Jules POLOSECKI – 46305

Golola, Jules, Polosecki naît le 15 juin 1909 à Lomazy (Pologne). Orphelin à cinq ans, placé chez une tante, il apprend très jeune à se débrouiller. Côtoyant les Jeunesses communistes pendant un temps, il est pourchassé par la milice (?). Il décide de fuir la Pologne et vient en France.

Il s’établit à Caen comme ouvrier tapissier-litier.

Au moment de son arrestation, il est domicilié à l’Hôtel Parisien, 13 place du Marché-au-Bois à Caen (Calvados). Il est célibataire.

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Caen, la place du Marché-au-Bois et l’Hôtel Parisien. Carte postale des années 1900.

Caen, la place du Marché-au-Bois et l’Hôtel Parisien. Carte postale des années 1920.

Engagé volontaire après avoir été naturalisé, Jules Polosecki est mobilisé le 27 mars 1940.

À l’automne 1940, il se fait recenser comme Juif, respectant les lois du gouvernement de Vichy.

Le 1er mai 1942, à 23 h 45, Jules Polosecki est arrêté par la police française : il figure comme Juif sur une liste d’arrestations demandées par la Feldkommandantur 723 de Caen à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]. Le soir, il est conduit à la Maison centrale de la Maladrerie à Caen.

Caen, la maison centrale de la Maladrerie dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.     Caen, la maison centrale de la Maladrerie dans les années 1900.     Carte postale, collection Mémoire Vive.

Caen, la maison centrale de la Maladrerie dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 3 mai, remis aux autorités d’occupation, il est emmené au “petit lycée” où sont rassemblés les otages du Calvados et où ils passent la nuit.

Le 4 mai, Jules Polosecki fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandises de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai en soirée.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, Jules Polosecki est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jules Polosecki est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46305 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Jules Polosecki est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier). Affecté au Block 4, il travaille aux Kommandos Truppenwirschaftslager (TWL – équipement des troupes), avec Aimé Obœuf et David Badache, puis Bekleidungskammer (magasin d’habillement) au Kanada de Birkenau. “Organisant” des objets de valeur, il échange une montre sertie de diamants contre de la quinine qui lui permet de sauver David Badache de la maladie et de la mort.

Début juillet 1943, dernier détenu juif vivant, avec ce statut (D. Badache a reçu le triangle rouge des “politiques” en mars), parmi les “45000”, Jules Polosecki ne bénéficie pas de la mesure permettant aux autres rescapés du convoi d’écrire en France. Et il ne peut les rejoindre à Auschwitz-I, quand ceux-ci sont placés en “quarantaine” à partir du 14 août.

Le 21 janvier 1945, il fait partie de la dernière colonne de détenus évacués d’Auschwitz, en wagons découverts dirigés vers le KL Mauthausen (matricule n° 118193), où arrivent dix-neuf autres “45000”.

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Le 28 ou 28 janvier, avec douze d’entre eux, il est affecté au Kommando de Melk (usines souterraines).

Le 15 ou le 17 avril, ils sont évacués à pied sur Ebensee, province de Zalsbourg, pour l’aménagement d’usines souterraines : « Là eut lieu la libération, le 6 mai 1945 ». Jules Polosecki mentionne l’extermination, la veille, de « 10 à 15 % des déportés du camp, massacrés par les nazis ».

Il revient en France le 24 mai 1945, via Longuyon ; seul otage juif rescapé avec David Badache, de Caen (qui a bénéficié du statut de “Mischlinge”).

Homologué comme “Déporté politique”, il est naturalisé français le 29 octobre 1948.

Il part vivre un temps en Espagne.

Le 26 août 1987, à Caen, suite aux démarches de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

Jules Polosecki décède le 19 octobre 2001.

Le Mémorial de la Shoah. À gauche, dans son état en 2011, le panneau du Mur des noms pour les déportés de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés depuis l’achèvement du mur » (janvier 2005). De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942 y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.

Le Mémorial de la Shoah. À gauche, dans son état en 2011, le panneau du Mur des noms pour les déportés
de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés depuis l’achèvement du mur » (janvier 2005).
De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942 y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.

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Son nom a été inscrit sur le Mur des noms
une deuxième fois…
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…car il figurait déjà parmi les déportés de l’année 1942.

Son nom est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.
Caen.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au fort du Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.
La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Cardon-Hamet page 125.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 224, 352 et 353, 359, 361 et 417.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 137.
- Yves Lecouturier, Shoah en Normandie, 1940-1944, éditions Cheminements, Le-Coudray-Macouard (Maine-et-Loire), mai 2004, pages 115-118, p. 148, p. 176-177, liste p. 246.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 13-11-2011)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Jean POLLO – 45998

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jean, Charles, Pollo naît le 18 novembre 1909 à l’hôpital du 4e arrondissement de Lyon (Rhone), fils de Jean, Alfred, Pollo, 32 ans, né en Italie, cordonnier, et de Marguerite Balla, son épouse, 32 ans, cuisinière. Il a une sœur, Anna, née en avril 1911.

Le 8 février 1934 à Lyon 1er, Jean Pollo se marie. Mais le couple divorcera le 16 janvier 1941, par jugement du Tribunal civil de Lyon.

Le 25 novembre 1939, Jean Pollo est emprisonné au fort de Poillet (région lyonnaise) par la gendarmerie.

Le 14 mars 1940, il est mobilisé dans une Compagnie de Travailleurs. “Démobilisé” en août, il est conduit au fort de Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence), d’où il s’évade en janvier 1941 (avec Jean Quadri ?).

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Le fort de Sisteron. Carte postale non datée. Coll. Mémoire Vive.

Le fort de Sisteron. Carte postale non datée. Coll. Mémoire Vive.

Il gagne Paris (son adresse reste à préciser).

Lors d’une opération de police, il est trouvé « en possession de faux papiers d’identité au nom d’Albert Moret » et condamné à un an de prison le 19 avril 1941.

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Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.  Carte postale. Collection Mémoire Vive

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive

À l’expiration de sa peine, effectuée à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines), il est ramené au dépôt de la préfecture de police (sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité).

Le 5 mai 1942, il fait partie des 14 internés administratifs de la police judiciaire (dont au moins onze futurs “45000”) qui sont conduits avec 37 communistes à la gare du Nord, « à la disposition des autorités allemandes et dirigés sur Compiègne par le train de 5h50 » pour être internés au camp de Royallieu (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Pollo est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Jean Pollo fait partie des quelques hommes du convoi déportés comme “associaux”.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny,  et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Jean Pollo assiste à l’évasion de Jean Corticchiato (repris) et de Julien Becet (échappé) à la hauteur de la gare de Metz, ville située de l’autre côté de la nouvelle frontière après l’annexion de la Moselle. Le convoi repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Pollo est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45998 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

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Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Jean-Charles Pollo est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

A la fin de l’été 1944, il est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres survivants sont transférés vers d’autres camps.

Le 15 janvier 1945, il y effectue son ultime corvée : la distribution de boules de pain “pour la route”. Jean Pollo est parmi les vingt “45000” incorporés dans les colonnes de détenus évacuées vers le KL [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] Mauthausen (matricule n° 120190).

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Le 28 ou 29 janvier, Jean Pollo est parmi les douze “45000” qui sont affectés au Kommando de Melk. Le 15 ou 17 avril, ce groupe est évacué en marche forcée vers Ebensee, province de Salzbourg, où des usines souterraines sont en cours d’aménagement.

Le 6 mai 1945, ce camp est parmi les derniers libérés, par l’armée américaine.

Très atteint par la dysenterie, intransportable, Jean Pollo est hospitalisé à l’hôpital de Bemberg. Il doit convaincre son ami Jean Corticchiato, qui refuse de le quitter, de partir sans lui.

Ce n’est qu’en septembre que Jean Pollo regagne Paris par avion, pour séjourner durant un mois à l’hôpital Bichat.

Il est homologué comme “Déporté politique” (22/07/1959).

Le 5 mai 1951 à Paris 14e, il se marie une deuxième fois.

Jean Pollo décède à Leucate (Aude) le 2 avril 2000.

