Henri QUÉRUEL – 46027

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Henri, Marcel, Quéruel naît le 15 février 1891 à Levallois-Perret (Seine / Hauts-de-Seine), chez ses parents, Charles Quéruel, 36 ans, jardinier, et Cécile Mars, son épouse, 32 ans, blanchisseuse, domiciliés au 1, rue des Arts. Par la suite, la famille emménage au 80, rue du Bois, toujours à Levallois-Perret.

Pendant un temps, alors qu’il habite encore chez ses parents, Henri Quéruel travaille comme cocher.

Le 1er octobre 1912, il est incorporé au 29e régiment de dragons afin d’accomplir son service militaire. Le 7 juillet 1914, il passe au 13e dragons, où le déclenchement de la Première Guerre mondiale le rattrape. Le 9 novembre 1915, il passe au 38e régiment d’artillerie et, le 23 décembre suivant, au 9e groupe d’artillerie d’Afrique. Son unité part combattre sur le front d’Orient. Le 1er février 1917, il est évacué à destination d’Avignon (Vaucluse). Le 10 avril, suivant il est admis à l’hôpital de Troyes, puis, le 24 avril, à l’hôpital de Brive, et enfin, le 9 mai, à l’hôpital de Limoges. Le 12 juillet suivant, il rejoint le dépôt du 38e régiment d’artillerie. Le 1er décembre 1917, il passe au 276e régiment d’artillerie de campagne.

Dans la nuit du 12 au 13 janvier 1918, le P.C. de groupe du bois de la Hazelle (Meurthe-et-Moselle) subit un violent bombardement d’« obus toxiques et vésicants » (gaz de combat). Henri Quéruel, qui est à son poste de téléphoniste, est intoxiqué et subit une inflammation des paupières et des yeux. Il est évacué et soigné en hôpital jusqu’à la fin avril. Entre temps, le 15 février, il est cité à l’ordre de [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][l’artillerie ?] ; il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze.

CroixDeGuerre-etoileLe 20 août 1918, à Thonnance-les-Joinville (Haute-Marne – 52), toujours soldat artilleur, Henri Quéruel se marie avec Cécile Adeline Burot, née le 19 novembre 1896 à Vecqueville (52). Ils auront quatre enfants : Henriette, née en 1915, et Gabrielle, née en 1919, toutes deux à Vecqueville, puis Charlotte, née en 1921, et Maurice, né en 1926, tous deux à Saint-Dizier (52)..

Le 15 septembre 1918, Henri Quéruel  est affecté au 47e RAC. Le 18 octobre, il passe au 7e RAC. Trois jours plus tard, il est évacué. Il rentre au dépôt le 15 janvier 1919. Le 14 février, il est dirigé sur le 106 régiment d’infanterie à Châlons pour être affecté à la Compagnie des chemins de fer de l’Est (article 42 ?). Il est démobilisé le 18 août suivant.

Le 16 février 1920, Henri Quéruel est titularisé dans la même compagnie ferroviaire [1]. En octobre 1927, l’armée le classe réserviste dans l’affectation spéciale comme conducteur à la gare de Saint-Dizier (52).

Au printemps 1921 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée rue de l’Aune, dans le quartier de Lanoue, à Saint-Dizier. Au printemps 1936, ils habitent au n° 104 de cette rue. Cette année-là, sa fille aînée, Henriette, 21 ans, est employée au Réveil économique.

Toujours affecté à la gare SNCF de Saint-Dizier, Henri Quéruel est surveillant à l’Exploitation, travaillant probablement avec Georges Fontaine et Yves Thomas.

Saint-Dizier, la gare dans les années 1900. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Saint-Dizier, la gare dans les années 1900.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 août 1941 – comme Pierre Gazelot -, il est arrêté, interrogé à la Feldkommandantur de Saint-Dizier, puis conduit à la prison de Chaumont (52).

À une date restant à préciser, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 1566.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière de la zone annexée, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Henri Quéruel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46027 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Henri Quéruel est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au Block 28 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

Il meurt à Auschwitz le 6 septembre 1942, d’après un registre de l’hôpital et un relevé clandestin du registre de la morgue d’Auschwitz-I (Leichenhalle) réalisé par le groupe de résistance polonais des détenus.
Après leur retour de déportation, les rescapés du convoi qui attestent de son décès sont Armand Saglier, de Marcilly-sur-Tille (Côte-d’Or), et Léon Thibert, domicilié à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire).

Le nom d’Henri Quéruel est inscrit sur la plaque dédiée «  aux déportés politiques, aux déportés du travail et aux victimes civiles de la guerre 1939-1945 » apposée dans le hall de l’Hôtel de Ville de Saint-Dizier. Il figure également sur la stèle commémorative du quai de la gare de Saint-Dizier dédiée « à la mémoire des agents de la SNCF tués par faits de guerre ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 19-05-1998).

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 367 et 418.
- Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Levallois-Perret, année 1891 (E NUM LEV N1891), acte n° 147 (vue 40/278).
- Archives de Paris : registre des matricules militaires, recrutement de Paris, classe 1911, 2e bureau, volume 4001-4500 (D4R1 1623), Quéruel Henri Marcel, matricule 4404.
- Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 45.
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, page 1231.
- Site internet Mémorial GenWeb, Raymond Jacquot et Henri Dropsy, (2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Marc QUÉNARDEL – (46026 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marc Quénardel naît le 9 septembre 1891 à Rimaucourt (Haute-Marne – 52), fils d’Alfred Quénardel, 39 ans, vigneron à Ludes, à la lisière de la forêt de la montagne de Reims (Marne), et de Célina Boquet, son épouse, 32 ans, qui accouche chez un forgeron de Rimaucourt où elle était de passage.

Considérant son âge, il devrait avoir été mobilisé au cours de la guerre 1914-1918 (à vérifier…).

Le 17 octobre 1923, à Reims, il épouse Angèle – dite Annette – Demany ou Demarcy, née le 3 mars 1903 à Troyes (Aube – 10). Le couple n’a pas d’enfant.

Lors du recensement de 1931, ils habitent au 121 bis, rue Jean-Jaurès à Montataire (Oise – 60). Marc Quénardel est alors mécanicien à la Société Industrielle (?).

D’autres sources le désignent comme ouvrier métallurgiste, peut-être à la SNCF (ou aux Forges de Montataire, à vérifier…).

Au moment de son arrestation, Marc Quénardel est domicilié au 40, rue Henri-Vaillant à Montataire.

Dans les années trente, il est l’un des dirigeants locaux du Parti communiste.

Le 29 avril 1940, après l’interdiction du Parti communiste, il fait l’objet d’une proposition d’internement au camp de Plainval – centre de rassemblement de “ressortissants ennemis” -, dans la ferme de Lévremont, près de Saint-Just-en-Chaussée (60). Travaillant aux établissements Brisonneau, Marc Quénardel se « fait remarquer depuis la mobilisation par son attitude incontestablement communiste ».

Le 14 mai, le ministre de l’Intérieur autorise le préfet de l’Oise à assigner Marc Quénardel – « dangereux pour la défense nationale » – dans un centre de séjour surveillé. Mais survient l’offensive allemande…

En 1941, Marc Quénardel est déclaré comme conducteur d’auto.

Le 7 juillet 1941, il est arrêté et rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il y est enregistré sous le matricule n° 1304.

[/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 18 septembre, le commissaire spécial de la Sûreté nationale de Beauvais écrit au préfet de l’Oise pour l’informer que le « Kreiskommandant de Senlis a demandé de lui transmettre une liste de quinze individus, choisis parmi les communistes les plus militants de la région creilloise, destinés, le cas échéant, à être pris en qualité d’otages. En accord avec le commissaire de police de Creil, [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][une liste] a été établie » sur laquelle Maurice Quénardel est inscrit en seizième position (un homme étant déclaré « en fuite »). Considérant le ton de la lettre, on peut penser que la liste a été effectivement transmise à l’occupant.

Le 20 février 1942, le chef de la Feldkommandantur 580 à Amiens – ayant autorité sur les départements de la Somme et de l’Oise – insiste auprès du préfet de l’Oise, Paul Vacquier [1], afin que la fiche de chaque interné du Frontstalag 122 pour activité communiste demandées à l’administration préfectorale indique « son activité politique antérieure (très détaillée si possible), ainsi que les raisons qui militent pour ou contre sa prompte libération du camp d’internement ».

Le 10 mars, le préfet de l’Oise écrit au Ministre secrétaire d’État à l’Intérieur pour lui transmettre ses inquiétudes quant à cette demande : « Étant donné que parmi les internés du camp de Compiègne une vingtaine déjà ont été fusillés en représailles d’attentats commis contre les membres de l’armée d’occupation, il est à craindre que ces autorités aient l’intention de se servir de mon avis pour désigner de nouveaux otages parmi ceux pour lesquels j’aurais émis un avis défavorable à la libération. Me référant au procès-verbal de la conférence des préfets régionaux du 4 février 1942, qui précise “qu’en aucun cas les autorités françaises ne doivent, à la demande des autorités allemandes, procéder à des désignations d’otages”, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien me donner vos directives sur la suite qu’il convient de réserver à la demande dont je suis saisi… »

Le 13 avril 1942, le commissaire principal aux renseignements généraux de Beauvais transmet au préfet de l’Oise soixante-six notices individuelles concernant des individus internés au Frontstalag 122 à Compiègne, dont dix-neuf futurs “45000”. Sur la notice qui le concerne – à la rubrique « Renseignements divers » -, Marc Quénardel est désigné comme « Militant communiste. […] Très dangereux ».

Le 24 avril, Paul Vacquier transmet à la Feldkommandantur 580 des notices individuelles concernant les « personnes internées au camp de Compiègne, figurant sur la liste [qui lui a été] communiquée et domiciliées dans le département de l’Oise » qui mentionnent uniquement « des renseignements concernant l’état civil, la parenté et la situation matérielle ».

Enfin, le 29 juin, le préfet de l’Oise écrit à la Feldkommandantur 580 pour essayer d’obtenir la sortie duFrontstalag 122 de soixante-quatre ressortissants de son département – dont Marc Quénardel – au motif « qu’aucun fait matériel d’activité communiste n’a été relevé à leur encontre depuis l’arrivée des forces allemandes dans la région », envisageant la possibilité d’interner certains d’entre eux « dans un camp de concentration français ». Sa démarche ne reçoit pas de réponse.

Le mal est probablement déjà fait : quand elles ont procédé à des arrestations dans l’Oise entre juillet et septembre 1941, les forces d’occupation ne disposaient-elles pas déjà d’informations et d’appréciations transmises par certains services de la police française ? N’en ont-elles pas obtenu d’autres par la suite ? Le préfet craignait la fusillade. Ce sera la déportation.

