Roger POURVENDIER – 46008

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Roger, Ange, Stanislas, Pourvendier naît le 26 juillet 1906 à Caen (Calvados – 14), chez ses parents, Marcel Pourvendier, âgé de 25 ans, employé de chemin de fer, et Marie Mouchel (?), 22 ans, son épouse, domiciliés au 15, rue Saint-Malo.

Le 2 mars 1935, à Fleury-sur-Orne (14), Roger Pourvendier se marie avec Simone Louise Marie Vallerie. Ils ont une fille, Monique Marie-Madeleine, née le 5 juillet 1936 à Caen.

Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 71, rue de Falaise à Caen.

Roger Pourvendier est terrassier à la Compagnie européenne du Gaz, à Caen, de 1934 à son arrestation.

Militant communiste, il appartient à un groupe armé sous l’occupation, d’après un certificat du Front national de libération.

Dans la nuit du 1er au 2 mai 1942, « vers 23 h 30/minuit », Roger Pourvendier est arrêté par la police française accompagnée de soldats allemands ; il figure comme “communiste” sur une liste d’arrestations exigées par la Feldkommandantur 723 de Caen à la suite du deuxième déraillement d’un train de permissionnaires allemands à Moult-Argences (Airan) [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1].

D’abord conduit commissariat central de Caen, il y retrouve son oncle, Marcel Cimier (plus jeune que lui de dix ans), arrêté dans la même opération.

Il est détenu à la Maison centrale de la Maladrerie à Caen, puis, le 4 mai, au “petit lycée” Malherbe, d’où il laisse tomber un message pour avertir sa femme. Celle-ci arrive trop tard pour le voir et lui donner quelques affaires. Elle suit à vélo les camions qui emmènent les détenus à la gare. Il parvient à lui transmettre son alliance et « un bon pour un pneu de vélo ». Le train les emmène en wagons à bestiaux vers le camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Ils y arrivent le lendemain, 5 mai en soirée. Roger Pourvendier y est enregistré sous le matricule 5225.

Entre fin avril et fin juin 1942, Roger Pourvendier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roger Pourvendier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45608 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Roger Pourvendier est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Avec Marcel Cimier, son oncle, Étienne Cardin et Georges Bigot, il est affecté au Block 17 A, et envoyé travailler comme mécanicien dans un garage de voitures personnelles des SS.
Auschwitz-I, le garage. © Cliché Mémoire Vive.

Auschwitz-I, le garage. © Cliché Mémoire Vive.

Mais, ne sachant pas parler allemand, ils en sont évincés par des détenus polonais et envoyés vers des Kommandos plus difficiles. Pendant une période, Roger Pourvendier est affecté avec son oncle au déchargement des wagons, au canal et à la carrière de sable.
Pendant ce temps, sa femme tente une démarche pour obtenir sa libération : il figure au fichier de Brinon [2] (lettre au Préfet du Calvados, 17 mars 1943).
Le 4 juillet 1943, comme les autres “politiques” français (essentiellement des “45000” rescapés), Roger Pourvendier reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis. Sa femme recevra treize lettres lors de sa détention.
À la mi-août 1943, Roger Pourvendier est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11. Pour le partage des colis, Roger Pourvendier fait équipe avec Marcel Cimier, Eugène Baudoin et Maurice Le Gal.
Début octobre, au cours de la quarantaine, Roger Pourvendier déclare la malaria, avec de fortes fièvres. Presque rétabli après trois semaines au Revier (sa première “hospitalisation”), il est transféré, vers le 20 novembre 1943, au KL de Lublin-Majdanek avec d’autres détenus d’Auschwitz qui ont eu cette maladie, comme Marius Zanzi. Avant son départ de son neveu, Marcel Cimier va chercher une photo de la femme et de la fille de celui-ci pour la lui remettre.Roger Pourvendier meurt à Lublin-Majdanek le 25 janvier 1944, selon le témoignage de Marius Zanzi. Ce dernier apprend son décès à Marcel Cimier lorsqu’il passe par Auschwitz après l’évacuation des détenus qui n’ont pas été massacré à Lublin (début août 1944).Le 26 août 1987, à Caen, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1998).

Le nom de Roger Pourvendier est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au fort du Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[2] Fichier de Brinon : ancien journaliste et “ultra” de la collaboration, Fernand de Brinon était Délégué général du gouvernement de Vichy auprès des autorités militaires allemandes d’occupation. Quand des requêtes étaient formulées par les familles des détenus auprès de l’administration française, la Délégation générale les transmettait à la Commission d’armistice (bipartite), après enquête de la police ou de la gendarmerie pour s’assurer des conditions d’arrestation et de l’honorabilité du détenu. Une lettre était ensuite adressée aux familles sous couvert de l’organisme qui en avait fait la demande : elle leur annonçait que l’intervention avait eu lieu et leur faisait part de la réponse fournie par les autorités allemandes.

Ainsi, un très grand nombre de fiches de la Délégation générale portent le nom de “45000” ; surtout après le départ du convoi, le 6 juillet 1942, et l’absence de nouvelles résultant de leur statut “NN”.

La plupart de ces fiches se trouvent dans les dossiers d’état civil des déportés conservés au BAVCC (anciennement archives du secrétariat d’État aux Anciens Combattants).

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, pages 70, 73, 81, notice par Claudine Cardon-Hamet page 125.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 361 et 417.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 130 (n° 53) et 138.
- Journal de Marcel Cimier, Les incompris, publié en 1995 par les archives départementales et le conseil général du Calvados dans un recueil de témoignages rassemblés par Béatrice Poule dans la collectionCahiers de Mémoire sous le titre Déportés du Calvados (pages 82-115) ; note n° 6, page 83.
- Archives départementales du Calvados, archives en ligne ; état civil de Caen, registre des naissances, année 1906 (cote 4 E 11263), acte n° 519 (vue 144/275).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-09-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Maurice POURSAIN – (46007 ?)

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IDENTIFICATION INCERTAINE… Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne. Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Maurice Poursain naît le 18 avril 1915 à Paris 11e, chez ses parents, Georges Poursain, 39 ans, souchier aux Halles de Paris (à la Maison Nicolas, 27 rue Berger), et Louise Baillet, 33 ans, son épouse, domiciliés au 114 rue du Chemin Vert ; il a un frère aîné, Robert Poursain, né le 11 octobre 1911 à Paris 10e.

Au cours de la Première guerre mondiale, son père, qui avait été réformé n° 2 en août 1902 pour fracture de la jambe gauche, « cal volumineux et dévié », est classé “service armé” et  “récupéré”, rejoignant le 34e régiment territorial d’Infanterie le 29 mars 1915. Il est renvoyé dans ses foyers en janvier 1919.

En mai 1920, la famille vient s’installer au 38, rue de la République à Saint-Mandé [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Val-de-Marne – 94) ; aujourd’hui avenue du Général de Gaulle, face à l’esplanade de la mairie.

Saint-Mandé, l’avenue de la République, dans les années 1900. La façade du n° 38 apparaît au centre, derrière et au-dessus de l’automobile en stationnement. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Saint-Mandé, l’avenue de la République, dans les années 1900.
La façade du n° 38 apparaît au centre, derrière et au-dessus de l’automobile en stationnement.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Georges Poursain, militant puis secrétaire du Syndicat des employés de l’Épicerie du département de la Seine avant guerre (1er rapport du 3 décembre 1909…), conseiller prud’homme des épiciers, après avoir appartenu au Parti socialiste (SFIO) en 1919, rejoint le Parti Communiste et devient secrétaire de la section locale en 1921.

En février 1923, il est trésorier général du Syndicat unitaire des travailleurs des Halles et parties similaires (fruits et légumes).

Au printemps 1927, il est membre de la cellule des Halles (n° 241), dont le siège est au restaurant de la Grille, 121 rue Montmartre, rattachée au 1er rayon de la Fédération parisienne du PC. Le 5 mai (1927), vers 18 h 45, aux abords des magasins de la Samaritaine, alors qu’avec cinq autres militants syndicaux il procède à la vente du journal L’Inter-Magasins, il est interpellé par la police et conduit au commissariat du quartier Saint-Germain-l’Auxerrois, d’où il est relaxé après vérification d’identité (sans suite judiciaire).

Au printemps 1929, il est secrétaire conseiller juridique du Syndicat général de l’Alimentation de la région parisienne. En juin 1937, il est délégué permanent du syndicat.

Georges Poursain sera tête de liste communiste lors des élections municipales de mai 1929 à Saint-Mandé, sans succès, puis encore candidat lors des élections complémentaires des 25 et 30 août 1936.

Au moment de son arrestation, le jeune Maurice Poursain, 25 ans et célibataire, est domicilié chez ses parents.

Il est opticien.

Pendant un temps, il est secrétaire des jeunesses communistes de Saint-Mandé.

En 1939, à la déclaration de guerre, son père, Georges, est secrétaire du syndicat et secrétaire de la commission de contrôle de la Fédération de d’Alimentation. En octobre 1939, lors d’une réunion tenue à Orléans, il est – avec une dizaine de camarades – exclu comme communiste du Comité national de l’Alimentation, mais reste néanmoins membre du syndicat et employé appointé comme permanent.

Mobilisé, le fils aîné, Robert, 30 ans, est fait prisonnier de guerre. Il s’évadera d’Allemagne pour revenir en France…

Le 26 juillet 1940, Georges Poursain est arrêté par des inspecteurs de la police judiciaire à la permanence du Syndicat général de l’Alimentation de la région parisienne, au 5 rue Sauval à Paris 1er, en même temps que René Gondol, pour confection de tracts communistes (lors de la perquisition des locaux, la police enlève dans les bureaux une machine duplicateur Gestetner électrique). Georges Poursain est incarcéré à la Maison d’arrêt de la Santé, Paris 14e, « à la disposition des autorités allemandes ».

Le 14 novembre 1940, le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif en application des décrets du 18 novembre 1939 et du 3 septembre 1940, dans « l’Établissement d’Aincourt » (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre précédent dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Il y est enregistré le 21 novembre. À une date restant à préciser, il sera transféré au camp de Voves (Eure-et-Loire).

