Maurice ROUSSEL – 46081

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Maurice, Fernand, Roussel naît le 24 janvier 1909 à Hoëricourt (Haute-Marne), fils d’André Roussel, 21 ans, alors soldat au 115e d’infanterie, et de Marie Bugniot, 18 ans. Maurice Roussel est pupille de la Nation à onze ans (2/12/1919).

Le 24 août 1929 à Hoëricourt, il se marie avec Suzanne Beurton, née le 30 avril 1910 à Meaubette, commune de Trinqueux (Marne – 51). Ils ont un fils : Roland, né le 14 août 1934 à Reims.

Vers 1930, Maurice Roussel entre comme aide-charron au dépôt local des machines (locomotives) de Reims (51), embauché par une compagnie de chemin de fer – probablement la Compagnie des chemins de fer de l’Est – qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (il deviendra agent SNCF n° 42823).

Reims, la gare, vue aérienne. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Reims, la gare, vue aérienne.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Il est syndicaliste CGT et militant communiste.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.  Collection Mémoire Vive.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.
Collection Mémoire Vive.

Avant-guerre, la police française connaît son activité : notant le fait qu’il tient des réunions au café du Coq Hardi, avenue de Laon à Reims, elle suppose qu’il est secrétaire d’une cellule d’entreprise de la SNCF.

Au moment de son arrestation, Maurice Roussel est domicilié au 7, rue Jobert-Lucas (devenue rue Charles-Lucet ?) à Reims.

Avec René Manceau, Roland Soyeux (déportés le 6 juillet 1942), et Gaston Lelaurain [2], il forme lepremier groupe de résistance SNCF de la région.

Le 10 novembre 1941, Maurice Roussel est inscrit sur les listes des ex-militants communistes établies par le commissariat central de Reims.

Le 26 février 1942, il est arrêté à son domicile par la Feldgendarmerie, comme otage en représailles après des attentats contre des soldats allemands à Chalon-sur-Saône et à Montceau-les-Mines, en même temps que dix-sept autres Marnais (membres de la communauté juive, militants syndicaux et politiques). Appréhendé en même temps que Jules Huon, Marcel Gauthier, René Manceau, Félix Reillon, Henri Roy et Roland Soyeux – tous suspectés d’activité communiste clandestine et futurs compagnons de déportation -, Maurice Roussel est conduit à la Maison d’arrêt de Reims, boulevard Robespierre.

Le 5 mars, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), Frontstalag 122 – Polizeihaftlager, où il est enregistré sous le matricule n° 3677. Pendant un temps, il est assigné au bâtiment A8.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Roussel est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Maurice Roussel jette sur la voie ferrée, à la sortie de la gare de Reims, un message qui parviendra à son épouse.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Maurice Roussel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46081 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Maurice Roussel se déclare comme cheminot (Eisenbahner). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Maurice Roussel.

Il meurt à Auschwitz le 6 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, qui indique pour cause – très probablement mensongère – de sa mort « entérite stomacale aigüe » (Akuter Magendarmkatarrh).

Il est déclaré “Mort pour la France” (10/12/1946).

Malgré un certificat d’appartenance aux Forces françaises de l’intérieur (FFI) délivré le 2 février 1948 pour son appartenance au Front national [3] (où il est homologué comme adjudant, 21/08/1947), l’homologation comme “Déporté Résistant” lui est refusée car « la détention n’a pas eu pour cause déterminante un acte de résistance à l’ennemi, au sens du statut des déportés et internés résistants » (Ministère des ACVG, 16/04/1964).

Son nom est inscrit sur la plaque commémorative apposée en gare de Reims « À la mémoire des agents SNCF tués pour faits de guerre », sur la plaque commémorative apposée « À la mémoire de nos camarades tombés dans la lutte pour la liberté, victimes de la barbarie nazie » (ce dernier adjectif ayant remplacé “barbarie allemande”), dans la salle de réunion de la Bourse du Travail de Reims, devenue Maison régionale des syndicats, 13 boulevard de la Paix, et sur le monument aux martyrs de la résistance et de la déportation, situé sur les Hautes Promenades à Reims.

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] Gaston Lelaurain. Arrêté dès le 24 juin 1941, déporté en 1943 au KL Sachsenhausen où il meurt en 1945.

[3] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 366 et 419.
- Cl. Cardon-Hamet, notice citant : Madame Rolland Roussel (documents cités, communiqués en juillet 1989. Acte de naissance et de disparition du 31-10-1946) – Son petit-fils, Pascal Roussel, s’adresse à l’Amicale d’Auschwitz en 1981 pour recueillir des renseignements supplémentaires sur son grand-père – Recherche de Jocelyne Husson, professeur à Reims – Archives FNDIRP, liste (incomplète) du convoi du 6 juillet 1942.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1031 (34305/1942).
- Site Mémorial GenWeb, relevés d’Alain Girod (11-2002 ; photo) et de Claude Richard (2006).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Maurice Roussel (21 p 533 613), recherches de Ginette Petiot (message 05-2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Raymond ROUSSEAU – (46080 ?)

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IDENTIFICATION INCERTAINE
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Raymond Rousseau naît le 24 octobre 1913 à Saint-Marc-sur-Seine – à 15 km de la source du fleuve – (Côte-d’Or – 21), fils de Jean-Baptiste Rousseau, 30 ans, ouvrier forgeron, et de Zénaïde Boulommier, 31 ans, son épouse, domiciliés au hameau de Chénecières, où est implantée une forge industrielle [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]. Raymond a deux frères plus âgés – Lazare, né Boulommier le 13 novembre 1902, et Gaston, né Boulommier le 29 décembre 1907, tous deux à Villaines-en-Duesmois (21) et reconnus par Jean-Baptiste Rousseau lors son mariage avec leur mère, le 17 février 1912 – et une sœur plus jeune, Marie, née le 26 janvier 1920 à Saint-Marc-sur-Seine.

Le père de famille – qui a effectué son service militaire au 18e régiment de chasseurs (à cheval ?) de novembre 1904 à juillet 1907 – est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 2 août 1914, et rejoint huit jours plus tard le régiment de cavalerie légère stationné à Beaune. Le 18 octobre 1916, il passe au 48e régiment d’artillerie de campagne. Le 25 avril 1917, il passe au 105e régiment d’artillerie lourde. Le 1er septembre 1918, il passe au 452e R.A.L. Le 19 janvier 1919, il passe au 111e R.A.L. Le 9 mars suivant, il est envoyé en congé illimité de démobilisation.

En avril 1924, Jean-Baptiste Rousseau est installé avec sa famille dans les Cités de Buxières-lès-Froncles, sur la Marne, entre Chaumont et Joinville (Haute-Marne – 52).

Buxières-lès-Froncles, les cités et l’usine dans les années 1950. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Buxières-lès-Froncles, les cités et l’usine dans les années 1950.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le ppère de famille est alors chauffeur de four aux Forges de Froncles, implantées de l’autre côté de la rivière, où ses fils Lazare (22 ans) et Gaston (17 ans) sont lamineurs. En 1926, ils ont pour voisins la sœur de Zénaïde, Mathilde, 27 ans, avec sa famille : son mari, Jean-Marie Robelin, 37 ans, lamineur, ses fils Marcel, né en 1921, et André, né en 1923, tous deux à Saint-Marc, et son père, Arthur Boulommier.

En 1931, les frères de Raymond Rousseau ont quitté le foyer parental. Le père de famille héberge à son tour son beau-père, Arthur Boulommier, déclaré comme manœuvre aux Forges malgré ses 77 ans, ainsi qu’une nièce de Zénaïde, Louise Robelin, 5 ans. Raymond, âgé de 18 ans, est “métallurgiste” aux Forges. En 1936, la sœur de Raymond est partie. Son grand-père maternel et sa cousine vivent toujours avec eux. À 23 ans, Raymond est forgeron aux Forges, comme son père.

Au moment de son arrestation, Raymond Rousseau habite sans doute toujours chez ses parents dans les Cités de Buxières.

Entre le 22 et le 24 juin 1941, Raymond Rousseau est arrêté parmi une soixantaine de militants communistes et syndicalistes interpellés en quelques jours dans la Haute-Marne [2] (dont 15 futurs “45000”). Il est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Raymond Rousseau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

TransportAquarelle

Le 8 juillet, Raymond Rousseau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46080, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Raymond Rousseau.

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz, très probablement avant la mi-mars 1943.