Entre fin avril et fin juin 1942, Marc Quénardel est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marc Quénardel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46026, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marc Quénardel.

Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Son épouse, Angèle dite Annette, est active dans la Résistance. Elle est notamment agent de liaison d’Albert Bizet (?). Arrêtée, elle est internée un temps au camp allemand du fort de Romainville. Le 2 mars 1944, elle fait partie d’un groupe de cinquante résistantes déportées « NN » de Paris vers la prison d’Aix-la-Chapelle, puis immatriculées au KL [2] Ravensbrück entre le 16 et le 21 mars (n° 31975). Transférée au KL Mauthausen en mars 1945, Angèle Quénardel y est libérée par la Croix-Rouge le 22 avril suivant.

Elle reprend son activité militante, sans jamais se remarier. Elle termine sa vie sur la Côte-d’Azur.

Le nom de Marc Quénardel est inscrit sur la plaque dédiée par la commune de Montataire « à la mémoire de ses déportés morts en Allemagne », apposée dans la rue des Déportés, et sur la stèle des déportés et résistants.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 19-05-1998).

À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Montataire donne le nom de Marc et Annette Quenardel à une rue de la ville.

Notes :

[1] Paul Vacquier, nommé préfet de l’Oise le 22 mai 1940, au début de l’offensive allemande, cherche ensuite à maintenir un semblant de souveraineté française à l’échelon local, ce qui lui vaut son départ le 30 octobre 1942.

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

 

Sources :

- Notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Editions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, CD-rom, version 1990-1997, citant : Arch. Dép. Oise, 33 W 8250 – Souvenirs de militants communistes montatairiens.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 369 et 418.
- Message de Florence, épouse du petit-neveu de Marc Quénardel (04-2008).
- Jean Lefevre, Société Historique de Saint-Just-en-Chaussée.
- Archives départementales de la Haute-Marne, archives en ligne : état civil de Rimaucourt, registre des naissances de l’année 1891, acte n°25 (cote E dépôt 16092 NMD 1883-1892, vue 71/254).
- Archives départementales de l’Oise, site internet : registres de recensement de Montataire (6Mp482), année 1911, page 209 (vue 110), année 1921 (vue 119), année 1931, page 149 (vue 77).
- Archives départementales de l’Oise, Beauvais : exécutions d’internés, camp de Royallieu, mesures contre les communistes (33W 8253/1) ; Internement administratif (141w 1162).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 977 (31589/1942).
- Thomas Fontaine, Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, tome 3, page 429 : I.185.
- Site Mémorial GenWeb, 60-Montataire, relevé de Cédric Hoock (2003).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 19-01-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Jean QUADRI – 46028

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Collection Sabrine Quadri Mounier.
Droits réservés.

Jean, Alexandre, Quadri naît le 13 mars 1912 à Nice (Alpes-Maritimes). Il a – au moins – une sœur.

Devenu adulte, “Jeannot-le-Parisien” a une adresse à Nice (23 boulevard de Cessole) et une autre à Paris (rue Frochot, 9e arrondissement).

De profession, Jean Quadri est plâtrier, dans le Bâtiment. Son frère Vincent est maçon. Ils ne partagent pas les mêmes idées politiques : Vincent est connu comme secrétaire des Jeunesses communistes.

Le 25 octobre 1940, alors qu’il n’a jamais été condamné, des policiers de Nice arrêtent Jean Quadri une première fois et le conduisent au Fort de Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence) où il est écroué par mesure d’internement administratif. Il réussit à s’en évader en janvier 1941 (avec Jean Pollo ?).

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Sisteron, la citadelle dans les années 1900. Carte poste, collection Mémoire Vive.

Sisteron, la citadelle dans les années 1900. Carte poste, collection Mémoire Vive.

Le 3 janvier 1942, Jean Quadri est repris rue Fontaine, vers Pigalle, à Paris 9e, au cours d’une vérification d’identité, et écroué au dépôt de la préfecture de police (sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité).

Jugé par un tribunal français, il est condamné à une peine de trois mois d’emprisonnement pour son évasion précédente. Le 23 janvier, il est conduit à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

Le 5 mai 1942, il fait partie des 14 internés administratifs de la police judiciaire (dont au moins onze futurs “45000”) qui sont conduits avec 37 communistes à la gare du Nord, « à la disposition des autorités allemandes et dirigés sur Compiègne par le train de 5h50 » pour être internés au camp de Royallieu (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Un matin, peu de temps après son arrivée, il assiste à un appel des internés au cours duquel plusieurs hommes sont emmenés. Le soir même, il saura que c’est pour être fusillés.

Dans des notes rédigées à la fin de sa vie [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], Jean Quadri raconte qu’il apprend le creusement en coursd’un tunnel d’évasion et que, avec Abel Buisson, il entre en contact avec le groupe de militants communistes conduisant cette opération. Jean Quadri n’évoque pas sa participation au creusement ; sa description du tunnel contient des éléments avérés et des inexactitudes. Il aurait été 25e ou 26e sur la liste des partants, susceptible de s’évader au cours d’un deuxième départ si le tunnel n’avait pas été découvert après la première évasion.

Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Quadri est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Jean Quadri fait partie des quelques hommes du convoi déportés comme “associaux”.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Plus tard [1], Jean Quadri rapportera que lui et d’autres hommes ont réussi à scier le plancher de leur wagon pour y aménager une trappe. Selon son récit, quand le train est à l’arrêt en gare de Metz, Marcel Claus – le plus mince d’entre eux – est le premier à emprunter ce passage, descendu par ses camarades sur la voie la tête en bas. Après lui avoir laissé le temps de s’éloigner et alors qu’ils s’apprêtent à descendre un deuxième homme, ils entendent une fusillade. Le petit groupe décide alors de refermer la trappe en la camouflant. Ils attendent jusqu’au départ du train, sans savoir ce qu’il est advenu de Marcel Claus (celui-ci arrivera à Auschwitz avec le reste du convoi, sans que Jean Quadri relate ce qui lui est arrivé…).

Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Quadri est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46028 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) – Jean Quadri se déclarant probablement comme travailleur du Bâtiment. Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Jean Quadri est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Là, Jean Quadri est affecté au Kommando “Neubau” (construction) avec Abel Buisson.

Il retrouve également son camarade Marcel Claus, auquel il sauve la vie. Ayant contracté la dysenterie, celui-ci décide de ne pas se présenter à l’infirmerie, dont la mauvaise réputation circule parmi les détenus : la plupart des malades y meurt faute de soins véritables et des médecins SS y pratiquent des expérimentations médicales. Pourtant, épuisé par la maladie, Marcel Claus est incapable de travailler, ce qui signifie une condamnation à mort à plus ou moins brève échéance. Jean Quadri et un autre détenu décident alors de faire illusion. Ils aident Marcel Claus à se lever le matin, le soutiennent lors de l’appel puis sur leur trajet jusqu’à leur Kommando de travail (creusement de tranchées) en tâchant de ne pas se faire remarquer des kapos et des gardiens. Arrivés sur place, ils cachent leur ami dans la tranchée, l’aidant à se relever dès qu’arrive un surveillant. Puis, le soir au retour, ils l’appuient sur leurs épaules jusqu’à le ramener à son lit. Parallèlement, ils organisent un « commando de nuit » pour aller clandestinement voler des épluchures afin de nourrir leur camarade.

Comme la plupart de ses camarades, Jean Quadri passe au moins une sélection visant à éliminer les détenus « inaptes au travail » ; il en réchappe.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis, mais les proches de Jean Quadri ne reçoivent aucune nouvelle de lui et le considèrent comme définitivement disparu.

À la mi-août 1943, Jean Quadri est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine. Jean Quadri est alors affecté comme magasinier.

À la fin de l’été 1944, il est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres survivants sont transférés vers d’autres camps.

Entre le 18 et le 25 janvier 1945, lors de l’évacuation d’Auschwitz, Jean Quadri est parmi les vingt “45000” incorporés dans les colonnes de détenus évacuées vers le KL [2] Mauthausen (matricule n° 117190).

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Le 28 ou 29 janvier, il est parmi les douze “45000” qui sont affectés au Kommando de Melk.

Le 15 ou 17 avril, tous sont évacué à marche forcée vers Ebensee, province de Salzbourg, où des usines souterraines sont en cours d’aménagement. Le 6 mai 1945, ce camp est parmi les derniers libérés, par la 3e Armée américaine.

Jean Quadri est rapatrié le 26 mai à Paris (Hôtel Lutétia).

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945.
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

Son frère Vincent, resté militant actif dans la clandestinité, a été arrêté après Jean, lors d’une rafle de la Gestapo. Torturé, il a failli y laisser la vie, mais n’a lâché aucune information. Il décède après la guerre.

Très affaiblit lors de son retour à Nice (45 ou 49 kg pour 1,79 m), Jean Quadri est en butte à l’incrédulité de ses proches lorsqu’il fait le récit de ce qu’il a vu et subit. Aussi deviendra-t-il très discret sur cette période de sa vie.

Il s’installe comme cuisinier-restaurateur à Nice où il ouvre deux établissement, “L’Aéro Bar”, ouvert jour et nuit, et “Le Venise”, restaurant sur le port. Il travaille beaucoup et dort très peu.

Il fonde une famille relativement tard, en se mariant avec Corinne : leur fille Sabrine naît le 4 mai1964.

Jean Quadri s’implique politiquement auprès de  Jacques Médecin (1928-1998), maire de la ville de 1966 à 1990.

Peu avant son propre décès, Marcel Claus vient de Nancy pour lui rendre visite (ils ne se sont pas revus depuis plus de vingt ans) ; ils se retrouvent à “L’Aéro Bar” (vendu en 1975).

Jean Quadri décède le 5 juin 1984, à Nice ; son corps est incinéré à Orange (Vaucluse).

Plusieurs “45000” ont témoigné de la solidarité qu’il a manifesté à l’égard de ses compagnons de déportation : Georges Autret, Abel Buisson – qui le qualifie d’ami sincère -, Georges Gourdon.

Jean Quadri est homologué comme “Déporté politique” (26-4-1966).

Notes :

[1] Le carnet de notes de Jean Quadri, 21 pages manuscrites, est retrouvé par sa fille, Sabrine Mounier, après le décès de son père. Celui-ci y relate essentiellement trois étapes de son internement et de sa déportation : son passage au camp de Royallieu, marqué par l’appel des fusillés et sa connaissance du tunnel, le convoi de déportation jusqu’à l’arrivée à Auschwitz, avec une tentative d’évasion, l’hostilité des civils allemands dans les gares où le train s’arrête, le changement de machinistes et de gardiens, et enfin un massacre de juifs rapporté par le chef du Block 11 d’Auschwitz. On ignore à quel usage Jean Quadri destinait ces notes.