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 2 décembre, le commissaire de Vincennes demande la collaboration d’un inspecteur de la brigade spéciale n° 1 des Renseignements généraux pour perquisitionner au domicile des Poursain : « Ayant découvert un tract, des brochures et des emblèmes, [le jeune Maurice] a été amené au service et conduit au dépôt en vue de son transfert au camp d’Aincourt où son père est déjà interné ». Le même jour, le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant l’internement administratif de Maurice Poursain, considéré lui aussi comme un « meneur communiste actif ». Le 6 décembre, il est conduit au centre de séjour surveillé d’Aincourt.

L’administration du camp lit systématiquement la correspondance des détenus et y relève toutes les informations concernant leur état d’esprit à titre individuel ou collectif. Le 12 juillet 1941, après l’invasion de l’URSS par le Reich, le directeur du CSS d’Aincourt adresse un rapport au préfet de Seine-et-Oise avec plusieurs extraits des lettres interceptées en lui faisant « connaître que, depuis la guerre germano-soviétique, [il] communique tous les matins, à Laurent Darnar, la presse parisienne. Ce dernier fait un extrait succinct et objectif des informations que[le directeur fait] afficher ensuite à l’intérieur du Centre. Ce procédé représente l’avantage de [lui] éviter toute critique personnelle dans la rédaction de ce communiqué et a fini de discréditer complètement l’interné Laurent Darnar aux yeux de ses anciens camarades… ». Le 26 juillet, le préfet de Seine-et-Oise écrit à Joseph Darnand, ministre secrétaire d’État à l’Intérieur, pour lui transmettre « les réactions suscitées par ce communiqué ». Georges Poursain a écrit : « …nous sommes à l’affut des nouvelles extérieures, car nous croyons que c’est notre sort qui se joue en ce moment et nous donne de l’espoir ».

Le 23 septembre 1941, Robert Poursain, prisonnier de guerre évadé qui vit en hôtel au 7 rue du Poteau à Paris 18e, est arrêté dans des circonstances restant à préciser. Trouvé porteur de faux papiers, il est envoyé au dépôt de la préfecture de police quatre jours plus  tard, inculpé d’infraction à la loi du 27 octobre 1940 (article 156 du Code pénal) ; suites inconnues…

Le 9 mai 1942, Maurice Poursain est parmi les quinze internés d’Aincourt remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Maurice Poursain est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46007, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Maurice Poursain se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Maurice Poursain.Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).

Le 18 novembre 1943, son père, Georges Poursain, est transféré au camp de Pithiviers (Loiret).

Libéré par le directeur du camp le 10 août 1944 en raison de l’approche des troupes alliées, Georges Poursain est désigné par le Comité local de Libération de Saint-Mandé comme vice-président et troisième adjoint de la délégation spéciale chargée d’administrer provisoirement la commune. Il conserve son siège de conseiller municipal en mai 1945, puis est réélu le 19 octobre 1947 et le 26 avril 1953.

Le nom de son fils, Maurice Poursain, est inscrit sur la plaque apposée dans le hall de la mairie de Saint-Mandé et dédiée à ses habitants morts pour la France (pas de plaque sur l’immeuble où il a habité, au 38 avenue de Général de Gaulle, en face de la place Charles Digeon, anciennement place de la Mairie).

Le nom de Maurice Poursain également inscrit sur le monument aux morts comme syndicaliste.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1998).

Notes :

[1] Saint-Mandé : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail”. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés montent dans des camions qui les conduisent à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

V Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 389 et 417.
V Claude Pennetier, notice de Georges Poursain, in Le Maitron en ligne, Université Paris 1.
V Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941, 4e trim. 1940 (BA 2397) ; archives des Renseignements généraux de la préfecture de police (consultation sur écran), brigade spéciale anticommuniste, registre des affaires traitées 1940-1941 (G B 29) ; dossier individuel de Georges Poursain à la préfecture de police (1 W 1758-102480) ; registre de main-courante du commissariat de la circonscription de Vincennes, 1939-1941 (C B 103-63).
V Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux (78), camp d’Aincourt ; cotes 1W148, 1W71, 1W76, 1W80 (recherches de Claude Delesque).
V Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 961 (31901/1942).
V Site Mémorial GenWeb, 94-Créteil, relevé de Bernard Laudet (2000-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Émile POUPLEAU – 46006

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Émile, André, Pierre, Joseph, Poupleau naît le 7 juillet 1907 chez ses grands-parents maternels à Bourges (Cher), fils d’Émile Poupleau, 25 ans, ajusteur, (décédé au moment de son arrestation) et d’Amélie Zolg, 24 ans, couturière, son épouse, demeurant à Saint-Denis (Seine / Seine-Saint-Denis). Les témoins pour l’enregistrement du nouveau-né, présenté à l’état-civil par la sage-femme qui l’a mis au monde en l’absence du père, sont ses deux grands-pères, respectivement ajusteur et tourneur à Bourges.

Le 29 août 1931, à Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine – 92), Émile Poupleau se marie avec Noëlle Gabrielle Huss, née le 28 septembre 1912 à Malo-les-Bains (Nord). Ils ont une fille, Renée, née le 9 septembre 1934.

Au moment de son arrestation, Émile Poupleau habite avec sa mère au 36, rue Arago à Puteaux [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (92) ; peut-être le couple est-il séparé, mais sans avoir divorcé (?).

Émile Poupleau est menuisier. Il adhère au syndicat « de sa corporation » sans y avoir d’activité particulière.

Il adhère au Parti communiste en 1938.

Mobilisé le 26 août 1939, il est “affecté spécial” à l’usine du Moulin Noir à Nanterre (92) le 14 novembre suivant.

En dernier lieu, il travaille à la maison Vélo-Car Mochet, sise au 68, rue Roque-de-Fillol à Puteaux.

Le 26 ou 27 janvier 1941, Émile Poupleau est arrêté dans son atelier d’entreprise par les services du commissariat de la circonscription de Puteaux. Au cours de son interrogatoire, il reconnaît avoir distribué à trois reprises des tracts communistes qu’il disposait sur la voie publique à la vue et à portée de main des passants.

Le 13 février, les services de la préfecture de police rendent compte qu’ « au terme d’une série d’enquêtes et de multiples surveillances », ils ont appréhendé 26 militants pour « recrutement d’éléments susceptibles de participer d’une manière particulièrement active à l’organisation de la propagande communiste clandestine à Puteaux » et confection, répartition et diffusion du « matériel de propagande (tracts, papillons, placards) », parmi lesquels André Arsène Bisillon, Louis Leroy et Lucien Pairière, qui seront déportés avec lui.

À l’exception de deux d’entre eux, tous les hommes arrêtés sont inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939, et conduits au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité), à disposition du procureur de la République. Le 1er février 1942, Émile Poupleau est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e) sous mandat de dépôt d’un juge d’instruction.

Le 12 février 1942, Émile Poupleau bénéficie d’une mise en liberté provisoire pour raison de santé (voir ci-dessous). Mais, amené à la préfecture de police le lendemain, il est de nouveau conduit au Dépôt en attendant son transfert dans un camp d’internement. Le 21 février suivant, la préfecture de police propose au ministère de l’Intérieur de lui faire application du décret du 18 novembre 1939 visant les individus dangereux pour la Défense nationale et la sécurité publique, lequel donne son accord. Le 26 mars, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif. Pendant un temps, Émile Poupleau reste détenu dans la grande salle du Dépôt.

Le 12 avril, il écrit au procureur de la République : « Ayant perdu plus de 35 kg pendant mon incarcération, anémié au plus haut degré et, en plus, atteint de la gale, je fus, le 13 février dernier, sur le rapport de Monsieur le Docteur Paul, médecin légiste, et par ordre de Monsieur Pottier, juge d’instruction, mis en liberté provisoire […] les conditions alimentaires et […] d’hygiène qui [me sont faites au Dépôt] étant pires que celles subies à la Maison d’arrêt de la Santé […] Visité régulièrement par Messieurs les Docteurs en service au Dépôt, ceux-ci diagnostiquent à cause fois une gale infectée, sans que je reçoive pour cela les soins que réclame une telle maladie, ma situation pécuniaire ne me permettant point l’achat des médicaments nécessaires à ces soins. J’ai donc l’honneur, Monsieur le procureur, de venir solliciter votre haute intervention à seule fin que je puisse enfin recevoir les soins que nécessite mon lamentable état de santé, soit en me faisant hospitaliser, soit en me faisant donner des soins énergiques et tout autres que ceux que je reçois présentement et qui consistent à être purement et simplement consigné sur le cahier de visite… »

Le 16 avril, Émile Poupleau fait partie d’un groupe de détenus enregistrés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il reçoit le matricule n° 67.

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Entrée du camp de Voves.
Date inconnue, probablement après mars 1943.

C’est seulement le 30 avril que l’avocat général près de la Section spéciale de la Cour d’appel de Paris transmet au Préfet de police sa requête du 12 avril concernant son mauvais état de santé…

Le 10 mai, Émile Poupleau fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il y est enregistré sous le matricule n° 5753. Il est possible qu’il puisse écrire à son épouse vers la fin du mois de mai, date à laquelle celle-ci semble avoir eu de ses nouvelles pour la dernière fois.

Le 9 juin, le préfet d’Eure-et-Loir écrit au directeur du CCS de Voves pour lui fait savoir que l’avocat général près la section spéciale de la cour d’appel de Paris demande le transfert et la mise à disposition de l’interné administratif Poupleau Émile pour sa comparution aux audiences prévues les 15-17 et 19 juin suivant, la gendarmerie étant prévenue d’avoir à assurer ce transfert avec une escorte de deux gendarmes. À cet effet, le préfet émet un bon de transport aller et un bon retour pour un voyage en train entre Voves et Paris. Deux jours plus tard, le 11 juin, le directeur du CCS de Voves répond au préfet d’Eure-et-Loir que « l’interné Poupleau Émile a été pris en charge par l’armée d’occupation le 10 mai » précédent.

Entre fin avril et fin juin 1942, Émile Poupleau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942, la Section spéciale de la Cour d’appel de Paris chargée de la répression des menées communistes commence l’examen de l’affaire dans laquelle Émile Poupleau a été inculpé. Mais son cas est disjoint, ainsi que celui de Lucien Pairière, pour cause d’absence !

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sélectionnés du Frontstalag 122 sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Émile Poupleau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46006 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [2]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Émile Poupleau.