Le 10 mai 1948, le tribunal civil de Chaumont prononce le jugement déclaratif fixant son décès au mois de septembre 1942.

Son nom est inscrit sur le monument au morts de Buxières-lès-Froncles, près de l’église.

Notes :

[1] Le moulin de Chenecières, transformé en forge au fil du temps, devient un important centre industriel dans la seconde partie du 19e siècle sous la direction de Louis Cailletet, qui a notamment fait en ces lieux ses recherches sur les gaz contenus dans l’acier lorsqu’il est chauffé (oxyde de carbone) et sur la propriété des gaz à être liquéfiés. Louis Cailletet (Châtillon-sur-Seine, le 21 septembre 1832 – Paris, le 5 janvier 1913), ingénieur chimiste et physicien français, premier à liquéfier le dioxygène le 2 décembre 1877. Ses multiples découvertes sur les gaz sont à l’origine de l’industrie moderne du froid, de la cryogénie, des très basses températures et des hautes pressions. Parmi leurs très nombreuses applications, on peut citer aujourd’hui la conservation des aliments, la médecine (conservation des organes, banque du sperme), l’industrie des métaux, la conquête spatiale (l’oxygène servant de comburant pour fusées). Après sa formation à l’École des Mines, la modernisation des installations et la surveillance des employés sont son premier travail comme ingénieur. Son frère Camille, plus doué que son frère pour la direction et la gestion de l’entreprise familiale, meurt de tuberculose en 1860. Son père, Jean-Baptiste Cailletet, et son grand-père, Claude-Phal Lapérouse, meurent également quelques années plus tard, en 1865. Louis Cailletet doit alors assumer pendant encore 20 ans, avec l’aide de sa mère Élise, l’ensemble des tâches de direction de l’usine, (gestion, recherche et commercialisation). En 1884, Louis Cailletet est élu membre de l’Académie des sciences. Il s’intéresse alors plus à ses recherches et à ses publications à l’Académie des Sciences, qu’à la direction d’une forge en perte de vitesse et à la commercialisation de sa production dans une région sans grands moyens de communications fluviales et ferroviaires. En 1887, Louis vend  à son beau-frère Émile Suquet la forge de Chenecières. À partir de 1930, le site est transformé en fabrique de chaînes pour l’agriculture et la marine par la famille Seytre. (source Wikipedia)

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 367 et 399.
- Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon : cote 1630 W, article 252.
- Guy Chaillaud, site internet Mémorial GenWeb, 2007.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-09-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Alphonse ROUSSEAU – (46077 ?)

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Droits réservés.

Alphonse, Maximin, Rousseau naît le 15 février 1889 à Neuville(-de-Poitou ; Vienne – 86), fils de Jean, Baptiste Rousseau 49 ans, cultivateur, et d’Honorine Sornin, son épouse, 39 ans, domiciliés au village de Furigny, situé à l’entrée de Neuville depuis Cissé. Il a, au moins, un frère et une sœur, plus âgés. Au recensement de 1911, la famille n’habite plus Furigny.

Le 5 octobre 1910, Alphonse Rousseau est appelé pour accomplir son service militaire comme soldat de 2e classe au 23e régiment d’infanterie. Le 25 septembre 1911, il est nommé caporal. Il est envoyé en congé de démobilisation le 27 septembre 1912, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 4 octobre 1913 à Neuville, Alphonse Rousseau épouse Marie Fouqueteau, également fille d’agriculteur, née le 30 mai 1890 à Furigny (décédée le 6 mars 1979 à Châtellerault). Ils ont une fille : Madeleine, née le 16 novembre 1914.

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Neuville-de-Poitou. La mairie et l’église.
Carte postale écrite en 1921. Coll. Mémoire Vive.

Rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation du 1er août 1914, Alphonse Rousseau rejoint le régiment d’infanterie de Châtellerault dès le 3 août. Le 8 septembre 1914, à la Fère-Champenoise, il est grièvement blessé par balle à la cuisse gauche (plaie perforante).

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Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 18 juin 1915, il est détaché à la Manufacture d’armes de Châtellerault. Le 17 septembre suivant, la commission de réforme de cette ville le classe « service auxiliaire ». En décembre 1919, la commission de réforme de Poitiers le proposera pour une pension permanente d’invalidité de 15 %  pour « séquelle de fracture ouverte du fémur gauche au tiers inférieur consolidé avec pied en bonne position, raccourcissement de 3 cm, cal gros et irrégulier, liberté des articulations… ».

En juillet 1919, il demeure au Sanital (secteur de Châtellerault).

Au moment de son arrestation, et au moins depuis 1930, Alphonse Rousseau est domicilié au 16, rue de la Tranchée à Châtellerault (86).

Il tient un commerce de bois et de charbon.

« Très ferme dans ses convictions » selon Émile Lecointre, il est secrétaire de la section du PCF de Châtellerault. En 1925, il se présente comme candidat aux élections municipales de Châtellerault. Il est également dirigeant du syndicat CGT des commerçants, puis secrétaire de l’Union locale CGT.

Alphonse Rousseau reste un militant dans l’illégalité, après l’interdiction du Parti communiste puis sous l’occupation, mais ne se fait pas remarquer par la police. Selon une attestation ultérieure d’Albert Marit, Alphonse Rousseau intègre le 6e groupe de l’O.S. de Châtellerault  à la mi-octobre 1940, participant dès lors à la propagande anti allemande par l’impression de tracts ronéotypés et la diffusion de journaux clandestins. En avril 1941, nommé chef de groupe, il contribue au recrutement ainsi qu’à la constitution de dépôts d’armes, d’explosifs et de matériels divers. À l’occasion du 1er mai, il participe à l’organisation de la manifestation lancée contre l’occupant par la distribution de tracts et l’inscription de mots d’ordre sur la voie publique et les monuments de Châtellerault.

Le 23 juin 1941, des Feldgendarmes et des policiers français l’arrêtent à Châtellerault, en même temps qu’Aristide Pouillous et Alfred Quinqueneau. Selon Maurice Rideau, 33 communistes sont arrêtés ce jour-là dans la Vienne ; 28 sont conduits au camp de la Chauvinerie, près de Poitiers, 14 seront des “45000” [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1].

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Poitiers. La caserne de la Chauvinerie, sur le coteau de la Roche.
Carte postale éditée dans les années 1900. Coll. Mémoire Vive.

Le 12 juillet, Alphonse Rousseau est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), Frontstalag 122 – Polizeihaftlager, où il est enregistré sous le matricule n° 1189.

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Portrait d’Alphonse Rousseau à Royallieu.
Dessin d’Alfred Quinqueneau.
Droits réservés.

Il écrit régulièrement à sa famille et celle-ci peut lui rendre au moins une visite dans ce camp.

Après son arrestation son épouse et sa fille continuent à faire fonctionner son commerce de bois et charbon.

Entre le 29 avril et la fin juin 1942, Alphonse Rousseau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages communistes et une cinquantaine d’otages juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (suivant un ordre direct d’Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises ; le train s’ébranle à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Alphonse Rousseau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46077, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Alphonse Rousseau est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).

Il meurt à Birkenau le 17 octobre 1942, d’après les registres du camp.

En octobre 1943, étant sans aucun renseignement sur lui depuis quinze mois, sa fille Madeleine adresse une demande d’information à François de Brinon, ambassadeur, délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés. Elle et sa mère ont appris que d’autres déportés “45000” de Châtellerault ont donné de leurs nouvelles depuis le camp d’Auschwitz en Haute-Silésie, « après un silence d’un an exactement », et que certains, transférés ensuite à Orianenbourg (au KL Sachsenhausen), ont pu correspondre avec leurs familles et en recevoir des colis. « Nous ne nous expliquons pas pourquoi, seuls, nous sommes l’objet d’une telle rigueur ». Le 29 octobre, les services de la délégation spéciale pour l’administration, sise place Beauvau, à Paris, transmettent la question au préfet de la Vienne.  Le 15 novembre, le sous-préfet de Châtellerault émet un avis favorable à une intervention auprès des autorités allemandes. Celles-ci répondent à la préfecture que « la libération de l’intéressé ne peut être envisagée actuellement » (formule administrative systématique) ; information transmise par le secrétaire général à la délégation spéciale le 6 décembre. N’ayant pas encore reçu de réponse, Mademoiselle Rousseau envoie une lettre de relance le 9 décembre. Le 28 décembre, la délégation spéciale répond : « Une démarche a été faite en sa faveur auprès des autorités compétentes, lesquelles m’ont fait répondre que la libération de M. Alphonse Rousseau ne pouvait pas être envisagée actuellement. Je continue toutefois à accorder toute mon attention au cas de l’intéressé et ne manquerai pas de renouveler mes démarches en sa faveur, au moment qui me paraîtra le plus opportun. » Un mois plus tard, Madeleine Rousseau insiste : « Nous craignons que ce silence dissimule pour nous une réalité plus cruelle. N’existe-t-il aucune démarche que je puisse tenter pour essayer d’obtenir un éclaircissement à ce sujet ? Si cela est en votre pouvoir, voudriez-vous, Monsieur, avoir la bonté de me conseiller un service, français ou allemand, auquel je puisse utilement m’adresser, ou, si cela vous semble préférable, un avocat, spécialement accrédité auprès des autorités allemandes, à qui je puisse confier notre situation (il s’agit seulement de renseignements et non d’une libération pour laquelle je m’en remets à l’avis de la délégation spéciale) ? »

