Fernand SAGUET – 46086

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Fernand Saguet naît le 9 janvier 1899 à Vertus (Marne), au domicile de ses parents, Jean, Baptiste, Saguet, 64 ans, charpentier, et de Marie, Louise, Grelois, son épouse, 38 ans, demeurant rue des Lombards. Sa mère a eu des enfants d’un premier mariage (avant veuvage), dont Louis (né vers 1887) et Madeleine Lefèvre (née vers 1891). Fernand a un frère aîné, Joseph Alexandre Saguet, né le 19 mars 1897

Au recensement de 1911, le père n’est plus présent au foyer, probablement décédé.

Avant la Première Guerre mondiale, la famille habite au 17, rue Franklin à Ivry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne – 94). Son frère Joseph est plombier.

Fernand Saguet commence à travailler comme pilonnier.

En janvier 1916, son frère Joseph est mobilisé au 62e régiment d’infanterie, avant de passer au 59e R.I. En août 1917, il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze, en récompense d’une action courageuse.

Le 15 avril 1918, Fernand Saguet est incorporé au 17e bataillon de chasseurs à pied, arrivant “au corps” le lendemain. Le 17 novembre suivant – après la signature de l’armistice -, il passe au 114e B.C. Le 26 mars 1919, il passe au 15e B.C. Le 13 décembre suivant, il passe au 1er B.C. Le 28 janvier 1920, il est nommé chasseur de 1re classe.

En avril 1921, Fernand Saguet entre comme pilonnier-frappeur à la compagnie des chemins de fer PLM (Paris-Lyon-Méditerranée, avant la création de la SNCF le 1-01-1938). Il deviendra aide-ouvrier soudeur autogène aux ateliers de wagons de Villeneuve-Saint-Georges (Seine / Val-de-Marne – 94).

Pendant un temps, il habite avec sa mère au 17, rue Franklin à Ivry.

Le 17 décembre 1927 à Paris 11e, Fernand Saguet se marie avec Germaine D., lingère, 22 ans, domiciliée rue des Taillandiers à Paris ; l’un des deux témoins est un cheminot d’Alforville. Mais leur mariage est dissous par jugement de divorce dès le 27 avril suivant.

Le 23 mars 1929 à Maisons-Alfort [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (94), Fernand Saguet épouse Marguerite Cheyrou, veuve Verétout, née le 22 octobre 1901 à Limoges, ouvrière cableuse à la Société de Métallurgie, 21 rue Miollis (Paris 15e), à partir de 1935. Elle a un fils né de son précédent mariage : Gabriel Vérétout, né en 1927 à Limoges.

En 1931, ils habitent au 7 rue de Bruxelles à Maisons-Alfort.

Militant au Parti communiste, Fernand Saguet est membre du rayon d’Alfortville [1] (94) de la Région Paris-Est.

En 1935 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 1, rue de Londres à Maisons-Alfort, dans le quartier Vert de Maisons.

Le 12 mai 1935, il est élu conseiller municipal de cette commune sur la liste d’Albert Vassart [2], et désigné quelques jours plus tard comme deuxième adjoint au maire.

Maisons-Alfort, la mairie. Carte postale oblitérée en février 1940. Coll. Mémoire Vive.

Maisons-Alfort, la mairie. Carte postale oblitérée en février 1940. Coll. Mémoire Vive.

En septembre suivant, il fait l’objet d’une demande de renseignements auprès de la direction des Renseignements généraux de la préfecture de police. Fernand Saguet y est alors désigné comme employé dans une maison d’alimentation de sa commune et adhérent au Syndicat général de l’Alimentation.

Pendant un temps, il est administrateur du Cercle de la Jeunesse de Maisons-Alfort siégeant au 2, rue de Charentonneau.

Le 4 octobre 1939, le Président de la République – Albert Lebrun -, par décret et « sur la proposition du ministre de l’intérieur, suspend jusqu’à cessation des hostilités les Conseils municipaux » de 27 communes de la banlieue parisienne à majorité communiste, dont celui de Maisons-Alfort, et les remplace par des Délégations spéciales composées de notables désignés.

Sa mère, Marie Louise, décède le 24 février 1940 à Ivry-sur-Seine.

Le 16 mars 1940, le Conseil de préfecture de la Seine déchoit Fernand Saguet de son mandat pour appartenance au Parti communiste.

Le 25 juillet suivant, celui-ci est – avec Marcel Névraumont – l’un des principaux organisateurs de la manifestation visant à “reprendre” la mairie de Maisons-Alfort. Six anciens élus du conseil municipal pénètrent dans l’hôtel de ville pour y rencontrer le président de la délégation spéciale et lui demander d’adresser un rapport au préfet de la Seine, puis se maintiennent dans les lieux. Les services du commissariat de police de la circonscription de Charenton-le-Pont viennent les y arrêter, au motif d’un attroupement de rue non approuvé par les autorités allemandes. Amenés au commissariat, ils y retrouvent des élus d’Alfortville ayant organisé une initiative identique, parmi lesquels Henri Hannhart et Gaston Ruan. Dans la nuit, tous sont conduits au commissariat du 12e arrondissement, puis au dépôt de la préfecture de police de Paris (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice , île de la Cité). Enfin, le lendemain, ils sont écroués à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 4 octobre, Fernand Saguet est relâché avec les autres élus, à l’initiative semble-t-il de l’administration militaire allemande pour laquelle « vu la fragilité de (leur) cas, rien ne peut être retenu contre (eux) », et après qu’ils aient signé un engagement à « ne pas faire de propagande contre les autorités occupantes ».

Mais, le 7 octobre, le commissaire de Charenton en appelle au directeur des Renseignements généraux afin que tous soient de nouveau arrêtés, précisant : « Il est a peu près certain que tous ces militants vont reprendre une activité. Leur arrestation paraît s’imposer. »

Le 10 octobre suivant, les mêmes hommes sont de nouveau arrêtés par des inspecteurs de Charenton et passent de nouveau une nuit à la Conciergerie. Internés administrativement en application du décret du 18 novembre 1939, tous sont conduits au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), ouvert cinq jours plus tôt dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Fernand Saguet partage une chambre avec Henri Hannhart, Gaston Ruan et deux autres militants d’Alfortville.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 4 décembre, Fernand Saguet et ses deux camarades font partie de la centaine d’internés « choisis parmi les plus dangereux » transférés, par mesure préventive ou disciplinaire (?), à la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [3], près de Saumur (Maine-et-Loire) ; leur transport s’effectue en car et sous escorte. Les détenus sont enfermés dans une grande salle commune de la Centrale. Ils apprennent que 70 communistes purgent une peine dans le secteur carcéral, parmi lesquels une vingtaine de jeunes.

     Fontevraud, l’ancien réfectoire des moines.     Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Fontevraud, l’ancien réfectoire des moines.
Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Le 20 janvier 1941, sans être informés de leur destination, la même centaine d’internés est conduite à la gare de Saumur où les attendent deux wagons de voyageurs à destination de Paris-Austerlitz. À leur arrivée, ils sont conduits à la gare de l’Est. Ils y rejoignent 69 autres militants communistes en attente de transfert.

Ce nouveau convoi les amène à la gare de Clairvaux d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à Maison centrale de Clairvaux (Aube). Dans le véhicule Fernand Saguet partage une “cabine” avec Henri Hannhart. Une fois arrivés, la direction les contraint à échanger leurs vêtements civils contre la tenue carcérale, dont un tour de cou bleu (“cravate”) et un béret. Certains sont assignés à des dortoirs, d’autres enfermés une nuit en cellule (“mitard”) par mesure disciplinaire. Tous passent au service anthropométrique. Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 22 septembre, Fernand Saguet est révoqué de son emploi à la SNCF par arrêté ministériel pour « menées antinationales depuis le début de la guerre » [sic].

Le 26 septembre, lui, Henri Hannhart et Gaston Ruan sont parmi les 85 internés de Clairvaux transférés, en train via Paris, au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Entre fin avril et fin juin, Fernand Saguet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Fernand Saguet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46086 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Fernand Saguet.

Il meurt à Auschwitz le 12 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; un mois après l’arrivée du convoi.

En novembre 1944, ignorant son décès, le comité local de libération de Maisons-Alfort fait nommer Fernand Saguet à la délégation spéciale (conseil municipal provisoire) ; comme Henri Hureau et Victor Jardin.

Le 13 mai 1945, sa veuve, Marguerite Saguet, est élue conseillère municipale sur la liste de l’Union patriotique de résistance anti-fasciste (UPRAF).

Le 20 août 1948, le conseil municipal de Maisons-Alfort donne son nom à un quai de la Marne, dans le quartier d’Alfort. Sa mémoire est également rappelée sur une plaque aux ateliers de Villeneuve-Triage et sur une autre au centre Henri-Lang à Paris.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-04-1998).

Notes :

[1] Alfortville : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Albert Vassart (1898-1958)  : militant chevronné du Parti communiste et de la CGTU à partir de 1923, il est “parachuté” avec succès à Maisons-Alfort, dont il devient le premier maire communiste. À la suite de la signature du pacte germano-soviétique, il prend ses distances avec le PC (novembre 1940). Il est néanmoins arrêté et condamné à cinq ans de prison en tant que communiste. Mais il est libéré en septembre 1941 à la suite de démarches de Marcel Gitton et Henri Barbé (dirigeant du PC exclu en 1932). Albert Vassart adhère au Parti ouvrier et paysan français (POPF) – collaborationniste – de Gitton et y accepte des responsabilités aux côtés d’une vingtaine d’autres anciens parlementaires et élus communistes. Il fait ensuite équipe avec Barbé et Capron pour obtenir la libération de militants communistes emprisonnés bien qu’en rupture avec leur parti. Le 27 juin 1942, Albert Vassart échappe à une tentative d’élimination devant son domicile.

[3] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.

 

Sources :

V Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 357, 389 et 419.
V Claude Pennetier et Nathalie Viet-Depaule, notice dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions Ouvrières, 1990-1997, CD-rom, version 3.61 (citant : Arch. Dép. Seine, DM3 ; versement 10451/76/1- Arch. PPo. 101).
V Archives départementales de la Marne (AD 51), site internet, archives en ligne : registre des naissances de Vertus, année 1899 (2 E 786/78), acte n° 171 (vue 2-3/31).
V Archives municipales de Maisons-Alfort, recherches de Madame Loubrieu.
V Association Arbre, marne-archives.com (n°78-9652).
V Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cartons “Occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; carton “PC” n°VII, A.S. du 20 décembre 1940 sur le CSS d’Aincourt ; carton PC 4 ; registre des mains courantes du commissariat de police de la circonscription de Charenton 8/11/1937 / 26-11-1940 (C B 94.10), n° 958.
V Archives départementales des Yvelines et de l’ancien département de Seine-et-Oise (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, dans le dossier individuel de François Olivo, une liste de révoqués de la SNCF datée du 13 février 1942 (1W144),  notice individuelle (1W151).
V Archives départementales de la Vienne, cote 109W75 (camp de Rouillé).
V Henri Hannhart, Un épisode des années 40, Matricule : F 45652 (les intérêts de certains ont fait le malheur des autres), trois cahiers dactylographiés par son fils Claude, notamment une liste page 23.
V Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1058 (19978/1942).
V Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, page 1328.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Armand SAGLIER – 46085

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Armand Saglier après-guerre. © Collection familiale.

Armand Saglier après-guerre.
© Collection familiale.

