Gaston SANSOULET-PLANTÉ – 46096

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Collection Catherine Sansoulet-Planté.
Droits réservés.

Gaston, Auguste, Sansoulet-Planté naît le 24 février 1914 à Paris 6e, fils de Félix Sansoulet-Planté, 30 ans, commis PTT, et de Marie Holveck. Gaston a – au moins – un frère : Jean, né le 9 janvier 1909. En mai 1925, leur père est élu conseiller municipal socialiste SFIO de Fontenay-aux-Roses [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92) ; non réélu quatre ans plus tard.

Pendant un temps, Gaston Sansoulet est un membre actif de la section de Bagneux du Parti communiste.

À partir de juillet 1935, Gaston Sansoulet, employé des PTT (poste, télégraphe et téléphone), est agent manipulant du service postal au bureau de la gare Montparnasse (Paris 15e).

Paris. La gare Montparnasse. Passe un bus à gazogène. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Paris. La gare Montparnasse. Passe un bus à gazogène. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Le 28 septembre 1935, à la mairie de Fontenay-aux-Roses, Gaston Sansoulet-Planté se marie avec Raymonde Pérot, née le 18 juin 1917 à Paris 14e, employée des Tabacs, elle-même fille d’un militant communiste, trésorier de la section de Sceaux et secrétaire du député-maire de Bagneux. Ils ont un fils : Jean, Félix, Robert, né le 29 novembre 1938.

À partir de 1936 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 9 bis, rue Jean-Jaurès à Fontenay.

Adhérent à la CGT et au Parti communiste, Gaston Sansoulet est, pendant un temps, secrétaire de cellule à Fontenay-aux-Roses.
Le 2 août 1940, son père, Félix Sansoulet-Planté, décède à Fontenay.
Au cours de ce même mois d’août, Gaston Sansoulet est révoqué des PTT pour avoir, au cours d’une discussion dans la nuit du 1er au 2 mai précédent, « soutenu l’action clandestine de l’ex-Parti communiste en général et l’attitude de Maurice Thorez en particulier ».En septembre, il s’inscrit au fonds de chômage de Fontenay-aux-Roses. De temps à autre, il travaille à la Maison Westerloppe, photographie, 112 ter, route de Châtillon à Malakoff.

Le 26 septembre, Gaston Sansoulet est inscrit sur une liste policière des “indésirables” de Fontenay-aux-Roses.

Sous l’occupation, la police française (RG) le considère Gaston Sansoulet comme un « militant communiste notoire », poursuivant « son activité dans la région de Fontenay-aux-Roses ». De fait, le militant est resté actif au sein du Parti communiste clandestin, en contact avec Georges Delrieux [2] et Robert Marchand, assurant la rédaction, l’impression et la distribution de tracts

La police apprend que Gaston Sansoulet se réunit avec d’autres “individus” au café Barbiéri, place de la Mairie à Fontenay-aux-Roses.

Le 16 septembre 1941, une voisine des Sansoulet, Amélie R. – dame réputée « querelleuse » -, a une altercation avec Raymonde Sansoulet au sujet des enfants de cette dernière qui ont éclaboussé son palier. Décidée à mettre bon ordre dans tout cela, Mme R. se rend avec une amie au commissariat de la circonscription de Sceaux pour dénoncer le mari de sa voisine, signalant les imprudences du militant clandestin : ainsi des tracts mal cachés dans le hangar de la cour avaient été emportés par le vent et des enfants de l’immeuble avaient été vus jouant avec ! Dès le lendemain, 17 septembre, à 6 h 30 du matin, les policiers de Sceaux effectuent une perquisition au domicile familial, mais n’y trouvent une machine à écrire de marque Royale. Gaston Sansoulet est arrêté [3]. Interrogé, il admet que cette machine lui a été confiée en mai 1940 par un inconnu sur proposition de Jean Viers, de Chatenay-Malabry, ex-commis à la mairie de Bagneux, partit en zone Sud après avoir été libéré d’une première arrestation en septembre 1939.

Le 20 septembre 1941, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, en application du décret du 18 septembre 1939. Gaston Sansoulet est conduit au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité), en attendant son transfert dans un camp.

Le 9 octobre, il est parmi les 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, Gaston Sansoulet fait partie d’un groupe d’internés – dont 150 de la Seine, pour la plupart déportés ensuite avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Gaston Sansoulet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46096 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

 Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Gaston Sansoulet est dans la moitié des membres du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, les autres étant ramenés à Auschwitz-I.

Le 1er novembre 1942, dans la chambre (Stube) n°3 du Revier de Birkenau (Block n° 8 du secteur BIb) – où se trouvent également Marcel Colin, Germa, Faugeron, Lenglet, Nonnet, Nouvian, Paupy, Roux et Vinsous -, il reçoit six gouttes d’un bactéricide, l’Anisine, et 15 g (“grains”) de Bol blanc (Bolus Alba ; kaolin). Le 2 novembre, il reçoit 15 g de Bol blanc et quatre comprimés de charbon, remèdes contre la dysenterie. Le 3 novembre, il est inscrit dans le Stube n° 1, avec le jeune Marcel Lavall, où il reçoit 15 g de Bol blanc et quatre comprimés de charbon. Dans ce dispensaire, le SS-Rottenführer Franz Schulz exécute certains détenus avec une injection mortelle dans le cœur…

Les jours suivants, le nom de Gaston Sansoulet n’apparait plus dans le registre des médicaments dispensés aux malades du Revier de Birkenau. Sans preuve absolue – l’acte de décès établi par l’administration SS faisant partie des documents délibérément détruits lors de l’évacuation du camp -, il est raisonnable de penser que Gaston Sansoulet a succombé dans les jours suivants, c’est-à-dire au début novembre 1942 [4].

