Christophe LE MEUR – (46247 ?)

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Collection André Le Breton. D.R.

Collection André Le Breton. D.R.

Christophe, Michel, Stanislas, Jérôme, Le Meur, naît le 30 septembre 1911 à Tourch, canton de Rosporden (Finistère), dans une famille de petits fermiers bretons qui compte quatorze enfants.

En 1929, âgé de 18 ans, il vient s’installer chez sa sœur aînée Catherine, mariée à Jean Le Breton, qui tient une pension de famille au 11, rue du Docteur-Quéry à Villejuif [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Val-de-Marne – 94). Il est célibataire. Il devient terrassier, puisatier.

En 1930, il adhère à la CGTU (puis à la CGT après la réunification), ainsi qu’au Parti communiste, en 1934. Militant actif, il participe à différentes manifestations et diffuse la presse communiste : Front Rouge (journal local de Villejuif), L’Avant-GardeL’Humanité….

En 1936, ayant décidé de partir combattre en Espagne pour y défendre la République du Frente Popular contre la rébellion du général Franco soutenue par Hitler et Mussolini, il dit au revoir à ses proches au cours d’une réunion familiale chez les Le Breton. Le 17 novembre 1936, il part avec ses amis Louis Mayet, natif de Tourch, conseiller municipal de Villejuif, Jean Couléou et René Legrand, demeurant dans la pension de Catherine Le Meur. Arrivés à Albacete pour s’engager dans les Brigades internationales, ils sont versés dans la 14e brigade. Christophe Le Meur y est affecté comme tirailleur.

Collection André Le Breton. D.R.

Collection André Le Breton. D.R.

Après quelques semaines d’instruction, il rejoint le front à Teruel, un saillant franquiste en zone républicaine. Avec son bataillon, il participe à de nombreuses offensives de janvier à mars 1937. Grièvement blessé à lajambe droite, il est rapatrié en urgence et admis à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre [1](94) en avril. Il souffre beaucoup de sa blessure. Opéré au début de mai 1937 dans le service d’un chirurgien qui ne cache pas ses sympathies fascistes, et où on l’isole, il en sort définitivement handicapé de la jambe droite.

Insigne de l’Association des volontaires pour l’Espagne républicaine, ayant appartenu à Christophe Le Meur. Produit entre la mi-1938 et la mi-1939. Coll. André Le Breton.

Insigne de l’Association des volontaires pour l’Espagne républicaine, ayant appartenu à Christophe Le Meur.
Produit entre la mi-1938 et la mi-1939.
Coll. André Le Breton.

À partir de septembre 1937, après une convalescence chez sa sœur Catherine où il est entouré de ses camarades (Cogrel), il accepte le poste qu’on lui propose comme gardien au Comité central du PCF, 44 rue Le Peletier à Paris. Les relations d’amitié qu’il noue dans cette période avec Marcel Cachin, directeur de L’Humanité, l’amènent à cacher une partie des archives de celui-ci quand le PCF sera interdit pendant la “drôle de guerre” (mais – enterrés quatre ans dans un jardin – une grande partie de ces documents sera irrémédiablement détériorée).

À l’automne 1939, quand le Parti communiste est interdit, Christophe Le Meur reprend son travail de terrassier puisatier.

En mai-juin 1940, Catherine Le Breton – dont les enfants sont déjà réfugiés en Bretagne – récupère un camion de la Banque de France et demande à Christophe d’accompagner et protéger leur sœur Joséphine et ses enfants sur les routes de l’exode. En chemin, ils s’arrêtent à Mer, près de Blois, pour prendre leur sœur Marie et ses enfants (alors mobilisés, les maris de celles-ci, Corentin Troalen et Guillaume Le Mao, seront fait prisonniers). Leur exode s’achève à Thouars (Deux-Sèvres).

En septembre 1940, quand la maison de Marcel Cachin à Choisy-le-Roy (94) est réquisitionnée par l’occupant, une partie de ses meubles est placée chez les Le Breton.

Sous l’occupation allemande, Christophe Le Meur participe à la Résistance au sein du Parti communiste clandestin, en relation avec Jean Lastenet, responsable d’un vaste secteur (Saint-Maur, Ivry, Vitry, Choisy, Villejuif…). Responsable de la diffusion de la propagande, Christophe Le Meur transporte sur son vélo des valises de tracts qui sont cachées chez ses sœurs, Catherine Le Breton et Joséphine Troalen (domiciliée à Vitry-sur-Seine).

Dans la soirée du 21 au 22 avril 1941, Christophe Le Meur est surpris par des policiers du commissariat de Gentilly « en flagrant délit de distribution de tracts communistes » avec son ami Jean Couléou. Celui-ci échappe à l’arrestation et va immédiatement prévenir la famille Le Breton qui prend toutes les dispositions pour dissimuler les tracts en dépôt et les deux revolvers ramenés d’Espagne par Christophe Le Meur (armes transmises plus tard à d’autres résistants ; Jean Couléou part se réfugier en Bretagne). Le lendemain, trois inspecteurs viennent perquisitionner la maison familiale accompagnés de leur prisonnier. Les policiers refusent alors que sa sœur lui donne un casse-croûte. Leurs recherches étant infructueuses, la famille n’est pas inquiétée.

Christophe Le Meur est conduit au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité). Il est inculpé d’infraction au décret-loi du 26-09-1939 (dissolution et interdiction du PC).

Deux jours après son arrestation, le 24 avril, il comparaît – seul – devant la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine qui le condamne à huit mois d’emprisonnement.

Le 8 mai, il est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (94) ; n° d’écrou “correction homme” 7785.

Mais il n’y reste que deux jours : le 10 mai, pour un motif restant à préciser, il est transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines) [2]).

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Enregistré sous le numéro d’écrou 1287, il est affecté à l’atelier “Brosses B.”. Il peut écrire à sa famille, recevoir des visites et des colis.

Au cours du mois de novembre, en « exécution de la note préfectorale » du 14 novembre 1940, le directeur de la prison transmet au bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise onze notices de détenus de la Seine devant être libérés à l’expiration de leur peine au cours du mois suivant. Le 22 novembre, le préfet de Seine-et-Oise transmet le dossier au préfet de police de Paris, direction des services des Renseignements généraux.

À l’expiration de sa peine, le 17 décembre, Christophe Le Meur est informé qu’il va être envoyé dans un camp « jusqu’à la fin de la guerre », comme “détenu administratif” en application du décret du 18 novembre 1939. En attendant, il est maintenu en prison et affecté à l’atelier “Seccotine”.

Le 13 février 1942, Christophe Le Meur est dans un groupe de vingt-quatre « militants communistes » – composé pour moitié de futurs “45000” – transférés au dépôt de la préfecture de police de Paris (au sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité).

Son neveu André Le Breton, âgé de 12 ans, l’y voit pour la dernière fois en mars : « Mon oncle Christophe Le Meur venait de quitter Poissy pour le dépôt de la Conciergerie. Ma mère (Catherine Le Meur) et moi-même (André Le Breton)allâmes lui rendre visite ; j’étais alors âgé de 12 ans. Nous prîmes le métro, descendîmes à la station Châtelet et arrivâmes à la Conciergerie, où de nombreuses personnes attendaient sur le parvis. Je revois cette scène : le corridor qu’il nous a fallu traverser, le questionnaire inhérent aux autorisations de visite qu’il a fallu subir. Vu mon faible état de santé (primo infection), je bénéficiai d’un avis favorable et pus pénétrer à l’intérieur, tandis que ma mère restait derrière les grilles. Escorté d’un gardien, je traversai un long corridor au bout duquel se trouvait une porte débouchant sur une grande salle : d’un côté se trouvait de nombreuses tables et de l’autre une rangée de paillasses alignées.

Mon oncle s’avança vers moi, m’accueillit chaleureusement et me conduisit à un lit. Nous parlâmes alors de la famille et je lui remis une tablette de chocolat au-dessous de laquelle ma mère avait collé une lettre ; il s’empressa de la ranger. Il s’inquiéta ensuite de mon état de santé. Nous étions très proches l’un de l’autre. Il vivait chez mes parents depuis l’âge de 17 ans et en avait 31. De ce fait j’étais un peu comme son petit frère, et il était pour moi un peu plus qu’un grand frère, un exemple. Il me donna des recommandations : bien travailler à l’école, être studieux comme l’était mon frère aîné.

Je regardai alors vers le haut de la salle et je vis une mezzanine où des policiers surveillaient les détenus. Je marquais mon étonnement et mon oncle m’en donna la raison : ils étaient classés comme éléments dangereux par l’état de Vichy, ce qui justifiait une surveillance renforcée. L’inquiétude qui traversa mon esprit d’enfant me glaça, mais mon oncle enchaîna rapidement par un discours optimiste sur l’évolution de la situation qui lui faisait entrevoir une libération proche et la défaite du fascisme ; je fus rassuré. Puis vint le temps de la séparation, je contournai les tables où de nombreuses personnes lisaient ou discutaient. Mon oncle m’embrassa ; dans son regard las et fiévreux se lisait la tristesse de ne pas voir les siens. Ce fut la dernière fois que je le vis.