Armand Saglier naît le 4 juillet 1901 à Is-sur-Tille (Côte-d’Or – 21), fils d’Alexis Saglier, 26 ans, manouvrier, et de Marie Malnoury, son épouse, 23 ans, sans profession. Il a trois sœurs, Juliette, née en 1899, Germaine, née en 1906, Berthe, née en 1911, et deux frères, Roger, né en 1903, et André, né en 1918 (plus tard quartier-maître), tous à Is-sur-Tille.Pendant un temps, Armand Saglier travaille à son tour comme manouvrier.Le 7 octobre 1919, à Dijon (21), il s’engage volontairement pour trois ans au 5e dépôt des équipages de la Flotte. Deux jours plus tard, il arrive au corps, à Toulon. Le 5 mars 1920, il est nommé matelot de 2e classe, puis quartier-maître chauffeur le 1er octobre suivant. Le 7 octobre 1922, il est placé dans la réserve, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

En janvier 1923, il habite à Amagne, près de Réthel (Ardennes – 08), puis, en juillet suivant, au 9 rue des Forges, à Charleville (08). En mars 1924, il demeure au 27 rue Thiers, à Mézières (08).

À une date restant à préciser, Armand Saglier épouse Anna Dieudonné, née en 1906 à Longwy (Meurthe-et-Moselle). Ils auront six enfants, dont quatre nés à Is-sur-Tille : Roger, né en 1925, Yvette, née en 1928, Marcel, né en 1929, Serge, né en 1931.

En août 1924, la famille demeure au 3 rue Jacquemart à Mézières, puis, en novembre suivant, au 10 rue des Marbriers.

En 1925, ils sont domiciliés à Is-sur-Tille, chez Delaigue-Dejoix.

En 1931, la famille habite cour de la Coopérative à Is-sur-Tille. Armand Saglier est alors cultivateur chez Grapin (?).En 1932, Armand Saglier adhère au Parti communiste.En juin 1935, les Saglier ont emménagé rue de la Sablière à Marcilly-sur-Tille, commune voisine (21).

En 1936, la famille est domiciliée au 129, rue de la Gare à Marcilly et, au moment de l’arrestation d’Armand Saglier, au 12 rue des Messageries (toujours à Marcilly-sur-Tille). Les six enfants, trois garçons et trois filles, sont alors âgés de dix-sept, quatorze, douze, onze, six ans et de seize mois. Il y a plusieurs familles Saglier dans le village, dont celle de Roger – dans la même rue – employé des chemins de fer de l’Est (cadre SNCF) ; probablement un de ses frères (à vérifier…). Armand Saglier est alors manouvrier chez Ducros (?) ; à la veille de son arrestation, il est électricien sur des chantiers, selon sa famille.C’est un militant du Parti communiste. Il est secrétaire de la cellule regroupant les militants communistes d’Is-sur-Tille et de Marcilly-sur-Tille. Il se présente plusieurs fois aux élections du Conseil d’Arrondissement et du Conseil Général, mais sans succès.

Le 15 janvier 1939, l’armée le classe dans l’affectation spéciale au titre de la mobilisation industrielle, comme personnel de renforcement – ouvrier sur métaux – aux établissement Perrot à Dijon.

Le 18 septembre 1939, dans le cadre de la mobilisation générale, il est affecté spécial à l’usine Lonvroil de Montbard (21), probablement une usine sidérurgique. En mars 1940, un employé de cette usine est interrogé par un commissaire de police spéciale sur le comportement de trois autres employés, dont un dénommé Saglier, dans le cadre d’une enquête sur une éventuelle activité communiste. Il en ressort que ces trois employés sont suspects de poursuivre leur activité militante ; ils ne seront pas interrogés pour ne pas éveiller leurs soupçons. Le 18 avril 1940, l’administration militaire raye Armand Saglier du renforcement et l’affecte au dépôt d’artillerie n° 81.

Sous l’occupation, les hommes de la famille sont actifs dans la Résistance, lui, ses frères Roger et André, le frère (?) de son épouse (M. Faitout ?), ayant notamment des armes en dépôt.

Le 14 juillet 1941, Armand Saglier est arrêté par la gendarmerie allemande à Marcilly-sur-Tille pour propagande communiste suite à une dénonciation, puis aussitôt interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il y est enregistré sous le matricule 1562.

En mars 1942, Marie Saglier, son épouse, qui reste seule et sans ressources avec ses six enfants, écrit à Monsieur de Brinon [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], Ambassadeur de France, secrétaire d’État auprès du chef du gouvernement, délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, pour demander sa libération.

Le même mois, Fernand Saglier (lien familial ? frère, oncle, cousin ? le prénom ne correspond pas au prénom de son père), cultivateur à Marcilly-sur-Tille, écrit également au préfet de Côte d’Or, précisant que l’intéressé « lui rendrait les plus grands services lors des prochains travaux de culture ». Le maire de la commune transmet cette demande au préfet avec « avis nettement favorable ». Le 20 mars, le préfet demande une enquête au service des renseignements généraux (RG). Daté du 13 juin, le rapport de l’inspecteur de police, mentionne l’activité de militant d’Armand Saglier avant les hostilités ; il lui est toutefois favorable dans son ensemble : il est considéré comme un « bon époux et un bon père », « il a détruit par le feu tout de ce qui traitait du communisme » avant de rejoindre son poste à l’usine de Montbard. Ce rapport ne fait pas état des soupçons qui pesaient sur lui en 1940 quant à une éventuelle activité militante à l’usine. L’inspecteur propose sa libération avec régime de liberté surveillée.

Entre fin avril et fin juin 1942, Armand Saglier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 22 juin, le préfet intervient auprès du Kommandeur de la Sichereitpolizei (SD – Kommando Dijon).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Les 14 déportés de Côte-d’Or se regroupent dans le même wagon. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Armand Saglier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46085 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Ce même jour, en France, le Kommandeur de la Sichereitpolizei adresse sa réponse au préfet de Région : sa libération est refusée car il « s’agit d’un ex-meneur communiste et qu’il est à craindre qu’il reprenne son activité après une libération éventuelle ».

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Armand Saglier est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 24 juillet, le préfet transmet la réponse du Kommandeur de la Sicherneitpolizei à Monsieur l’Ambassadeur (de Brinon).

Le 21 août 1942, Armand Saglier serait blessé à Auschwitz.

Le 22 octobre, dans un courrier à caractère urgent, le préfet délégué de la Côte-d’Or demande au Commissaire central de Dijon que celui-ci lui fasse faire connaître si l’intéressé a été libéré et, dans la négative, de lui préciser quelles sont les personnes à charge, leur situation matérielle et son avis sur l’opportunité de leur attribuer une aide financière.

À une date restant à préciser, une allocation journalière de 29,50 francs est accordée à Marie Saglier.

En janvier 1943, à Auschwitz, Armand Saglier est affecté à la serrurerie (Haftlings-Schloserei), probablement assigné au Block 15A. Du 12 au 14 janvier, avec André Bardel (45198), il est dans une équipe de six détenus désignés pour travailler sur des fers à béton.

En juillet, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août, Armand Saglier est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Armand Saglier y est désigné comme chef de chambre, selon Gustave Rémy, un détenu français arrivé au camp en mai 1943. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Le 12 décembre, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 27 février 1944, Armand Saglier et Jean Thomas, un cheminot de Boulogne-Billancourt, sont transféré au KL [2] de Sachsenhausen dans un petit groupe de onze détenus. Ils sont affectés aux Kommandos extérieurs de Lieberose puis de Falkenhagen.

Au printemps 1945, ils sont libérés par les troupes américaines.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

À son retour, son frère Roger retrouve Armand Saglier à l’Hôtel Lutétia à Paris – où il ne le reconnaît pas immédiatement – et le prend en charge. Très malade, celui-ci fera au moins un séjour en sanatorium.

Ensuite, ayant déclaré qu’il ne voulait plus avoir d’engagement politique, Armand Saglier part s’installer en région parisienne – où il achète une maison – avec sa famille. Il s’occupe (?) à fabriquer des caddies et des sous-verres. La famille s’agrandit d’un garçon et d’une fille.

Armand Saglier décède le 28 janvier 1953, à Mézières-sur-Seine (Seine-et-Oise), heurté par une voiture de l’armée américaine en traversant une route nationale, selon sa nièce. Il a 51 ans.

Auparavant, alors qu’il habite au 38, place du Général-Leclerc à Is-sur-Tille, il s’est vu reconnaître le titre de Déporté Résistant (carte n° 1016.02317, établie le 10 janvier 1951) et a obtenu la Carte du Combattant (n° 37.735, délivrée le 23 août 1951).

À noter que la DAVCC (voir sources) conserve l’original de la fiche d’entrée au KL Auschwitz d’Armand Saglier, surimprimée avec un cachet dateur au 16 mai 1944 (à vérifier) ; c’est le seul document de ce type connu pour un “45000”.

Notes :

[1] De Brinon : ancien journaliste et “ultra” de la collaboration, Fernand de Brinon était Délégué général du gouvernement de Vichy auprès des autorités militaires allemandes d’occupation. Quand des requêtes étaient formulées par les familles des détenus auprès de l’administration française, la Délégation générale les transmettait à la Commission d’armistice (bipartite), après enquête de la police ou de la gendarmerie pour s’assurer des conditions d’arrestation et de l’honorabilité du détenu. Une lettre était ensuite adressée aux familles sous couvert de l’organisme qui en avait fait la demande : elle leur annonçait que l’intervention avait eu lieu et leur faisait part de la réponse fournie par les autorités allemandes.

Ainsi, un très grand nombre de fiches de la Délégation générale portent le nom de “45000” ; surtout après le départ du convoi, le 6 juillet 1942, et l’absence de nouvelles résultant de leur statut “NN”.

La plupart de ces fiches se trouvent dans les dossiers d’état civil des déportés conservés au BAVCC (anciennement archives du secrétariat d’État aux Anciens Combattants).

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 244 et 248, 290, 348, 350, 359, 363 et 419.
- Archives départementales de Côte-d’Or, site internet, recensement de 1906, 1926 (p. 22) et 1931 (p.38) à Is sur-Tille, de 1936 à Marcilly-sur-Tille ; fonds : « fiches individuelles des déportés de Côte-d’Or », don de Pierre Gounand, historien (6J61 à 62), chronologie (6J57 à 59), article 244 (1630W).
- Message d’Arlette Braguy, sa nièce (08-2008).
- Témoignage de ses brus, Mesdames Yvonne Saglier et Saglier Marcel.
- Gustave Rémy, ouvrier aux établissements Kiener à Éloyes (Vosges), en zone interdite, envoyé à Terniz (Autriche) en novembre 1942 au titre du STO, arrêté par la Gestapo après avoir envoyé à son frère prisonnier de guerre une lettre exprimant son dégoût de travailler pour le Reich, enregistré à Auschwitz à la fin mai 1943 (matricule “123000”), passé par la “quarantaine” du Block 11 ; récit dactylographié envoyé à Renée Joly en septembre 1992.
- État civil de la mairie d’Is-sur-Tille.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009) ; Arbeitskarte.
- Division des archives des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense (DMPA), Caen : cartons Auschwitz (26 p 824).
- Jean Marc Saglier, message (06-2019).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 1-06-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Gaston RUAN – (46084 ?)

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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Gaston, Armand, Pierre, Ruan naît le 16 avril 1889 à Paris 15e, chez ses parents, Armand Ruan, 27 ans, employé (représentant) de commerce, et Marie Célina Patu, son épouse, 27 ans, domiciliés au 11, rue Pérignon. Il aura un frère, Maurice Jacques Louis, né le 11 décembre 1890.

Pendant un temps, il habite chez ses parents, au 29, rue des Peupliers, à Alfortville [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Val-de-Marne – 94). Il est ajusteur-mécanicien, puis outilleur ajusteur (dans quelle entreprise ?).