(Gaston Sansoulet est le seul “45000” de Fontenay-aux-Roses)

Le 25 octobre 1945,dans le cadre des procédures d’épuration, Raymonde Sansoulet est convoquée devant la Cour de Justice afin de témoigner contre sa dénonciatrice.

Le 29 octobre, deux “45000” rescapés écrivent à Madame Sansoulet afin de certifier du décès de son mari. Aimé Obœuf, qui était également dans la moitié du convoi restée à Birkenau, dit se souvenir très bien de lui, indiquant pour date de son décès le mois de septembre 1942 et pour cause le typhus. Il ajoute qu’un camarade mort en déportation – non nommé – lui a rapporté que Gaston Sansoulet pensait beaucoup à son épouse. De son côté, Mickey Guilbert certifie la disparition de Gaston Sansoulet, dans la mesure où celui-ci ne faisait pas partie des rescapés politiques français d’Auschwitz rassemblés au Block 11 au cours de l’été 1943.

Le 11 février, Gaston Sansoulet reçoit le titre de Déporté politique.

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Fontenay-aux-Roses, place du général-de-Gaulle.

Le 17 octobre 1947, le conseil municipal donne le nom de Gaston Sansoulet à l’avenue de la Demi-Lune.

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© Association La Boissière.

Son nom a également été donné à la cellule communiste des chercheurs du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), avant le déménagement de celui-ci pour Saclay.

Déclaré Mort pour la France, il est homologué au grade de sergent au sein de la Résistance intérieure française au titre du Front national (J.O. du 18 décembre 1949).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 19-05-1998).

Lors des élections municipales du 8 mars 1959, Raymonde Sansoulet, sa veuve, employée des Tabacs et domiciliée au 1 rue Blanchet, est candidate sure la liste du PCF à Fontenay-aux-Roses.

Elle décède le 26 août 2007, à l’âge de 90 ans.

Notes :

[1] Fontenay-aux-Roses : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Georges Delrieux, né le 24 avril 1910 à Paris, déporté dans le transport parti le 12 mai 1944 de Compiègne et arrivé deux jours plus tard au KL Buchenwald (matr. 51132), libéré dans ce camp le 11 avril 1945 ? (source : Livre-mémorial de la FMD, convoi I.211, tome 3, page 569.

[3] Dénonciations à Fontenay : À la Libération, le gardien de la paix R., qui a effectué l’enquête, témoigne : « En quatre ans, je n’ai eu que deux dénonciations de cet ordre » Notons que le rapport d’arrestation rédigé par ses soins décrit une enquête de surveillance, alors qu’en réalité les dénonciatrices se sont directement adressées au commissariat ! – procédé classique qui consiste à minorer la part de la délation pour valoriser le travail de terrain…

[4] Concernant la différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Gaston Sansoulet, c’est le 15 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 382 et 420.
- Laurent Joly, La dénonciation dans la traque des communistes et des Juifs, 1940-1944, in La délation dans la France des années noires, ouvrage collectif sous la direction de l’auteur, éditions Perrin, avril 2012, pages 135-136.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 690-24803) ; BS1, registre des affaires traitées (G B 29) ; registre des consignés provisoires au Dépôt, mai 1941-mars 1942 (C C 2-1, n° 4846).
- Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Office for information on former prisoners), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, archives (APMAB) : registre de délivrance de médicaments de l’infirmerie de Birkenau, copies transmise par André Nouvian.
- Irena Strzelecka, Les hôpitaux dans le camp de concentration d’Auschwitz, in Auschwitz 1940-1945, tome 2, Les détenus – La vie et le travail, chap. 9, p. 364-365, éditions du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, 2011.
- Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris ; liste XLI-42, n° 166.
- Site Mémorial GenWeb, 92-Fontenay-aux-Roses, relevé de Raymonde Seguin qui a consulté l’état civil (2000-2004).
- Ville de Fontenay-aux-Roses, site internet : fichier PDF “Dénominations des rues”.
- Catherine Sansoulet-Planté, sa belle-fille, et Bruno Sansoulet-Planté, son petit-fils (messages et courrier 11-2013).
- http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article151256, notice SANSOULET-PLANTÉ Gaston, Auguste par Daniel Grason, version mise en ligne le 19 décembre 2013, dernière modification le 22 juin 2014.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-04-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Thomas SANCHEZ – (46095 ?)

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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Thomas (Chanas) Sanchez naît le 7 mars 1921 à La Plaine-Saint-Denis [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), fils de Marcelino (Marcel) Sanchez, 36 ans, manœuvre, et Celedonia Ramos, 33 ans, son épouse, née et mariée à Saucedilla (Estremadure, Espagne). Thomas a deux frères et une sœur nés en Espagne – Claude, Paulette et Florencio (mai 1917) – et il aura encore un frère plus jeune, né à Saint-Denis le 12 juin 1927. Tous, sauf le premier enfant, seront naturalisés français par la loi du 10 août 1927.

Thomas Sanchez est manœuvre. Pendant un temps, il demeure chez ses parents, au 93, avenue des Érables à Morsang-sur-Orge [2] (Essonne).

Selon la police, militant communiste convaincu, il est alors secrétaire adjoint de la cellule du Centre dans cette commune où il est considéré comme « dangereux pour l’ordre public ». Plus tard, lui même déclarera n’avoir jamais appartenu qu’à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC).

En 1939 et jusqu’à son arrestation, Thomas Sanchez habite au 61, rue de l’Union à Aubervilliers [1] (93).

Dans cette période, il entre en relation avec la très jeune Rose Maillot, née le 1er novembre 1924 à Paris 6e, et habitant chez sa mère au 15, rue Magenta à Pantin (Seine /Seine-Saint-Denis).