Dès le 10 octobre 1944, Madeleine Rousseau, au nom de sa mère, envoie une demande de renseignements au Ministère des prisonniers, déportés et réfugiés, allant par ailleurs jusqu’à préconiser : « Ne pourrait-on diffuser par radio un appel informant l’Allemagne qu’elle est responsable de la vie de milliers d’hommes actuellement détenus par elle et que, au cas où elle se livrerait à des exécutions massives dans les camps ou dans les prisons, des représailles seraient exercées sur la personne des Allemands détenus en France ? » Le 23 novembre, le ministère répond qu’il ne possède aucune information sur la situation particulière de Charles Limousin, mais lui envoie une documentation sur le camp d’Auschwitz.

Le 15 décembre 1944, le Comité charbonnier de la Vienne crée une fiche de renseignements au nom d’Alphonse Rousseau à la demande de son épouse.

Le 16 octobre 1945, la secrétaire générale de la Fédération nationale des centres d’entraide des internés et déportés politiques, sise au 10 rue Leroux, à Paris, écrit à Madame Rousseau : « Jusqu’à présent, il nous avait été difficile de recueillir des témoignages précis sur la disparition de votre mari. Nous avons écrit aux 108 rapatriés de ce convoi et nous avons pu obtenir les premiers témoignages confirmant malheureusement le décès de Monsieur Rousseau. Ce sont M. Montégut [de Châtellerault] M. Ripa [de Paris] M. Rideau [de Paris] M. Lecocq [du Trait, en Seine-Maritime]. Je pense qu’il n’est pas nécessaire que vous écriviez vous-même à d’autres déportés, et nous vous tiendrons au courant des témoignages qui pourraient rentrer. »

Le 9 janvier 1946, Maurice Rideau, rescapé du convoi, rédige une attestation par laquelle il déclare qu’Alphonse Rousseau est décédé « en septembre 1942 » ; il fait authentifier sa signature à la mairie de Châtellerault le jour même. Le 19 janvier, c’est au tour de Raymond Montégut, de signer une attestation mentionnant la même date, authentifiée à la mairie deux jours plus tard).

Le 17 avril 1946, à la suite de démarches renouvelées de Madame veuve Rousseau en janvier et mars, notamment « pour régulariser [sa] situation commerciale », un officier d’état-civil du Ministère des Anciens combattants et Victimes de la guerre établit un acte de décès au nom d’Alphonse Rousseau « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, conformément aux dispositions de l’ordonnance n° 452561 du 30 octobre 1945 (article 3) insérée au Journal Officiel du 31 octobre 1945 », fixant la date « le septembre (quinze) » et le lieu « à Birkenau », « Mort pour la France ». Le 26 avril, la transcription sur le registre de la mairie de Châtellerault porte la date du 15 septembre1942.

Après la guerre, le Conseil municipal de Châtellerault donne le nom d’Alphonse Rousseau à une rue de la ville. Celui-ci est également inscrit sur la plaque apposée dans le hall de la mairie en « Hommage aux victimes de la guerre 1939-1945 de la commune ».

Par arrêté du secrétaire d’État aux Forces armées (Guerre) en date du 7 décembre 1949, Alphonse Rousseau est homologué dans la Résistance intérieure française (RIF) au grade d’adjudant pour une prise de rang à partir du 1er juin 1941.

Le 15 mai 1952, Marie Rousseau remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté résistant au nom de son mari auprès du ministère des ACVG. Le 6 novembre 1951, la commission départementale d’attribution du ministère siégeant à Poitiers émet un avis favorable. Mais, le 30 septembre 1953, la commission nationale émet un avis défavorable, suivie le 28 décembre par un rejet du ministère qui délivre un titre de déporté politique, ne prenant en compte qu’une période d’internement du 23 juin 1941 au 5 juillet 1942 ; « Il résulte du dossier que l’intéressé ne remplit pas les conditions exigées par les dispositions combinées des articles R.286 & R.287 du Code des Pensions ». Le 12 janvier 1954, sa veuve reçoit la carte n° 1.109.08612.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1999).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 379 et 419.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Deux-Sèvres et de la Vienne (2001), citant : Témoignages de Maurice Rideau (20/10/1971), Michel Bloch, historien (2/1973), Raymond Montégut, et Raymond Jamain, de la FNDIRP (1989) – Discours d’inauguration de la rue Alphonse-Rousseau, par Émile Lecointre (article du 23 fév. 1989).
- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 40, page 376.
- Raymond Montégut (45892), « Arbeit macht Frei », Éditions du Paroi (imprimeur), juin 1973, Recloses, Ury (77), pages 53 à 55, 89.
- Archives départementales de la Vienne, site internet, archives en ligne, état civil de Neuville-de-Poitou, registre des naissances de l’année 1889 (cote 5 MI 0452 1883-1892, vue 71/103) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau de Châtellerault, classe 1909, numéros de 1185 à 1499, matricule 1385 (vue 263-264/397).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite – du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943 – la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué) ; tome 3, page 1031 (36259/1942), prénom orthographié « Alfons ».
- Direction des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier d’Alphonse Rousseau (21 P 533 515) consulté par Ginette Petiot (message 10-2015).
- Site Mémorial GenWeb, 86-Châtellerault, relevé de Monique Ingé (2006).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-12-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – arrestations et perquisitions à leur domicile – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré par la Wehrmacht et réservé à la détention des “ennemis actifs du Reich”.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

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Georges ROUSSEAU – 46079

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Georges, Raphaël, Rousseau naît le 2 février 1894 à Vierzon-Villages [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], au lieu-dit Puits-Berteau (Cher – 18), fils (“naturel”) de Joséphine Rousseau, 20 ans, sans profession. C’est une sage-femme qui le présente pour l’inscription à l’état civil, avec deux gardes-champêtres comme témoins.

En 1901, Georges Rousseau et sa mère vivent chez le père veuf de celle-ci, Guillaume Rousseau, 74 ans, cultivateur propriétaire au village de Puits-Bertaux.

Georges Rousseau commence à travailler comme ferblantier.

Le 12 janvier 1914, Guillaume Rousseau, son grand-père, 87 ans, décède à leur domicile familial à Puits-Berteau.

Le 3 septembre 1914, Georges Rousseau est incorporé au 29e régiment d’infanterie, au sein de la 8e compagnie. Le 18 novembre 1915, il est nommé caporal.

Le 14 juillet 1917 à la mairie de Vierzon-Villages, lors d’une permission, Georges Rousseau se marie avec Angéline Badou, née le 13 avril 1897 à Massay (18), dont les deux parents sont décédés. Parmi les quatre témoins il y a Louis Badou, 60 ans, cultivateur, Georges Badou, 23 ans (sans doute son fils), domiciliés à Theillay (Loir-et-Cher), et le frère de Georges Rousseau, Guillaume, 55 ans, journalier, domicilié à Vierzon-Forges. La fille de Georges et Adeline, Madeleine Gilberte, naît le 12 octobre suivant.

Georges Rousseau prend part à un début de mutinerie en 1917 et est arrêté. Mais les gradés préférèrent étouffer l’affaire ; à vérifier… Du 28 juillet au 3 septembre 1918, il est évacué malade. Le 3 septembre 1919, il est cassé de son grade et remis soldat de 2e classe. Le 19 septembre 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire à Vierzon-Ville, titulaire d’un certificat de bonne conduite (!).

En 1921, la petite famille habite à Puits-Berteau. Georges est  chaudronnier soudeur autogène chez Merlin. Leur fils Maurice naît cette année-là.

