra également membre du Secours populaire de France.

À une date restant à préciser, il rejoint le Comité des chômeurs de Bondy.

Pendant la guerre d’Espagne, il part s’engager dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini.

Le 19 juillet 1937, sur une liste établie à la base des brigades internationales d’Albacete, il est inscrit parmi les volontaires rapatriés la veille : Pierre Piazzalunga – désigné comme italien (?) rentre chez lui pour « raisons de famille ».

Insigne de l’Association des volontaires pour l’Espagne républicaine, ayant appartenu à Christophe Le Meur. Produit entre la mi-1938 et la mi-1939. Coll. André Le Breton.

Insigne de l’Association des volontaires
pour l’Espagne républicaine,
ayant appartenu à Christophe Le Meur.
Produit entre la mi-1938 et la mi-1939.
Coll. André Le Breton.

Il devient terrassier.

Le 11 février 1939, Louis, Pierre, Piazzalunga et Germaine Langlois officialisent leur union en se mariant à la mairie de Bondy. Au moment de son arrestation, Pierre Piazzalunga est domicilié au 14, avenue des Mésarmes.

Le 24 décembre 1941, peu après 6 heures du matin, dans le cadre d’une vague d’arrestations organisées par la police française contre 33 anciens membres des brigades internationales (dont Voltaire Cossart, Maurice Fontès,…), Pierre Piazzalunga est arrêté à son domicile par des agents du commissariat de la circonscription de Noisy, amené dans leurs locaux, puis interné administrativement à la caserne désaffectée des Tourelles, boulevard Mortier, Paris 20e, “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police de Paris.

La caserne des Tourelles, vers la Porte des Lilas, entre l’avenue Gambetta, à gauche, et le boulevard Mortier. Le bâtiment A est parallèle au “stade nautique”, dont on aperçoit les gradins au deuxième plan. Carte postale d’après guerre. Coll. Mémoire Vive.

La caserne des Tourelles, vers la Porte des Lilas, entre l’avenue Gambetta, à gauche, et le boulevard Mortier.
Le bâtiment A est parallèle au “stade nautique”, dont on aperçoit les gradins au deuxième plan.
Carte postale d’après guerre. Coll. Mémoire Vive.

Le 5 mai 1942, Pierre, Piazzalunga fait partie des 24 internés des Tourelles, pour la plupart anciens Brigadistes, que viennent « prendre des gendarmes allemands » afin de les conduire au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Enregistré sous le matricule n° 5189, il est assigné pendant un temps au bâtiment C1.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Pierre Piazzalunga est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45981, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Pierre Piazzalunga.

Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès (Sterbebücher) en deux jours ; probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2].

Le 26 mars 1946, en s’appuyant sur les témoignages de Henri Gorgue (“45617”) et de Raymond Saint-Lary (“46088”) – qui n’ont pas été témoins directs de sa disparition -, Madeleine Dechavassine (“31639”), secrétaire de l’Amicale d’Auschwitz et des camps de Haute-Silésie signe un certificat attestant du décès de Louis Pierre Piazzalunga à Auschwitz « début 1943 ».

Vers décembre 1957, Germaine Piazzalunga remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté Résistant pour son époux décédé. Lors de sa séance du 30 octobre 1956, la Commission départementale d’attribution de la Seine émet un avis défavorable à cette demande. Le directeur interdépartemental émet un « Avis conforme à celui de la Commission ». Le 10 février 1961, la Commission nationale reprend à son compte ces deux avis. Le 22 juin suivant, le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre ne délivre donc à “Louis” Piazzalunga que le titre de Déporté politique, à titre posthume (carte n° 1101.27691 envoyée à sa veuve).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 14-12-1997).

Notes :

[1] Bondy : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 384 et 417.
- Dossiers des brigades internationales dans les archives du Komintern, fonds du Centre russe pour la conservation des archives en histoire politique et sociale (RGASPI), Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), campus de l’Université de Paris X-Nanterre, microfilms acquis par la BDIC et l’AVER-ACER, bobines cotes Mfm 880/47 (542.2.112), 880/48 (545.2.290).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 683-22708).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (4075).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 926 (31450/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier de Louis, Pierre, Piazzalunga (21 P 525.296), recherches de Ginette Petiot (message 01-2014).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-05-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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