Au début janvier 1940, Thomas Sanchez est mobilisé à la première Compagnie spéciale au dépôt de guerre 213 de Saint-Benoît (Seine-et-Oise). Puis il est « interné au Centre de Fort Barraux (Isère), sur ordre de l’autorité militaire, en raison de son activité politique ». Il en est libéré dans des conditions restant à préciser…

De retour chez lui, il trouve (réintègre ?) un emploi à l’usine de la société Auguste Pellerin (fabriquant la margarine le « TIP »), au 110, avenue Jean-Jaurès, à Pantin.

Le 19 août 1940, Thomas Sanchez est arrêté sur son lieu de travail par la gendarmerie pour distribution de tracts, probablement sur dénonciation. Le lendemain, il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e. L’armée allemande, qui investit en partie les lieux, s’apprête à le libérer, mais les autorités françaises le retiennent au niveau du greffe de la prison.

Le 22 octobre, Thomas Sanchez est placé sous mandat de dépôt ou d’écrou.

Le 24 octobre, à Paris 6e, Rose met au monde leur fils Claude.

Le 27 décembre, alors que Thomas est considéré comme « domicilié à Paris, rue de la Santé, 42 » [sic], il régularise la situation en épousant Rose à la mairie de Pantin, en présence de ses parents et de la mère de la mariée (le père de celle-ci est décédé). Par la suite et pendant un temps, Rose sera hébergée par ses beaux-parents, à Morsang-sur-Orge.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 8 février 1941, lors d’une audience au cours de laquelle sont jugés 48 militants et militantes communistes (dit « procès des cinquante »), dont dix-sept futurs “45000”, la chambre des mineurs (15e) du tribunal correctionnel de la Seine condamne Thomas Sanchez à six mois d’emprisonnement pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (dans son cas « pour propagande communiste »). Comme les autres condamnés, son pourvoi en appel sera déposé le 28 février. Bien que la détention préventive qu’il a effectuée soit équivalente à sa peine, il n’est pas libéré : dès le lendemain, – sur instruction des Renseignements généraux – le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, en application du décret du 18 novembre 1939.

Le 27 février suivant, il fait partie d’un groupe de 48 internés administratifs – dont Guy Môquet, Maurice Ténine et seize futurs “45000” – transférés à la Maison centrale de Clairvaux (Aube) où ils en rejoignent d’autres : 187 détenus politiques s’y trouvent alors rassemblés.

Là, Thomas Sanchez (registre 4A.6974) ferait plusieurs « crises cardiaques » constatées par le médecin de la prison.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 31 mars, avec Robert Massiquat, Francis Née, Eugène Omphalius et Albert Rosse, Thomas Sanchez est un des six internés de Clairvaux conduits à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), en préalable à leur passage devant la cour d’Appel. Le 9 avril, celle-ci confirme le jugement de la première instance. Il est prévu que Thomas Sanchez soit ramené à Clairvaux, mais, le quartier de la centrale utilisé comme centre d’internement étant « complet », il reste interné à la Santé (14e division, cellule 15).

Le 4 mai 1941, Rose Sanchez écrit simultanément au préfet de Seine-et-Oise, à Versailles, et au préfet de police, à Paris, pour solliciter la libération de son jeune mari (elle insiste sur son âge : 20 ans). Le 3 juin, elle écrit de nouveau au préfet de Seine-et-Oise, ajoutant comme argument : « Je suis à la charge de mes parents qui attendent leur 6e enfant » (?). Elle sait que son mari peut être transféré à Clairvaux ou dans un autre camp.

Le 8 juin, Thomas Sanchez écrit lui-même au préfet de Seine-et-Oise, pour solliciter sa libération ; peut-être agit-il de concert avec son épouse.

Le 9 septembre suivant, remis à la police judiciaire, il est ramené à Clairvaux.

Le 26 septembre 1941, Thomas Sanchez fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle, puis en caserne. Il est assigné au bâtiment F, 2e étage, chambre 6, lit n° 70.

Le château de Gaillon. Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le haut bâtiment transversal de l’arrière plan (qui a perdu sa toiture après la guerre). Carte postale envoyée en 1955. Collection Mémoire Vive.

Le château de Gaillon. Les internés sont assignés au pavillon Colbert,
le haut bâtiment transversal de l’arrière plan (qui a perdu sa toiture après la guerre).
Carte postale envoyée en 1955. Collection Mémoire Vive.

Le 29 octobre, il est puni de six jours de cellule pour s’être introduit dans un bâtiment dont l’accès lui est interdit.

Le 3 janvier 1942, Thomas Sanchez écrit au préfet de l’Eure pour solliciter une permission de sortie afin d’aller voir son père, dont un certificat médical précise que « ce malade présente de l’asthénie cardiaque occasionnant fréquemment des crises syncopales mettant ses jours en danger ». Le préfet de l’Eure transmet la demande au préfet de police, à Paris (à cause de l’adresse d’Aubervilliers), qui la transmet au préfet de Seine-et-Oise, à Versailles (à cause de l’adresse de Morsang-sur-Orge). Le 27 février, le préfet de l’Eure écrit au commandant du camp de Gaillon que, suite à l’avis défavorable émis par le préfet de Seine-et-Oise – « en raison des circonstances actuelles et en particulier des difficultés de surveillance » -, il lui est impossible d’accorder la permission demandée.

Selon une note de la police (RG ?) datée du 18 février 1942, Thomas Sanchez figure sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion », et qui sont pour la plupart internés au camp de Gaillon.

Le 4 mai 1942, Thomas Sanchez fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 316, il n’y reste que deux semaines.