Notes :

[1] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 352 et 353, 359, 370 et 417.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Jean-Charles Pollo (cassette enregistrée et réponse à un questionnaire biographique 01-1988) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA 1837 (internés aux camps de Vaujours… – Tourelles).
- Archives de la Ville de Lyon, site internet, registre des naissances du 4e arrondissement, année 1909, 19 novembre, vue 97/110, acte 531.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-12-2011)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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François POIRIER – 45997

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

François Marie Poirier naît le 28 février 1904 à Saint-Vincent-sur-Oust (Morbihan), fils d’Hilaire Poirier, 35 ans, et de Jeanne Sabot, 35 ans, cultivateurs. Pour la déclaration du nouveau-né à l’état civil, les témoins sont deux charretiers.
Le 12 décembre 1914, son père est exempté de mobilisation par le conseil de révision du Morbihan pour « artério-sclérose ».
Le 11 mars 1927, à Vire (Calvados – 14), François Poirier, domicilié au 29, rue aux Teintures, ouvrier à l’usine à gaz, se marie avec Marthe Lucile Pommier (sic), née le 1er avril 1901 à Tinchebray, employée de commerce. Un des deux témoins au mariage est Jules Pommier, né en 1895 à Domfront, couvreur, domicilié au 31 rue aux Teintures.

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Vire, la rue aux Teintures dans les années 1900. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Vire, la rue aux Teintures dans les années 1900.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au moment de son arrestation, François Poirier est domicilié au 36, rue aux Teintures à Vire
Selon la gendarmerie, c’est un « sympathisant communiste ».
Arrêté dans la nuit du 3 au 4 mai 1942, comme Jules Datin et Pierre Le Breton, il est pris en otage après le déraillement de Moult-Argences/Airan [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]. Il est certainement parmi les détenus qui sont passés par le “petit lycée” de Caen avant d’être transférés le 9 mai au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il y est enregistré sous le matricule 5265.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, François Poirier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, François Poirier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45997 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, François Poirier est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal, auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. En effet, il est successivement admis dans les Blocks 20 et 28 de l’hôpital d’Auschwitz-I [2].

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

François Poirier meurt à Auschwitz le 13 novembre 1942, selon un ou deux registres du camp (à vérifier…).

Le 25 janvier 1948, le mariage de François Poirier d’avec sa veuve est dissous par un jugement de divorce prononcé par le tribunal civil de Vire (sic).

Le 26 août 1987, à Caen, suite aux démarches de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

Le nom de François Poirier est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total, plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés, au Mont-Valérien (Seine / Hauts-de-Seine) pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[2] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Mais les “31000” et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme “Revier” : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Cardon-Hamet page 128.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 362 et 417.
- Jean Quellien (1992), sur le site non officiel de Beaucoudray, peut-être extrait de son livre Résistance et sabotages en Normandie, publié pour la première fois en 1992 aux éditions Charles Corlet.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-06-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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André POIRIER – 45996

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

André, Eugène, Joachim, Poirier naît le 6 février 1897 à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] – 76), au domicile de ses parents, Eugène Poirier, 28 ans, chaudronnier, et Alexandrine Anglar, son épouse, 22 ans, tisseuse, demeurant au 87, rue Jean-Cécille. En 1900, la famille habite au 56, rue Bouvier à Sotteville, où Madeleine Alexandrine Victoire, sœur d’André, naît le 29 août.

Pendant un temps, André Poirier, qui habite chez ses parents, commence à travailler comme mouleur. En 1906, son père est chaudronnier à la Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest.

La Première Guerre mondiale est déclenchée début août 1914. Le 10 janvier 1916, André Poirier est incorporé au 103e régiment d’artillerie lourde. Le 24 novembre, il part « aux armées ». Le 1er mars 1918, il passe au 303e R.A.L. Le 8 août suivant, il est cité à l’ordre du régiment. Le 10 août, il réintègre le 103e R.A.L. Le 17 août, il est blessé au-dessus de la tempe droite, mais n’est pas évacué de la zone de combat. Le 14 septembre, il est cité à l’ordre du corps d’armée. Il reçoit la Croix de guerre.

Le 16 juillet 1919, l’armée le classe “affecté spécial” dans la réserve comme employé de la Compagnie des Chemins de fer de l’État (qui fusionnera au sein de la SNCF en 1938 [2]). Sa présence aux armées est comptabilisée jusqu’au 19 juillet, date à laquelle il est peut-être renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 24 avril 1920 à Sotteville, André Poirier se marie avec Renée Linot, née le 4 janvier 1899 à Rouen (76), fille d’un « employé au chemin de fer ».

En 1926, le couple habite au 18, rue Lecuyer, à Sotteville. Renée est alors employée à la Solidarité (?).

Le 28 février 1928, le commissaire spécial de Rouen établit une notice individuelle le désignant comme « militant et propagandiste communiste [versant] aux collectes faites en faveur de la souscription nationale de L’Humanité pour les élections de 1928 ».

André Poirier est également adhérent de la CGT.

En 1925, lors de la création de la Maison du Peuple de Sotteville, située au 317-323, rue de la République, André Poirier est élu à son Conseil d’administration et nommé secrétaire (Marius Vallée y est secrétaire de 1926 à 1931). André Poirier y sera réélu le 28 mars 1938 comme administrateur délégué.

Le 15 août 1929, André Poirier fait l’objet d’une perquisition comme correspondant de la Banque ouvrière et paysanne.

En 1931 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 2 ou 4, rue de Toulon, à Sotteville. Il est alors mouleur sur cuivre aux ateliers SNCF de Buddicom à Sotteville, réseau de la région Ouest.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.  Collection Mémoire Vive.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.
Collection Mémoire Vive.

Le 10 janvier 1938, le préfet de Seine-Inférieure demande au commissaire spécial de police de Rouen de faire procéder à une enquête discrète sur le Parti communiste dans l’arrondissement de Rouen, en vue de le renseigner exactement sur le siège des sections et des cellules, leurs dirigeants et leurs principaux membres (enquête qui compléterait celle de 1934-1935). Quatre jours plus tard, le commissaire de police de Sotteville rend son rapport au commissaire spécial : la cellule Buddicom et petit entretien réunis (des Chemins de fer de l’État) réunit 219 adhérents. Elle a pour secrétaire Théodore Pigne et pour trésorier Gustave Fouache. André Poirier y représente la fonderie.

À la suite du décret du 26 septembre 1939 ordonnant la dissolution du Parti communiste, André Poirier fait l’objet d’une perquisition comme administrateur de la Maison du Peuple de Sotteville (notice établie le 4 novembre).

Le 7 octobre, le commissaire spécial de Rouen transmet à tous les commissaires de Seine-Inférieure, et à certains maires, une circulaire leur demandant de lui « fournir, dès que possible, la liste des principaux militants du Parti communiste qui faisaient partie des cellules de (leur) ville ou circonscription » en indiquant, nom, prénoms, âge si possible, profession, domicile et « situation actuelle (présent ou mobilisé) ». André Poirier figure bien sur cette liste.

Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, André Poirier…

Le 22 octobre 1941 [2], il est arrêté, probablement à causes de « ses anciennes opinions politiques ». Il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 3341.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Entre fin avril et fin juin 1942, André Poirier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Poirier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45996 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté André Poirier ; néanmoins, l’administration française a mentionné Birkenau.

Il meurt à Auschwitz le 17 août 1942, d’après le registre d’appel du camp, listant les détenus décédés (Verstorbene Häftlinge), et l’acte de décès établit par l’administration SS (Sterbebücher). Ce jour-là, 29 autres “45000” sont portés décédés ; probablement à la suite d’une séance de désinfection (coups, manque de sommeil…).

Après leur retour de déportation, les rescapés du convoi qui attestent de son décès sont Lucien Matté, de Paris 12e, et Albert Rossé, de Rosny-sous-Bois (93), tous deux du groupe ramené à Auschwitz-I.

Le nom d’André Poirier est inscrit sur le monument aux morts SNCF des ateliers de Buddicom à Sotteville érigé par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.

Son nom est également parmi ceux des 218 militant.e.s inscrit.e.s sur plusieurs plaques apposées dans la cour du siège de la fédération du PCF, 33 place du Général-de-Gaulle à Rouen, avec un extrait d’un poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) : « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’espoir et le désespoir. », et sous une statue en haut-relief dont l’auteur reste à préciser.

Monument dédié aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre dans la cour du siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive (2014).

Monument dédié aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre dans la cour du siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive (2014).

Une des six plaques dédiées aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre, au siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive.

Une des six plaques dédiées aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre, au siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive.

