Paul RÉAU – 46038

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Paul Réau naît le le 18 juin 1902 à Ève, à 16 km de Nanteuil-le-Haudoin (Oise – 60), fils d’Auguste Réau, 34 ans, maréchal-ferrant (patron), et de Louise Vibert, 26 ans, son épouse, domiciliés au 10, rue du Point-du-Jour. Paul a une sœur jumelle : Germaine. Mais celle-ci décède à l’âge de treize mois, le 7 août 1903.

Le 29 juin 1927, Paul Réau est embauché comme mécanicien par la Compagnie du Nord (intégrée à la SNCF en 1938).

À une date restant à préciser, il épouse Ernestine Pognard, née en 1899 à Dammartin (Seine-et-Marne).  Ils ont deux enfants : Jeannine Louise, née le 25 juillet 1928, et Pierre Paul Auguste, né le 13 avril 1931, tous deux à Ève. Lors du recensement de 1931, la famille habite au 22, rue du Pont à Ève, et héberge le père de Paul, qui est ouvrier agricole chez M. Guillaume.

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Ève. La rue du Pont. Carte postale oblitérée en 1937. Collection Mémoire Vive.

Ève. La rue du Pont. Carte postale oblitérée en 1937. Collection Mémoire Vive.

Au printemps 1936, ils habitent rue de la Grande Cour, mais son épouse n’apparaît plus dans le recensement…

Le cheminot Paul Réau est aide-ouvrier en poste à La Chapelle (Seine). Il est délégué CGT du personnel.

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Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.  Collection Mémoire Vive.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.
Collection Mémoire Vive.

Militant communiste, dirigeant la cellule locale, il est élu conseiller municipal d’Ève en 1935.

Lors des élections cantonales d’octobre 1937, le Parti communiste le présente comme candidat au Conseil d’arrondissement dans la circonscription de Nanteuil-le-Haudoin.

Au début de 1940, il est déchu de son mandat pour appartenance au Parti communiste. Il est mobilisé comme soldat de mars à juillet.

Le 16 juillet 1941, Paul Réau est arrêté, puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il y est enregistré sous le matricule n° 1303, juste avant Marc Quénardel, de Montataire, arrêté le 7 juillet.

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Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le 20 février 1942, le chef de la Feldkommandantur 580 à Amiens (Somme) – ayant autorité sur les départements de la Somme et de l’Oise – insiste auprès du préfet de l’Oise, Paul Vacquier [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], afin que la fiche de chaque interné du Frontstalag 122 pour activité communiste demandée à l’administration préfectorale indique « son activité politique antérieure (très détaillée si possible), ainsi que les raisons qui militent pour ou contre sa prompte libération du camp d’internement ».

Le 10 mars, le préfet de l’Oise écrit au Ministre secrétaire d’État à l’Intérieur pour lui transmettre ses inquiétudes quant à cette demande : « Étant donné que parmi les internés du camp de Compiègne une vingtaine déjà ont été fusillés en représailles d’attentats commis contre les membres de l’armée d’occupation, il est à craindre que ces autorités aient l’intention de se servir de mon avis pour désigner de nouveaux otages parmi ceux pour lesquels j’aurais émis un avis défavorable à la libération. Me référant au procès-verbal de la conférence des préfets régionaux du 4 février 1942, qui précise “qu’en aucun cas les autorités françaises ne doivent, à la demande des autorités allemandes, procéder à des désignations d’otages”, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien me donner vos directives sur la suite qu’il convient de réserver à la demande dont je suis saisi… »

Le 13 avril 1942, le commissaire principal aux renseignements généraux de Beauvais transmet au préfet de l’Oise soixante-six notices individuelles concernant des individus internés au Frontstalag 122 à Compiègne, dont dix-neuf futurs “45000”, parmi lesquels Paul Réau, dont est mentionné le passé politique.

Le 24 avril, Paul Vacquier transmet à la Feldkommandantur 580 les notices individuelles des « personnes internées au camp de Compiègne, figurant sur la liste [qui lui a été] communiquée et domiciliées dans le département de l’Oise » qui mentionnent uniquement « des renseignements concernant l’état civil, la parenté et la situation matérielle ».

Enfin, le 29 juin, le préfet de l’Oise écrit à la Feldkommandantur 580 pour essayer d’obtenir la sortie du Frontstalag 122 de soixante-quatre ressortissants de son département – dont Paul Réau – au motif « qu’aucun fait matériel d’activité communiste n’a été relevé à leur encontre depuis l’arrivée des forces allemandes dans la région », envisageant la possibilité d’interner certains d’entre eux « dans un camp de concentration français ». Sa démarche ne reçoit pas de réponse.

Le mal est probablement déjà fait : quand elles ont procédé à des arrestations dans l’Oise entre juillet et septembre 1941, les forces d’occupation ne disposaient-elles pas déjà d’informations et d’appréciations transmises par certains services de la police française ? N’en ont-elles pas obtenu d’autres par la suite ? Le préfet craignait la fusillade. Ce sera la déportation.

Entre fin avril et fin juin 1942, Paul Réau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Paul Réau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46038 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [2]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Paul Réau se déclare alors comme cheminot (Eisenbahner). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Paul Réau.

Il meurt à Auschwitz le 7 août 1942 – un mois après l’arrivée du convoi – selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3] qui indique pour cause mensongère de sa mort « pleurésie » (Rippenfellentzündung).

Son nom est inscrit sur le monument aux morts d’Ève, au fond du cimetière. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-03-1997).

Notes :

[1] Paul Vacquier, nommé préfet de l’Oise le 22 mai 1940, au début de l’offensive allemande, cherche ensuite à maintenir un semblant de souveraineté française à l’échelon local, ce qui lui vaut son départ le 30 octobre 1942.

[2] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin “Après Auschwitz”, n°21 de mai-juin 1948).

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Paul Réau, c’est effectivement le 6 juillet qui est retenu pour certifier son décès « à Auschwitz » (sic). Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 369 et 418.
- Jean-Pierre Besse, notice pour le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (DBMOF), site du Maitron en Ligne, Université Paris 1.
- Archives départementales de l’Oise, site internet, archives en ligne : registres de recensement d’Ève, années 1906 et 1931 (vue 7) ; tables décennales.
- Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France, L’Humanité n° 14077 du mercredi 3 juillet 1937, page 6, “septième liste…”.
- Archives départementales de l’Oise, Beauvais : Exécutions d’internés, camp de Royallieu, mesures contre les communistes (33W 8253/1) ; Internement administratif (141w 1162).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 988 (18674/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; copie de l’acte de décès du camp, copies du Starke Bucher du 7 au 8 août 1942.
- Site Mémorial GenWeb, 60-Breuil-le-Vert, relevé de Cédric Hoock (2002).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1248-1249.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Jean RAYNAUD – (46037 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jean, Robert, Gabriel, Ernest, Raynaud naît le 12 août 1906 à Saintes (Charente-Inférieure / Charente-Maritime [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]), chez ses parents Jean Théodore Raynaud, 44 ans, mécanicien pour la Compagnie de chemin de fer de l’État, et Gabrielle Chagneaud, 32 ans, son épouse, domiciliés au 69 rue Saint-Pallais. À sa naissance, Jean a deux frères, Alexandre, né en 1895, Charles, né en 1897, et une sœur, Laure, née en 1898, tous les trois à Saintes.

Leurs parents décèdent prématurément…

Le 21 juin 1927, à Saintes, Jean Raynaud, âgé de 20 ans, alors ajusteur, épouse Marthe Andrée Thenaud, née le 11 décembre 1905 à Saintes. Ils ont deux enfants : Michelle, Raymonde, née le 22 novembre 1927 à Saintes, et Claude, né en 1929 à Nantes.

En 1931 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 9 de la 34e rue dans la cité Halvêque à Nantes (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique [2]), cité ouvrière constituée de petites maisons en bois (type Bessonneau) édifiée après 1920 pour les ouvriers de la Société des Batignolles de Construction (construction et réparation de locomotives), à Saint-Joseph-de-Portricq.

Un bâtiment de l’usine des Batignolles, spécialisée dans  la construction de locomotives « à grande puissance ».  Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Un bâtiment de l’usine des Batignolles, spécialisée dans la construction de locomotives « à grande puissance ».
Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Jean Raynaud y travaille comme contrôleur d’usine, puis comme ajusteur.

Le 4 juillet 1941, après une première vague d’arrestations opérée le 23 juin [3] dans l’agglomération de Nantes par la police militaire allemande (GFP), le commissaire central de Nantes donne à celle-ci (qui l’a demandée) une liste de neuf « ex-militants communistes » où figure le nom de Jean Raynaud avec ceux d’Alphonse Filloleau et André Lermite.

Le 9 juillet, Jean Raynaud est arrêté et « conduit aussitôt au camp du Champ de Mars » [4], avec quatre autres « militants communistes » dont A. Filloleau et A. Lermite.

Nantes. La salle des fêtes du Champ de Mars. Est-ce l’endroit où ont été rassemblés les militants arrêtés en juillet 1942 ? Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Nantes. La salle des fêtes du Champ de Mars.
Est-ce l’endroit où ont été rassemblés les militants arrêtés en juillet 1942 ?
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au cours du même mois, Jean Raynaud fait partie d’un groupe d’internés transférés au camp français de Choisel à Châteaubriant (44). (possible vu la proximité, mais à confirmer).

Remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Raynaud est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Raynaud est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 46037, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Jean Raynaud.

Il meurt à Auschwitz le 25 août 1942,  selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [5].

Sur les dix “45000” de Loire-Atlantique, il n’y eut que deux rescapés : Eugène Charles, de Nantes, et Gustave Raballand, de Rezé.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Jean Raynaud (J.O. du 8-03-1997).

Notes :

[1] Charente-Maritime : département dénommé “Charente-Inférieure” jusqu’en septembre 1941.

[2] Loire-Atlantique : département dénommé “Loire-Inférieure” jusqu’en mars 1957.

[3] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[4] Le « camp du Champ de Mars » : s’agit-il de la salle des fêtes, également dénommée « Palais du Champ de Mars » ? (à vérifier…)

[5] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans lesannées qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Jean Raynaud, c’est 15 novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 365 et 418.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Bretagne (2002), citant : témoignage d’Eugène Charles (45354), de Nantes – Liste de l’Abwehr à la Kommandantur de Nantes datée du 19 mars 1942 et portant l’indication « Gaullistes et communistes de Nantes » : Jean Raynaud y figure avec le numéro 1250 – Archives allemandes concernant le camp de Châteaubriant.
- Archives municipales de Nantes, site internet : listes électorales 1934-1945 (Olives-Rivi, p. 284), recensement de 1936, canton 2, p 1048 (2 v. 243).
- Le  Collectif Batignolles de la Fédération des Amis de l’Erdre.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 988 (24908/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-06-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Adrien RAYNAL – 46036

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Collection Nelly Mathieu. Droits réservés.

Collection Nelly Mathieu.
Droits réservés.

Adrien, Pierre, Marius, Raynal naît le 6 mars 1897 à Cransac (Aveyron), près de Decazeville, il est fils d’Adrien Raynal, mineur, et de Valérie Arnaud, son épouse. Il grandit dans le quartier de la Plantade. Il est l’aîné de six enfants, avec trois sœurs : Eléonore, dite Laure (plus tard épouse Cathala), Madeleine (plus tard épouse Falguières, vivant un temps à Orly) et Fernande (plus tard épouse Ecroulant, vivant un temps à Ivry-sur-Seine), et deux frères : Paul et René.

Le 11 janvier 1916, Adrien Raynal est appelé au service armé. Selon son livret militaire, il mesure 1m60, a les cheveux châtains, les yeux gris et un visage ovale. Il se déclare alors comme domestique à Marseille, probablement employé par sa tante Jeanne Eléonore Arnaud qui tient un hôtel dans cette ville. Le 16 février 1917, au lieu dit « la ferme du Choléra » dans l’Aisne, combattant dans la 7e compagnie du 131e régiment d’infanterie, il est légèrement blessé aux deux pieds et à la main droite par éclats de grenade. Il est soigné dans un hôpital provisoire à Château-Thierry.

Le 23 mars 1918, il est fait prisonnier par les Allemands, jusqu’en janvier 1919 (ne conservant pas un souvenir trop douloureux de cette épreuve, il ne craindra pas pour sa vie devant la perspective d’un transfert en Allemagne en 1942, pensant y travailler comme lors de sa première captivité).