À la porte m’attendait un gardien qui m’escorta. Nous franchîmes plusieurs portes grillagées et je retrouvai ma mère. Retenant ses larmes de n’avoir pu voir son frère, elle m’assaillit de nombreuses questions. Après avoir franchi une grande porte cochère, alors que nous marchions sur le trottoir, nous fûmes interpellés par un sergent de ville en capeline, qui nous sermonna de notre inconscience de faire passer du courrier clandestin : il était de faction au moment de la visite et avait aperçu la lettre. Il nous fit l’énumération des risques que nous avions encourus, arrestation immédiate de ma mère et de mon père. Figée par la peur, ma mère le remercia. De nombreuses années après, alors que j’accompagnai ma mère en voiture à la Samaritaine et que nous passions non loin de la Conciergerie, elle me dit que nous avions eu de la chance ce jour-là de tomber sur un résistant, et que son frère était toujours présent dans son cœur, même après le temps passé. Quant à moi, la dernière image que j’avais de mon oncle était toujours gravée dans ma mémoire. »

Le 25 mars 1942, Christophe Le Meur écrit à son frère Yvon : « J’ai été arrêté et condamné à huit mois de prison. Mais, soyez tranquilles, ce n’est heureusement ni pour vol ni pour assassinat, c’est pour mes idées. »

Le 16 avril, Christophe Le Meur est transféré au camp français (centre de séjour surveillé – C.S.S.) de Voves (Eure-et-Loir), avec d’autres internés administratifs, et enregistré sous le matricule 87.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 9 mai, il écrit à sa famille depuis la baraque n°4 : « Quand on a vu tout ce qu’on a vu, on se contente de peu de choses, un coin où dormir et un peu de pain à manger… On est tous des internés politiques, on est neuf de Villejuif : on peut causer un peu du pays… Marijeanne est partie à Paris, elle pensait venir me voir, mais malheureusement elle ne pourra pas venir parce qu’à partir du 16 de ce mois, les visites seront limitées : il n’y [en] aura que six par semaine et comme on est près de mille ici et que je suis un des derniers [arrivés], je ne suis pas près d’en avoir une. J’espère qu’avant que mon tour [ne soit] venu, la guerre sera finie… »

Le lendemain, 10 mai, il fait partie des 81 internés remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné sur dossier avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne – sur la commune de Margny – et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Du convoi, Christophe Le Meur jette un message qui sera posté à sa famille depuis Bar-le-Duc : « Le moral est bon. Nous allons en camp de concentration en Allemagne. La victoire est pour bientôt. Nous chantons “Allons au-devant de la vie” ».

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Christophe Le Meur est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45779 ou 46247, selon les listes reconstituées (la photo des détenus portant ces matricules n’ont pas été retrouvées).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Christophe Le Meur se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.Le 13 juillet, après l’appel du soir, Christophe Le Meur est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I. Il est affecté dans le même Kommando que Victor Louarn, de Concarneau.

Christophe Le Meur meurt (à Birkenau) le 23 janvier 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; succombant après avoir été violemment frappé à coups de manche de pioche par un Kapo, selon Victor Louarn.

En mars 1943, ignorante de son sort, sa famille tente une démarche pour la « recherche de disparu » auprès de la Croix-Rouge : une fille de Marcel Cachin, venue rendre visite à la famille Le Breton à Villejuif, dicte le contenu d’une lettre en ce sens à Jean, le fils de Catherine.

Christophe Le Meur est déclaré “Mort pour la France”. Il est déclaré “Mort en déportation” (J.O. n° 189, 17-08-1994).

Notes :

[1] Villejuif et le Kremlin-Bicêtre : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Yvelines : à l’époque, dans le département de la Seine-et-Oise.

 

Sources :

- Témoignage et archives familiales d’André Le Breton, son neveu, et Aline Le Guyader, sa nièce.
- André Le Breton, bulletin de Mémoire Vive n°11, mars 2000.
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, 1990-1997, CD-rom (citant : Eugène Kerbaul, “1640 militants du Finistère (1918-1945)”, Bagnolet, 1988 – État civil de Tourch).
- Marcelino Gaton et Carlos Escoda, Mémoire pour demain, L’action et les luttes de militants communistes à travers le nom des cellules de la section de Villejuif du Parti communiste français, éditions Graphein, septembre 2000, pages 150 et 151 (citant : témoignage d’André Le Breton et lettres de prison de Christophe Le Meur – Villejuif à ses martyrs de la barbarie fasciste, brochure, 1946 – Archives municipales de Villejuif).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 354, 389 et 410.
- Rémi Skoutelsky, L’espoir guidait leurs pas, Les volontaires français dans les brigades internationales, 1936-1939, éditions Grasset, Paris, mai 1998, pages 272-275.
- Dossiers des brigades internationales dans les archives du Komintern, fonds du Centre russe pour la conservation des archives en histoire politique et sociale (RGASPI), Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), campus de l’Université de Paris X-Nanterre, microfilms acquis par la BDIC et l’AVER-ACER, bobine cote Mfm 880/22 (545.6.1277).
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 28 mars au 5 juin 1941 (D1u6-5855).
- Archives Départementales du Val-de-Marne : établissement pénitentiaire de Fresnes, registre d’écrou n° 151, “correction hommes” du 20 avril au 7 juillet 1941 (2742w18).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux ; bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise (1W69).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) : occupation allemande – camps d’internement… (BA 2374).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 803 (3427/1944).

André Le Breton, Carlos Escoda et MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.


Tonton Christophe…

Un nom indissociable pour moi du respect que nous lui devions et dont Maman, sa sœur, a voulu nous imprégner. Respect pour un homme désireux de justice, d’amélioration de la condition ouvrière, de patriotisme et du bien-être de la famille en toutes circonstances. Soucieux aussi du devenir de ses neveux et nièces, mettant l’accent sur l’importance de l’instruction. Un homme certainement épris d’idéal politique et le prouvant par son comportement.

Été 1938 : Nous étions en vacances chez notre grand-mère. Christophe y était également, en convalescence de sa grave blessure à la jambe pendant la guerre d’Espagne. Je le revois, marchant avec difficulté, sa jambe “folle” allant de côté. Mais il plaisantait toujours et nous poussait, les enfants, à toujours faire bien, mieux, se moquant gentiment de nos petits défauts et de nos points faibles.

Juin 1940 : Pendant l’exode, Tonton Christophe, un ami, une de ses sœurs et ses enfants (son mari était mobilisé), fuyant l’invasion allemande, s’étaient réfugiés chez nous, en Loir-et-Cher. Papa était à la guerre. Tout était désorganisé. Prendre la route ? Se serrer et rester ensemble ? Là, un souvenir dont je n’ai compris le sens que bien plus tard (geste patriotique de Tonton en référence à l’identité de la France) : j’avais fixé au mur une carte postale, fléchée, reçue en “bon-point” de notre institutrice, représentant l’Europe nouvelle, englobant les pays appelés à exister sous la domination allemande. Saisi à la vue de cette carte, Tonton l’a arraché et déchiré dans une vive protestation dont je n’ai retenu ni les mots, ni le sens. Seuls me sont restés en mémoire la force de sa réaction – incompréhensible pour moi – avec le sentiment d’une injustice inexpliquée. Deux jours après, nous prenons aussi la route, dans l’espoir de rejoindre la Bretagne. Bombardements, peur, chaleur, charrettes chargées… Il a fallu nous séparer. Mais Tonton a réussi, en persuadant un camionneur, à nous faire partir pour la Vendée, alors que lui, mon cousin et leur ami tentaient de rejoindre la Bretagne. Je garde de ces quatre ou cinq jours le sentiment que Tonton Christophe a pris les précautions et les décisions pour nous mettre le plus possible en sécurité.

Pâques (avril) 1941 : Tonton avait invité Maman, mon frère et moi (Papa était prisonnier en Allemagne) à passer quelques jours en famille à Villejuif. De retour à la maison, nous apprenions sont arrestation. Les années de guerre ont passées. Inquiétudes. Christophe n’est pas revenu…

Ces quelques souvenirs se veulent le témoignage de la personnalité de Christophe Le Meur, qui s’est imposée à moi avec le respect qu’il a su inspirer autant que les valeurs morales qu’il voulait communiquer.

Aline LE MAO

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Constant LE MAÎTRE – (45779 ?)

Constant Le Maître, né le 10 novembre 1901 à Trignac, commune de Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique), domicilié à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), mort à Auschwitz le 2 septembre 1942.

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© Droits réservés.

© Droits réservés.

Constant Le Maître (parfois orthographié Lemaitre, notamment par la police) naît le 10 novembre 1901 à Trignac [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] sur la commune de Montoir-de-Bretagne, au Nord-Est de Saint-Nazaire (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique [2]), chez ses parents, François Le Maître, 39 ans, manœuvre à l’usine des Forges de Saint-Nazaire, et Marie Normand, son épouse, 36 ans. Constant a – au moins – une sœur, Yvonne, née en 1895, et un frère Henri, né en 1896.

Trignac. Aciéries, hauts-fourneaux et forges de la Basse-Loire. Carte postale non datée (année 1900 ?). Coll. Mémoire Vive.

Trignac. Aciéries, hauts-fourneaux et forges de la Basse-Loire.
Carte postale non datée (année 1900 ?). Coll. Mémoire Vive.

Domicilié route de Méan, à Trignac, Constant Le Maître travaille d’abord comme chaudronnier en cuivre.

Le 7 avril 1921, à Brest (Finistère), il rejoint le 2e dépôt des équipages de la Flotte afin d’accomplir son service militaire, d’abord comme apprenti marin. Le 21 juin, il est nommé mécanicien de 2e classe. Le 25 avril 1923, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Entre temps, le 12 juin 1922, à Trignac, il s’est marié avec Zénaïde Ménard, née le 17 mai 1904 à Montoir (Trignac ?). Un des deux témoins au mariage est Henri Le Maitre, dégrossisseur. Leur premier enfant, Constant, est né le 26 décembre suivant. Ils auront également une fille, Paulette, née le 29 juin 1925, à Trignac.

En avril 1927, la famille habite au 319, rue de Trignac, dans le quartier de Méan, à Saint-Nazaire.

Pendant un temps, ils demeurent au 30, rue Michelet à Boulogne-Billancourt [3] (Seine / Hauts-de-Seine – 92). En mars 1934, et jusqu’à l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 183, rue Galliéni, dans cette commune.

Constant Le Maître, père, est ouvrier tôlier aux usines Renault de Billancourt du 26 février 1934 jusqu’à son arrestation.

Boulogne-Billancourt. Place Jules-Guesde. Carte postale écrite le 16 novembre 1942. Coll. Mémoire Vive.

Boulogne-Billancourt. Place Jules-Guesde.
Carte postale écrite le 16 novembre 1942. Coll. Mémoire Vive.

Il est militant syndical CGT.

En 1936, il adhère au Parti communiste, et devient secrétaire de cellule dans son entreprise. Auparavant, il a appartenu à la Fédération des Jeunesses communistes de France et au Secours rouge international.

Pendant la mobilisation de septembre 1939 à juin 1940, il reste aux Établissements Renault comme “affecté spécial”.

Sous l’occupation, Constant Le Maître fait partie d’un groupe de diffusion de propagande clandestine aux côtés – entre autres – de Raoul Bertrand, Maurice Coulin et René Espargillière. La police le soupçonne notamment d’être l’auteur de distributions régulières de tracts dans l’immeuble où il habite.

