Gustave PROTHAIS – 46018

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Gustave, Félix, Prothais naît le 11 décembre 1887 à Étouy (Oise – 60), fils d’Alphonse Prothais, 29 ans, terrassier (manouvrier, journalier), et d’Evelina Luçon, son épouse, 26 ans, domiciliés rue du Moulin. Gustave a une sœur, Alice, née le 24 janvier 1898 à Étouy.

En 1900, titulaire du certificat d’études, il commence à travailler comme commis d’architectes.

Devenu métreur en bâtiment, il reste trois ans dans l’entreprise Perpette, à Chantilly (période à vérifier…).

Le 29 février 1908 à Étouy, Gustave Prothais épouse Mélanie Montillet, née le 27 janvier 1890 à Étouy. Le couple aura un fils, Gustave, né en 1914 à Clermont[/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][-de-l’Oise] (60), et une fille, Denise, née en 1922 à Agnetz.

De la classe 1907, Gustave Prothais voit ajourner sa période de service militaire par le conseil de révision  pour « faiblesse » et « soutien de famille ». L’année suivante (1908), il est déclaré bon pour le service armé et rejoint le 51e régiment d’infanterie le 8 octobre comme soldat de 2e classe. Le 26 janvier 1910, il passe comme musicien à la « SHR » (section hors rang ?). Le 24 septembre suivant, il est envoyé en congé de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

En novembre 1911, Gustave Prothais habite au 18, rue de Montataire, à Creil.

En 1912, Gustave Prothais commence à travailler pour la Maison Cussac, entreprise générale de bâtiment et hangars agricoles à Clermont (60). En juin, il demeure à Étouy. À la mi-novembre 1913, il est domicilié au 59, rue de la Fontaine, à Clermont.

Il est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Le 3 août 1914, il rejoint le 251e régiment d’infanterie de Beauvais, 23e compagnie. Le 21 avril 1916, il passe brancardier. Le 30 avril 1917, il est cité à l’ordre du régiment : « Au cours des attaques du 16 au 20 avril […], s’est dépensé sans compter et a fait preuve de courage et de dévouement en allant  relever en première ligne, sous un fort bombardement, de nombreux blessés ». Il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze.

La Croix de guerre 1914-1918 avec étoile de bronze. © MV

La Croix de guerre 1914-1918
avec étoile de bronze.
© MV

Le 23 février 1919, il passe au 66e R.I. Le 13 mars 1919, il est mis en sursis comme directeur de la Maison Cussac. Le 25 mars, il est mis en congé illimité de démobilisation. Gazé sur le front à plusieurs reprises, sans être évacué, il en conservera des séquelles. Il sera titulaire de la carte de Combattant (crée par la loi du 19 décembre 1926).

À partir de 1925, il exerce la profession de métreur indépendant après avoir été licencié pour raisons politiques de la Maison Cussac.

Libre penseur, inscrit au Parti communiste dès 1925, Gustave Prothais est élu conseiller municipal d’Agnetz de 1925 à 1929. En 1926, il habite au 12, avenue de la gare à Creil, mais se retrouve à Agnetz, au hameau de Flay, à la mi-octobre 1927.

Lors du recensement de 1931, la famille habite rue Gambetta à Fitz-James, au nord de Clermont. Le fils est alors employé de bureau à la quincaillerie de l’Arc en Ciel.

Fitz-James après la guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Fitz-James après la guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

En 1931, Gustave Prothais devient le trésorier départemental du Parti communiste. Il est secrétaire actif de la cellule de Clermont jusqu’à la dissolution du Parti communiste, en 1939.

Il représente le Parti communiste lors de plusieurs scrutins : élections municipales de 1932 à Fitz-James, où il échoue, législatives de 1932, dans la circonscription de Compiègne (869 voix sur 23 746 inscrits) et cantonales à Clermont, en 1934 puis en 1937 (enregistrant une nette progression).

Le 5 mai 1935, secrétaire du comité antifasciste de Fitz-James, Gustave Prothais est élu conseiller municipal dès le premier tour, sur la liste d’union antifasciste. Il sera également trésorier du groupe de la Libre-pensée de la commune. Mélanie, son épouse milite à la CGT et au Comité mondial des femmescontre la guerre.

En 1936, Gustave Prothais est trésorier de la région picarde (Somme-Oise) du PCF. Il est délégué à plusieurs instances nationales : conférence nationale d’Ivry-sur-Seine en 1934, congrès de Villeurbanne en janvier 1936 et d’Arles en décembre 1937.

Le 24 août 1939, son fils est mobilisé pour rejoindre la ligne Maginot. Dans cette période de mobilisation, Gustave Prothais intervient à la gare SNCF de Clermont pour inciter les réservistes à ne pas rejoindre leur unité, en leur faisant « l’apologie » du pacte germano-soviétique selon la police, ce qui lui vaut « une sévère correction de la part des femmes et mères de mobilisés ».

Début 1940, il est déchu de son mandat municipal pour ne pas avoir renié ses convictions communistes. Au contraire, selon la police, il fait savoir à plusieurs occasions qu’il ne s’est jamais désolidarisé du Parti communiste après sa dissolution.

Le 1er avril 1940, le commissaire spécial adresse un courrier au préfet de l’Oise pour lui signaler l’attitude communiste de Gustave Prothais, estimant que la présence de celui-ci à Clermont est « indésirable », et propose son internement dans un « camp d’éloignement ». Le policier justifie cette mesure en rapportant que le militant « continue actuellement une propagande sournoise et perfide ».

Le 15 avril, le préfet signe l’arrêté d’internement demandé, en application du décret du 18 novembre 1939

Le 22 avril 1940, Gustave Prothais est appréhendé à son domicile par des gendarmes de la brigade de Clermont et interné au camp de séjour surveillé de Plainval, à Saint-Just-en-Chaussée (Oise). Quelques jours plus tard, il écrit au préfet de l’Oise pour lui en demander le motif. Il lui fait également savoir que sa propre santé est fragile, souffrant d’un emphysème pulmonaire chronique, d’une maladie de foie et d’une grave affectation cardiaque pour laquelle il est régulièrement suivi par un médecin de Clermont.

Au début de mai 1940, lors de l’offensive allemande, les internés sont évacués vers le camp de Fanlac, installé dans le château du Sablou [1], canton de Montignac-sur-Vézère (Dordogne), « centre de séjour surveillé pour indésirables français ».

Montignac-sur-Vézère, le château du Sablou, colonie de vacance d’Alfortville après guerre. Carte postale des années 1950. Collection Mémoire Vive.

Montignac-sur-Vézère, le château du Sablou, colonie de vacance d’Alfortville après guerre.
Carte postale des années 1950. Collection Mémoire Vive.

Pendant de l’ « exode » de juin, sa sœur, son mari et sa fille viennent se réfugier à Montignac, bientôt suivis par sa propre épouse et sa fille. Mais celles-ci retournent à Fitz-James vers le 15 août 1940, car sa fille Alice doit accoucher.

Selon le récit de Gustave Prothais, une commission d’enquête composée de quatre civils vient dans le camp, au cours de l’été, pour interroger individuellement les détenus afin de déterminer lesquels peuvent être libérés.

Vers la fin du mois d’août, le capitaine commandant du camp montre aux internés une liste de 250 détenus libérables pour cause de maladie ou parce qu’âgés de plus de cinquante ans, sur laquelle Gustave Prothais est inscrit pour les deux motifs. Mais le capitaine explique que leur départ est retardé pour cause de paralysie des transports. Les détenus de la liste bénéficiant dès lors d’ « une assez grande liberté de circuler », Gustave Prothais peut exercer son métier de métreur dans une entreprise de maçonnerie de Montignac, village où il s’installe, chez sa sœur.

Interrogé en septembre sur les possibilités de rapatriement, le capitaine « fait comprendre » aux internés de la liste qu’ils doivent se débrouiller eux-mêmes en empruntant un train de réfugiés. Néanmoins, il ne leur remet aucune autorisation écrite de libération.

Apprenant que d’autres détenus de la liste sont retournés chez eux, Gustave Prothais dépose une demande de certificat de rapatriement de réfugié par chemin de fer le 28 septembre auprès de la mairie de Montignac. Laquelle lui délivre ce document le 4 octobre, jour de son départ. Il arrive à Paris avec sa sœur et sa famille le 6 octobre. Rentré aussitôt à Fitz-James, il reprend son emploi dès le lendemain. Par la suite, son patron témoigne qu’il travaille avec assiduité et efficacité.

Gustave Prothais héberge alors sa fille, dont le mari est prisonnier de guerre et qui est « impotente du bras droit » après avoir passé deux mois à l’hôpital (suite à son accouchement ?) ; son épouse a dû quitter son emploi pour s’occuper d’elle et de son bébé.

Retournant à l’action clandestine, Gustave Prothais fait partie du Comité directeur départemental du Secours populaire de l’Oise et participe à l’organisation du Parti communiste clandestin, constituant des dépôts d’armes (selon le DBOF-Maitron).