Le 12 juillet 1921, à Paris 11e, Adrien Raynal épouse Cornélie Hidoux, née le 24 décembre 1886 à Cauchy-à-la-Tour (Pas-de-Calais). À cette époque, il est planeur de tôles, probablement pour les chemins de fer. Ils ont un fils, Serge, né le 24 mai 1923.

En novembre 1925, le couple quitte le 15, rue Voltaire à Paris 11e pour s’installer définitivement au 1, rue du Docteur-Lecène à Orly [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Val-de-Marne – 94) où ils ont fait bâtir un petit pavillon « deux pièces-cuisine » qu’Adrien agrandira par la suite. Au moment de son arrestation, Adrien Raynal demeure toujours à cette adresse, et le pavillon restera la résidence de sa veuve.

xtension du “deux-pièces/cuisine”. Derrière le maçon agenouillé, Cornélie et Adrien… Droits réservés.

L’extension du “deux-pièces/cuisine”.
Derrière le maçon agenouillé, Cornélie et Adrien… Droits réservés.

Adrien et Cornélie, dans leur jardin. Date inconnue, probablement peu de temps avant la guerre.

Adrien et Cornélie, dans leur jardin.
Date inconnue, probablement peu de temps avant la guerre.

En 1927, la sœur de Cornélie, Stella, emménage avec sa famille à une centaine de mètres des Raynal, également dans un « deux pièces-cuisine ».

Adrien Raynal est un militant communiste.

En mai 1929, il est candidat aux élections municipales à Orly. On ignore les raisons de son absence sur la liste des municipales de 1935. En avril 1939, il est trésorier de la section d’Orly du Secours populaire de France [2].

Mobilisé pendant la drôle de guerre, Adrien Raynal est renvoyé dans ses foyers le 4 juillet 1940.

Au moment de son arrestation, il travaille comme chauffeur (ouvrier chargé de la surveillance d’une chaudière) aux « Quatre cheminées », la grande centrale électrique de Vitry-Sur-Seine (94), quai Jules-Guesde, appartenant à l’Union d’Électricité et dans laquelle travaille également Roger Mauger, de Vitry.

La centrale électrique des “Quatre cheminées” en bordure de la Seine. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La centrale électrique des “Quatre cheminées” en bordure de la Seine.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À partir d’août 1940, responsable de la propagande clandestine, Adrien Raynal rédige et imprime des tracts qu’il diffuse à Orly et dans son usine. La police française le considère comme un « propagandiste très actif ».

Il est inscrit sur la liste de la grande vague d’arrestations du 5 octobre 1940, mais son nom est rayé (?).

Le 26 octobre 1940, à l’aube, il est arrêté à son domicile par deux inspecteurs et conduit au commissariat de secteur, très probablement à Fresnes : « en application des décrets des 18-11-1939 et 3-09-1940 », le préfet de police de Paris a signé un arrêté ordonnant son internement administratif, parmi 38 personnes visées simultanément dans le département de la Seine (dont 12 futurs “45000”) et transférées aussitôt au centre de séjour surveillé d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise). Ce camp avait été créé trois semaines plus tôt dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt, pour y interner administrativement des hommes connus pour être communistes ou syndicalistes CGT avant guerre.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement. Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.

Enregistré sous le matricule n° 718, Adrien Raynal est assigné à la chambre 40. Faisant partie des détenus qui se sont vu affecter une activité, il travaillerait à la buanderie. Il fabrique au moins un objet-souvenir qui parvient à sa famille : une étiquette en bois avec une représentation peinte du long bâtiment où sont logés les internés.

Raynal-etiquette-rvSa femme Cornélie reçoit plusieurs courriers (perdus depuis), ainsi que sa famille, comme l’indiquent les courriers retrouvés de son père, de sa sœur Laure et de son frère Paul. Elle lui rend également plusieurs visites ; au cours de deux ou trois d’entre elles (au moins), elle est accompagnée de leur fils Serge. Quand la santé de celui-ci se détériore, Adrien Raynal obtient des autorités du camp la permission de se rendre, encadré par la gendarmerie, à son chevet au domicile familial (date inconnue).

Adrien et Serge dans le jardin.

Adrien et Serge dans le jardin.

Le 12 février 1941, la mère d’Adrien, Valérie Arnaud, décède à Cransac. Au tout début de son internement, Adrien Raynal reçoit des propositions d’aide pour s’évader. Il refuse en disant : « Je n’abandonnerai jamais les copains ». Par fidélité au parti communiste et à ses convictions, il refuse également de signer l’acte de reniement politique qui l’aurait fait libérer.

Le 9 mai 1942, Adrien Raynal est parmi les quinze internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), Frontstalag122 – Polizeihaftlager, gardé par la Wehrmacht.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (suivant un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part à 9 h 30, une fois les portes verrouillées.

TransportAquarelle

Sur la partie française du trajet, Louis Chevalier, également d’Orly, laisse tomber du train un message à destination de son épouse dans lequel il précise qu’il part avec Émile Bourset, Adrien Raynal et Albert Beauré (ce dernier étant de Choisy-le-Roi [1]).

Collection de Madame Denise Digani. Droits réservés.

Collection de Madame Denise Digani. Droits réservés.

Le 8 juillet 1942, Adrien Raynal est enregistré au camp-souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46036 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire sur leur profession, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Adrien Raynal est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Pendant un temps, il est assigné au Block 16, avec d’autres “45000”.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Atteint par l’épidémie de typhus qui ravage le camp, il est admis à l’ “hôpital” et n’en ressort pas, selon le témoignage de Raymond Saint-Lary.

Adrien Raynal meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, selon les registres du camp alors qu’a lieu une grande sélection des « inaptes au travail » au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés) [3]. Sur l’acte de décès du camp, la cause mensongère pour justifier son décès est une « insuffisance cardiaque ».

L’officier d’état civil du ministère des Anciens combattants et victimes de guerre (Paris, 14-11-1946) reprend l’heure de sa mort indiquée par l’administration SS – « à 7 h 35 » ! : une copie de l’acte de décès établi au camp est donc parvenue au ministère, mais par quelle voie ?

Le 23 septembre 1942 – quatre jours après – Serge, son fils unique, meurt d’une grave maladie pulmonaire, probablement la tuberculose, au domicile familial ; il était célibataire (19 ans !) et exerçait la profession de mécanicien.

En août 1946, Cornélie, son épouse, reçoit une attestation du décès d’Adrien établie par l’Amicale d’Auschwitz sur le témoignage de Raymond Saint-Lary (fils), rescapé domicilié à Fresnes (94). Pierre Fazincani, le neveu de Cornélie, rend aussitôt visite à celui-ci et en obtient confirmation.

La mention “Mort pour la France” est portée sur les registres d’état civil (31-03-1947). Adrien Raynal est homologué avec le grade fictif de sergent dans la Résistance intérieure française au titre du Front national de lutte pour la Libération… (arrêté du 7-12-1949). Après refus du statut de Déporté Résistant par la commission ad hoc, il est homologué comme Déporté Politique (20-11-1953). En 1961, le conseil municipal d’Orly donne le nom d’Adrien Raynal à une avenue de la ville (D. 64).

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la ville d’Orly, place du général Leclerc, et sur le monument dédié aux employés de l’ancienne centrale électrique Arrighi « soldats, déportés, civils, morts pour la France » entre 1939 et 1945.

Le monument aux morts de la centrale électrique …probablement le jour de l’inauguration nombreuses fleurs) (collection particulière - droits réservés)

Le monument aux morts de la centrale électrique
…probablement le jour de l’inauguration nombreuses fleurs)
(collection particulière – droits réservés)

MonumentCentraleVitry2

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-03-1997).

Son épouse, Cornélie, porte le deuil de son mari et de son fils sans se remarier, et reste très proche du PCF. Quand elle entend parler de l’indemnisation des victimes de la déportation par l’Allemagne, sa première réaction est de déclarer : « Je ne prendrai jamais l’argent des assassins ! Ah, ils sont bien ceux-là : ils tuent, et après ils payent. »

Entrée à l’hospice d’Ivry-sur-Seine en 1968, après un accident vasculaire cérébral, elle décède le 4 avril 1970.

Notes :

[1] OrlyVitry-sur-Seine et Choisy-le-Roi : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces commune font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Issu du Secours rouge (international) créé en 1926, le Secours populaire de France et des Colonies voit le jour en 1936, et le Secours Populaire Français, tel qu’il existe encore, est créé en 1945.

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la « Solution finale », mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme « inaptes au travail » (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code « 14 f 13 »). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.).

Sources :

- Claude Pennetier et Nathalie Viet-Depaule, Itinéraires Orlysiens, Les militants de l’entre-deux-guerres, Les Éditions Ouvrières, Paris (citant, à partir du DBMOF “Maitron” : Le Travailleur de la banlieue sud, 21 avril 1939 ; Histoire d’Orly, p. 241).
- Pierre Fazincani (neveu de Cornélie Hidoux, épouse Raynal), prisonnier de guerre en 1940, corrections adressées aux rédacteurs de l’ouvrage précédent en mai 1994.
- Nelly Mathieu, fille de Pierre Fazincani et petite-nièce de Cornélie, témoignage et archives privées (portraits, actes d’état civil, livret militaire, correspondance familiale, documents BAVCC de Caen), septembre-octobre 2006, avril-mai 2009.
- Joëlle Wakerhauser, dont l’arrière-grand-mère, Jeanne Éléonore Arnaud, est la sœur de Valéry Louise Arnaud, mère d’Adrien : photographie, recherches sur les familles Arnaud et Raynal, avril 2009.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 389 et 418.
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “Occupation allemande” : BA 2397 (liste des internés communistes, 1939-1941).
- Archives départementales des Yvelines : camp d’Aincourt (1W80) ; révision trimestrielle (1w74) ; recherches parallèles de Claude Delesque.
- Bureau d’information sur les prisonniers, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau : registre de détenus du Block 16 (sans date).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 988 (31873/1942).

Nelly Mathieu et MÉMOIRE VIVE

(dernière modification le 6-04-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Maurice RAUX – (46035 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Maurice, Adrien, Raux naît le 13 mars 1897 à Lisieux (Calvados – 14), fils de Charles Désiré Raux, 36 ans, journalier, « absent », et de Berthe Lecointre, 34 ans, son épouse, journalière, domiciliés au 5, rue Couture-du-Milieu.

Maurice Raux commence à travailler comme journalier.

Le 10 janvier 1916, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 24e régiment d’infanterie. Le 2 février suivant, la commission de réforme de Bernay le classe dans le service auxiliaire « pour léger raccourcissement de la jambe gauche avec atrophie ». Néanmoins, le 11 mai suivant, une commission spéciale le classe au « service armé ». Du 16 juin au 15 juillet, Maurice Raux est admis à l’hôpital militaire de Louviers pour maladie, puis de nouveau du 28 juillet au 27 août pour bronchite, suivi d’un mois de congé de convalescence. Le 11 novembre, il passe au 9e bataillon du 24e R.I. (« aux armées », en zone de combat). Le 15 décembre, la commission spéciale d’Amiens le propose pour un changement d’arme (artillerie montée). Le 2 janvier 1917, Maurice Raux passe au dépôt du 43e régiment d’artillerie de campagne. Il part « aux armées » le 10 février. Le 8 novembre suivant, il passe au dépôt du 219e régiment d’artillerie. Une semaine plus, tard, son unité part en Italie. Il rentre en France le 1er mars 1918. Le 25 juillet suivant, il passe au 48e régiment d’artillerie de campagne (« aux armées »). Le 30 août, il passe au 224e R.A.C. Le 9 mai 1919, il passe au dépôt du 4e R.A.C. Le 9 août 1919, la commission de réforme de Besançon le classe au service auxiliaire « pour atrophie de la jambe gauche consécutive à une paralysie infantile ». Le 24 septembre, Maurice Raux est envoyé en congé illimité de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire au 25, rue Saint-Dominique à Louviers.

Le 11 octobre 1919, à Percy-en-Auge, « par Mézidon » (14), Maurice Raux se marie avec Félicité, Augustine, Berthe, Lemière, née le 23 mai 1896 à Vassy. Ils n’ont pas d’enfant.