Le 1er octobre 1910, il est incorporé comme cavalier de 2e classe au 5e régiment de chasseurs. Le 24 septembre, il passe à la 5e compagnie de cavaliers de remonte. Un an plus tard, le 25 septembre 1912, il est envoyé en disponibilité, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 21 mars 1914 à la mairie de Maisons-Alfort [1] (94) – commune voisine d’Alfortville -, Gaston Ruan épouse Marie-Louise Dufouilloux, 20 ans, née le 19 novembre 1894 à Magnac-Laval (Haute-Vienne), elle aussi métallurgiste. Son frère, Maurice Ruan, est témoin à ce mariage.

Début juillet, les jeunes mariés habitent au 4, rue Eugène-Renault à Maisons-Alfort.

Le 3 août 1914, Gaston Ruan est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale et rejoint le 19e escadron du train (des équipages) à Paris.

Le 25 février 1915, son frère Maurice, soldat de 2e classe au 106e régiment d’infanterie, est tué au cours des premières offensives françaises pour reprendre la crête des Éparges (Meuse).

Dans cette période, le couple a deux enfants : Raymonde, née en 1915 à Paris,  et Alphonse, né le 14 juin 1917 chez ses parents.

Gaston Ruan est démobilisé le 1er avril 1919.

À une date restant à préciser, il adhère au Parti communiste.

Le 3 mai 1925, il se présente, sans succès, aux élections municipales sur la liste du Bloc Ouvrier et Paysan.

Le 15 juillet 1926, sa mère décède à Alfortville.

En 1927, la famille est venue habiter chez Armand Ruan, alors veuf, au 30, quai d’Alfortville, à Alfortville.

Lors du scrutin du 12 mai 1929, Gaston y est élu conseiller municipal sur la liste conduite par Marcel Capron, et réélu dans les mêmes conditions le 5 mai 1935.

La mairie d’Alfortville, après la guerre. Carte postale, collection Mémoire Vive.

La mairie d’Alfortville, après la guerre.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 23 juin 1932, son père décède à Alfortville.

Le 3 juillet 1935, Gaston Ruan entre à la ville d’Ivry-sur-Seine [1] (94) comme enquêteur administratif à titre temporaire (titularisé le 30 mars 1937). Il adhère au Syndicat unitaire des employés et ouvriers des communes de la Seine. Sa fille est alors dactylo à la mairie d’Alfortville.

Le 29 avril 1940, il est suspendu de ses fonctions à Ivry par la Commission spéciale pour n’avoir pas rompu « tout lien de solidarité avec les activités interdites par la loi ». Le 1er mars, le conseil de préfecture de la Seine le déchoit de son mandat électoral à Alfortville pour n’avoir pas « répudié catégoriquement toute adhésion au parti communiste… ».

Gaston Ruan est actif dans la clandestinité, participant à la diffusion de tracts et à la rédaction d’affiches et de journaux interdits.

Le 25 juillet, il est – avec Henri Hannhart et Gilbert Lasséchère… – l’un des principaux organisateurs de la manifestation visant à reprendre la mairie d’Alfortville. Le même jour une action identique est menée à la mairie de Maisons-Alfort.

À la suite de cette action, les trois hommes sont arrêtés par des agents du commissariat de la circonscription de Charenton. Ils sont conduits au commissariat du 12e arrondissement parisien, où ils sont regroupés avec six ex-élus communistes de Maisons-Alfort, puis passent la nuit au dépôt de la préfecture de police (au sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité). Enfin, ils sont écroués à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), pour « attroupement de rue et manifestation non approuvée par les autorités allemandes ».

Le 4 octobre, les neuf hommes sont relâchés, à l’initiative semble-t-il de l’administration militaire allemande pour laquelle « vu la fragilité de (leur) cas, rien ne peut être retenu contre (eux) », et après qu’ils aient signé un engagement à « ne pas faire de propagande contre les autorités occupantes ».

Mais, le 7 octobre, le commissaire de Charenton en appelle au directeur des Renseignements généraux afin que les neuf hommes soient de nouveau arrêtés : « Il est à peu près certain que tous ces militants vont reprendre une activité. Leur arrestation paraît s’imposer. »

Le 10 octobre suivant, les mêmes sont appréhendés par des inspecteurs de Charenton et conduits à la Conciergerie où la passent la nuit. Internés administrativement par arrêtés du préfet de police, en application du décret-loi du 18 novembre 1939 et de la loi du 4 septembre 1940, tous sont conduits au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), ouvert cinq jours plus tôt dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Gaston Ruan partage une chambre avec Henri Hannhart, Fernand Saguet et trois autres militants d’Alfortville ou Maisons-Alfort.

Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante.

Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante.

Le 4 décembre, Gaston Ruan et ses deux camarades font partie de la centaine d’internés « choisis parmi les plus dangereux » transférés, par mesure préventive ou disciplinaire (?), à la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [2], près de Saumur (Maine-et-Loire) ; leur transport s’effectue en car et sous escorte. Les détenus sont enfermés dans une grande salle commune de la Centrale. Ils apprennent que 70 communistes purgent une peine dans le secteur carcéral, parmi lesquels une vingtaine de jeunes.

    Fontevraud, l’ancien réfectoire des moines.     Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Fontevraud, l’ancien réfectoire des moines.
Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Le 20 janvier 1941, sans être informés de leur destination, la même centaine d’internés est conduite à la gare de Saumur où les attendent deux wagons de voyageurs à destination de Paris-Austerlitz. À leur arrivée, ils sont conduits à la gare de l’Est. Ils y rejoignent 69 autres militants communistes en attente de transfert.

Le train les amène à la gare de Clairvaux (Aube) d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à la Maison centrale de Clairvaux. Une fois arrivés, la direction les contraint à échanger leurs vêtements civils contre la tenue carcérale, dont un tour de cou bleu (“cravate”) et un béret. Ceux qui refusent sont enfermés une nuit en cellule (“mitard”), tandis que la plupart sont assignés à des dortoirs. Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.

Le 14 mai, 90 d’entre eux sont transférés au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Atlantique), parmi lesquels plusieurs seront fusillés le 22 octobre. Gaston Ruan et ses deux camarades font partie de ceux qui restent à Clairvaux, et qui doivent bientôt partager les locaux qui leur sont assignés avec quelques “indésirables” (internés de “droit commun”).

Le 26 septembre, les trois hommes sont parmi les 85 internés de Clairvaux transférés, en train via Paris, au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 9 février 1942, Gaston Ruan et ses deux camarades font partie d’un groupe de 52 « communistes » (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht(Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Gaston Ruan est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée (suivant un ordre de Hitler) en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée d’occupation.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Gaston Ruan est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46084, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Gaston Ruan se déclare alors protestant (Evangelist). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Gaston Ruan.

Il meurt à Auschwitz le 22 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3].Son épouse, Marie-Louise, reprend le flambeau à la Libération : elle fait partie du conseil municipal provisoire d’Alfortville (arrêté du 4 novembre 1944), conserve son siège en 1945 et devient deuxième adjointe au maire.  Elle est encore élue sur la liste du PCF aux scrutins des 9 décembre 1951 et 21 avril 1953.

Le nom de Gaston Ruan est inscrit, parmi les déportés, sur la plaque dédiée « À la mémoire des employés de la ville d’Ivry-sur-Seine morts pour la France, 1939-1940 », apposée sur un pilier du hall de la mairie.

Son nom est également inscrit sur la plaque commémorative placée au sol devant le monument aux Morts d’Alfortville, dans le square de la mairie : « Hommage aux habitants d’Alfortville fusillés ou mort en déportation ».

Notes :

[1] Maisons-AlfortAlfortville et Ivry-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite au Journal Officiel : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir lesdocuments administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Gaston Ruan, c’est le 15 novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès (a.n. 19-10-46, 5956). Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claude Pennetier, notice dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 1990-1997 CD-Rom (citant : Arch. dép. Seine, DM3 ; vers. 10451/76/1 et 10441/64/2 – Arch. PPo. 101 – Arch. com. Ivry-sur-Seine – Arch. ministère des AC).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 357, 387 et 419.
- Henri Hannhart, Un épisode des années 40, Matricule : F 45652 (les intérêts de certains ont fait le malheur des autres), trois cahiers dactylographiés par son fils Claude ; notamment une liste, page 23.
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 15e arrondissement à la date du 17-04-1889 (V4E 7148), acte n° 991 (vue 6/31).
- Archives municipales d’Alfortville.
- Archives de Paris : registre des matricules militaires, recrutement de la Seine, classe 1909, 4e bureau, volume 3001-3500 (D4R1 1539), Ruan Gaston, Armand…, matricule 3049.
- Archives municipales d’Ivry-sur-Seine : dossier d’employé communal consulté par Michèle Rault, conservatrice.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; carton “PC” n°VII, A.S. du 20 décembre 1940 sur le CSS d’Aincourt ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1437-12541).
- Musée de la Résistance Nationale, Champigny-sur-Marne : fichier du commissariat de circonscription d’Ivry-sur-Seine sur les militants communistes du secteur.
- Archives départementales des Yvelines (78), Montigny-le-Bretonneux : cabinet du préfet de Seine-et-Oise sous l’Occupation et centre de séjour surveillé d’Aincourt ; notice individuelle (1W151).
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1037 (24280/1942).
- Mémorial GenWeb, site internet, relevé de Stéphane Protois (2015).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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René ROYER – 46075

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Collection Jean-René Kerdelhué.
Droits réservés.

René, Camille, Royer naît le 19 juillet 1897 à Payroux (Vienne – 86), chez ses parents, Louis Royer, 27 ans, cultivateur (jardinier), et de Marie Simonet, son épouse, 23 ans, lingère. Il a – au moins – une sœur, Marguerite, née en 1898, et un frère Narcisse, né en 1899.

Pendant un temps, René Royer travaille comme cultivateur, probablement avec ses parents.

Le 3 septembre 1917, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 32e régiment d’infanterie. Le 10 mai 1918, il part en renfort au 66e R.I. Le 13 juillet 1918, il passe au 136e R.I. Deux semaines plus tard, le 31 juillet, dans le secteur de Soissons, il est blessé par un éclat d’obus causant une plaie contuse dans la région orbitaire et maxillaire gauche. En mars 1919, la commission de réforme de Poitiers le proposera pour la réforme temporaire « pour réduction de la vision de l’œil droit à la perception lumineuse, vision de l’œil gauche = 1 ». En avril 1931, le 4e commission de la Seine le proposera pour une pension permanente d’invalidité de 45 %, et, un an plus tard, la 2e commission de la Seine le déclarera réformé définitivement « pour atrophie du nerf optique de l’œil droit aujourd’hui complète et vaste destruction traumatique du fondu V… ».

René Royer est décoré de la Croix de guerre (en 1934, il recevra la carte de Combattant).

Le 28 décembre 1920, à Payroux, il se marie avec Valentine Durpaire, née le 8 août 1902 à Mauprévoir, 11 km à l’est de Civray (86).

En avril 1921, le couple est installé chez le père de Valentine, Pierre Durpaire, à Mauprévoir. Après avoir travaillé comme coiffeur, René Royer y entre comme facteur auxiliaire dans l’administration des PTT (poste, télégraphe et téléphone). Leur fille Yvette y naît le 23 avril 1922, et leur fils René le 28 décembre 1923.

En juillet 1926, René Royer est muté à la recette principale de la rue du Louvre, à Paris 1er.

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La grande Poste de la rue du Louvre. Carte postale, collection Mémoire Vive.