Il meurt à Auschwitz le 17 août 1942, d’après le registre d’appel du camp (Stärkebuch), tenu par des détenus polonais sous l’autorité de l’administration SS. Ce jour-là, 29 autres “45000” sont portés décédés ; probablement à la suite d’une séance de désinfection à Auschwitz-I (coups, manque de sommeil…).(aucun des douze “45000” de Puteaux n’a survécu)

Le 26 septembre 1946, le nom, le matricule et la date de décès à Auschwitz d’Émile Poupleau figurent sur la Liste officielle n° 3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée par le ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre (ACVG).

Le 1er août 1947, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère ACVG dresse l’acte de décès officiel d’Émile Poupleau « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour », en indiquant la date enregistrée au camp.

Le 5 juin 1952, la commission d’homologation de la Résistance intérieure française (RIF) refuse l’homologation d’Émile Poupleau au motif que son activité résistante n’est pas démontrée.

Le 17 mars 1955, Noëlle Poupleau complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution à son mari du titre de Déporté Résistant. Le 27 octobre, la commission départementale émet un avis défavorable au motif que la « matérialité des actes de résistance invoqués » et le « lien de cause à effet » sont insuffisamment établis, en ajoutant que la demandeuse peut prétendre au bénéfice du statut des Déportés Politiques. Le 28 février 1956, la commission nationale des déportés et interné politiques émet un avis favorable, suivie le 21 mars suivant par le ministère, qui notifie sa réponse à Madame Poupleau le 11 avril, en lui envoyant la carte n° 1101.20195.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès d’Émile Poupleau (J.O. du 27-01-1998).

Notes :

[1] Puteaux : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert effectif en janvier 1968).

[2] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin “Après Auschwitz”, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 383 et 417.
- Archives départementales du Cher, archives en ligne : registre des naissances de Bourges, année 1907 (3E 5918), acte n° 393 (vue 198/407).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel des RG (77 W 222-128961) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 662-18343).
- Comité du souvenir du camp de Voves : liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir ; dossier d’Émile Poupleau (106 W).
-  Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1571 (Stb. 2, 355-360).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Poupleau Émile (21 P 527.504), recherches de Ginette Petiot (message 01-2019).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-01-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Marcel POULLAIN – 46005

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Marcel, Léon, Auguste, Poullain naît le 8 octobre 1904 à Saint-Denis [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), chez ses parents, Auguste Poullain, 20 ans, ajusteur, et Joséphine Blin, 18 ans, tailleuse d’habits, domiciliés au 3, rue Franklin. Le couple se marie le 5 novembre suivant.

Le 6 octobre 1906, son père est appelé à accomplir son service militaire comme soldat de 2e classe au 65e régiment d’infanterie. Le 1er mars 1908, il passe dans la disponibilité, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire au 16 rue des Ursulines à Saint-Denis.

En mai 1908, la famille habite au 30 rue Thiers à Boulogne-Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine). Début août 1908, ils sont au 25 rue Appert à Chantenay (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique – 44). En février 1910, ils sont au 11 rue Raspail à Nantes (44).

Marcel a une sœur, Renée, née en 1913 à Chantenay, et deux frères, Auguste, né en 1909, et Germain, né en 1918, tous deux à Nantes.

Le 3 août 1914, Auguste Poullain père est rappelé à l’activité militaire. Quatre jours plus tard, il part aux armées avec le 265e R.I. Le 28 août, il est évacué pour blessure de guerre. Deux jours après, il est admis à l’hôpital Desrumes de Lille (Nord). En septembre, il rentre au dépôt de son unité. Le 18 novembre, il est détaché aux Établissements Courtaud-Garnier à Nantes. Puis, du 16 mai 1917 au 13 février 1919, il est détaché aux Aciéries nantaises. Le lendemain, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire au 43 rue Raspail à Nantes.

En 1921, Marcel est ajusteur chez Desbois (?).

Le 18 mai 1923, Auguste Poullain père, âgé de 38 ans, décède à Nantes, section de Chantenay.

Marcel Poullain effectue son service militaire dans la Marine nationale, avec Brest pour port d’attache (à vérifier…).

Le 16 janvier 1930 à à Pierrefitte-sur-Seine [1] (93), Marcel Poullain épouse Henriette Lepée, née en 1912 à Chavagne-les-Eaux (Maine-et-Loir) ou (Côte-d’Or). Ils auront un enfant.

En 1932, Marcel Poullain est domicilié au 119 avenue du Général Gallieni à Pierrefitte. Il est alors manœuvre.

Puis pendant un temps, Marcel Poullain est cantonnier de la ville de Pierrefitte.

En 1933-1934, Marcel Poullain est domicilié au 20 rue Maurice David.  En 1935, Marcel Poullain est domicilié au 10 rue Émile. En 1936-1937, Marcel Poullain est domicilié au 8 rue Armand Brette à Pierrefitte.

La police française le désigne comme un communiste notoire ; avant guerre, il est secrétaire de la cellule 932, section de Pierrefitte de la région Nord du Parti communiste.

Au moment de son arrestation, Marcel Poullain est domicilié au 10, impasse du Quartier Neuf à Pierrefitte. Il ne parvient plus à payer son loyer à partir d’octobre 1939.

En septembre 1939, il est mobilisé au 173e D.B.A. En juin 1940, il est fait prisonnier à Meaux. Mais « réformé par les autorités allemandes en tant que grand malade », il est libéré le 1er août suivant, à la condition (?) de travailler chez un cultivateur de Pierrefitte qui l’emploie effectivement du 6 au 24 août ; à Auschwitz, il sera enregistré comme « ouvrier agricole » (Landarbeiter). Le 1er septembre, il quitte cet emploi pour raison de santé et se fait inscrire au fonds de chômage de Pierrefitte. Mais, le 28 septembre, il en est radié pour situation militaire irrégulière. Le mois suivant, toujours chômeur, il ne touche aucun secours. Il se présente alors à la mairie pour faire « du scandale ». Le maire de Pierrefitte, qui le croit en infraction à ses conditions de liberté comme prisonnier, le signale aux autorités allemandes. Le 7 octobre, le président des anciens combattants de Pierrefitte se présente à son domicile accompagné de deux soldats allemands pour vérifier sa situation et le faire arrêter le cas échéant. Mais, en fin de compte, Marcel Poullain n’est pas inquiété.

Selon un rapport du 31 octobre, la police ne lui connaît aucune propagande ouverte en faveur du Parti communiste, et estime que c’est par erreur qu’il a été signalé comme ayant déposé le cahier de revendication des chômeurs à la mairie de 2 octobre. Mais, un nouveau rapport daté de janvier 1941 modifie le regard porté sur lui : « De l’enquête effectuée, il ressort qu’il n’a rien renié de ses idées révolutionnaires et qu’il aurait, dans le courant d’octobre, distribué des tracts et collé des papillons dans le quartier de Joncherolles. D’autre part, on apprend qu’il est en relations suivies avec son frère, Poullain Auguste, demeurant 4 passage Meunier à Saint-Denis (objet d’un rapport séparé), qui est un communiste extrêmement actif, ancien responsable du responsable du service d’ordre de la région Nord de l’ex-Parti communiste, organisateur des équipes de distributions de tracts, collage d’affiches, papillons et inscriptions murales, et agent de liaison entre les différents responsables du travail illégal. » Un ajout visiblement ultérieur sur ce rapport conclue : « Poullain Marcel fera l’objet prochainement d’une mesure d’internement en application du décret du 18 novembre 1939. »

Apprenant qu’il est menacé d’arrestation, Marcel Poullain part se cacher. Puis, pensant que le risque est passé, revient chez lui. Une source policière ultérieure mentionne une dénonciation par le maire de Pierrefitte.

Finalement, il est arrêté le 25 juin 1941, en sortant de son domicile, par des agents du commissariat de police de la circonscription de Saint-Denis. Le préfet de police a signé l’arrêté ordonnant son internement administratif « en application du décret du 18 novembre 1939 ». Mais, en réalité, il est pris dans le cadre d’une vaste opération menée en concertation avec l’occupant. En effet, pendant quelques jours, plusieurs dizaines de militants de Paris et de la “petite couronne” arrêtés dans les mêmes conditions sont aussitôt conduits dans la cour de l’Hôtel (de) Matignon [2], alors désigné comme siège de la Geheime Feldpolizei (GFP), pour y être “mis à la disposition des autorités d’occupation” [3]. Tous sont ensuite regroupés au Fort de Romainville, sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément du Frontstalag 122 ; considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp. Le lendemain, ils sont conduits à la gare du Bourget et un train les transporte à Compiègne (Oise), où ils sont parmi les premiers internés du camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Polizeihaftlager – extension du Frontstalag 122) [4].

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Craignant d’être arrêtée à son tour, son épouse part se cacher avec leur enfant.

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Poullain est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Poullain est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46005 (la photo du détenu portant ce matricule a été identifiée par comparaison avec un portrait conservé par sa famille).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcel Poullain.

Il meurt à Auschwitz le 16 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2] ; la cause mentionnée – très probablement mensongère – est : « inflammation rénale » (Nierenentzündung).

En France, l’état civil enregistre le décès de Marcel Poullain à la date du 31 décembre 1942.

En 1946, sa veuve réside au 19 rue Bellegrand à Avallon (Yonne).

Au printemps 1948, sa mère, domiciliée au 28 rue de Paris à Pierrefitte, dépose une demande de pension de victime civile.

Au printemps 1949, sa veuve dépose à son tour une demande de pension.

Au printemps 1965, elle dépose une demande d’attribution du titre de Déporté résistant.

Le nom de Marcel Poullain est inscrit sur le Monument aux morts de Pierrefitte-sur-Seine, situé dans le cimetière communal.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. 27-01-1998).

Son frère Auguste, domicilié à Saint-Denis, est un militant actif du Parti communiste avant-guerre, responsable du service d’ordre pour la protection des meetings et réunions, notamment au cours des campagnes électorales des années 1935-1937. Sous l’occupation, il se sait menacé et part se cacher en Bretagne. Au cours de l’hiver 1942, pour échapper à une arrestation, il traverse une rivière à la nage. Resté trop longtemps dans ses vêtements trempés et glacés, il tombe gravement malade. Transporté dans un hôpital à Paris, il succombe à des complications pulmonaires le 25 décembre 1942.

Sources :

[1] Saint-Denis et Pierrefitte-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’hôtel Matignon, 57 rue de Varenne (Paris 7e) : le 8 septembre 1940, les Renseignements généraux de la préfecture de police constatent la réquisition de l’hôtel pour le bureau de cantonnement des hommes de la police militaire secrète : Geheime FeldpolizeiDienstelleMänner-Unterkunft (source : Cécile Desprairies, Paris dans la Collaboration, éditions du Seuil, mars 2009, page 268).