Le 6 novembre, le commissaire spécial, (nouveau ?) directeur du camp du Sablou, après que l’administration des camps soit passée du ministère de la Défense à celui de l’Intérieur, signale au préfet de Dordogne l’évasion de Gustave Prothais parmi celles de 18 autres « surveillés », survenues entre le 20 octobre et le 5 novembre.

Vers le 20 mars 1941, la police de l’Oise constate que des tracts et des brochures de caractère communiste sont abondamment diffusés dans la ville de Clermont ainsi que dans les alentours (Gustave Prothais est considéré comme suspect).

Le 22 mars, la Sureté Nationale, dépendant du ministère de l’Intérieur, demande au préfet de l’Oise de lancer une enquête sur la situation de Gustave Prothais, signalé comme s’étant évadé du camp du Sablou.

Le 3 avril 1941, deux inspecteurs de police spéciale de Beauvais l’appréhendent chez son employeur, à la « quincaillerie » d’Albert Lilié, au 13 rue des Fontaines, à Clermont, entreprise du Bâtiment (plomberie-couverture-chauffage central).

Les policiers le conduisent aussitôt devant le procureur de la République de Clermont, lequel estime ne pas avoir d’éléments suffisants pour ordonner l’arrestation de « l’insoumis » et ouvre une simple information pour obtenir des précisions sur sa situation.

Le 5 avril, le commissaire spécial de Beauvais écrit au préfet de l’Oise pour demander que la mesure d’internement soit de nouveau appliquée, d’urgence, à Gustave Prothais.

Le 10 avril, le “suspect” adresse lui-même une requête au préfet de l’Oise pour justifier de sa bonne foi concernant l’accusation d’évasion.

Le 18 avril, le préfet de l’Oise répond à la demande d’enquête de la Sûreté Nationale en expliquant que lui-même attend une décision de la Justice, déclarant envisager une nouvelle décision d’internement si celle-ci « ne répondait pas à l’esprit du décret du 18 novembre 1939 ».

En mai 1941, dans le cadre de l’arrestation de Jean Catelas, la police saisit une de ses fiches biographiques (quelle incidence ?).

Le 6 juin, le préfet de Dordogne s’adresse à la Sûreté nationale pour récuser la validité du certificat de réfugié qu’aurait établi la mairie de Montignac (il demande une copie du document).

Le même jour, le préfet de l’Oise écrit au procureur de la République de Clermont pour lui indiquer, entre autres, qu’il « n’envisage pas, pour le moment, de prononcer à nouveau l’internement de M. Prothais, car[il] ne dispose pas actuellement de camp susceptible de l’accueillir ; pour l’avenir, l’application éventuelle d’une mesure de cette nature sera subordonnée à l’attitude observée par l’intéressé. »

Le 9 juillet 1941, Gustave Prothais est arrêté à son domicile (probablement par la Feldgendarmerie), puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il y est enregistré sous le matricule n° 1284 ; premier des “45000” isariens.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 21 avril 1942, suite à une demande formulée le 5 février précédent par le Feldkommandant pour l’Oise et la Somme, le préfet de l’Oise lui transmet des notices individuelles dépourvues de toute mention concernant leur activité antérieure, ainsi que de son propre avis pour ou contre leur libération, craignant que cela puisse servir de motif à la désignation d’otages pour la fusillade.

Le 9 juin, le préfet de l’Oise écrit à nouveau au Feldkommandant pour l’Oise et la Somme afin de lui « faire connaître que, des recherches faites, il résulte qu’aucun fait matériel d’activité communiste n’a été relevé » « depuis l’arrivée des forces allemandes dans la région » à l’encontre de 64 internés de Royallieu, dont Gustave Prothais et la plupart des futurs “45000” de l’Oise. Le préfet estime « qu’il y aurait lieu de les libérer, sous réserve d’une surveillance de la police française, ou de les remettre à celle-ci en vue de leur internement dans un camp de concentration français. »

Entre fin avril et fin juin 1942, Gustave Prothais est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gustave Prothais est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46018 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Gustave Prothais est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal, auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. En effet, à une date restant à préciser, il est admis au Block 28 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Il meurt à Auschwitz le 31 octobre 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp [2].

Son fils participe activement à la Résistance.

Sa femme, infirmière, est candidate sur la liste antifasciste lors des élections municipales d’avril 1945.

Le nom de Gustave Prothais est inscrit sur le monument aux morts de Fitz-James, à l’entrée du cimetière.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. 18-04-1998).

À une date restant à préciser, le conseil municipal donne son nom à une portion de la départementale 127 qui traverse le village (prise sur la rue Gambetta, où il habitait ?).

Notes :

[1] Le château du Sablou : il est désaffecté après le transfert des internés de la fin 1940. Après la guerre, devenu propriété de la commune d’Alfortville (Val-de-Marne), il est transformé en centre pour colonies de vacances. Il fonctionne ainsi pendant vingt-cinq ans, jusqu’au début des années quatre-vingt-dix. Aujourd’hui propriété privée, il a vocation de centre d’hébergement et de gîte d’étape pour touristes.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Gustave Prothais, c’est le 30 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, CD-rom, version 1990-1997, citant : Le Cri populaire de l’Oise, 8 mai 1932 – L’Écho républicain, 20 octobre 1934 – Le Travailleur de Somme-et-Oise, 27 août et 17 décembre 1937 – Notes de G. Mader – Rens. Mairie ; réactualisée par Jean-Pierre Besse, site du Maitron en Ligne, Université Paris 1.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 357, 369 et 418.
- Archives départementales de l’Oise, site internet du conseil général, archives en ligne : registre d’état civil d’Étouy, année 1887, acte n° 30 (vue 100), année 1890, acte n° 7 (vue 162), année 1898, acte n° 5 (vue 99) ; registre de recensement d’Étouy, année 1891, année 1911, page 25 (vue 14) ; registre de recensement de Fitz-James (6 Mp 265), année 1931, page 17 (vue 11) ; registre des matricules militaires, classe 1908, matricule 1155.
- Archives départementales de l’Oise, Beauvais : carton Internement administratif (141W 1162), chemise « Prothais ».
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 968 (38211/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 60-Fitz-James, relevé de Cédric Hoock (2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Pierre PRIMEL – (46017 ?)

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© Yvette Porato et Marie-Christine Frare.

© Yvette Porato et Marie-Christine Frare.

Pierre, Marie, Primel naît le 21 mars 1901 à Plourac’h (Côtes-d’Armor [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] – 22), fils de François Louis Primel, 27 ans, laboureur, et de Marie Denmat, son épouse, 26 ans, domiciliés au lieu-dit Pen-Vern, quartier du Menez ; pour l’inscription du nouveau-né à l’état civil, les témoins sont un instituteur et un facteur. Pierre a deux frères plus jeunes, Yves (né en 1903 ?) et François (né en 1905 ?).

En 1919, à la mairie de Brest, Pierre Primel, alors âgé de 18 ans, s’engage dans la marine pour trois ans. Le 22 septembre, il est incorporé au 2e dépôt de la Flotte comme matelot de 2e classe.

Affecté à l’escadre de Méditerranée, il sert du 13 février au 1er avril 1920 à bord du cuirassé Patrie, un bâtiment alors obsolète (armé en décembre 1906 à la Seyne-sur-Mer et démantelé en janvier 1928) qui fut engagé lors de la Première Guerre mondiale.

Toulon, carré du port, le Génie maritime et la darse. Carte postale oblitérée en octobre 1919. Collection Mémoire Vive.

Toulon, carré du port, le Génie maritime et la darse.
Carte postale oblitérée en octobre 1919.
Collection Mémoire Vive.

Le cuirassé Patrie en rade de Villefranche-sur-Mer. Carte postale colorisée oblitérée en avril 1925. Coll. Mémoire Vive.

Le cuirassé Patrie en rade de Villefranche-sur-Mer. Carte postale colorisée oblitérée en avril 1925. Coll. Mémoire Vive.

L’équipe de chauffeurs du Patrie fêtant Mardi-Gras. Pierre Primel est assis à gauche, le pied sur une grosse chaîne et tenant une masse. © Yvette Porato et Marie-Christine Frare.

L’équipe de chauffeurs du Patrie fêtant Mardi-Gras. Pierre Primel est assis à gauche,
le pied sur une grosse chaîne et tenant une masse.
© Yvette Porato et Marie-Christine Frare.

Il est ensuite formé comme apprenti à l’école des mécaniciens-chauffeurs (de chaudière) de Toulon jusqu’au 24 août 1920 ; à l’époque, les bâtiments sont mus par des machines à vapeur au charbon. Il est breveté chauffeur le 1er octobre 1920, puis nommé quartier-maître le 1er juillet 1922. Le 16 août suivant avec sa permission de libérable, Pierre Primel quitte Toulon pour se rendre à Kerninec (?) en Bolazec par Scrignac, dans le Finistère mais à quelques kilomètres de Plourac’h.