La grande poste de la rue du Louvre dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

En septembre, la famille est domiciliée au 16, rue de la Grotte (aujourd’hui Firmin-Gillot), à Paris 15e. Leur fils Pierre naît le 14 octobre de cette année. Un an plus tard, la famille a emménagé au 27, rue du Chemin-de-Fer à Malakoff (Seine / Hauts-de-Seine), puis au 16, rue Ledru-Rollin dans cette commune.

À partir du 6 janvier 1929 et jusqu’au moment de son arrestation, René Royer est domicilié au 156, rue de Vanves (devenue rue Raymond-Losserand) à Paris 14e, dans une cité ouvrière HBM (habitation à bon marché), en face de l’hôpital Paris Saint-Joseph.

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L’entrée du 156 rue Raymond-Losserand (en 2019). © Mémoire Vive

L’entrée du 156 rue Raymond-Losserand (en 2019). © Mémoire Vive

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La plaque apposée à gauche du porche… © Mémoire Vive

La plaque apposée à gauche du porche… © Mémoire Vive

Son fils Jacques naît le 20 janvier dans le 15e arrondissement.

En janvier 1931, René Royer est affecté au bureau central des PTT du 14e arrondissement, au 15 bis, avenue d’Orléans [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], entre l’hôpital de La Rochefoucauld et la villa Adrienne.

Militant communiste, secrétaire de la cellule de son bureau de poste ; syndicaliste CGT (Syndicat unique des agents et employés des PTT), il est aussi membre du Secours ouvrier international (qui deviendra le Secours populaire français).

Le 12 juin 1932, il est arrêté sur le boulevard Sébastopol alors qu’il chante L’Internationale depuis un autocar revenant d’une fête communiste qui s’est tenue à La Villette-aux-Aulnes. Conduit au commissariat central du 10e arrondissement, il est relaxé après les “vérifications d’usage”, sans que cette affaire ait de suites judiciaires.

Le 22 juillet 1935, Valentine Royer met au monde leur fils Paul. Leur dernier enfant, Danielle, naît le 21 février 1939.

Le 9 décembre 1941, René Royer « fait l’objet d’une perquisition infructueuse » à son domicile.

Le 16 décembre, une notice de la 1re section des Renseignements généraux (Brigade spéciale), rédigée au motif que René Royer est suspecté d’être en liaison avec Bévillard et Berthelot, autres employés des PTT arrêtés pour activité communiste, indique qu’une telle relation n’a pu être établie et qu’« actuellement, […] il ne se livre à aucune propagande tant à son domicile que dans son entourage et à son lieu de travail ».

Le 28 avril 1942, René Royer est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Selon Suzanne Deslandes, il y eut 44 arrestations dans le 14e arrondissement et 10 furent dans le convoi du 6 juillet. « Un ou deux jours » après, René Royer est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le 8 juillet 1942, René Royer est enregistré à Auschwitz sous le numéro 46075 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifié par comparaison avec un portrait “civil”).

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Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Royer est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Le 2 novembre suivant, dans la chambre (Stube) n°5 du Revier de Birkenau (Block n° 8 – en brique – du secteur BIb), où se trouvent également cinq autres ”45000”, René Royer reçoit 2 comprimés de Pyramidon et 12 gouttes d’Anizine. Dans ce dispensaire pour les détenus, le SS-Rottenführer Franz Schulz exécute certains d’entre eux avec une injection mortelle dans le cœur…

On ignore la date exacte de la mort de René Royer à Auschwitz [2] ; avant la mi-mars 1943.

En 1951, son épouse dépose un dossier de demande de reconnaissance au titre de la Résistance intérieure française (RIF).

En 1956, son épouse dépose un dossier de demande d’attribution du titre de déporté politique.

Déclaré “Mort pour la France”, il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1999).

Une plaque commémorative a été apposée au centre de tri postal du 115, boulevard Brune : « À la mémoire de notre camarade René Royer, facteur. Déporté et disparu, victime de la barbarie nazie ».

À l’intérieur du centre de tri, en février 2019… © Mémoire Vive

À l’intérieur du centre de tri, en février 2019… © Mémoire Vive

© Mémoire Vive

© Mémoire Vive

Notes :

[1] Avenue d’Orléans : actuellement avenue du général-Leclerc.

[2] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil en France… Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

S’agissant de René Royer, c’est « le 11 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) et non le 6 juillet 1942 à Compiègne (Oise) » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 372 et 419.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Dossier Deslandes – Mairie du 14e – M. Cottard, Revue d’Histoire du 14e, n°29, p.71, fév.1989 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen – Questionnaire rempli par l’un de ses enfants, René Royer, le 15 février 1992.
- Archives départementales de la Vienne, archives en ligne (MI 1203, 1893-1902), acte n° 11 (vue 39/97) ; Recensement de 1901 à Payroux (6 MI 062), page 3, n° 11 (vue 2/19) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau de Poitiers, classe 1917, numéros de 1 à 500 (cote ???), matricule 73 (vue 110/723).
- Message de Jean-René Kerdelhué (02-2011).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”  (BA ?) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 661-19216) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1574-53284).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Gabriel ROYER – (46074)

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En 1930.
Collection Colette Pestel. Droits réservés.

Gabriel, Maurice, Royer naît le 27 juillet 1901 à Esternay (Marne – 51), chez sa grand-mère maternelle Louise Marion, fils de Henri Royer, 26 ans, facteur rural, et d’Ernestine, née Marion, 17 ans, domiciliés à Reims. Les témoins pour l’inscription du nouveau-né à l’état civil sont un porcelainier et un vannier.

Vivant encore chez ses parents, alors domiciliés au 91, rue Favart-d’Herbigny à Reims, Gabriel Royer commence à travailler comme facteur intérimaire aux PTT.

Le 5 avril 1921, il est incorporé au 5e régiment de dragons afin d’y effectuer son service militaire. Dès le 10 avril, il est envoyé participer à l’occupation des « territoires rhénans », mais est rapatrié le 21 octobre suivant. Cinq jours plus tard, la commission de réforme de Metz le réforme temporairement pour « dacryocistite de l’enfance » (inflammation du sac lacrymal), réforme qui sera renouvelée. Il retourne chez ses parents.

Le 13 octobre 1923 à Reims, il se marie avec Gilberte P., 25 ans. À la fin de cette année, ils habitent au 39, rue Dorigny à Reims.

En février 1926 et jusqu’au début des années 1930, le couple est domicilié au 40 bis, rue Jacquart à Reims (51). Gabriel Royer est alors employé de bureau aux Établissements Économiques. Il obtient le permis de conduire les automobiles.

Dans les années 1930, Gabriel Royer est domicilié au 40 bis, rue Jacquart à Reims (51). Il y obtient le permis de conduire les automobiles.

En août 1934, Gabriel Royer est venu s’installer en région parisienne, habitant un logement dans la cité d’habitations à bon marché (HBM) du 9, rue Paul-Bert à Colombes [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

Fin novembre 1935 / début 1936, il vit au 3, rue Guillot à Colombes, avec Geneviève, Marguerite, Vermeersch, née le 29 juin 1913 à Paris 14e, et divorcée en mai 1934 d’un précédent mariage, et ses deux enfants : Gabriel, dit Gaby, né le 28 août 1933, et Colette, née le 21 mars 1935 à Colombes (après ce divorce), qui portent le patronyme du premier mari de Geneviève.

À partir de novembre 1936, Gabriel Royer travaille comme tireur-soudeur à l’usine de la Société Industrielle du Matériel inoxydable (S.I.M.I.), 49, rue de l’Espérance prolongée, à Gennevilliers [1] (92), et dont le siège est à Versailles (Seine-et-Oise / Yvelines).

Le 2 juin 1937, un tribunal civil prononce le divorce de Gabriel Royer d’avec sa première épouse ; il est prévu qu’il reconnaisse Colette…

À partir de mai 1938 et jusqu’au moment de son arrestation, la famille recomposée est domiciliée dans un pavillon au 19, rue des Avants à Colombes [1] (92).

Le 31 octobre 1939 à Esternay, Gabriel Royer se marie avec Geneviève Vermeersch.

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Gabriel et Geneviève.
Collection Colette Pessel. Droits réservés.
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Gabriel Royer et ses enfants : Colette et Gabriel.
Collection Colette Pessel. Droits réservés.

Membre de son syndicat professionnel, la police ne lui connaît aucune activité particulière. En 1938, il adhère au Parti communiste, mais reste discret sur ses opinions dans son entreprise.

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Geneviève Royer avec Gabriel et Colette.
Collection Colette Pessel. Droits réservés.

Le 2 septembre 1939, Gabriel Royer est « rappelé » à l’activité militaire et affecté au 3e escadron du dépôt de cavalerie n° 26. Mais, le 29 octobre, il est classé affecté spécial au titre de la Société Industrielle des matières inoxydables, 38 bis, avenue de la République à Paris produisant pour la Défense nationale. Il est alors renvoyé dans ses foyers à Colombes.

Sous l’occupation, il poursuit son activité militante dans la clandestinité. Selon la police, il regroupe d’ex-militants du quartier de Saint-Denis à Colombes qui diffusent des tracts sous sa direction. Vers la mi-janvier 1941, ils tiennent une réunion d’organisation à son domicile.

Dans la soirée du 8 février 1941, trois gendarmes de la brigade de Colombes exerçant une surveillance près du long viaduc ferroviaire de la ligne de Paris-Saint-Lazare à Ermont-Eaubonne, qui longe en surplomb l’avenue Ménelotte, remarquent trois hommes arrivés de la rue du progrès pour s’arrêter près d’un pilier de ce viaduc. Ayant aperçu les gendarmes, ceux-ci s’esquivent vers l’avenue Gambetta. Puis ils sont repérés de nouveau en revenant au viaduc à partir de la rue Saint-Hilaire. Quand les gendarmes s’apprêtent à les interpeller, deux d’entre eux s’enfuient. Le troisième est appréhendé : Émile Vallée, maçon de 35 ans, qui est alors escorté à la brigade pour vérification d’identité et d’adresse. « Fouillé, il a été trouvé en possession de deux oriflammes de couleur rouge portant au milieu, en jaune, une faucille et un marteau. Ramené aussitôt près du pilier du viaduc où il avait été vu la première fois, nous avons constaté qu’un tract venait d’y être apposé, et cet individu a reconnu que c’était lui-même qui l’avait collé, aidé de ses deux camarades. À proximité, nous avons retrouvé un pot de colle ainsi que des tracts épars sur la chaussée. Sur notre invitation, il nous a conduit aux endroits où d’autres tracts venaient d’être apposés, notamment rue du Progrès, avenue d’Argenteuil, boulevard Marceau, avenue Ménelotte, etc. » Plus de trente affichettes n’ayant pu être décollées sont lacérées par les gendarmes. Ces tracts et “placards” portent plus de dix textes différents, un des imprimés caricaturant Pétain défilant devant une “Galerie des ancêtres” avec un petit cheval de bois. Interrogé à la brigade, le militant déclare : « [Delauffre] s’est présenté chez moi et m’a demandé de l’accompagner pour coller des affiches du parti communiste. Le même jour, vers 21 heures, en compagnie de Delauffre et d’un autre individu que je ne connais pas, nous nous sommes retrouvés boulevard Marceau à Colombes et nous avons commencé le collage des affiches. Delauffre portait les affiches, l’inconnu le pinceau, et moi le pot de colle. »

Donnant immédiatement suite à cette déclaration, les gendarmes se rendent, dans la nuit, à 3 heures 30, au domicile de Modeste Delauffre, caoutchoutier de 36 ans, ex-militant de la cellule des Champarons à Colombes, et commencent par l’interroger. Celui-ci nie toute participation au collage nocturne, son alibi étant la présence chez lui de Louis Cocu, venu jouer aux cartes dans la soirée avec lui est son épouse. Confrontés (dans les locaux de la brigade ?), Émile V. et Delauffre maintiennent leurs versions respectives des faits. Les gendarmes mettent Modeste Delauffre en état d’arrestation afin de le conduire au procureur de la République, cependant, ils remettent leur suspect au commissaire de police de la circonscription de Colombes. Une perquisition opérée par les policiers au domicile de celui-ci amènera la découverte de matériel d’imprimerie, de tampons humide et de papier pour tracts.