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 371 et 418.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier statut) – Lettre de sa veuve – Lettre d’André Montagne (6-7-1984).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), : cartons “occupation allemande”, internés aux camps de Vaujours… – Tourelles (BA 1837).
- Sabrine Quadri Mounier, sa fille, messages (05 et 11-2011) ; carnet de notes et portrait de son père, récit de Marcel Claus.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 17-11-2011)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Gabriel PUECH – 46025

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Droits réservés.

Gabriel Robert Puech naît le 29 avril 1899 au Pré-Saint-Gervais [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), fils de Jean Baptiste Puech, charron, et d’Anastasie Raban.

Le 3 octobre 1917, à la mairie du 8e arrondissement, il s’engage volontairement pour trois ans au 5e dépôt des équipages de la Flotte. Il est nommé matelot de 2e classe mécanicien-chaudronnier, affecté dans les sous-marins. Il est renvoyé dans ses foyers le 3 octobre 1920, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire chez ses parents, alors au 31 Grande Rue au Pré-Saint-Gervais.

 Le 3 décembre 1921, au Pré-Saint-Gervais, Gabriel Puech épouse Aimée Claire MARIE, née le 10 avril 1900 à Paris 19e. Ils ont deux enfants, dont un fils, Robert Auguste, né le 27 octobre 1922 au Pré-Saint-Gervais.En février 1928, la famille habite au 61 rue de Voisins à Claye-Souilly (Seine-et-Marne). Pendant un temps, il travaille – comme chaudronnier ? – chez Letellier Frères, dans cette commune. En 1931, chez S.I.V.N. ? Aimée Claire est vérificatrice en tissus (?).Au printemps 1936, ils sont installés au 16 rue de la République à Drancy [2] (93). Employé par la commune, Gabriel Puech est régisseur du garage de la ville (dans une lettre, il se déclare ouvrier d’entretien).

Au moment de son arrestation, il est domicilié 17, rue Pierre-Curie à Drancy [2] (93).

Il est membre du Parti communiste.

Le 2 septembre 1939, rappelé à l’activité militaire, il est affecté à la 1re Compagnie de Sapeurs, ouvriers du Génie 17. Le 24 juillet 1940, il est démobilisé à Castenau-sur-Gupie (Lot-et-Garonne). Rentré à Drancy, il reprend son emploi à la Ville.

Sous l’occupation, la police française note qu’il « se (livre) à la propagande clandestine ».Le 5 octobre 1940, Gabriel Puech est appréhendé lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

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Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte
montrant les points d’impact après le bombardement
par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines, cote 1W71.

Pendant un temps, Gabriel Puech est assigné à la chambre n° 46.

Le même mois d’octobre, il est révoqué de son emploi pour activité politique suspecte.

Le 6 mars, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Gabriel Puech, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, émet un avis défavorable en s’appuyant sur le constat que cet interné « suit les directives du Parti communiste » et malgré qu’il lui reconnaisse une « attitude correcte ».

Le 10 mars 1941, son épouse écrit au préfet de Seine-et-Oise afin de solliciter une autorisation de visite (la suite donnée à cette requête est inconnue…).

Le 22 mai 1942, Gabriel Puech fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Gabriel Puech est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46025 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée [3]).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté  Gabriel Puech.Il meurt à Auschwitz à une date inconnue, probablement avant la mi-mars 1943 [4].

(aucun des six Drancéens déportés le 6 juillet 1942 n’est revenu)

Après la Libération, le Conseil municipal de Drancy donne son nom à l’ancienne rue de Saïgon.

Son nom est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux déportés et apposée à l’entrée de la mairie.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-04-1998).

Notes :

[1] Le Pré-Saint-Gervais : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Drancy : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine. Elle est sinistrement connue pour avoir été le lieu d’implantation – dans la cité de la Muette inachevée – du camp de regroupement des Juifs (familles, vieillards, enfants…) avant leur transport vers les centres de mise à mort du génocide.

[3] Sa photo d’immatriculation à Auschwitz a été identifiée en 2007 par comparaison avec un portrait civil du Fonds Thorez-Vermersch communiqué par une internaute, Françoise Bulfay.

[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ : concernant Gabriel Puech, c’est le 15 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. La parution au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 385 et 418.
- Fonds Thorez-Vermersch, archives communales d’Ivry-sur-Seine : recueil Les communaux de Drancy en hommage à Maurice Thorez pour son 50e anniversaire (23 avril 1950), cellule Dumont-Palluy, RIVP, Porte de Bagnolet, Paris 20e, 80 Z2 – 143.
- Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue, une histoire, Les éditions de l’Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004, page 63.
- Archives de la préfecture de police de Paris, carton “occupation allemande”, communistes fonctionnaires internés… (BA 2214), Le préfet de police au préfet de la Seine, courrier et liste du 7 octobre 1940.
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révision trimestrielle), 1w148 (dossier individuel… presque vide).
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris ; liste XLI-42, n° 151.
- Site Mémorial GenWeb, 93-Drancy, relevé de Monique Diot Oudry (11-2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 23-02-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Robert PRUNIER – 46024

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Robert, Victor, Prunier naît le 14 novembre 1920 à Paris 5e, chez une sage-femme au 41 rue d’Ulm, fils de Victor Charles Prunier, 43 ans, cocher, et de Marie Françoise Courteix, 33 ans, teinturière, son épouse, domiciliés au 22 rue de la Folie-Méricourt (Paris 11e).

Rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914, son père a rejoint le 29e régiment territorial d’infanterie. Mais la commission de réforme de Dreux l’a réformé n° 2 pour tuberculose pulmonaire dès le 27 novembre suivant, et il a été renvoyé dans ses foyers. Le 11 juin 1915, la 7e commission spéciale de la Seine l’a « maintenu dans sa situation ».

Le 9 octobre 1922, sa mère décède au domicile familial (en 1946, son père sera également déclaré décédé, mais sa mort date d’avant son arrestation).

À partir du 21 janvier 1936 et jusqu’à son arrestation, Robert Prunier – 15 ans – au 47, rue Bronzac à L’Haÿ-les-Roses [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Val-de-Marne – 94), chez sa tante Anna Chastagnol, née Courteix le 17 janvier 1890 à Tarnac (Corrèze), devenue sa tutrice ou « marâtre » [?] ; il devient voisin de Jean Paupy.

Robert Prunier est célibataire (il a 20 ans au moment de son arrestation)

Il est tanneur, apprêteur pelletier.

Selon le maire de sa commune après guerre, il est membre des Jeunesses communistes.

Sous l’occupation, la police française considère Robert Prunier comme un « meneur actif ».

Le 4 décembre 1940, il est arrêté à son domicile par des inspecteurs du commissariat de police de la circonscription de Gentilly, en même temps que Jean Paupy (19 ans) et Henri Bockel (20 ans), ainsi que deux autres jeunes hommes (17 et 19 ans) de L’Haÿ-les-Roses, pour distribution de L’Humanité clandestine et tentative de reconstitution de la cellule dissoute des Jeunesses communistes de la commune. Les cinq jeunes gens sont conduits au dépôt de la préfecture de police.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 25 janvier 1941, la 15e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à dix mois d’emprisonnement avec sursis. Mais, comme Jean Paupy, il n’est pas libéré : dès le lendemain, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant leur internement administratif, en application du décret du 18 novembre 1939. Ils sont conduits au dépôt de la préfecture en attendant leur transfert dans un camp ; peut-être celui d’Aincourt, mais celui-ci est saturé.

Fin janvier, sa tante, Madame Chastagnol, écrit au préfet de police. « J’ai l’honneur de vous solliciter une renseignement. Mon neveu, Robert Prunier, âgé de 20 ans, a été jugé le samedi 25 dernier, condamné à huit mois de prison avec sursis avec cinq autres (sic) : Jardin, Bocquel, Gérard et Paupy. Tous sont rentrés chez eux. Il y a que mon neveu et le petit Paupy qui ne sont pas libérés. Je vous serais reconnaissante de me donner le motif de leur détention. Avec l’espoir, Monsieur le préfet, que vous allez bientôt me le rendre. Je suis sa tante et j’en prends la responsabilité. »

Le 10 février, Robert Prunier – « consigné administratif » – est écroué à la Maison d‘arrêt de la Santé (Paris 14e), 3e division, cellule 71 bis.

Le 27 février 1942, Robert Prunier fait partie d’un groupe d’internés administratifs transférés à la Maison centrale de Clairvaux (Aube) où ils en rejoignent d’autres (dont Guy Môquet et plusieurs futurs “45000”) : ils sont bientôt 300 détenus politiques. Robert Prunier dort dans une salle avec 80 autres internés.

Clairvaux. La Maison centrale après-guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Clairvaux. La Maison centrale après-guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Début mars, sa tante, Madame Chastagnol, écrit au préfet de police. « À l’instant, je viens d’apprendre que mon neveu, Robert Prunier, âgé de 20 ans, est parti à Clairvaux. J’en suis malade de voir une chose si injuste… »

Le 26 septembre, Robert Prunier est parmi les 37 internés de Clairvaux (politiques et “droits communs”) transféré au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la vallée de la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle, puis en caserne ; il est assigné au bâtiment F (aile Est du pavillon Colbert [2]), 2e étage, chambre 6, lit 76.

Le château de Gaillon. Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le haut bâtiment transversal de l’arrière plan (qui a perdu sa toiture après la guerre). Carte postale envoyée en 1955. Collection Mémoire Vive.

Le château de Gaillon. Les internés sont assignés au pavillon Colbert,
le haut bâtiment transversal de l’arrière plan (qui a perdu sa toiture après la guerre).
Carte postale envoyée en 1955. Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai 1942, Robert Prunier fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 312, il n’y reste que deux semaines.

Le 20 mai, il fait partie des 28 internés que viennent chercher des gendarmes français. Pensant qu’on les emmène pour être fusillés, les partants chantent La Marseillaise. En fait, remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin, Robert Prunier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Robert Prunier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46024 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [4]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Robert Prunier.On ignore également la date de sa mort à Auschwitz [5] ; probablement avant la mi-mars 1943. Il a 22 ans.

Le 3 octobre 1945, Raymond Boudou, “45000” rescapé, signe une attestation manuscrite certifiant que Robert Prunier « est décédé en 1942 au camp d’Auschwitz ». Le 19 octobre, Robert Lambotte, de Paris, signe un document similaire qui indique «  au mois d’octobre », précision certainement utilisée par le service d’état civil du ministère des Anciens combattants pour fixer une date officielle (voir note n° 4). Le 12 novembre, Madeleine Dechavassine, secrétaire générale de l’Amicale d’Auschwitz, officialise ces déclarations au nom de son association.