Le 25 octobre 1951, le Conseil Municipal de Sotteville donne le nom d’André Poirier à la rue B de la nouvelle cité du Toit Familial. Selon le maire : « Il est possible, actuellement, de rendre un juste hommage à la mémoire de personnages qui se sont illustrés à des titres divers ou à des héros locaux de la résistance à l’ennemi, en donnant leur nom à des rues de la ville ».

Sa veuve, Renée Poirier, décède à Sotteville le 19 septembre 1960, âgée de 60 ans.

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[3] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – dans un large périmètre autour de Rouen a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste). Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire A, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. Tous les hommes appréhendés furent, en effet, remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941. 44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.

(*) 150 selon “30 ans de luttes“, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.

[4] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 377 et 417.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie (2000), citant : Mairie de Sotteville-les-Rouen (24/7/1992) : acte de naissance avec mention marginale « Mort à Birkenau-Auschwitz le 15 septembre 1942 » – Liste établie par la CGT, p. 5 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (2-1973 ?).
- Guy Décamps, La Maison du Peuple de Sotteville-lès-Rouen, historique, Le Fil Rouge, revue de l’Institut d’Histoire Sociale CGT de Seine-Maritime, n°24, hiver 2005-2006.
- Archives départementales de Seine-Maritime (AD 76), site internet du conseil général, archives en ligne, registre d’état civil de Sotteville-les-Rouen, année 1897 (4E 14044), acte n° 47 (vue 50/179) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau de Rouen, classe 1917 (1 R 3442), matricule 1654.
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département : cabinet du préfet 1940-1946 listes de militants arrêtés (51 W 427), recherches conduites avec Catherine Voranger.
- Archives nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine : Archives restituées par la Russie, commissariat spécial de Rouen 1920-1940 (20010223/2, doc. 96-98).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 948 (21328/1942).
- Base de données des archives historiques SNCF : service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Site du Groupe Archives Quatre-Mares (GAQM).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, page 1201.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-12-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]

Georges POIRET – (45995 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Georges, Eugène, Paul, Poiret naît le 31 mai 1905 à Neslette, sur la Bresle (Somme – 80), fils d’Eugène Poiret et Pauline Coin.

De la classe 1925, Georges Poiret est réserviste au Génie du chemin de fer.

Le 1er mars 1924 à Nesle-Normandeuse, sur l’autre rive de la Bresle (Seine-Maritime – 76), il épouse Lydie Dumont. Ils ont deux enfants.

Le 8 octobre 1928, il est embauché par une compagnie de chemin de fer qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1].

Au moment de son arrestation, Georges Poiret est domicilié au 74, rue Sire-Bernard à Amiens (80).

Il est chauffeur de route ou conducteur d’autorail au dépôt SNCF d’Amiens.

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Façade de la gare d’Amiens dans les années 1920.
Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Georges Poiret est un militant communiste ; il diffuse L’Humanité.

Sous l’occupation, il est actif dans la Résistance. Dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1942, avec Clovis Dehorter, il participe au sabotage de la grue de relevage (32 tonnes) du dépôt SNCF d’Amiens.

Le 3 ou 4 mai, il est arrêté par la police allemande. Il est écroué à la Maison d’arrêt d’Amiens « à la disposition des autorités allemandes » et fait partie des treize cheminots du dépôt SNCF gardés en représailles.

Dans une notice individuelle réalisée après coup, le commissaire central d’Amiens indique : « Aurait manifesté certaines sympathies avec les organisations communistes (…) n’a jamais attiré sur lui l’attention de la police ». « Aurait été arrêté à la … » ???? (verso de la notice à vérifier !)

Le 10 juin, ils sont dix cheminots du dépôt d’Amiens (dont neuf futurs “45000”) [2] à être transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager). Georges Poiret y est enregistré sous le matricule 5996 et est assigné au bâtiment A7. Le 15 juin, le Comité d’entraide aux internés civils de la Croix-Rouge Française à Paris transmet cette information à son épouse ; ce courrier est intercepté par la police de sûreté d’Amiens qui confirme trois jours plus tard au préfet de la présence des otages d’Amiens à Compiègne.

Avant la fin juin 1942, Georges Poiret est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Georges Poiret est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45995 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Georges Poiret.Il meurt à Auschwitz le 27 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] Les neuf cheminots, futurs “45000” : Roger Allou et Clovis Dehorter, de Camon ; Émile Poyen, de Longeau ; Paul Baheu, Fernand Boulanger, Fernand Charlot, Albert Morin, Georges Poiret et François Viaud, d’Amiens (ce dernier étant le seul rescapé des “45000” d’Amiens, Camon et Longueau).

Le dixième cheminot interné à Compiègne est Joseph Bourrel, mécanicien de manœuvre, domicilié au 102 rue Richard-de-Fournival à Amiens. Son sort en détention reste à préciser (il n’est pas déporté, selon le mémorial FMD)…

Un onzième cheminot reste à la prison d’Amiens, Jean Mayer, ouvrier au dépôt, domicilié au 36 rue Capperonnier à Amiens, arrêté la nuit même de l’attentat. Il est probablement condamné par un tribunal militaire allemand. Le 26 avril 1943, il est transféré dans une prison du Reich à Fribourg-en-Brisgau. Il est libéré à Creussen le 11 mai 1945.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 63, 74, 369 et 417.
- Archives départementales de la Somme, Amiens : correspondance de la préfecture sous l’occupation (26w592).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 948 (33022/1942).
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1199-1200.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-04-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Henri POILLOT – (45994 ?)

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Henri, Fernand, Poillot naît le 29 avril 1901 au 1, rue Chatelain (devenue rue Francis de Pressensé) à Paris 14e arrondissement, fils de Ferdinand Poillot, 26 ans, cocher, et de Jeanne Tatre, son épouse, 22 ans, ouvrière, domiciliés au 24, rue des Fossés-Saint-Jacques (Paris 5e).

À une date restant à préciser, la famille s’installe à Beaune (Côte-d’Or – 21).

Henri commence à travailler comme ajusteur-mécanicien.

Appelé à accomplir son service militaire le 23 avril 1921, il se met en route le lendemain et rejoint le 36e régiment d’aviation le 29 avril. Le 1er janvier 1922, il passe au groupement d’aviation de Tunisie. Le 1er janvier 1923, il passe au 4e groupe d’aviation d’Afrique (par changement d’appellation). Maintenu provisoirement “sous les drapeaux”, il est renvoyé dans ses foyers le 24 mai 1923, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Début 1924, Henri Poillot habite au 28 place Madeleine à Beaune.

Le 6 février 1924 à Beaune, il se marie avec Alice Girard, née le 15 novembre 1898 à Liernail (21), sans profession. Deux jours plus tôt, le 4 février, Henri Poillot a reconnu le premier enfant de celle-ci, (Léone) Gisèle, née le 19 septembre 1922 (“fille naturelle”), légitimée par ce mariage. La petite famille s’installe au domicile de l’épouse, rue Pierre Guidot. Le couple a une deuxième enfant, Geneviève Edmonde, née le 23 juillet 1926 au domicile de ses parents.

Ensuite, la famille déménage à plusieurs reprises, selon les emplois du père. En octobre 1926, ils habitent à Nuits-Saint-Georges (21) ; en juin 1927, à Mâlain (usine Brainget ?), près de Dijon ; un an plus tard, à Ornans (Doubs – 25), au n° 11 ou 14 de la cité-jardin de la Société suisse Oerlikon de fabrication de moteurs électriques (future Alsthom), où il est ajusteur.

[/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Ornans. Les cités-jardins et l’usine Oerlikon. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Ornans. Les cités-jardins et l’usine Oerlikon.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

En octobre 1931, la famille habite à Montlebon (25), près de la frontière suisse, où Henri Poillot est mécanicien dans l’usine de couverts de table Vermot-Gaud (marque Aluminonickel, 1920-1984) ; en 1935, ils sont au lieu-dit Sur la Seigne, dans la même commune. En août 1938, la famille s‘installe au 2 rue des Facultés à Dijon (21).

Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 5 bis, rue de l’Arquebuse à Dijon. Gisèle, 19 ans, est alors employée aux Assurances Sociales, et Geneviève, 16 ans, est apprentie couturière.

À partir de 1936, Henri Poillot est outilleur aux Établissements Lipton, usine de décolletage (pièces métalliques tournées), située 66 bis, rue Charles Dumont à Dijon.