Le 20 mai, remis aux “autorités d’occupation” à leur demande, il fait partie d’un groupe de 28 internés conduits par des gendarmes français au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Thomas Sanchez est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Thomas Sanchez est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46095, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) : Thomas Sanchez se déclare alors comme ouvrier agricole, « Landarbeiter ». Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Thomas Sanchez.Il meurt à Auschwitz le 21 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique pour cause mensongère de sa mort « pneumonie ». Il a 21 ans.

Son nom est inscrit sur le monuments aux morts de Morsang-sur-Orge, situé dans le cimetière communal, sur la plaque “1939-1945”.

Le 26 mars 1946, Rose Sanchez, alors domiciliée au 26 bis, rue de l’Argonne, à Paris 19e, dépose une demande de certificat au bureau des déportés et statuts divers, direction interdépartementale de Paris, du ministère des Anciens combattants et victimes de guerre (ACVG).

Le 25 novembre 1946, à la mairie de Morsang-sur-Orge, le père de Thomas Sanchez, Marcelino, dépose une demande de régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ». Le 31 décembre suivant, la veuve de Thomas Sanchez, Rose, dépose exactement la même demande à la mairie de Pantin.

Entre temps, le 24 décembre 1946, après qu’une copie de l’acte de décès allemand du camp d’Auschwitz lui soit parvenue, le service d’état civil interne des ACVG établit un acte de décès officiel, transcrit cinq jours plus tard sur les registres de la mairie de Morsang.

Le 16 mai 1949, la mère de Thomas Sanchez, Célédonia, veuve depuis le 6 janvier 1947, obtient du ministère des ACVG une attestation officielle selon laquelle son fils « n’est pas rentré à ce jour »,

Le 27 mai suivant, la veuve de Thomas, Rose, alors domiciliée au 11, avenue Corentin Cariou, à Paris 19e, dépose une demande d’inscription de la mention « mort pour la France » sur l’acte de décès « d’un déporté politique ». Le 2 septembre suivant, la commission départementale de contrôle de la Seine classe Thomas Sanchez dans la catégorie « déporté politique ». Le 3 octobre, le ministère des ACVG décide de faire ajouter la mention « mort pour la France » sur son acte de décès.

Le 6 juillet 1949, le secrétariat aux forces armées délivre un certificat d’appartenance de Thomas Sanchez à la Résistance intérieure française, au grade fictif de soldat de 2e classe, comme membre de l’organisation Front national.

Le 3 février 1951 à Paris 19e, Rose Sanchez se remarie avec Aimé, Georges, H., 26 ans (né le 1er octobre 1924 à Paris 19e), emballeur, divorcé. Ensemble, ils auront trois enfants.

Le 26 décembre suivant, un conseil de famille se réunit au cabinet du juge de Paix du 9e arrondissement pour confirmer la tutelle naturelle et légale de Rose sur son enfant mineur, Claude, relativement à la succession et alors qu’elle s’est remariée. Participent à la décision pour la ligne paternelle une tante, Obidia Sanchez, et deux amies, désignées par la mère de l’enfant. La grand-mère paternelle de celui-ci n’est pas présente. Aimé, Georges, H., le mari de Rose, est désigné comme co-tuteur.

Le 4 août 1955, à Morsang-sur-Orge, Célédonia Sanchez dépose une demande d’attribution du titre de déporté politique au titre d’ascendant du disparu. Le 31 décembre suivant, le bureau de l’état civil et des recherches lui demande de lui « faire connaître ce que sont devenus l’épouse et le fils du déporté et, le cas échéant, leur adresse actuelle ». Le 11 mars 1956, la mère de Thomas Sanchez, alors veuve, répond avoir « rompu toute relation » avec sa belle-fille et ignorer son lieu de résidence (elle ne voit donc plus son petit-fils). Le 7 décembre 1956, le formulaire de demande est corrigé au nom de Rose H., tutrice de Claude Sanchez, déjà inscrit comme touchant l’allocation militaire. Le 14 janvier 1957, le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre attribue à Thomas Sanchez le titre de déporté politique. La carte n° 1175-10865 est remise à Rose H., veuve Sanchez, au titre de mère et tutrice de l’enfant mineur du déporté.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Thomas Sanchez (J.O. du 19-05-1998).

Notes :

[1] La Plaine-Saint-Denis et Aubervilliers : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Morsang-sur-Orge : jusqu’à la loi de juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert effectif en janvier 1968).

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 380 et 420.
- Archives nationales : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes, BB18 7042.
- Archives de Paris : archives judiciaires, registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 14 janvier-12 février 1941 ; jugement du samedi 8 février 1941, cote D1u6-3719.
- BA 2397 cartons “Occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2373) ; liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1W71, 1W152 (dossier individuel].
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1064 (32168/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 91-Morsang-sur-Orge, relevé de Stéphane Protois (2006).
- Archives départementales de l’Eure (AD 27) : camp de Gaillon, dossier individuel de Thomas Sanchez (89 w 6), recherches de Ginette Petiot (message 10-2014)
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Thomas Sanchez, cote 21 P 535 507, recherches de Ginette Petiot (message 10-2014).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12–12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Émile SALOY – 46094

Émile, Alexandre, Georges, Saloy naît le 9 juin 1904 à Versailles [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine-et-Oise / Yvelines), fils d’Auguste Saloy, cheminot, militant syndicaliste, et d’Hélène Thounoy, son épouse, couturière.

À l’âge de 12 ans, Émile Saloy obtient le certificat de fin d’études primaires avec mention.

Le 4 juillet 1923, il est embauché à la société Union d’Électricité où il est affecté à la centrale de Gennevilliers comme électricien “hors classe” (l’entreprise porte aussi le nom de Nord-Lumière à une certaine époque).