Après la guerre, Anna Chastagnol, tutrice de Robert Prunier, adhère à l’Association nationale de des familles de fusillés et massacrés. Elle engage les démarches pour la reconnaissance du statut de déporté de son filleul.

En janvier 1948, la mention “Mort pour la France” est ajoutée sur l’acte de décès de Robert Prunier.

La mention “Mort en déportation” est également apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-04-1998).

Notes :

[1] L’Haÿ-les-Roses : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Roger Jardin, né le 30 avril 1923 à Paris 6e, domicilié chez sa mère au 37, sentier des Frettes à L’Haÿ-les-Roses, est déporté dans le transport de 1489 hommes parti de Compiègne le 6 avril 1944 et arrivé directement au KL Mauthausen le 8 avril (mat. n° 62584). Après avoir été affecté au Kommando de Gusen, il est conduit au château d’Hartheim pour y être gazé le 4 janvier 1945 , comme 121 autres déportés de son convoi. Source : Claude Mercier, Livre-Mémorial de la FMD, tome 3, convoi I.199, pages 354-355, 385.

[3] Château de Gaillon. Le pavillon Colbert, sur la terrasse du jardin haut, a été dessiné par Jules-Hardoin Mansard vers 1700 pour l’archevêque Jacques-Nicolas Colbert, second fils du ministre de Louis XIV.

[4] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin “Après Auschwitz”, n°21 de mai-juin 1948).

[5] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documentsadministratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Robert Prunier, c’est le 15 octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 388 et 418.
- Archives nationales : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes, BB18 7043.
- Archives de Paris, archives judiciaires : jugement correctionnel du samedi 25 janvier 1941, cote D1U6 3706.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cartons “occupation allemande” : camps d’internement… (BA 2374) ; liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 573-17206).
- Archives départementales de l’Eure, Évreux : archives du camp de Gaillon, cotes 89W4, 89W11 et 89W14 ; recherches de Ginette Petiot (message 08-2012).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des familles.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Robert Prunier, cote 21 P 528 172, recherches de Ginette Petiot (message 10-2012).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour : 28-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Jean-Marie PRUGNOT – 46023

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Collection Stéphanie Coutant. Droits réservés.

Collection Stéphanie Coutant.
Droits réservés.

Jean-Marie Prugnot naît le 19 août 1888 à Dornes (Nièvre), fils de François Prugnot, facteur, et de Marie Chamoux, son épouse.

À l’âge de 7 ans et demi, son père le loue comme domestique de ferme parce qu’il ne gagne « pas assez pour nourrir toute la nichée ».

Mobilisé au cours de la guerre 1914-1918, Jean-Marie Prugnot en revient décoré de la Croix de guerre.

Le 19 juillet 1919 à Simorre (Gers), il épouse Anaïs, Francine, Laveran, née dans cette commune le 29 octobre 1890 (28 ans), infirmière, puis surveillante. Ils auront deux enfants : Emmanuel, né le 2 février 1924, et Éliane, née le 8 février 1928, tous les deux à la maternité de Port-Royal (Paris 14e).

En 1924, dès la première naissance, les parents sont domiciliés au 10 bis, avenue de Bonneuil à Limeil-Brévannes [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Val-de-Marne), dans un pavillon dont ils deviendront propriétaires.

Jean-Marie Prugnot fait carrière comme infirmier, employé de l’Assistance publique, notamment à l’hôpital Saint-Antoine à Paris 12e, puis à l’hôpital Émile-Roux de Limeil-Brévannes, où son épouse travaillera également et qui est un important foyer d’activité communiste. Jean Marie Prugnot est syndiqué à la CGT.

Hôpital de Limeil-Brevannes. Les bâtiments construits en 1907.  Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Hôpital de Limeil-Brevannes. Les bâtiments construits en 1907.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au moment de son arrestation, Jean-Marie Prugnot est retraité, après trente ans de carrière.

Militant communiste actif, membre du comité de section, secrétaire-adjoint de la cellule Maxime Gorki de la commune, membre de l’association France–URSS, Jean-Marie Prugnot est élu conseiller municipal de Limeil-Brévannes le 17 mai 1935, sur la liste dirigée par Marius Dantz [2].

Limeil-Brévannes. La mairie et les écoles dans les années 1910.  Carte postale. Collection Mémoire-Vive.

Limeil-Brévannes. La mairie et les écoles dans les années 1910.
Carte postale. Collection Mémoire-Vive.

Il est certain que Jean-Marie et Francine-Anaïs Prugnot sont en contact militant avec Marie Le Naourès [3], infirmière à l’hôpital Émile-Roux, Henri Métais [4], agent hospitalier, Angèle Le Hen, infirmière, et son mari, Pierre Le Hen [5], dirigeant la section de Limeil du PCF.

Le 4 octobre 1939, le conseil municipal de Limeil-Brévannes est dissous (suspendu ?) et le préfet de Seine-et-Oise désigne une “délégation spéciale” pour le remplacer.

Au début 1940, comme d’autres élus, Jean-Marie Prugnot est déchu de son mandat municipal pour appartenance au Parti communiste, en application de la loi votée le 20 janvier.

Le 2 janvier 1940, Jean-Marie Prugnot est signalé (?) au préfet, en même temps que François Malard, de Paray-Vieille-Poste.

Sous l’occupation, la police française considère que Jean-Marie Prugnot poursuit son activité dans la clandestinité, « signalé à plusieurs reprises au cours de ces derniers mois pour sa propagande en faveur du parti dissous ».

Le 20 octobre, il est convoqué au commissariat de circonscription de Villeneuve-Saint-Georges où lui est adressé un avertissement « lui enjoignant de s’abstenir de toute activité politique », précisant « qu’en cas de jet ou d’affichage de tracts sur le territoire de sa résidence, il sera immédiatement considéré comme responsable et appréhendé », conformément à l’arrêté préfectoral du 19 octobre 1940 [6]. Jean-Marie Prugnot signe le procès-verbal dactylographié qu’on lui présente.

Un mois plus tard, le 20 novembre, des tracts sont effectivement distribués et apposées à Limeil-Brévannes. Jean-Marie Prugnot est aussitôt arrêté et conduit au commissariat de Villeneuve-Saint-Georges, où une notice individuelle est remplie à son nom.

Le 26 novembre, le préfet de Seine-et-Oise signe un arrêté ordonnant son internement administratif au centre de séjour surveillé d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise).

Jean-Marie Prugnot est rapidement transféré dans ce camp, créé au début du mois d’octobre dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Il y retrouve Henri Métais, partageant la même chambre en mars 1941.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au verso d’une carte postale identique à celle reproduite ci-dessus, Jean-Marie Prugnot demande à sa fille Éliane si elle reconnaît le pavillon, « celui du milieu », où elle est venue avec sa mère à l’occasion d’une précédente visite.

Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.

Dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940, quand le camp est bombardé par un avion, une bombe tombe juste à côté de la chambre de Jean-Marie Prugnot, sans dommage pour lui.

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940. © Arch. dép. des Yvelines (1W71).

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte
montrant les points d’impact après le bombardement
par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
© Arch. dép. des Yvelines (1W71).

L’épouse de Jean-Marie Prugnot, Anaïs, lui écrit environ trois fois par semaine et lui adresse très régulièrement des colis constitués de nourriture, parfois même de plats préparés, ainsi que les quelques effets ou objets de la vie quotidienne qu’il lui demande.

Le 5 janvier 1941, les autorités françaises autorisent une première visite, mais le temps épouvantable (neige) empêche Anaïs de se rendre à Aincourt.

Anaïs Prugnot est également menacée d’internement. Dans la nuit du 8 au 9 janvier 1941, des militants communistes lancent dans les rue de Limeil-Brévannes des exemplaires de L’Humanité clandestine et des tracts intitulés « Victoire des jeunes d’Ivry ». Après enquête, il résulte que ce journal et ces tracts ont été lancés par des employés du sanatorium habitants Paris. En représailles, le commissaire de police de Villeneuve-Saint-Georges désigne Auguste Gouezo pour l’internement administratif (« L’internement n’a pas eu lieu en raison de difficultés routières – temps de neige »). De son côté, la brigade de gendarmerie du Raincy prend l’initiative de proposer au commissaire six personnes supplémentaires pour l’internement administratif, parmi lesquelles Mesdames Métais, Le Hen et Francine Prugnot, « militante communiste ». Lors de la remontée hiérarchique du procès-verbal, un cadre de la gendarmerie y ajoute : « La question de l’internement administratif des femmes professant des idées communistes serait à envisager ».

Le 2 février après qu’une seconde autorisation ait été accordée, épouse et enfants peuvent enfin rendre visite à Jean-Marie Prugnot, mais le trajet aller-retour depuis Limeil-Brévannes se révèle très compliqué.

Le 28 mars, Madame Prugnot écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter une nouvelle autorisation de visite pour elle et ses enfants, qui pourraient alors profiter des vacances de Pâques ; dans ce courrier officiel, elle prénomme son mari « Jean ».

Le 10 avril, à 7 heures du matin, Emmanuel (« Manu »), son fils, 17 ans, étudiant, est arrêté chez lui pour distributions de tracts, affiches et journaux antinazis, et conduit à la prison Saint-Pierre de Versailles à la demande du tribunal militaire allemand de la Feldkommandantur 758 à Saint-Cloud qui le condamne à deux mois d’emprisonnement. À la mi-mai, Emmanuel est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes, probablement écroué au quartier des mineurs. Il sera libéré le 14 juin. Il trouve alors du travail comme employé de banque.

Le 10 juin, Anaïs et Éliane rendent une dernière visite à Jean-Marie à Aincourt. La famille est réunie quelques heures.

Le 27 juin 1941, Jean-Marie Prugnot fait partie d’un groupe de 88 internés communistes de Seine-et-Oise – dont 32 futurs “45000” – remis aux “autorités d’occupation” et conduits à l’Hôtel Matignon, à Paris, – alors siège de la Geheime Feldpolizei – où ils sont rejoints par d’autres détenus, arrêtés le même jour et les jours suivants dans le département de la Seine [7]. Tous sont ensuite menés au Fort de Romainville (sur la commune des Lilas – 93), élément du Frontstalag 122. Considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp [8].

L’entrée du fort de Romainville dans les années 1920. Sous l’occupation, un mirador surplombait le  portail depuis l’intérieur. l’administration militaire allemande était installée dans le bâtiment visible à droite. Carte postale, collection Mémoire Vive.