Le 31 août 1939, il est rappelé à l’activité militaire et affecté au bataillon de l’Air n° 102. Le 1er décembre suivant, il passe au bataillon de l’Air n° 103. Il est démobilisé le 6 août 1940.

[/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Dijon, la place du Théâtre. À droite, le Grand Café de Paris, transformé en Soldatenheim sous l’Occupation. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Dijon, la place du Théâtre. À droite, le Grand Café de Paris, transformé en Soldatenheim sous l’Occupation.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 11 janvier 1942, Henri Poillot est arrêté comme otage à la suite de l’attentat manqué contre le foyer du soldat allemand (Soldatenheim) de Dijon [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], mis à la disposition des autorités d’occupation et conduit au quartier allemand de la prison de Dijon, rue d’Auxonne (selon les enquêteurs, certaines pièces entrant dans la fabrication de la bombe ont été fabriquées dans l’usine Lipton).

Le 19 janvier, le Commissaire divisionnaire, chef de la Police Judiciaire, informe par courrier le Préfet de Côte d’Or que, sur les 26 ouvriers de l’usine arrêtés le 11 janvier, 21 ont été remis en liberté. Sur les cinq hommes gardés en détention, deux détenus ont avoué leur complicité (Pierre Dubost et Serge Guillerme) et trois sont gardés en otages en raison de leur ex-affiliation au Parti communiste : Julien Faradon, Henri Poillot et André Renard (futurs “45000”) ; Eugène Bonnardin (autre futur “45000”), arrêté avec les autres puis libéré le 18 janvier, est de nouveau incarcéré dès le lendemain.

Les quatre hommes sont finalement internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Enregistré sous le matricule le matricule n° 2447, Henri Poillot est assigné au bâtiment A7.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

En février, Alice Poillot écrit au Préfet de Région afin d’obtenir l’allocation prévue en faveur des familles de prisonniers civils internés par les Autorités allemandes, car elle est sans travail et sa fille cadette, qui est alors apprentie, n’a aucun salaire.

Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Poillot est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Les 14 déportés de Côte-d’Or se regroupent dans le même wagon. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le 8 juillet, Henri Poillot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45994, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Henri Poillot.

Le 17 juillet, son épouse reçoit très probablement la carte-formulaire en allemand envoyée per l’administration militaire du camp de Royallieu et indiquant que « (…) le détenu [désigné] a été transféré dans un autre camp pour travailler. Le lieu de destination ne nous est pas connu, de sorte que vous devez attendre des nouvelles ultérieures… »

Henri Poillot meurt à Auschwitz le 21 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Le 19 août 1943, suite à la demande d’allocation d’Alice Poillot, le Préfet demande une enquête au Commissaire des Renseignements Généraux «  sur l’attitude politique de l’intéressé ainsi que sur les motifs et les circonstances de cette arrestation ». Le rapport transmis au Préfet et daté du 28 août indique : « Poillot Henri était membre du Parti communiste et propagandiste actif avant les événements de 1940 » ; « en juin 42 il a quitté le camp de Compiègne pour une destination inconnue et depuis sa femme est sans nouvelles », précisant qu’à cette époque Alice Poillot fait des ménages et gagne environ 700 francs par mois. Le dossier consulté aux archives départementales n’indique pas si Alice Poillot a finalement obtenu l’allocation demandée.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1998).

Notes :

[1] Le foyer du soldat de Dijon avait été installé dans le Grand Café de Paris, réquisitionné, à l’angle de la place du Théâtre. «  Les Soldatenheim étaient des maisons exclusivement affectées aux Allemands : les plus grands hôtels, restaurants étaient réservés à cet effet. (…) Dans la nuit du 10 au 11 janvier 1942, Lucien Dupont (de Chenove), âgé de dix-neuf ans, Armand Tosin, âgé de vingt-et-un ans, et leurs camarades attaquent à la bombe la Soldatenheim, place du Théâtre à Dijon. Lucien Dupont est en liaison avec un groupe qu’il a constitué à l’usine Lipton avec Pierre Dubost et Serge Guillerme ; ce sont ces derniers qui ont fabriqué la bombe à l’usine même. » Albert Ouzoulias, Les bataillons de la jeunesse, les jeunes dans la résistance, Editions sociales, Paris 1972, réédition juillet 1990, page 220.

«  Le 31 janvier 1942, le préfet de l’Aube au préfet délégué : Ce jour à 4 heures du matin, 231 perquisitions ont été effectuées dans les hôtel et garnis de Troyes par les services allemands de la G.F.P. qui avaient requis l’assistance de 16 gardiens de la Paix de la police municipale troyenne. Ces opérations étaient faites en vue de retrouver un nommé Dupont qui serait l’auteur du dernier attentat commis au foyer du soldat à Dijon. (…) » Archives de la préfecture de Police, carton 1928, chemises Arrestations, infractions au décret du 29-9-1939

Arrêté le 15 octobre 1942 à Paris, ou dans sa banlieue, Lucien Dupont est fusillé au Mont-Valérien le 26 février 1943.

« Le 10 janvier 1942, un attentat au moyen d’engins explosifs a été commis contre le foyer du soldat allemand à Dijon. « Le 27 janvier, à Montceau-les-Mines, un soldat allemand a été tué d’un coup de feu par des éléments communistes. « Le 29 janvier, à Montchanin-les-Mines, un douanier allemand a été grièvement blessé à coups de revolver, par des criminels appartenant aux mêmes milieux. « En représailles de ces lâches attentats, l’exécution d’un certain nombre de communistes et juifs, considérés comme solidaires des coupables a été ordonnée. Der Chef der Mil. Verw Nordostfrankreich ».

Le 7 mars, cinq jeunes gens sont fusillés au champ de tir de Montmuzard : René Romenteau, Pierre Vieillard, René Laforge, Jean Jacques Schellnenberger, dit Jean Coiffier, tous élèves maîtres à l’école Normale d’instituteurs de Dijon, promotion 1939-42 ; et Robert Creux, jeune ébéniste dijonnais, communiste, qui remplace Pierre Jouanaud, instituteur, celui ci ayant bénéficié d’un non lieu trois jours avant l’exécution.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 363 et 417.
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 14e arrondissement à la date du 2-05-1901 (V4E 9786), acte n°3818 (vue 24/31).
- Archives départementales de Côte-d’Or, Dijon : cotes 6J61 à 62 : fiches individuelles des déportés de Côte-d’Or, don de Pierre Gounand, historien ; cote 1630 W, article 261.
- Jean-Michel Picard, mise en ligne du livre de son père Henri Picard, Ceux de la Résistance, Bourgogne, Nivernais, Morvan, éditions Chassaing, Nevers 1947, chapitre “Je regarde la mort en face”, http://maquismorvan.blogspirit.com/.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 948 (32143/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-03-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Résistants Internés et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Kléber PLISSON – (45993 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Kléber, Eugène, Camille, Plisson naît le 16 juillet 1903 à Boiscommun (Loiret), fils d’Eugène Plisson, maçon, et d’Eudoxie Mathomat, couturière.

Le 28 avril 1923, à Paris 11e, il se marie avec Marguerite Le Guiff, née le 26 janvier 1904 à Keryado (Morbihan). Ils ont un fils, Georges, né le 4 novembre 1923.

Au moment de l’arrestation du chef de famille,  celle-ci est domiciliée au 139, rue de Charonne à Paris 11e (75).

Kléber Plisson travaille comme manœuvre et/ou ébardeur.

Sous l’occupation, la police française le considère comme un « agent actif de la propagande clandestine ». Il remet une quinzaine de “papillons” communiste à un camarade d’atelier

Le 8 avril 1941, Kléber Plisson est arrêté par le commissaire de police de Pantin, le même jour que Jean Boisseau, de Drancy. Tous deux inculpés d’infraction au décret de 26 septembre 1939, ils sont conduits au Dépôt, à disposition du procureur de la République. Kléber Plisson est écroué le 10 avril 1941 à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 17 avril, les deux hommes comparaissent devant la 10e chambre du tribunal correctionnel de la Seine. Kleber Plisson est condamné à quatre mois d’emprisonnement. Le 22 juin, il est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes (Seine / Val-de-Marne), puis à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

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Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 juillet, en « exécution de la note préfectorale » du 14 novembre 1940, le directeur de la prison transmet au bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise 21 notices de détenus de la Seine devant être libérés à l’expiration de leur peine au cours du mois suivant. Le 26 juillet, le préfet de Seine-et-Oise transmet le dossier au préfet de police de Paris, direction des services des Renseignements généraux.