À l’issue de son engagement, il obtient un emploi de journalier à l’usine du Gaz de Paris, 307 avenue du Président-Wilson à la Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis – 93), grâce à l’intervention du marquis Frédéric de Kerouartz, conseiller général du canton de Callac, député puis sénateur des Côtes-du-Nord, actionnaire de cette société (ce qui lui permet d’aider de nombreux Bretons à y trouver du travail). Pierre Primel intègre l’entreprise le 19 décembre 1923, y travaillant encore probablement auprès des chaudières.

Le 30 juillet 1924 à Saint-Denis [2] (93), Pierre Primel épouse Marie Philomène Le Guillou, née à Plourac’h le 21 janvier 1901, domiciliée à Callac. Un an plus tard, le 1er mai 1925, à Saint-Denis, naît leur fille Yvette, laquelle a pour parrain son oncle Yves Primel.

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© Yvette Porato et Marie-Christine Frare.

 

Au moment de son arrestation, Pierre Primel est domicilié avec sa famille au rez-de-chaussée du 5 de la rue Riant. Nostalgique de son enfance à la campagne, il loue un petit jardin ouvrier au Fort de l’Est à Saint-Denis où il cultive des légumes.

Tous les mois de juillet, la famille passe les vacances au bord de la mer à  à Étables-sur-Mer (Côtes-d’Armor).
Passionné de photographie, Pierre Primel ne se sépare jamais de son appareil.

Pierre Primel et sa fille Yvette. © Yvette Porato et Marie-Christine Frare.

Sur la plage d’Étables-sur-Mer, Pierre Primel et sa fille Yvette.
© Yvette Porato et Marie-Christine Frare.

Généreux, il n’est pas rare qu’il demande un peu d’argent à son épouse – qui gère le budget familial – pour venir en aide à certains collègues de travail dans le besoin.

Militant à la CGTU, il est délégué du personnel dès 1926, organisant de nombreuses réunions le soir après son travail. En 1931, il est délégué adjoint du comité de vigilance (?) pour le chantier à coke. En 1934, il est secrétaire adjoint au groupe unitaire du Landy et délégué responsable jusqu’en 1939.

Le 24 juin 1941, à 6 heures du matin, Pierre Primel est arrêté à son domicile par des inspecteurs du commissariat de Saint-Denis lors d’une vague d’arrestations menée par la police française « en collaboration avec les service de police allemands » sur la base d’arrêtés d’internement administratif signés le jour même par le préfet de police et visant 42 militants « mis à disposition des autorités allemandes à l’Hôtel Matignon ».

Pierre Primel est rapidement transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) [3] Faisant partie des détenus qui « inaugurent » ce camp, il y passera un an.

Dans ce camp, Pierre Primel reçoit une visite de son épouse et de leur fille : ils peuvent se voir pendant une heure, surveillés par deux soldats allemands. À cette occasion, il remet à Yvette un dessin qu’elle conservera précieusement.

Insérés dans le dessin, les portraits d’Yvette et Marie Primel. © Yvette Porato et Marie-Christine Frare.

Insérés dans le dessin, les portraits d’Yvette et Marie Primel.
© Yvette Porato et Marie-Christine Frare.

Après l’arrestation de son époux, Marie Primel s’est trouvé un petit revenu en faisant des ménages et du repassage chez une amie.

Entre fin avril et fin juin 1942, Pierre Primel est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Pierre Primel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46017, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire – au cours duquel Pierre Primel se déclare probablement comme chauffeur (de chaudière), enregistré comme Kraftwagenführer (déformation de Lastwagenfährer, chauffeur de camion?) -, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Il meurt à Auschwitz le 20 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, qui indique pour cause mensongère de sa mort « hydropisie cardiaque » (Herzwassersucht). Il a 41 ans.

Plusieurs années après la Libération, un procès est engagé contre le régisseur du Gaz de Paris qui aurait livré à la répression plusieurs ouvriers dont Pierre Primel. Mais, le jour du procès, le dossier d’instruction est introuvable : en l’absence de preuve à charge, l’inculpé est libéré.

Après la fin de la guerre, une cérémonie est organisée dans l’enceinte de l’usine du Landy en hommage aux déportés du Gaz de Paris, en présence de leurs familles, du personnel et d’Auguste Gillot, maire de Saint-Denis (1944-1971).

© Yvette Porato et Marie-Christine Frare.

© Yvette Porato et Marie-Christine Frare.

À partir de 1944 et  jusqu’à son décès, Marie Primel tiendra un stand au Marché aux puces de Saint-Ouen en tant que bonnetière, trois jours par semaine.

Entre 1945 et 1950, une plaque commémorative est apposée à l’entrée de l’immeuble du 5, rue Riant, en présence du maire ; Yvette, éprouvée par la cérémonie, fait un malaise.

© Yvette Porato et Marie-Christine Frare.

© Yvette Porato et Marie-Christine Frare.

En 1945, la jeune femme souhaite entrer au Gaz de France sur les traces de son père. La demande qu’elle dépose est acceptée au siège de la société (Condorcet), mais bloquée par l’obstruction d’un chef de service du Landy. Yvette renouvelle ses démarches auprès du siège et est enfin acceptée aux ateliers-travaux-mécaniques (ATM) le 1er mai 1945. Elle y fera toute sa carrière, jusqu’en 1985.

En novembre 1948, Marie Primel dépose une demande de pension « en raison de l’arrestation et du décès en déportation de son mari ». En avril de l’année suivante, elle obtient cette pension viagère de veuve de victime civile de la guerre.

En 1961, comme ayant cause, elle dépose une demande d’attribution du titre de déporté résistant ; la carte de déporté politique lui est délivrée le 18 juillet 1962 (n° 1175 15084).

Curieusement, l’attribution de la mention « Mort pour la France » tarde à être apposée sur l’acte de décès de Pierre Primel dans les registres d’état civil. Cette situation est régularisée par le secrétariat d’état aux anciens combattants le 8 juillet 1975. Marie Primel habite alors toujours au 5, rue Riant.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Pierre Primel  (J.O. du 18-04-1998).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 386 et 418.
- Marie-Christine Frare, petite-fille de Pierre Primel, plusieurs pages d’hommage à son grand-père, réalisées avec l’aide de sa mère, Yvette, épouse Porato, 90 ans (1er septembre 2015).
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : liste des internés communistes (BA 2397) ; cabinet du préfet (carton 1w0723), dossier de Pierre Primel (26827).
- Archives départementales des Côtes-d’Armor, archives en ligne, état civil de Plourac’h, registre des naissances de l’année 1901, acte n°17 (vue 11/35).
- Témoignage de Fernand Devaux (10-2008).
- SHD Brest, BCRM Brest ; série 1M, registre matriculaire des marins (1M333), n° 120941 (transmis par l’équipe de la salle de lecture à Ginette Petiot, 10-2015).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 965 (31977/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-11-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Côtes-d’Armor : département dénommé “Côtes-du-Nord” jusqu’en février 1990.

[2] Saint-Denis : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] L’ “Aktion Theoderich :

L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre.

Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – arrestations et perquisitions à leur domicile – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré par la Wehrmacht, réservé à la détention des “ennemis actifs du Reich” et qui ouvre en tant que camp de police.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

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René PRIGENT – (46016 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René Lucien Prigent naît le 12 février 1903 au Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] – 76), chez ses parents, Guillaume Prigent, 43 ans, gréeur, et Anne Marie Augustine Quéméner, 26 ans, son épouse, domiciliés au 15 rue Dauphine. Henri Quéméner, 26 ans, journalier, est le deuxième témoin lors de l’inscription à l’état civil.

Au moment de son arrestation, René Prigent est toujours domicilié au Havre, son adresse restant à préciser.

Il est docker.

À une date restant à préciser, il est arrêté comme otage et finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Prigent est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46016, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté René Prigent.Il meurt à Auschwitz le 12 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Le 28 septembre 1948, en marge de son acte de naissance sur le registre d’état civil, est transcrite la mention : « Décédé au cours de son déportement postérieurement au mois de mai 1942 ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-04-1998).

Le 14 janvier 2004, en marge de son acte de naissance, l’officier de l’état civil par délégation inscrit la mention : « Décédé à Auschwitz (Allemagne) le 12 septembre 1942 ».

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 417.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie réalisée à Rouen en 2000, citant : Liste établie par Louis Eudier (45523), du Havre, 1973.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 965 (30004/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Georges PRÉVOTEAU – 46015

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Georges, Fernand, Frédéric, Prévoteau naît le 5 janvier 1895 à Orléans (Loiret), chez ses parents, Fernand Prévoteau, 24 ans, employé de bureau, et Louise Trumeau, 24 ans, son épouse, domiciliés au 24, rue de Bons-Enfants. Les témoins pour la présentation du nouveau-né à l’état civil sont ses aïeuls, Eugène Prévoteau, 64 ans, militaire retraité, et Alexandre Trumeau, 57 ans, savonnier. Georges a – au moins – deux sœurs : Suzanne, née le 9 mai 1900, et Marcelle, née le 20 janvier 1902.