Émile Saloy est secrétaire de la Section syndicale CGT de la centrale électrique.

Le 23 avril 1932 à Puteaux (Seine-Saint-Denis), il épouse Marguerite Niermont, couturière chez Patou, grand couturier parisien. Ils ont deux enfants : Claude, née le 30 mai 1933, et Alain, né le 20 juillet 1936.

Pendant un temps, ils habitent au 26, rue Serpente à Argenteuil [1] (eine-et-Oise / Val-d’Oise) ; au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 72, rue Ferdinand-Berthoud.

Émile Saloy est un militant communiste très actif. La police le décrit ainsi : « Très intelligent, un des meilleurs orateurs de la région parisienne […] il a joué un rôle de premier plan lors des évènements de février 1934 […] organisateur de grèves… ».

Le 12 mai 1935, Émile Saloy est élu conseiller municipal d’Argenteuil sur la liste du Bloc Ouvrier et Paysan conduite par Victor Dupouy.

Pendant les grèves de 1936, il est arrêté à la Bourse du travail, à Paris, puis relâché.

Autodidacte, il prend des cours du soir et, aimant le théâtre, joue dans une compagnie d’amateurs de Puteaux sous le pseudonyme de “Yolas”. Il apprécie également la musique et fait du vélo.

À la suite de la déclaration de guerre, Émile Saloy est mobilisé comme sergent-chef. Il n’est pas fait prisonnier lors de la débâcle.

Dans cette période, en février 1940, il est déchu de son mandat électoral en tant que communiste.

D’après les archives d’EDF-GDF, Émile Saloy entre dans la Résistance en 1940.

Le 24 novembre 1940, le préfet de Seine-et-Oise signe un arrêté ordonnant l’assignation à résidence sur le territoire de leur commune de domicile de 1097 « individus dangereux pour la Défense nationale et la sécurité publique », selon les termes du décret du 18 novembre 1939 ; parmi ceux-ci, Émile Saloy.

Le 19 février 1941, deux gendarmes de la brigade de gendarmerie d’Argenteuil patrouillant dans le quartier du Val Notre-Dame découvrent « des tracts originaires du parti communiste […] fraîchement apposés sur les poteaux télégraphiques et sur certains immeubles particuliers ». Ils se mettent immédiatement à la recherche des afficheurs qui ne sont pas rejoints ni découverts ; revenus sur place, ils lacèrent une quarantaine d’affichettes. Le capitaine de gendarmerie avertit le commissaire de police d’Argenteuil qui propose l’internement administratif d’Émile Saloy au préfet de Seine-et-Oise. Celui-ci signe une arrêté d’internement le 20 février.

Le jour même, à 6 heures du matin, Émile Saloy est arrêté à son domicile par des policiers du commissariat d’Argenteuil et aussitôt conduit au centre de séjour surveillé (CSS) d’Aincourt (95), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.

Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,  le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.  Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,
le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Selon le commissaire spécial dirigeant le camp, Émile Saloy conserve « sur ses camarades un ascendant certain ».

Au cours de son internement, il peut écrire à sa famille.

Le 27 juin 1941, Émile Saloy fait partie d’un groupe de 88 internés communistes de Seine-et-Oise – dont 32 futurs “45000” – remis aux “autorités d’occupation” et conduits à l’Hôtel Matignon, à Paris, – alors siège de la Geheime Feldpolizei – où ils rejoignent des hommes appréhendés le jour même dans les départements de la Seine-et-Oise et de la Seine par la police française en application d’arrêtés d’internement administratifs [2]. Tous sont ensuite menés au Fort de Romainville (sur la commune des Lilas – 93), alors camp allemand, élément du Frontstalag 122. Considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp [3].

Trois jours plus tard, les hommes rassemblés sont conduits à la gare du Bourget (Seine-Saint-Denis – 93) et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Polizeihaftlager). Pendant la traversée de la ville, effectuée à pied entre la gare et le camp, la population les regarde passer « sans dire un mot, sans un geste. Tout à coup nous entonnons La Marseillaise et crions “Des Français vendus par Pétain” » [4]. Ils sont parmi les premiers détenus qui inaugurent ce camp créé pour les « ennemis actifs du Reich ».

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Dix mois plus tard, le 5 mai, le préfet de Seine-et-Oise transmet au Conseiller supérieur d’administration de guerre [sic] de la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud une liste d’anciens internés d’Aincourt à la libération desquels il oppose un avis défavorable – « renseignements et avis formulés tant par [ses]services de police que par le directeur du centre de séjour surveillé » ; liste accompagnée de « notes » individuelles avec copie traduite en allemand, dont celle concernant Émile Saloy.

Entre fin avril et fin juin 1942, celui-ci est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandises d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandises
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Émile Saloy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46094 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, il semble qu’Émile Saloy soit dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

En effet, à une date restant à vérifier, il est admis au Block 20 – bâtiment dédié aux maladies contagieuses – de l’hôpital d’Auschwitz-I.

Atteint par le typhus selon certains témoignage, il meurt à Auschwitz le 21 août 1942, d’après deux registres du camp. L’acte de décès établi par l’administration SS (Sterbebücher) indique « inflammation stomacale aigüe » (Akuter Magendarmkatarrh) pour cause mensongère de sa mort.
Le 14 mai 1947, le Conseil municipal d’Argenteuil donne son nom d’Émile Saloy à l’ancienne rue du Tronc. Son nom est également inscrit sur le Monument aux morts d’Argenteuil, dans le cimetière communal, rue de Calais, et sur une plaque rendant hommage aux morts de la centrale électrique pendant la guerre 1939-1945, apposée à l’intérieur de l’usine.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-04-1998).