Kléber Plisson est probablement relaxé le 1er août.

Le 19 septembre, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif. Pendant un temps, Kléber Plisson est détenu au dépôt de la préfecture de police de Paris (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité).

Le 9 octobre 1941, il est parmi les 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.

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Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”,
vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne),
Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 22 mai 1942, Kléber Plisson fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne – sur la commune de Margny – et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Kléber Plisson est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45993, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Kléber Plisson.

Il meurt à Auschwitz le 29 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Le 1er juin 1946, Camille Nivault, de Paris 18e, signe une déclaration au titre de l’Amicale d’Auschwitz/FNDIRP selon laquelle Kléber Plisson serait mort à la fin de l’année 1942 (selon son souvenir). Deux jours plus tard, Louis Penner, de Vanves, fait de même.

Le 17 septembre 1952, Marguerite Plisson remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de “Déporté politique” à son mari à titre posthume. Le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre lui accorde ce statut le 29 novembre 1955 et envoie la carte n° 1101 1175 08021 à sa veuve.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 371 et 417 ; notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Kléber Plisson (21 P 526 457).
- Archives de Paris, rôle du greffe du tribunal correctionnel de la Seine (D1u6 5854) ; jugements du tribunal correctionnel de la Seine (D1u6 3739).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt (1W69).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), APPo, site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “occupation allemande” : camps d’internement… (BA 2374) ; liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossiers individuels du cabinet du préfet (1 w 0654), dossier de Kléber Plisson (28452).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 148.
- Archives départementales de la Vienne, AD86 ; camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 942 (38010/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-10-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

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Marcel PLATTEAUT – 45992

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Collection Dominique Beauvois.
Droits réservés.

Marcel, Roger, Platteaut naît le 28 février 1911 à Condé-Sainte-Libiaire (Seine-et-Marne – 77), fils de Léon Platteaut, né en 1882 à la Chapelle-sur-Crécy (77), cocher-jardinier, et de Pauline, son épouse, née en 1890 à Paris 19e, blanchisseuse, domiciliés au 109, grande rue. Marcel est l’aîné de ses quatre sœurs : Antoinette, les jumelles Léone et Paulette, Micheline.

Le 26 novembre 1928, à 17 ans et demi, il s’engage pour cinq ans dans la Marine nationale (matricule 5080C-28).

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Collection Dominique Beauvois.
Droits réservés.

Naviguant successivement sur plusieurs bâtiments : le Ernest-Renan, le Primauguet, le torpilleur Mars (11-1930), le Suippe, l’EMC Toulon (?), le Duguay-Trouin (commandant Zeste ?), il connaît les ports de Lorient, Toulon (11-1932), Basna, Casablanca, Halifax (Canada), îles des Açores, Tanger, Tunis, Bizerte, Carthage, Mers-el-Kébir, Xargis, Oran, Mogador, Mazagan (Maroc), Sfax, Saïgon, Tien-Sin, Colombo (île de Ceylan), Djibouti (4-1933), Rabat, Lisbonne, Saint-Nazaire.

Photographié dans un avion et un hydravion, il a peut-être occupé un poste de bombardier.

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L’hydravion comporte trois postes alignés : Marcel Platteaut
est au milieu. Collection Dominique Beauvois. Droits réservés.

À la fin de son engagement, le 26 novembre 1933, Marcel Platteaut est quartier-maître canonnier.

Le 2 juin 1937, il est embauché à la Compagnie du Métropolitain de Paris (matricule 14252, FEM). Pour la police, il est « employé de métro ».

Le 12 novembre 1938, Marcel Platteaut épouse Ida Génard, née le 13 juillet 1908 à Fontenelle (Aisne). Ils n’ont pas d’enfant.

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Marcel et Ida.
Collection Dominique Beauvois.
Droits réservés.

Pendant un temps, ils habitent au 131, rue de Billancourt à Boulogne-Billancourt [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92). Au moment de son arrestation, il est domicilié au 91 bis, rue d’Aguesseau à Boulogne.

Marcel Platteaut milite au Parti communiste (activité connue de la police française).

Le 2 septembre 1939, il est mobilisé. Le 15 septembre, au Havre, il embarque à bord du Pessac. Le 1er novembre, il est nommé second maître canonnier. En août 1940, son bâtiment navigue à proximité des côtes anglaises, dans le secteur de Liverpool. Marcel Platteaut est démobilisé le 16 août.

Le 2 janvier 1942, au passage de la nouvelle année, Marcel Platteaut écrit à sa sœur : « …si l’équipe de Paulette à bien son message, pour laquelle je la remercie, je t’envoie le mien pour 1942. Nous souhaitons à tous les Français, et en particuliers à nos familles : paix dans l’honneur ; liberté dans une France libre et heureuse ; travail dans la libération contre l’esclavage ; fraternité de tous les Français, quelles que soient leurs opinions ou leur croyances ; et l’extermination de tous les traîtres, d’où qu’ils viennent et où qu’ils se trouvent. Vois-tu, ma chère sœur, ton message est heureux pour des jeunes filles qui n’ont pas eu encore à subir tous les sacrifices. Le mien est plus long et plus sévère. Mais, ajouté au tien, ces deux messages sont en tous points français ; le tien pour les jeunes et le mien pour les adultes qui s’occupent en ce moment à libérer la France. Mes vœux sont : santé, joie et bonheur pour vous. »

Sous l’occupation, les « Autorités allemandes » le soupçonnent « d’avoir participé à la guerre civile espagnole ». La Compagnie du Métropolitain qui l’emploie n’a – de son côté – repéré aucune activité clandestine.

Le 28 avril 1942, Marcel Platteaut est arrêté à son domicile par des policiers français et des Feldgendarmes, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée dans le département de la Seine par les « autorités d’occupation », avec le concours de la police française et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une poursuite policière ou judiciaire et ayant été libérés, soit après avoir bénéficié d’un non-lieu, d’un acquittement ou d’un sursis, soit après avoir fini de purger une courte peine. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 6 juin, Marcel Platteaut écrit de ce camp : « (…) Notre martyre est plus supportable par notre esprit de fraternité, à moins que le soir on en choisisse 5 ou 6, comme cela se présente souvent. Mais rien ne m’ébranlera ; vous pouvez être fiers de moi et avoir la tête haute. Toute la famille ne doit rien craindre ; aucun reproche ne doit lui être adressé. Courage, Patience et Force : on les aura tous. C’est nous qui les garderons dans les barbelés. »

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Platteaut est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Platteaut est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45992 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Platteaux est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I (source à préciser…).

Il meurt à Birkenau, le 12 février 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Le bureau national de recherche du ministère des Anciens combattants, constate qu’il « n’a pas été rapatrié au 18-04-1946 ». Le service d’état civil du ministère établit un acte de disparition le 18-10-1946 (confirmé le 22-04-1948), fixant la date du décès de Marcel Platteaut au 15 décembre 1942 [2].

Le 3 juin 1946, Monsieur Bouton (« La Bruyère »), commandant du groupe FFI du Métro (Forces Françaises de l’Intérieur), signe une attestation de l’activité de Résistance de Marcel Platteaut. Celui-ci est homologué comme caporal dans la Résistance intérieure française (J.O. du 5-02-1948).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 98 du 26-04-1995).

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Crécy (77) et sur une plaque dans la salle des billets (?) de la station de métro La Chapelle : « À la mémoire de Marcel Roger Platteaut. Agent de la C.M.P., attachement Porte de Saint-Cloud. Résistant du métro, membre du groupe Danton. Arrêté par la Gestapo le 28 avril 1942, interné au camp de Compiègne. Déporté politique le 6 juillet 1942 au camp de concentration d’Auschwitz, puis au camp de Birkenau où il décéda le 15 décembre 1942. Mort pour la France. »

Collection Dominique Beauvois. Droits réservés.

Collection Dominique Beauvois. Droits réservés.