Le 13 septembre 1941, Marie Dubois, agent de liaison entre la zone non-occupée, Bordeaux et Paris, est arrêtée pour vol à l’étalage dans les grands magasins de la Samaritaine, alors qu’elle est porteuse d’une « lettre suspecte », d’un carnet de rendez-vous et d’une forte somme d’argent (13 000 francs) dont elle ne peut justifier la provenance. Le larcin est classé sans suite par le commissaire de police du quartier Saint-Germain-l’Auxerrois, mais celui-ci avise ses collègues des Renseignements généraux (BS 1). Amenée à la Préfecture, Marie Dubois « observe un mutisme total et ne fournit aucun renseignement permettant d’orienter les recherches » [4]. Cependant, la perquisition effectuée à son domicile légal, boulevard de la Gare, amène la découverte de tracts communistes et, plus grave, de plusieurs biographies manuscrites de militants qui sont arrêtés au cours des jours suivants, dont Clément Toulza (fusillé comme otage le 31 mars 1942), et Constant Le Maître.

Le 15 septembre, celui-ci est arrêté à son domicile et conduit au Dépôt de la préfecture de police pour infraction au décret du 26 septembre 1939. Après son inculpation, il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Il est condamné à 18 mois d’emprisonnement.

En janvier, son épouse trouve un emploi de femme de ménage à la Société nationale de construction aéronautique du Centre (SNCAC), 167 rue de Tilly, à Boulogne-Billancourt, qu’elle garde jusqu’en juillet.

Le 5 février 1942, Constant Le Maître fait l’objet d’une main-levée, mais n’est pas libéré pour autant… Le 7 février, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif par application du décret du 18 novembre 1939. Pendant un temps, Constant Le Maître est détenu au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité).

Le 16 avril, il fait partie d’un groupe de détenus enregistrés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il reçoit le matricule n° 69.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai 1942, Constant Le Maître fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Constant Le Maître est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45779, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Constant Le Maître.

Il meurt à Auschwitz le 2 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [5].

Son fils Constant, qui habite au domicile familial, travaille comme machiniste de plateau au Paris Studio Cinéma de Boulogne-Billancourt du 22 septembre au 31 décembre 1941, puis, jusqu’à son arrestation, aux studios de la Continental Film (société de propagande de Goebbels), sis dans cette commune. Fin 1942, sollicité, il accepte de rejoindre le Front national [6], puis intègre l’O.S. [7] comme membre de la région P.6, (pseudonyme « Laurent ») sous les ordres de Raoul Jamin (« Théo »). Le 17 février 1943, quai de Boulogne, il participe avec Jamin et Claudius Müllembach (« Fontaine ») à une action armée contre des baraques de D.C.A. auxquelles ils mettent le feu en utilisant une « poudre blanche ». À plusieurs reprises, Constant lance des tracts du Front national devant les portes d’entrées des usines. Le 1er avril, il est arrêté par des inspecteurs de la brigade spéciale anti-terroriste, pris dans une souricière alors qu’il se présente au dépôt de matériel clandestin du 26, rue de la Rochefoucault à Boulogne, endroit repéré par la police depuis trois jours. Le 7 avril, il est remis, sur leur demande, aux autorités allemandes (et incarcéré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes).

Le 22 avril, sa mère écrit au préfet de police afin de savoir ce qu’il est devenu. En juillet 1943, elle habite au 130, rue de la Gare à Villeneuve-le-Roi.

Le 5 octobre 1943, comparaissant avec d’autres membres de son groupe devant le Tribunal militaire allemand du Gross Paris siégeant rue Boissy-d’Anglas (Paris 8e), Constant Le Maître, fils, est condamné à mort pour « activité terroriste » et fusillé le 23 octobre au fort du Mont-Valérien, le même jour que dix-huit autres détenus, dont Raoul Jamin. Constant Le Maître a 21 ans.

Le 5 novembre, une perquisition restée sans résultat est encore effectuée chez sa mère.

En février 1945, elle habite au 1, passage Legrand, à Boulogne-Billancourt.

Le 19 décembre 1945, au commissariat de police de Boulogne, Jean Thomas, de Boulogne, rescapé du convoi, signe un certificat attestant que constant Le Maitre est décédé au camp « début 1943 ». Le 14 février 1946, Marcel Guilbert, de Boulogne, autre rescapé du convoi, signe un certificat à en-tête de la FNDIRP attestant que constant Le Maitre est décédé au camp « fin janvier 1943 ». À partir de ces deux déclarations l’officier d’état civil du ministère des Anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) fixe la date de décès au 31 janvier 1943 (transcrit à la mairie de Montoir le 11 juin 1946).

Sa veuve se remarie avant septembre 1948, et emménage à Villeneuve-le-Roi avec son nouvel époux. En 1954, elle se désiste de ses droits et les transfère à sa fille Paulette qui devient seule légataire des droits à indemnisation de son père.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur l”acte de décès de Constant Le Maître, père (J.O. du 16-07-1994).

Après la guerre, la municipalité de Boulogne-Billancourt fait graver le nom de son fils Constant sur une plaque commémorative à l’entrée de la mairie, aux côtés de vingt autres fusillés de la ville.

Notes :

[1] Trignac : à l’origine un hameau de pêcheurs situé entre l’embouchure de la Loire et les marais de la Grande Brière sur le territoire de la commune de Montoir-de-Bretagne. À la fin du 19e siècle s’y implantent les Forges de Saint-Nazaire, qui deviennent en 1910 les Usines Métallurgiques de la Basse-Loire (S.A.), spécialisées dans la production et la fourniture des tôles et profilés pour la construction des navires et des chaudières (les Chantiers de Construction Navale de Saint-Nazaire sont tout proches). À la veille de 1914, l’usine métallurgique couvre 90 hectares. Trignac devient une commune le 1er janvier 1914.

[2] Loire-Atlantique : département dénommé “Loire-Inférieure” jusqu’en mars 1957.

[3] Boulogne-Billancourt : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[4] Marie Dubois est condamnée à mort le 22 décembre 1941 par un tribunal militaire allemand (son dossier est remis à la justice française). Début janvier 1942, L’Humanité clandestine, dénonce le sort fait à la prison de la Santé à cette « patriote » « mère de deux enfants de quatre et six ans ». Déportée « NN » le 17 novembre 1942 vers l’Allemagne, elle est internée à Lubeck avant d’être conduite au KL Ravensbrück puis à Mauthausen où elle meurt le 8 avril 1945. Ses enfants seront élevés par l’orphelinat de la CGT, L’Avenir Social.

[5] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Constant Le Maître, c’est le 31 janvier 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[6] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

[7] O.S. : organisation spéciale armée du Parti communiste clandestin créée à partir de septembre 1940, à l’origine pour protéger les militant(e)s prenant la parole en public, les distributeurs de tracts et les colleurs d’affiches, elle est devenue le premier cadre de la résistance armée.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 410.
- Archives départementales de Loire-Atlantique (AD 44), site internet du Conseil général, archives en ligne : registre des naissance de Montoir-de-Bretagne, année 1901, acte n° 296 (vue 51/60) ; recensement de population de Montoir-de-Bretagne, année 1906, pages 72-73, n° 2190-2197 (vues 121-122/173) ; registre matricule du recrutement militaire, année 1921, bureau de Nantes, matricule 2557.
- Bulletin municipal de Boulogne-Billancourt, supplément au n° 335, avril 2005, page 26, Liste des déportés des usines Renault, document cité dans un fichier pdf d’Annie Lacroix-Riz et Michel Certano (juin 2011).
- Daniel Grason, Jean-Pierre Ravery, site du Maitron en ligne, dictionnaire biographique, Mouvement ouvrier, Mouvement social, notice de Le Maître Constant, fils ; Jean-Pierre Besse, notice de Marie Dubois.
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande” (BA … ?) ; dossiers individuels des Renseignements généraux (77 W 50-100.267).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 761 (27068/1942, « Maitre Le »).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossiers de Constant Le Maitre (21 P 475 698 et 21 P 262 454), recherches de Ginette Petiot (message 06-2015).

 

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 23-06-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.re, c’est le 31 janvier 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

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Louis JOUVIN – 45 697

 

Louis, Eugène, Alphonse, Jouvin, né le 28 décembre 1907 à Caen (Calvados), domicilié au Grand-Quevilly (Seine-Maritime), rescapé, libéré au KL Dachau le 29 avril 1945, décédé le 7 février 1995.

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Louis, Eugène, Alphonse, Jouvin naît le 28 décembre 1907 à Caen (Calvados – 14), chez ses parents, Félis Jouvin, peintre en bâtiment, 38 ans, et Maria Herp, 28 ans, son épouse, domiciliés au 16, rue Moisant-de-Brieux.

Le 15 août 1926, à Caen, Louis Jouvin se marie avec Yvonne Poulain (?). Ils auront deux fils nés avant la guerre : Pierre, né le 7 mai 1927, et Jean-Louis, né le 14 mars 1929.

Au moment de l’arrestation du père de famille, celle-ci est domiciliée rue Mathilde-Julio au Grand-Quevilly (Seine-Maritime [1] – 76), au sud-ouest de l’agglomération de Rouen, dans la boucle de la Seine.

Louis Jouvin est agent technique aux PTT.

Il est membre du Parti Communiste français et du bureau départemental de la CGT de Seine-Maritime.

Yvonne, qui milite également au Parti communiste, travaille dans le café-épicerie de Jeanne et Michel Bouchard, à Grand-Quevilly ; ils sont amis..

Le couple est également proche de la famille de Marcel Ledret : Pierre Jouvin joue avec leurs garçons, Madame Ledret fera traduire les lettres de Louis Jouvin arrivant d’Auschitz à l’été 1943.

Mobilisé le 1er septembre 1939, Louis Jouvin est affecté à un régiment d’artillerie basé dans le Nord, où il ne fait que creuser des tranchées. Mal nourri, privé de permissions, il écrit chaque jour à sa épouse qui lui répond au même rythme. En mars-avril 1940, il est envoyé « à l’arrière » au sein une « équipe agricole » conservant le statut militaire. Il travaille comme valet de ferme dans l’exploitation de Villededon, à Saintry-sur-Seine, près de Corbeil-Essonne (91). On lui refuse toujours une permission pour lui permettre d’aller voir sa famille.