Également conduit au commissariat, Émile V. y est de nouveau interrogé, avec une grande brutalité, par cinq policiers, dont deux inspecteurs de la brigade spéciale anticommuniste des Renseignements généraux qui se sont déplacés spécialement.

Ce 9 février, Adolphe Guyot, plombier de 31 ans, militant connu et déjà arrêté deux fois, est également appréhendé, puis longuement et brutalement interrogé au commissariat de Colombes. Par la suite, pour procéder aux divers interrogatoires et confrontations, plusieurs personnes sont détenues au commissariat pendant quelques jours ; en plus des menaces et des coups, la privation de nourriture fait partie des techniques utilisées pour briser les volontés. Alors que d’autres inculpés « passent aux aveux » et donnent le schéma de leur organisation, Adolphe Guyot, qui semble être leur responsable, persiste à nier, même lors des confrontations. Parmi les suspects arrêtés, Marc Maximilien Valette, manœuvre de 32 ans, sera libéré en juin, mais décèdera chez lui le 5 septembre suivant : il serait mort fou à la suite des coups reçus… Marcel Conrad, tôlier de 21 ans, qui refuse de parler, est relaxé au bout de deux jours de garde à vue, mais il a deux incisives brisées et subira une opération du tympan, avec une incapacité de travail de trois mois.

Le 10 février 1941, Gabriel Royer est arrêté par des agents du commissariat de police de la circonscription de Colombes « en flagrant délit d’apposition d’affiches et de placards communistes » sur les murs des maisons de la localité, en même temps que son épouse et d’autres individus qui en faisaient autant à Colombes, Courbevoie et Bois-Colombes. La perquisition effectuée à son domicile amène la découverte dans son grenier d’une « étoffe rouge semblable à celle ayant servi à confectionner des oriflammes trouvés accrochés aux fils électriques de la rue de Colombes à Asnières dans la nuit du 9 au 10 février », veille de son arrestation. Geneviève Royer, également conduite au commissariat de Colombes, y constate que son mari porte des traces de coups sur la figure. Lui demandant ce qui lui était arrivé, celui-ci lui dit avoir été frappé au cours de son interrogatoire.

Avec dix-huit membres du même réseau, ils sont d’abord écroués au dépôt de la préfecture de police de Paris (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité), à la disposition du procureur.

En tout, trente-trois personnes sont inculpées d’infraction au décret-loi du 26-9-1939, dont son épouse et Raoul Bertrand (et Gino Foscardi ?). Treize d’entre elles semblent bénéficier d’un non-lieu au cours de l’instruction, dont son épouse et Raoul Bertrand.

Gabriel Royer est conduit à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 4 juin 1941, les prévenus non-libérés comparaissent devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine qui condamne Gabriel Royer à dix-huit mois d’emprisonnement.

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Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Avec d’autres condamnés, celui-ci se pourvoit en appel auprès du procureur de la République.

Gabriel Royer est écroué à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne), où il commence à purger sa peine dans le secteur “correction hommes”.

Le 21 août 1941, Pierre Georges (futur colonel Fabien), jeune dirigeant de l’Organisation spéciale, tue l’aspirant de la Kriegsmarine Moser sur le quai de la station Barbès-Rochechouart du métro parisien, première action armée de la résistance communiste. En représailles, Hitler exige l’exécution par la France de six otages avant la fin de la semaine suivante. Pierre Pucheu, ministre de l’Intérieur, et Joseph Barthélemy, ministre de la Justice, mettent en urgence la dernière main au projet d’une nouvelle juridiction d’exception réprimant « l’activité communiste et anarchiste » : les Sections spéciales, siégeant auprès des Cours d’appel pouvant prononcer des peines de mort avec procédure juridique accélérée et application rétroactive, sans recours ni pourvoi. La loi est promulguée par Vichy le 22 août 1941, mais antidatée au 14 août afin d’établir un lien avec la manifestation communiste parisienne de la veille.

Après examen de nombreux dossiers de militants communistes emprisonnés par les autorités françaises et déjà condamnés, les juges retiennent six noms pouvant donner lieu à des condamnations à mort : Émile Bastard, André Bréchet, Adolphe Guyot, Lucien Sampaix, Abraham Trzebrucki et Jacques Woog. Le 27 août, quatre militants sont jugés en quelques minutes. Trois d’entre eux, Bastard, Bréchet et Trzebrucki, sont condamnés à mort, et seront guillotinés dans la cour de la prison de la Santé le lendemain. Mais, craignant que l’exécution de Lucien Sampaix, ex-secrétaire général et journaliste de L’Humanité – d’une toute autre notoriété – ne leur attire un jour de sérieux ennuis, la majorité des juges le condamne seulement aux travaux forcés à perpétuité. Un verdict “mitigé” qui ne satisfait guère les autorités d’occupation…

Le 7 septembre 1941, sous la signature de Pétain, chef de l’État français, le gouvernement de Vichy promulgue un décret instituant, « à titre temporaire », un tribunal d’État et dont l’article 2 stipule : « Le Conseil des ministres peut déférer au tribunal d’État les auteurs, coauteurs ou complices de tous actes, menées ou activités qui, quels qu’en soit la qualification, l’intention ou l’objet, ont été de nature à troubler l’ordre la pais intérieure, la tranquillité publique, les relations internationales ou, d’une manière générale, à nuire au peuple français. » Le procureur de la Seine commente alors : « On peut se demander si le législateur ne s’est pas engagé […] dans la voie d’un droit pénal moins formaliste et plus dynamique comme celui de législations voisines plus modernes », pointant ainsi l’influence à peine dissimulée de la philosophie nazie du droit, car le « peuple » n’est pas une notion juridique en France, à la différence du Volk allemand.

Ainsi, les condamnés de l’affaire de Colombes sont ramenés à la Santé afin de comparaitre devant la section de Paris – en charge de la zone occupée – du tribunal d’État.

Les 19 et 20 septembre, celui-ci ramène à un an d’emprisonnement la peine de Gabriel Royer, y ajoutant ou confirmant amende et privation de droits civiques. Mais elle condamne à mort Adolphe Guyot – considéré par l’accusation comme chef de l’organisation clandestine à Colombes – ainsi que Jacques Woog, tous deux déjà pressentis pour être jugés par la Section spéciale. Ils sont guillotinés à La Santé le 24 septembre.

En octobre, Gabriel Royer est – comme Arthur Lepetit – transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

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Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À l’expiration de sa peine, le 23 novembre, il n’est pas libéré : le directeur de la prison à préalablement sollicité l’autorisation de l’Autorité allemande et, comme le rappelle une note des R.G., « …en exécution de la note allemande du 15 septembre 1941, du général Schaumburg, Commandant des forces militaires en France, Royer ne peut être remis en liberté qu’avec l’assentiment des autorités d’occupation ».

Le 23 décembre, son épouse écrit au ministre de l’Intérieur, place Beauveau, à Paris,  pour solliciter sa libération, indiquant que le président-directeur de la S.I.M.I., qui le considère comme un très bon ouvrier, est disposé à le reprendre. Le 6 janvier 1942, un cadre du ministère écrit au préfet de Seine-et-Oise pour lui demander « si la conduite et l’attitude de l’intéressé […] permettent d’émettre un avis favorable à une mesure de clémence à son égard. Votre rapport devant être soumis à la prochaine réunion des services de la police anticommuniste, il y aura lieu de ma le faire parvenir sous huitaine. »

Le 13 février 1942, Gabriel Royer est, avec Arthur Lepetit, parmi les vingt-quatre « militants communistes » de Poissy – composé pour moitié de futurs “45000” – transférés au dépôt de la préfecture « en vue d’une mesure d’internement administratif ». Le 25 mars, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939, officialisant la situation ; décision confirmée par le ministre secrétaire d’État à l’Intérieur.

Le 16 avril, Gabriel Royer fait partie d’un groupe d’une soixantaine de détenus – dont quarante-quatre futurs “45000” – transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il est enregistré sous le matricule n° 110.

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Entrée du camp de Voves.
Date inconnue, probablement après mars 1943.

Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Gabriel Royer est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Gabriel Royer.

Il meurt à Auschwitz le 26 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Entre temps, le 1er septembre, le cabinet du préfet de police avait écrit au directeur des renseignements généraux à la demande du ministère de l’Intérieur afin qu’il lui transmette « son avis sur l’opportunité d’une mesure de clémence à l’égard » de Gabriel Royer « actuellement interné au centre de séjour surveillé de Voves » ! La réponse était négative.

Le 23 décembre 1944, le témoignage de Geneviève Royer figure dans le rapport d’enquête de la section d’épuration de la préfecture de police visant Paul Guillaume, commissaire de Colombes.

En 1945, celle-ci est employée chez un teinturier de la rue de Penthièvre (Paris 8e).

Le 3 mars 1947, le décès de Gabriel Royer est transcrit à la mairie de Colombes avec pour date « septembre 1942 ».

Gabriel Royer est homologué comme “Déporté politique”.

Geneviève Royer décède le 19 octobre 1974 à la Neuville-en-Hez (Oise), âgée de 61 ans.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Gabriel Royer (J.O. du 27-01-1999) ; avec erreur sur la date («  fin juin 1942 »).

Notes :

[1] Colombes et Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 403.
- Cl. Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national).
- Messages de Colette Pessel, fille de Gabriel Royer, avec documents d’archives familiales en pièces jointes (06-2012)
- Archives départementales de la Marne (AD 51), site internet, archives en ligne : registre des naissances d’Esternay, année 1901 (2 E 265/19), acte n° 18 (vue 102/108).
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 31 mai au 3 septembre 1941 (D1u6-5856).
- Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; carton “Parti communiste” (BA 1928) ; dossier individuel des RG (77 W 50 – 100748) ; dossier d’épuration de Paul Guillaume, commissaire de Colombes (77 W 4360-294139).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Association Arbre, marne-archives.com (n°8214).
-  Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1032 (37415/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 31-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Jean ROY – (46073 ?)

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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Jean, François, Roy naît le 15 décembre 1920 à Paris 13e, fils d’Hippolyte Jean Roy et d’Alice van Kerhoven.

Pendant un temps, il habite au 115, rue de la Glacière à Paris 13e (aujourd’hui face à la bibliothèque Glacière). Au moment de son arrestation, il est domicilié chez sa mère au 18, rue Brillat-Savarin.

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Au premier plan, l’immeuble du n°115 de la rue de la Glacière.
© Photo Mémoire Vive.

Jean Roy travaille comme journalier, dans une entreprise métallurgique.

Il est membre du Parti communiste.

Le 30 janvier 1941, il est arrêté pour « distribution de tracts et collage de papillons communistes », avec Lucien Borie et Lucien Moreau. Inculpés d’infraction aux articles 1, 3 et 4 du décret-loi du 26 septembre 1939, placés sous mandat de dépôt, ils sont conduits au Dépôt de la préfecture de police.