L’entrée du fort de Romainville dans les années 1920.
Sous l’occupation, un mirador surplombait le portail depuis l’intérieur.
l’administration militaire allemande était installée dans le bâtiment visible à droite.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Trois jours plus tard, les hommes rassemblés sont conduits à la gare du Bourget (Seine-Saint-Denis – 93) et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Polizeihaftlager). Pendant la traversée de la ville, effectuée à pied entre la gare et le camp, la population les regarde passer « sans dire un mot, sans un geste. Tout à coup nous entonnons La Marseillaise et crions «  Des Français vendus par Pétain » [9]. Ils sont parmi les premiers détenus qui inaugurent ce camp créé pour les « ennemis actifs du Reich ». Jean-Marie Prugnot y est enregistré sous le matricule 864. Pendant un temps, il est assigné au bâtiment A6.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Dix mois plus tard, le 5 mai, le préfet de Seine-et-Oise transmet au Conseiller supérieur d’administration de guerre [sic] de la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud une liste d’anciens internés d’Aincourt à la libération desquels il oppose un avis défavorable – « renseignements et avis formulés tant par [ses]services de police que par le directeur du centre de séjour surveillé » ; liste accompagnée de « notes » individuelles avec copie traduite en allemand, dont celle concernant Jean-Marie Prugnot.

Entre fin avril et fin juin 1942, celui-ci est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

L’épouse et les enfants de Jean-Marie Prugnot prennent connaissance de son départ de Royallieu en se voyant retournées leurs lettres envoyées les 3 et 11 juillet.

Collection Stéphanie Coutant. Droits réservés.

Collection Stéphanie Coutant. Droits réservés.

Le 8 juillet, Jean-Marie Prugnot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46023 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [10]).

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Jean-Marie Prugnot.Il meurt à Auschwitz le 14 octobre 1942, selon l’acte de décès du camp (seul document retrouvé). Il a 54 ans.

Emmanuel, son fils, après avoir été libéré par les Allemands, a été convoqué le 18 juillet 1941 par le juge d’instruction du tribunal de Corbeil pour la même affaire de distribution de tracts. Le 22 juillet, le tribunal correctionnel l’a condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis et à 25 Francs d’amende. Par un arrêté du préfet de Seine-et-Oise signé le 4 août, il a été astreint à résidence à Limeil-Brévannes, sa commune de domicile.

Suite à un arrêté collectif signé le 24 septembre, Emmanuel Prugnot a été interné au camp de Pithiviers (Loiret) trois jours plus tard. Le 10 mai 1943, les renseignements généraux ont transmis au préfet de Seine-et-Oise un avis favorable à sa libération. Il a été libéré par un arrêté du 8 juin.

Refusant son envoi vers le Reich dans le cadre du Service de travail obligatoire (S.T.O.), Emmanuel Prugnot a ensuite rejoint le maquis, participant à la libération des départements de la Mayenne et de l’Ille-et-Vilaine au sein des Forces française de l’intérieur (FFI) avec le grade de lieutenant.

En 1944, après la Libération, Anaïs Prugnot est membre du conseil municipal provisoire de Limeil-Brévannes. Le 29 avril 1945, tête de liste, elle est élue conseillère municipale sur la liste d’Unité républicaine, antifasciste, sous l’étiquette de l’Union des femmes françaises (UFF). Réélue le 19 octobre 1947, elle siège jusqu’en 1953 au sein de la municipalité dirigée par Marius Dantz, maire.

Le 23 juillet 1946, le conseil municipal de Limeil-Brévannes, rendant simultanément hommage à plusieurs patriotes victimes de leur engagement, dénomme rue Jean-Marie Prugnot l’ancienne avenue de Bonneuil – perpendiculaire à l’hôpital -, où il demeurait.

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de la ville et et sur celui du personnel de l’hôpital Émile-Roux

Photographie Chantal Kroliczak.

Photographie Chantal Kroliczak.

Photographie Chantal Kroliczak.

Photographie Chantal Kroliczak.

(avant-dernier nom des morts 1939-1945 à droite) Photographie Chantal Kroliczak.

(avant-dernier nom des morts 1939-1945 à droite)
Photographie Chantal Kroliczak.

Enfin, dans le carré des « Morts pour la France » du cimetière communal, une plaque porte également le nom de Jean-Marie Prugnot, conseiller municipal.

Photographie Chantal Kroliczak.

Photographie Chantal Kroliczak.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 91 du 18 avril 1998).

La nouvelle plaque de rue à Limeil-Brévannes, inaugurée le 15 septembre 2012, dans le cadre des Journées du Patrimoine. Photographie Étienne Égret. Droits réservés.

La nouvelle plaque de rue à Limeil-Brévannes, inaugurée
le 15 septembre 2012, dans le cadre des Journées du Patrimoine.
Photographie Étienne Égret. Droits réservés.

Notes :

[1] Limeil-Brévannes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Marius Dantz. Né le 17 décembre 1897 à Paris 1er. Arrêté par la police française le 17 septembre 1940, avec Henri Metais et Armand Fresnau, puis interné au camp d’Aincourt. Il retrouve son siège de maire à la Libération. Élu maire en 1945 et 1947, il est battu en mai 1953. Dantz – toujours membre du PCF – décède le 29 janvier 1963. (source : Le Maitron en ligne)

[3] Marie Le Naourès. Née en 1890 dans le Morbihan, Marie a exercé la profession d’infirmière à l’hôpital Émile Roux pendant 27 ans. Sympathisante du Parti Communiste Français, cette mère de deux enfants y milite très activement en vendant L’Humanité et en donnant des cours de syndicalisme à son domicile. Parallèlement, cette femme engagée avait adhéré en 1935 à la section brévannaise du Comité mondial des femmes contre la guerre, dissous en 1939. Arrêtée le 15 juillet 1942 pour détention de deux opuscules « en faveur du Bolchevisme », elle sera jugée et incarcérée pendant dix-huit mois à la prison pour femmes de Rennes (Ille-et-Vilaine). À la Libération, Marie revient à son domicile dans un grand état d’épuisement. Aussitôt hospitalisée dans l’établissement où elle avait travaillé, elle y décède le 13 juin 1945. Le 23 juillet 1946, le conseil municipal de Limeil-Brévannes rend hommage au courage de Marie Le Naourès en donnant son nom au rond-point situé devant l’entrée principale de l’hôpital. (notice de Chantal Kroliczak)

[4] Henri Métais. Né le 23 mai 1904 à Chailles (Loir-et-Cher). Élu conseiller municipal communiste puis 4e adjoint lors d’une élection complémentaire en 1938, déchu de son mandat en 1939, il est interné le 14 octobre 1940 à Aincourt (Seine-et-Oise, Val-d’Oise) puis transféré dans différents camps français jusqu’à la Libération. En 1945, il est réélu conseiller municipal de Limeil et premier adjoint, siégeant jusqu’en 1953. Resté communiste jusqu’à son décès, le 25 décembre 1986, il est un des animateurs de l’Amicale des anciens de Châteaubriant-Voves.

[5] Pierre Le Hen, né le 27 novembre 1894 à Inguiniel (Morbihan). Croix de Guerre 1914-1918, conseiller municipal de Limeil-Brévannes, est arrêté le 13 octobre 1940 par la police française. Après avoir été interné dans différents camps français pour aboutir au centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir), il est remis aux autorités d’occupation, interné au Frontstalag 122 de Royallieu à Compiègne et déporté le 21 mai 1944 au KL Neuengamme (matr. 31207), près de Hambourg, où il meurt moins d’un mois plus tard, le 19 juin.

Angèle Le Hen, née Rappeneau le 9 mars 1894 à Saint-André-en-Morvan (Nièvre). Après l’arrestation de son mari, elle s’engage dans la clandestinité au sein des FTPF (Francs-Tireurs Partisans Français) sous le pseudonyme de « Jeanne », affectée comme agent de liaison entre différents services de la Résistance, transportant notamment des armes. Arrêtée le 3 juillet 1943 et torturée, elle est déportée le 15 novembre suivant comme détenue NN (Nacht und Nebel – Nuit et Brouillard) vers les prisons d’Aix-la-Chapelle, de Prüm, transférée à la forteresse de Breslau, puis au KL Ravensbrück (camp de concentration pour femmes et enfants) en septembre 1944. Libérée par la Croix-Rouge le 10 avril 1945, elle meurt quelques jours plus tard à l’hôpital de de Munsterlingen, en Suisse, derrière la frontière.

Le 23 juillet 1946, le Conseil municipal de Limeil-Brévannes décide de donner le nom de Pierre et Angèle Le Hen à l’avenue des Acacias.

Sources : Mesdames Colette Guyomarch et Nicole Savine, filles des époux Le Hen ; Étienne Égret, secrétaire du Comité du souvenir du camp de Voves. Laurent Thiery, Livre-Mémorial de la FMD, t. 2, p. 1272, convoi I. 57 ; Thomas Fontaine, Gérard Fournier, Guillaume Quesnée, Livre-Mémorial de la FMD, t. 3, pp. 658, 704, convoi I. 214.

[6] L’arrêté préfectoral du 19 octobre 1940 :


CABINET du PRÉFET de SEINE-et-OISE

Versailles, le 19 octobre 1940

Le PRÉFET de SEINE-et-OISE, OFFICIER de la LÉGION d’HONNEUR,

Vu le décret-loi du 26 septembre 1939 ;

Vu la loi du 3 septembre 1940 ;

Considérant que la diffusion de tracts est interdite par les ordonnances des autorités d’occupation et par les lois françaises et qu’elle est, à ce double titre, illégale ;

Considérant que ces tracts sont d’inspiration communiste et que leur diffusion ne peut avoir lieu qu’avec la complicité de militants du parti, ainsi que l’ont prouvé de nombreuses perquisitions domiciliaires ;

ARRÊTE :

Article 1er. – Toute découverte de tracts à caractère communiste sur le territoire d’une commune du département de Seine-et-Oise entraînera l’internement administratif immédiat d’un ou de plusieurs militants communistes notoirement connus résidant sur le territoire de cette commune, sans préjudice des poursuites judiciaires dûment engagées.

Article 1er. – MM. le Secrétaire Général de la Préfecture pour la Police, les Sous-Préfets, le Directeur de la Police d’État, le Chef d’Escadron, Commandant la Compagnie de Gendarmerie de Seine-et-Oise, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté.

Fait à Versailles, le 19 octobre 1940.

Le PRÉFET de SEINE-et-OISE, signé : Marc CHEVALIER

Pour ampliation, Le Sous-Préfet, Directeur du Cabinet.