Fin mai-début juin 1940, les soldats doivent quitter brusquement la ferme pour rejoindre « l’enfer de Dunkerque ». Louis Jouvin réussit à en réchapper et à embarquer pour l’Angleterre, d’où il envoie quatre cartes postales à Yvonne entre le 5 et le 6 juin. Quatre jours plus tard, il est rapatrié en France, où les rares rescapés de son régiment sont envoyés « se reformer » à Nîmes, après des marches harassantes. Finalement, démobilisé, il rejoint les siens à la fin de l’été.

Sous l’occupation, Louis Jouvin participe à des distributions de tracts et de presse clandestine ; il réalise des sabotages de circuits téléphoniques

Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Louis Jouvin…

Dans la nuit du 21 au 22 octobre 1941, il est arrêté chez lui par la police française, lors de la grande rafle de Rouen et de sa banlieue [2] .

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Rouen. La caserne Hatry dans les années 1920.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés

Louis Jouvin est conduit à la caserne Hatry de Rouen, puis transféré le 28 octobre 1941 au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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Un coin du camp de Royallieu. Dessin de Louis Jouvin.
Collection Catherine Voranger. Droits réservés.

Enregistré sous le matricule 2099, il est assigné au bâtiment A2, chambre 8, puis au bât. A3, ch. 10.

Le 17 juin 1942, Yvonne, son épouse, est autorisée à lui rendre une visitedans ce camp, après avoir longtemps hésité à faire cette demande. Elle arrive à Compiègne la veille, avec ses enfants (au moins Jean-Louis), et tous parviennent à se voir à travers les planches de l’enceinte. À l’occasion de cette rencontre, Louis lui remet – sur un fragment de page de cahier – une liste de commissions à effectuer concernant l’envoi de colis pour les camarades de Seine-Maritime détenus avec lui : Michel (probablement Michel Bouchard), Émile (probablement Émile Billoquet), Vallet (probablement Albert Vallet), Ferdinand Thiault, Gustave Jonquais, Gérard (probablement Gérard Marti, de Oissel), Briand (probablement Louis Briand), Maurice Guyot, Marcel Nadaud, André (peut-être André Bréançon, de Petit-Quevilly), Marcel (certainement, Marcel Ledret), Jean Valentin ; Charles Godot, de Rouen, et Louis Gangloff, de Villerupt, acceptant de servir de prête-noms pour recevoir des colis destinés à leurs camarades. Précédemment, après avoir transmis sa demande de visite, Yvonne avait écrit à Louis : « …J’aurai tant de plaisir à te voir et à t’embrasser, tant pis si c’est court, je t’aurai vu. J’ai été voir Mme Person. Elle m’a dit avoir vu des copains qui lui ont dit bonjour, mais elle ne les connaît pas. Mais moi je vous connais bien et cela me fera plaisir de les apercevoir tous. Je pourrai le dire aux femmes et elles seront contentes, car si peu nous fait tant plaisir… »

Louis Jouvin réalise plusieurs petits objets découpés dans du linoléum et gravés de dessins sur le thème du camp.

Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Jouvin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

La famille de Louis Jouvin recevra l’avis imprimé daté du 15 juillet et envoyé par l’administration militaire de Royallieu pour l’informer qu’il a été transféré dans un autre camp et qu’elle sera prévenue ultérieurement de sa nouvelle adresse.

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Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Louis Jouvin est enregistré au camp souche d’Auschwitz(Auschwitz-I) sous le numéro 45697, ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard. Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Louis Jouvin est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Là, il est affecté au Kommando des couvreurs (Dachdeckerkommando).

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.

En janvier 1943, Yvonne Jouvin échappe à une arrestation par la police française. Le Parti communiste clandestin l’envoi à l’abri dans la Somme, grâce à des cheminots de Dieppe. Là, sous différents pseudonymes dont celui de « Claire », elle devient agent de liaison dans un réseau de résistance.

En juillet, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz, essentiellement des “45000”, reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis. La première lettre de Louis Jouvin est datée du 3 juillet, écrite en allemand par un camarade (neuf autres ont été conservées).

À la mi-août, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Le 12 décembre, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Louis Jouvin est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 29 août 1944, il est parmi les trente “45000” [4] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL [5] Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont assignés au Block 66.

Début octobre 1945, il est parmi les huit “45000” transférés avec d’autres détenus à Kochendorf (Kommando de Natzweiler-Struthof), dans le massif du Neckar, une ancienne mine de sel aménagée en usine souterraine pour la construction des V2.

Fin mars 1945, le même groupe est dans une colonne de détenus évacués à marche forcée jusqu’à Augsbourg, puis en train jusqu’à Dachau, où ils arrivent le 8 avril. Le camp est libéré par l’armée américaine le 29 avril 1945. Louis Jouvin écrit aussitôt deux lettres à sa famille.

Il est rapatrié en France le 18 mai.

Après la Libération, son fils Pierre s’est engagé au sein du 1er bataillon du 67e régiment d’Infanterie et a participé à la libération de Dunkerque le 9 mai 1945, lendemain de la capitulation allemande. Il n’est démobilisé qu’en octobre 1945.

Le 13 mai 1945, avant même son retour, Louis Jouvin est présenté en tête de la liste d’Unité républicaine, patriotique et antifasciste au scrutin de ballottage des élections municipales à Grand-Quevilly. Il est élu maire de sa commune et Adrien Fontaine, deuxième sur la liste, conseiller municipal.

Louis Jouvin est décoré de la Croix de guerre 1939-1945 et de la médaille de la Déportation.

Il milite à la FNDIRP, dont il est, pendant un temps, membre du bureau départemental.

Avec Lucien Ducastel, Louis Jouvin et Germaine Pican, de la région rouennaise, il organise la première rencontre des “45000” et des “31000” qui se tient le 26 juin 1960, puis la commémoration à Rouen du 20e anniversaire de la libération d’Auschwitz

Louis Jouvin décède le 7 février 1995.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 348 et 349, 358, 375 et 408.
- Catherine Voranger, sa petit-fille, copies de documents transmis à M.-V. ; messages (09-2012, 02-2013).
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : Questionnaire rempli par Louis Jouvin (20 octobre 1987) – Attestation du Front national de lutte pour l’indépendance de la France (22/10/1968) – Lettre de G. Gourdon à Roger Abada (45157), 8 août 1988 – Mémorial de Sachsenhausen.
- Archives départementales du Calvados, archives en ligne ; état civil de Caen, registre des naissances de l’année 1907, acte n° 988 (vue 257/287).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-05-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Notes

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste).

Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire “A”, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. En effet, tous les hommes appréhendés furent remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941.

44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.

(*) 150 selon “30 ans de luttes”, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).

[4] Les trente d’Auschwitz vers Sachso : (ordre des matricules, noms de G à P) Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Legal (45767),Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775),Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826),Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel(45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).

[5] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

 

André GAUTHIER – (45580 ?)

André Gauthier, né le 23 octobre 1903 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), domicilié à Saint-Denis, mort à Auschwitz le 19 février 1943.

JPEG - 71.6 ko
IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

André Gauthier naît le 23 octobre 1903 à Saint-Denis [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), chez ses parents, Joseph Gauthier, 25 ans, journalier, et Antoinette Laboucheix, son épouse, 31 ans, domiciliés au 20, rue du Landy. Il a un frère jumeau, Gabriel.

André Gauthier acquiert une formation d’ajusteur monteur diesel.

À partir de 1922, il travaille comme ajusteur mécanicien aux Ateliers de la Loire, 2 quai de la Seine à Saint-Denis.

Le 18 juin 1927 à Brest (Finistère), André Gauthier épouse Marie Le Hir, née le 22 février 1901 dans cette ville. Ils auront deux enfants : Andrée, née le 25 décembre 1929, et Denise, née le 23 juin 1931.

Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée dans un logement au 13, rue Nicolas-Leblanc à Saint-Denis.

En 1936, André Gauthier est délégué d’équipe. Il reçoit à son domicile des collègues que la police considère comme des sympathisants communistes. Cependant, interrogé après son arrestation, il déclarera n’avoir jamais appartenu au Parti communiste et son épouse témoignera qu’il n’a eu d’activité que syndicale.

Après la déclaration de guerre de septembre 1939, il est “affecté spécial” dans son entreprise, qui produit pour la Défense nationale.

Le 6 décembre 1940, André Gauthier est arrêté par les services du commissariat de police de la circonscription de Saint-Denis. Soupçonné d’activité communiste clandestine, il est appréhendé en application d’un arrêté d’internement signé du préfet de police. Le même jour, il est conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940. Arch. dép. des Yvelines (cote 1W71).

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact
après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines (cote 1W71).

Le 31 mars 1941, Marie Gauthier écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter une autorisation de visite, indiquant que son mari attend toujours qu’on lui dise le motif de son arrestation et qu’on réponde à une demande de révision de son dossier. Ajoutant que tout secours pour elle et ses enfants lui a été jusqu’ici refusé, elle demande au préfet soit une allocation, soit la libération de son mari. Le même jour, elle envoie au préfet de la Seine une lettre rédigée dans les mêmes termes, dans l’attente d’une allocation aux familles de prisonniers annoncée dans les journaux. Le préfet de la Seine transmet son courrier au préfet de police…

Le 19 novembre 1941, de Brinon, ambassadeur délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, écrit au préfet de police pour lui faire connaître qu’il lui a été demandé de faire procéder à la libération de sept internés, en lui demandant s’il a « une objection grave à formuler à l’encontre de ces libérations, les intéressés s’étant signalés comme étant amendés depuis leur internement. »

Le 31 janvier 1942, Marie Gauthier écrit simultanément au préfet de la Seine et au préfet de police pour solliciter la libération de son mari. Dans chaque courrier, elle indique que le Syndicat des Métaux a déjà adressé une requête en ce sens, à laquelle il n’a pas été donné suite.

Le 27 février 1942, le commissaire de police spécial commandant le camp signe un procès verbal d’audition d’André Gauthier avec proposition de libération portant un avis favorable. Le 6 mars, le préfet de Seine-et-Oise appose sa signature sur ce document, en suivant l’avis du chef de camp.

Le 5 mai, André Gauthier fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir). Inscrit sous le matricule n° 365, il n’y reste que cinq jours.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, André Gauthier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Gauthier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45580, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté André Gauthier.