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Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le lendemain, 31 janvier, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine condamne Jean Roy et Lucien Moreau à quatre mois d’emprisonnement, et Lucien Borie à dix mois (les trois hommes feront appel le 22 février). Ils commencent à subir leur peine à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Le 12 février, Jean Roy et Lucien Moreau sont transférés à l’établissement pénitentiaire de Fresnes [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Val-de-Marne).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 25 mars, la 10e chambre de la cour d’appel de Paris confirme le jugement initial.

Le 30 avril, à l’expiration de leur peine, Jean Roy et Lucien Moreau sont libérés.

Le 28 avril 1942, Jean Roy et Lucien Moreau sont arrêtés chacun à leurs domiciles respectifs lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin précédemment condamnés par la justice française. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Roy et Lucien Moreau sont sélectionnés avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Roy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46073, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Jean Roy.

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz [2] ; probablement avant la mi-mars 1943. Il a 22 ans.

Il est homologué comme “Déporté politique”.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1999).

Notes :

[1] Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documentsadministratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Jean Roy, c’est « le 11 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) et non le 6 juillet 1942 à Compiègne (Oise) » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 372 et 419.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?).
- Archives de Paris ; greffe correctionnel, 14 janvier-12 février 1941.
- Archives Départementales du Val-de-Marne (AD 94), Créteil : prison de Fresnes, détenus libérés le 6-6-41 (511W 16).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 28-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Henri, Ernest, ROY – (46072 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Henri, Ernest, Roy naît le 13 janvier 1898 à Reims (Marne – 51), au domicile de ses parents, Joseph Roy, 50 ans, verrier, et Louise Laforêt, son épouse, 45 ans, journalière, demeurant à la verrerie de Reims ; un des deux témoins pour l’enregistrement à l’état civil est Théophile Roy, 29 ans, verrier, demeurant à la verrerie.

Le 17 avril 1918, Ernest Roy est incorporé comme sapeur de 2e classe au 11e régiment du Génie. Le 13 janvier 1919, il passe au 7e bataillon du Génie. Le 21 juin suivant, il passe au 9e régiment du Génie. Le 5 août 1921, il est renvoyé dans ses foyers, chez ses parents au n° 5 de la cité de la Verrerie, le certificat de bonne conduite lui étant refusé.

Le 27 mai 1922 à Reims, Ernest Roy se marie avec Annette Germaine Guedat, née le 24 avril 1904 à Liebvillers (Doubs). Ils ont six enfants : Henri René, né le 7 juin 1926 à Paris 15e, Louis Émile, né le 10 octobre 1929 à Boulogne-Billancourt, Jeanne, née le 12 novembre 1930, Raymond, le 22 mai 1933, Huguette, née le 28 février 1935, et Jean, le 29 mars 1937, tous les quatre à Reims.

Fin septembre 1928, Ernest Roy déclare habiter au 86, rue d’Aguesseau à Boulogne-Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine). Début novembre 1930, il est de retour à Reims, habitant au 122, rue de Constancy. En mars 1934, la famille habite au 1, rue Narcisse Brunette prolongée.

Fin mai 1936 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domicilié rue de Champfleury, dans le quartier Case Fayère, à Reims.

Ernest Roy est ouvrier du textile, employé à la Filature des Longuaux, rue du Jard (un ancien couvent reconverti).

Le 3 juin 1941, il est arrêté par les autorités française et conduit à la Maison d’arrêt de Reims (dont l’arrière donne sur la rue du général-Battesti). En juillet, un tribunal le condamne pour « propos communistes ». Il est libéré le 15 août suivant.

Le 26 février 1942 à 6 h 30, Ernest Roy est arrêté à son domicile par deux Feldgendarmes accompagnés d’uninterprète français, comme otage en représailles après des attentats contre des soldats allemands à Chalon-sur-Saône et à Montceau-les-Mines, avec dix-sept autres Marnais (membres de la communauté juive, militants syndicaux et politiques). Appréhendé en même temps que Jules Huon, Marcel Gauthier, René Manceau, Félix Reillon, Maurice Roussel et Roland Soyeux – tous suspectés d’activité communiste clandestine et futurs compagnons de déportation -, Henri Roy est conduit à la Maison d’arrêt de Reims, boulevard Robespierre.

Le 4 mars, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule 3675. Pendant un temps, il est affecté au bâtiment A8.

[/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Roy est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Ernest Roy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46072, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

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© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Ernest Roy.

Il meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

En janvier 1948, suite à une demande officielle déposée par Madame Roy, la mention « mort pour la France » est apposée en marge des actes d’état civil d’Ernest Roy.

Au début des années 1950, Annette Roy signe un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté résistant au nom de son mari. Le 14 juin 1954, la Commission départementale des déportés et internés politiques émet un avis défavorable, estimant que « les tracts et journaux distribués entre 1940 et 1942 n’émanaient pas d’une organisation de résistance », suivie par la commission nationale le 17 septembre suivant. Le 11 octobre, la demande du titre de déporté résistant est rejetée par le ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre, et le chef du bureau des fichiers et de l’état-civil déporté envoie une carte de déporté politique délivrée à « Madame Roy Annette » (n° 1118 12917).

En 1947, la municipalité de Reims appose une plaque commémorative à son domicile, qui a alors pour adresse le 12, rue Louis Bréhier.

Le nom d’Ernest Roy est inscrit sur le monument aux martyrs de la résistance et de la déportation, situé sur les Hautes Promenades à Reims.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 366 et 419.
- Archives départementales de la Marne (AD 51), site internet, archives en ligne : registre des naissances de Reims, année 1898 (2 E 534/324), acte n° 102 (vue 29/497).
- Association Arbre, marne-archives.com (n°2205).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1032 (38698/1942) ; le prénom mis en valeur sur l’acte de décès du camp est « Ernest ».
- Site internet Mémorial GenWeb, relevés de Claude Richard (2006), Bernard Butet (12-2009 ; photo).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier d’Ernest Roy (21 p 533 840), recherches de Ginette Petiot (message 05-2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 23-09-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Charles ROUYER – (46082 ?)

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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Charles Rouyer naît le 22 juillet 1907 à Clichy-la-Garenne [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), chez ses parents, Oscar Rouyer, 25 ans, et Joséphine Alleno, 24 ans, blanchisseurs, domiciliés au 17, rue des Cailloux. Ceux-ci se marient le 10 août suivant.

Le 20 septembre 1920, âgé de 13 ans, Charles Rouyer entre comme ouvrier typographe à l’imprimerie Paul Dupont à Clichy.

Membre du Syndicat du Livre parisien CGT, il adhère au Parti communiste en 1925 et deviendra secrétaire de cellule, adjoint du secrétaire de rayon.

En 1927, il est appelé à accomplir son service militaire. Au retour, il retrouve son emploi, qu’il conservera jusqu’au 13 novembre 1936.

Pendant un temps, il habite au 14, rue du Square, à Gennevilliers [1] (92).

En 1928, il est à l’origine de la création de la section boxe anglaise du Club sportif ouvrier de la Banlieue Ouest, dont le siège social est au café Fahet, 93 rue de l’Arbre-Sec, à Gennevilliers, entraînant les frères Calmel, dont Louis qui sera fusillé au Mont-Valérien en octobre 1943.

Le 22 juin 1929, à Gennevilliers, Charles Rouyer épouse Anne Marie André, née à Lorient (Morbihan).

Il est élu conseiller municipal communiste de Gennevilliers dès 1932 sur la liste de Jean Grandel, et réélu en mai 1935, dernier de la liste. Il siège à toutes les séances du conseil municipal, jusqu’à celle du 23 juin 1936.

Pendant la guerre d’Espagne, séparé de son épouse et vivant seul, Charles Rouyer s’engage dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini. Arrivé le 14 novembre 1936, il est affecté cinq jours plus tard au bataillon Henri Barbusse de la 14e brigade. Le 4 février 1937, nommé lieutenant, il rejoint à la 13e brigade, 10e bataillon, 2e compagnie. Le 26 mars suivant, il est muté à la 11e comme adjoint au lieutenant de compagnie. Enfin, le 6 juin, il intègre le 15e bataillon de la 14e brigade. Après avoir participé aux combats pour la défense de Madrid, à ceux de Motril, à la bataille de Brunete, et aux batailles pour la défense de Saragosse, il rentre « en permission » en France le 15 janvier 1938, pour « raisons de famille ».

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Insigne de l’Association
des volontaires pour
l’Espagne républicaine, ayant
appartenu à Christophe Le Meur.
Produit entre la mi-1938 et la mi-1939.
Coll. André Le Breton.

Le lundi 24, il est à Gennevilliers. Il est accueilli par un article élogieux qui paraît en page une de l’hebdomadaire local Le Travailleur de la banlieue ouest. Le club sportif et la section communiste le saluent fraternellement : « Militant honnête et dévoué, notre camarade écouta la voix de sa conscience. La grande cause prolétarienne l’appelait au-delà des Pyrénées. […] là-bas, sa conduite modeste et héroïque le fit remarquer. Il collabora avec notre camarade Grandel durant la campagne qu’il fit dans l’armée héroïque. […] Nous avons pensé souvent à toi pendant les durs combats auxquels tu participais ». Robert Paul, auteur de l’article conclue ainsi : « Nous te saluons, Charles Rouyer Sport Rouge ».

Mais il semble qu‘il revienne désabusé et l’exprime publiquement sitôt après son retour. Selon un témoignage, il aurait déclaré « Le Parti communiste est le boucher des volontaires », genre de réflexions qui entraîne sa mise à l‘écart des travaux de la municipalité de Gennevilliers : il assiste au conseil municipal du 8 mars 1938, puis il est noté absent ou excusé jusqu’à celui du 4 octobre, ensuite absent. Le 9 septembre, l’hebdomadaire communiste local La Voix populaire publie en page trois une « Mise en garde. La Section communiste de Gennevilliers prévient toute la population que le nommé Rouyer Charles, conseiller municipal de Gennevilliers, est exclu de notre Parti pour son action anti-communiste ». Le 7 octobre, Marcel Gitton, secrétaire national du PC, écrit aux services des cadres à Albacete en Espagne : « Nous serions heureux de savoir qu’elle était son activité en Espagne, car il vient d’être exclu du Parti par la Section de Gennevilliers ». L’appréciation qui revient est celle-ci : « Fait du travail fractionnel, critique ouvertement et sans raison les décisions du commandement politique et militaire ».

Charles Rouyer ne rejoindrait pas alors d’autre organisation politique, tout en étant abonné au bulletin de l’organisation Solidarité Internationale Antifasciste (SIA), fondée en Espagne en mai 1937 par la Confédération internationale du Travail (CNT), anarchiste, hebdomadaire édité par la section française à partir du 10 novembre 1938 et interdit par le gouvernement en avril 1939 ; Henri Jeanson en fut un des rédacteurs.

En 1938, Charles Rouyer est domicilié au 24 rue de l’Arbre-Sec à Gennevilliers (actuellement, rue Paul-Vaillant-Couturier). Par la suite, il emménage au 16, rue Martre, dans la même commune.

Le 5 mars 1938, il entre comme clicheur à l’imprimerie Sapel, sise au 98, rue Réaumur à Paris 2e. Le 3 janvier 1939, il passe à l’Imprimerie de la Presse, au 16, rue du Croissant, dans le même arrondissement.

Le 15 juillet 1939, il emménage au 16, rue d’Alsace à Clichy, « 1er étage, porte n° 2 »).

Le 9 février 1940, avec d’autres élus, il est déchu de son mandat électoral à Gennevilliers « pour appartenance au Parti communiste », n’ayant probablement pas officialisé son désaveu.