Notes :

[1] Versailles et Argenteuil : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les 88 internés de Seine-et-Oise. Le 26 juin 1941, la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud transmet au préfet du département de Seine-et-Oise – « police d’État » -, cinq listes pour que celui-ci fasse procéder dès le lendemain à l’arrestation de ressortissants soviétiques ou de nationalité russe ancienne ou actuelle, dont 90 juifs, et de républicains espagnols en exil, soit 154 personnes. La sixième catégorie de personnes à arrêter doit être constituée de «  Différents communistes actifs que vous désignerez  » (aucune liste n’étant fournie). Tous doivent être remis à la Geheime Feldpolizei, à l’Hôtel Matignon, à Paris.

Si aucun autre document n’atteste du contraire, c’est donc bien la préfecture de Seine-et-Oise qui établit, de sa propre autorité, une liste de 88 militants communistes du département à extraire du camp d’Aincourt.

Le 27 juin, le commandant du camp écrit au préfet de Seine-Et-Oise pour lui « rendre compte que 70 internés [du département] ont été dirigés aujourd’hui dans la matinée sur le commissariat central de Versailles et que 18 autres internés ont été dirigés dans le courant de l’après-midi à l’Hôtel Matignon à la disposition des Autorités allemandes d’occupation. Le départ de ces internés s’est déroulé sans incident. » Les listes connues à ce jour ne distinguent pas les deux groupes et réunissent les 88 internés.

Le 29 juin, l’inspecteur de police nationale commandant l’escorte conduisant le contingent de 70 détenus à Versailles, rend compte que le commissaire divisionnaire lui a ordonné de poursuivre son convoyage « jusqu’à l’Hôtel Matignon, à Paris, siège de la Geheime Feldpolizei. En passant à Billancourt, quelques internés du premier car ont montré le poing et des ouvriers qui allaient prendre leur travail ont répondu par le même geste. J’ai immédiatement donné des ordres aux gardiens pour que les internés rentrent leurs bras.

À mon arrivée à Paris, je me suis trouvé en présence d’une quinzaine de cars remplis de prisonniers ayant la même destination que les internés d’Aincourt et j’ai dû prendre la suite.

Le formalités d’immatriculation étant assez longues, j’ai dû attendre mon tour ; l’opération a commencé à 18 heures et s’est terminée à 19h15 ; je n’ai pu faire la remise que de 38 internés sur 88 venus d’Aincourt. En raison de l’heure, le chef de bureau de la Feldpolizei m’a fait savoir qu’il recommencerait l’immatriculation le lendemain matin à 8h15, d’avoir à revenir à cette heure-là. J’ai rassemblé les 50 internés restant dans les deux cars et ai libéré les camionnettes et les gardiens disponibles.

Je me suis aussitôt mis en rapport avec la préfecture de Seine-et-Oise afin de savoir où je devais conduire, pour passer la nuit, les 50 internés. Une heure après, je recevais l’ordre de les conduire au Dépôt, 4 quai de l’Horloge, et de continuer ma mission le lendemain matin. Cette formalité étant remplie, j’ai renvoyé les cars et le personnel à Versailles.

Le 28 juin, à 7 heures, j’ai continué ma mission qui a pris fin à 11 heures. Cette escorte s’est déroulée sans autre incident. »

[3] Arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, témoignage d’Henri Rollin : «  Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention «  communiste  », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[4] De l’Hôtel Matignon au Frontstalag 122 : témoignage de Marcel Stiquel (déporté au KL Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Son récit fait état de 87 internés (la liste en comporte 88) et d’un départ d’Aincourt étalé sur deux jours : les 27 et 28 juin 1941 (voir note ci-dessus).

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 357, 390 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine (2005), citant : enquête menée par Marguerite Cardon-Krivopissko, ancienne conseillère générale du Val-d’Oise – Témoignage de sa fille, Claude Boistard (12/1990) – Extrait d’acte de naissance, extrait d’acte de décès – Courrier de M. Charton, chef de la subdivision des archives d’EDF-GDF (2/ 1991).
- Nadia Ténine-Michel, notice dans le Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 41, p. 94, citant : Arch. Dép. Seine-et-Oise, 2 M 30/68, 1 W 71, 73, 221 – Lettre ouverte aux ouvriers communistes, BDIC, Q pièce 4007 – Bulletin municipal d’Argenteuil, 1944.
- Sachso, Amicale d’Orianenburg-Sachsenhausen, Au cœur du système concentrationnaire nazi, Collection Terre Humaine, Minuit/Plon, réédition Pocket, mai 2005, page 36 (sur le transfert depuis Aincourt des 88 de Seine-et-Oise, fin juin 1941).
- Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
- Claude Boistard, sa fille, réponse au questionnaire de Mémoire Vive (11-2007).
- Archives départementales des Yvelines (78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, cotes 1W69 (bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise), 1W71, 1W80 (relations avec les autorités allemandes), 1W152 (dossier personnel) ; et recherches parallèles de Claude Delesque.
- Liste des 88 internés d’Aincourt (domiciliés dans l’ancien département de Seine-et-Oise) remis les 27 juin 1941 à la disposition des autorités d’occupation, et liste Internés de Seine-et-Oise à la suite d’une mesure prise par le préfet de ce département, ayant quitté le centre d’Aincourt, copies de documents des AD 78 communiquées par Fernand Devaux (03 et 11-2007).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1061 (23287/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de S à Z (26 p 843), acte n° 23287/1942.
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
- Site Mémorial GenWeb, 95-Argenteuil, relevé de Joël Godin (2005).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Fernand SALMON – 46093

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Fernand, Joseph, Salmon naît le 16 juin 1897 à Genneton (Deux-Sèvres – 79), fils d’André Salmon, 31 ans, tailleur, décédé chez lui vingt jours avant la naissance de son fils, et de Constance Guillemin, son épouse, 25 ans. L’enfant est présenté à la mairie par son grand-père, François Salmon, 65 ans, et le frère de la jeune veuve, Joseph Guillemain, 23 ans, cultivateur, signe comme témoin.