À Vierzon-Villages, un conseiller municipal socialiste (sans doute R. Poubeau) persuade Georges Rousseau d’adhérer à la SFIO (section française de l’internationale ouvrière) pour renforcer le courant favorable à la IIIe Internationale. Rousseau adhère au Parti communiste après le congrès de Tours. Mais son rôle reste faible dans la section de Vierzon : dans la période 1923-1924, il ne prend pas part aux vives discussions qui opposent les communistes vierzonnais.

Aux élections municipales de 1925, il dirige la liste Bloc ouvrier et paysan à Vierzon-Villages, et est élu en compagnie de dix communistes. Les socialistes étant majoritaires avec douze conseillers, Jules Béguineau devient maire SFIO.

En 1926, Georges Rousseau est devenu artisan chaudronnier (patron).

Aux élections de mai 1929, la liste communiste passe entièrement ; Georges Rousseau accède à la première magistrature municipale. Pour fêter la victoire dans le « bastion rouge », les communistes accrochent un drapeau rouge sur la mairie. Mais le commissaire de police rappelle au nouvel élu l’interdiction d’apposer sur un édifice public un drapeau non tricolore. Refusant d’obtempérer, Rousseau déclare qu’il consultera son conseil municipal. Il est convoqué à la préfecture et menacé de révocation.

Dès l’année suivante, il promeut la fusion des quatre communes mitoyennes : Vierzon-Ville, Vierzon-Villages, Vierzon-Bourgneuf et Vierzon-Forges.

En 1931-1932, il est trésorier du rayon communiste de Vierzon et secrétaire pendant quelques mois, puis il laisse les responsabilités politiques à J. Picot, E. Gazeaux, R. Crépat pour se consacrer à sa municipalité.

En 1932, le préfet du Cher le suspend de ses fonctions pendant un mois, pour refus de mettre le drapeau en berne à la suite de l’assassinat, survenu le 7 mai, de Paul Doumer, président de la République.

Réélu maire de Vierzon-Villages en 1935, Georges Rousseau appuie les procédures déjà engagées pour la réunion des quatre communes : depuis ces dernières élection municipales, Vierzon-Villages, Vierzon-Bourgneuf et Vierzon-Forges sont alors à direction communiste et Vierzon-Ville à direction SFIO (socialiste).

Du 22 au 25 janvier 1936, Georges Rousseau est délégué au congrès communiste de Villeurbanne.

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, il est toujours domicilié avec sa famille au lieu-dit Puits-Berteau.En 1937, il est élu maire du grand Vierzon, créé par l’arrêté préfectoral du 8 avril 1937.

Le 11 juillet 1939, à la mairie de Vierzon, sa fille Madeleine se marie avec Gabriel Branger ; célèbre-t-il cette cérémonie ?

Le 1er septembre 1939, Georges Rousseau est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale. Arrivé au C.R. Hippo n° 32, le 3 septembre, il est renvoyé dans ses foyers trois jours plus tard. Le 1er octobre, il est incorporé au dépôt d’artillerie n°5 du Parc Régional de Réparation et d’Entretien du Matériel (PRREM) d’Orléans), où il arrive le 5 de ce mois, pour être affecté à la 1ère compagnie du parc d’Orléans. Mais, le 28 octobre, il est de nouveau renvoyé dans ses foyers, classé « sans affectation ».

Début 1940, il est déchu de son mandat électoral pour ne pas avoir renié publiquement son appartenance au parti communiste.

Sous l’occupation, il aide des réfugiés à franchir la ligne de démarcation, laquelle suit le cours du Cher qui coupe en deux la ville de Vierzon.

Le 22 juin 1941 [2], il est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits  à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Georges Rousseau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46079 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Georges Rousseau est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).
À la mi-août 1943, Georges Rousseau est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) aupremier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inpection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
Le 3 août 1944, Georges Rousseau est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.
Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus, dont vingt-neuf “45000”, transférés au KL [3] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matricule n° 19895).Le 29 octobre, il est parmi les onze “45000” transféré à Wansleben (Kommando du KL Buchenwald), une usine de potasse (matr. 93423).Le 12 avril 1945, il est dans une des colonnes de détenus évacués de ce camp à marche forcée vers le nord de Halle. Il est libéré le 14 ou 15 avril 1945 entre les villages de Quellendorf et Hinsdorf, avec huit autres “45000”.

Réélu maire avant même son retour des camps, il conserve sa fonction jusqu’en 1947.

Il reste conseiller municipal jusqu’en 1971, puis ne se représente plus pour raisons de santé.

Georges Rousseau décède à Vierzon le 8 mai 1976. (1 janvier 1980 ?)

À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Vierzon donne son nom à une rue du centre ville.

Notes :

[1] Le 1er septembre 1791, la paroisse Notre-Dame de Vierzon est divisée en deux : Vierzon-Ville, occupant le centre de la ville actuelle sur la rive droite du Cher, et Vierzon-Villages (au pluriel) entourant la précédente de tous cotés. Dans les années suivantes, ces paroisses deviennent deux communes, puis fusionnent provisoirement sous le nom de Vierzon, avant d’être à nouveau scindées le 22 mars 1796. Par la loi du 4 avril 1908, la section des Forges est distraite de la partie Est de Vierzon-Villages et érigée en commune distincte sous le nom de Vierzon-Forges. Par arrêté préfectoral du 8 avril 1937, les communes de Vierzon-Villages, Vierzon-Bourgneuf (sur la rive gauche du Cher) et Vierzon-Forges sont réunies à celle de Vierzon-Ville, sous le nom unifié de Vierzon.

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claude Pennetier, notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, CD-rom, version 1990-1997, citant : Arch. Nat. F7/13130 – Arch. Dép. Cher, 23 M 163, 269, 278 – L’Émancipateur, 1925-1939 – Rens. fournis par la mairie de Vierzon et recueillis par le docteur R. Coulon – Interview de G. Rousseau.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 89, 346 et 347, 357, 359, 363 et 419.
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), liste de 44 otages FK 668, 24-10-1941.
- Archives départementales du Cher, site internet du Conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Vierzon-Villages, année 1894 (3E 5299), acte n° 15 (vue 6/199) ; registre des matricules militaires, bureau de Bourges, classe 1914 (2R 722), matricule n° 1333 (vue 565/841).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-10-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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André ROUSSEAU – 46078

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

André, Gustave, Rousseau naît le 22 juin 1907 à Saint-Chéron [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine-et-Oise / Essonne – 91), fils de Louis Rousseau et de Julia Cherpion.

À une date restant à préciser, il épouse Pierrette Vigneron, née en 1912 à Milly(-la-Forêt – 91). Ils auront cinq enfants, âgés de 12 ans à un mois au moment de son arrestation, dont l‘aîné, André, Pierre, né en 1929 à Draveil.

Au premier semestre 1931, la famille habite rue du Marais, quartier de Mainville, lieu-dit à l’est de la commune de Draveil [1] (91) .

Au moment de son arrestation, André Rousseau est domicilié au 5, impasse Bellevue à Draveil ; une autre adresse figure dans les archives : le 1, rue Charles-Mory, quartier de Mainville.

Il est chauffeur de camion.

C’est un militant communiste, membre de la cellule de Mainville à Draveil.

Il est mobilisé de septembre 1939 à mai 1940.

Le 24 novembre 1940, le préfet de Seine-et-Oise signe un arrêté ordonnant l’assignation à résidence sur le territoire de leur commune de domicile de 1097 « individus dangereux pour la Défense nationale et la sécurité publique », selon les termes du décret du 18 novembre 1939 ; parmi ceux-ci, André Rousseau. Le jour même, il est convoqué au commissariat de la circonscription de Montgeron pour se voir notifier qu’en cas de jet, de distribution ou d’affichage de tracts sur le territoire de sa commune, il sera immédiatement considéré comme responsable et appréhendé, ceci en application du décret préfectoral du 15 octobre 1940. Quatre jour plus tard, il est de nouveau convoqué au commissariat pour signer la notification de son assignation à résidence.

Dans la nuit du 13 au 14 juillet 1941, André Rousseau est arrêté par la police française (préfecture de Versailles pour le compte de la Feldkommandantur 758) pour distribution de tracts du Front national [2] préparant les manifestations du 14 juillet contre l’occupant, avec Pierre Bonnot (interné à Beaune-la-Rolande), Marcel Linard (fusillé comme otage le 9 mai 1942 à Clairvaux), Robert Moricci (futur “45000”).