[3] L’ “Aktion Theoderich” : Le 22 juin 1941, l’attaque de l’Union soviétique se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.
En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés en zone occupée par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.
Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Les autorités d’occupation opéreront un tri et certains seront libérés. Mais, fin août, deux cents d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[4] Les arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, trois témoignages :
Jean Lyraud (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Le 26 juin, à 5 heures du matin, il est réveillé par des policiers français : « Veuillez nous suivre au poste avec une couverture et deux jours de vivres. » Un autobus le prend bientôt avec trois autres personnes arrêtées. Le véhicule fait le tour des commissariats de Montreuil et du 11e arrondissement. Après un crochet à l’hôtel Matignon où les “internés administratifs” sont livrés à l’armée d’occupation, c’est le transport jusqu’au Fort de Romainville où ils passent la nuit dans les casemates transformées en cachots. « Le lendemain 27 juin dans l’après-midi, nous embarquons en gare du Bourget dans des wagons spéciaux pour Compiègne. Nos gardes ont le revolver au poing et le fusil chargé, prêts à faire feu. Dans la soirée nous arrivons au camp. Quelques jours après, d’autres contingents de la région parisienne nous rejoignent. »
Henri Pasdeloup (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943), cheminot de Saint-Mihiel (Meuse), est arrêté le 23 juin 1941 par la Gestapo qui le conduit à la prison de la ville. Le 27 juin, avec d’autres détenus emmenés à bord de deux cars Citroën, il arrive devant le camp de Royallieu vers 16 h 30 : « À l’arrivée face au camp, nos gardiens nous font descendre. Alignement sur la route, comptages et recomptages. En rangs par trois nous passons les barbelés… À 19 heures, environ 400 prisonniers en provenance de la région parisienne entrent en chantant L’Internationale… Le lendemain 28 juin, réveil à 7 heures : contrôle d’identité, toise, matricule. J’ai le numéro 556. Pour notre groupe de la Meuse, cela va de 542 à 564. Ceux de la région parisienne, bien qu’arrivés après nous, sont immatriculés avant… »
Henri Rollin : « Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention “communiste”, soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[5] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Marcel Poullain, c’est le 31 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 385 et 417.
- Messages de Philippe Arnal, son petit-neveu (05 et 07-2009).
- Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue, une histoire, Les éditions de l’Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004 ; sur Auguste Poullain, Saint-Denis, page 179.
- Sachso, Amicale d’Orianenburg-Sachsenhausen, Au cœur du système concentrationnaire nazi, Collection Terre Humaine, Minuit/Plon, réédition Pocket, mai 2005, page 36 (sur les arrestations du 26 juin 1941).
- Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 90-29702).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès à Auschwitz (36169/1942).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 961.
- Site Mémorial GenWeb, 93-Pierrefitte-sur-Seine, relevé d’Alain Claudeville (10-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-06-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Georges POULARD – 46004

JPEG - 75.3 ko
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Georges, Eugène, Arsène, Poulard naît le 20 mars 1903 à Croisilles (Calvados – 14), chez ses parents, Arsène Poulard, 25 ans, et Eugénie Mullois, 24 ans, tous deux “journaliers”. Le 6 novembre 1905, naît son frère Marcel. L’année suivante, tous sont domiciliés au lieu-dit La Pillière. À cette époque, leurs parents hébergent également Victorine Groult, leur arrière-grand-mère maternelle. En 1911, la famille n’habite plus à cette adresse, et Arsène Poulard déclare habiter à Martigny(-sur-l’Ante ?), chez Monsieur Bellivet.

Arsène est père de six enfants vivants. Rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale, il est affecté à la R.A.T. (réserve de l’armée territoriale). Le 14 septembre 1916, il est renvoyé dans ses foyers. Le 8 février 1918, le tribunal de Falaise le condamne à un mois de prison avec sursis pour pour « privation des soins et d’alimentation envers des enfants âgés de moins de 15 ans révolus ». À une date restant à préciser, Georges Poulard devient pupille de l’Assistance publique.

En août 1920, son père, Arsène Poulard, déclare habiter de nouveau à Fresney-le-Vieux, et, en novembre 1921, il habite seul à Fontaine-le-Pin (14), chez un pépiniériste pour lequel il travaille comme bûcheron.

Début 1928, Georges Poulard, 24 ans, habite à Saint-Germain-le-Vasson (14) et travaille comme “journalier”.

Le 7 février de cette année, à la mairie de cette commune, il se marie avec Marguerite Debaize, née le 20 septembre 1901 à Bons-Tassilly (14), domestique, domiciliée à Falaise (14). Ils n’auront pas d’enfant.

Au moment de son arrestation, Georges Poulard est domicilié rue de l’église à Rocquancourt (14).

Georges Poulard est manœuvre (dans quelle entreprise ?).

Son épouse le décrit ainsi : taille 1m65, un visage ovale sans moustache, avec des tatouages aux bras et aux pieds, un autre dans le dos représentant Constantinople.

Le 2 mai 1942 à 4 heures du matin, Georges Poulard est arrêté à son domicile par des gendarmes français de la brigade de Bretteville-sur-Laize : il figure comme “communiste” sur une liste d’arrestations exigées par la Feldkommandantur 723 de Caen à la suite du déraillement d’un train de permissionnaires allemands à Moult-Argences (Airan) [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]. Il est conduit à la Maison centrale de la Maladrerie à Caen. Le 3 mai, remis aux autorités d’occupation, il est emmené au “petit lycée” où sont rassemblés les otages du Calvados. Le 4 mai au soir, il fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandise de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai, en soirée.

Entre fin avril et fin juin 1942, Georges Poulard est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). La dernière nouvelle que sa famille a de lui date du 5 juillet.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Georges Poulard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46004 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée [2]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Georges Poulard est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I ;  selon le témoignage ultérieur de Marcel Cimier, de Caen.

Il meurt à Birkenau le 17 août 1942, selon deux registres du camp (cette date sera enregistrée par l’état civil français dès le 26 février 1947).

Le 1er octobre 1945, André Montagne, de Caen, rescapé, écrit à la famille de Georges Poulard pour témoigner de la disparition certaine de celui-ci avant l’été 1943. Vers le 17 octobre, Marcel Cimier, de Cabourg, confirme son décès à son épouse. Dans un courrier du 10 novembre, un certain « Punies » (selon la transcription de la signature par un employé de mairie), de Cabourg – très probablement Marcel Cimier ! – précise que Georges Poulard était dans le groupe des 600 restés à Birkenau.Après la guerre, Marguerite Poulard, son épouse habite à Bazoches-en-Houlme (Orne). Elle décède à Saint-Germain-Langot (14) le 15 janvier 1977.

Le 26 août 1987, à Caen, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Georges Poulard (J.O. du 27-01-1998).

Son nom est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total, plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[2] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, page 70, notice par Claudine Cardon-Hamet page 128.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 361 et 417.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 132 (n° 52) et 138.
- Documents administratifs et d’état civil transmis par Bernard Debaize, son neveu (?) (09-2008).
- Béatrice Poulle, conservateur aux Archives départementales du Calvados, Les cahiers de Mémoire : déportés du Calvados, textes publiés par le Conseil Général du Calvados, 1995, notes sur les souvenirs de Marcel Cimier, Les incompris, p. 93.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 961 (21323/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-08-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Gentil (Clément ?) POTIER – 46003

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Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Gentil, François, (Clément ?) Potier naît le 22 juin 1895 à Saint-Nazaire (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]), chez ses parents, André Potier, 39 ans, chauffeur, et Joséphine Legeay, 36 ans, son épouse, domiciliés au 69, rue des Caboteurs. Il a – au moins – une sœur aînée, Joséphine Marie, née le 2 mars 1894 à Saint-Nazaire.

Gentil François Potier reste à l’école jusqu’à l’obtention de son certificat d’études primaires, puis commence à travailler comme manœuvre. Il habite alors chez ses parents au 8, rue des Halles à Saint-Nazaire.

Le 8 septembre 1915, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 64e régiment d’infanterie. Il monte au front le 19 janvier 1916. Le 23 février suivant, il est “évacué” pour maladie. Le 21 juin, il passe au 154e R.I., « aux armées ». Le 17 juillet, il est de nouveau évacué pour maladie et rejoint son unité le 1er octobre. Le 11 octobre 1916, à Sailly-Saillissel (Somme), il est blessé par un éclat d’obus qui lui cause une plaie en séton à la cuisse droite. Il semble pourtant rester au front jusqu’au 30 décembre suivant. Il est à l’« intérieur » jusqu’au 20 septembre 1917, passant au 2e R.I. le 12 juin de cette année. Il est de nouveau évacué pour maladie le 20 mai 1918. Le 16 septembre 1919, il est « mis en congé illimité de démobilisation » et se retire au 8, rue des Halles à Saint-Nazaire, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 10 avril 1920, à Saint-Nazaire, Gentil Potier se marie avec Célestine Le Hazif, née le 25 septembre 1897 à Locminé (Morbihan). Ils auront deux enfants, Gentil Roger (dit Roger), né le 7 septembre 1921 à Saint-Nazaire, et Monique Suzanne, née vers 1936 (âgée de 5 ans en avril 1941).

Gentil Potier est serrurier.

En 1921, sa sœur Joséphine, devenue épouse Batard, couturière, emménage au 35, rue du Pont-de-Créteil à Saint-Maur-des-Fossés [2] (Seine / Val-de-Marne) ; près de la gare Saint-Maur-Créteil.

En janvier 1925 et jusqu’au moment de son arrestation, Gentil François Potier est domicilié au 29, rue du Pont-de-Créteil.

En mai 1937, dans l’armée de réserve, il est classé “affecté spécial” aux Établissements Duvivier et Compagnie. Son dernier emploi (?) est “ouvrier spécialisé” (riveur) aux usines Citroën, quai de Javel à Paris 15e.

Avant-guerre, il est membre de la cellule du Vieux-Saint-Maur du Parti communiste, secrétaire des CDH (Comité de défense de L’Humanité, quotidien du PCF) de Saint-Maur, et membre de la cellule d’entreprise des usines Citroën. Son fils Roger serait adhérent des Jeunesses communistes, dont le cercle de Saint-Maur a pour secrétaire Jean Pierre Radiguet (né le 7 juillet 1922). Joséphine, sœur de Gentil François, est adhérente du Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme.