En France, le 15 octobre, consulté sur l’opportunité de lever ou de maintenir la mesure d’internement prise à l’égard d’André Gauthier, le commissaire de police de la circonscription de Saint-Denis émet l’avis suivant : « Gauthier était connu avant 1939 comme ayant des idées communistes. Il est à noter qu’il semble avoir été entraîné dans la propagande par des individus qui ont abusé de sa crédibilité. Les renseignements recueillis sur Gauthier lui sont nettement favorables à tous les points de vue ; il semble qu’une mesure de clémence pourrait être prise à son égard. »

André Gauthier meurt à Auschwitz le 19 février 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].

Le 17 décembre suivant, son épouse est embauchée comme serveuse à la cantine de l’usine des Chantiers de la Loire.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 1-12-1992).

Notes :

[1] Saint-Denis : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant André Gauthier, c’est le mois de janvier 1943 qui a été initialement retenu pour certifier son décès (rectifié en 1995 sur le registre des naissances). Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 386 et 405.
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives de la Ville de Saint-Denis, site internet : registre des naissances de l’année 1903, deuxième semestre (cote E 324), actes 1502 et 1501 (vue 111/136).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 812-34220).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w73, 1w117 (dossier individuel).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 336 (9143/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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André GAULLIER – 46238

André, Bernard, Gaullier, né le 11 février 1921 à Ormes (Loiret), domicilié à Orléans (Loiret), rescapé, évadé au cours d’une “marche de la mort” le 12 avril 1945, décédé le 1er septembre 1981.

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

André, Bernard, Gaullier naît le 11 février 1921 à Ormes, au nord-ouest d’Orléans (Loiret – 45), fils de Georges Élie Gaullier et de Marie Philomène Pelletier, son épouse.

André Gaullier est célibataire au moment de son arrestation (il a tout juste 20 ans…). Il habite chez ses parents, Route Nationale à Ormes.

Il est plombier-couvreur de profession.

De 1937 à juin 1940, André Gaullier est employé au camp d’aviation d’Orléans-Bricy (45), aérodrome militaire (base 123) par différentes entreprises de travaux publics : Legrand, Bollard, La Parisienne et l’Électro-Mécanique

Lors de l’exode de juin 1940, il part avec ses parents se réfugier chez son oncle, Joseph Gaullier, cultivateur à Montrieux, en Sologne (Loir-et-Cher), où ils séjournent pendant trois semaines. Le jeune homme participe peut-être aux travaux agricoles. Puis la famille revient à Ormes. De juillet à novembre 1940, André Gaullier travaille alors comme ouvrier chez Henri Terrasse, fumiste rue Saint-Marc à Orléans.

Celui-ci n’ayant plus de travail, le jeune homme se fait embaucher comme couvreur (?) à l’entreprise de travaux publics de François G., qui travaille au camp d’aviation militaire d’Orléans-Bricy, aérodrome alors réquisitionné par la Luftwaffe (armée de l’Air allemande)

En janvier 1941, André Gaullier est contacté par Louis Breton [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], à la demande de Marcel Boubou, tous deux d’Orléans, afin de distribuer des tracts sur son lieu de travail ainsi qu’aux habitants des environs. André Gaullier semble être également en contact clandestin avec Henri Delamotte, d’Ormes, et Delaporte (?), d’Olivet (45)…

Le 21 mai 1941, dans son rapport hebdomadaire sur le communisme en France, transmit à l’Office central de sécurité du Reich (Reichssicherheithauptamt – RSHA) à Berlin, le service (Amt) IV A 1 de la Gestapo de Paris rend compte : « Environ 4000 travailleurs de diverses nationalités, mais essentiellement des Espagnols et des Italiens, sont employés depuis quelque temps sur l’aérodrome militaire de Bricy, à 20 km d’Orléans. Parmi eux se trouveraient de nombreux anciens combattants de l’Espagne rouge et des antifascistes. Selon toute apparence, il n’y a pas encore eu jusqu’à aujourd’hui de contrôle de ces personnes. Nombre d’entre elles n’auraient même pas le moindre papier d’identité. Une enquête confidentielle a révélé qu’une intense propagande orale communiste est menée parmi ces travailleurs et qu’à plusieurs reprises des tracts communistes ont circulé. La police française d’Orléans a été invitée à mettre rapidement en œuvre des mesures pour empêcher la propagande communiste et à mettre fin à cette situation impossible. »

Le 11 avril, André Gaullier est dénoncé comme propagandiste très actif de l’ex-Parti communiste, notamment soupçonné de coller des “papillons” en divers endroits. Ultérieurement, il suspectera plusieurs habitants d’Ormes, dont le maire de la commune, d’être les auteurs de cette délation.

Le 17 avril, une enquête (police ou gendarmerie ?) est effectuée. Deux jours plus tard, le 19 avril, le préfet du Loiret prend un arrêté d’internement administratif à son encontre et à celui de Roger Pinault (22 ans), habitant lui aussi à Ormes.

Le 21 avril 1941, à 18 heures, André Gaullier est arrêté chez ses parents par deux gendarmes de la brigade de Cercottes (45) ; parmi les témoins de son arrestation, le tenancier d’un café d’Ormes. Roger Pinault est arrêté le même jour.

Ensuite, « en attendant l’installation définitive du camp de Jargeau » (un projet abandonné en ce qui les concerne), les deux jeunes gens sont conduits à la Maison d’arrêt d’Orléans, où se trouve déjà Maurice Graffin, 21 ans, d’Orléans, cimentier, détenu depuis le 12 février.

En haut à gauche, à côté de la gendarmerie, la maison d’arrêt. En bas à droite, en face de la caserne d’artillerie, la prison militaire. Ville d'Orléans. Plan général de la commune 1/2000e [en 14 feuilles], 1934, feuille n° 3 (1Fi154-5). Extrait.  © Orléans métropole, site internet, archives municipales et communautaires.

En haut à gauche, à côté de la gendarmerie, la maison d’arrêt. En bas à droite, en face de la caserne d’artillerie, la prison militaire.
Ville d’Orléans. Plan général de la commune 1/2000e [en 14 feuilles], 1934, feuille n° 3 (1Fi154-5). Extrait.
© Orléans métropole, site internet, archives municipales et communautaires.


Ensuite, « en attendant l’installation définitive du camp de Jargeau » (un projet abandonné en ce qui les concerne), les deux jeunes gens sont conduits à la Maison d’arrêt d’Orléans, où se trouve déjà Maurice Graffin, 21 ans, d’Orléans, cimentier, détenu depuis le 12 février.

Le 12 juin, tous trois sont finalement transférés au camp français de Choiseul à Châteaubriant (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique), ouvert fin avril et où ils restent internés presque une année ; André Gaullier est, sans doute, comme Roger Pinault, assigné au quartier des politiques, bâtiment 27. Dans ce camp, ils assistent au départ des 27 otages de représailles désignés par l’armée d’occupation pour être fusillés dans la carrière de la Sablière, parmi lesquels Raymond Laforge, instituteur de Montargis (45), et Raymond Tellier, imprimeur d’Amilly (45), avec d’autres militants, plus ou moins connus : Jean Poulmarc’h, Jean-Pierre Timbauld, Guy Môquet…

Le 30 octobre, le sous-préfet de Châteaubriant téléphone au préfet du Loiret pour obtenir des informations sur les trois détenus politiques du camp transférés depuis son département, en lui demandant de les classer dans une des trois catégories suivantes : « dangereux, militants ou anciens militants ». La réponse écrite est transmise le jour même (« anciens militants », sic !). Le 6 novembre, le sous-préfet de Châteaubriant écrit au préfet du Loiret pour lui transmettre une “grille” de renseignements à remplir pour trois « indésirables » loirétains de Choisel (en l’occurrence, des Juifs étrangers) et à compléter pour les trois internés politiques, afin de lui « permettre de répondre à une nouvelle demande des Autorités allemandes […] J’attacherais du prix à recevoir ces renseignements pour le 15 novembre, car je dois les fournir, très complets, aux Autorités allemandes le 20 novembre au plus tard. »
——
Nom et prénoms
Date et lieu de naissance
Domicile
Arrêté le ….. à …..
Motif de l’arrestation.
Autorité ayant ordonné l’arrestation.
Autorité qui a procédé à l’arrestation.
Condamné le …..
Tribunal.
Peine prononcée.
Lieu d’arrestation.
Passé et orientation politique.
——
À une date restant à préciser, la Feldkommandantur d’Orléans complète trois fiches-formulaires de « Jeune communiste »  concernant André Gaullier, Maurice Graffin et Roger Pinault. Ces fiches sont la traduction exacte des formulaires d’information complétés par l’administration française, à un détail près… Au verso du formulaire allemand figure un item supplémentaire : « Raisons pour lesquelles est présumée l’aptitude particulière à l’exécution : » (Gründe, aus denen die besondere Eignung für die Exekution angenommen wird : ). Les informations collectées visent à établir des listes d’otages pour « expiation » (Sühneliste) [2].

Vers le 17 mai 1942, les trois jeunes Loirétains sont remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Cependant la fiche d’otage porte, seule mention manuscrite (d’ajout ultérieur ?) : « Compiègne 18.4.42 ».

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, André Gaullier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Gaullier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46238 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Gaullier est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 22.

En mars 1943, il est admis au service de chirurgie de l’hôpital d’Auschwitz suite à une double fracture de la jambe et du pied gauches.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, André Gaullier est parmi les “politiques” français rassemblés (environ 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, André Gaullier est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL [3] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matr. 19891). Lucien Vannier, d’Orléans, le deuxième Loirétain survivant, est également dans ce transport.

Le 29 octobre, tous deux sont parmi les onze “45000” transféré à Wansleben (Kommando du KL Buchenwald), une usine de potasse (matr. 93417).

Le 12 avril 1945, André Gaullier est dans une des colonnes de détenus évacués de ce camp à marche forcée vers le nord de Halle. André Gaullier, Maurice Rideau et René Gaudin (?) s’évadent de la colonne le lendemain (vers Leeting ?) pour rejoindre l’armée américaine.

Le 7 mai suivant, André Gaullier est rapatrié en France par avion. Il est de retour à Orléans le lendemain.

Le 23 février 1946, à Orléans, André Gaullier – alors cimentier-boiseur – se marie avec Anna Maestri, née à Paris 12e le 6 juin 1926. Ils auront deux enfants.