Le 29 juillet, André Rousseau est condamné par le tribunal militaire allemand de Saint-Cloud à six mois de prison pour propagande communiste, comme Robert Moricci. Il est successivement emprisonné à la prison militaire du Cherche-Midi (juillet-août 1941), à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne – 94) (août-octobre), puis au fort de Villeneuve-Saint-Georges (94) (octobre 1941-janvier 1942).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 15 janvier 1942, à l’expiration de sa peine, André Rousseau n’est pas libéré, car il figure sur les listes allemandes d’otages susceptibles d’être fusillés ou déportés : deux jours plus tard, il est transféré avec Robert Moricci au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Le 25 février, André Rousseau figure parmi seize personnes « non retenues » (pour l’exécution ?) par la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud.

Entre fin avril et fin juin 1942, André Rousseau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Rousseau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46078 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Rousseau est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Le 17 ou 18 mars 1943, André Rousseau fait partie des dix-sept “45000” rescapés de Birkenau conduits à Auschwitz-I (en tout, 24 survivants sur 600 !).

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juin, il travaille à la DAW [3] avec Gustave Rémy, un français “123 000”, dans un groupe de détenus chargé de décharger le bois brut des wagons, de le porter et de le mettre en pile pour qu’il sèche. « Il fallait travailler à toute vitesse sous les coups et hurlements, avec nos claquettes et nos habits rayés, tout raides à la moindre pluie ; ce n’était pas facile. » Un jour, André Rousseau réussit à changer de Kommando. « Mais repéré le lendemain au camp, dans les colonnes de départ, il est obligé de revenir [à la DAW], où il [reçoit] une raclée carabinée par le Kapo, sous [les] yeux [de Gustave Rémy] ».

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, André Rousseau est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur des femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur
des femmes détenues – et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Dans ses “cahiers” de déportation, rédigés après guerre, Pierre Monjault a témoigné d’un moment de désespoir à Auschwitz : « Un jour, le camarade Rousseau, de Vigneux [confondu avec Draveil ?], me dit : “Pierrot, je vais crever, c’est fini” et se pencha sur mon épaule. Je lui dis : “Mais mon vieux, nous crèverons tous, allez viens.” »

À la fin de l’été 1944, André Rousseau est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres survivants sont transférés vers d’autres camps.

En janvier 1945, il est parmi les vingt “45000” incorporés dans les colonnes de détenus évacuées vers le KL Mauthausen.

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Le 28 ou 29 janvier, André Rousseau est parmi les douze qui sont affectés au Kommando de Melk. Le 15 ou 17 avril, ce groupe est évacué en marche forcée vers le Kommando d’Ebensee, province de Salzbourg, où des usines souterraines sont en cours d’aménagement.

Le 6 mai 1945, ce camp est parmi les derniers libérés, par l’armée américaine.

André Rousseau est rapatrié le 28 mai 1945.

Il décède le 30 décembre 1963 à Villeneuve-Saint-Georges, âgé de 56 ans.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 380 et 419.
- Archives départementales des Yvelines (78), Montigny-le-Bretonneux : cabinet du préfet de Seine-et-Oise, bureau politique (1W69), dossier individuel (1W151).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet:archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), doc. XLVa-2, dossier 138.C.758 de l’état-major administratif du district militaire A (XLIII-3).
- Lucie Kerjolon, Pierre Monjault, Quatre années de souffrance pour rester français, cahier dactylographié, 70 pages, Maisons-Alfort, 1984.
- Gustave Rémy, ouvrier aux établissements Kiener à Éloyes (Vosges), en zone interdite, envoyé à Terniz (Autriche) en novembre 1942 au titre du STO, arrêté par la Gestapo après avoir envoyé à son frère prisonnier de guerre une lettre exprimant son dégoût de travailler pour le Reich, enregistré à Auschwitz à la fin mai 1942 (matricule “123000”), passé par la “quarantaine” du Block 11 ; récit dactylographié envoyé à Renée Joly en septembre 1992.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-06-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] Saint-Chéron et Draveil : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN” et toujours existante).

[3] La DAW : (Deutsche AusrüstungsWerke), société SS implantée dans plusieurs camps de concentration, usine d’armement entre autres.

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Jean ROUAULT – 46076

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jean, Édouard, Marie, Rouault naît le 5 mars 1893 à Rennes (Ille-et-Vilaine – 35), chez ses parents, Constant Rouault, 38 ans, journalier, et Marie Louise Briantais, 28 ans son épouse, domiciliés champ de la Justice, route de Lorient. En même temps que lui naît sa sœur jumelle, Jeanne. Les témoins pour l’inscription des deux nouveaux-nés à l’état-civil sont deux autres journaliers.

Jean Rouault acquiert une formation d’ajusteur.

Le 27 novembre 193, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 13e régiment de hussards afin d’accomplir son service militaire. Le 2 août 1914, au lendemain du décret de mobilisation générale, son unité part « aux armées ». Le 5 septembre 1915, malade, il est évacué vers une ambulance, toujours dans la zone des armées, puis rejoint son régiment quelques jours plus tard. Le 21 janvier 1917, il est détaché à Toul (pour quelle mission ?). Le 13 mai 1917, de nouveau malade, il est évacué, mais reprend l’uniforme dix jours plus tard. Le 8 janvier 1918, il est évacué malade vers l’hôpital n° 37 du quartier Sainte-Radegonde, à Tours, orphelinat Saint-Joseph, rue de l’Hermitage (250 lits). Rentré au dépôt le 12 février, il retourne aux armées le 8 juin. Une semaine plus tard, il passe au 8e régiment de hussards. Le 8 mars 1919, dirigé sur l’intérieur – le dépôt de transition du 26e bataillon de chasseurs à pied -, il est mis à la disposition des Chemins de fer de l’État. Du 26 novembre 1919 au 7 mai 1920, l’armée le classe affecté spécial au titre des Chemins de fer de l’État comme ajusteur à La Garenne.

Le 30 octobre 1920, il est mis en congé illimité de démobilisation par le 2e régiment de hussards et se retire à La-Garenne-Colombe (Seine / Seine-Saint-Denis), titulaire d’un certificat de bonne conduite.Entre temps, le 14 novembre 1916, à Paris 8e, Jean Rouault s’est marié avec Héloïse Beaufreton. Ils auront deux enfants dont un fils : Raymond.

Pendant un temps, Jean Rouault habite au 8, rue Lacroix, à Paris 17e.

Fin janvier 1925, puis fin février 1927, l’armée le classe affecté spécial dans la réserve au titre des Chemins de fer de l’État comme ouvrier à Courtalain (Eure-et-Loire). Il habite cette commune en janvier 1937.
Au moment de son arrestation, Jean Rouault est domicilié au 3, rue Saint-Louis, au cœur de la ville de Rennes.

Ouvrier de première classe à la gare SNCF de Rennes, il a des responsabilités à la Fédération Nationale CGT de la SNCF.

Militant communiste, il est secrétaire à l’organisation pour le Rayon de Rennes. Avant guerre, il est en contact avec René Perrault, jeune cheminot, et Émile Drouillas, dit Laporte.

Le 17 avril 1940, Jean Rouault est « rayé de l’affectation spéciale » par mesure disciplinaire et rappelé à l’activité militaire au dépôt d’infanterie n° 44 où il arrive le 22 avril. Un mois plus tard, il est « renvoyé dans ses foyers ».

Sous l’occupation, Jean Rouault dirige des formations armées et, dès sa création, il est le responsable à l’organisation du Front national [1] pour l’Ille-et-Vilaine en 1940 et 1941.

Fin juin 1941, il est arrêté par des policiers allemands en gare de Rennes pour distribution de tracts, au retour d’une mission (?), interné à la Maison d’arrêt Jacques-Cartier de Rennes, puis transféré le 10 juillet 1941 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht(Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Il n’obtient pas de permission pour se rendre au mariage de sa fille en avril 1942. Mais celle-ci lui rend visite début mai, sortant clandestinement une lettre à destination de Marthe Drouillas.

Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Rouault est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jour et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Rouault est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 456076 (ce matricule sera tatoué sur son bras gauche quelques mois plus tard).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartisdans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Jean Rouault est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Affecté aux cuisines, Jean Rouault tente de sauver son compagnon Émile Drouillas en lui faisant passer de la nourriture. Malheureusement, raconte-t-il à son retour, celui-ci trouvait toujours quelqu’un de plus malade et de plus affamé que lui pour partager.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Jean Rouault est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) aupremier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient
les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage
de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Jean Rouault est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés auKL [2] Flossenbürg (Haut-Palatinat Bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matricule 19890).