En juillet 1913, Georges Prévoteau est garçon (commis) de restaurant et habite au 22, rue Saint-Placide à Paris 6e, peut-être dans un hôtel ; son père est alors décédé.

Le 31 juillet 1913 à la mairie du 6e, Georges Prévoteau, âgé de 18 ans, se marie avec Élise O., née le 4 décembre 1888 à Blankenberghe (Belgique), lingère, qui habite à la même adresse.

Le 19 décembre 1914, Georges Prévoteau est incorporé comme soldat de 2e classe au 131e régiment d’infanterie. Le 30 mai 1915, il passe au 175e RI. Le 27 juillet, il part “aux armées”. Le 20 août, il est évacué. Il rejoint le dépôt le 10 novembre. Le 25 janvier 1916, il passe au 35e RI. Le 10 février, il passe au 260e RI. Deux jours plus tard, il est en campagne en Orient. Le 12 juin, il est en traitement dans une ambulance mobile comme contagieux. Le 22 juillet probablement, il est rapatrié en France. Le 13 septembre 1917, il est envoyé à l’hôpital auxiliaire 515 à Thiais (Seine). Le 12 janvier 1918, il rentre au dépôt (27e compagnie ?). Le 5 mars, il entre à l’hôpital n° 18 à Saint-Mandé. Le 7 mai, il rentre au dépôt (27e compagnie ?) après vingt jours de convalescence. Le 20 mai, il part en “mission d’ordre”. Du 27 mai au 11 juin, il est à l’hôpital mixte de Montbrison. Le 22 juin, il rentre au dépôt. Le 30 juin, il retourne à l’hôpital. Le 4 septembre, il rejoint le dépôt militaire. Une semaine plus tard, il est admis à l’hôpital de la Butte. Le 15 octobre, il retourne au dépôt…
Le 10 juillet 1919, il passe à la 7e section d’infirmiers. Le 20 août il est mis en congé de démobilisation et se retire au 11, rue de la Limite à Ostende, titulaire d’un certificat de bonne conduite. Le 25 août 1921, la 4e commission de réforme de la Seine le maintiendra dans le service armé (“réserve”) avec un taux d’invalidité inférieur à 10 % pour « troubles intestinaux consécutifs à une dysenterie contractée à l’Armée d’Orient, état général excellent ».

Le 2 juin 1920, son mariage est dissous par un jugement de divorce prononcé par le tribunal civil d’Orléans.

En août 1921, il habite au 66, rue Oberkampf à Paris 11e et travaille comme maître d’hôtel.

Le 30 août de cette année, à la mairie du Paris 11e, il se marie avec Marguerite Dujardin, née le 19 janvier 1896 à Saint-Valery-sur-Somme (Somme), employée de commerce, domiciliée au 81, avenue Parmentier.

Il a deux enfants. Mais son épouse décèdera, à une date restant à préciser ; ultérieurement, il vivra en ménage avec Louise Letellier, également mère de deux enfants.

En décembre 1925 où 1929, il habite au 44, rue Maistre à Paris 18e.

En mai 1929, un rapport de police le signale comme secrétaire administratif appointé du Syndicat des employés de l’Industrie hôtelière, dont le siège est à la Bourse du Travail. Il est alors membre du Parti socialiste SFIO.

En juin 1931, il habite au 23, rue des Moulins à Saint-Valery-sur-Somme. En avril 1934, il est domicilié place du Marché-aux-Herbes, à Compiègne (Oise). Un mois plus tard, en mai 1934, puis encore en janvier 1936, il déclare habiter place des Pilotes, derrière le quai Blavet, à Saint-Valery. De fait, Georges Prévoteau est propriétaire de deux immeubles dans le village côtier : le Bar You You, place des Pilotes, et un autre dans la rue Roche-Madorne.

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Saint-Valéry-sur-Somme, vue aérienne d’après-guerre. Sur la place des pilotes, arborée, on distingue un kiosque à musique et un manège. Carte postale recadrée, collection Mémoire Vive.

Saint-Valéry-sur-Somme, vue aérienne d’après-guerre.
Sur la place des pilotes, arborée, on distingue un kiosque à musique et un manège.
Carte postale recadrée, collection Mémoire Vive.

À partir de janvier 1937, il déclare un domicile au 48, rue de Clichy à Paris 18e.
Cependant, lors des élections cantonales d’octobre 1937, le Parti communiste le présente comme candidat au Conseil d’arrondissement dans la circonscription de Saint-Valery-sur-Somme (« commerçant »).
En 1939, il contracte un engagement au titre de la Défense passive à Paris. Le 15 novembre, il est nommé chef d’îlot dans le 18e arrondissement. Mais il est relevé de cette fonction dès le 1er décembre « en raison de mauvais renseignements recueillis sur lui ».
Le 13 février 1940, il est embauché comme monteur électricien par la maison Capra, sise au 10, rue Villot à la Courneuve (Seine / Seine-Saint-Denis).Le 5 octobre 1941, il installe sa famille au 31, rue de Calais à Beauvais (Oise), où sa compagne restera avec leurs enfants.
Le 21 octobre, le préfet de la Somme ordonne une perquisition (en son absence) à ses deux domiciles de Saint-Valery.
Le 23 octobre, Georges Prévoteau est arrêté à son domicile parisien par les « autorités d’occupation » pour propagande communiste et conduit à la prison militaire du Cherche-Midi (Paris 15e), réquisitionnée ; la police française n’a pas connaissance exacte du motif de son arrestation.
Puis il est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il y est enregistré sous le matricule 1693.

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Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 30 octobre, deux gendarmes de la brigade de Saint-Valery, accompagnés du maire et d’un serrurier, y perquisitionnent ses deux domiciles après avoir fait crocheter la porte. Lors d’une visite minutieuse au Bar You You, ils ne trouvent que quatre exemplaires de L’Humanité. La perquisition rue Roche-Madonne  amène la découvertes de très nombreux « documents communistes (…) tous antérieurs à 1939 » (journaux, brochures, affiches, insignes).

Le 1er mai 1942, suite à une proposition d’élargissement envisagé par le préfet de l’Oise, le commandant de la Feldkommandantur 580 à Amiens (80) sollicite du préfet de la Somme « une fiche personnelle d’après le modèle en usage » – bilingue français-allemand – concernant Georges Prévoteau.

Dans la « notice individuelle » qu’il rédige en réponse le 5 mai (envoyée le 8), le commissaire principal des Renseignements généraux de la Somme défini Georges Prévoteau comme : « Beau parleur, d’une intelligence au-dessus de la moyenne ».

Entre fin avril et fin juin 1942, Georges Prévoteau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

[/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandises d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandises
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Georges Prévoteau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46015 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Georges Prévoteau est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

À une date restant à préciser, il est admis au Block 20 de l’hôpital des détenus.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des inaptes au travail à la suite de laquelle 146 des 45000 sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-04-98).

Notes :

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 373 et 417.
- Archives municipales de la ville d’Orléans, archives en ligne : registre des naissances de la première partie de l’année 1895, (2 E 326), acte n°10 du 5 janvier (vue 5/252).
- Archives départementales du Loiret, site internet, archives en ligne : registres du recrutement militaire, bureau d‘Orléans, classe 1915 (1 R 84012), n° 802 (vues 333-335/565).
- Archives départementales de la Somme, site internet, archives en ligne : pour son épouse Marguerite Dujardin, registre d’état civil de Saint-Valery-sur-Somme 1896 NMD (2E721/43), acte n° 4 (vues 3-4/175).
- Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France, L’Humanité n° 14152 du vendredi 17 septembre 1937, page 4, “dix-huitième liste (suite)…”.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 1482-82711).
- Archives départementales de la Somme, Amiens : correspondance de la préfecture sous l’occupation (26w592).
- Archives départementales de l’Oise, Beauvais : Internement administratif (141w 1162).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 964 (orthographié « Preroteau »).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-01-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Roger PRÉVOST – 46014

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

 

Roger, Henri, Prévost naît le 4 février 1911 à Saint-Maur-des-Fossés [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Val-de-Marne – 94), chez ses parents, Auguste Prévost, 25 ans, chauffeur, et Léontine Caron, son épouse, 21 ans, blanchisseuse, domiciliés au 24, rue du Four ; la famille comptera douze enfants, au titre desquels la mère recevra un diplôme et la médaille d’argent des familles nombreuses (les parents habiteront au 18, rue Jules-Joffrin…).

Pendant un temps, Roger Prévost habite au 17, avenue Madelon à Champigny-sur-Marne [1] (94).

Le 20 avril 1932, il est incorporé au 151e régiment d’infanterie.

Le 2 septembre 1932 à Champigny, Roger Prévost se marie avec Georgette Chauvin.

Le 22 avril 1933, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En novembre suivant, il habite au 12, avenue Diane, à Champigny. En mars 1934, il demeure au 19, rue du Chemin-Vert dans la même commune.

Roger Prévost est monteur électricien (déclaré comme monteur en bâtiment ou manœuvre après son arrestation).