[7] Les 88 internés de Seine-et-Oise. Le 26 juin 1941, la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud transmet au préfet du département de Seine-et-Oise – « police d’État » -, cinq listes pour que celui-ci fasse procéder le lendemain à l’arrestation de ressortissants soviétiques ou de nationalité russe ancienne ou actuelle, dont 90 juifs, et de républicains espagnols en exil, soit 154 personnes. La sixième catégorie de personnes à arrêter doit être constituée de «  Différents communistes actifs que vous désignerez  » (aucune liste n’étant fournie). Tous doivent être remis à la Geheime Feldpolizei, à l’Hôtel Matignon, à Paris.

Si aucun autre document n’atteste du contraire, c’est donc bien la préfecture de Seine-et-Oise qui établit, de sa propre autorité, une liste de 88 militants communistes du département à extraire du camp d’Aincourt.

Le 27 juin, le commandant du camp écrit au préfet de Seine-Et-Oise pour lui « rendre compte que 70 internés[du département] ont été dirigés aujourd’hui dans la matinée sur le commissariat central de Versailles et que 18 autres internés ont été dirigés dans le courant de l’après-midi à l’Hôtel Matignon à la disposition des Autorités allemandes d’occupation. Le départ de ces internés s’est déroulé sans incident. » Les listes connues à ce jour ne distinguent pas les deux groupes et réunissent les 88 internés.

Le 29 juin, l’inspecteur de police nationale commandant l’escorte conduisant le contingent de 70 détenus à Versailles, rend compte que le commissaire divisionnaire lui a ordonné de poursuivre son convoyage « jusqu’à l’Hôtel Matignon, à Paris, siège de la Geheime Feldpolizei. En passant à Billancourt, quelques internés du premier car ont montré le poing et des ouvriers qui allaient prendre leur travail ont répondu par le même geste. J’ai immédiatement donné des ordres aux gardiens pour que les internés rentrent leurs bras.

À mon arrivée à Paris, je me suis trouvé en présence d’une quinzaine de cars remplis de prisonniers ayant la même destination que les internés d’Aincourt et j’ai dû prendre la suite.

Le formalités d’immatriculation étant assez longues, j’ai dû attendre mon tour ; l’opération a commencé à 18 heures et s’est terminée à 19h15 ; je n’ai pu faire la remise que de 38 internés sur 88 venus d’Aincourt. En raison de l’heure, le chef de bureau de la Feldpolizei m’a fait savoir qu’il recommencerait l’immatriculation le lendemain matin à 8h15, d’avoir à revenir à cette heure-là. J’ai rassemblé les 50 internés restant dans les deux cars et ai libéré les camionnettes et les gardiens disponibles.

Je me suis aussitôt mis en rapport avec la préfecture de Seine-et-Oise afin de savoir où je devais conduire, pour passer la nuit, les 50 internés. Une heure après, je recevais l’ordre de les conduire au Dépôt, 4 quai de l’Horloge, et de continuer ma mission le lendemain matin. Cette formalité étant remplie, j’ai renvoyé les cars et le personnel à Versailles.

Le 28 juin, à 7 heures, j’ai continué ma mission qui a pris fin à 11 heures. Cette escorte s’est déroulée sans autre incident. »

[8] Arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, témoignage d’Henri Rollin : «  Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention «  communiste  », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[9] De l’Hôtel Matignon au Frontstalag 122 : témoignage de Marcel Stiquel (déporté au KL Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Son récit fait état de 87 internés (la liste en comporte 88) et d’un départ d’Aincourt étalé sur deux jours : les 27 et 28 juin 1941 (voir note ci-dessus).

[10] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

V Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, CD-rom, version 3.61, 1990-1997, citant : Arch. Dép. Seine-et-Oise, 2 M 30/54, 1 W 72, 77, 148, 221 ; le Maitron en ligne/Université Paris-I pour Anaïs Prugnot et Henri Métais.
V Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 388 et 418.
V Sachso, Amicale d’Orianenburg-Sachsenhausen, Au cœur du système concentrationnaire nazi, Collection Terre Humaine, Minuit/Plon, réédition Pocket, mai 2005, page 36 (sur le transfert depuis Aincourt des 88 de Seine-et-Oise, fin juin 1941).
V Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
V Chantal Kroliczak et Stéphanie Coutant, arrière-petite-fille de Jean-Marie Prugnot, archives administratives et familiales (messages 08/10-2012).
- Limeil-Brévannes, son histoire, brochure éditée par la Ville de Limeil-Brévannes à |’occasion des Journées européennes du Patrimoine, septembre 2012, pages 20 et 21.
V Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1W76, 1W80 (relations avec les autorités allemandes), 1W148 (dossier individuel).
V Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 969 (35897/1942).
V Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (7440).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 15-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Marius PROVILLE – 46022

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Marius, Charles, Proville naît le 15 août 1893 à Aubervilliers [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), chez ses parents, Émile Proville, 42 ans, journalier, et Madeleine Huet, 37 ans, son épouse, journalière, domiciliés au 7, rue du Goulet. Il est le cinquième de leurs six enfants (une fille et cinq garçons). Au recensement de 1896, âgé de trois ans, Marius ne vit pas avec ses parents.

Pendant un temps, il habite (avec ses parents ?) au 12, rue Paul-Bert à Aubervilliers et commence à travailler comme mécanicien.

Le 26 novembre 1913, il rejoint le 29e régiment d’artillerie de campagne afin d’y accomplir son service militaire. Il passe ensuite au 59e régiment d’artillerie. Le 28 février 1914, il est blessé en service par un coup de pied de cheval lui occasionnant une plaie contuse de la partie moyenne et antérieure de la jambe gauche avec fêlure du tibia.

En août 1914, quand la guerre est déclarée, il est sous les drapeaux.

Le 13 septembre 1915, au combat de Bully  ou Bussy-le-Château (?), Marius Proville est blessé par éclats d’obus au bord radial de l’avant-bras gauche et au globe de l’œil droit. Il sera cité à l’ordre de son régiment : « Canonnier plein d’entrain s’étant constamment signalé par son attitude sous le feu. Très grièvement blessé (…) a donné l’exemple du plus grand courage ». Il recevra la Croix de guerre avec palme. Le 21 décembre suivant, la commission de réforme de Nantes (Loire-Inférieure) le propose pour une pension de retraite de 5e classe pour énucléation de l’œil droit. En mai 1932, la 1re commission de réforme de la Seine le déclare réformé définitif n° 1 avec une pension permanente de 75 %, considérant qu’une prothèse est « impossible, étant donné l’incapacité de la cavité, elle sera toujours inesthétique ou bien elle ne sera pas supportée ». Démobilisé, il se retire au 1, rue du chemin de fer à Aubervilliers, titulaire d’un certificat de bonne conduite. Le 6 février 1916, il recevra la Médaille militaire.

En novembre 1934, il habite au 88, avenue du Maréchal Foch à Neuilly-Plaisance [1] (93).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 53, rue des entrepôts à Saint-Ouen [1] (93). Il est outilleur, selon Fernand Devaux.

Le 27 juin 1941, Marius Proville est arrêté à son domicile par les services du commissariat de police de la circonscription, qui l’ont déclaré comme un « meneur communiste très actif ». Le préfet de police a signé l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Mais, en réalité, il est pris dans le cadre d’une vaste opération menée en concertation avec l’occupant. En effet, pendant quelques jours, des militants de Paris et de la “petite couronne” arrêtés dans les mêmes conditions sont aussitôt conduits dans la cour de l’Hôtel (de) Matignon [2], sis au 57 rue de Varenne à Paris 7e, – alors siège de la Geheime Feldpolizei (GFP) – pour y être “mis à la disposition des autorités d’occupation” [3]. Tous sont ensuite regroupés au Fort de Romainville (sur la commune des Lilas – 93), élément du Frontstalag 122 ; considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp. Le 1er juillet, ils sont conduits à la gare du Bourget où un train les transporte à Compiègne (Oise), où ils sont internés au camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) [4].Entre fin avril et fin juin 1942, Marius Proville est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marius Proville est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46022 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marius Proville est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

En effet, il est successivement admis dans les Blocks 20 et 28 de l’hôpital d’Auschwitz-I [5].

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après plusieurs registres du camp, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [6]).

Le neveu de Marius Proville, Louis Proville, est également engagé dans la Résistance. Arrêté, il est déporté dans le convoi du 27 avril 1944 vers Auschwitz-Birkenau puis Buchenwald (convoi des “Tatoués”). Il est libéré au KL Dachau en 1945.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Marius Proville (J.O. du 18-04-98).

À Saint-Ouen, son nom est inscrit sur la stèle érigée en « Hommage aux résistants, femmes, hommes, déportés à Auschwitz-Birkenau ».

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Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen
et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”, inauguré le 24 avril 2005
dans le square des 45000 et des 31000.

Notes :

[1] Aubervilliers, Neuilly-Plaisance et Saint-Ouen : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’hôtel Matignon : le 8 septembre 1940, les Renseignements généraux de la préfecture de police constatent la réquisition de l’hôtel pour le bureau de cantonnement des hommes de la police militaire secrète : Geheime Feldpolizei – Dienstelle – Männer-Unterkunft (source : Cécile Desprairies, Paris dans la Collaboration, éditions du Seuil, mars 2009, page 268).

[3] Une arrestation de la fin juin 1941, Henri Rollin : « Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention “communiste”, soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[4] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[5] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Mais les « 31000 » et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme “Revier” : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

[6] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 387 et 418.- Témoignage de Catherine Dallemagne, petite-fille de Louis Proville.
- Fernand Devaux, de Saint-Denis, 45472, rescapé, note.
- Archives départementales de Seine-Saint-Denis, site internet, archives en ligne : registre des naissances d’Aubervilliers, année 1893 (1E001/108), acte n° 544 (vue 139/239).
- Archives de Paris : registres matricules du recrutement militaire, classe 1913, 1er bureau de la Seine (D4R1-1726), matr. 4843.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
- Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, convoi I.206, tome 3, page 514.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 968 (31893/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-05-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Paul PROUTEAU – 46021

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Auschwitz-I, Block 16, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Paul Prouteau naît le 5 août 1900 à Cholet (Maine-et-Loire), fils de Louis Prouteau, 42 ans, employé à la Compagnie des chemins de fer de l’État, et d’Edma Painaud, son épouse, 39 ans, domiciliés boulevard Faidherbe. Paul a un frère plus âgé, Marcel, né en 1895, et un frère jumeau, Charles (décédé à Monaco le 25 janvier 1975).

Pendant un temps, Paul Prouteau habite au 31, rue de l’Oisellonnette, à Cholet, et travaille comme mécanicien-ajusteur.