Notes :

[1] Boulogne-Billancourt : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Dominique Beauvois, son neveu, messages 09-2007.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 381 et 417.
- Archives départementales de Seine-et-Marne, archives en ligne : recensement du canton de Crécy-la-Chapelle, année 1911, vue 57/234
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”  (BA ?).
- Jean-Marie Dubois, Malka Marcovich, Les bus de la honte, éditions Tallandier, 2016, pages 144, 145, 146 et 189.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 940 (6915/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 1-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Raoul PLATIAU – (45991 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Raoul, Alexandre, Rupert naît le 8 octobre 1917 à Paris 13e, fils de Jeanne Rupert, 19 ans, couturière, domiciliée au 34, avenue Carnot à Paris 17e et qui accouche au 177, boulevard de la gare (bd Vincent-Auriol). La déclaration du nouveau-né à l’état-civil est faite par une sage-femme, les deux témoins étant une autre sage-femme et la concierge de l’immeuble. Le 20 octobre suivant, l’enfant est reconnu à la mairie du 17e arrondissement par sa mère et Paul Platiau – dont il prend le nom -, puis légitimé par ses deux parents le 25 avril 1918 à la mairie d’Asnières  (Seine / Hauts-de-Seine – 92) ; mariage ?

Pendant un temps, travaillant comme employé de bureau, Raoul Platiau habite au 5, boulevard Aristide-Briand, à Suresnes [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (92), probablement chez ses parents.

Le 25 avril 1936, à Suresnes, il se marie avec Françoise Marguerite Lamiral, née le 4 février 1915 à Choisy-le-Roi (Seine / Val-de-Marne), dactylo, domiciliée au 17, rue des Épinettes, à Paris 17e. Ils auront un fils, Claude, né le 4 mai 1937, à Paris 14e.

À partir du 1er mars 1938, la famille est domiciliée au 27, avenue Jean-Jaurès, dans la cité-jardin de Suresnes.

En juin 1937, Raoul Platiau a adhéré au Parti communiste. La police le considère comme un « militant révolutionnaire très actif ».

Entre septembre 1939 et juin 1940, il est mobilisé au 101e régiment d’infanterie. Fait prisonnier en juin 1940 à Nemours (Seine-et-Marne), il s’évade – probablement avant le transfert en Allemagne – et revient à Suresnes.

Pendant un temps, il travaille comme chauffeur-livreur aux Établissements Philippe et Meunier, sis au 23, rue Tronchet à Paris (quartier de la Madeleine).

Entré en contact avec le Parti communiste clandestin, il distribue des tracts, colle des affiches et des “papillons”.

Le 2 octobre 1940, vers 18 heures, Raoul Platiau est arrêté chez lui par deux policiers en civil du commissariat de la circonscription de Puteaux pour une distribution de tracts effectuée sur le marché de Suresnes le 25 août précédent – « suite à l’affaire Dubrullé, Cazaud, Pages, Ott, Giraus, Quinton, Birand, Bécue… » (probablement dénoncé). La perquisition effectuée simultanément à son domicile n’amène la découverte d’aucune preuve de son activité. Raoul Platiau est conduit au commissariat avec ses camarades Émile Bouchacourt, René Jodon (qui seront déportés avec lui) et trois autres militants dont Paul Couprie [2]. Selon des déclarations faites ultérieurement à son épouse, Raoul Platiau est alors violemment frappé lors de son interrogatoire par un inspecteur, le commissaire et deux autres policiers du commissariat de Puteaux, au point de s’évanouir. Le 5 octobre, les six hommes sont conduits au dépôt de la préfecture de police. Trois jours plus tard, inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939, ils sont écroués à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 14 janvier 1941, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine condamne à six mois d’emprisonnement Platiau, Bouchacourt, Couprie et Jodon, qui font appel de la sentence.

À l’expiration de sa peine, le 19 février, Raoul Platiau n’est pas libéré, mais ramené dans les bureaux de la préfecture de police où il reste une journée avant d’être conduit au dépôt. Le lendemain, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, en application du décret du 18 novembre 1939.

Le 27 février, Raoul Platiau fait partie d’un groupe de 48 internés administratifs – dont Guy Môquet, Maurice Ténine et seize futurs “45000” – transférés à la Maison centrale de Clairvaux (Aube) où ils en rejoignent d’autres : 187 détenus politiques s’y trouvent alors rassemblés.

Clairvaux. La Maison centrale après-guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Clairvaux. La Maison centrale après-guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le même jour, son épouse écrit au préfet de police pour lui demander où se trouve son mari, sachant qu’il était encore détenu au Dépôt la veille. Dans ce courrier, elle s’étonne « qu’un honnête homme soit condamné à la détention administrative pour une durée illimitée ».

Le 3 mars, le maire de Suresnes écrit au préfet de police : « Le jeune Platiau […] a accompli sa peine le 19 février dernier. Or, conformément à une règle qui est devenue générale dans vos services, à l’emprisonnement réglementaire on ajoute l’internement administratif dans un camp de concentration. Cette mesure est appliquée, semble-t-il, sans examen des cas d’espèces, avec un automatisme dont l’iniquité est parfois certaine. C’est le cas en l’espèce. Je connais très bien le jeune Plateau et sa famille. Je ne veux pas insister sur les conditions dans lesquelles il a été arrêté et condamné, mais je considère que son maintien en liberté n’est à aucun degré contraire à l’intérêt public. » Le 10 mars, les Renseignements généraux rendent leur avis : « … la libération de Platiau ne semble pas opportune dans les circonstances actuelles ».

Le 6 avril, avec Bouchacourt, Couprie et Jodon, Raoul Platiau est un des cinq internés de Clairvaux ramenés à Paris et conduits à la Santé, en préalable à leur passage devant la cour d’Appel.Lui est détenu « 3-52 » (3e section, cellule n° 52 ?).

Le 17 avril, Raoul Platiau écrit au préfet de police pour protester contre les conditions de sa détention. « Après un emprisonnement de 4 mois 1/2 à la prison de la Santé pour infraction au décret du 26/9/39 ; j’en suis sorti le 19 février 41 et dirigé sur un camp de concentration aménagé à la prison centrale de Clairvaux. Dans ce camp et comme interné administratif, je jouissais d’une liberté relative et étais autorisé à circuler continuellement dans un endroit réservé exclusivement aux internés administratifs politiques. Après 1 mois de cette vie en commun, je suis de nouveau à la prison de la Santé et soumis au régime cellulaire, au même titre qu’un condamné. Ce régime, appliqué à un homme ayant terminé sa peine, est totalement illégal et, en conséquence, je me permets […] de solliciter […] une intervention auprès des services intéressés et de Monsieur le Directeur de la Santé pour le transfert des internés administratifs au quartier politique ou, si ce quartier est occupé, de nous grouper dans un endroit où il sera possible de laisser nos cellules ouvertes afin de communiquer entre nous et de nous accorder également, en plus de notre promenade du matin, une autre l’après-midi. Sachant en outre, que nous sommes enfermés dans des cellules totalement dépourvues d’hygiène, j’espère, Monsieur le préfet, que vous voudrez bien étudier favorablement ces justes revendications… »

Le 29 avril, la cour d’Appel confirme la peine des quatre coaccusés. Il est prévu que Raoul Platiau soit ramené à Clairvaux, mais le quartier de la centrale utilisé comme centre d’internement étant « complet » il reste interné à la Santé.

Le 21 mai, il écrit de nouveau au préfet de police : « … je me permets […] de vous adresser une demande de mise en liberté. Je suis marié et j’ai un enfant de 4 ans. J’ai été mobilisé et fait la guerre, et quelques temps après mon retour à mon foyer, j’ai été mis en état d’arrestation. Cela fait donc 20 mois que je n’ai pas subvenu aux besoins de ma famille, et depuis ce temps ma femme doit vivre et élever mon enfant avec une allocation de chômage. »
Le 16 septembre suivant, il est remis à la police judiciaire et ramené à Clairvaux le lendemain.

Le 26 septembre 1941, il fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle.

Le château de Gaillon, au-dessus du village. Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le grand bâtiment isolé à droite (lequel a perdu sa toiture après la guerre) Carte postale des années 1950.  Collection Mémoire Vive.

Le château de Gaillon, au-dessus du village.
Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le grand bâtiment isolé à droite (lequel a perdu sa toiture après la guerre)
Carte postale des années 1950. Collection Mémoire Vive.

Le 3 février 1942, Marguerite Platiau écrit au préfet de l’Eure pour lui demander de bien vouloir réviser le cas de son mari et d’y apporter une solution favorable, sachant que « cela fait presque un an qu’il devrait être rentré dans son foyer où l’attend un petit garçon de quatre ans ». Quatre jours plus tard, l’administration lui répond au nom du préfet qu’il est impossible, « dans les circonstance actuelles », de réserver un accueil favorable à sa requête.