En mars 1936, il est domicilié au 18, rue Garibaldi à Saint-Maur. En août 1937 et jusqu’au moment de son arrestation, il demeure au 18 bis, rue Béranger à La Varenne, quartier de Saint-Maur.

Le 10 septembre 1939, il est mobilisé à la 22e section d’infirmiers. N’étant pas fait prisonnier lors de la Débâcle, il retourne dans ses foyers

Le 6 décembre 1940, à 6 heures du matin, Roger Prévost est arrêté à son domicile par la police française : le préfet de police a signé un arrêté d’internement administratif en application du décret de la loi du 3 septembre 1940. Aussitôt après son arrestation, il est conduit au “centre de séjour surveillé” d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé un mois plus tôt dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,  le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.  Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,
le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Le 9 février, Georgette, son épouse écrit au préfet de police pour obtenir de ses nouvelles.

Le 25 mars 1941, Léontine, sa mère, alors domiciliée au 4, grande-Rue à Créteil, écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter l’autorisation de rendre visite à son fils, alors assigné à la chambre D.R. [?] Un mois plus tard, le 28 avril, faute d’avoir obtenu satisfaction, c’est au préfet de la Seine qu’elle s’adresse afin d’obtenir ce droit de visite, sans plus de résultat.

Le 5 mai 1942, après un an et demi d’internement à Aincourt, Roger Prévost fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 405, il ne reste que cinq jours dans ce camp.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. Musée de la Résistance nationale (MRN). Champigny-sur-Marne.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
Musée de la Résistance nationale (MRN). Champigny-sur-Marne.

Le 10 mai, il fait partie des 81 internés remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin, Roger Prévost est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Henri Prévost est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46014 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée). Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Roger Prévost est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 17.

Le 27 août, atteint par le typhus, Roger Prévost est admis au Block 20 (maladies contagieuses) de l’hôpital d’Auschwitz.

Il meurt à Auschwitz le 29 août 1942, d’après l’acte de décès du camp. Mais, ce jour-là, sous prétexte d’enrayer une épidémie de typhus dans le camp principal, le nouveau médecin SS de la garnison, Kurt Uhlenbroock, ordonne d’effectuer une sélection dans les Blocks de l’hôpital, notamment le Block 20. 746 détenus atteints du typhus et convalescents sélectionnés dans la cour fermée séparant les Blocks 20 et 21 sont chargés dans deux grands camions bâchés qui les transportent par rotation jusqu’aux chambres à gaz de Birkenau.

Départ en camion pour la chambre à gaz. Dessin de François Reisz, in Témoignages sur Auschwitz, 1946, page 149. Coll. Mémoire Vive.

Départ en camion pour la chambre à gaz.
Dessin de François Reisz, in Témoignages sur Auschwitz, 1946, page 149. Coll. Mémoire Vive.

Il s’agit de la première grande opération d’extermination des détenus malades. La désinfection du Block 20 dure dix jours ; du 29 août au 8 septembre, le registre du Block ne comporte aucune inscription.

Le nom de Roger Prévost est inscrit sur la plaque apposée dans le hall de la mairie de Saint-Maur « à la mémoire des fusillés et morts en déportation en Allemagne ».

Notes :

[1] Saint-Maur-des-Fossés et Champigny-sur-Marne : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 389 et 417.
- Archives départementales du Val-de-Marne, site internet du département, archives en ligne : registre des naissances de Saint-Maur-des-Fossés (4E 3542 1), acte n° 52 (vue 16/155).
- Archives de Paris : registres matricules du recrutement militaire, classe 1932, 4e bureau de la Seine (D4R1 3095), n° 1743.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 531-13989).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, listes d’internés (1W76 et 1W80) ; dossier individuel du bureau politique du cabinet du préfet (1W148).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Auschwitz, camp de concentration et d’extermination, ouvrage collectif sous la direction de Franciszek Piper et Teresa Swiebocka, éd. du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau à Oświęcim, version française 1993-1998, p. 175
- Auschwitz 1940-1945, Les problèmes fondamentaux de l’histoire du camp, ouvrage collectif sous la direction de Wacław Długoborski et Franciszek Piper, éd. du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau à Oświęcim, version française 2011, volume II, pages 391 et 409-410.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 965 (26356/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus, Biuro Informacji o Byłych Więźniach ; page du registre du Block 20 ; liste de la morgue (« Leihenshalle »).
- Site Mémorial GenWeb, 94-Saint-Maur-des-Fossés, relevé de Bernard Laudet (12-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-09-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Lucien PREUILLY – 46013

JPEG - 75.6 ko
Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Lucien, Gaston, Émile, Preuilly naît le 16 juin 1920 à Paris 15e, fils de Ferdinand Preuilly et de Louise Normand. Lucien à un frère, Louis, et une sœur, plus jeunes.

Au moment de son arrestation, il est domicilié chez ses parents, au 14, rue des Quatre-frères-Peignot à Paris 15e. Il est célibataire (il a 20 ans…).

Lucien Preuilly est ouvrier métallurgiste dans l’usine d’aviation Amiot, à Colombes (Seine / Hauts-de-Seine).

C’est un militant actif des Jeunesses communistes.

Sous l’occupation, la police française le considère comme un « meneur communiste actif ».

Le 16 mai 1940, à Colombes, Lucien Preuilly est arrêté sur la voie publique par les services du commissariat de police de cette ville pour distribution et détention de tracts. Selon la police, il distribuait également des tracts sur son lieu de travail. Il est inculpé d’infraction au décret du 26-9-1939. Peut-être n’est-il pas immédiatement incarcéré à cause de la débâcle ou a-t-il été libéré de prison de la Santé à l’arrivée de l’armée allemande.

Le 19 décembre, il comparaît – seul – devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine qui le condamne à trois mois d’emprisonnement qu’il effectue à la Maison d’arrêt de Fresnes [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Val-de-Marne).

La maison d’arrêt de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La maison d’arrêt de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré : le 18 mars 1941, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif. En attendant son envoi dans un “centre de séjour surveillé”, Lucien Preuilly est conduit au dépôt.

Le 20 mars, sa mère, Louise Preuilly, 55 ans, écrit au préfet de police pour solliciter sa libération : « Je réponds de lui qu’il n’oubliera plus le droit chemin ». Elle indique que la possession d’un seul tract aurait suffit à motiver l’interpellation de son fils.

Le 7 avril, Lucien Preuilly est transféré au camp français d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

 

Le 6 septembre 1941, il fait partie d’un groupe de 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Son père, âgé de 63 ans, décède le 6 octobre 1941. Dès qu’il l’apprend, il sollicite auprès du commandant du camp de Rouillé une permission de sortie pour se rendre à ses obsèques. Deux jours plus tard, le chef de camp écrit au préfet de police, indiquant que le règlement  du CCs prévoit ce cas de figure et que l’attitude de cet interné n’a fait l’objet d’aucune remarque défavorable depuis son arrivée.

Le 13 janvier 1942, sa mère, Louise Preuilly, écrit au préfet de police pour solliciter de nouveau la libération : « Le malheur qui est dans ma maison depuis trois mois me rend folle. Je perds ma sœur, mon mari et ma mère dont (sic) je veille cette nuit. Est-ce elle, ma chère maman, qui me pousse à venir vous demander de bien vouloir me rendre mon fils, Lucien Preuilly, interné au camp de Rouillé (Vienne). Ce cher enfant, qui était ma joie et mon soutien, pour un malheureux tract et qui, cependant, depuis le début de la guerre, ne s’occupait plus de rien. Avec ma mère, qui vivait avec moi, j’avais encore un petit soutien et partageait avec moi sa petite rente qu’elle avait, la maladie de mon mari et de ma sœur et de ma mère, puis ces trois décès m’ont mise dans le plus complet dénuement.. Je reste seule avec deux enfants et n’aie que la ressource de mes yeux pour pleurer. »

Le 9 février 1942, Lucien Preuilly est parmi les 52 « communistes » (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 –Polizeihaftlager).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiauxdu Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Lucien Preuilly est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46013 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [2]).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Lucien Preuilly est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).

Il meurt à Birkenau le 24 décembre 1942, d’après les registres du camp. Il a 22 ans. Selon le témoignage de Georges Dudal, il serait mort sous les coups.

Il est homologué comme « Déporté politique ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1998).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 417.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Dossier individuel aux Archives du secrétariat d’État aux Anciens Combattants et Victimes de Guerre – Témoignages de Georges Dudal et de Fernand Devaux, rescapés du convoi.
- Archives de Paris, archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 2 décembre 1940 au 25 février 1941, cote D1u6-5852.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; archives des Renseignements généraux (carton 77w1610), dossier (66970) ; cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
- Archives départementales de la Vienne ; camp de Rouillé (109W75).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-09-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

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Prudent PREL – 46012

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Droits réservés.