Le 27 août 1939 – quatre jours après la signature du pacte germano-soviétique -, Gentil François Potier est arrêté par des inspecteurs du commissariat de police de la circonscription de Saint-Maur alors qu’il distribue des tracts communistes sur la voie publique, puis relâché après “vérification d’identité”.

Le 7 mars 1940, à la suite d’une surveillance exercée envers sa sœur Joséphine (?), il est arrêté avec d’autres militants – dont son épouse et leur fils -, par des inspecteurs du commissariat de Saint-Maur pour diffusion de tracts clandestins, que Gentil François ramènerait de son usine. « Jugé dangereux pour la sécurité intérieure du pays », il est mis à la disposition de la Justice militaire et écroué deux jours plus tard à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Il semble qu’il ait été relâché (ou s’est-il évadé au cours de l’évacuation des prisons parisiennes lors de la Débâcle de juin 1940 ? À vérifier…).

Le 5 octobre 1940, Gentil Potier est appréhendé lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT), en application du décret du 18 novembre 1939 ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Pendant un temps, Gentil Potier est assigné à la chambre 38.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.

Le 6 novembre 1940, le tribunal militaire de Périgueux (Dordogne) condamne son fils Roger à un an d’emprisonnement pour l’affaire de propagande de mars.

Le 13 février puis le 6 mars 1941, Gentil Potier écrit au préfet de Seine-et-Oise afin de solliciter pour son épouse la possibilité de s’inscrire ou de percevoir une allocation de secours du bureau de bienfaisance, dont la demande effectuée auprès du maire de Saint-Maur et d’autres autorités est restée sans réponse. Il suggère que lui-même serait bien mieux près des siens – restés sans ressources après son arrestation – afin de leur venir en aide…

Mais, le même 6 mars, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Gentil Potier, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, émet un avis défavorable en s’appuyant sur le constat que cet interné « est resté communiste, son internement n’a modifié en rien ses opinions » et bien qu’il lui reconnaisse une « attitude correcte ».

Le 9 avril, Célestine Potier, qui n’a pas revu son mari depuis son arrestation, écrit au préfet de Seine-et-Oise afin de solliciter une autorisation de visite pour elle et ses deux enfants (la suite donnée à cette requête est inconnue…).

Le 6 septembre 1941, Gentil Potier est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, Gentil François Potier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Gentil Potier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46003 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Gentil François Potier.
On ignore la date de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943 [3].

Son nom est inscrit sur la plaque apposée dans le hall de la mairie de Saint-Maur « à la mémoire des fusillés et morts en déportation en Allemagne ».

Après la guerre, le Parti communiste édite une carte avec un portrait au nom de «  Clément Potier, mort à Auschwitz en 1942, secrétaire des C.D.H. de Saint-Maur, membre du Parti Communiste Français » : par comparaison avec le portrait d’Auschwitz, il s’agit bien du même homme…

Après avoir purgé sa peine fin 1940/début 1941, son fils Roger aurait travaillé pendant un certain temps à Lorient, avant de revenir dans la région parisienne. Il reprend contact avec un groupe des JC de Saint-Maur reconstitué clandestinement depuis la mi-1942 par Jean Pierre Radiguet (20 ans), ex-secrétaire du cercle légal, qui a d’abord recruté son propre frère Robert (18 ans), puis Jean Emmanuelli (22 ans), Pierre Delalonde (21 ans), Jean Baptiste Duquesne (19 ans), André Pierre Roux (22 ans), Fernand L. Chargé lui-même de former un petit groupe, Roger Potier recrute Pierre R., du quartier de La Varenne à Saint-Maur, pour mener une activité de propagande. Plus tard, Jean Pierre Radiguet déclarera : « Dans l’organisation, je portais le pseudonyme de “Jean”. Par contre, aucun de mes camarades n’avait reçu de surnom. En effet, nous nous connaissions tous pour avoir milité au temps de la légalité du Parti communiste et cette mesure de prudence ne nous paraissait pas nécessaire. Je me rappelle seulement qu’en raison de sa corpulence Roux avait été baptisé “le gros”. »

En juillet 1942, « Gaby », responsable politique régional des JC, propose à Jean Radiguet de réaliser des actions militaires, ce que celui-ci refuse. Mais « Gaby » fait alors directement appel aux jeunes déjà recrutés afin de participer à des actions – dirigées par « Pierrot » – visant à se procurer des cartes, feuilles et tickets de rationnement pour l’alimentation des clandestins :
– le 29 août 1942, cambriolage de la mairie de Périgny (Seine-et-Oise), auquel participent son frère Robert Radiguet, « Pierrot » et Roux ;
– le 26 septembre, cambriolage de la mairie de Limeil (Seine-et-Oise), auquel participent Robert Radiguet, Roux et d’autres jeunes, dont, peut-être, Roger Potier. À partir de cette date, celui-ci n’apparaît plus au domicile de ses parents. En décembre, la direction générale de la police le recherchera pour « activité terroriste ». Le service des garnis de la préfecture de police note qu’il a passé la nuit du 17 au 18 octobre 1942 dans un hôtel au 65, rue de Lyon (Paris 12e).
– le 24 novembre, alors que Jean Radiguet (pour sa première action) et trois jeunes, dont son frère et un nouveau venu plus âgé, Ernest Maisonneuve (40 ans), préparent le cambriolage du centre de rationnement de Rosny-Sous-Bois (ou de Sucy-en-Brie), ils sont interpellés par un gardien de la paix qui demande à vérifier leurs papiers d’identité. Emmanuelli n’en ayant pas, le policier s’apprête à le fouiller. Emmanuelli puis Jean Radiguet sortent alors leurs armes et lui prennent la sienne sous la menace. Tous s’enfuient en vélo.
– le 28 novembre, la plupart des jeunes du groupe de Saint-Maur se font prendre lors du cambriolage de la mairie de Mandres (Seine-et-Oise). À la même date, Jean Pierre Radiguet échapperait à une arrestation lors du cambriolage raté de la mairie de Brunoy (S.et-O.) ; s’agit-il du même évènement ?
Le 6 janvier 1943, à 23 h 45, deux inspecteurs de la brigade spéciale antiterroriste (BS2) des Renseignements généraux “cueillent” finalement Jean Pierre Radiguet dans un hôtel au 103, boulevard de Grenelle (Paris 15e) où il a loué une chambre en donnant sa véritable identité : “en cavale”, il n’avait pas tenté de renouer un contact clandestin après avoir appris par les journaux l’arrestation de ses camarades.
Après avoir été interrogés par les inspecteurs de la BS2, les sept JC capturés sont remis aux autorités d’occupation qui les emprisonnent au quartier allemand de l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).
Le 8 juillet suivant, les mêmes jeunes gens sont déportés dans le transport de 56 détenus “NN” parti de Paris, gare de l’Est, et arrivé le lendemain au KL Natzweiler. Jean-Baptiste Duquesne y meurt le 16 novembre suivant. Les autres sont transférés au KL Dachau en septembre 1944 lors de l’évacuation de Natzweiler. Pierre Delalonde meurt le 6 décembre 1944 au Kommando de Gusen. Ernest Maisonneuve meurt le 4 février 1945 à Dachau. Jean Pierre Radiguet meurt le 23 mars à Nordhausen et Robert Jacques Radiguet le 16 avril à Dachau. Jean Emmanuelli et André Roux sont libérés à Dachau le 29 avril 1945.

Le destin de Roger Potier après qu’il ait quitté Saint-Maur reste à préciser…

Célestine Potier, veuve de Gentil François, décède à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) le 14 janvier 1984.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Gentil François Potier (J.O. du 27-01-1998).

Notes :

[1] Loire-Atlantique : département dénommé “Loire-Inférieure” jusqu’en mars 1957.

[2] Saint-Maur-des-Fossés : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Gentil Potier, c’est le 15 novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[4] Jean Pierre et Robert Jacques Radiguet sont les fils du dessinateur humoriste Maurice Radiguet (1866-1941) et frères de Raymond Radiguet (1903-1923), écrivain et auteur du Diable au corps.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 389 et 417.
- Archives départementales de Loire-Atlantique (AD 44), site internet du Conseil départemental, archives en ligne : registre des naissances de Saint-Nazaire, année 1895 (3E184/39), acte n° 450 (vue 61/119), année 1894 (3E184/38), acte n° 161 (vue 21/118) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau de Nantes, classe 1915, n° de 3501 à 4000 (1 R 1334), matr. 3534 (vue 54/771).
- Archives départementales de Loire-Atlantique (AD 44), site internet du Conseil départemental, archives en ligne : registre des naissances de Locminé, année 1897, acte n° 52 (vue 73/100).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 754-29602) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1448-16082) ; dossier individuel des RG de Radiguet Jean Pierre (77 W 1578-51799).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, cotes 1w73, 1w74 (révision trimestrielle), 1w148 (dossier individuel).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 149.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Site Mémorial GenWeb, 94-Saint-Maur-des-Fossés, relevé de Bernard Laudet (12-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Jean PORTE – 46002

Plusieurs détenus passés par les camps et prisons françaises ont porté ces nom et prénom. Celui qui disparaît à Auschwitz est…

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Jean, Baptiste, Émile, Porte,  naît le 4 mai 1901 à Saint-Étienne (Loire), fils de Pierre Porte, 46 ans, passementier (?) et d’Antoinette Thibault, son épouse, 44 ans, passementière (?). Pendant un temps, ses parents habitent au 18, rue du Vernay, à Saint-Étienne.

Le 22 février 1921, la cour d’assise de la Loire le condamne à deux ans d’emprisonnement pour vol qualifié.

Jean Porte est absent à sa convocation au conseil de révision ; probablement détenu…

Le 5 avril 1921, il manque à l’appel lors de son appel à l’activité pour accomplir son service militaire. Le 1er décembre 1922, à sa sortie de prison, il est dirigé sous escorte sur le 5e régiment d’infanterie légère d’Afrique (« bat’ d’Af ») qui intègre, entre autres, des individus reconnus coupables de crimes et condamnés seulement à l’emprisonnement par des tribunaux correctionnels. Le 19 décembre, Jean Porte est en Tunisie (à Gabès ?) ; la suite de son parcours pendant la guerre reste à préciser… Le 18 décembre 1924, il est envoyé en congé de démobilisation, le certificat de bonne conduite lui est refusé.