Le 16 octobre 1917 à Cholet, alors qu’il n’est âgé que de 17 ans (classe 1920), il s’engage pour la durée de la guerre au corps des équipages de la Flotte. Trois jours plus tard, il arrive au corps comme apprenti marin. Le 8 novembre suivant, il est nommé matelot de 2e classe. Le 20 septembre 1918, il est nommé matelot de 1re classe mécanicien. Le 1er avril 1919, il est nommé quartier-maître mécanicien. Il est considéré en campagne contre l’Allemagne jusqu’au 13 août 1919, puis considéré en campagne au Levant jusqu’au 21 juillet 1920. Le 16 octobre suivant, il est affecté dans la réserve au 3e dépôt des équipages de la Flotte.

Le 29 mars 1921 à Cholet, Paul Prouteau se marie avec Gabrielle Langlois, née dans cette ville le 18 décembre 1901. Ils auront quatre enfants : Paulette, née le 8 août 1921, Jacques, né le 29 novembre 1922, Roger, né le 2 janvier 1926, et André, né le 28 juillet 1940.

Le 13 mars 1922, Paul Prouteau entre dans la Compagnie des chemins de fer de l’État (comme son père), laquelle fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF en 1937 [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]. En avril suivant – et probablement jusqu’en août 1927 -, la famille est domiciliée au 24, rue des Bouvets, à Puteaux [2] (Seine / Hauts-de-Seine – 92). Le 5 octobre 1922, l’armée classe Paul Prouteau comme réserviste dans l’affectation spéciale, à la 64e section des chemins de fer de campagne en tant qu’ouvrier de 1re classe ajusteur à Puteaux.

Pendant un temps, il travaille au dépôt des Batignolles. En 1931, il devient ajusteur-outilleur aux ateliers de la voie à La Garenne-Colombes [2] (92), aux côtés de Jean Deguitre, militant du PC à Courbevoie [2].

À partir de 1933 et jusqu’au moment de son arrestation, Paul Prouteau est domicilié au 5, rue du Mans à La Garenne-Colombes), dans un pavillon appartenant à la SNCF.

Pendant un temps, il est président et trésorier-adjoint du Sporting Club de la Garenne-Colombes (dissout à l’automne 1939).

En août 1939, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à une amende pour « coups et blessures ».

Suite à l’ordre de mobilisation générale, en septembre, il est maintenu à son poste de travail comme affecté spécial.

Début mars 1940, l’administration de la SNCF dénonce Paul Prouteau et Jean Deguitre à la police comme étant suspectés de vol et/ou d’activités clandestines.

Le 9 mars, les services de la police de Courbevoie effectuent une perquisition au domicile de Paul Prouteau. Au cours de celle-ci, les policiers découvrent des tracts communistes. Sur son collègue Jean Deguitre, ils trouvent six tracts intitulés « Daladier mène le pays à la famine », et des cartes, « Unissez-vous pour l’abattre » et, chez celui-ci, un petit matériel d’impression et un drapeau rouge de la Section de la Garenne du PC. Conduits au dépôt de la préfecture de police, puis inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 et de vol par salarié, les deux hommes sont écroués en détention préventive à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), en attente de leur passage devant un tribunal.

Le lundi 10 juin, devant l’avancée allemande, Georges Mandel, ministre de l’Intérieur, ordonne l’évacuation de la prison militaire de Paris, originellement celle du Cherche-Midi, dont la Santé, réquisitionnée, est considérée comme une annexe. En début de soirée, Paul Prouteau et Jean Deguitre font partie des 1559 détenus – prévenus et condamnés – « sortis ce jour » de la Maison d’arrêt  et entassés dans un convoi formé d’autobus réquisitionnés de la STCRP (future RATP) dont les stores sont baissés et les vitres fermées et opacifiées par de la peinture. Ce cortège rejoint celui des 297 prisonniers du Cherche-Midi transportés dans des camions militaires bâchés.

Le 11 juin, la “procession” arrive devant les portes de la prison d’Orléans (Loiret), qui, déjà surpeuplée, ne peut accueillir aucun des prisonniers repliés. Dès lors, deux convois se forment. L’un, de 825 détenus, se dirige vers le camp d’aviation des Groües, proche de la gare orléanaise des Aubrais. L’autre poursuit sa route jusqu’à Vésines, à proximité de Montargis. De là, deux groupes de prisonniers, 904 d’abord, 136 ensuite, rejoignent à pied le camp de Cepoy, dans les bâtiments de l’ancienne verrerie de Montenon. Le samedi 15 juin, ils repartent – devant rejoindre l’autre groupe au camp militaire d’Avord (également base aérienne), à l’Est de Bourges (Cher) – à pied, en colonne, suivant le chemin de halage des canaux du Loing puis de Briare ;  première étape, longue de dix-huit kilomètres, Cepoy-Montcresson ; deuxième étape, Montcresson-Briare. Il sont escortés par un détachement de soldats du 51e régiment régional, de tirailleurs marocains et de deux compagnies de gardes mobiles sous la conduite d’un capitaine qui applique à la lettre les ordres reçus : ne laisser personne derrière, le refus de marcher étant considéré comme tentative d’évasion, les soldats peuvent tirer sans faire de sommation (treize exécutions de marcheurs trop épuisés sont répertoriées, mettant en cause les gardes mobiles de Vendôme). Néanmoins, des évasions se produisent déjà sur le trajet. Quand la longue colonne de prisonniers arrive finalement aux environs de Neuvy-sur-Loire, c’est la confusion : les troupes allemandes atteignent le secteur et les ponts permettant de traverser le fleuve ont été détruits. Des gardes désertent et de nombreux prisonniers, livrés à eux-mêmes, s’égaillent dans la nature. Quelques-uns réussissent à passer la Loire. Ceux qui se présentent spontanément dans les gendarmeries sont arrêtés, puis à nouveau internés.

Au cours de ce transfert, Jean Deguitre parvient à l’échapper [3].

Le 21 juin, à l’arrivée finale des évacués au camp de Gurs (Basses-Pyrénées / Pyrénées-Atlantiques), via Bordeaux, l’effectif total est de 1020 détenus sur les 1865 au départ de Paris. La prison militaire de Paris occupe les îlots B et D. L’îlot B compte une vingtaine de baraques et héberge les détenus dits « préventionnaires ». Quant à l’îlot D, qui ne comporte que deux baraques (19 et 20) entourées de barbelés, c’est un camp dans le camp : l’îlot des suspects. Il reçoit la dénomination officielle de « centre de séjour surveillé ».

À partir du 2 septembre 1940, des groupes de prévenus quittent régulièrement Gurs pour Périgueux, lieu de repli des tribunaux militaires de Paris, afin d’y être jugés. Ils transitent d’abord par la maison d’arrêt de Périgueux où un quartier pour détenus militaires leur est réservé, puis par la prison militaire provisoire de la Perlerie. Officiellement créée le 1er novembre 1940, la prison militaire de Mauzac (arrondissement de Bergerac, commune de Lalinde), sert de centre d’internement pour les centaines de militaires et politiques jugés par les tribunaux militaires, jusqu’à sa dissolution, le 2 mai 1945

Traduit devant le tribunal militaire de Paris replié à Périgueux (Dordogne) à une date restant à préciser, Paul Prouteau est libéré le 2 septembre 1940 (date du jugement ?).

Le 14 novembre 1940, il est licencié de la SNCF, en même temps que Jean Deguitre, en application de la loi du 18 septembre 1940.

Continuant à militer dans la clandestinité, il est considéré par la police française (R.G.) comme un « meneur communiste très actif ».

Le 27 juin 1941, il est appréhendé à son domicile – une nouvelle perquisition amène la découverte des drapeaux rouges et d’écharpes du PCF datant d’avant-guerre – dans le cadre d’une vague d’arrestations ciblées visant des militants ouvriers : le préfet de police de Paris a signé l’arrêté ordonnant leur internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939, mais ces opérations sont menées en concertation avec l’occupant. Le jour même, Paul Prouteau est conduit à l’Hôtel Matignon pour être livré aux autorités d’occupation et transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il fait partie des militants qui inaugurent ce camp de police [4]. Il y sera interné pendant treize mois.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Paul Prouteau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le 8 juillet, Paul Prouteau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46021 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [5]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Paul Prouteau.

Il meurt à Auschwitz le 7 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; l’état civil français a officialisé la date du 6 août…
En 1943, son épouse quitte leur logement de fonction pour emménager au 12, rue Marcel-Bourguignon à Colombes (Seine / Hauts-de-Seine).

Paul Prouteau est homologué comme “Déporté politique”.

Son nom est inscrit (prénom seulement indiqué par l’initiale) sur le Monument aux morts de La Garenne-Colombes, situé dans le cimetière communal.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-04-1998).

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] La Garenne-Colombes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] Jean Deguitre : né le 2 janvier 1903 à Aigrefeuille-le-Thou (Charente-Maritime – 17), marié, père de quatre enfants, entré à la Compagnie des chemins de fer de l’État le 21 mars 1927, domicilié au 54, rue Bonnin à la Garenne-Colombe, dans un pavillon appartenant à la société, président du Boxing Club Garennois (FSGT). Après avoir été « mis en liberté » en juin 1940, en arrivant à la Loire, il se rend à Bussac-Forêt (17), où il est employé à l’aménagement du camp d’aviation. Il y est peut-être rejoint par sa famille. Le 27 juin 1941, il est interné par les autorités allemandes au camp de Jonzac (17), puis transféré au centre de séjour surveillé de Mérignac (Gironde). Il fait l’objet de deux demandes de libération en 1941 et 1942, sans succès. En février 1943, son entourage est sans nouvelles de lui (à vérifier…).

[5] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme «  l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – arrestations et perquisitions à leur domicile – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, administré par la Wehrmacht, réservé à la détention « des ennemis actifs du Reich » et qui ouvre en tant que camp de police. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[5] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin « Après Auschwitz« , n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 418.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national et dossier statut).
- Archives départementales de Maine-et-Loire, archives en ligne : état civil de Cholet, registre des naissances de l’année 1900, acte 241 (vue 42/69).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, liste des internés communistes (BA 2397) ; cabinet du préfet, dossier individuel partagé avec Jean Deguitre (1 W 0993-47264).
- Jacky Tronel, site internet Criminocorpus, plusieurs articles dont Le repli de la prison militaire de Paris à Mauzac. Un exode pénitentiaire méconnu, 2012.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 968 (34725/1942).
- Base de données des archives historiques SNCF : service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1223-1224.
- Site Mémorial GenWeb, 92-La Garenne-Colombes, relevé de Thierry Pouliquen et Gilles Gauthier(02-2005).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 13-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Eugène PROUT – 46020

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Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Eugène Prout naît le 23 janvier 1901 à Pont-Audemer (Eure – 27), fils “naturel” d’Albertine Joséphine Prout, 37 ans, journalière, célibataire, domiciliée rue de la Madeleine, chez sa propre mère, Alexandrine Moussy, veuve Prout, 69 ans.