En octobre 1927, l’armée classe Maurice Raux “affecté spécial” aux Chemins de fer de l’État comme cantonnier à Mézidon.

En 1926, puis en 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Maurice Raux est domicilié dans la Grande Rue de Percy-en-Auge. Cette année-là (1936), son épouse et lui semblent avoir deux pensionnaires : un ouvrier agricole de 47 ans et une fillette de 10 ans…

Maurice Raux est alors garde(-barrière ?) à Mesnil-Auger, dans l’arrondissement de la voie de Caen.

C’est un militant communiste.

Le 4 mai 1942, il est arrêté par la police allemande comme otage communiste à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] ; lors d’une deuxième vague d’arrestations. Incarcéré à la prison de Caen, il est transféré quelques jours plus tard (probablement le 9 mai) au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Raux est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Maurice Raux est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46035, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Maurice Raux se déclare comme cheminot (Eisenbahner). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Maurice Raux est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Il  meurt à Birkenau le 18 septembre 1942, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]). L’acte de décès du camp indique pour cause mensongère de sa mort « Hydropisie cardiaque » (Herzwassersucht).En 1953, Maurice Raux reçoit le titre de “Déporté politique” à titre posthume.

Dans la gare de Lisieux, son nom est inscrit sur la plaque apposée « À la mémoire des agents de la SNCF tués par faits de guerre » ; seul comme « fusillés ou morts en déportation ».

Le 26 août 1987, à Caen, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Maurice Raux (J.O. du 8-03-1997).

Le nom de Maurice Raux est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total, plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Extérieur de la gare de Caen. Carte postale oblitérée en 1937.
Collection Mémoire Vive.

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à liquider des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001 ; notice de Claudine Cardon-Hamet page 127.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 362 et 418.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, page 13.
- Site de l’association Rail et Mémoire.
- Claude Doktor, Le Calvados et Dives-sur-Mer sous l’Occupation, 1940-1944, La répression, éditions Charles Corlet, novembre 2000, Condé-sur-Noireau, page 206.
- Archives départementales du Calvados, archives en ligne : état civil de Lisieux registre d’état civil N.M.D., année 1897, acte n° 82 (vue 43/490) ; registre matricule du recrutement militaire pour l’année 1917, bureau de Lisieux, n° 501-985, matricule 937 (vues 638/711).
- Mémorial de la Shoah, Paris, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLIII-91.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 988.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; copie de l’acte de décès du camp (22424/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-08-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Pierre RAUNIER – 46034

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Pierre Raunier. © Collection Pierre…

Pierre Raunier.
© Collection Pierre…

Pierre, Joseph, Raunier naît le 7 novembre 1920 à Pouru-Saint-Remy (Ardennes), fils de Joseph Raunier, 22 ans, natif de l’Hérault, employé de chemin de fer, et de Louise Metens, 25 ans, son épouse.

Aîné de la fratrie, Pierre a une sœur, Solange, née en 1922 à Pouru, un frère, Jules, né le 16 octobre 1923, et une deuxième sœur, Fernande, née en 1923, tous deux à Floing (08).
À l’automne 1928, la famille déménage pour la proche banlieue parisienne. En 1932, les Raunier sont domiciliés au 173, route stratégique (aujourd’hui rue Marcel-Hartmann) à Ivry-sur-Seine [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Val-de-Marne), dans un appartement de la cité HBM récemment construite par la Société anonyme des Logements Économiques pour Familles Nombreuses. En 1936, Guy Gratiot est logé avec sa famille dans un appartement voisin.
Célibataire, Pierre Raunier habite chez ses parents.
Sous l’occupation, il est mécanicien automobile, avec son frère, au garage Citroën situé au 63, route de Choisy (avenue de Verdun aujourd’hui), en face du grand cimetière parisien d’Ivry.
En juin 1941, sollicité par un camarade pour « faire du camping », Pierre adhère à la cellule clandestine des Jeunesses communistes (“JC”) du fort d’Ivry qui se réunit tous les jeudis vers 21 h 30 sur les glacis de l’établissement militaire. Le groupe est victime d’une dénonciation (« … à la suite de renseignements confidentiels »).
Le 3 septembre 1941, Pierre Raunier est arrêté par le commissaire de police de la circonscription d’Ivry avec dix camarades, dont Guy Gratiot et Raymond Blais, qui seront déportés avec lui. Son frère Jules est arrêté le lendemain. Le 6 septembre, les onze jeunes gens sont inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (dissolution et interdiction des organisations communistes) et conduits au dépôt de la préfecture de police (sous le Palais de Justice, sur l’île de la Cité) à la disposition du procureur de la République.Rapidement écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (?), Pierre Raunier bénéficie d’une ordonnance de non-lieu le 15 novembre. Le lendemain, il est amené à la préfecture de police puis remis en liberté après admonestation, comme ses autres camarades : ils doivent signer un document par lequel ils prennent l’engagement d’honneur de ne se livrer à l’avenir à aucune activité communiste. Néanmoins, la police le désigne comme un communiste « fervent ».Le 20 novembre, le sous-directeur du cabinet du préfet de police – conformément à des instructions ministérielles reçues quinze jours auparavant – transmet à l’état-major d’administration militaire du commandant allemand de la Seine les notices concernant un certain nombre d’individus arrêtés pour activité communiste puis remis en liberté, dont celle de Pierre Raunier.Le 1er décembre 1941, la Section spéciale de la Cour d’appel de Paris acquitte le jeune homme et le rend à ses parents, sous le régime de la liberté surveillée.

En janvier 1942, la famille déménage pour un petit pavillon au 3, rue Jean-Dormoy, toujours à Ivry, à proximité de la gare de triage et de ses ateliers.

Le 28 avril, Pierre Raunier est arrêté à son domicile – « par deux Français » (! ?) – lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Un mois après son arrestation, Pierre Raunier envoie une carte depuis Compiègne dans laquelle il demande des vêtements chauds pour aller travailler dans un camp. Quand son père vient les lui apporter, il est déjà parti.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Pierre Raunier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46034 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Pierre Raunier est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal, auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp : en effet, à une date restant à préciser, il est admis au Block 20 de l’hôpital d’Auschwitz-I [2].

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; très certainement avant la mi-mars 1943 [3].

(aucun des quatorze “45000” ivryens n’est revenu).

Pierre Raunier est homologué dans la Résistance intérieure française (RIF) au titre du Front national [4] avec le grade fictif d’adjudant.

Notes :

[1] Ivry-sur-Seine : Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Mais les “31000” et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme “Revier” : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. » Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

[3] Le doute sur la date de décès inscrite au Journal Officiel : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois – voire le jour (et le lieu !) du départ comme pour Pierre Raunier. La parution au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts. L’arrêté du 2 décembre 1996 ajoute la mention “Mort en déportation” et corrige la date du 6 juillet par « décédé le 11 juillet 1942 à Auschwitz », afin de prendre en compte la certitude de son départ.

[4] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN” et ayant changé d’intitulé en 2018).

Sources :

- Archives municipales d’Ivry-sur-Seine : dossier individuel rassemblé par Michèle Rault, conservatrice, à partir de différentes sources, dont un témoignage (?) de sa sœur, Solange Toueix.
- Musée de la Résistance Nationale, Champigny-sur-Marne (94) : fiche de police de Guy Gratiot au commissariat d’Ivry-sur-Seine.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 165-25003).
- Ivry, fidèle à la Classe Ouvrière et à la France, supplément au Travailleur d’Ivry n° 1319, édité à l’occasion du 25e anniversaire de la victoire « des peuples contre l’hitlérisme » (1970), photo page 95.
- Pierre (patronyme à confirmer) : message rectificatif et portrait photographique (02-2022).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 388 et 418.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-03-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Maurice RAT – (46033 ?)

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Maurice, Clément, Arsène, Rat naît le 23 août 1897 à Biaches (Somme), fils de Georges, dit Arthur, Rat, 31 ans, journalier, et d’Adèle Bélaire, son épouse, 26 ans, journalière agricole, domiciliés au 67 rue de Péronne. Il a deux frères, Fernand, né en 1892, Alexandre, né en 1893, et deux sœurs, Marguerite, née en 1894, Clémentine, née en 1903.

Après le début de la Première Guerre mondiale, Maurice Rat est réfugié à Rougnat (Creuse), où il commence à travailler comme mécanicien. Pour l’époque, c’est un homme relativement grand : 1 m 73.

Le 8 janvier 1916, il est mobilisé comme soldat de 2e classe au 45e régiment d’infanterie, rejoignant son unité deux jours plus tard. Le 11 octobre, il passe au 62e R.I. Le 21 octobre, il est affecté aux armées du Nord-Est. Le 14 avril 1917, il est évacué pour grippe et admis à l’hôpital temporaire n° 16 à Compiègne (Oise) ; la caserne de Royallieu ! Il en sort le 10 mai. Après une période de convalescence, il réintègre son unité le 3 juin 1917. Le 23 mai 1918, il est cité à l’ordre de la 18e division d’infanterie : « Fantassin d’élite d’une grande bravoure. Son char ayant été entouré et pris par les Allemands au cours de l’attaque du 18 avril [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][…], a fait l’impossible pour le délivrer. N’ayant pu y réussir, a rejoint un autre char où il ne restait qu’un seul homme d’élite ». Il reçoit la Croix de guerre. Le 8 août 1918, il est nommé caporal. Le 16 février 1919, il passe au 5e régiment de tirailleurs algériens. Le 16 mars suivant, il est nommé sergent. Le 5 septembre, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire au 155, rue de Flandre à Paris, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 24 janvier 1920, Maurice Rat se marie avec Charlotte Mallet, née le 7 septembre 1901 à Paris 10e. En février suivant, ils habitent au 65, rue du Vivier à Aubervilliers [1] (Seine / Seine-Saint-Denis).

Ils ont un fils, Marcel, né en 1921. En mai de cette année, la famille est domiciliée au 53, rue des Cités à Aubervilliers.

En novembre 1931 et jusqu’à son arrestation, Maurice Rat est domicilié au 22, impasse du Pont-Blanc à Aubervilliers, du côté du canal de Saint-Denis.

Maurice Rat est chauffeur de générateur à l’usine des goudrons de la Société du Gaz de Paris, dite de La Villette et située entre les rues Curial, de Cambrai et le passage Wattieaux (Paris 19e).

Usine de la Villette de la Société du Gaz de Paris dans les années 1920. Carte postale.

Usine de la Villette de la Société du Gaz de Paris dans les années 1920.
Carte postale.

En mai 1935, il est candidat (non élu) aux élections municipales à Aubervilliers sur la liste du Parti communiste dirigée par Charles Tillon (l’élection de celui-ci étant invalidée, faute d’être domicilié dans la commune).

La police connaît Maurice Rat comme participant aux réunions syndicales.

Celui-ci est l’ami de Corentin Cariou, secrétaire général puis secrétaire adjoint du Syndicat CGTU du Gaz de Paris, et de Charles Guénard, ouvrier tourneur, militant communiste d’Aubervilliers [2].

Après la déclaration de guerre, Maurice Rat est d’abord maintenu en affectation spéciale sur son poste de travail, considéré comme utile à la Défense nationale. Puis il est mobilisé dans l’aviation à La Rochelle d’avril à août 1940 (à vérifier…).

Le 6 novembre 1940, sous l’Occupation, la direction des Renseignements généraux de la préfecture de police se voit demander « tous renseignements sur le nommé » Maurice Rat. Selon le rapport rendu le 26 novembre, celui-ci dénigre la nouvelle direction collaborationniste du Syndicat dans son entreprise, encourageant les employés à ne pas lui verser de cotisation. Par contre, lui-même organiserait des collectes afin d’apporter un secours aux familles des militants déjà emprisonnés ou internés, et collecterait également les cotisations de la cellule clandestine des Goudrons pour le Parti communiste illégal. De plus, il diffuserait des tracts et des mots d’ordre. Toutefois, il s’abstient de prendre part aux discussions directement politiques, étant « représenté comme un homme intelligent n’agissant qu’avec prudence ». On peut se demander si une partie de ces informations ne provient pas de l’encadrement de l’entreprise… Au final, la police française le considère comme un « meneur communiste actif, principal animateur de la propagande communiste auprès du personnel de la Compagnie du Gaz ».