Le 29 octobre, Jean Rouault est parmi les onze “45000” transféré à Wansleben (autre Kommando de Buchenwald), une usine de potasse (n° 93422).

Le 12 avril 1945, il est dans une des colonnes de détenus évacués de ce camp à marche forcée vers le Nordde Halle.

Le 15, Jean Rouault est libéré par l’avancée des troupes américaines.

Son retour en France est douloureux : engagé dans la Résistance, son fils Raymond est mort le 6 juillet 1942 à l’hôpital militaire de Rennes, rue Saint-Louis, à la suite de tortures subies lors de son interrogatoire, et son neveu, André Rouault, cadre de la résistance armée à 17 ans, a été fusillé le 29 janvier 1943 avec huit autres résistants au champ de tir de Bêle à Nantes (Loire-Atlantique).

Jean Rouault devient secrétaire départemental de l’A.D. d’Ille-et-Vilaine, et entre au Comité National de la FNDIRP.

Jean Rouault décède le 1er décembre 1970, à Rennes.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 364 et 419.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Bretagne (2002), citant : Archives municipales de Rennes, “Émile Drouillas, dit Laporte”
- Jeanne Roquier-Drouillas et Renée Thouanel-Drouillas [ses filles], Émile Drouillas dit Laporte, militant ouvrier, Imprimerie Commerciale, Rennes 1978, 224 p.
- Archives de la Ville de Rennes, site internet, archives en ligne ; registre des naissances année 1893 (cote 2 E 101), acte n° 261 (vue 49/273).
- Archives départementales d’Ille-et-Vilaine (AD 35), site internet du conseil général, archives en ligne ; registre des matricules militaires, bureau de Rennes, classe 1913, vol. 4, matricules de 1501 à 2000 (cote 1 R 2134), matricule 1864 (vues 691/920).
- UDAC d’Ille-et-Vilaine, site mémoire de guerre.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-09-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France  : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN” et toujours existante).

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Jankiel (dit Jacques) ROTSZTAJN – 46307

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jankiel (dit Jacques) Rotsztajn naît le 30 juillet 1894 à Varsovie (Pologne).

Il arrive en France avec sa famille entre les années 1920 et 1926. Leur nom est parfois orthographié « Rotsztein ».

Le 4 décembre 1928, il est naturalisé français par décret.

En 1929, la famille est domiciliée au 16, rue Faie-Félix à Vincennes [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Val-de-Marne). Il y habite avec son épouse, Régine (Régina), née Forover en 1897 à Varsovie, d’abord brodeuse puis « sans profession », et leurs (?) deux enfants : Adolphe, né en 1920 à Bruxelles (Belgique), et Lucienne, née le 11 janvier 1926 à Paris 10e.

Jacques Rotsztajn est maroquinier (« patron »).

Avant guerre, il est membre d’une cellule du Parti communiste qui se réuni au café René, au 53, rue Diderot.

Sous l’occupation, il est « signalé » par les services du commissariat de la circonscription de Vincennes comme un « élément particulièrement actif de la propagande communiste clandestine ».

Le 27 juin 1941, vers 6 heures du matin, Jankiel Rotsztajn est appréhendé à son domicile par des inspecteurs du commissariat de Vincennes Le préfet de police a signé l’arrêté ordonnant son internement administratif « en application du décret du 18 novembre 1939 ». Mais, en réalité, il est pris dans le cadre d’une vaste opération menée en concertation avec l’occupant. En effet, pendant quelques jours, plusieurs dizaines de militants de Paris et de la “petite couronne” arrêtés dans les mêmes conditions sont aussitôt conduits dans la cour de l’Hôtel (de) Matignon [2], alors désigné comme siège de la Geheime Feldpolizei (GFP), pour y être “mis à la disposition des autorités d’occupation” [3]. Tous sont ensuite regroupés au Fort de Romainville, sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément du Frontstalag 122 ; considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp. Le lendemain, ils sont conduits à la gare du Bourget et un train les transporte à Compiègne (Oise), où ils sont les premiers internés du camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Polizeihaftlager – extension du Frontstalag 122) [4].

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Jankiel Rotsztajn est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Jankiel Rotszajn est au nombre des otages déportés comme Juifs.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Jankiel Rotsztajn est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46307 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Jankiel Rotsztajn est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au Block 28 de l’hôpital des détenus.

Jankiel Rotsztajn meurt à Auschwitz à une date inconnue, probablement avant la mi-mars 1943.À Paris, le 31 mai 1943, le chef du bureau des nationalisations transmet au directeur de la police générale le dossier de Rotsztajn « pour avis ». Le directeur de cabinet du préfet de police fait connaître qu’en ce qui le concerne il estime « qu’il conviendrait de retirer la nationalité française à l’intéressé ».

Le 10 novembre 1944, le nom de Jankiel Rotsztajn est cité dans le cadre d’une commission rogatoire visant Émile Clody.

Début 1955, Aywka (ou Agwka) Turower, alors domiciliée au 40 rue Diderot à Vincennes, dépose auprès du ministère des anciens combattants et victimes de la guerre une demande de titre de déporté politique au nom de son mari.

Le Mémorial de la Shoah. À gauche, dans son état en 2011, le panneau du Mur des noms pour les déportés de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés depuis l’achèvement du mur » (janvier 2005). De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942 y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.

Le Mémorial de la Shoah. À gauche, dans son état en 2011, le panneau du Mur des noms pour les déportés
de l’année 1942 avec les « noms modifiés et ide

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Inscrit sur le Mur des noms…

Notes :

[1] Vincennes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] Les arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, trois témoignages :

Jean Lyraud (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Le 26 juin, à 5 heures du matin, il est réveillé par des policiers français : « Veuillez nous suivre au poste avec une couverture et deux jours de vivres. » Un autobus le prend bientôt avec trois autres personnes arrêtées. Le véhicule fait le tour des commissariats de Montreuil et du 11e arrondissement. Après un crochet à l’hôtel Matignon où les “internés administratifs” sont livrés à l’armée d’occupation, c’est le transport jusqu’au Fort de Romainville où ils passent la nuit dans les casemates transformées en cachots. « Le lendemain 27 juin dans l’après-midi, nous embarquons en gare du Bourget dans des wagons spéciaux pour Compiègne. Nos gardes ont le revolver au poing et le fusil chargé, prêts à faire feu. Dans la soirée nous arrivons au camp. Quelques jours après, d’autres contingents de la région parisienne nous rejoignent. »

Henri Pasdeloup (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943), cheminot de Saint-Mihiel (Meuse), est arrêté le 23 juin 1941 par la Gestapo qui le conduit à la prison de la ville. Le 27 juin, avec d’autres détenus emmenés à bord de deux cars Citroën, il arrive devant le camp de Royallieu vers 16 h 30 : « À l’arrivée face au camp, nos gardiens nous font descendre. Alignement sur la route, comptages et recomptages. En rangs par trois nous passons les barbelés… À 19 heures, environ 400 prisonniers en provenance de la région parisienne entrent en chantant L’Internationale… Le lendemain 28 juin, réveil à 7 heures : contrôle d’identité, toise, matricule. J’ai le numéro 556. Pour notre groupe de la Meuse, cela va de 542 à 564. Ceux de la région parisienne, bien qu’arrivés après nous, sont immatriculés avant… »

Henri Rollin : « Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention “communiste”, soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[4] L’hôtel Matignon, 57 rue de Varenne (Paris 7e) : le 8 septembre 1940, les Renseignements généraux de la préfecture de police constatent la réquisition de l’hôtel pour le bureau de cantonnement des hommes de la police militaire secrète : Geheime FeldpolizeiDienstelleMänner-Unterkunft (source : Cécile Desprairies, Paris dans la Collaboration, éditions du Seuil, mars 2009, page 268).