Le tribunal correctionnel de Saint-Étienne le condamne à plusieurs reprises : le 23 novembre 1926, à trois mois d’emprisonnement pour vol et port d’arme prohibée ; le 4 mars 1927, à trois mois et un jour d’emprisonnement pour les mêmes motifs. En décembre suivant, Jean Porte est domicilié au 12, rue du Mont, à Saint-Étienne. Le 15 janvier 1929, le tribunal correctionnel de Saint-Étienne le condamne à deux mois d’emprisonnement pour coups et blessures, et port d’arme prohibée.

Le 10 octobre 1930 à Saint-Étienne, Jean Porte se marie avec Marguerite Place.

Le 17 février 1933, la cour d’assise de la Loire le condamne à quatre ans d’emprisonnement et cinq ans d’interdiction de séjour pour « meurtres avec excuse de la provocation ».

Le 4 février 1938, la 14e chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à trois mois de prison pour violences à particuliers et à agents, et infraction à une interdiction de séjour commises le 26 décembre précédent. Le 27 décembre 1938, la 11e chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à quatre mois d’emprisonnement pour port d’arme prohibée, bris de clôture et interdiction de séjour commis deux jours plus tôt.

Le 7 septembre 1939, il est rappelé à l’activité militaire au centre mobilisateur d’infanterie n° 132 et aussitôt affecté au dépôt d’infanterie n° 172 bis, stationné au camp militaire de Livron à Caylus (Tarn-et-Garonne) et  destiné à former des bataillons d’infanterie légère (13e IL) composés de punis de droit commun ayant purgé leur peine ou les terminant dans les prisons centrales de France. Le 22 septembre, la commission de réforme de Caylus classe Jean Porte au service auxiliaire pour « légère amyotrophie de l’épaule gauche » (suite inconnue, démobilisation ?…).

Sur l’acte de décès du camp d’Auschwitz, Jean Porte est déclaré comme ayant une adresse à Paris 10e.

Le 5 mai 1942, il fait partie des 14 internés administratifs de la police judiciaire (dont au moins onze futurs “45000”) qui sont conduits avec 37 communistes à la gare du Nord, « à la disposition des autorités allemandes et dirigés sur Compiègne par le train de 5h50 » pour être internés au camp de Royallieu (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Jean Porte fait partie des quelques hommes du convoi déportés comme “associaux”.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Porte est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46002 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

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© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Jean Porte.

Il meurt à Auschwitz le 18 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1].

Il est homologué comme “Déporté politique”.

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Jean Porte, c’est effectivement le 6 juillet 1942 à Compiègne qui a été initialement retenu pour certifier son décès, par jugement déclaratif du 21 février 1966. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts. La date correspondant à l’acte de décès d’Auschwitz a été homologuée par l’arrêté du 19 septembre 2012 (JORF n° 0267 du 16 novembre 2012).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 417.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Mairie du 18e.
- Archives municipales de Saint-Étienne, site internet, archives en ligne : registre des naissances janvier-juin 1901 (2 E 131), acte n° 1248 (vue 136/192).
- Archives départementales de la Loire, site internet, archives en ligne : registre des naissances de Saint-Étienne, année 1901, (3NUMEC1/2E 131), 6 mai, acte n° 1248 (vue 135/ 369) ; registres matricules du recrutement militaire, classe 1921, de 2001 à 2421 (47NUM-1R1786), n° 2003 (vue 6/554).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, internés aux camps de Vaujours… – Tourelles (BA 1837).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 959 (21153/1942) ; seul le prénom « Jean » est inscrit.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Gabriel PONTY – 46001

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Droits réservés.

Gabriel Ponty naît le 17 février 1921 dans une maison de sages-femmes située au 9 rue du Commandeur à Paris 14e, fils de Gabriel Alphonse Ponty, 39 ans, mprimeur, et de Françoise Picaud, 38 ans, son épouse, domiciliés au 64 boulevard Jourdan. Il a une sœur aînée, Andrée, née le 20 mai 1908 à Paris 18e.

Ajourné de service militaire en 1902 pour faiblesse, puis exempté en 1903 pour “cicatrices adhérentes” (suite à un abcès très important à l’avant-bras droit), son père, Gabriel Alphonse, a cependant été mobilisé en février 1915 au 4e régiment de zouaves. Le 13 décembre 1915, il est passé au 311e régiment d’infanterie territoriale. Le 22 mai 1916 à Damloup (Meuse) – village proche du fort de Vaux, 15 km au nord de Verdun, entièrement détruit cette année-là -, il a été blessé par éclats d’obus au cubitus droit (fracturé) et au cuir chevelu. Du 25 mai au 10 octobre 1916, il est passé par trois hôpitaux auxiliaires (Bar-le-Duc, Paris, Arpajon), puis a rejoint la caserne des Tourelles à Paris jusqu’au 22 octobre suivant. Le 23 juillet 1917 la commission de réforme de Montélimar l’a classé “service auxiliaire”, apte à la zone des armées. Le 8 octobre 1919, la 2e commission de réforme de la Seine a proposé Gabriel Alphonse Ponty pour une pension d’invalidité de 30 %.

En 1932, la famille est installée dans un immeuble HBM au 2 rue du Général Humbert (Paris 14e), quartier Plaisance, près de la Porte de Vanves [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]. Au printemps 1936, le père est au chômage.

Au moment de son arrestation, Gabriel Ponty est domicilié au n° 17 de l’étroite rue des Thermopyles à Paris 14e. Il est célibataire.

Pendant un temps, le jeune homme est ouvrier métallurgiste aux usines d’automobiles Unic, quai National, devenu quai De Dion-Bouton, à Puteaux [2] (Seine / Hauts-de-Seine – 92). Au moment de son arrestation, il est déclaré comme cimentier.

Gabriel Ponty  est militant des Jeunesses Communistes, secrétaire, responsable des jeunes chômeurs.

Sportif, il est footballeur à l’Union sportive du 14e, participant à des matches, jusqu’en championnat.

Sous l’occupation, ce club « sert de couverture » à des activités de résistance. Dans le dossier constitué sur ce groupe par André Deslandes, il est noté que Gabriel Ponty réussit plusieurs actions contre des installations allemandes, y effectuant un « travail spécial ».

Le 19 mai 1941, Gabriel Ponty est arrêté par des agents du commissariat de police du commissariat de police du quartier Montsouris avec un autre militant de l’arrondissement pour distribution de tracts (« propagande communiste clandestine »). Une perquisition effectuée chez ce dernier, impasse Florimont, y amène la saisie de « divers tracts et papillons gommés de propagande communiste, ainsi que deux machines à écrire » ayant servi à taper ces documents. Tous deux sont inculpés d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 et conduits au dépôt de la préfecture, à la disposition du procureur de la République.

Le 2 juillet, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine relaxe Gabriel Ponty.

Le 28 avril 1942, il est de nouveau arrêté, à son domicile, par un Feldgendarme et un inspecteur français  lors d’une vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, avec le concours de la police française, et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une procédure judiciaire, avec ou sans condamnation, notamment de jeunes mineurs ayant été remis à leur famille. Le lendemain, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; matricule 4063.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gabriel Ponty est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46001 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). René Aondetto et Emmanuel Michel témoignent avoir côtoyé Gabriel Ponty à Auschwitz, puis à Birkenau.

Cependant, à une date restant à préciser, son nom est inscrit sur le registre des détenus ayant reçu des soins de chirurgie dans les Block de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Gabriel Ponty meurt à Auschwitz le 2 novembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Notes :

[1] Rue du Général Humbert : la voie a été ouverte et a pris sa dénomination actuelle en 1928 sur l’emplacement du bastion n° 76 de l’enceinte de Thiers (les “fortifications”).

[2] Puteaux : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 372 et 417.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Dossier constitué par André Deslandes – Madame A. Ponty, sa sœur (lettre du 28 décembre 1987 – photos d’avant-guerre) – Mairie du 14e – M. Cottard, Revue d’Histoire du 14e, n°29 de février 1989, p.71.
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 5 juin au 22 septembre 1941 (D1u6-5857).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?) ; archives du cabinet du préfet de police (1 W 742-28080) ; archives des renseignements généraux, dossier individuel de Gilbert G. (77 W 1734-98386).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 956 (38518/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 28-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Félix POMMIER – (46000 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Félix, Marcel, Pommier naît le 12 décembre 1903 à Paris 17e, chez ses parents, Amable Pommier, 35 ans, cuisinier, et Françoise Germain, 34 ans, son épouse, domiciliés au 87, rue Cardinet.

Vers 1911, ses parents au déménagent au 35, rue Marc-Séguin à Paris 18e, débouchant sur la rue de la Chapelle. Félix Pommier, qui continue à habiter chez eux, commence à travailler comme aide-comptable.

Le 14 novembre 1923, Félix Pommier est incorporé au 4e bataillon du 1er régiment d’aérostation afin d’y accomplir son service militaire. Le 1er janvier 1924, il passe au 3e bataillon du 2e régiment d’aérostation. Le 16 décembre, il est promu soldat de 1ère classe. Le 28 avril 1925, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un “certificat de bonne conduite”.

Pendant un temps, il est aide-comptable à la coopérative La Bellevilloise, sise au 23, rue Boyer, puis au siège du Parti communiste au 120, rue Lafayette.

Le 21 avril 1928, à la mairie du 18e arrondissement, Félix Pommier épouse Lucie Piron, née le 22 novembre 1906 dans cet arrondissement, sténo-dactylo.

À l’été 1929, il est aide comptable à la Banque ouvrière et paysanne, sise 106, rue Lafayette. Il habite toujours chez ses parents, rue Marc-Séguin.

Il est adhérent à la Chambre syndicale des Comptables teneurs de livres et Employés aux écritures de la Seine. Il est membre du 8e rayon de la région parisienne du Parti communiste.

Le 28 août, Félix Pommier est appréhendé alors qu’il stationne aux abords du siège du Parti communiste, puis relaxé après les « vérifications d’usage ».

Du 16 septembre au 6 octobre 1929, comme réserviste, il est rappelé pour une période d’exercices au 1er bataillon d’aérostiers.