Selon une note de la police (RG ?) datée du 18 février 1942, Raoul Platiau figure avec Bouchacourt et Jodon sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion », et qui sont pour la plupart internés au camp de Gaillon.

Le 4 mai 1942, Raoul Platiau fait partie d’un groupe de détenus transférés au camp français de Voves (Eure). Enregistré sous le matricule 311, il n’y reste que deux semaines.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 20 mai, il est parmi les 28 détenus que viennent chercher des gendarmes français. Pensant qu’on les emmène pour être fusillés, les partants chantent La Marseillaise. En fait, remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Raoul Platiau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Raoul Platiau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45991, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Raoul Platiau. Cependant, Albert Rossé le présumera disparu à Birkenau

Raoul Platiau meurt à Auschwitz le 5 janvier 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3].

Le 3 juillet 1945, déjà informé du décès de son mari, Marguerite Platiau témoigne dans une procédure d’épuration visant un policier du commissariat de Puteaux qui a frappé son mari lors de son interrogatoires.

Le 8 novembre 1945, deux “45000” de Suresnes rescapés,  Émile Bouchacourt (arrêté dans la même affaire) et Clément Pellerin, signent chacun une attestation certifiant qu’ils ont fait savoir à Madame Platiau que son mari « est décédé en septembre 1942 au camp d’Auschwitz où il a été exterminé comme typhique » (malade du typhus exanthématique). Albert Rossé propose le même mois ; l’imprécision de la date indique qu’il ne s’agit pas d’un témoignage direct.

Le 13 mai 1945, Marguerite Platiau est élue conseillère municipale de Suresnes sous l’étiquette de l’Union des Femmes Françaises (UFF).

Le 15 avril 1946, à la mairie de Suresnes, Marguerite Platiau dépose une demande de régularisation de l’état civil d’un non-rentré auprès du Ministère des Anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG).

Le 11 mai suivant, un officier d’état civil au Ministère des ACVG dresse l’acte officiel de décès de Raoul Platiau, en fixant la date au 1er septembre 1942 « sur la base des éléments d’information figurant au dossier ».

Le 6 juillet 1949, la commission nationale d’homologation du secrétariat aux forces armées-guerre certifie l’appartenance de Raoul Platiau à la Résistance intérieure française au titre de l’organisation Front national en lui attribuant le grade fictif de sergent.

Le 18 décembre 1951, Marguerite Platiau, en qualité de conjointe, remplit et signe un formulaire du Ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant à son mari. Le 3 juin 1954, la commission départementale de la Seine émet un avis défavorable. « S’il est démontré, en effet, que Monsieur Platiau, arrêté pour infraction au décret du 26 septembre 1939, relève du statut des Déportés et Internés politiques, par contre, la relation de cause à effet qui, aux termes de l’article n° 286 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, doit exister entre son appartenance à une organisation de Résistance et sa déportation n’est pas établie ». Le 30 juillet suivant, sa demande fait l’objet d’une double décision du ministère, refusant le titre sollicité, mais accordant celui de Déporté Politique. Entre le 19 août et le 7 octobre, Marguerite Platiau reçoit la carte de déporté politique n° 1101 12339.

En 1967, Marguerite Platiau, non remariée, est domiciliée au 4, avenue de l’abbé-Saint-Pierre, à Suresnes. En 1984, elle habite à Conflans-Sainte-Honorine (78).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Raoul Platiau (J.O. du 27-01-1998).

Notes :

[1] Suresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Paul Couprie semble être le seul a avoir été ramené à Clairvaux à la suite du procès en appel. Le 26 septembre 1941, il est parmi la centaine d’internés de Clairvaux transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne). Il ne semble pas être parmi les détenus transférés à Compiègne le 22 mai 1942… Il ne semble pas avoir été déporté (ne figure pas dans Livre-Mémorial de la FMD).

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Raul Platiau, c’est le 1er septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 384 et 417.
- Claudine Cardon-Hamet, notice consacrée à Émile Bouchacourt, pour Mémoire Vive.
- Archives départementale de Paris, archives judiciaires, registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 14 janvier-12 février 1941.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2373 et 2374) ; liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1577-53734) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 629-19198).
- Archives départementales de l’Eure (AD 27) ; camp de Gaillon, dossier individuel de Raoul Platiau, cote 89 w 6, recherches de Ginette Petiot (message 10-2014)- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996, page 61. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 940 (580/1943).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (4299).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Raoul Platiau, cote 21 P 526 385, recherches de Ginette Petiot (message 10-2014).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, 7-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Roger PINAULT – (46256 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Roger Pinault naît le 28 janvier 1919 à Saint-Denis-en-Val, 4,7 km au sud-est d’Orléans (Loiret – 45), fils de Léon Pinault et de Marie Louis Bouffault, son épouse, domiciliés au lieu-dit La Folie.

Vers 1936, ses parents s’installent au Bourg-Neuf, sur la commune d’Ormes (45) comme cultivateurs.

Au moment de son arrestation, Roger Pinault (21 ans), célibataire, y est toujours domicilié.

Sous l’Occupation, il travaille comme manœuvre (dans quelle entreprise ?) au camp d’aviation d’Orléans-Bricy, aérodrome militaire (base 123) réquisitionné par la Luftwaffe (l’armée de l’Air allemande).

Le 21 mai 1941, dans son rapport hebdomadaire sur le communisme en France, transmit à l’Office central de sécurité du Reich (Reichssicherheithauptamt – RSHA) à Berlin, le service (Amt) IV A 1 de la “Gestapo” de Paris rend compte : « Environ 4000 travailleurs de diverses nationalités, mais essentiellement des Espagnols et des Italiens, sont employés depuis quelque temps sur l’aérodrome militaire de Bricy, à 20 km d’Orléans. Parmi eux se trouveraient de nombreux anciens combattants de l’Espagne rouge et des antifascistes. Selon toute apparence, il n’y a pas encore eu jusqu’à aujourd’hui de contrôle de ces personnes. Nombre d’entre elles n’auraient même pas le moindre papier d’identité. Une enquête confidentielle a révélé qu’une intense propagande orale communiste est menée parmi ces travailleurs et qu’à plusieurs reprises des tracts communistes ont circulé. La police française d’Orléans a été invitée à mettre rapidement en œuvre des mesures pour empêcher la propagande communiste et à mettre fin à cette situation impossible. »

De fait, le 19 avril, le préfet du Loiret avait pris un arrêté d’internement administratif à l’encontre de Roger Pinault et d’André Gaullier (20 ans), d’Ormes, couvreur. Celui-ci – qui diffusait la propagande du Parti communiste clandestin sur son lieu de travail, au camp d’aviation d’Orléans-Bricy – aurait été dénoncé.

Le 21 avril, Roger Pinault est arrêté « à la sortie de son travail » par des gendarmes de la brigade de Cercottes (45), en présence de son camarade Jean Renard, 28 ans.

Ensuite, « en attendant l’installation définitive du camp de Jargeau » (un projet abandonné en ce qui les concerne), les deux jeunes gens sont conduits à la Maison d’arrêt d’Orléans, où se trouve déjà Maurice Graffin, 21 ans, d’Orléans, cimentier, détenu depuis le 12 février.

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En haut à gauche, à côté de la gendarmerie, la maison d’arrêt. En bas à droite, en face de la caserne d’artillerie, la prison militaire. Ville d'Orléans. Plan général de la commune 1/2000e [en 14 feuilles], 1934, feuille n° 3 (1Fi154-5). Extrait.  © Orléans métropole, site internet, archives municipales et communautaires.

En haut à gauche, à côté de la gendarmerie, la maison d’arrêt. En bas à droite, en face de la caserne d’artillerie, la prison militaire.
Ville d’Orléans. Plan général de la commune 1/2000e [en 14 feuilles], 1934, feuille n° 3 (1Fi154-5). Extrait.
© Orléans métropole, site internet, archives municipales et communautaires.