Sources :

- Ville de Vincennes, Service Archives et Patrimoine ; recherches menées par Christine Kauffmann (02-2007).
- Jean Laloum, Les Juifs dans la banlieue parisienne des années 20 aux années 50, Montreuil, Bagnolet et Vincennes à l’heure de la « Solution finale », CNRS éditions, 1998.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 389 et 419.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA 2397), liste des internés communistes ; archives du cabinet de préfet, dossier individuel (1 W 36-23376) ; archives des Renseignements généraux, dossier individuel (77 W 1686-90049).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 28-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de laFédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Ernest ROSSIGNOL – 46071

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

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Ernest, Frédéric, Rossignol naît le 25 décembre 1910 au village d’Essart-le-Vicomte (Marne), fils de Camille Rossignol, 31 ans, charretier chez un propriétaire agricole, et de Marie Pingot, son épouse, 29 ans, dans une famille qui compte déjà trois enfants.

Pendant un temps, Ernest Rossignol habite au 50, boulevard Gambetta à Issy-les-Moulineaux [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

Le 30 juin 1934, il épouse Anne Marie Sefrin (?), née le 15 novembre 1904 à Contwig (Palatinat). Ils ont deux enfants : Marie Jeanne, née le 25 novembre 1929, et Guy Ernest, né le 18 juin 1931.

Ernest Rossignol est rectifieur ou mécanicien.

Le 27 avril 1936, il est embauché à l’usine de la Société des Moteurs Gnome et Rhône (SMGR), sise au 70, boulevard Kellerman (Paris 13e).

L’usine Gnome et Rhône du boulevard Kellerman (Paris 13e). Carte postale colorisée des années 1920.

L’usine Gnome et Rhône du boulevard Kellerman (Paris 13e).
Carte postale colorisée des années 1920.

De 1936 à 1937, il est adhère à la cellule Victor-Hugo du Parti communiste, sur une sollicitation des camarades de son atelier, mais ne participe pas aux réunions de cellule, aux fêtes et aux manifestations.

Membre d’une société de pêche, c’est à ce loisir qu’il consacre ses dimanches en famille.

À partir du 1er juillet 1937 et jusqu’au moment de son arrestation, Ernest Rossignol est domicilié au 26, allée Hoche à Issy-les-Moulineaux. Dans le voisinage, il n’attire pas |’attention au point de vue politique.

Pendant les « hostilités », il est “affecté spécial” dans son entreprise, qui produit pour la Défense nationale.

Le 30 juin 1940, date de la fermeture de l’usine pour cause d’occupation militaire, Ernest Rossignol est porté sorti sur sa fiche d’employé avec la mention « Arnage », ce qui laisse supposer qu’il se serait porté volontaire pour rejoindre ce site de la Sarthe, où l’entreprise avait construit une usine moderne en 1938.

Au retour de l’exode, il s’inscrit au fonds de chômage d’Issy-les-Moulineaux.

Au printemps 1941, il est embauché au garage Aubry et Simonin, sis au 28, boulevard de Parc à Neuilly-sur-Seine (92).

Le 3 mai 1941, Ernest Rossignol est arrêté par les services du commissariat de police de la circonscription de Vanves (92) avec Paul Dumont, ex-conseiller municipal communiste : ils sont pris en flagrant délit sur le boulevard Gambetta à Issy-les-Moulineaux – près de chez lui – alors qu’ils reproduisent sur les murs, à l’aide d’un rouleau imprimeur en caoutchouc, la mention « Le Gouvernement du peuple fera la France Libre » (en rivalité avec la résistance gaulliste ?). Inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939, ils sont écroués le lendemain à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 10 mai, la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine les condamne tous deux à dix mois d’emprisonnement.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 29 avril, Ernest Rossignol est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 28 juillet, la 10e chambre de la Cour d’appel de Paris réduit la peine des deux hommes à six mois de prison..

Le 20 septembre, Ernest Rossignol et Paul Dumont ne sont pas libérés, mais conduits au dépôt de la préfecture de police de Paris (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité) : le même jour, le préfet de police signe des arrêtés ordonnant leur internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939, les Renseignements généraux ayant désigné Ernest Rossignol comme un « militant communiste très actif ».

Le 9 octobre, les deux hommes sont parmi les 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, Ernest Rossignol et Paul Dumont font partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec eux – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, ils sont sélectionnés avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le 8 juillet 1942, Ernest Rossignol est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46071 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Paul Dumont est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

À une date restant à préciser, il est admis au Block 20 de l’hôpital d’Auschwitz-I.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]).

Le 26 décembre 1942, à la suite de l’abandon de plusieurs centaines de tracts sur la voie publique des communes de Clamart et d’Issy, le commissaire de police de la circonscription de Vanves opère des « visites domiciliaires » à la nuit tombante chez trois habitants d’Issy notés comme militants communistes dans les archives, dont Ernest Rossignol, perquisitions qui ne donnent aucun résultat.

Après la guerre, le nom d’Ernest Rossignol est inscrit sur le monument dédié aux 67 ouvriers de la Snecma (ex-SMGR) « Morts pour que vive la France », alors installé à l’intérieur de l’usine du boulevard Kellerman, puis déplacé dans la nouvelle usine de Corbeil (Essonne) après le déménagement de celle-ci en 1968 (nouvelle cérémonie d’inauguration le 8 novembre 1974). Avec lui figurent trois autres “45000” : Henri Bockel, Roger Desmonts et Maurice Fontès (au bas du monument est inscrit : « Et à la mémoire de tous ceux dont les noms n’ont pas trouvé place sur cette plaque », comme Lucien Godard).

Le nom d’Ernest Rossignol est également inscrit sur le monument « à la mémoire des combattants et de toutes les victimes de guerre » d’Issy-les-Moulineaux, place Bonaventure-Lecat, derrière la mairie.

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Sur une des stèles du monument d’Issy-les-Moulineaux,
les “45000” : Delbès Camille, Dumont Paul, Lacour Louis
et Rossignol Ernest. Cliché Mémoire Vive.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 2-12-1998).

Notes :

[1] Issy-les-Moulineaux : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 382 et 419.
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
- Serge Boucheny, Gnome et Rhône 39-45, parcours de 67 salariés, Association d’Histoire Sociale CGT de la SNECMA, Paris 2018, pages 4, 9, 12, 28, 29,  159-160.
- Archives Départementales du Val-de-Marne : prison de Fresnes, dossier des détenus “libérés” (511w).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : carton “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 50-100590).
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1026 (31732/1942).
- Site Mémorial GenWeb : 92-Issy-les-Moulineaux, relevé de Jérôme Charraud (11-2002).
- MPLF 14-18, moteur de recherche.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 31-08-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Albert ROSSÉ – 46070

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Albert, Gustave, Rossé naît le 5 août 1919 à Paris 18e (75), fils d’Albert Louis, Rossé, né le 10 mars 1880 à Blois (Loir-et-Cher) et de Suzanne Chareton, née Smeets, veuve de guerre. Née le 27 mai 1889 dans le 18e, elle s’était mariée à la mairie de cet arrondissement le 7 novembre 1908 avec Paul François Chareton, né le 28 mars 1885 à Lyon 3e. Mobilisé comme soldat de 2e classe au 269e régiment d’infanterie, celui-ci a été tué « à l’ennemi » le 2 octobre 1914 à Izelles (Pas-de-Calais) ; il est déclaré décédé par jugement du tribunal civil de la Seine le 16 janvier 1920.
Albert Rossé a deux frères plus âgés et deux sœurs plus jeunes.
Vers 1926, sa mère emménage au 33, rue de Verdun à Rosny-sous-Bois [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), dans un pavillon dont elle est propriétaire grâce à la loi Loucheur.Au moment de son arrestation, Albert Rossé fils habite chez elle ; peut-être après avoir logé à Champigny-sur-Marne (Seine / Val-de-Marne). Ses deux sœurs vivent avec eux.
Du 19 mai 1936 au 7 juin 1938, il est employé comme ouvrier spécialisé (mécanicien ?) par la Maison Hersot, garnitures de freins, sise au 38, rue de Noisy, à Rosny.
La police française, qui le désigne comme un militant actif du Parti communiste, remarque son activité pendant les grèves successives du personnel de cet établissement dans les années 1936 et 1937, alors qu’il assure « la liaison entre les grévistes occupants et les éléments extérieurs », la direction de de la société ne pouvant ultérieurement « fournir sur son compte que des renseignements défavorables ».
Albert Rossé quitte l’entreprise en août 1938 pour contracter un engagement volontaire de trois ans au 404e régiment de défense contre avions, caserné à Tours.Son père décède le 26 mars 1939 à Paris 12e.Après la déclaration de guerre, Albert Rossé est envoyé sur la ligne de front, puis rentre chez lui le 24 juin 1940 (?!).Il travaille alors comme aide-comptable aux établissements Foux et Marchand, au 260, rue des Pyrénées (Paris 20e).Le 31 juillet ou le 1er août 1940, il est arrêté à Rosny-sous-Bois par la police française « alors qu’il se [livre] à une distribution de tracts émanant du Parti communiste »,- le numéro 16 de L’Avant-Garde, daté de juillet 1940 – probablement avec René Beaulieu, Gaston Jouy et Eugène Omphalius, de Rosny, arrêtés à la même date. Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, Albert Rossé est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).Le 22 octobre, il est placé sous mandat de dépôt ou d’écrou.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 8 février 1941, lors d’une audience au cours de laquelle sont jugés 48 militants et militantes communistes (dit « procès des cinquante »), dont dix-sept futurs “45000”, la chambre des mineurs (15e) du tribunal correctionnel de la Seine condamne Albert Rossé à six mois d’emprisonnement. Comme les autres condamnés, il fait appel de la sentence le 28 février (par l’intermédiaire de leurs avocats ?). Bien que sa peine soit couverte par la détention préventive effectuée, il n’est pas libéré : dès le lendemain, – sur instruction des Renseignements généraux qui le considèrent comme un « meneur actif » – le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif.