Le 20 décembre 1950, à Orléans, il complète et signe un formulaire du ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre (ACVG) pour demander que lui soit attribué le titre de Déporté Résistant. Sa demande reçoit un avis défavorable de la Commission départementale le 14 mars 1951, estimant « qu’à la date de l’arrestation, les tracts distribués ne pouvaient pas… » Ayant reçu la notification de ce rejet par le ministère le 20 octobre 1953, il se résout à solliciter une carte de Déporté politique. La commission réunie le 2 juillet 1954 émet un avis favorable.

André Gaullier délivre plusieurs attestations de décès à Auschwitz pour des “45000” loirétains : Henri Delamotte, Roger Pinault, d’Ormes…

André Gaullier décède le 1er septembre 1981, âgé de 60 ans.

Notes :

[1] Louis Breton, né le 15 avril 1914 à Orléans (45), est déporté dans le transport de 1218 hommes parti de Compiègne le 22 mars 1944, et arrivé trois jours plus tard au KL Mauthausen (comptant 640 décédés et disparus en déportation, soit 52,5 %). Premier convoi de l’année 1944 vers ce camp, il répond alors certainement à un besoin de main-d’oeuvre accru des usines dépendant du complexe de Mauthausen pour soutenir l’effort de guerre allemand. Enregistré sous le matricule n° 59645, Louis Breton est ensuite affecté au Kommando souterrain de Loibl Pass, tunnel routier entre l’Autriche et la Slovénie, où il est libéré le 7 mai 1945 par les partisans de Tito. Rescapé, il obtient après guerre la carte de Déporté résistant, la Croix de guerre, la Médaille militaire et est fait chevalier de la Légion d’honneur (source : Guillaume Quesnée, convoi I.191, Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, tome 3, pages 268-269 et 276).

[2] Les listes d’otages (Geisellisten) étaient établies par les Feldkommandant au niveau de chaque département, afin de proposer au commandant de leur région militaire ceux qui leur paraissaient devoir être fusillés après un attentat. Ces listes devaient être constamment tenues à jour, du fait des nouvelles arrestations, des exécutions, des libérations et des transferts de prisonniers d’un lieu d’incarcération à l’autre. À la suite de l’avis du 14 décembre 1941, les Feldkommandant eurent également à désigner des otages en vue de leur déportation. Le 6 mars 1942, le mot Geisel fut abandonné au profit de Sühneperson (personne devant être choisie en cas de représailles) : le mot Sühne, possédant une connotation morale, signifie littéralement “expiation”, “réparation”, et est généralement traduit par “représailles” s’agissant de la politique des otages.

[3] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 58-62, 346 et 347, 358, 365 et 405.

- La Gestapo contre le Parti communiste, rapport sur l’activité du PCF, décembre 1940-juin 1941, messidor-éditions sociales, collection problèmes-histoire, Paris, novembre 1984, p. 89.

- Archives départementales du Loiret, Centre des archives modernes et contemporaines, cité administrative Coligny, Orléans : Internements administratifs, listes, dossiers individuels et collectifs, correspondance, 1940-1945 (138 W-25856) ; Civils condamnés par les autorités d’occupation, 1941-1944 (109 W-20807).

- Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Mémorial de la Shoah, Paris : État-major allemand en France, microfiches, XLIV-62, Feldkommandantur d’Orléans.

- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 p 612-665).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 28-04-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

Notes

[1] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

 

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Marcel DUPUY – 45512

Marcel, Augustin, Dupuy, né le 25 avril 1898 à Paris 4e, domicilié à Colombes (Hauts-de-Seine), mort à Auschwitz le 18 septembre 1942.

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[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

D.R.

D.R.

Marcel, Augustin, Dupuy naît le 25 avril 1898 à Paris 4e (75), fils de Joseph Dupuy, 28 ans, employé, et de Marie Charraud, son épouse, 20 ans, domiciliés au 91, rue des jardins Saint-Paul. (tous deux seront décédés au moment de son mariage).

Pendant un temps, il vit chez ses parents au 2 avenue Carnot à Champigny-sur-Marne (Seine / Val-de-Marne).

De 1911 à 1916, Marcel Dupuy travaille comme forgeron, puis devient dessinateur industriel (dessinateur-outilleur).

De la classe 1918, il est appelé au service armé le 1er mai 1917 et incorporé comme canonnier de 2e classe au 105e régiment d’artillerie lourde. Le 12 avril 1918, il passe au 114 RAL. Le 28 août 1918 à Sarcy (Marne), il est blessé par un éclat d’obus alors qu’il est en service commandé. Il retourne “aux armées” le 8 octobre suivant. Le 1er octobre 1919, il passe au 108e RAL, puis, le 1er janvier 1920, au 230e régiment d’artillerie de campagne. Le 12 juin suivant, il est “renvoyé dans ses foyers”, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En 1936, la 1ère commission de réforme de la Seine lui reconnaîtra un taux d’invalidité inférieur à 10 % pour cicatrice de plaie pénétrante du creux poplité droit, lui occasionnant des crampes fréquentes de la jambe et une gêne légère de la marche.

En juin 1920, il habite chez Monsieur Lachaze, domicilié au 5 rue Bertrand-de-Born à Brive-la-Gaillarde (Corrèze).

Le 30 juin 1921 à Tulle (Corrèze), Marcel Dupuy se marie avec Berthe Chassagnite, née dans cette ville le 13 septembre 1900. Ils n’auront pas d’enfant, mais élèveront un de leurs neveux.

Pendant six ans, Marcel Dupuy est employé à la Compagnie des Chemins de fer de Paris à Orléans.

En 1926, il subit une grave opération chirurgicale ; conséquence d’une maladie pulmonaire, sa mère étant décédée « de la poitrine » à 31 ans ?

En 1929, le couple habite au 5, rue Eugène (Sue ?) à Paris 18e. En août 1934, il demeure au 494 rue de Nanterre à Colombes [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92)

En mai 1939 et jusqu’au moment de son arrestation, Marcel Dupuy est domicilié au 6, rue du Docteur-Roux à Colombes.

Pendant dix ans, il est employé comme dessinateur à la Société d’emboutissage et de constructions mécanique (avions Amiot), 171 boulevard de Valmy à Colombes (il y travaille en novembre 1933).

De 1936 à 1939, il est adhérent au Syndicat des techniciens d’aviation. Dans la même période, il est simple adhérent au Parti communiste.

Le 5 octobre 1939, Marcel Dupuy est mobilisé comme “affecté spécial” au sein de la Société d’outillage mécanique à Levallois-Perret. En juin 1940, il est transféré à l’usine J.M. (?) de constructions aéronautiques à Levallois-Perret quand celle-ci est évacuée. Ayant suivi les instructions concernant le repli de cette entreprise, il revient chez lui au début du mois de juillet. Il aide ses deux belles-sœurs, alors veuves, et verse une pension à son beau-père, paralysé.

Le 16 octobre 1940, il est arrêté à Colombes pour « propagande communiste clandestine » (distribution de tracts) par des agents du commissariat de la circonscription de Puteaux, où il est battu. Le 18 octobre, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à quatre mois de prison pour infraction au décret du 26 septembre 1939. Il est écroué (mandat de dépôt) à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e) où son épouse pourra lui rendre visite.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 14 janvier 1941, la 12e Chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à quatre mois de prison dans une nouvelle procédure, parmi 23 militants clandestins jugés lors de la même audience, dont Émile Bouchacourt, Raoul Platiau, René Jodon… Tous les condamnés font appel de la sentence. Bien qu’il ait probablement purgé sa peine en détention préventive, Marcel Dupuy n’est pas libéré, car considéré comme un « meneur dangereux » : le 18 janvier, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif à la Maison centrale de Clairvaux (Aube).

Le 20 janvier 1941, Marcel Dupuy fait partie d’un groupe de 69 militants communistes conduits à la gare de l’Est et rejoints par une centaine d’autres venant de la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [2] (Maine-et-Loire). Le train les amène à la gare de Clairvaux d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à la centrale de Clairvaux. Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 24 mars, Marcel Dupuy est ramené – seul (?) – à Paris et conduit à la Santé, en préalable à son passage devant la cour d’Appel. Le 29 avril, celle-ci confirme sa peine. Il est prévu qu’il soit ramené à Clairvaux, mais le quartier de la centrale utilisé comme centre d’internement est « complet » : il reste interné à la Santé – 14e division, cellule 7 – et n’est ramené à Clairvaux que pour y rester une quinzaine de jours.

Le 15 septembre 1941, il fait partie d’un groupe d’internés transférés au « centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle.

Le camp de Gaillon, ancien château de l’évêque de Rouen. Carte postale d’après-guerre. Collection Mémoire Vive.

Le camp de Gaillon, ancien château de l’évêque de Rouen. Carte postale d’après-guerre. Collection Mémoire Vive.

En mars 1942, la délégation générale du ministère de l’Intérieur à Paris téléphone pour proposer sa libération, ce qui entraîne son audition par le directeur du camp le 19 mars.

Le 4 mai 1942, Marcel Dupuy fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 280, il n’y reste que deux semaines.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 20 mai, il fait partie des 28 internés de la Seine que viennent chercher des gendarmes français. Pensant qu’on les emmène pour être fusillés, les partants chantent La Marseillaise. En fait, remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Dupuy est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Dupuy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45512, selon les listes reconstituées du convoi et par comparaison d’un portrait “civil” avec la photo du détenu portant ce matricule [3].

JPEG - 73.5 ko
(voir le “doublon” ci-dessous…)
JPEG - 73.8 ko
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
(voir le “doublon” ci-dessus…)

Après les premières procédures (tonte, désinfection, uniforme, photo), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (le génocide des Juifs européens), ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20  du secteur B-Ib (le premier créé).

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcel Dupuy.Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits aux registres des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [4]). Une copie de l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Dr Kremer) parvient en France à une date inconnue (probablement après la guerre). La cause mensongère portée sur ce document est « faiblesse cardiaque » (Myocardinsuffizienz) ; la date sera celle rapidement officialisée par l’état civil français.

Le 19 mars 1946, Aimé Oœuf signe une attestation au nom de la section de Vincennes de la FNDIRP selon laquelle Marcel Dupuy est décédé à Auschwitz le 18 septembre 1942. La veuve de celui-ci habite alors au 4, rue de l’Égalité, à Vincennes, chez Madame Le Temple. En octobre 1946, elle résidera au 8, rue du Parc, à Saint-Mandé, et en septembre 1947, au 38, rue de la République, dans cette commune.