Un an plus tard, Félix Pommier sollicite un passeport pour effectuer un voyage d’études en Allemagne. Le 12 août 1930, le préfet de police interroge le Service des passeports, à la direction de la Sûreté générale (Ministère de l’Intérieur) sur la suite qu’il convient de réserver à cette requête, après avoir pris soin de rappeler l’engagement syndical et politique du demandeur. Deux jours plus tard, au nom du président du Conseil, ministre de l’Intérieur, le Service des passeports répond qu’il n’y a pas lieu d’accorder ce passeport sollicité « à destination de l’Allemagne et vraisemblablement de la Russie ». Ultérieurement, la police consignera que dans les années 1930 et 1931, chargé de mission par le Parti communiste français, Félix Pommier effectue de nombreux voyages en Allemagne.

Le 16 octobre 1934, Lucie et Félix Pommier ont une fille, Colette, née à Paris 12e.

Le 28 mars 1938, Félix Pommier déclare auprès du tribunal de première instance de la Seine son intention de publier le journal Deutsches Volks Echo (L’Écho allemand), fabriqué à l’Imprimerie Centrale, sise au 19, rue du Croissant. Par ailleurs, il est dépositaire du Deutschland Information, périodique du comité central du Parti communiste allemand, alors imprimé à Anvers. Il reçoit aussi à son domicile de nombreuses brochures éditées par les éditions Antifaschistische Literatur Verlag, qu’il réexpédie par courrier. Selon la police, il est chargé d’assurer la liaison entre les militants communistes allemands à l’étranger et le comité central du Parti communiste allemand dont le siège est situé à Bâle (Suisse). Le 2 décembre suivant, il déclare la publication des mensuels Die Internationale et Deutschland Information des Zentralkomitee der KPD, devant être imprimés chez Lantos frères, rue du Faubourg-Saint-Denis.

En janvier 1939, Félix Pommier est secrétaire au siège du Parti communiste, alors rue de Châteaudun. Puis il trouve un emploi de bureau à la maison d’édition Dutilleul, rue d’Alsace. Selon la police, il a des relation très étroites avec Émile Dutilleul, député communiste de la 5e circonscription de Saint-Denis (Asnières, Gennevilliers…), trésorier du groupe parlementaire.

Le 27 août 1939, Félix Pommier est mobilisé comme comptable, rattaché au bataillon de l’Air n° 131 à Caen (Calvados). Le 12 septembre, il est affecté au bataillon de l’Air 41.104, près de Douai (Nord). Au cours d’une permission, les Renseignements généraux remarquent que Pommier ne fait aucune allusion aux questions politiques lors de ses conversations ; information transmise aux autorités militaires qui ont demandé une enquête à son sujet. Le 22 novembre, le commissaire de police du quartier de La Chapelle effectue une perquisition à son domicile au cours de laquelle sont saisis de nombreux documents relatifs à son (ancienne) activité au sein de l’ex-parti communiste. Le 16 février 1940, Félix Pommier fait l’objet d’un nouveau rapport de police. Le 23 mars 1940, il est affecté à la compagnie d’aménagement de terrain 11/201, base aérienne de Toggourt, sous l’administration du bataillon de l’Air n° 201 à Blida (Algérie) ; un éloignement de la métropole pour motif politique ? Le 28 mars, Félix Pommier est “mis en route” au port de Marseille. Il est démobilisé le 6 septembre 1940.

Du 23 janvier au 31 mars 1941, il trouve un emploi au Centre de ravitaillement général de la Seine, sis au 112, rue de Flandre.

Le 5 mai, un rapport de police (RG) constate : « Pommier, semble depuis sa démobilisation, se tenir sur une prudente réserve au point de vue politique ».

Le 28 juin, Félix Pommier est arrêté par les services du commissariat de police du quartier de La Chapelle qui le déclarent comme un « meneur communiste très actif ». Le préfet de police a signé l’arrêté ordonnant son internement administratif « en application du décret du 18 novembre 1939 ». Mais, en réalité il est pris dans le cadre d’opérations menées en concertation avec l’occupant. En effet, pendant quelques jours, des militants de Paris et de la “petite couronne” arrêtés dans ces conditions sont aussitôt conduits dans la cour de l’Hôtel (de) Matignon [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], sis au 57 rue de Varenne à Paris 7e, – alors siège de la Geheime Feldpolizei (GFP) – pour y être “mis à la disposition des autorités d’occupation” [2]. Tous sont ensuite regroupés au Fort de Romainville (sur la commune des Lilas – 93), élément du Frontstalag 122 ; considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp. Le 1er juillet, ils sont conduits à la gare du Bourget où un train les transporte à Compiègne (Oise), où ils sont internés au camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) [3].

Vers la fin juillet, les hommes arrivés au cours du mois écoulé sont interrogés sur leurs antécédents politiques par une commission allemande. Une quinzaine de jours plus tard, le 14 août, plusieurs dizaines d’entre eux sont libérés. Le nom de Félix Pommier (« … 38 ans, rue Seguin (Paris 18e) » ) est alors inscrit en treizième position sur une liste de 45 « internés politiques, libérés du camp de Compiègne […] et auxquels des bons de transports et des tickets d’alimentation ont été délivrés ».

Le 28 avril 1942, il est arrêté à son domicile par des Feldgendarmes accompagnés de policiers français, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée dans le département de la Seine par les « autorités d’occupation » et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant fait l’objet d’une poursuite judiciaire et ayant été libérés, soit après avoir bénéficié d’un non-lieu, d’un acquittement ou d’un sursis, soit après avoir fini de purger une courte peine. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp de Royallieu à Compiègne, où Félix Pommier est interné pour la deuxième fois.

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Félix Pommier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Avant la fin juin, son épouse, réfugiée à Massat (Puy-de-Dôme) écrit à une haute autorité française afin d’obtenir de ses nouvelles.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Félix Pommier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46000, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Félix Pommier se déclare alors comme architecte (Baumeister). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Félix Pommier.

Il meurt à Auschwitz le 21 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique « insuffisance (du muscle) cardiaque » (Herzmuskelinsuffizienz) pour cause mensongère de sa mort.

Le 16 décembre 1946, l’acte de décès établi par l’administration française est transcrit à la mairie du 18e arrondissement.

Félix Pommier est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1998).

Notes :

[1] L’hôtel Matignon : le 8 septembre 1940, les Renseignements généraux de la préfecture de police constatent la réquisition de l’hôtel pour le bureau de cantonnement des hommes de la police militaire secrète : Geheime Feldpolizei – Dienstelle – Männer-Unterkunft (source : Cécile Desprairies, Paris dans la Collaboration, éditions du Seuil, mars 2009, page 268).

[2] L’ “ Aktion Theoderich ” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich,plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] Arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, trois témoignages :

Jean Lyraud (déporté au KL Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Le 26 juin, à 5 heures du matin, il est réveillé par des policiers français : « Veuillez nous suivre au poste avec une couverture et deux jours de vivres. » Un autobus le prend bientôt avec trois autres personnes arrêtées. Le véhicule fait le tour des commissariats de Montreuil et du XIe arrondissement. Un crochet à l’hôtel Matignon, puis c’est le transport jusqu’aux portes du Fort de Romainville. Avec ses compagnons, jean Lyraud passe la nuit dans les casemates transformées en cachots. « Le lendemain 27 juin dans l’après-midi, nous embarquons en gare du Bourget dans des wagons spéciaux pour Compiègne. Nos gardes ont le revolver au poing et le fusil chargé, prêts à faire feu. Dans la soirée nous arrivons au camp. Quelques jours après, d’autres contingents de la région parisienne nous rejoignent. »

Henri Pasdeloup (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943), cheminot de Saint-Mihiel (Meuse), est arrêté le 23 juin 1941 par la Gestapo qui le conduit à la prison de la ville. Le 27 juin, avec d’autres détenus emmenés à bord de deux cars Citroën, il arrive devant le camp de Royallieu vers 16 h 30 : « À l’arrivée face au camp, nos gardiens nous font descendre. Alignement sur la route, comptages et recomptages. En rangs par trois nous passons les barbelés… À 19 heures, environ 400 prisonniers en provenance de la région parisienne entrent en chantant L’Internationale… Le lendemain 28 juin, réveil à 7 heures : contrôle d’identité, toise, matricule. J’ai le numéro 556. Pour notre groupe de la Meuse, cela va de 542 à 564. Ceux de la région parisienne, bien qu’arrivés après nous, sont immatriculés avant… »

Henri Rollin : «  Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention « communiste », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 417.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Acte de décès.
- Archives de Paris : registre des naissances du 17e arrondissement, année 1903 (17N 209), acte n° 3026 (vue 22/31) ; registres matricules du recrutement militaire, 6e bureau de la Seine, classe 1923 (D4R1 2439), n° 3705.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397), 27/9/1941, 94 S/ch 1, notices concernant des personnes arrêtées et internées en juin 1941 pour activité communiste ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 1628-92725) ; dossier individuel des RG (77 W 1492-22929).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise (1W69) ; personnes arrêtées par les autorités allemandes (1w80).
- Sachso, Amicale d’Orianenburg-Sachsenhausen, Au cœur du système concentrationnaire nazi, Collection Terre Humaine, Minuit/Plon, réédition Pocket, mai 2005, page 36 (sur les arrestations du 26 juin 1941).
- Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 955.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de L à R (26 p 842), acte n° 23279/1942.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-05-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Jean POMIER – (45999 ?)

Jean Eugène Pomier naît le 13 décembre 1907 à Paris 8e, à la maternité de l’hôpital Beaujon, 208 rue du Faubourg-Saint-Honoré, fils de Jacques Alphonse Pierre Pomier, 33 ans, journalier, et d’Anne Augustine Roubinet, 43 ans, blanchisseuse, son épouse, domiciliés au 13 rue de l’Étoile (Paris 17e).

Le 23 mars 1923, son père, Jacques Pomier, 49 ans, domicilié au 22 rue Brey, décède à l’hôpital Lariboisière, 2 rue Ambroise Paré (Paris 10e).

En 1929 et jusqu’au moment de son arrestation, Jean Pomier est domicilié au 41 rue de la Gaité à Drancy. En 1929, il se déclare comme employé de commerce.

Le 10 mai 1930, à Drancy [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), Jean Pomier épouse Madeleine  Jeanne Antoinette Liégeois, née le 16 juin 1909, modiste. Ils ont un fils unique, Claude, né le 26 mai 1931 à Drancy.

En 1931, Jean Pomier commence a travailler comme magasinier, rue Auboin à Clichy (dans un dépôt de routage ?), pour Le Petit Parisien, grand quotidien national.

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Jean Pomier avant la guerre © Droits Réservés.