Le 6 décembre 1940, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, en application du décret du 18 novembre 1939. Le jour même, Maurice Rat est appréhendé à son domicile par des agents du commissariat de la circonscription d’Aubervilliers lors d’une vague d’arrestations visant 69 hommes dans le département de la Seine ; un autre gazier et futur “45000”, Hilaire Sartorio, est arrêté et interné le même jour pour les mêmes motifs. D’abord rassemblés à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, ceux-ci sont aussitôt conduits au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé deux mois plus tôt dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes ou syndicalistes avant-guerre.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 6 septembre 1941, Maurice Rat est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 22 mai 1942, Maurice Rat fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet , Maurice Rat est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46033, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Maurice Rat est alors enregistré comme conducteur de véhicule (Kraftwagenführer) ; s’agit-il d’une mauvaise interprétation du mot « chauffeur » ? Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Maurice Rat.

Il meurt à Auschwitz le 21 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2]. La cause très probablement mensongère indiquée pour sa mort est « arrêt du cœur par entérite » – diarrhée (Herzschwäche bei Darmkatarrh).

Le 1er décembre 1942, Charlotte Rat écrit au préfet de police afin d’obtenir des nouvelles de son mari, qu’elle sait parti de Compiègne depuis cinq mois, « s’il vit ou en bonne santé » (sic). Le 13 décembre, le chef du 1er bureau du cabinet du préfet transmet une note au commissaire de police de la circonscription d’Aubervilliers afin que celui-ci fasse « connaître à cette requérante que mes services ne sont pas en mesure de lui fournir les renseignements demandés ». Sans doute convoquée au commissariat, Charlotte Rat appose sa signature sur cette note le 21 décembre, attestant ainsi qu’elle en a reçu communication.

Le 3 mai 1946, la direction du bureau national des recherches du ministère des  Anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) établi un certificat attestant que Maurice Rat, déporté politique, n’a pas été rapatrié.

Le 19 juin 1947, le service des victimes civiles de la direction départementale de la Seine des ACVG écrit au préfet de police pour lui demander les causes et les circonstances de l’arrestation et de la déportation de Maurice Rat, afin de répondre à une demande de pension présentée par sa veuve. Le rapport établi par la police judiciaire le 17 juillet indique : « Depuis [son transfert au camp de Rouillé], on perd sa trace. Il a dû être ensuite déporté en Allemagne. Mais aucune preuve ni aucun témoignage n’a pu le confirmer. Sa famille n’a jamais eu de ses nouvelles. Sa femme (…), n’a jamais su l’endroit où son mari avait été déporté. Personne ne lui a jamais donné de nouvelles de celui-ci, et elle ne connaît pas de personnes susceptibles de fournir la moindre indication au sujet de sa déportation ».

Le 15 avril 1955, le directeur interdépartemental des ACVG écrit au préfet de police pour donner suite à une demande de carte de déporté (résistant ou politique ?) présentée par Charlotte Rat. Le résultat de l’enquête administrative demandée aux RG et produite le 21 juillet suivant peut alors préciser que Maurice Rat « a été déporté à Auschwitz, en mai 1942 », confondant avec la date du transfert de Rouillé à Compiègne.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Maurice Rat (J.O. du 19-02-97).

Notes :

[1] Aubervilliers : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Corentin Cariou : entré au conseil municipal de Paris comme représentant du quartier du Pont-de-Flandre (19e arr.) à l’occasion de l’élection partielle du 27 mars 1938, interné au cours de sa mobilisation en décembre 1939, évadé au cours de la Débâcle, arrêté de nouveau le 5 octobre 1940 et conduit au centre d’internement administratif d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), puis transféré à la maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines), au centre de séjour surveillé de Châteaubriant (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique), remis aux autorités d’occupation à leur demande et transféré le 9 février 1942 au Frontstalag 122 de Compiègne, fusillé comme otage de représailles le 7 mars suivant. Dans le 19e arrondissement, à proximité de l’usine de la Villette où il avait travaillé, la station de métro et l’avenue Pont de Flandre ont reçu son nom après la Libération. Charles Guénard : succombera aux balles tirées par la police lors de la manifestation du 28 mai 1952, organisée contre la venue en France du général Rigdway, commandant des forces de l’OTAN pendant la guerre de Corée.

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

S’agissant de Maurice Rat, c’est « le 11 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) et non en juillet 1942 à Compiègne (Oise) » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 384 et 418.
- Archives départementales de la Somme, Amiens, site internet du conseil général, archives en ligne, table décennale 1893-1902 de Biaches (16,17 – vue 67/71); registre des matricules militaires, bureau de recrutement de Péronne, classe 1917 (1R1128), n° 644 (trois vues).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, communistes fonctionnaires internés… (BA 2214), liste des fonctionnaires internés administrativement le 6 décembre 1940, par application de la loi du 3-09-1940 ; liste des internés communistes (BA 2397) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1487-24968) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 511-13552).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 153.
- Archives départementales des Yvelines et de l’ancien département de Seine-et-Oise (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, dossier individuel (1W149).
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 986 (23384/1942).
- Sur l’industrialisation du village, puis quartier, de La Villette : https://paris-atlas-historique.fr/58.html

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 15-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Marcel RANDOU – (46032 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marcel, Louis, Schuft naît le 7 avril 1902 au Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]), fils naturel de Victoria Schuft, 24 ans, journalière. Deux ans plus tard, il est légitimé par le mariage de sa mère avec Marius Randou, 31 ans, ouvrier huilier, contracté le 26 février 1904 au Havre. La famille comptera six enfants.

À partir de ses 18 ans, Marcel Randou subit plusieurs condamnations pour vol prononcées par le tribunal correctionnel du Havre, parfois accompagnées d’arrêtés d’interdiction de séjour.

Il est généralement désigné comme “journalier” (manœuvre sans formation).

Vers 1920, Marcel Randou a un premier fils, Roger, sur lequel les informations restent à trouver.

Le 28 décembre 1923, au Havre, âgé de 21 ans, Marcel Randou se marie avec Andréa Edwige Lydie A., une journalière de 17 ans.

Mais, le 31 octobre 1925, le tribunal civil du Havre prononce leur divorce, à la requête et au profit de l’épouse.

Marcel Randou habite alors au 141 boulevard de Graville.

Le 28 mai 1926, au Havre, âgé de 24 ans, il se remarie avec Lucienne Jeanne Portier, née le 18 novembre 1894 au Havre, ouvrière d’usine. Ils ont trois enfants : Marcelle, née le 6 novembre 1925, René, né le 21 novembre 1932, et Denise, née le 27 juillet 1934.
En juin 1930, Marcel Randou est condamné à quinze jours de prison pour abandon de famille.

Pendant un temps, docker sur le port du Havre, Marcel Randou serait syndiqué à la CGT.

En octobre 1940, en raison des bombardements subis par la ville, la famille va se réfugier chez des amis à Rouen (76), au 202 rue Beauvoisine (maison mitoyenne du Musée d’Antiquités). Un mois plus tard, ils reviennent au Havre, où Lucienne Randou reprend son travail de balayeuse à la voirie municipale.

En avril 1941, celle-ci part chez sa sœur, au Houlme (76), « pour raison de santé », tandis que Marcel reste seul au Havre.

Chômeur, il se fait inscrire à l’Office régional du Travail. Six mois plus tard, il déclare le 202 rue Beauvoisine comme son « adresse personnelle » (Heimatanschrift) à Rouen.

Le 20 octobre 1941, au Bureau de placement de Rouen, Marcel Randou signe un contrat de travailleur volontaire pour six mois en Allemagne, en qualité de manœuvre (Hilfsarbeiter). Il est dirigé sur Wesermünde – rebaptisée Bremerhaven après la guerre -, port de Hanovre ouvrant sur la mer Baltique et importante base de la marine de guerre allemande (Kriegsmarine), où il doit rejoindre le conglomérat Deutsche Schiff- und Maschinenbau Aktiengesellschaft (abrégé en Deschimag) regroupant huit chantiers navals allemands de 1926 à 1945, l’entreprise leader étant le chantier naval AG Weser à Brême. Marcel Randou y arrive le 1er novembre.

Début février, « devenu inapte au travail » (malade ?), il revient en France avant la fin du contrat, passe chercher son épouse au Houlme, et ils emménagent au Havre dans un meublé au 95 rue Victor-Hugo, près du carrefour avec la rue de Paris.

Le 24 février 1942, Marcel Randou est arrêté en sortant de son domicile lors d’une rafle effectuée par la Feldgendarmerie à la suite de l’attentat de la place de l’Arsenal [2].

Au Havre, la place de l’Arsenal, à la fois esplanade et quai entre le bassin du Roy (à gauche) et le bassin du Commerce (à droite). Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive.

Au Havre, la place de l’Arsenal,
à la fois esplanade et quai entre le bassin du Roy (à gauche) et le bassin du Commerce (à droite).
Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive.

En représailles, il y aura de nombreuses arrestations d’otages et vingt seront fusillés le 31 mars suivant [3].

À une date restant à préciser – peut-être fin avril -, Marcel Randou est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [4] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

De là, il écrit une dernière lettre à son épouse le 25 juin.

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Randou est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Randou est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46032, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée)

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Marcel Randou.

Il meurt à Auschwitz le 7 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Le 3 septembre précédent, son épouse avait écrit à Philippe Pétain, chef de l’État français, afin d’obtenir des nouvelles de son mari « à Compiègne jusqu’au mois de juillet et depuis cette date […] parti en Allemagne ». Ses enfants et elle se sont trouvés « sans ressources jusqu’au 26 mai, date à laquelle [elle est] entrée comme balayeuse à la ville ». Néanmoins, son maigre salaire ne lui permet pas de subvenir aux besoins de sa famille, raison pour laquelle elle sollicite également une intervention pour améliorer sa situation.

Le secrétariat du Maréchal a transmis sa lettre aux services de François (de) Brinon, ambassadeur de France, délégué général dans les territoires occupés. Le 12 septembre, ceux-ci ont écrit à Lucienne Randou pour l’informer qu’ils signalaient sa requête aux autorités (françaises) compétentes, en l’occurrence au préfet de la Seine-Inférieure, en le priant de bien vouloir intervenir – dans la mesure ou il le jugeait opportun – en faveur de l’intéressé auprès des Autorités locales allemandes.

Le 15 septembre, l’information sur le sort de Marcel Randou est remontée vers la direction des services de l’Armistice à Vichy : celui-ci a été déporté en Allemagne en juillet précédent.

Le 12 octobre, le cabinet du préfet de Seine-Inférieure répond à la demande reçue un mois plus tôt des services de Brinon. Après avoir fait procéder à une enquête par les services de police, il répond que « les renseignements recueillis sur l’intéressé sont défavorables. » En conséquence, il estime « qu’une démarche auprès des autorités allemandes en sa faveur ne [lui] paraît pas opportune. »

Le 18 janvier 1943, n’ayant pas reçu « le moindre indice sur l’endroit où [Lucien] se trouve, ni sur ce qu’il devient », Lucienne Randou sollicite directement le secrétaire particulier du maréchal Pétain, afin qu’on lui fasse parvenir des nouvelles de son mari. Elle habite alors toujours au 95 rue Victor Hugo. Apparemment, aucune réponse ne lui est faite.

Le 11 février 1946, Louis Eudier et Jules Le Troadec, seuls rescapés havrais du convoi , signent chacun une attestation rédigée en termes identiques et certifiant que le « camarade » Marcel Randou a été déporté avec eux et qu’il est décédé au camp d’Auschwitz « au début d’octobre ». Le 1er mars suivant, Lucienne Randou – qui habite alors au 8 rue Duguay Trouin au Havre – transmet ces deux attestations au ministre de la Guerre afin que ses services lui fassent parvenir un acte de décès. Le 3 avril, afin de constituer le dossier de Marcel Randou, le chef du bureau de l’état civil déportés du ministère des Anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) lui transmet un formulaire à compléter et à lui retourner avec les pièces nécessaires. Le 9 avril, le maire du Havre répond sur un formulaire des ACVG que le déporté n’a pas reparu à son domicile. Le même jour, Lucienne Randou complète le formulaire de demande d’acte de décès. Elle précise que son mari a été « arrêté comme otage ». Le document comporte déjà un paragraphe par lequel elle sollicite l’attribution de la mention « mort pour la France ».