En septembre 1947, la mention « mort pour la France » est inscrite en marge de l’acte de décès de Marcel Dupuy.

Il est homologué comme “Déporté politique”.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-05-1989).

Notes :

[1] Colombes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.

[3] Photographie d’immatriculation : le détenu portant le matricule 45512 est (avec un autre) le seul à avoir été photographié deux fois, à cause d’une erreur de l’opérateur qui a oublié de changer le dernier chiffre amovible sur son support. On peut supposer une précipitation due à l’arrivée inattendue de ce convoi (selon certains témoignages).

[4] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail”. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés montent dans des camions qui les conduisent à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 403.
- Cl. Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense (fichier national) – Lettre de Robert Guérineau, ancien résistant qui a effectué des recherches dans les registres d’état civil de la mairie de Colombes.
- Archives de Paris, site internet archives en ligne : registre des naissances du 4e arrondissement, année 1898 (V4E 8292), acte n° 665 (vue 14/31).
- Archives de Paris : registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine ; registres des matricules du recrutement militaire, classe 1918, 4e bureau de la Seine (D4R1 2075), matricule 4246.
- Archives départementales de l’Eure, Évreux : camp de Gaillon, dossier individuel (89w4) et PV d’auditions (89w13), recherches de G. Petiot (message 08-2014).
- Comité du souvenir du camp de Voves : liste établie à partir des archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 644-18952).
- Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996, page 61. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 246 (31663/1942).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Marcel Dupuy (21 p 446 361), recherches de Ginette Petiot (message 08-2014).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-06-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]

Claude DROMARD – 45484

Claude, Joseph, César, Dromard, né le 31 octobre 1910 à Seloncourt (Doubs), domicilié à Courbevoie (Hauts-de-Seine), mort à Auschwitz-I à une date inconnue.

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Claude, Joseph, César, Dromard naît le 31 octobre 1910 à Seloncourt (Doubs).

Le 12 août 1933, à la mairie de Boulogne-Billancourt [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), il se marie avec Mireille Martin, née le 30 avril 1915 dans cette commune. Ils auront deux enfants.

Au moment de son arrestation, Claude Dromard est domicilié au 39, rue des Fauvelles à Courbevoie (92) [1].

Claude Dromard est tôlier (dans quelle entreprise ?).

Sous l’occupation, la police française le considère comme un « meneur communiste actif ».

Le 8 mars 1941, Claude Dromard est arrêté – avec Alexandre Lafargue, de La Garenne-Colombes (92) [1], 35 ans, serrurier – par les services du commissariat de police de la circonscription de Courbevoie pour avoir « pris une part active dans le développement de la propagande clandestine » (diffusion de tracts). La perquisition opérée à leurs domiciles  respectifs amène la découverte d’environ 1500 tracts (probablement trouvé chez Lafargue). Inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939, les deux hommes sont conduits au dépôt de la préfecture à la disposition du procureur de la République.

Le 3 avril, Claude Dromard bénéficie d’une main-levée. Mais il n’est pas libéré pour autant…

Dès le lendemain, 4 avril, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif de Claude Dromard, en application du décret du 18 novembre 1939. Le 21 avril, Claude Dromard fait partie d’un groupe d’internés transférés du dépôt au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 25 août, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine condamne son camarade Alexandre Lafargue à six mois de prison. Celui-ci vient alors d’accomplir sa peine en détention préventive, mais n’est pas libéré : le lendemain, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif au camp français de Châteaubriant (Loire-Inférieure). Affecté ensuite comme travailleur surveillé sur un chantier de l’organisation Todt en Charente-Maritime, il s’évadera du camp de La Rochelle le 11 mai 1944.

Le 6 septembre, Claude Dromard est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 22 mai 1942, Claude Dromard fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduit au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Claude Dromard est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandises d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandises
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Claude Dromard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45484 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Claude Dromard est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Là, il est assigné au Block 4.On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943 [2].

Son nom ne figure pas dans la liste établie par la mairie de Courbevoie de ses habitants fusillés et déportés.

Après la guerre, sa veuve, infirmière, habite au 6, rue Henri-Barbusse à Clichy-la-Garenne [1].

Il est homologué comme “Déporté politique” (27/9/1961). La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 24-03-1989).

Notes :

 [1] Boulogne-Billancourt, Courbevoie et Clichy-la-Garenne : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’état civil français a fixé le décès de Claude Dromard au mois de décembre 1942 (acte de disparition 24/9/1947). Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. La parution au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 382 et 402.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; cartons Parti communiste (BA 1928) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 667-19082) ; registre de main courante du commissariat de Courbevoie, du 6 avril 1940 au 31 mars 1942 (C B 85-16).
- Mémorial de la Shoah, Paris : archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), liste XLI-42, n° 71.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) : registre du Block 4.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-06-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Roger DEJAMEAU – 45474

Roger, Charles, Déjameau, né le 20 août 1907 à Niort (Deux-Sèvres), domicilié à Niort, mort à Auschwitz le 26 février 1943.

JPEG - 85.8 ko
Droits réservés.

Roger, Charles, Déjameau naît le 20 août 1907 à Niort (Deux-Sèvres – 79), chez ses parents, Gustave Amédée Déjameau, 27 ans, foulonnier, et Mathilde Hortense Léau, 26 ans,  son épouse, domiciliés au 5 rue du Fort Foucault. Les témoins pour la présentation du nouveau-né à l’état-civil sont un oncle paternel de l’enfant et un collègue du père, tous deux chamoiseurs. Roger a – au moins – une sœur aînée, Georgette, née à Niort en 1903.

Leur père est mobilisé dans l’artillerie du 3 avril 1915 au 23 janvier 1919.

Le 5 octobre 1929, à Niort, Roger Déjameau se marie avec Alexandrine Meneau.

Au moment de son arrestation, il est probablement domicilié à Niort (adresse à préciser).

Roger Déjameau est électricien à la Société française d’éclairage et de chauffage par le gaz à Niort.

Militant communiste dévoué et dynamique, Roger Déjameau appartient à la cellule n°1 de la rue de Strasbourg et met en place – avant même la création des CDH (Comités de défense de L’Humanité) – une équipe de vendeurs bénévoles pour la diffusion du journal local du Parti communiste, Le Semeur. Chaque dimanche, il fait « 50 km à vélo » pour distribuer la presse communiste. Il est à l’origine de la création d’une cellule à Chauray (79). Partout, il suscite la sympathie, par son caractère « gai, enjoué, avenant » et « par son habilité dans la discussion ».

Au cours de l’été 1940, après sa démobilisation, Roger Déjameau reprend son action dans le Parti communiste clandestin. Avec ses camarades Poupeau et Ravard, il écrit, sur l’avenue de Paris, à Niort, l’inscription qui servira de prétexte à son arrestation : « Libérez nos camarades. À mort Hitler ».

Le 27 juillet 1941, Roger Déjameau est arrêté par la police française, avec ses deux compagnons. Détenu à la prison de Niort, il est jugé en février 1942 et condamné à six mois de détention (déjà purgés en “préventive”). Puis il est interné au camp français de Rouillé (Vienne).

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Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant.

Le 18 mars 1942, Roger Déjameau est parmi les treize “jeunes” communistes « extraits par les autorités allemandes et transférés, pour des raisons qui n’ont pas été indiquées » au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager) ; tous sont de futurs “45000” sauf André Giraudon, de Bourges, fusillé au Mont-Valérien le 9 mai 1942. Roger Déjameau est enregistré à Royallieu sous le matricule 3809.

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Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Entre fin avril et fin juin 1942, Roger Déjameau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roger Déjameau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45474 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

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Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Roger Déjameau se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Roger Déjameau est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Le 1er novembre 1942, dans la chambre (Stube) n° 5 de l’infirmerie (Revier) des détenus de Birkenau (Block n° 8 – en brique – du secteur BIb), il reçoit douze gouttes d’un bactéricide, l’Anisine.

Le 12 janvier 1943, son nom est encore inscrit sur ce registre.

Roger Déjameau meurt à Auschwitz le 26 février 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1].

Début 1948, l’état civil français le déclare « décédé à Auschwitz-Birkenau (Pologne) en novembre 1942 ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 10-03-1988).

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Roger Dejameau, c’est le mois de novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 377 et 401.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, Éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 517.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Deux-Sèvres, citant : Lettre de sa veuve (1973) – Article dans le journal Le Semeur du 24 janvier 1947, signé par Edmond Brisseau – Archives municipales de Niort.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 218 (11112/1943).
- Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) : copie de la page 21 d’un registre de délivrance de médicaments aux détenus du Revier de Birkenau (matricule 45974, Déjameau).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Pierre CORDIER – 45396

Pierre, Gaston, Cordier, né le 21 mars 1896 aux Maillys (Côte-d’Or), domicilié à Port-sur-Saône (Haute-Saône), mort à Auschwitz le 19 septembre 1942.

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Pierre, Gaston, Cordier naît le 21 mars 1896 aux Maillys (Côte-d’Or), chez ses parents, François Cordier, 44 ans, vannier, et Élisa Laurent,  son épouse, 38 ans, sans profession, domiciliés rue de Champ-Bazin à Mailly-l’Église, section de la commune. Les témoins pour la présentation du nouveau-né à l’état civil sont un cantonnier et un garde-champêtre. Vivent alors également sous le même toit un frère de 15 ans, Auguste, et une sœur de 11 ans, Marie (née à Charny, 21 ?).

Par la suite, ses parents s’installent à Vezet [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], en Haute-Saône (70), département voisin ; un village qui compte 320 habitants en 1901.

Pierre Cordier obtient le certificat d’études primaires. Il commence à travailler comme journalier.