Pendant un temps, Fernand Salmon travaille comme charron.

Début août 1914, la Première guerre mondiale est déclenchée. Le 9 janvier 1916, Fernand Salmon est mobilisé comme soldat de 2e classe au 20e régiment d’artillerie afin d’accomplir son service militaire. Le 7 juillet suivant, il passe au 109e régiment d’artillerie lourde. Le 7 mai 1917, à Épernay, il est blessé à la main droite par un éclat de bombe. Évacué pour être soigné, il ne rejoint le dépôt que le 2 mai 1918. Le 16 juillet 1918, il passe au 21e R.A. Bien que passé théoriquement dans la réserve de l’armée active le 7 janvier 1919, il est maintenu sous les drapeaux. Le 30 mai, il passe au 38e R.A. Le 10 juin, il entre à l’hôpital d’Avignon (Vaucluse), puis réintègre le dépôt le 18 juillet. Mis en congé illimité de démobilisation le 27 septembre 1919, il se retire à Genneton, titulaire d’un certificat de bonne conduite. Il adhérera à l’Association républicaine des Anciens combattants (ARAC), recevant la carte de Combattant le 11 mars 1930.

Le 19 décembre 1920, Fernand Salmon est embauché par les Chemins de fer de l’État, réseau de l’Ouest (avant la création de la SNCF…). Le 5 octobre 1921, l’armée le classe “affecté spécial” dans cette compagnie en qualité d’homme d’équipe à Thouars (79), où il habite, avenue de la gare.

Le 16 septembre 1921, à Thouars, il épouse Marie Revault, née le 11 novembre 1899 à Saint-Maurice-la-Fougereuse (79). Ils auront trois enfants, qui seront âgés respectivement de 19, 15 et 9 ans en décembre 1940.

En 1924, Fernand Salmon est adhérent à la section de Thouars du Syndicat CGTU de la Fédération des Chemins de Fer.

En février 1927, la famille habite au 63, rue de la Porte-aux-Prévôts, à Thouars. En mars 1930, ils demeurent à Courtalain (Eure-et-Loir – 28) et, en août, à Saint-Pellerin (28), villages voisins au sud du département. Il est alors membre de la section de Courtalain du Parti communiste, du comité départemental d’Eure-et-Loir.

En mars 1930, ils demeurent à Courtalay et, en août, à Saint-Pellerin, villages voisins au sud de l’Eure-et-Loir.

À partir de 1932, la famille emménage dans un groupe d’habitations à bon marché (HBM) qui vient d’être construit  pour la Société immobilière des chemins de fer de l’État au 5, rue Henri-Martin à Asnières [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92). Fernand Salmon y demeurera jusqu’au moment de son arrestation.

Il est alors agent technique principal SNCF au dépôt de factage et de camionnage de la gare des Batignolles, 163 bis, avenue de Clichy (Paris 17e), région Nord, service du camionnage-Ouest.

Paris. Le dépôt SNCF des Batignolles (réseau Ouest) en 1965. Une loco 040 TA en manœuvre. Photo Siegenthaler. Collection Mémoire Vive.

Paris. Le dépôt SNCF des Batignolles (réseau Ouest) en 1965. Une loco 040 TA en manœuvre.
Photo Siegenthaler. Collection Mémoire Vive.

Toujours adhérent à Fédération des Chemins de Fer, Fernand Salmon est délégué syndical de son service.
Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.  Collection Mémoire Vive.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.
Collection Mémoire Vive.

Il est également membre du Parti communiste. La police a consigné ses nombreux engagements militants : appartenance à la cellule Batignolles-camionnage, à la cellule du quartier Flachat à Asnières à partir de 1935, à la section d’Asnières du Secours rouge international (futur Secours populaire) ainsi qu’au Comité départemental d’Eure-et-Loir (section de Courtalain), membre du groupe d’Asnières des Amis de L’Humanité et du Travailleur et de L’Union nationale des Comités de défense de L’Humanité (CDH), « parrain du 10e bataillon des Brigades internationales lors de la guerre d’Espagne ».« Au début des hostilités » (septembre 1939), il est “affecté spécial” sur son poste de travail.Sous l’occupation, la police française le considère comme un « agitateur révolutionnaire (ayant) une part importante dans l’activité clandestine de l’ex-Parti communiste ».Le 4 janvier 1940, à l’issue d’une réunion syndicale tenue au 100, rue Cardinet (Paris 17e), il a une altercation suivie de rixe avec un collègue qui ne partage pas ses idées et qui amène une intervention de la police municipale.Le 25 janvier, un service de la police ou de la SNCF rédige une courte note : « Une information de source paraissant bonne fait connaître que le nommé Salmon […], ex-chef de cellule communiste aurait, dans un porte-monnaie, une estampille représentant la faucille et le marteau, insigne du parti dissous. » Le 12 février, le directeur de la Sûreté nationale au sein du ministère de l’Intérieur transmet une copie de cette note au préfet de police en lui demandant de lui faire parvenir d’urgence tous renseignements déjà connus ou à recueillir sur Fernand Salmon. Le 5 juin suivant, une deuxième note « de source paraissant sûre » fait connaître qu’il se livrerait à la propagande clandestine.Fin novembre ou début décembre, une diffusion de tracts, trouvés par centaines, a lieu au dépôt de camionnage du réseau Nord. Le 11 décembre, la perquisition effectuée à son domicile par les services du commissariat de police de la circonscription d’Asnières ne donne aucun résultat.