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Le Populaire, quotidien édité par la SFIO,
édition du 17 février 1940.
Archives de la préfecture de police, Paris.

Le 16 mars suivant, à Gennevilliers, Charles Rouyer se marie avec Odette Mock, née le 6 juillet 1920 à Dôle (Jura). Ils ont un fils, né vers août 1941.

Mobilisé le 14 mai, au début de l’offensive allemande, Charles Rouyer est renvoyé dans ses foyers le 6 août suivant.

Début 1941, il serait inscrit au fonds de chômage de sa commune. Puis il retrouve son emploi de clicheur à l‘Imprimerie de la Presse, qui imprime alors le quotidien du matin La France au travail, journal collaborationniste “de gauche” lancé dès le 30 juin par Otto Abetz, ambassadeur d’Allemagne, pour gagner les milieux ouvriers à la collaboration, et qui deviendra La France Socialiste en novembre 1941. Rien n’indique que Charles Rouyer en partage le point du vue éditorial ; il n’en est pas un employé direct, sa première embauche à l’imprimerie datant d’avant guerre.

En janvier 1941, Charles Rouyer fait l’objet d’une notice biographique établie par les Renseignements généraux indiquant qu’il ne « s’occupe plus de politique » depuis 1938.

Le 24 décembre 1941, peu après 6 heures du matin, dans le cadre d’une vague d’arrestations organisées par la police française contre 33 anciens membres des brigades internationales (dont Jean Cazorla, Maurice Fontès…), Charles Rouyer est arrêté à son domicile par des agents du commissariat de Clichy. Il est conduit à la caserne désaffectée des Tourelles, boulevard Mortier, Paris 20e, “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police de Paris. Deux jours plus tard, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif. Une note des RG justifie : « À la suite des attentats commis sur les membres de l’armée d’occupation, les enquêtes effectuées ont déterminé que ces actes étaient l’œuvre d’anciens légionnaires ayant combattu dans les rangs des Brigades internationales. Par mesure de sécurité, plusieurs de ces anciens légionnaires, parmi lesquels Rouyer Charles, ont été internés par application du décret du 18 novembre 1939 ».

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La caserne des Tourelles, boulevard Mortier, avant guerre.
Partagée avec l’armée d’occupation, elle servit surtout,
au début, à interner les « indésirables étrangers ».
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 21 janvier 1942, Odette Rouyer écrit au préfet de police pour solliciter la libération de son mari : « … j’ai un enfant de six mois et, comme soutien, je n’avais que mon mari. Et on me l’enlève en m’allouant une somme de douze francs par jours. Comment voulez-vous que je puisse élever mon enfant et me nourrir avec cela ? » Deux jours plus tard, le cabinet du préfet transmet ce courrier aux RG pour enquête et avis. Ceux-ci répondent : « Jusqu’à nouvel ordre, sa libération ne peut être envisagée. » Le 11 février, la préfecture demande au commissaire de police de la circonscription de Clichy de « faire connaître à l’intéressée que sa demande ne peut être favorablement accueillie, dans les circonstances actuelles. »  Quatre jours plus tard, sans doute convoquée au commissariat, Odette Rouyer reçoit communication de ce courrier.

Il est probable qu’elle cherche alors des intercesseurs influents. Le 21 février, le secrétaire général de La France Socialiste écrit au préfet de police pour solliciter une mesure de grâce en faveur de ce “protégé” du journal, sachant qu’il donnait entièrement satisfaction à son employeur, Monsieur Delion, selon lequel Rouyer n’a, à aucun moment, déployé la moindre activité politique.

Le 14 mars, Odette Rouyer écrit de nouveau au préfet de police pour solliciter la libération de son mari. De son côté, le 20 mars, le secrétaire général de La France Socialiste relance aussi le préfet, citant les termes de son premier courrier.

Début avril 1942, son fils de neuf mois décède. Le 8 avril 1942, des inspecteurs viennent chercher «  l’interné administratif Charles Rouyer (…) qui est autorisé à assister aux obsèques de son enfant. Il sera réintégré à la caserne des Tourelles sitôt après cette cérémonie. »

Le 20 avril, le secrétaire général de La France Socialiste relance encore le préfet de police. Le directeur de cabinet propose une prise de rendez-vous.

Le 5 mai, Charles Rouyer fait partie des 24 internés des Tourelles, pour la plupart anciens Brigadistes, que viennent « prendre des gendarmes allemands » afin de les escorter à la gare de l’Est d’où ils sont conduits en train au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 27 mai, informé de ce transfert à Compiègne, le secrétaire général de La France Socialiste relance une dernière fois le préfet à la demande de son patron, Georges Daudet.

Entre fin avril et fin juin 1942, Charles Rouyer est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Charles Rouyer est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 46082, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Charles Rouyer.

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz [2], probablement avant la mi-mars 1943.

En 1944, son épouse quitte leur domicile de la rue d’Alsace à Clichy.

Charles Rouyer est homologué comme “Déporté politique”.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1999).

Son nom est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux Conseillers municipaux morts pour la France (hall de la Mairie de Gennevilliers).

Notes :

[1] Clichy-la-Garenne et Gennevilliers : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documentsadministratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant Charles Rouyer, c’est la fin août 1942 qui a été retenue pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 354, 382 et 419.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Archives de Gennevilliers (lettre à Madame Cadoret, Maire-adjointe de Gennevilliers, du 2 septembre 1945, liste des déportés, noms de rues).
- Archives communales de Clichy : acte de naissance.
- Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne, registre des naissances de Clichy, année 1907 (E NUM CLI N1907), acte n° 506 (vue 86/163).
- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 40, p. 430.
- Daniel Grason, notice biographique, site du Maitron en ligne.
- Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), campus de l’Université de Paris X-Nanterre ; microfilms du Centre russe pour la conservation des archives en histoire politique et sociale (RGASPI), acquisition BDIC/AVER-ACER, bobines cotes Mfm 880/1 (545.6.1014), 880/47 (542.2.112), 880/48 (545.2.290).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) site du Pré-Saint-Gervais : cartons “occupation allemande”, « Journalier des détenus administratifs de la caserne des Tourelles » (BA 1837) ; cartons “Parti communiste” (BA 2447, chemise “1941, perquisitions particuliers”) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 335-24106).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-05-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Pierre ROUX – 46257

ROUX-PierrePortrait

Pierre, André, Cyprien, Bernard, Roux naît le 27 décembre 1921 à Dadonville (572 habitants dispersés en 12 hameaux en mai 1941), près de Pithiviers (Loiret – 45), fils de Charles Roux, 33 ans, et d’Albertine Montigny, 31 ans, son épouse, tous deux riches cultivateurs « honorablement connus » domiciliés au hameau de Bourgneuf. Toutefois, Charles Roux, libre penseur, athée, ne cache pas « ses préférences politiques de gauche ».

Pierre a une sœur, Charlotte, née en 1915, et un frère, Raymond, né en 1919.

En 1936, les deux frères travaillent comme ouvriers agricoles dans la ferme de leur père.

Pierre est très proche de Charlotte, malgré leur six ans de différence. Durant l’été 1936, dans l’enthousiasme des congés payés, ils se rendent en tandem en Bretagne, puis visiteront ensuite bien des régions de France, logeant en auberges de jeunesse.En avril 1938, âgé de 16 ans, Pierre Roux quitte sa famille pour aller travailler comme garçon boulanger à Saint-Maur-des-Fossés (Seine / Val-de-Marne), demeurant alors au 11, rue du Bois-Guinée. Dans cette commune de banlieue, il adhère aux Jeunesses communistes. André Faudry, qui sera déporté avec lui, y est secrétaire de cellule. Pierre Roux restera en contact avec un nommé Auguste et sa famille.

Garçon volontaire et sportif, Pierre Roux effectue souvent en fin de semaine l’aller-retour entre la région parisienne et Dadonville.

Après avoir brièvement travaillé à Manchecourt (45), Pierre Roux rejoint Paris pour travailler chez une boulangère du 112, rue Saint-Dominique, en remplacement d’un ouvrier mobilisé. Celui-ci étant rentré en octobre 1940, Pierre Roux revient dans sa famille, à Bourgneuf, où il se trouve sans travail.

« Pierrot » est célibataire, mais il a pour amie de cœur Simone A., qui vit encore chez ses propres parents.

Début 1941, dans sa chambre, à l’insu de ses parents, Pierre Roux fabrique des tracts avec de la pâte à polycopier (saisie lors d’une perquisition opérée après son arrestation).

Le 29 mars 1941, depuis une fenêtre de leur cantonnement de Pithiviers, des militaires allemands aperçoivent un jeune homme déposant des papiers dans les voitures arrêtées sur la voie publique. Pierre Roux est arrêté par la Feldgendarmerie en même temps que Gilbert B., 18 ans, qui l’accompagne.

Le 12 avril, tous deux sont traduits devant le tribunal militaire de la Feldkommandantur 549 à Orléans, qui condamne Pierre Roux à trois mois de détention, purgés dans le secteur allemand (ou “politique” ?) de la Maison d’arrêt de la ville, où le régime est moins restrictif en matière de visites et de réception de colis. Acquitté par les juges allemands, son camarade est mis à la disposition du préfet… qui le fait interner administrativement en application du décret loi du 18 novembre 1939. Celui-ci reste détenu quelques semaines dans la même prison avant d’être libéré.

Le 2 mai, inquiet qu’une cellule communiste ait pu se constituer à Bourgneuf, un officier d’administration militaire (Kriegsverwaltung) de la Feldkommandantur demande au préfet du Loiret d’entreprendre immédiatement des recherches et d’appliquer, en accord avec lui, « les mesures de défense nécessaires ». Le 7 mai, le préfet rassure le militaire allemand en lui répondant qu’il résulte de l’enquête effectuée qu’aucune cellule communiste de fonctionne alors à Dadonville : « Roux, en effet, était un isolé, en rapport seulement avec des organisations parisiennes. »

Pierre Roux est libérable le 11 juillet, à l’expiration de sa peine : mais, dès le 26 juin, le préfet du Loiret prend un arrêté ordonnant son internement administratif. Il reste détenu sous ce statut à la Maison d’arrêt d’Orléans.

Le 26 septembre, Pierre Roux est conduit par des gendarmes au centre d’internement administratif (CIA) de Rouillé, près de Poitiers (Vienne), où il est affecté à la baraque n° 8. Il retrouve un camarade connu à Saint-Maur-des-Fossés.

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 26 décembre 1941, il “fête” ses vingt ans dans ce camp.

[/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

« À Rouillé, Roux y est, bel et bien » © Collection de Pierrette Jean, sa nièce.

« À Rouillé, Roux y est, bel et bien » (betterave et carottes) © Collection de Pierrette Jean, sa nièce.

À une date restant à préciser, afin d’établir une liste d’« expiation » (Sühneliste) [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], la Feldkommandantur d’Orléans complète une fiche-formulaire de « Jeune communiste » au nom de Pierre Roux, le désignant comme membre des jeunesses communistes de Saint-Maur-des-Fossés. Dès lors, le jeune homme est considéré comme otage pouvant être exécuté à titre de représailles.

En avril 1942, remis aux autorités allemandes à la demande de celles-ci, Pierre Roux est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Pierre Roux est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Henri Gaget, de Dadonville, jette depuis son wagon un message qui parviendra à sa famille et dans lequel il mentionne la présence de Pierre Roux. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Pierre Roux est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46257 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Pierre Roux est dans la moitié des membres du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, tandis que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Le 1er novembre 1942, il est inscrit dans la chambrée (Stube) n°3 du Revier de Birkenau (Block n° 8 – en brique – du secteur BIb) – où se trouvent également Marcel Colin, Germa, Faugeron, Lenglet, Nonnet, Nouvian, Paupy, Sansoulet et Vinsous. Le 3 novembre, Pierre Roux reçoit six gouttes (« Trpf », Tropfen) d’anisine.