Le 11 avril 1946, un inspecteur du commissariat de police du 2e arrondissement du Havre ouvre une information à la demande du maire de la ville. Le 27 avril, il interroge Lucienne Randou qui peut seulement préciser que son mari a été arrêté « le 24 février 1942, par les gendarmes allemands ». « Il est resté deux mois au Havre » avant d’être dirigé sur Compiègne. Le 3 mai, le même inspecteur interroge Jules le Troadec. « Je me souviens de M. Randou, celui-ci faisait partie de notre transport. Je me rappelle l’avoir vu à l’intérieur du camp pendant mon séjour. Dans ce camp, nous étions une vingtaine de Havrais. Quand je l’ai quitté [le camp], vers le mois de septembre 1944, nous n’étions plus que deux : M. Eudier et moi. M. Randou a dû trouver la mort vers le mois d’octobre, car c’est en cette période des mois de septembre, octobre et novembre 1942 que nous avons eu le plus de morts dans nos rangs. Je ne peux rien vous dire de plus sur ce décès. Car vous comprendrez que, si l’on nous mettait en présence de cadavres, l’on ne nous laissait pas le loisir de les détailler. » Étant interrogé le même jour, Louis Eudier ajoute : « Je tiens à préciser qu’aucun Havrais n’a quitté le camp pendant mon séjour. » Cependant, le caractère général de leurs témoignages indique que Marcel Randou n’était pas à leurs côtés quand il a disparu.

Le 28 mai 1946, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des ACVG dresse l’acte de décès officiel de Marcel Randou « sur la base des éléments d’information figurant au dossier » (les attestations d’Eudier et Le Troadec) et en fixant la date au « 15 octobre » 1942, c’est-à-dire au milieu du mois. L’acte est transcrit sur les registres du Havre le 17 juin suivant : « mort pour la France » à Auschwitz.

Le 12 avril 1948, Lucienne Randou commence à toucher une pension viagère de victime civile.

Le 9 mai 1950, le directeur du contentieux, de l’état civil et des recherches du ministère des ACVG, à Paris, interroge son subordonné de Seine-Inférieure, en lui transmettant la copie du contrat de travailleur en Allemagne signé par Marcel Randou…

Le 30 mai suivant, un nouveau rapport d’enquête est rendu au maire du Havre, transcrivant les réponses fournies par Lucienne Randou lors d’un interrogatoire au cours duquel elle rapporte le peu que son mari lui a relaté des conditions de son aller-retour en Allemagne.

Dans sa réponse au ministère du 13 juin suivant, le directeur départemental des ACVG proteste : « De l’enquête effectuée par mes services auprès de la mairie du Havre, il ressort que M. Randou doit être classé définitivement dans la catégorie des “Volontaires”. D’autre part, la demande en vue de l’attribution du titre “Mort pour la France” n’est pas passée par mes services. » En même temps, le délégué principal renvoie un “avis” biaisé. À la question posée par le formulaire – « date, lieu et circonstances de l’arrestation et de la déportation » – il répond : « contrat de volontaire pour l’Allemagne signé le 20 octobre 1941 »… dont il vient de recevoir une copie.
Cette incrimination est un argument anachronique sans valeur. Soit Marcel Randou a été déporté comme “raflé de représailles”, éventuellement connu des Allemands pour avoir précédemment purgé des peines de droit commun, soit pour leur avoir fait un tort quelconque et avoir voulu s’exonérer de sanction et disparaître comme “volontaire”, soit enfin précisément pour rupture non justifiée de son contrat, ce qui devrait être considéré comme un refus de travailler pour l’ennemi…

Toujours est-il que, le 4 juillet 1950, le ministère des ACVG propose au délégué principal de Seine-Inférieure que la mention “Mort pour la France” soit retirée. Le 20 novembre suivant, celui-ci valide cette demande… qu’il avait lui-même formulée. Dès le 14 novembre, le préfet départemental avait signé un formulaire en ce sens. Le 13 décembre, le ministère tranche : la mention doit être retirée des actes d’état civil, au motif « est parti travailler volontairement en Allemagne ». Le 18 décembre, le ministère demande au directeur interdépartemental des ACVG, installé à Rouen, d’informer Madame Veuve Randou de cette décision.

Le 30 décembre 1956, avec le soutien du secrétaire du comité havrais de la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP), Lucienne Randou – en qualité de conjointe – complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de déporté politique à son mari à titre posthume.

Le 25 janvier 1958, le secrétaire FNDIRP du Havre, ayant appris que le dossier était passé en commission départementale en décembre 1956, puis en commission nationale, mais sans connaître la suite, relance la demande de Madame Randou. Le lendemain, 26 janvier, le ministère des ACVG décide de refuser à Marcel Randou le titre de déporté politique, au motif : « Non justiciable du statut […], l’intéressé était sous l’effet d’un contrat de travailleur volontaire pour l’Allemagne lors de son arrestation. » Deux jours, après, Lucienne Randou reçoit un courrier l’en informant. Le 17 avril, elle écrit pour protester auprès du ministre et faire appel de la décision : « [mon mari] a été arrêté le 24 février 1942 comme otage au cours d’une rafle après l’attentat de l’arsenal au Havre, mais non pas parce qu’il était recherché comme soumis à un contrat. » Le 8 décembre suivant, le secrétaire FNDIRP du Havre relance auprès du ministre le dossier resté sans suite. Mais il semble que les démarches soient alors abandonnées.

Le 20 juin 1965, Lucienne Randou décède au Havre, âgée de 70 ans.

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] L’action de la place de l’Arsenal et la rafle de février 1942 : « Le 23 février 1942, place de l’Arsenal au Havre, les jeunes des premiers “Bataillons de la Jeunesse” incorporés dans l’O.S., attaquent à la grenade un détachement de l’armée allemande. L’O.S. est l’ Organisation Spéciale qui à partir de septembre 1940 est la structure militante chargée de la protection des colleurs d’affiches et des distributeurs de tracts, elle est devenue le premier cadre de la résistance armée. Il y a là Michel Muzard, Jean Hascouet et le groupe “Léon Lioust”. C’est une des premières attaques d’un détachement de l’armée allemande dans la France occupée. » Albert Ouzoulias, Les bataillons de la Jeunesse, Éditions Sociales, Paris 1967, p. 201, 202. Claude-Paul Couture désigne comme auteur de l’attentat « le groupe Chatel de la 2e Cie FTP », En Seine-Maritime de 1939 à 1945, CRDP de Rouen, 1986, p. 15.

[3] AVIS

De nouveau, un attentat a été commis au Havre contre l’armée allemande et cela contre une colonne en route. Jusqu’à présent, le coupable n’a pas été découvert. Si, dans un délai de douze jours, c’est-à-dire jusqu’au 6 mars 1942 à midi, le coupable n’est pas retrouvé, trente communistes et juifs, parmi lesquels le coupable doit être recherché, seront fusillés sur l’ordre du Militaerbefehlshaber in Frankreich. Pour éviter cette sanction, la population est invitée à coopérer de toutes ses forces à la recherche et à l’arrestation du coupable.

Der Chef des Militaerbefehlshaber in Frankreich Von der Lippe, Generalleutnant

Journal de Rouen du 25 février 1942.

AVIS

Le 23 février 1942, au Havre, on a jeté un engin explosif sur une colonne de route de la Kriegsmarine. Deux soldats allemands ont été blessés. Jusqu’à aujourd’hui, malgré ma demande à la population havraise, les auteurs de cette attaque si lâche sont restés inconnus. En suite, le vom Frankreich a ordonné, comme je l’ai menacé l’autre jour, la fusillade de communistes et juifs – dont appartiennent les malfaiteurs – pour expier cette nouvelle attaque. La fusillade a été exécutée aujourd’hui.

Saint-Germain-en-Laye, le 31 mars 1942 Der Chef des Militaerverwaltung Bezirkes A. Gez : Von der Lippe, Generalleutnant

Journal de Rouen des 4 et 5 avril 1942.

[4] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 418.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie, réalisée à Rouen en 2000, citant : Archives municipales du Havre (Madame S. Barot, Conservateur, 18/6/1992) – Acte de décès – Extrait des listes électorales.
- Archives départementales de Seine-Maritime, site internet, archives en ligne : registre des naissances du Havre, du début de l’année 1902 au 30 juin 4E 19908), acte n° 1202, Schuft (vue 312/646).
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département, cabinet du préfet 1940-1946 : individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de P à Riv (51 W 420), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 985 (34628/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier de Randou Marcel (21 P 529 268), consulté par Ginette Petiot (message 10-2022).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 17-10-2022)

Cette notice biographique doit- être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Frédéric RANCEZ – 46031

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Droits réservés.

Frédéric, Paul, Clément, Rancez naît le 10 janvier 1903 à Puteaux [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), chez ses parents, Michel Rancez, 30 ans, boulanger, et Pauline Gidoin, son épouse, 24 ans, domiciliés au 17 rue Pitois.

Son père décède le 25 avril 1915 à son domicile d’alors au 99 rue de Clignancourt à Paris 18e, âgé de 42 ans.

Frédéric Rancez suit les cours de l’école primaire jusqu’au certificat d’études, puis acquiert une formation d’ajusteur (à vérifier…).

Le 11 mai 1923, il est incorporé comme simple soldat au 12e régiment d’aviation de Bombardement (RAB) à Neustadt en Allemagne (aujourd’hui Titisee-Neustadt en Forêt-Noire ?), afin d’y effectuer son service militaire, mais est réformé temporaire n° 2 au bout de six mois, puis de façon définitive, pour “albuminurie persistante” (il estimera ne pas avoir de connaissances militaires).

Fin avril 1924, Frédéric Rancez habite au 151 Grande-Rue à Chaville (Seine-et-Oise / Hauts-de-Seine). Sa mère, veuve, est partie habiter à Pierrefeu (Var) ; elle décède avant juillet 1938 (« sans nouvelles » en avril 1942 !).

Le 7 juin 1924, à Suresnes (92), Frédéric Rancez, monteur, se marie avec Lucie Duriez, 19 ans, née le 12 avril 1905 à Puteaux, sténo-dactylo. Le couple n’aura pas d’enfant.En 1924, il adhère aux Jeunesses communistes. De 1931 à 1936, il est trésorier du rayon des Jeunesses communistes de Puteaux. En 1934, dans la même ville, il adhère au Parti communiste, parrainé par « Fréjabus » (?).

À partir de 1926 et pendant deux ans, Frédéric Rancez travaille chez Charon, à Puteaux, puis deux autres années à la maison Dalbouze.

Il passe par de nombreuses entreprises, notamment de construction automobile : Renault, Citroën, De Dion, Unic, Duroc (?), Thomson…

En 1933, il fait grève à la fabrique de réveils Jaz, à Puteaux. En mai, il adhère au Syndicat des métaux de la région parisienne.

Les 6, 7 et 9 février 1934, il participe aux manifestations contre les ligues factieuses. En octobre suivant, il adhère au Parti communiste.

En juin 1936, lors des grèves du Front populaire, il travaille chez Gardy – société d’appareillage électrique – à Argenteuil [2] (Seine-et-Oise / Val-d’Oise) ; au cours de la grève, Gabriel Péri, député de la circonscription, vient parler aux ouvriers et ouvrières.

Frédéric et Lucie Rancez habitent alors au 24, boulevard Edgar-Quinet à Colombes [1] (92).

De 1936 à 1939, Frédéric Rancez est secrétaire du Comité local CGT des Métaux de Colombes. Pendant un temps, il est permanent au syndicat des Métaux de la région parisienne (membre suppléant de la commission exécutive de l’Union syndicale des ouvriers et ouvrières métallurgistes et similaires de la région parisienne).

En 1937, il suit l’école de formation politique du PC de trois mois, organisée par la section de Colombes. Il rédige des article sur les questions syndicales dans l’hebdomadaire de la section, La Voix populaire.

Pendant la guerre d’Espagne, Henri Neveu, conseiller général de Colombes, s’occupe du Comité d’aide à l’Espagne républicaine. En 1938, c’est probablement par son entremise que Frédéric Rancez décide de partir pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini. Le 12 mai 1938, il passe illégalement la frontière, à pied, pour rejoindre Figueiras. Une semaine plus tard, il est incorporé comme soldat à la 14e Brigade internationale, 2e bataillon, 4e compagnie. Plus tard, il intègre la 45e Division. Le 5 juillet, il remplit un formulaire de Biographie de militant à en-tête du Parti communiste espagnol, préalable probable à une adhésion au PCE, à la fin duquel il désigne Henri Tanguy, commissaire de guerre à la 14e brigade, comme camarade responsable pouvant confirmer l’exactitude de ses déclarations.