Le 12 juin, tous trois sont finalement transférés au camp français de Choiseul à Châteaubriant (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique), ouvert fin avril et où ils restent internés presque une année ; Roger Pinault – avec sans doute ses deux camarades – est assigné au quartier des politiques, bâtiment 27. Dans ce camp, ils assistent au départ des 27 otages de représailles désignés par l’armée d’occupation pour être fusillés dans la carrière de la Sablière le 22 octobre suivant, parmi lesquels Raymond Laforge, instituteur de Montargis (45), et Raymond Tellier, imprimeur d’Amilly (45), avec d’autres militants, plus ou moins connus, Jean Poulmarc’h, Jean-Pierre Timbauld, Guy Môquet…Le 30 octobre, le sous-préfet de Châteaubriant téléphone au préfet du Loiret pour obtenir des informations sur les trois détenus politiques du camp transférés depuis son département, en lui demandant de les classer dans une des trois catégories suivantes : « dangereux, militants ou anciens militants ». La réponse écrite est transmise le jour même (« anciens militants », sic !). Le 6 novembre, le sous-préfet de Châteaubriant écrit au préfet du Loiret pour lui transmettre une “grille” de renseignements à remplir pour trois « indésirables » loirétains de Choisel (en l’occurrence, des Juifs étrangers) et à compléter pour les trois internés politiques, afin de lui « permettre de répondre à une nouvelle demande des Autorités allemandes [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][…] J’attacherais du prix à recevoir ces renseignements pour le 15 novembre, car je dois les fournir, très complets, aux Autorités allemandes le 20 novembre au plus tard. »
——
Nom et prénoms
Date et lieu de naissance
Domicile
Arrêté le ….. à …..
Motif de l’arrestation.
Autorité ayant ordonné l’arrestation.
Autorité qui a procédé à l’arrestation.
Condamné le …..
Tribunal.
Peine prononcée.
Lieu d’arrestation.
Passé et orientation politique.
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À une date restant à préciser, la Feldkommandantur d’Orléans complète trois fiches-formulaires de « Jeune communiste » concernant Roger Pinault, André Gaullier et Maurice Graffin. Ces fiches sont la traduction exacte des formulaires d’information complétés par l’administration française, à un détail près… Au verso du formulaire allemand figure un item supplémentaire : « Raisons pour lesquelles est présumée l’aptitude particulière à l’exécution : » (Gründe, aus denen die besondere Eignung für die Exekution angenommen wird : ). Les informations collectées visent à établir des listes d’otages pour « expiation » (Sühneliste) [1].Vers le 17 mai 1942 (à vérifier…), les trois jeunes Loirétains sont remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Cependant la fiche d’otage porte, comme seule mention manuscrite (d’ajout ultérieur ?) : « Compiègne 18.4.42 ». Enregistré sous le matricule 3856, Roger Pinault est assigné au bâtiment A5, chambre 7.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roger Pinault est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46256 selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Roger Pinault.

On ignore la date de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943. Il a – au plus – 24 ans. Toutes les archives du camp le concernant semblent avoir disparu, détruites au moment de l’évacuation, en janvier 1945…

À la mi-juillet 1942, comme beaucoup d’autres familles d’internés de Royallieu, Madame Pinault a reçu la carte-formulaire préimprimée en allemand envoyée par l’administration militaire du Frontstalag 122 indiquant que « … le détenu Pinault Roger (rajouté par celui-ci) a été transféré dans un autre camp pour travailler. Le lieu de destination ne nous est pas connu, de sorte que vous devez attendre des nouvelles ultérieures… ».

Le 4 décembre 1942, au Block 7 du Revier de Birkenau, un détenu enregistré sous le matricule 46256 et sous le nom « PUROL » reçoit un comprimé de charbon (Kohle), contre la diarrhée occasionnée par la dysenterie. Il s’agit de la seule mention de ce numéro dans les registres retrouvés.

On ignore la date de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943. Il a – au plus – 24 ans. Toutes les archives du camp le concernant semblent avoir disparu (détruites au moment de l’évacuation, en janvier 1945…).

Début 1943, sa mère s’adresse d’abord à Scapini, ambassadeur de France. L’affaire n’étant pas de son ressort, celui-ci lui suggère de s’adresser à Fernand (de) Brinon, ambassadeur, chef de la délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés, dont les services sont l’intermédiaire obligé pour communiquer avec l’armée d’occupation. Le 13 février 1943, Madame Pinault lui écrit donc pour lui demander de la renseigner sur son cas, sachant qu’elle est sans nouvelles depuis de longs mois. Le 11 mars suivant, la réponse est décevante : « À de nombreuses reprises, et dans des cas analogues, la Délégation Générale s’est efforcée d’intervenir auprès des Autorités Supérieures allemandes afin de connaître le lieu de détention des détenus civils ainsi déportés, et de leur faciliter l’échange de correspondance ainsi que l’envoi de colis. Jusqu’à présent, ces démarches sont restées vaines, et il n’a pas été possible d’obtenir les précisions sollicitées. »

Le 16 juin 1945, peu après la fin de la guerre, Madame Pinault – après avoir lu un article de journal – adresse la même demande au « service de recherche du centre d’accueil des internés déportés politiques ».

Le 13 novembre 1945, André Gaullier, rescapé, signe une attestation dans laquelle il déclare qu’il a connu Roger Pinault « au camp » et indiquant la date précise du 25 novembre 1942 pour son décès.

Le 4 juillet 1946, ses père et mère complètent ensemble un formulaire de demande de régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ».

Le 8 octobre 1946, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) dresse l’acte de décès officiel de Roger Pinault « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour » (certainement le témoignage d’André Gaullier) et en fixant la date au jour indiqué par celui-ci.

Le 20 septembre 1950, le secrétariat d’État aux forces armées-guerre homologue Roger Pinault au titre de la Résistance intérieure française (RIF) pour son appartenance au Front national [2], avec le grade fictif de soldat sergent.

Le 12 janvier 1952, son père, Léon Pinault, en qualité d’ascendant, remplit un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté résistant à son fils. Les rubriques d’informations à compléter sont très peu remplies : manifestement, il n’a pas connu dans le détail les activités clandestines de celui-ci.

Le 9 juin suivant, la Commission départementales des déportés et internés résistants (DIR) émet à l’unanimité un avis défavorable à l’attribution du titre de Déporté résistant, « estimant qu’à la date de l’arrestation, l’intéressé ne pouvait appartenir à la RIF et, par ailleurs, l’attestation du liquidateur du Front national précisant que M. Pinault a été arrêté dans des circonstances inconnues ».

Au cours de l’année 1947, la Commission départementale de contrôle des déportés politiques donne un avis très  favorable – signé de Louis Breton, de la fédération du Loiret de la FNDIRP – à une demande concernant le statut de Roger Pinault, « connu pour son activité anti-allemande, a été arrêté à la suite de sabotage sur la ligne téléphonique Orléans-Bricy ».

Le 26 janvier 1954, le ministère des ACVG décide d’attribuer à Roger Pinault le titre de Déporté politique à titre posthume ; le 12 février, sa carte de DP (n° 1110.09232) est envoyée par la Poste à son père, Léon Pinault, comme ayant cause.

Le nom de Roger Pinault est inscrit sur le Monument aux morts d’Ormes, situé sur la place de la Mairie.

Notes :

[1] Les listes d’otages (Geisellisten) étaient établies par les Feldkommandant au niveau de chaque département, afin de proposer au commandant de leur région militaire ceux qui leur paraissaient devoir être fusillés après un attentat. Ces listes devaient être constamment tenues à jour, du fait des nouvelles arrestations, des exécutions, des libérations et des transferts de prisonniers d’un lieu d’incarcération à l’autre. À la suite de l’avis du 14 décembre 1941, les Feldkommandant eurent également à désigner des otages en vue de leur déportation. Le 6 mars 1942, le mot Geisel fut abandonné au profit de Sühneperson (personne devant être choisie en cas de représailles) : le mot Sühne, possédant une connotation morale, signifie littéralement “expiation”, “réparation”, et est généralement traduit par “représailles” s’agissant de la politique des otages.

[2] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 58-62, 365 et 417.
- La Gestapo contre le Parti communiste, rapport sur l’activité du PCF, décembre 1940-juin 1941, messidor-éditions sociales, collection problèmes-histoire, Paris, novembre 1984, p. 89.
- Archives départementales du Loiret, Centre des archives modernes et contemporaines, cité administrative Coligny, Orléans : Internements administratifs, listes, dossiers individuels et collectifs, correspondance, 1940-1945 (138 W-25856).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Office for information on former prisonniers) : page extraite du registre pharmaceutique de l’hôpital de Birkenau.
- Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Mémorial de la Shoah, Paris : État-major allemand en France, microfiches, XLIV-62, Feldkommandantur d’Orléans.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 p 525-901).
- Site Mémorial GenWeb, 45-Ormes, relevé de Stéphane Protois (11-2005).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

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