Prudent, Clément, Prel naît le 1er mars 1894 au lieu-dit le Bois aux Moines à Cigné (Mayenne) [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], chez ses parents, Prudent (lui aussi), François, Prel, 29 ans, « cultivateur fermier », et  Joséphine Gautier, 27 ans, son épouse. Les témoins pour la présentation du nouveau-né à l’état civil sont deux instituteurs du village. Prudent a trois frères, Georges, François et Louis, et trois  sœurs, Hyacinthe, Marie et Alice. En 1896, la famille est encore domiciliée au Bois aux Moines, mais elle n’y est plus recensée en 1901.

En 1914, la famille habite le village de Champsecret, canton de Domfront, dans l’Orne, où Prudent travaille avec ses parents comme cultivateur.

Le 4 septembre de cette année, Prudent Prel est mobilisé comme soldat de 2e classe au 119e régiment d’infanterie à Lisieux (Calvados), arrivant au corps trois jours plus tard. Le 8 février 1915, il passe au 28e régiment d’infanterie, qu’il rejoint en première ligne, sous les bombardements, dans le hameau surélevé de Sapigneul (cote 108), commune de Cormicy (Marne), secteur du Chemin des Dames.
Le 24 mars, il passe au 77e RI, provisoirement cantonné à Ypres (Belgique flamande) avant une période de repos à Watou, en Belgique à la frontière française. Le 1er mai suivant, Prudent Prel, malade, est évacué sur l’intérieur. Le 31 août, il est de retour dans son régiment qui cantonne à Ransart (Pas-de-Calais).
Le 23 septembre 1915, il passe au 66e RI, en cantonnement à Molliens (Oise). Début mai 1916, lors de la bataille de Verdun, en première ligne à la côte 304, située 2 km au Nord-Ouest de la ville, son unité subit de violents bombardements ; les 5 et 6 mai, le régiment compte ainsi 150 tués et 397 blessés avant d’être relevé.

La cote 304 après la guerre. Carte postale, collection Mémoire Vive.

La cote 304 après la guerre. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Prudent Prel est légèrement blessé à la tête par un éclat d’obus. Le 15 juillet, il rejoint son régiment.
Une semaine plus tard, le 22 juillet, il passe au 54e RI, alors cantonné au repos au sud de la Fère-en-Tardenois (Aisne). Le 25 septembre 1916, à Bouchavesnes – village particulièrement ruiné par les combats, à 9 km de Péronne -, Prudent Prel est blessé à l’avant-bras gauche et évacué le lendemain. Le 16 octobre, il est cité à l’ordre de son régiment : « Belle conduite au cours des combats […]. A été blessé en montant à l’assaut des tranchées ennemies. » Il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze.

La Croix de guerre 1914-1918 avec étoile de bronze. © MV

La Croix de guerre 1914-1918
avec étoile de bronze.
© MV

Le 19 mars 1917, il passe au 19e bataillon de chasseurs à pied, qu’il rejoint le 27 mars alors que celui-ci occupe un secteur du front vers Moussy-sur-Aisne et Condé-sur-Aisne.
Un an plus tard, dans la soirée du 29 mars 1918, lors de l’Offensive de printemps (“bataille du Kaiser”), le 19e bataillon se déploie dans l’urgence à l’intérieur et aux alentours du village de Grivesnes (Somme) afin de faire barrage à une offensive allemande attendue. Le 19e chasseurs contre efficacement une vague d’assaut des 1er régiment à pied de la garde et 111e régiment Markgraf Ludwig Wilhelm lancée le 30 mars au soir et reprise le lendemain à partir de midi, notamment dans le parc du château, bâtiment où les Français se sont retranchés.

Grivesnes, le château après la Grande Guerre. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Grivesnes, le château après la Grande Guerre. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Mais, le 31 mars, « Les allemands ont pénétré dans le poste de secours, établi dans une maison à l’intérieur du village, et ont emmené prisonniers le médecin chef, le médecin auxiliaire, le pharmacien et tout le personnel du service de santé. » (page 62 du JMO)

Grivesnes. La rue de Montdidier à la fin de la Grande Guerre. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Grivesnes. La rue de Montdidier à la fin de la Grande Guerre. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le même jour, Prudent Prel est porté disparu. Fait prisonnier, il est détenu pendant neuf mois au Mannschaftslager de Dülmen, sur le Rhin, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Le 25 décembre 1918, il est rapatrié au D.C.I. de la 4e région. Le 4 février 1919, il passe au 130e RI, alors cantonné dans le Cher. Le 6 septembre suivant, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire chez ses parents à Champsecret, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Prudent Prel part trouver du travail en région parisienne. Fin janvier 1920, il est domicilié au 19, place du square Thiers à Saint-Denis (Seine / Hauts-de-Seine – 93).

Le 13 avril suivant, il est de retour à Champsecret pour y épouser Marie Madeleine Langlois, née le 4 février 1897 au « village » du Gassel en cette commune.

En janvier 1921, il habite 39, rue de Paris à Villetaneuse (93). Un an plus tard, il est revenu à Saint-Denis, au 16, rue du Canal. Le 5 juin suivant, l’armée le classe dans l’affectation spéciale de la 5e région des chemins de fer de campagne comme employé permanent de l’administration des Chemins de fer du Nord en qualité d’ouvrier dans les ateliers du Landy à Saint-Denis. Un an plus tard, le 5 juillet 1923, rayé du contrôle des affectés spéciaux, il se retire au 11, passage Bignon, à Flers (Orne). En février 1924, il est domicilié au 58, rue Domfront dans cette ville

Il est ouvrier plombier, désigné meilleur ouvrier de France.

Devenu veuf et n’ayant pas eu d’enfant avec sa première épouse, il se remarie le 16 juin 1928, à Aubusson (Orne), avec Germaine Bourdais qui lui donne trois enfants qu’il adore : Michel, né en 1929, Colette, née en 1931, et Josette, née en 1934.

À partir de 1931, la famille est domiciliée au 27, rue de France à Fontainebleau (Seine-et-Marne). Prudent Prel est employé comme tôlier pendant huit ans par l’entreprise Leroux-Goussard, rue Marrié à Fontainebleau, pour laquelle il installe  des radiateurs.

Militant actif du Parti Communiste, il est secrétaire de la cellule locale dont le trésorier est son ami René Domenc, ouvrier au garage Levy situé à côté de son domicile, et déporté avec lui.

Sous l’occupation, Prudent Prel travaille comme chaudronnier dans l’entreprise de plomberie-chauffage de Léon Imbert, 9, rue Paul-Jozon à Fontainebleau.

Le 19 octobre 1941, à 6 heures du matin, Prudent Prel est arrêté à son domicile par un gendarme et deux soldats allemands, accompagnés de deux policiers français : « Habillez-vous, prenez du rechange, on vous emmène ! »

Germaine Prel se souvient d’avoir ouvert son armoire sur ordre d’un soldat allemand qui voulait en vérifier le contenu, s’il n’y avait pas de papier. Mais il n’a rien trouvé. Par contre un agent français est arrivé et à tout fait tomber en disant : « Vous savez que les Allemands n’aiment pas les communistes. » Ensuite, ils emmènent Prudent dans un immeuble de la rue Royale où son épouse peut aller le voir, le temps que soient rassemblés les militants arrêtés dans les environs. Quand ils sont emmenés, en fin de journée, Germaine Prel demande à l’escorte allemande où ils sont conduits, mais sans obtenir de réponse.

Il est pris dans une rafle décidée par l’occupant et visant des communistes de la Seine-et-Marne, arrêtés comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte ayant eu lieu dans le département : une quarantaine d’entre eux seront des “45000”. La mairie de Fontainebleau aurait conservé une liste d’anciens militants communistes ayant pu servir à l’arrestation de Prudent Prel et de René Domenc, lequel avait pourtant quitté le PCF.

En raison du motif politique de l’arrestation du père de famille, Germaine Prel et leurs enfants sont ostracisés par l’administration française collaboratrice : Michel et Colette sont interdits de déjeuner à la cantine scolaire ; la famille se voit refuser des secours tels que la soupe populaire.

Après deux mois sans nouvelles, Madame Prel reçoit une carte lui apprenant que son époux est au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), puis une lettre indiquant qu’elle avait l’autorisation de lui envoyer lettres, cartes et, parfois, colis. Elle peut lui rendre visite qu’une seule fois.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 28 novembre, le nom de Prudent Prel est inscrit sur une liste de 79 otages communistes pouvant être proposés pour une exécution de représailles, établie par la Feldkommandantur 680 de Melun et adressée au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-[en-Laye].

Entre fin avril et fin juin 1942, Prudent Prel est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). À 48 ans, il est parmi les hommes âgés du convoi.

Alors que les préparatifs du départ sont en cours, Prudent Prel écrit un message qu’il jettera du train et qui parviendra à sa famille par l’intermédiaire d’un cheminot l’ayant ramassé sur la voie.

« 5 juillet 1942 – 9h. du matin

Ma chère petite Femme,

Nous sommes sur notre départ pour une destination inconnue, je ne sais où ils vont nous emmener, je voudrais bien être arrivé. Je ne peux te dire si je pourrai t’écrire. Dans quelles conditions nous emmènent-ils ? Serons-nous déportés et considérés comme tels ? Ou irons-nous travailler en Allemagne ?