Fin juillet 1938, Frédéric Rancez prend part à l’offensive républicaine du passage de l’Ebre (El paso del Ebro). Le 28 de ce mois, il est nommé délégué politique par Fernand Haudecœur, commissaire du 2e bataillon, Vaillant-Couturier, en remplacement de Jean Marle. Une note datée du même jour indique qu’il est un bon camarade, auquel il manque un peu d’énergie « en raison de sa santé délicate » (il y est également mentionné qu’il est connu de Henri Tanguy et de Touvenot [3]). En septembre, La Voix populaire, hebdomadaire de la section communiste de Colombes, relate que Frédéric Rancez vient d’être cité à l’ordre du jour de sa division pour s’être « présenté comme volontaire pour faire une patrouille » sur la rive « occupée par les forces étrangères au service des rebelles ». Il est nommé commissaire aux transports au cours des opérations de Corbera.

Le 21 septembre 1938, le gouvernement républicain de Juan Negrín se soumet à la décision de la Société des Nations et dissout les Brigades internationales. Le 23 septembre, les brigadistes livrent leur dernier combat. Ils sont ensuite progressivement regroupés : le 27 octobre, les volontaires des armées du Centre et du Levant sont rassemblés à Valence, tandis que ceux qui sont engagés en Catalogne sont réunis à Calella, en bord de mer, au nord-est de Barcelone, où leur identité est contrôlée par des commissions de la Société des Nations.

Au 1er octobre, Frédéric Rancez est désigné comme délégué politique adjoint au commissaire du Bataillon de Paris.

Le 7 novembre, il remplit le questionnaire de rapatriement à en-tête du Commissariat de guerre des brigades internationales, sis à Barcelone.

Le 17 novembre, sous le titre « Salut ! aux volontaires de la Liberté », La Voix populaire annonce le retour, quatre jours plus tôt, de plusieurs brigadistes : Frédéric Rancez, Fernand Trupin, André Lenfant, René Bilheur, André Lucas, Kassel et Gabriel Reminiac. « Nous saluons avec émotion tous ces hommes. Nous sommes fiers des exploits qu’ils ont accomplis. Leur geste sera pour nous un exemple dont nous saurons nous inspirer en toutes circonstances ».

Insigne de l’Association des volontaires pour l’Espagne républicaine, ayant appartenu à Christophe Le Meur. Produit entre la mi-1938 et la mi-1939. Coll. André Le Breton.

Insigne de l’Association des volontaires
pour l’Espagne républicaine,
ayant appartenu à Christophe Le Meur.
Produit entre la mi-1938 et la mi-1939.
Coll. André Le Breton.

À partir du 1er mai 1941 et jusqu’au moment de son arrestation, Frédéric Rancez est domicilié dans un groupe d’immeubles récents au 12, rue Gaultier à Courbevoie [1] (92).

Courbevoie. Le 12 rue Gaultier. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Courbevoie. Le 12 rue Gaultier. Carte postale des années 1930.
Collection Mémoire Vive.

Sous l’occupation, il est membre de l’O.S. (première organisation de résistance armée créée par le parti communiste clandestin), puis du Front national [4] (témoignage de Roger Guérin).

Le 7 juin 1941, huit mois avant son arrestation, Frédéric Rancez est embauché comme ajusteur-outilleur dans l’usine de la Société anonyme Sanders, machines comptables et à calculer, au 48-50, rue Benoît-Malon à Gentilly [1] (Seine / Val-de-Marne – 94).

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Gentilly. La station de la « ligne de Sceaux ». L’usine Sanders occupait le bâtiment visible à droite et qui existe encore aujourd’hui. La fille de Marceau Baudu se souvient que son père lui faisait parfois signe par une lucarne quand elle prenait le train pour Paris sur le quai situé à gauche en contrebas. Carte postale oblitérée en 1935. Coll. M.V.

Gentilly. La station de la « ligne de Sceaux ». L’usine Sanders occupait le bâtiment visible à droite et qui existe encore aujourd’hui. La fille de Marceau Baudu se souvient
que son père lui faisait parfois signe par une lucarne quand elle prenait le train pour Paris sur le quai situé à gauche en contrebas. Carte postale oblitérée en 1935. Coll. M.V.

Pendant l’occupation, cette entreprise – filiale d’un groupe franco-allemand (La Nationale Groupe) – travaille en partie pour la production de guerre de l’occupant (fabrication de compteurs).

Malgré les premières exécutions massives d’otages d’octobre 1941 – parmi lesquels nombre de militants ouvriers – le noyau syndical clandestin de l’usine poursuit la résistance sous sa forme revendicative.

Le 9 février 1942, en milieu d’après-midi, plusieurs militants déclenchent un arrêt de travail pour protester contre le rejet du cahier de revendications qu’ils ont fait déposer par le délégué officiel du personnel quelques jours plus tôt. Ce mouvement ne dure qu’un quart d’heure.

Mais le directeur et son adjoint décident de prévenir le commissariat de police de la circonscription, implanté à Gentilly, et dressent une liste de treize meneurs supposés. Alertée, c’est la première section des Renseignements généraux (RG) qui prend en charge la répression et procède aux arrestations à l’aube du 11 février. Les employés arrêtés sont conduits à la préfecture de police pour interrogatoire.

Deux militants, chez qui ont été trouvés divers documents liés à leur activité militante avant l’occupation, seront interrogés le lendemain par l’inspecteur David. Jugés et condamnés, ils passeront le reste de la guerre en prison et en camp (échappant ainsi paradoxalement à la mort). Deux autres employés dénoncés sont libérés parce qu’inconnus jusque-là des R.G.

En application du décret du 18 novembre 1939, le préfet de police ordonne l’internement administratif des neuf restants – Georges Abramovici [5], Marceau Baudu, Fernand Boussuge, Joseph Daniel, Louis Gaillanne, André Girard, Francis Joly, Frédéric Rancez et René Salé – qui sont écroués à 19h45 au dépôt de la préfecture (la Conciergerie, sous le Palais du Justice, sur l’île de la Cité, quai de l’Horloge).

Le Palais de Justice de Paris vu depuis la place Dauphine. Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive. Selon certains témoignages, les soupiraux situés près des statues de lions  éclairaient les sous-sols du dépôt.

Le Palais de Justice de Paris vu depuis la place Dauphine.
Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.
Selon certains témoignages, les soupiraux situés près des statues de lions éclairaient les sous-sols du dépôt.

Gros plan de l’image ci-dessus : deux soupiraux à gauche du lion.

Gros plan de l’image ci-dessus : deux soupiraux à gauche du lion.

Au matin du 16 avril – après être restés deux mois à la Conciergerie – ils sont transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où Frédéric Rancez est enregistré sous le matricule n° 104.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; Frédéric Rancez est enregistré sous le matricule n° 5754 et assigné au bâtiment C5, chambrée 12.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre la fin avril et la fin juin 1942, il est sélectionné – avec les sept autres ouvriers de la Sanders – parmi plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 21 juin, Lucie, son épouse, lui écrit qu’elle se fait beaucoup de soucis d’être sans nouvelles de lui depuis trois semaines, ne sachant que penser : « … je vis dans l’attente […] et chaque fois j’ai le cœur serré de n’avoir pas lu ton écriture ». « Je me demande […] si tu as reçu mes lettres et mes colis ». Trop d’envois, sans doute : cette carte-lettre lui est renvoyée avec le tampon « Retour – Dépasse le nombre autorisé du courrier ».

© Collection Jean-F. Berthier

© Collection Jean-F. Berthier

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sélectionnés sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Frédéric Rancez est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46031 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [6]).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, Frédéric Rancez est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers avec certaines qualifications.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 15 A.

Le 28 octobre, son nom est inscrit sur un registre du Block 28 (médecine interne) de l’hôpital des détenus, parmi un groupe de malades polonais transférés ensuite au Block 19, celui des convalescents.

Frédéric Rancez meurt à Auschwitz le 2 novembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique pour cause mensongère de sa mort « faiblesse cardiaque » (Myocardinsuffiziens).

Début 1943, Lucie Rancez effectue des démarches pour connaître le sort de son mari. La Croix-Rouge française lui répond d’abord :

© Collection Jean-F. Berthier

© Collection Jean-F. Berthier

Puis, le 23 juillet suivant, la CRF lui envoie une lettre imprimée à destination de toutes les familles dont son service des internés civil a enregistré la demande : « Nous apprenons qu’un certain nombre d’internés parti du camp de Compiègne le 6 juillet 1942 se trouvent au camp d’Auschwitz en Silésie d’où ils ont pu écrire à leur familles en leur donnant de leur nouvelles et en communicant le règlement intérieur du camp au point de vue colis, correspondance et mandats. Dès que vous aurez vous-même reçu des nouvelles et que vous connaîtrez le numéro matricule de votre interné, vous pourrez : 1°/ Correspondre à raison de 2 lettres par mois, de préférence rédigées en allemand ; 2°/ Expédier des mandats… ; 3°/ Expédier des colis de vivres… Nous espérons que vous recevrez bientôt des nouvelles de l’interné qui vous intéresse… ».

Peu de temps après la libération de la capitale et de sa banlieue – et sans connaître le sort des disparus – le Comité d’épuration de l’usine Sanders de Gentilly est à l’initiative d’un procès qui aboutira devant la Cour de Justice de la Seine.

Dans une lettre datée du 8 mai 1945 et envoyée du camp de Dachau où il vient d’être libéré, Francis Joly – unique rescapé du groupe – informe son épouse du sort de ses collègues. Rapatrié en France au cours de la procédure, il témoigne devant le tribunal le 19 mai 1945.

La Vie Nouvelle, hebdomadaire communiste du canton, datée du 2 juin 1945. Le sort de Georges Abramovici, séparé de ses camarades au camp de Voves, n’est alors pas connu. Le journal s’inquiète également pour trois conseillers municipaux de Gentilly également déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Archives communales de Gentilly.

La Vie Nouvelle, hebdomadaire communiste du canton, datée du 2 juin 1945.
Le sort de Georges Abramovici, séparé de ses camarades au camp de Voves, n’est alors pas connu.
Le journal s’inquiète également pour trois conseillers municipaux de Gentilly
également déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
Archives communales de Gentilly.

Le 14 septembre suivant, Francis Joly signe une attestation certifiant que Frédéric Rancez est décédé en novembre 1942 « par suite des mauvais traitements subis dans ce bagne nazi ».

Le 21 mars 1936, sur un papier à en-tête de la société Sanders, Pierre Vigneau, Raoul Marie, Henri Binet et Francis Joly signent conjointement une attestation certifiant que Frédéric Rancez « a été arrêté le 11 février 1941 en compagnie de dix autres camarades et qu’il a été déporté ensuite au camp d’Auschwitz d’où il n’est pas revenu. »

Le 10 mai 1946, la procédure judiciaire contre les deux membres de la direction responsables de la délation se termine par leur acquittement.

À une date restant à préciser après la guerre, les travailleurs de l’usine dédient une plaque commémorative à leurs camarades morts en déportation.

Le 25 septembre 1946, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) dresse l’acte de décès officiel de Frédéric Rancez « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour » (probablement le témoignage de Francis Joly) et en fixant la date au 20 novembre 1942 ; acte transcrit à l’état civil de Courbevoie le 11 octobre 1946.

Le 2 décembre 1946, Lucie Rancez remplit et signe un formulaire de demande d’inscription de la mention “mort pour la France” sur l’acte de décès d’un déporté politique ou d’un déporté du travail.

Le 20 janvier 1947, Francis Joly, Louis Peyronnet et Albert Vernerey – les deux ouvriers arrêtés puis emprisonnés – signent conjointement une nouvelle attestation certifiant que Frédéric Rancez, « arrêté le 11 février 1941 pour fait de grève contre l’occupant en compagnie de 11 camarades travaillant avec lui à la société Sanders (Gentilly), a été déporté  à Auschwitz où il y est décédé. [sic] »

Après avis favorable du préfet rendu le 7 mai 1947, la mention demandée est inscrite en marge de l’acte de décès le 17 juillet suivant.