Le 18 janvier 1943, alors qu’il se trouve toujours dans la même chambrée, cette fois-ci avec Roger Dejameau, de Niort, il reçoit un autre médicament (« Kaestase 3 st » ?).

Pierre Roux meurt à Birkenau le 21 janvier 1943, d’après les registres du camp. La cause mentionnée pour son décès (probablement mensongère) est « Bronchopneumonie ».

Le 28 juin 1946, Charles Roux, son père, remplit un formulaire du ministère des anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) pour demander la régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ». Le 12 octobre, après examen d’un dossier, le ministère des ACVG “décide” la disparition de son fils.

Le 8 octobre 1947, le tribunal civil de première instance de Pithiviers établit par jugement déclaratif le décès de Pierre Roux en Allemagne, mais « Fixe au jour du jugement la date de décès ». Cet acte est transcrit sur les registres de Dadonville le 6 novembre.

Le 1er décembre 1947, le maire de Dadonville rédige un certificat selon lequel seuls André Faudry, de Saint-Maur-des-Fossés – ville où il a pu le connaître quand il y travaillait – et Grimbert [?], rue des Carmes à Orléans, « peuvent certifier » avoir vu Pierre Roux à Auschwitz. Mais de tels certificats ne semblent pas avoir été produits, peut-être parce que l’acte de décès est déjà établi.

Le 26 novembre 1947, Charles Roux complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’inscription de la mention “Mort pour la France” sur l’acte de décès d’un déporté politique. Le 22 janvier 1948, la commission départementale de contrôle des déportés politiques rend un avis favorable, sous la signature de Louis Breton [2] et avec apposition du tampon de la section du Loiret de la Fédération nationale des internés et déportés résistants (FNDIRP). Le 15 mars suivant, le ministère des ACVG demande au maire de Dadonville d’inscrire la mention “Mort pour la France” dans l’acte de décès de Pierre Roux, ce qui est fait cinq jours plus tard.

Le 5 juillet 1949, le général commandant la 1re région militaire établit un certificat d’appartenance de Pierre Roux aux Forces Françaises de l’Intérieur (FFI).

Le 6 décembre suivant, Charles Roux complète et signe, en qualité d’ascendant, un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant à son fils à titre posthume. Le 21 mars 1956, la commission départementale de contrôle des déportés résistants rend un avis défavorable à cette demande, au motif que le certificat d’appartenance FFI a été établi sans attestation d’un chef habilité, et que l’enquête a fait « ressortir que l’intéressé a été arrêté pour distribution de tracts communistes ». Le 22 octobre, suivant cet avis – répercuté par la commission nationale – le ministère des ACVG décide de refuser à Pierre Roux le titre de déporté résistant et de lui attribuer celui de déporté politique. Le 6 novembre, la carte n° 1110.21990 est envoyée à son père.

Le 15 septembre, la commune de Dadonville organise une cérémonie commémorative pour les quatre jeunes du village disparus dans les camps de concentration : Henri Gaget, Cécile Painchault, née Gaget, Pierre Roux et André Robillard. Simultanément, une plaque commémorative est apposée sur le domicile respectif de chacun. Plus tard (?), une place de Dadonville sera dénommée place des Déportés.

© Photo Dany Percheron.

© Photo Dany Percheron.

De la même manière, leurs noms sont inscrits sur le monument aux morts de Dadonville.

Les noms de ces jeunes gens sont également inscrits sur la stèle aux Déportés de la ville de Pithiviers ; Cécile y étant désignée par son nom de jeune fille.

Notes :

[1] Les listes d’otages (Geisellisten) étaient établies par les Feldkommandant au niveau de chaque département, afin de proposer au commandant de leur région militaire ceux qui leur paraissaient devoir être fusillés après un attentat. Ces listes devaient être constamment tenues à jour, du fait des nouvelles arrestations, des exécutions, des libérations et des transferts de prisonniers d’un lieu d’incarcération à l’autre. À la suite de l’avis du 14 décembre 1941, les Feldkommandant eurent également à désigner des otages en vue de leur déportation. Le 6 mars 1942, le mot Geisel fut abandonné au profit de Sühneperson (personne devant être choisie en cas de représailles) : le mot Sühne, possédant une connotation morale, signifie littéralement “expiation”, “réparation”, et est généralement traduit par “représailles” s’agissant de la politique des otages.

[2] Louis Breton, né le 15 avril 1914 à Orléans, est arrêté le 16 octobre 1941, condamné deux semaines plus tard à cinq ans de travaux forcés par la Cour spéciale de justice d’Orléans, transféré successivement dans les Maisons centrales de Fresnes, Fontevraud et Blois, déporté dans le transport de 1218 hommes parti de Compiègne le 22 mars 1944, et arrivé trois jours plus tard au KL Mauthausen (comptant 640 décédés et disparus en déportation, soit 52,5 %). Premier convoi de l’année 1944 vers ce camp, il répond alors certainement à un besoin de main-d’œuvre accru des usines dépendant du complexe de Mauthausen pour soutenir l’effort de guerre allemand. Enregistré sous le matricule n° 59645, Louis Breton est ensuite affecté au Kommando souterrain de Loibl Pass, tunnel routier entre l’Autriche et la Slovénie, où il est libéré le 7 mai 1945 par les partisans de Tito. Rapatrié le 21 juin suivant à l’hôtel Lutétia, à Paris, il obtient après-guerre la carte de Déporté résistant, la Croix de guerre, la Médaille militaire et est fait chevalier de la Légion d’honneur. Il devient secrétaire de la Commission départementale de contrôle des déportés politiques, probablement au titre de la Fédération nationale des internés et déportés patriotes (FNDIRP) du Loiret. À ce titre, il rédige et signe des attestations en faveur de disparus ou de survivants. Il décède en mai 2001, âgé de 87 ans (source : Guillaume Quesnée, convoi I.191, Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, tome 3, pages 268-269 et 276 ; site Loiret 39-45, le forum du département du Loiret pendant la Seconde Guerre mondiale).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 365 et 419.
- Dany Percheron : transcription des lettres de Pierre Roux, conservées par Pierrette Jean, sa nièce (fille de Charlotte Roux), 72 pages ; relecture et compléments (messages 03-2020).
- Archives départementales du Loiret, Centre des archives modernes et contemporaines, Orléans : Internements administratifs, listes, dossiers individuels et collectifs, correspondance, 1940-1945 (138 W-25856).
- Acte de décès du camp (3129/1943) et registre de délivrance de médicaments de l’infirmerie de Birkenau, Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (Archiwum Państwowego Muzeum Auschwitz-Birkenau – APMAB), Oświęcim, Pologne ; Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1031.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 P 553-773).
- Site Mémorial GenWeb, 45-Dadonville, relevé de Éric Louis, informations de Claude Richard (2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-03-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Gaston ROUX – 46083

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Gaston, Paul, Auguste, Roux naît le 24 mai 1906 à Dourdan (Seine-et-Oise / Essonne), fils d’Auguste Roux, 27 ans, cocher (puis restaurateur ?), et de Jeanne Pieau, ou Préan 19 ans, son épouse, domiciliés rue Neuve.

Le 12 mai 1926, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 355e régiment d’artillerie lourde afin d’y accomplir son service militaire. Le 10 novembre 1926, il est nommé brigadier (cf. caporal). Le 10 novembre 1927, il passe dans la disponibilité, titulaire d’un “certificat de bonne conduite”.

En 1928, il habite chez ses parents, alors restaurateurs domiciliés au 68 rue Mirabeau à Ivry-sur-Seine [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Val-de-Marne – 94).

Le 14 avril 1928, à Paris 6e, il se marie avec Marthe Eugénie Doyen, sténo-dactylo parisienne de 19 ans. Mais le couple divorcera le 28 février 1934.

Pendant un temps, il habite au 5 impasse de l’Enfant-Jésus à Paris 15e, débouchant sur le 148 rue de Vaugirard, près de l’hôpital Necker.

En janvier 1933, il est retourné vivre chez ses parents, rue Mirabeau à Ivry.

Le 18 août 1934, à Paris 12e, Gaston Roux épouse Paulette Cambron, née le 11 novembre 1912 à Paris 13e, dactylographe.Lors du recensement de 1936, le couple est domicilié au 89 rue Mirabeau à Ivry-sur-Seine [1] (Seine / Val-de-Marne – 94).

Après avoir pratiqué le cyclisme de compétition, Gaston Roux devient secrétaire de la section cycliste d’un club omnisports (à préciser…).

Pendant la guerre d’Espagne, Gaston Roux s’engage dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini.

Insigne de l’Association des volontaires pour l’Espagne républicaine, ayant appartenu à Christophe Le Meur. Produit entre la mi-1938 et la mi-1939. Coll. André Le Breton.

Insigne de l’Association des volontaires
pour l’Espagne républicaine,
ayant appartenu à Christophe Le Meur.
Produit entre la mi-1938 et la mi-1939.
Coll. André Le Breton.

À partir du 7 novembre 1939 et jusqu’au moment de son arrestation, il est mobilisé en “affectation spéciale” comme mécanicien à la Société industrielle de TSF, au 168, route de Montrouge à Malakoff (Seine / Hauts-de-Seine) ; « travailleur requis en France » (?).

Le 6 novembre 1941, à 6 heures du matin, Gaston Roux est arrêté à son domicile par des inspecteurs de la brigade spéciale n°1 des Renseignements généraux (anticommuniste), après avoir été dénoncé par le directeur de son usine comme militant actif et principal agitateur au sein de l’atelier de fabrication. Bien que l’on n’ait constaté aucune activité de propagande de sa part, il est suspecté d’être « le principal animateur d’un mouvement de grève qui devait se déclencher à la suite de l’arrestation de plusieurs éléments communistes de l’usine ». Le jour-même, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif.

Le 10 novembre, Gaston Roux fait partie d’un groupe de 58 militants communistes transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942 – avec 148 autres internés de la Seine, qui seront pour la plupart déportés avec lui – il est remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduit au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée (suivant un ordre de Hitler) en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée d’occupation.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Gaston Roux est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46083 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [2]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Gaston Roux est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est affecté au Block n° 4.

Il meurt à Auschwitz le 8 août 1942, un mois après l’arrivée du convoi, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch), l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) et une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, et où est inscrit le matricule n° 46083 (ce local de regroupement temporaire des cadavres est situé au sous-sol du Block 28).

(Aucun des quatorze “45000” ivryens n’est revenu)

Le 10 novembre 1954, sa veuve remplit un formulaire de demande du titre de déporté politique pour son mari, au titre de conjoint. Le 28 mai 1956, le ministre des Anciens combattants et victimes de guerre décide de lui accorder ce statut et Paulette Roux reçoit la carte de déporté politique n° 1101.20929.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1999).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 354, 388 et 419.
- Archives municipales d’Ivry-sur-Seine : dossier individuel rassemblé par Michèle Rault, conservatrice, à partir de différentes sources.
- Archives de Paris : registre des matricules militaires, classe 1926, 2e bureau de la Seine, matricule n° 1407 (D4R1 2624).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel au cabinet du préfet de police (1 W 700-23542).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 162.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1031 (18903/1942).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Gaston ROUX (21 P 533 742), recherches de Ginette Petiot (message 01-2014).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Ivry-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin “Après Auschwitz”, n°21 de mai-juin 1948).

 

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