Le 27 février suivant, il fait partie d’un groupe de 48 internés administratifs – dont Guy Môquet, Maurice Ténine et seize futurs “45000” – transférés à la Maison centrale de Clairvaux (Aube – 10) où ils en rejoignent d’autres : 187 détenus politiques s’y trouvent alors rassemblés.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 31 mars, avec Eugène Omphalius, Robert Massiquat, Francis Née et Thomas Sanchez, Albert Rossé est un des six internés de Clairvaux conduits à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), en préalable à leur passage devant la Cour d’appel de Paris.

Le 9 avril, celle-ci examine la situation de cinquante condamnés pour activité communiste. Elle confirme le jugement de première instance concernant Albert Rossé : il est prévu qu’il soit ramené à Clairvaux, mais le quartier de la centrale utilisé comme centre d’internement étant déclaré « complet » par le directeur de celle-ci, il reste interné à la Santé, 3e division, cellule 9 bis. Comme Eugène Omphalius, il est probablement ramené à Clairvaux au cours de l’été.

Le 25 septembre 1941, Albert Rossé fait partie d’un groupe d’internés transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure – 27), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle.

 

Le camp de Gaillon, ancien château de l’évêque de Rouen. Carte postale d’après-guerre. Collection Mémoire Vive.

Le camp de Gaillon, ancien château de l’évêque de Rouen. Carte postale d’après-guerre. Collection Mémoire Vive.

Selon une note de la police (RG ?) datée du 18 février 1942, il figure sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion », et qui sont pour la plupart internés au camp de Gaillon.

Le 14 avril 1942, le préfet de police de Paris « fait savoir » au préfet de l’Eure, en charge du camp de Gaillon, « que les autorités allemandes viennent d’interdire le transfert dans un autre camp ou prison, sans leur autorisation expresse » d’Albert Rossé.

Désigné ou condamné par la Feldkommandantur 517 de Rouen, Albert Rossé est pris en charge par la Feldgendarmerie de la Felkommandantur 801 qui le conduit à Évreux (Eure) le 7 mai. Le lendemain, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Albert Rossé est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Albert Rossé est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46070 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Albert Rossé est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement les quelques 135 à 140 survivants des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août 1943, Albert Rossé est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) et mis en “quarantaine” au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur des femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur
des femmes détenues – et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

Courant avril 1944, Albert Rossé est conduit à pied à Birkenau avec Francis Joly, Marceau Lannoy, Daniel Nagliouck et Gustave Rémy (un “123000”). Ils sont assignés au Block 10 du sous-camp des hommes (BIId) et doivent travailler au Kommando 301 B Zerlegebetrieb, composé d’environ mille hommes – dont beaucoup de prisonniers russes – chargé de démonter et récupérer les matériaux d’avions militaires abattus, allemands ou alliés, pour l’entreprise LwB.Rorück.

L’aire de démontage est située au sud de Birkenau, de part et d’autre d’une voie annexe de la ligne de chemin de fer permettant d’acheminer les carcasses d’avions dans un sens et les pièces démontées dans l’autre. Ils sont surveillés par deux capitaines et des sous-officiers de la Lutwaffe. Une fois par mois, certains touchent une petite prime en monnaie : le nom d’Albert Rosse est inscrit sur les listes établies à cette occasion le 29 juin (pour 1,5 Reichmarks), le 27 août et le 30 septembre 1944.

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Francis Joly et Albert Rossé apparaissent sur cette liste après
un détenu polonais et avant un détenu juif et un détenu “russe”.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.

Comme cet atelier est classé dans les Kommandos de force, ils reçoivent également une ration supplémentaire de nourriture.

À la fin de l’été 1944, Albert Rossé est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres sont transférés vers d’autres camps.

En janvier 1945, il est parmi les douze “45000” incorporés dans une colonne de détenus évacués vers le KL [2] Gross-Rosen.

Le 8 février 1945, Albert Rossé est parmi les dix-huit “45000” évacués – quatre jours en wagons découverts, sous la neige et sans ravitaillement – à Hersbrück, Kommando du KL Flossenbürg, constructions Dogger.

Le 8 avril, avec six camarades, il est intégré à une colonne de détenus évacués à marche forcée. Le petit groupe se maintien en tête de colonne pour éviter le sort qui attend ceux qui n’arrivent pas à soutenir le rythme imposé par les gardiens. Ils arrivent au KL Dachau le 24 avril, épuisés et affamés.

Le 29 avril 1945, le camp de Dachau est libéré par l’armée américaine. Le 16 mai, Albert Rossé rentre en France via le centre de rapatriement de Strasbourg.

Le 7 avril 1956 à Paris 20e, il se marie avec Jacqueline C.

Le 19 mars 1957, il est homologué comme “déporté politique” (carte n° 110122926).

Albert Rossé décède le 21 février 1981, à 61 ans.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 351 et 419.
- Archives nationales, correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes, BB18 7043.
- Archives de Paris, archives judiciaires, registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 14 janvier-12 février 1941 ; jugement du samedi 8 février 1941, cote D1U6 3719.
- Archives de la préfecture de police, Paris/Le-Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande” : camps d’internement… (BA 2373 et 2374), liste des internés communistes 1939-1941 (BA 2397) ; chemise “transfert des internés, correspondance 1942-1944” (BA 2377) ; cabinet du préfet, dossiers individuels (1w0748), n° 27116.
- Archives départementales de l’Eure, Évreux, camp de Gaillon, recherches de Ginette Petiot (message 08-2012).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), message 24-03-2010.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier d’Albert Rosé, cote 1.1.01.22.926, recherches de Ginette Petiot (message 10-2012).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-07-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Rosny-sous-Bois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

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Lucien ROSIER – (46069 ?)

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IDENTIFICATION INCERTAINE
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Lucien Rosier naît le 15 mars 1924 à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire – 71), fils de Marthe Rosier.

Au moment de son arrestation, il est domicilié à Chalon-sur-Saône ; son adresse reste à préciser.

Il est manœuvre.

Le 26 février 1942, il est arrêté à la suite d’un attentat contre l’hôpital allemand de Chalon-sur-Saône (voir Pierre Vendroux). Avec un statut restant à préciser, il est écroué à la Maison d’arrêt de Beaune, probablement en secteur allemand.

Le 25 mai, avec Pierre Vendroux, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Lucien Rosier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Marny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Lucien Rosier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46069, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule – un jeune homme – a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Lucien Rosier.Il meurt à Auschwitz le 28 octobre 1942, d’après les registres du camp [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]. Il a 18 ans.

Déclaré “Mort pour la France”, son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Chalon-sur-Saône, situé quai Gambetta, esplanade de la Légion d’Honneur.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n°279 du 2-12-1998).

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Lucien Rosier, c’est le 15 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 370 et 419.
- André Jeannet, Mémorial de la Résistance en Saône-et-Loire : biographies des résistants, Éditions JPM, Cluny 2005, page 352, citant : Enquête sur la déportation (?).
- Alphonse Mérot, chronique de son cahier d’algèbre de Compiègne-Royallieu.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1025 (37853/1942).
- Mémorial GenWeb, relevé de Bernard Tisserand (11-2004), complété par Jacky Sommer de Gélicourt.

MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 16-05-2011)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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