Le 14 décembre 1953, Lucie Rancez remplit et signe un formulaire de demande d’attribution du titre de “déporté politique” à son mari à titre posthume. Après avis favorable de la Commission de la Seine rendu le 7 novembre 1956, le ministère des ACVG décide de cette attribution cinq jours plus tard. Elle reçoit la carte DP n° 1175.10539.

En 1961, les établissements Sanders – devenus “La Nationale” – déménagent pour le siège de Massy (91) sous l’intitulé N.C.R. (National Cash Register). La plaque suit le transfert de l’entreprise pour être apposée dans le hall d’entrée du restaurant du personnel. Elle y est honorée chaque année.

Pour la remplacer à Gentilly, la municipalité a apposé une nouvelle plaque à l’entrée de la rue Benoït-Malon dans laquelle était située l’usine.

Plaque apposée au carrefour de la rue Benoît-Malon  et de la rue Paul-Vaillant-Couturier. Le quatrième inscrit,  Roger Chaize, sans doute ouvrier de la Sanders et mort  en France, est inscrit par erreur. Photo Mémoire Vive.

Plaque apposée au carrefour de la rue Benoît-Malon
et de la rue Paul-Vaillant-Couturier. Le quatrième inscrit,
Roger Chaize, sans doute ouvrier de la Sanders et mort
en France, est inscrit par erreur. Photo Mémoire Vive.

Les déportés de la Sanders ont également leurs noms gravés sur le monument de la Déportation situé dans le carré militaire du cimetière de Gentilly.

Carré militaire (1939-1945 et après) du cimetière de Gentilly.  Monument aux Résistant déportés « tous combattants  de la liberté ». Photo Mémoire Vive.

Carré militaire (1939-1945 et après) du cimetière de Gentilly.
Monument aux Résistant déportés « tous combattants
de la liberté ». Photo Mémoire Vive.

Le nom de Frédéric Rancez figure sur la plaque commémorative de la mairie de Courbevoie.

Enfin, son nom est également inscrit sur le Monument à la mémoire des habitants de Courbevoie fusillés et morts en déportation en 1939-1945, situé dans le cimetière du RP Cloarec.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-08-1996).

Notes :

[1] PuteauxColombesCourbevoie et Gentilly : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Argenteuil : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] Touvenot : probablement Edmond Thouvenot, du 4e bataillon de marche de la 14e Brigade internationale. Blessé, il fut rapatrié le 17 septembre 1938. Source : Maitron

[4] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

[5] Georges Abramovici, né le 15 août 1914 à Paris, demeurant au 11, rue du Chaperon Vert à Gentilly, entré à la Sanders le 19 avril 1938, est un militant syndical très actif. Mais d’abord considéré comme Juif, il sera envoyé au camp de Drancy le 20 octobre, puis déporté dans un convoi du génocide le 4 novembre 1942 (transport n° 40, dont seulement un tiers des détenus entre dans le camp).

[6] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 64, 382 et 418.
- Cl. Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : Témoignage de Roger Guérin, ancien résistant – Archives communales de Courbevoie et de Gentilly.
- Daniel Grason, site Le Maitron, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, citant notamment Arch. PPo. BA 2374 ; La Voix populaire, 9 octobre 1936, 10 juin 1937, notes de L. Bonnel ; La Voix populaire, 22 septembre, 17 novembre 1938 (Éd. Colombes, Courbevoie), BNF Gr Fol Jo 898.
- Dossiers des brigades internationales dans les archives du Komintern, fonds du Centre russe pour la conservation des archives en histoire politique et sociale (RGASPI), Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), campus de l’Université de Paris X-Nanterre, microfilms acquis par la BDIC et l’AVER-ACER (bobines Mfm 880/30, 545.6.1365).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Frédéric Couderc, Les RG sous l’occupation : quand la police française traquait les résistants, Olivier Orban, Paris 1992, pages 39 à 43.
- Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Puteaux, année 1903 (E NUM PUT N1903), acte n° 18 (vue 6/171).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : registre d’écrou du dépôt (n° 514) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 617-22384).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre du Block 28 ; acte de décès.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 985 (38497/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier de Frédéric Rancez (21 P 529.250), consulté par Ginette Petiot (message 04-2018).
- Jean-F. Berthier, collectionneur en marcophilie militaire : copie de trois documents ayant appartenu à Lucie Rancez (message 04-2018).
- Site Mémorial GenWeb, 92-Courbevoie, relevé de Francis Libaud (01-2008).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-04-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Maurice RAIMOND – 46030

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https://www.des-gens.net/Maurice-REIMOND

https://www.des-gens.net/Maurice-REIMOND

Maurice RAIMOND naît le 21 septembre 1899 ou 1897 à Château-Thierry (Aisne), fils d’Eugène Raimond, 35 ans, ouvrier de fabrique, et de Victorine Roguet, 36 ans, son épouse ; son nom est parfois orthographié « RAYMOND » ou « REIMOND ».

Maurice Raimond commence à travailler comme cordonnier.

De la classe 1919 et classé dans la 5e partie de la liste en 1918 pour le service militaire, son incorporation est ajournée pour faiblesse et hydrocèle, et reportée au contingent de 1920. Le 15 mars 1920, Maurice Raimond rejoint comme soldat de 2e classe le 3e régiment de bombardement. Le 1er août suivant, il passe au 12e régiment d’aviation. S’il s’agit bien du 12e régiment d’aviation de bombardement, dépendant de l’Armée française du Rhin, celui tient alors garnison à Neustadt, dans le Palatinat, en attendant la signature du traité de Paix. Le 19 février 1922, Maurice Raimond est envoyé dans la disponibilité, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 2 septembre 1922 à Château-Thierry, Maurice Raimond se marie avec Germaine Lemret, née le 9 janvier 1905 dans cette ville. Ils auront une fille, née peu après leur mariage.

En 1925, Maurice Raimond travaille comme ouvrier en chaussures et habite rue de la Madeleine, à Château-Thierry.

En septembre 1927, il demeure au 3, rue des Mignottes à Paris 19e.

Maurice Raimond adhère au Parti communiste en 1932.

À partir de 1934 et jusqu’à son arrestation, Maurice Raimond est domicilié au 9, rue Arthur-Rozier à Paris 19e, à proximité de la place des Fêtes. Il a également un lien – qui reste à préciser – avec Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne).

Toujours ouvrier cordonnier, Maurice Raimond travaille pour des selliers ou des fabricants de chaussures.

Puis, entre 1936 et 1939, il devient permanent appointé du Secours populaire de France et des colonies (ex-section française du Secours rouge international), parmi les cinq secrétaires nationaux dont Émile Bureau, qui sera déporté avec lui. Maurice Raimond est administrateur ou directeur du périodique de l’association, La Défense, créé en 1926. Il est membre de la cellule n° 1050 à la 19e section de Paris-Ville du Parti communiste. Le 17 janvier 1936, il dépose auprès du parquet du tribunal de première instance de la Seine une déclaration de gérance de la revue Unité pour l’aide et la défense, ainsi que de sa version allemande : Einheit für Hilfe und Verteidigung. Le 21 mars, le directeur des renseignements généraux transmet au préfet de police un rapport selon lequel « de nombreuses personnes étrangères » rendraient visite à Maurice Raimond, lequel « assisterait à toutes les réunions organisées par le Parti communiste tant à Paris qu’en banlieue. Il sort tous les soirs et ne rentre qu’à des heures tardives. » Le 19 septembre, la direction générale de la Sûreté nationale demande au cabinet du préfet de police des renseignements sur huit individus liés « à l’activité du Komintern en France » ; Maurice Raimond y figure en troisième place.  Une note du 13 novembre suivant constate : « Il reçoit à son domicile de nombreux journaux étrangers et des lettres qui, ces temps derniers, provenaient principalement de Belgique ».

En mars 1937, Maurice Raimond dépose une demande de passeport afin d’accompagner du matériel sanitaire et des vivres à destination de l’Espagne républicaine en lutte contre la rébellion franquiste.

Le 16 novembre 1939, son domicile est perquisitionné dans le cadre de la dissolution des organisations proches du Parti communiste. Les policiers y saisissent des lettres, des documents et des carnets de chèques relatifs à La Défense.

Mobilisé le 24 février 1940, Maurice Raimond est libéré en août, mais ne rentrerait à Paris que le 7 octobre. Il trouve – ou retrouve – alors un emploi de couseur dans les ateliers de Léopold Sée, fabricant de chaussures, au 5, rue du Plateau (Paris 19e). Il reprend son activité politique dans la clandestinité (il participe à la reconstitution du Secours populaire). Selon la police, il appartient à un centre clandestin de propagande plus particulièrement tourné vers les localités de banlieue sud et à l’origine de la création de l’Union des Comités populaires des démobilisés de 1939-1940, susceptible de noyauter le milieu des anciens combattants et de « provoquer l’agitation parmi les démobilisés sans travail ».

Le 4 décembre 1940, chemin de la Lande, à Champigny-sur-Marne, les services de police du commissariat de police de la circonscription interpellent Samuel Carasso, dit Samy, 51 ans, ancien rédacteur en chef de La Défense, qui sort de chez un autre militant. Sur lui ou à son domicile, les inspecteurs trouvent des papiers porteurs de plusieurs noms et adresses, dont ceux de Maurice Raimond.

Le 6 décembre, vers 11 heures, deux inspecteurs de la première section des brigade spéciales des Renseignements généraux se présentent à son domicile. Ils y trouvent (récupéré dans sa boîte aux lettres ?) un pneumatique [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] avec le texte suivant : « Paris, le 5 décembre, cher vieux – Samedi à 15h15, rue Montmartre dans le couloir de l’imprimerie Dangon (ancienne imprimerie de L’Humanité, aujourd’hui siège de La France au travail). À 16h30, dans le hall d’Aujourd’hui, les délégués régionaux tiendront dans la main deux journaux : La France au travail et Aujourd’hui. Au revoir mon vieux et tout à toi. René ». Interrogé par les inspecteurs, d’abord chez lui puis dans les locaux de la B.S. à la préfecture, Maurice Raimond déclare ne pas connaître « René » et que les rendez-vous doivent être pour remercier ces deux journaux d’avoir « accepté d’insérer un article sur la charte des anciens combattants. » Effectivement, le 25 novembre précédent, le journal a fait paraître un article intitulé « Les démobilisés présentent une charte revendicative ».

L’affaire est suivie par le commissaire André Cougoule. Le lendemain, vers 16 heures, les mêmes policiers interpellent Raymond Deudon et Roger Ossart sur le lieu du premier rendez-vous, devant l’imprimerie Dangon, au 123, rue Montmartre (un autre parvient à s’échapper). Ossart est trouvé porteur d’une feuille de souscription pour le Parti communiste région Sud portant le n° 176.

De nouveau interrogé à la préfecture le 7 décembre, Maurice Raymond déclare qu’il n’avait pas « l’intention de participer à cette délégation, devant aller ce jour-là à une noce » et qu’il ne connaît pas les deux autres inculpés.

Un de ceux-ci, plusieurs fois interrogé, lâche le nom et l’adresse de Léon Piédor, menuisier de Gentilly, qui est arrêté à son domicile et reconnait les faits, étant confondu par la déclaration de celui qui l’a mis en cause.Le 8 décembre, le commissaire Cougoule, « attendu que l’activité des nommés Raimond Maurice, Ossart Roger, Deudon Raymond, avait pour but la diffusion des mots d’ordre de la IIIe Internationale communiste ou d’organisations s’y rattachant au moyen de la propagande par tracts clandestins et papillons gommés, les [inculpe] d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 » et les fait conduire au dépôt à disposition du procureur de la République. Le lendemain, ils sont écroués à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 3 février 1941, la 11e chambre du tribunal correctionnel de la Seine acquitte Maurice Raimond faute de preuve ; excepté le pneumatique, la perquisition n’a permit la découverte d’aucun élément compromettant. Mais il n’est pas libéré pour autant : le lendemain, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Maurice Raimond est envoyé au dépôt de la préfecture de police, puis de nouveau écroué à la Santé, 3e division, cellule 67 bis.