Ma chère petite Femme, en tous les cas, sois bien courageuse avec tes petits enfants, chéris-les comme moi-même j’avais l’idée, le petit Michel pourra te rendre de bons petits services ; pour le bois, qu’il prépare la provision pour l’hiver car malheureusement je ne serai pas là, à moins d’évènements nouveaux.

Tu vois, ma petite, par un salaud qui nous a vendu, voilà le copain en qui j’avais toute confiance et qui m’a trahi sur toute la ligne ; heureusement qu’il est crevé, car son compte à lui aussi aurait été bon à mon retour. [cette “dénonciation” n’a pas été confirmée !]

De la région, nous partons à beaucoup : René Coudray, Bonhomme, Magnat, Trolet, Ménager, tous copains de Champagne[-sur-Seine] et de Moret[-sur-Loing], mais nous allons être dispersés, nous sommes divisés par groupe de trois cents. Nous partons à 1.200. René est du groupe 2, moi du groupe 3. C’est par lettre : René lettre D [Domenc], moi lettre P. Espérons que nous nous retrouverons à l’arrivée, car nous allons partir par fraction.

Ma chère petite, je te confie donc les petits, je pense qu’ils seront bien gentils pendant mon absence. Embrasse-les bien pour moi.

Je termine en vous embrassant bien tendrement.

Votre petit père qui pense à vous.

Mille bons baisers.

Prudent PREL »

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Prudent Prel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46012 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Prudent Prel est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).

Il meurt à Birkenau, le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]).

Le 1er mai 1946, la cellule Prudent Prel de PCF organise une cérémonie pour inaugurer une plaque commémorative apposée sur la façade de l’immeuble où il habitait au 27, rue de France ; André Gautier, député de Seine-et-Marne, y prononce un discours.

Le nom de Prudent Prel nom est inscrit parmi les morts pour la France de la période « 1941-43 » – juste au-dessous de René Domenc – sur le monument aux morts de Fontainebleau, situé place des combattants morts pour la France (anciennement place de Verdun).


Georges Dudal :

« Pendant plusieurs mois, la survie est difficile à Fontainebleau pour Madame Prel et ses enfants. Elle ne trouve aucune aide. Même la soupe populaire lui est d’abord refusée pour ses enfants, qui n’étaient pas enfants de prisonnier de guerre mais enfants de communiste.

Puis, sur le conseil de Monsieur Vidal, elle se rend en mairie et a obtient finalement ce soutien indispensable, non sans que le responsable du service lui dise de nouveau : «  Vous savez bien que vous n’y avez pas droit  ! » La soupe populaire est composée de riz ou de pâtes, parfois avec quelques tomates… mais plus souvent avec des crottes de souris.

Le 20 avril 1999, notre amie Maryvonne Braunschweig, professeur d’histoire, avait organisé une petite réception en son domicile situé à Avon, près de Fontainebleau. But de cette rencontre : remettre à Madame Prel, épouse de notre camarade, la photo de son mari prise après notre arrivée au camp d’Auschwitz, le 8 juillet 1942. Étaient présents : Madame Prel, accompagnée de son fils et de sa femme, notre amie Maryvonne, Lucien Ducastel, Germaine et Georges Dudal, Pauline et André Montagne, ainsi qu’une jeune étudiante lauréate du concours de la Résistance, Mélanie Bautrat.

La remise de cette photo, que notre camarade Montagne avait fait agrandir, suscita une intense émotion. La gorge serrée, les larmes aux yeux, nous avons tous honoré notre camarade Prudent Prel et son épouse. »


 Notes :

[1] Cigné : ce village sera absorbé en 1972 par la commune mitoyenne d’Ambrières-les-Vallées.

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 378 et 417.
- Georges Dudal, article pour le bulletin de Mémoire Vive, n° 10, novembre 1999.
- Fontainebleau-Avon 1940-1945 à travers plaques, stèles et monuments : faits de résistance, répression, persécutions, dossier réalisé par les élèves de 3eD du collège de la Vallée à Avon sous la direction de Maryvonne Braunschweig, professeur d’histoire-géographie, dans le cadre du concours de la Résistance et de la Déportation 1999, pages 51 à 68.
- Archives départementales de Mayenne, site internet du Conseil départemental : registre d’état civil de Cigné NMD 1893-1902 (4 E 76/20), année 1894, acte n° 12 (vue 33/265) ; recensement de population de Cigné en 1896 à (p.39, vue 39/44).
- Archives départementale de l’Orne, site internet ; registres matricules du recrutement militaire, classe 1914, bureau d’Argentan (R1242), matricule n° 750 (vues 474-475/925).
- Site Mémoire des hommes, ministère des armées, journaux des marches et opérations de corps de troupe ; 28e régiment d’infanterie, 77e RI, 66e RI, 19e bataillon de chasseurs à pied (19e BCP du 30 octobre 1916 au 26 novembre 1918, J.M.O.26 N 822/2, vues 54-64/95).
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys ; cabinet du préfet, arrestations collectives octobre 1941 (M11409) ; personnes arrêtées : dossiers individuels M-Z (M11411).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; cote XLIV-60.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 964 (31581/1942).
- Georges Dudal, article pour le bulletin de Mémoire Vive, n° 10, novembre 1999.
- Virginie Dejardin, arrière-petite-fille de Prudent Prel, messages (02-2018 et 05-2021).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-05-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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André PRADELLES – (46011 ?)

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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

André, Émile, Fernand, Pradelles naît le 1er novembre 1920 à Albi (Tarn).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 44, boulevard de Picpus à Paris 12e. Il est célibataire. Il est tourneur ou terrassier.

De 1936 à 1937, il est membre de la section du 12e arrondissement des Jeunesses communistes (JC), sans y avoir de responsabilité particulière.

Le 1er novembre 1941, il est arrêté par la police française au cimetière du Père Lachaise pendant un rassemblement des JC clandestines allant déposer des fleurs sur la tombe de Paul Vaillant-Couturier (journaliste, directeur de L’Humanité et député-maire communiste de Villejuif, décédé subitement le 10 octobre 1937) ; comme André Migdal et Gaston Vergne. Le jour même, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939.

Le 10 novembre 1941, André Pradelles fait partie des 58 militants communistes transférés (du dépôt ?) au « centre de séjour surveillé » (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le 14 avril 1942, le préfet de police de Paris « fait savoir » au préfet de la Vienne « que les autorités allemandes viennent d’interdire le transfert dans un autre camp ou prison, sans leur autorisation expresse » de onze internés de Rouillé parmi lesquels figure André Pradelles.

Le 22 mai, celui-ci fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ;matricule 5936, bâtiment A7.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

 

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Pradelles est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46011, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] ; certainement avant la mi-mars 1943.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1998).

Notes :

[1] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil… : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant d’André Pradelles, c’est le 30 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 372 et 417.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, chemise “transfert des internés, correspondance 1942-1944” (BA 2377) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 686-23405).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 150.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-09-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Léon POYER – 46010

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Extrait du carton « Ils aimaient la France ». présenté ci-dessous.

Extrait du carton
« Ils aimaient la France ».
présenté ci-dessous.

Léon, Clément, Poyer naît le 11 juin 1899 à Maromme (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] – 76), chez ses parents, Alfred Poyer, 26 ans, et Léontine Tessel, son épouse, 26 ans, domiciliés au 45, au Bout du Bosc.

Le 16 avril 1918, Léon Poyer est incorporé au 1er régiment de zouave comme soldat de 2e classe, arrivant au corps le lendemain. Le 20 mars 1919, il passe au 8e zouaves. Le 22 juillet suivant, il est à Oran (Maroc). Le 1er janvier 1920, il passe au 6e régiment de tirailleurs. Le 11 mai suivant, il est en campagne “en Orient” (“unité combattante”. Le 14 avril 1921, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 4 janvier 1922 à Maromme, Léon Poyer se marie avec Célina Juliette Déveaux, née le 8 octobre 1899 à Pavilly.

Fin 1925, le couple habite au hameau de la Maine (au Bout du Bosc), à Saint-Jean-du-Cardonnay (76). Léon est alors ouvrier teinturier (aux établissements G. Thaon ?). Célina est ouvrière à la Filature de coton corderie de mèches à bougies et usine de teinturerie Gresland, à Notre-Dame-de-Bondeville. Ils hébergent le frère de celle-ci, André Deveaux, né en 1908 à Rouen, ouvrier à la Filature de coton Charles Delaporte, rue des Martyrs à Maromme.

Au printemps 1927, il est domicilié sur la route de Duclair à La Vaupalière, commune limitrophe de Maromme et de Saint-Jean-du-C.

En septembre 1929 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 26, rue Lorraine, à Maromme.

Lors du recensement clôt le 15 mai 1936, Léon Poyer se déclare comme « planteur de sapins » (sic). Célina est toujours ouvrière en filature, comme la mère de celle-ci, qu’ils hébergent alors.