Le 4 avril 1913, sa mère, décède à l’hospice civil de Pont-Audemer, âgée de 50 ans. Avec sa grand-mère Alexandrine, Eugène Proust est alors recueilli par un oncle Louis Prou (?), fermier au hameau de Tilly, sur la commune d’Épreville-en-Lieuvin (27) ; c’est probablement pour celui-ci qu’il commence à travailler comme ouvrier agricole.

Sa grand-mère y décède le 25 mars 1921, âgée de 89 ans.

Le 5 avril 1921, appelé au service armé, Eugène Proust est incorporé comme soldat de 2e classe au 39e régiment d’infanterie, arrivant “au corps” quatre jours plus tard. Le 27 octobre, il passe au 415e R.I., rejoignant l’Armée du Levant. Le 9 novembre 1922, probablement rapatrié en France, il passe au 39e R.I. Il est renvoyé dans ses foyers le 24 avril 1923, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Début mars 1927, il habite rue des Manufactures à Bernay (27). À la fin de ce mois, il habite au 30 rue Martainville à Rouen-Nord (Seine-Inférieure /Seine-Maritime [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] – 76). En mars 1929, il est domicilié au 22 rue du Bac à Rouen-Nord.

Le 5 août 1929 à Rouen (au lycée Corneille, salle provisoire des mariages), Eugène Prout se marie avec Marie Philomène Perricot, 26 ans, ouvrière d’usine. Leur fille Jacqueline naît le 15 septembre 1929 à l’Hospice général de Rouen. Marie Perricot a déjà une enfant, Madeleine Dupré, née le 12 octobre 1924 (“en ville”), qui sera considérée comme sa propre fille par Eugène.

Début décembre suivant, la famille vit en “garni” (hôtel meublé), au 106 rue Malpalu, à Rouen, 3e canton.

En septembre 1931, Eugène Prout déclare habiter  au 7 rue de la Pomme d’Or à Rouen. En janvier 1933, il est domicilié au 41 rue Aristide Briand au Houlme (76).

De la fin octobre 1934 jusqu’à l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au est domicilié au 10, rue de l’Amitié à Rouen.

Eugène Prout est ouvrier du Textile, puis du Bâtiment.Communiste, il est membre de la cellule Lecourt. Il appartient à la Commission exécutive, puis au Bureau de l’UL-CGT, et enfin à la commission exécutive de l’Union départementale CGT (selon le Maitron). En 1939, il est permanent syndical (du Bâtiment ?) pour Rouen et sa région, selon le témoignage de sa fille, Jacqueline.

Rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale, il rejoint le centre de mobilisation d’Infanterie n° 32 le 11 septembre 1939, puis est affecté à la 7e compagnie du 33e régiment de Travailleurs. Il est renvoyé dans ses foyers le 1er octobre suivant, placé en “affectation réservé”. Mais il est de nouveau rappelé à l’activité le 6 janvier 1940, puis affecté au dépôt d’Infanterie n° 32. Il arrive au corps le le 12 janvier, affecté à la 25e compagnie. Le 31 janvier, il passe à la 20e compagnie. Le 23 mars, il est affecté à l’École militaire préparatoire des Andélys, où il arrive le lendemain. Il « disparaît » à Niort (Deux-Sèvres) le 26 juin 1940 (considéré comme “déserteur” ?).

Eugène Prout trouve (ou reprend) un emploi dans l’entreprise de travaux de démolition Devaux, comme manœuvre employé au déblaiement.

Le 7 octobre 1940, dans le cadre de mesures policières visant à réduire la propagande communiste clandestine (délégation du préfet daté du 30 septembre), le commissaire de police adjoint Lucien P. et l’inspecteur Alphonse M. effectuent une perquisition au domicile d’Eugène Prout, en son absence et celle de son épouse, mais en présence de Madeleine (15 ans). « Dans la poche extérieure droite d’un veston rayé gris accroché à la porte qui fait communiquer la cuisine et la chambre à coucher des époux Prout et dans cette chambre, découvrons un paquet de 15 tracts ronéotypés intitulés La Vie Ouvrière, édition régionale n° 3, 21 septembre 1940, enveloppé dans un papier jaune. Dans la même chambre (…), découvrons derrière une photo de famille accrochée au mur représentant un homme, une femme et deux enfants : 1° L’Humanité, édition régionale du Parti communiste français n° 11, 14 août 1940, ronéotypé. – 2° La Vie Ouvrière, édition régionale n° 2, 17 septembre 1940, ronéotypée. – 3° Pour le procès de Riom, Les traitres démasqués, tracts ronéotypés. – 4° Ceux de 1914-18 à ceux de 1939-40, tract ronéotypé. – 5° Peuple de France, tract imprimé. » Madeleine refuse de signer le procès-verbal.

Les deux policiers se rendent ensuite sur le chantier de démolition « de la République » (?) où Eugène Prout travaille.

Conduit au commissariat central de Rouen, il y est interrogé par le commissaire adjoint. Il reconnaît la possession des tracts destinés à leur diffusion, mais élude une grande partie des questions. Il reconnait cependant avoir détenu une feuille de souscription « Pour la liberté et l’indépendance de la France, pour son relèvement économique, pour la justice sociale ». Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, il est mis à la disposition du procureur de la République.

Le 26 novembre suivant, le Tribunal correctionnel de Rouen condamne Charles Godot et Eugène Prout à un an d’emprisonnement et à 100 francs d’amende pour « reconstitution d’organisation dissoute », en même temps que Louis Creignou, René Godebin, Louis Levillain et Vitorio Loranzo. Paul Lemarchand, docker, alors en fuite, est condamné à 18 mois de prison par défaut. Le Ministère public fait appel (?).

Eugène Prout purge sa peine à la prison Bonne-Nouvelle de Rouen.

Rouen, la prison Bonne-Nouvelle. Carte postale des années 1900.

Rouen, la prison Bonne-Nouvelle. Carte postale des années 1900.

À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré.

Le 11 octobre 1941, mis à disposition des autorités d’occupation à leur demande, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager). Le 8 décembre 1941, il figure sur une liste de 28 communistes à « transférer vers l’Est », établie par la Feldkommandantur de Rouen.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Eugène Prout est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46020.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Eugène Prout est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I. Il est assigné au Block 7.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 19 septembre 1942, René Demerseman assiste à son assassinat : « Il avait les jambes enflées, incapable de travailler. Tué à coups de bâton derrière la nuque ».

Une attestation du Front national [3] établit son appartenance à la Résistance.

Sa veuve, Marie Philomène, décède à Rouen le 13 novembre 1964.

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs du Reich ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp C est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

[3] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 377 et 418.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Seine-Maritime réalisée en 2000 à Rouen, citant : Questionnaire rempli par Jacqueline Vigor, sa fille (1987/90), qui communique également des attestations (Front national, Jugement du Tribunal), et des documents(lettre de la prison de Rouen, lettre jetée du train) – Liste établie par la CGT – Listes du Musée d’Auschwitz (V n° 31935 – S n° 281) – Document allemand du SD, feuillet 55 – Fiches d’otages, Centre de documentation juive contemporaine, Paris.
- Archives départementales d’Eure, archives en ligne : état civil de Pont-Audemer, registre des naissances de l’année 1901, acte n°16 (8 Mi 5448), vue 378/732).
- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 39, p. 24.
- Site du Maitron en ligne, notice de Jean-Jacques Doré (28-09-2020)..
- Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (2-1973 ?).
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département : cabinet du préfet 1940-1946 (51 w 427) ; dossiers individuels Lh-Q (51 w 519) ; recherches conduites avec Catherine Voranger.
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; doc. XLIII-56.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 968 (31935/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-08-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Omer PROUST – (46019 ?)

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© Archives municipales d’Ivry-sur-Seine.

© Archives municipales d’Ivry-sur-Seine.

Omer, Félix, Proust naît le 1er avril 1903 à Dampierre-sur-Brou (Eure-et-Loir – 28), chez ses parents, Emile Proust, 32 ans, maçon, et Marie Félicité Lesèque, 25 ans, son épouse, domiciliés au hameau du Chemin en cette commune. Les témoins pour la présentation du nouveau-né à l’état civil sont un sabotier et un ouvrier sabotier.

Le 29 septembre 1930, Omer Proust épouse Georgette Hallier à Rambouillet [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Yvelines – 78) où ils emménagent. Ils ont dix enfants : Yvonne (1930), Huguette (1931), Guy (1933), Denise (1934), Claude (1935), Bernard (1936), Claudine (1937) et Daniel (1940), nés à Rambouillet ; les deux dernières, Simone (1941) et Christiane (1942), naissent à Ivry-sur-Seine [2] (Val-de-Marne – 94).

C’est donc entre 1940 et 1941 que la famille vient habiter au 123, route stratégique (devenu le 134 rue Marcel-Hartmann).

Omer Proust est alors maçon et contremaître de chantier à la régie municipale d’Ivry, mais sans être employé communal (fonctionnaire territorial).

Il est connu comme militant communiste.

Le 28 avril 1942, il est arrêté lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine – avec le concours de la police française – et visant majoritairement des militants du Parti communiste. Ces arrestations visant généralement des personnes précédemment arrêtées par la police française puis relâchées, il est possible qu’ait existé, à l’encontre d’Omer Proust, une poursuite antérieure que nous ignorons. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin, malgré sa nombreuse famille, Omer Proust est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée (suivant un ordre de Hitler) en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée d’occupation.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Omer Proust est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46019, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Omer Proust.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, selon les registres du camp [3], alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [4]). (aucun des quatorze “45000” ivryens n’est revenu).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-04-1998).

Sources :

- Archives municipales d’Ivry-sur-Seine, dossier individuel rassemblé par Michèle Rault, conservatrice, à partir de différentes sources.
- Archives départementales d’Eure-et-Loir, site internet, archives en ligne, registre d’état civil de Dampierre-sous-Brou, années 1902/1906 (cote 3 E 123/013), naissances de l’année 1903, acte n° 3 (vue 40/157).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection Mémoires, 2005, pages 82, 150 et 153, 388 et 418.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 968 (31856/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-09-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Ivry-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] Concernant la différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ : concernant Omer Proust, c’est le 15 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès (28-5-1956). Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[4] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-Isélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

 

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