Le 19 février, il écrit au Ministre de la Justice, pour protester contre l’injustice de cette incarcération, « trouvant ce fait anormal après [son] acquittement ». Quatre jours plus tard, il adresse  la même protestation au maréchal Pétain, chef de l’État français. Enfin, le 26 février, il envoie un courrier identique au préfet de police.

Le lendemain, 27 février, Maurice Raimond fait partie d’un des groupes d’internés administratifs transférés à la Maison centrale de Clairvaux (Aube) où ils en rejoignent d’autres : ils sont bientôt 300 détenus politiques (dont Guy Moquet et plusieurs futurs “45000”).

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 26 septembre 1941, Maurice Raimond est parmi la centaine d’internés de Clairvaux transférés, en train via Paris, au camp français (Centre de séjour surveillé – CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Dans ce camp, Maurice Raimond fait partie de la direction politique clandestine des détenus, selon le témoignage de Fernand Devaux (qui pensait qu’il avait eu cette responsabilité au camp d’Aincourt, où il n’a jamais été interné).

Le 22 mai 1942, Maurice Raimond fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Maurice Raimond est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46030. Retrouvée, la photo du détenu portant ce matricule a  pu être identifiée par comparaison avec le portrait présenté sur le site de l’ANACR du 19e (voir ci-dessus), confirmant son placement sur la liste hypothétiquement reconstituée du convoi.

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Maurice Raimond.Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” (11,7 % des effectifs du convoi) sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés gazés [1]).

Il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 19-02-1997).

À Vitry-sur-Seine, son nom est inscrit sur la stèle dédiée au convoi du 6 juillet 1942 et apposée au dos du monument de la place des Martyrs de la Déportation.

Une plaque dédiée aux “45000” vitriots a été apposée au dos du monument. Elle est parfois masquée par la végétation.

Une plaque dédiée aux “45000” vitriots a été apposée
au dos du monument. Elle est parfois masquée par la végétation.

La plaque apposée pour le 50e anniversaire de la libération des camps (avril 1995).

La plaque apposée pour le 50e anniversaire de la libération des camps (avril 1995).

Notes :

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

 

Sources :

- Jean Maitron, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier, tome 39, page 350.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 374 et 418.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central – Témoignage de Fernand Devaux, rescapé du convoi.
- Archives départementales de l’Aisne (AD 02), site internet, archives en ligne : registres du recrutement militaire, bureau de Soissons, classe 1919, matricules de 1 à 500 (22R136 – 1919), n° 99 (vue 132/633).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ;  liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; carton de la BS 1 (GB 55), affaire Ossart-Piedor-Deudon-Raimond (58) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1w0131 – 36634).
- 
Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris ; liste XLI-42, n° 152.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- 1940-1945, La Résistance dans le 19e arrondissement de Paris, ANACR, éditions Le temps des cerises, Pantin septembre 2005, page 252.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 983 (31907/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Gustave RABALLAND – 46029

JPEG - 73.3 ko
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Gustave, Pierre, Raballand naît le 24 août 1907 à Saint-Jean-de-Monts (Vendée), chez ses parents, Pierre Auguste Raballand, 26 ans, et Marie Louise Viaud, 25 ans, son épouse, cultivateurs « près la Faucherie » lieu dit où plusieurs familles Raballand sont installées. En 1923, la famille comptera deux autres enfants.

Le 21 août 1914, rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale, leur père rejoint le 3e régiment d’infanterie à La Roche-sur-Yon, comme soldat de 2e classe. Le 7 septembre suivant, il part en renfort au 93e R.I. Le 3 octobre, devant Albert, il est blessé au pied droit et évacué. Il revient au dépôt le 16 novembre. Le 7 juin 1915 à Hébuterne (Pas-de-Calais), au début d’une offensive contre la ferme fortifiée de Toutvent [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], il est blessé à la main gauche (auriculaire). Le 1er juin 1916 dans le secteur de Verdun, Il est encore blessé. Le 23 avril 1917 à Reims, il subit une blessure à l’oreille avec conjonctivite de l’œil gauche. Le 16 décembre, il est cité à l’ordre de sa division (?) : « Bon soldat, ayant toujours accompli son devoir… ». Le 4 février 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation.

Le 16 août 1930 à La Barre-de-Monts (85), Gustave Raballand (22 ans) – alors charron et domicilié à Rezé (Charente-Inférieure / Loire-Atlantique [1] – 44) chez ses parents – se marie avec Reine Émilie Marie Guillaume, née le 12 septembre 1910 (19 ans) à Jans (44), couturière. Ils auront deux enfants.

Au moment de son arrestation, Gustave Raballand est domicilié au 9, place Moreau à la Haute-Ile, Pont-Rousseau à Rezé, agglomération de Nantes (44).

Gustave Raballand adhère au parti communiste en 1933. En 1936, il est le secrétaire adjoint du Comité de Front populaire de Rezé. Il est aussi responsable de la propagande au Parti communiste et des Comités de défense de L’Humanité (CDH) pour le sud de la Loire à Nantes et à Rezé.

Il travaille comme ajusteur à la SNCAO (Société nationale de construction aéronautique de l’Ouest), une usine d’aviation crée par Louis Breguet et inaugurée en 1937 à Bouguenais (proche de Rezé) pour construire des avions de guerre (bombardiers Bloch MB-210 et chasseurs Morane-Saulnier MS-406).

Lors de la mobilisation, Gustave Raballand est “affecté spécial” – utile à la défense nationale – dans son usine, puis est rappelé à la base militaire de Chartres le 24 janvier 1940. Il est ensuite envoyé en Algérie, à Blida puis à Ouargla, où les 180 hommes de la Compagnie, considérés comme de “fortes têtes” doivent – en pleine guerre – pelleter du sable et casser des cailloux dans la chaleur torride du Sahara. Il est démobilisé le 3 septembre 1940.

Gustave Raballand retrouve son travail et reprend clandestinement ses activités politiques et syndicales.

Le 7 décembre 1940, des policiers de la police judiciaire d’Angers l’arrêtent à 2 heures du matin, à son domicile, et le conduisent à la prison de Nantes en application du décret du 4 décembre 1940. Mêlés aux prisonniers de droit commun, les communistes protestent et réclament le régime politique.

Le 28 décembre 1940, Gustave Raballand est placé au centre de résidence surveillée du Croisic (44), surveillé par des gardes mobiles français.

Le 16 avril 1941, il est libéré après avoir signé une déclaration selon laquelle il s’engage à « ne pas faire de politique qui pourrait nuire au gouvernement ».

Embauché aux Chantiers de la Loire, qui effectuent des réparations sur les navires allemands, il y organise le sabotage des compresseurs et de l’outillage. Il recrute pour l’O.S. (organisation spéciale : premiers groupes armés du Parti communiste), récupère des armes jetées dans la Sèvre Nantaise lors de la retraite, et des explosifs dans une carrière de pierre. Les armes sont remises en état par un ancien armurier, Henri Adam, qui sera fusillé par les Allemands. Gustave Raballand distribue également tracts et journaux clandestins dénonçant la collaboration pratiquée par le régime de Vichy.

Le 23 juin 1941, il est de nouveau arrêté sur son lieu de travail par des Allemands [2]. Il figure en vingt-neuvième place sur une liste de trente « Funktionaere » (“permanents” ou “cadres”) communistes établie par la police allemande. Avec une vingtaine d’hommes arrêtés dans l’agglomération de Nantes, il est conduit au « camp du Champ de Mars » (s’agit-il de la salle des fêtes, également dénommée « Palais du Champ de Mars » ? à vérifier…) ; lui-même parle de « prison ».

Nantes. La salle des fêtes du Champ de Mars. Est-ce l’endroit où ont été rassemblés les militants arrêtés en juillet 1942 ? Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Nantes. La salle des fêtes du Champ de Mars.
Est-ce l’endroit où ont été rassemblés les militants arrêtés en juillet 1942 ?
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 juillet, Gustave Raballand est parmi les vingt-quatre communistes (dont les dix futurs “45000” de Loire-Atlantique) transférés, avec sept Russes (juifs), au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Pendant le transport, Gustave Raballand tente en vain de s’évader. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gustave Raballand est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46029 (ce matricule sera tatoué sur son bras gauche quelques mois plus tard).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Gustave Raballand est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Là, on l’affecte à un Kommando de terrassement, puis dans un atelier de la DAW (Deutsche AusrüstungsWerke, société SS, usine d’armement entre autres), où il travaille à l’affûtage des machines à bois, avec René Aondetto et Maurice Rideau. Il sabote les lames d’affûtage avec la complicité d’un curé polonais chargé de faire le guet.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Gustave Raballand est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Gustave Raballand est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matricule 19904) et travaille dans une usine métallurgique où il lui est de nouveau possible d’effectuer des sabotages.

Le 29 octobre, il est parmi les onze “45000” transféré à Wansleben, (Kommando de Buchenwald), une usine de potasse (matricule n° 93418).

Le 12 avril 1945, il est dans une des colonnes de détenus évacués de ce camp à marche forcée (une “marche de la mort” qui dure 36 heures) vers le Nord de Halle.

Gustave Raballand est libéré le 14 ou le 15 avril par les troupes américaines.

Il regagne Paris (Hôtel Lutétia) le 13 mai 1945.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945.
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

Sur les dix “45000” de Loire-Atlantique, Gustave Raballand est l’un des deux rescapés, avec Eugène Charles, de Nantes.

Sa santé est très affectée par une pleurésie contractée à Auschwitz. Il est homologué comme “Déporté résistant”, et sergent de la Résistance intérieure française (RIF). Il est décoré de la Médaille militaire avec citation à l’ordre de l’Armée (4/12/1975), de la Légion d’Honneur (13/4/1984), reçoit la Médaille de Combattant volontaire de la Résistance.

Gustave Raballand décède à Rezé (44) le 4 janvier 1994.

À une date restant à préciser, son nom a été donné à un rond-point de Nantes.

Notes :

[1] La bataille d’Hébuterne : En parallèle à la deuxième bataille d’Artois (9 mai-19 juin 1915), se déroule la bataille d’Hébuterne (7 au 10 juin 1915), commune située à l’ouest de Bapaume, près du département de la Somme, dans une région où les champs s’étendent à perte de vue.
Le général Foch prépare début juin une relance de l’offensive en Artois. Pour ce faire, il déclenche le 7 juin une attaque de diversion confiée à des unités de la IIe armée française, sur la ferme de Toutvent entre Hébuterne et Serre, où les Allemands ont fortifié un petit saillant. Les deux villages se font face à quelques kilomètres l’un de l’autre, chacun au sommet d’une légère hauteur.
La ferme, située sur un étroit plateau, a été puissamment renforcée par les Allemands au cours de l’hiver 1914-1915. En avant, dans les champs bordés d’une rangée de grands arbres, ils ont créé un immense réseau de tranchées défendues par d’épais réseaux de fils de fer, garnies d’abris creusés à grande profondeur et possédant plusieurs issues, le tout formant un système défensif doté de postes d’écoute et de boyaux de communication sinueux. Certaines parties des tranchées sont minées.
Bilan : La conquête définitive de la ferme de Toutvent par les Français s’achève le 10 juin, ce qui n’empêche pas les combats de se poursuivre dans les environs.
Les pertes humaines enregistrées du 7 au 13 juin s’établissent à 1760 tués et 8590 blessés du côté français, à 927 tués, blessés et prisonniers du côté allemand. Les Français ont progressé de 900 mètres sur une largeur de 2 kilomètres. Lors de l’attaque de la ferme de Toutvent, le 93e régiment d’infanterie a obtenu la Croix de guerre avec palme. Poursuivant un mouvement demandé par les Français, les troupes britanniques étendent leur couverture sur le front et, en août 1915, la IIIe armée britannique s’installe de la Somme à Hébuterne. Le village reste aux mains des Britanniques de l’été 1915 jusqu’à l’Armistice. Source : https://www.archivespasdecalais.fr/Decouvrir/Chroniques-de-la-Grande-Guerre/Histoires-de-la-Grande-Guerre/La-bataille-d-Hebuterne

[2] Charente-Maritime : département dénommé “Charente-Inférieure” jusqu’en septembre 1941.

[3] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 346 et 347, 359, 365 et 418.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Bretagne (2002), citant : questionnaire biographique et documents remis par Gustave Raballand – Entretien enregistré par Cl. Cardon-Hamet – Témoignages de Maurice Rideau et de René Aondetto.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-06-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]

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