Puis il trouve un emploi d’ouvrier métallurgiste, selon Louis Eudier, plus précisément de mouleur en fer. En 1937, l’armée le classe dans l’affectation spéciale à la Compagnie Française des Métaux, à Déville-les-Rouen.

Il est adhérent du Parti communiste.

Le 7 juillet 1939, l’armée le raye de l’affectation spéciale et le réaffecte au centre mobilisateur d’infanterie n° 32.
Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Léon Poyer…

Dans la nuit du 21 octobre 1941, il est arrêté à Maromme lors de la grande rafle de Rouen et de sa banlieue [2]

Il est emmené à la caserne Hatry de Rouen, enchaîné à son voisin, Julien Villette.

Rouen. La caserne Hatry dans les années 1920. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Rouen. La caserne Hatry dans les années 1920. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 24 octobre probablement, avec les autres Normands arrêtés aux mêmes dates, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager).

Dans un message sorti clandestinement, un camarade de Maromme, Marcel Lecour, demande de faire prévenir certaines personnes, parmi lesquelles M. Poyer, rue Lorraine, « que le membre de leur famille absent est en bonne santé et arrivé ce jour à Compiègne ».

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Léon Poyer est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Léon Poyer est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46010. Sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Léon Poyer est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

À une date restant à préciser, il est admis au bâtiment des maladies contagieuses (Block 20) de l’hôpital du camp.

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Léon Poyer meurt à Auschwitz le 23 août 1942, d’après plusieurs registres établi par l’administration SS du camp.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1998).

Hommage aux militants de Maromme disparus. Carte-souvenir éditée après guerre (recto et verso). Plusieurs noms sont mal orthographiés, dont celui de Marcel Lecour (« U. Lescour »), en bas à droite. Collection Martine Groult.

Hommage aux militants de Maromme disparus. Carte-souvenir éditée après guerre (recto et verso).
Plusieurs noms sont mal orthographiés, dont celui de Marcel Lecour (« U. Lescour »), en bas à droite.
Collection Martine Groult.

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955, afin de signifier sa position en aval du cours du fleuve.

[2] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste). Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire A, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. En effet, tous les hommes appréhendés furent remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941. 44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.

(*) 150 selon “30 ans de luttes“, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp C est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 417.
- Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre, Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (2-1973 ?).
- Alain Alexandre et Stéphane Cauchois, Résistance(s), Rouen, sa région, la vallée du Cailly entre histoire et mémoire, 1940-1944, éditions L’écho des vagues, avril 2015, pages 23 et de 26 à 28.
- Archives départementales de la Seine-Maritime (AD 76), site internet, archives en ligne : registre d’état civil de Maromme, année 1899 (4E 13734), acte n° 118 (vue 130/141).
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département, : cabinet du préfet 1940-1946 (cote à vérifier, 51 W …), recherches conduites avec Catherine Voranger.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 961 (24635/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-08-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Émile POYEN – (46009 ?)

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Collection Pascal Huyssen. D.R.

Émile, André, Poyen naît le 9 novembre 1891 à Dieppe (Seine-Maritime – 76), au domicile de ses parents, Auguste Poyen, 32 ans, marin-pêcheur, absent, et Victoria Bertrand, son épouse, 31 ans, cigarière, demeurant au 30, rue Descaliers.

Pendant un temps, Émile Poyen habite avec ses parents au 29, rue Notre-Dame, à Dieppe, et commence à travailler comme cocher.

Le 10 octobre 1912, Émile Poyen est appelé pour effectuer son service militaire à Rouen (76) comme sapeur de 2e classe au 1er régiment du Génie. Quand la guerre est déclarée le 2 août 1914, il reste “sous les drapeaux”. Le 12 août 1917, il passe au 3e Régiment du Génie, affecté à la 108e compagnie. Le 11 novembre 1917, il est affecté à la 5e SAPC. Il a été en unité combattante pendant un an, un mois et vingt-sept jours. Le 31 mars 1919, l’armée le classe affecté spécial de la 4e section des chemins de fer de campagne comme employé permanent de l’Administration des Chemins de fer de l’État.

Le 15 février 1919 à Dieppe, Émile Poyen s’est marié avec Henriette Guillot, née le 31 mars 1898 dans cette commune, alors blanchisseuse. Ils ont deux filles, Andrée, née le 19 mars 1920 à Dieppe, et Yvette, née le 1er août 1922 ou 1924 à Longueau (Somme – 80).

En juin 1921, la famille habite au 36, place du Marché Lanselles à Amiens (80) ; à vérifier….

Au printemps 1926, Émile Poyen est installé avec sa famille au 101, rue des Alliés à Longueau, commune à l’est de l’agglomération d’Amiens. En 1931, leur foyer accueille deux jeunes enfants placés en nourrice.

Au printemps 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Émile Poyen est domicilié avec sa famille au 105, rue Victor-Hugo à Longueau.

Il est alors chauffeur de route au dépôt SNCF d’Amiens (n° d’agent 4198).

Sous l’occupation, selon une attestation ultérieure, il a une activité de « Résistant isolé ».

Le 23 novembre 1941, Henriette, son épouse, met au monde leur troisième enfant, un fils : Jean Marie.

Le 7 mai 1942, Émile Poyen est arrêté par la police allemande à la suite d’un double sabotage effectué dans la nuit du 30 avril au 1er mai, ayant notamment immobilisé la grue de relevage (32 tonnes) du dépôt. Il est écroué à la Maison d’arrêt d’Amiens « à la disposition des autorités allemandes » et fait partie des treize cheminots du dépôt SNCF gardés en représailles.

Dans une notice individuelle réalisée après coup, le commissaire central d’Amiens indique : « Est totalement inconnu à Amiens ; n’a jamais attiré sur lui l’attention des services de police, notamment dupoint de vue politique ».

Le 10 juin, ils sont dix cheminots du dépôt d’Amiens (dont neuf futurs “45000”) [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][2] à être transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Au cours du mois de juin 1942, Émile Poyen est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Émile Poyen est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46009 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Émile Poyen se déclare alors chauffeur (de véhicule automobile). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, la moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Concernant Émile Poyen, l’administration française a mentionné « Birkenau » comme lieu de décès sur son acte de naissance.

Il meurt à Auschwitz le 13 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, qui indique pour cause – très probablement mensongère – de sa mort « entérite stomacale aigüe » (Akuter Magendarmkatarrh).

Le 24 septembre 1943, son épouse, Henriette, et son très jeune fils, Jean, sont tués dans leur maison de Longueau, sous un bombardement allié qui vise les installations ferroviaires proches.

Après son retour de déportation, c’est Henri Peiffer, de Villerupt (Meurthe-et-Moselle), rescapé du convoi, qui atteste du décès d’Émile Poyen.

Le nom de celui-ci est inscrit sur le Monument aux morts de Longueau. Ceux de son épouse et de son fils y sont inscrits comme victimes civiles de la deuxième guerre mondiale

Est-il « Émile Payen », inscrit sur le stèle commémorative – « La SNCF à ses morts – guerre 1939-1945 » – située dans l’enceinte de l’établissement de maintenance et traction de Haute-Picardie, au 39 rue Riolan à Amiens ?

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1998).

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] Les neuf cheminots, futurs “45000” : Roger Allou et Clovis Dehorter, de Camon ; Émile Poyen, de Longeau ; Paul Baheu, Fernand Boulanger, Fernand Charlot, Albert Morin, Georges Poiret et François Viaud, d’Amiens (ce dernier étant le seul rescapé des “45000” d’Amiens, Camon et Longueau). Le dixième cheminot interné à Compiègne est Joseph Bourrel, mécanicien de manœuvre, domicilié au 102 rue Richard-de-Fournival à Amiens. Son sort en détention reste à préciser (il n’est pas déporté, selon le mémorial FMD)… Un onzième cheminot reste à la prison d’Amiens, Jean Mayer, ouvrier au dépôt, domicilié au 36 rue Capperonnier à Amiens, arrêté la nuit même de l’attentat. Il est probablement condamné par un tribunal militaire allemand. Le 26 avril 1943, il est transféré dans une prison du Reich à Fribourg-en-Brisgau. Il est libéré à Creussen le 11 mai 1945.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 369 et 417.
- Pascal Huyssen, son arrière petit-fils, petit-fils d’Andrée (messages 03-2014).
- Archives départementales de la Seine-Maritime (AD 76), site internet, archives en ligne : registre des naissances de Dieppe, année 1891, cote 4E 11618, vue 333/406, acte n° 600.
- Archives départementales de la Somme, Amiens : correspondance de la préfecture sous l’occupation (26w592).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 961.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, moteur de recherche du site internet.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; copie de l’acte de décès du camp (30373/1942).
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1218-1219.
- Site Mémorial GenWeb, 80 – Longueau, relevé de Didier Bourry (05-2003) ; Amiens, relevé de Jacques Foure (02-2008).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 19-02-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]

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