Le 4 février 1915, à la maire de Vesoul, Pierre Cordier devance sa mobilisation et s’engage volontairement pour cinq ans comme chasseur de 2e classe au 5e régiment de chasseurs d’Afrique, qu’il rejoint six jours plus tard. Le 2 juin 1916, il passe au 1er régiment léger et part aux armées du Nord et du Nord-Est. Du 26 juin au 22 juillet, il est évacué pour fièvre à l’hôpital temporaire n° 4 de Beauvais (Oise – 60), puis bénéficie d’une convalescence de trente jours. Le 5 février 1917, il est évacué pour maladie sur l’hôpital temporaire n° 90 de Cosnes-sur-Loire (Nièvre – 58). Le 20 mars, il passe à l’hôpital temporaire n° 85 de Nevers (58). Le 26 mars, il bénéficie d’une convalescence d’un mois. Le 9 août 1917, il rentre au dépôt et passe au 11e régiment de cuirassiers. Le 1er octobre, il part aux armées du Nord et du Nord-Est. Le 20 décembre, il est évacué sur l’ambulance 243 pour maladie, puis, le 4 janvier 1919, dirigé sur l’hôpital d’évacuation n° 37. Le 11 janvier, il passe à l’hôpital temporaire n° 25 de Pont-Sainte-Maxence (60). Le 4 février, il part en permission de dix jours. Le 23 février, étant en permission, il est admis à l’hôpital mixte de Gray (70). Après une convalescence de dix jours, il rejoint son corps aux armées le 26 mars. Le 9 juin 1918, lors de la bataille du Matz, dans le cadre d’une vaste offensive allemande (3e bataille de l’Aisne), à Élincourt-Sainte-Marguerite, 12 km au nord de Compiègne (60), Pierre Cordier est atteint par les gaz de combat et dirigé sur l’hôpital d’évacuation (HOE) de Canly (60) pour intoxication. Le 13 juin, il passe à l’hôpital complémentaire n° 50 de Chartres (Eure-et-Loir). Le 12 septembre, il part pour une convalescence qui s’achève le… 11 novembre 1918. Il rejoint son corps aux armées, puis entre au dépôt un mois plus tard.

Le 6 janvier 1919, la commission de réforme de Versailles le déclare inapte un mois pour « râles sibilants et ronflants dans les deux poumons suite de bronchite, intoxication sérieuse par les gaz ». Du 26 janvier au 19 avril 1919, il est mis à la disposition du Réseau de l’Est comme volontaire. Il est titulaire d’un certificat de bonne conduite. En 1925 [?], il recevra la médaille interalliée de la Victoire.

Par la suite, l’armée le classe dans l’affectation spéciale comme homme d’équipe à la Compagnie des Chemins de fer de l’Est.

Le 6 mars 1920, à Soing (70), Pierre Gaston Cordier épouse Jeanne Sponem, née le 8 mars 1899 à Rupt-sur-Saône (70), mais alors domiciliée à Soing avec sa famille. En 1921, le couple est domicilié au 24, rue des Casernes, à Vesoul. Leur fils Robert naît à Soing en 1921.

Pierre Gaston Cordier est alors agent de train, toujours à la Compagnie des chemins de fer de l’Est.

En 1922, il est trésorier général du syndicat unitaire des cheminots de Vesoul (CGTU) dont Charles Furlenmeyer est le secrétaire général.

En janvier 1925, les Cordier demeurent au 70, rue du Tir prolongée, à Vesoul. En 1926, ils habitent au 70, rue Jean-Jaurès, probablement après un changement du nom de la même rue. Pierre Gaston Cordier est alors chiffonnier.

En 1929, il est l’animateur de la cellule communiste de Vesoul, avec Henri Corne.

En mai 1931, il habite pendant quelque mois au petit village de Charmoilles, 5 km à l’ouest de Vesoul.

À partir de novembre 1933, il demeure à Port-sur-Saône, 12 kilomètres au nord-ouest de Vesoul. En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié rue du Cornot (n° 8 ?), dans cette commune, établi comme artisan chiffonnier.

Le 24 septembre 1938, Pierre Cordier est rappelé à l’activité en application l’article 40 de la loi du 31 mars 1928 et affecté au 78 régiment régional CMC7 [?]. Le 5 octobre, il est renvoyé dans ses foyers.

Le 3 septembre 1939, il rejoint son unité, rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 1er septembre. Mais, deux mois plus tard, le 6 novembre, la commission de réforme de Chaumont le réforme définitivement n° 2 pour « crises d’angine de poitrine, signal positif à l’électrocardiogramme » et le renvoie dans ses foyer dès le lendemain. Le 8 janvier 1940, l’armée le considère comme « non récupérable ».

Le 22 juin 1941, Pierre Cordierest arrêté à l’initiative des autorités d’occupation, parmi vingt-trois militants communistes et syndicalistes de la Haute-Saône [2] (dont les sept futurs “45000” du département et Georges Cogniot) ; n° 6 sur la liste. Il est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Pierre Gaston Cordier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45396 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit. Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Pierre Cordier.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [3]).

Le nom de Pierre Cordier est inscrit sur le mémorial de la Résistance haut-saônoise (1954), place du 11e Chasseurs, à Vesoul : « La Résistance à ses 687 martyrs 1940-1945 ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 26-02-1988).

Notes :

[1] Vezet est une ancienne commune française, située dans le département de la Haute-Saône en région Bourgogne-Franche-Comté, devenue, le 1er janvier 2016, une commune déléguée de la commune nouvelle de La Romaine ; limitrophe du chef-lieu de canton Fresne-Saint-Mamès et à environ 22 kilomètres à vol d’oiseau à l’ouest de Vesoul (source Wikipedia).

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme «  l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total (bilan au 31 juillet), 1300 hommes environ y seront internés à la suite de cette action. Effectuant un tri a posteriori, les Allemands en libéreront plusieurs dizaines. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/ Éditions Ouvrières, version CD-rom 3.61, 1990-1997, citant : Arch. Nat. F7/13673. Voir notice sur Henri Corne.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 370 et 400.
- État civil de la mairie des Maillys (21) et Archives départementales de Côte-d’Or, site internet : état civil des Maillys 1888-1897 (p. 304).
- Archives départementales de Côte-d’Or (AD 21), Dijon : « arrestations par les autorités allemandes-correspondances » (1630 W, article 252).
- Archives départementales de Haute-Saône (AD 70), site internet du Conseil départemental, archives en ligne : registres des matricules du recrutement militaire, bureau d’Auxonne, classe 1916 (RM189), n°  17 (3 vues).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 185 (31810/1942).
- Site Mémorial GenWeb, relevé initial effectué par Rémy Ambroise, mis en ligne le 16 mars 2009.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 28-01-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Pierre CAMBOULIN – 46319

Pierre, Auguste, Louis, François, Victor, Antonin, Camboulin, né le 2 septembre 1890 à Paris 18e, domicilié à Bobigny (Seine-Saint-Denis), mort à Auschwitz le 18 septembre 1942. L’écriture manuscrite “ambigüe” du « n » minuscule fait parfois lire « Cambouliu ».

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Pierre, Auguste, Louis, François, Victor, Antonin, Camboulin naît le 2 septembre 1890 à Paris 18e (75), fils d’Antonin Camboulin, 38 ans, employé de la préfecture de la Seine, et de Marie Loyaux, son épouse, 20 ans, domiciliés au 81, rue Triquet.

Pendant un temps, Pierre Camboulin habite chez ses parents, alors domiciliés au 148, boulevard Saint-Martin, à Paris 4e, et travaille comme comptable.

Le 20 juillet 1908, le tribunal correctionnel de la Seine le condamne à 15 jours de prison avec sursis pour outrage et rebellion (peine amnistiée par la loi du 24 octobre 1919). Le 1er février 1912, la cours d’assises de la Seine le condamne à cinq ans de prison et cinq ans d’interdiction de séjour pour vol qualifié et port d’arme prohibé.

Appelé à l’activité le 7 août 1916, il manque à l’appel et est déclaré insoumis six jour plus tard. Prisonnier civil, il est rapatrié des régions envahies le 30 décembre 1918 à la suite de l‘armistice et dirigé sur le dépôt de transition des isolés du 26e bataillon de chasseurs à pied. Le jour même, il est affecté au 5e bataillon du 18e régiment territorial d’infanterie. Le 30 juillet 1919, il est rayé des contrôles de l’insoumission et envoyé en congé illimité de démobilisation le lendemain.

En avril 1920, Pierre Camboulin demeure au 36, rue Potagère, à Saint-Josse-Ten-Moode, commune des faubourgs de Bruxelles (Belgique).

En mai 1922, il habite au 27, rue d‘Anjou, à Paris 8e. Le 14 novembre suivant, à la mairie de Paris 4e, il épouse Marguerite Sinault, née le 22 mars 1897.

En janvier 1926, Pierre Camboulin déclare loger au 148, rue du faubourg-Saint-Martin, à Paris 10e (à l’hôpital des Récollets ?). Plus tard, il demeure au 19, rue des Blancs-Manteaux (Paris 4e).

Le 25 août 1927, la 11e chambre du tribunal correctionnel de la Seine condamne Pierre Camboulin à trois mois de prison pour port d‘arme prohibé, peine confirmée par la cour d’appel de Paris le 4 octobre suivant.

Commerçant (marchand forain), Pierre Camboulin adhère au membre du Parti communiste.

Sous l’occupation, la police française le considère comme un « meneur particulièrement actif et dangereux ».

Le 6 décembre 1940, Pierre Cambouliu est appréhendé par des agents du commissariat de Pantin lors d’une vague d’arrestations visant 69 hommes dans le département de la Seine. D’abord rassemblés à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, ceux-ci sont – le jour même – internés administrativement au au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé deux mois plus tôt dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

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Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 6 septembre 1941, Pierre Cambouliu est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au “centre de séjour surveillé” de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

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Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Entre fin avril et fin juin 1942, Pierre Cambouliu est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Pierre Cambouliu est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46319, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

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© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Pierre Camboulin se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Pierre Camboulin.
Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][2], alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [3]).

Son nom est inscrit sur la plaque en « hommage aux héros de la résistance », apposée dans le hall de la mairie de Bobigny.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 205 du 3-09-2008).

Notes :

[1] Bobigny : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Pierre Cambouliu, c’est le 11 juillet 1942 qui a été retenu pour certifier son décès, selon une règle de principe ajoutant cinq jours à la date connue de départ du convoi. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 384 et 398.
- Archives départementales de Paris, site internet, archives en ligne : extrait du registre des naissances du 18e arrondissement à la date du 5-09-1890 (registre V4E 7562), acte n° 4001 (vue 2/31).
- Archives de Paris : registre des matricules militaires, recrutement de Paris, classe 1910, 3e bureau, volume 1-500 (D4R1 1574), Camboulin, Pierre, Auguste…, matricule 378.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) ; cartons “occupation allemande” : camps d’internement… (BA 2374) ; liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (1W76).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 44.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 157 (31484/1942).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (4178).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Bobigny, relevé de Frédéric Charlatte (11-2007).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-03-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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