En 1935, son oncle, Jean Eugène Clément Pomier, et sa mère Anne (mariés ?) sont également installés rue de la Gaité à Drancy.

En 1936, Jean, Madeleine et Claude Pommier habitent au 48 rue de l’Harmonie à Drancy. Cette année-là, Madeleine est modiste chez Derbau (?), boulevard Pereire à Paris 17e.

À la déclaration de guerre, en septembre 1939, Jean Pomier est mobilisé à proximité de la frontière belge. Blessé à Longuyon (Meurthe-et-Moselle), il est démobilisé le 1er septembre 1940 sans avoir été fait prisonnier.

Revenu chez lui, il trouve du travail à l’usine de la Société du Duralumin (Cégédur) au Blanc-Mesnil (Seine-et-Oise / Seine-Saint-Denis) – dite néanmoins “usine du Bourget” – dans la zone industrielle de la vallée de la Molette.

Jusqu’en juin 1941, Jean Pomier cache chez lui une ronéo qui sert à imprimer des tracts apportés par A. Descamps, lequel rédige un périodique clandestin : Le Prolétaire drancéen.

Le commissaire de police de la circonscription de Pantin désigne Jean Pomier comme un « meneur communiste très actif se livrant à la propagande clandestine » dans son secteur.

Le 27 juin, Jean Pomier est arrêté à son domicile par les services du commissariat de Pantin. Le préfet de police a signé l’arrêté ordonnant son internement administratif « en application du décret du 18 novembre 1939 ». Mais, en réalité, Jean Pomier est pris dans le cadre d’une vaste opération menée en concertation avec l’occupant. En effet, pendant quelques jours, plusieurs dizaines de militants de Paris et de la “petite couronne” arrêtés dans les mêmes conditions sont aussitôt conduits dans la cour de l’Hôtel (de) Matignon [2], alors désigné comme siège de la Geheime Feldpolizei (GFP), pour y être “mis à la disposition des autorités d’occupation” [3]. Tous sont ensuite regroupés au Fort de Romainville, sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément du Frontstalag 122 ; considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp.

Le 1er juillet, ils sont conduits à la gare du Bourget et un train les transporte à Compiègne (Oise), où ils sont parmi les premiers internés du  camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Polizeihaftlager – extension du Frontstalag 122) [4]. Enregistré sous le matricule 689, Jean Pomier est assigné au bâtiment A2.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne,
futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

De décembre 1941 à avril 1942, Madeleine Pomier trouve un emploi chez “Crâne” (?), 18 rue de Verdun à La Courneuve.

Le 9 juin 1942, elle écrit au préfet de police : « Mon mari a été arrêté […] sans aucune cause. C’est un homme très sérieux, très sobre, ayant de grandes qualités en tant que bon mari ainsi que bon père. Je pensais que l’on allait le faire sortir. Malheureusement, les mois passent et il est toujours interné. Aussi, [ayant] appris que des révisions de dossier existaient, je me permets de vous demander où faudrait-il que je m’adresse, car il est impossible qu’on me garde encore longtemps mon mari qui n’a que de bons renseignements à son effectif [sic], aussi bien à son travail qu’autour de lui… […] P.S. J’ai omis de vous dire que je suis malade de la colonne vertébrale, avec un traitement très couteux et un enfant de onze ans à ma charge. » Le 15 juin, son courrier est transmis aux Renseignements généraux pour renseignements et avis…

Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Pomier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 8 juillet, Jean Pomier est enregistré à Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45999, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté  Jean Pomier.Il meurt à Auschwitz le 9 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Le 3 juillet 1942, Madeleine Pomier a renouvelé sa supplique au préfet de police : « Mon mari est interné au camp de Compiègne depuis le 27 juin 1941. J’espérais qu’il aurait été relâché, que des démarches auraient été faites où il aurait été prouvé qu’il ne faisait aucune politique. C’est un homme très sobre, très bon mari, très bon père, ainsi que très bon ouvrier. » Rappelant ses deux derniers emplois et sa mobilisation, elle questionne : « Quoi de plus pour être un bon Français ? » Simultanément, elle a adressé une lettre identique à la Délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés (ministère de Brinon). Le 16 juillet, cette administration a transmis sa version du courrier au préfet de police, en le priant de bien vouloir intervenir, s’il n’y voyait pas d’inconvénient, auprès des autorités locales compétentes en faveur de l’intéressé.

Le 19 août, les Renseignement généraux ont rendu leur rapport sur Jean Pomier : « Dans son travail, il donnait entière satisfaction à ses employeurs. Le commissaire de police de la circonscription de Pantin, consulté sur l’opportunité de lever ou de maintenir la mesure d’internement prise à l’égard de Pomier, a émis le 16 courant un avis favorable, sous réserve qu’il souscrive l’engagement formel de cesser toute propagande subversive. Il semble que sa libération pourrait être demandée aux Autorités allemandes en assurant ces dernières que Pomier fera l’objet d’une étroite surveillance. » Cinq jours plus tard, en marge de ce rapport, une main a ajouté : « Dire aux A.A. qu’un internement de 14 mois paraît suffisant, et qu’il pourrait être libéré sous réserve de l’engagement prévu et sous condition d’une surveillante étroite en cas de libération. » Le 31 août, le préfet de police a écrit au commandant allemand de la Seine (Gross Paris) pour le consulter sur l’opportunité d’une mesure de clémence – sous conditions – en faveur de Jean Pomier. Le 21 septembre, un SS-Obersturmführer, chef de la Sûreté et du service de sécurité miliaire auprès du Commandant militaire en France, a répondu brièvement : « Nous ne pouvons actuellement autoriser la libération de la personne susnommée. » Le 8 octobre, le directeur de cabinet du préfet a transmis au Délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés le rapport des R.G. et la réponse négative des autorités allemandes d’occupation. Quelques jours plus tard, le directeur de cabinet a adressé une note aux R.G. pour les informer du rejet de la demande.

Après la déportation du chef de famille, Madeleine Pomier, recherchée, a fuit pour échapper à l’arrestation. Leur fils Claude (11/12 ans) est parti tout seul en Bretagne, à Plœuc-sur-Lie (Côtes-du-Nord / Côtes-d’Armor [5]) où il est hébergé (dans un préventorium ?).

En août 1946, le ministère des anciens combattants et victimes de guerre déclare Jean Pomier décédé le 20 mars 1943 à Auschwitz.

Il est également déclaré “Mort pour la France”.

En 1952, un proche dépose une demande de certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française (RIF) à son nom.

Le nom de Jean Pomier est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux déportés et apposée à l’entrée de la mairie de Drancy.

Après guerre, sa veuve se remarie avec Monsieur Tarlier. Pendant un temps, elle habite dans l’Eure.

En 1956, son fils Claude dépose une demande de titre de déporté politique au nom de son père.

Claude Pomier est un membre actif de la Fédération nationale des déportés et internés résistants patriotes (FNDIRP) jusqu’à son décès.

Madeleine Pomier décède le 2 avril 2006 à Miramont-de-Guyenne (Lot-et-Garonne).

Notes :

[1] Drancy : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’hôtel Matignon, 57 rue de Varenne (Paris 7e) : le 8 septembre 1940, les Renseignements généraux de la préfecture de police constatent la réquisition de l’hôtel pour le bureau de cantonnement des hommes de la police militaire secrète : Geheime Feldpolizei – Dienstelle – Männer-Unterkunft (source : Cécile Desprairies, Paris dans la Collaboration, éditions du Seuil, mars 2009, page 268).

[3] L’ “Aktion Theoderich” : Le 22 juin 1941, l’attaque de l’Union soviétique se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.
En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés en zone occupée par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.
Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Les autorités d’occupation opéreront un tri et certains seront libérés. Mais, fin août, deux cents d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[4] Les arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, trois témoignages :
Jean Lyraud (déporté au KL Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Le 26 juin, à 5 heures du matin, il est réveillé par des policiers français : « Veuillez nous suivre au poste avec une couverture et deux jours de vivres. » Un autobus le prend bientôt avec trois autres personnes arrêtées. Le véhicule fait le tour des commissariats de Montreuil et du 11e arrondissement. Après un crochet à l’hôtel Matignon où les “internés administratifs” sont livrés à l’armée d’occupation, c’est le transport jusqu’au Fort de Romainville où ils passent la nuit dans les casemates transformées en cachots. « Le lendemain 27 juin dans l’après-midi, nous embarquons en gare du Bourget dans des wagons spéciaux pour Compiègne. Nos gardes ont le revolver au poing et le fusil chargé, prêts à faire feu. Dans la soirée nous arrivons au camp. Quelques jours après, d’autres contingents de la région parisienne nous rejoignent. »
Henri Pasdeloup (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943), cheminot de Saint-Mihiel (Meuse), est arrêté le 23 juin 1941 par la Gestapo qui le conduit à la prison de la ville. Le 27 juin, avec d’autres détenus emmenés à bord de deux cars Citroën, il arrive devant le camp de Royallieu vers 16 h 30 : « À l’arrivée face au camp, nos gardiens nous font descendre. Alignement sur la route, comptages et recomptages. En rangs par trois nous passons les barbelés… À 19 heures, environ 400 prisonniers en provenance de la région parisienne entrent en chantant L’Internationale… Le lendemain 28 juin, réveil à 7 heures : contrôle d’identité, toise, matricule. J’ai le numéro 556. Pour notre groupe de la Meuse, cela va de 542 à 564. Ceux de la région parisienne, bien qu’arrivés après nous, sont immatriculés avant… »
Henri Rollin : « Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention “communiste”, soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[5] Côtes-d’Armor : département dénommé “Côtes-du-Nord” jusqu’en février 1990.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 385 et 417.
- Laurent Pomier, son petit-fils, messages (12-2012).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
- Site de la  ville du Blanc-Mesnil : (photo en civil).
- Joël Clesse et Sylvie Zaidman, La Résistance en Seine Saint-Denis, 1940-1944, éd. Syros, juin 1994, pages 390 et 391.
- Sachso, Amicale d’Orianenburg-Sachsenhausen, Au cœur du système concentrationnaire nazi, Collection Terre Humaine, Minuit/Plon, réédition Pocket, mai 2005, page 36 (sur les arrestations du 26 juin 1941).
- Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 36-23387) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1686-90043).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 955 (34949/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Drancy, relevé de Monique Diot Oudry (11-2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-06-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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