Le 20 décembre, des inspecteurs des Renseignements généraux enquêtent à son adresse… Quelqu’un semble livrer beaucoup de documents concernant son activité militant d’avant-guerre et dans la clandestinité : « Dans l’escalier de l’immeuble où il habite, des tracts et ses cartes de membre de différentes cellules ou groupements auxquels il a appartenu avant le décret de dissolution, ont été trouvés par des personnes désirant garder le plus strict anonymat » (des cartes de membre de différentes cellules ou groupement auxquels il a appartenu avant le décret de dissolution du 26 septembre 1939, dont des cartes syndicales des chemins de fer pour les années 1924, 1928, 1931, 1932, et des cartes de l’Association républicaines des anciens combattants – ARAC – pour les années 1937 et 1939). Quelques jours auparavant, Fernand Salmon aurait distribué des tracts communistes à différentes personnes de son voisinage, auxquelles il aurait déclaré qu’il n’avait aucunement renié ses idées, qu’il militait avec acharnement, qu’il avait à peu près reconstitué une cellule et que « sitôt l’évacuation des troupes allemandes, les communistes feront la révolution ». Parmi ces tracts, on trouve des exemplaires de L’Humanité clandestine datée des 10 et 30 octobre, et 21 novembre 1940. Cela fait supposer aux policiers qu’il n’est pas étranger à la diffusion de tracts ayant eu lieu quelques semaines plus tôt au dépôt de camionnage. « En raison de son activité, Salmon doit être considéré comme un élément suspect. »
Le 14 janvier 1941 (selon une de ses lettres), il est arrêté à son domicile, lequel est perquisitionné, dans la perspective de son internement administratif. Il est écroué au dépôt de la préfecture de police de Paris (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité), puis à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).Le 15 janvier, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif « dans l’établissement d’Aincourt » en application du décret du 18 novembre 1939.

Le 17 janvier, Fernand Salmon fait partie des 24 militants communistes conduits au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement. Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Il travaille avec Hurel [corvée ?].

Le 24 juin 1941, Fernand Salmon fait partie des 31 « meneurs indésirables » écroués à la Maison d’arrêt de Rambouillet (Seine-et-Oise / Yvelines), 5 rue Pasteur, à la suite d’ « actes d’indiscipline » collectifs. Ils y conservent le statut d’internés administratifs. Dans une cellule de trois, Fernand Salmon se trouve avec René Guiboiseau et Alexandre Hurel.

Dès 25 juin, depuis cette prison et conjointement avec Maurice Bertouille, il écrit à deux amis restés à Aincourt : Depaepe et Prugnot. La lettre, postée le 27, est interceptée à l’arrivée par le service de censure du camp. Fernand Salmon fait le récit de leur arrivée, précisant : « …ici, nous sommes traités en hommes et non en inférieurs ; nous ne sommes pas mélangés parmi les voleurs ou les maquereaux, nous sortons à part. Ce matin, nous avons commencé la culture physique et, ce soir, nous commençons l’école ». Il demande qu’on lui envoie quelques affaires restées là-bas, dont les morceaux de bois préparés « pour faire des ronds » (de serviette). Il conclue en transmettant « de la part des 31 estivants, bien des choses à tous les camarades ».

Le 30 juin, tous les transférés signent une pétition adressée au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter : « un lieu de séjour correspondant à [leur] état d’internés politiques » ou, sinon, de meilleurs conditions de détention.

Le 27 septembre 1941, Fernand Salmon est parmi les 23 militants communistes de la Seine transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la vallée de la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle, puis en caserne ; il est assigné au bâtiment F (aile Est du pavillon Colbert [2]), 3e étage, chambre 9, lit 84.

Le château de Gaillon. Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le haut bâtiment transversal de l’arrière plan (qui a perdu sa toiture après la guerre). Carte postale envoyée en 1955. Collection Mémoire Vive.

Le château de Gaillon. Les internés sont assignés au pavillon Colbert,
le haut bâtiment transversal de l’arrière plan (qui a perdu sa toiture après la guerre).
Carte postale envoyée en 1955. Collection Mémoire Vive.

Le 5 mars 1942, il est fait partie d’un groupe de 16 internés administratifs de Gaillon (dont 9 futurs “45000”) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits en autocar au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il y est enregistré sous le matricule 3692.

 

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué
par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Fernand Salmon est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46093 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Fernand Salmon est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Selon le témoignage d’un rescapé recueilli par sa veuve, il aurait été victime du typhus.

Le 4 novembre 1942, il est présent dans la chambrée n°3 (Stube) de l’infirmerie/dispensaire (Block 8), où son nom est inscrit sur un registre de distribution de médicaments : il reçoit deux comprimés d’urotropine et deux comprimés d’aspirine.

On ignore la date exacte de sa mort ; vers la mi-décembre selon le même témoin [3].

Déclaré “Mort pour la France” (6-07-46), il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-04-1998).

En juin 1954, sa veuve habite au 11 bis, rue du Châlet, à Asnières (à vérifier…).

Notes :

[1] Asnières : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Château de Gaillon. Le pavillon Colbert, sur la terrasse du jardin haut, a été dessiné par Jules-Hardoin Mansard vers 1700 pour l’archevêque Jacques-Nicolas Colbert, second fils du ministre de Louis XIV.

[3] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir lesdocuments administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Fernand Salmon, l’acte de décès (20-04-1946) indique le 15 décembre 1942. Leur publication à l’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 380 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, liste page 529.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant :  Archives municipales d’Asnières – Archives familiales et lettre de son fils Gilbert (16/12/1993) – Certificat d’appartenance à la Résistance intérieure au titre du Front national de lutte pour l’indépendance de la France.
- Archives départementales des Deux-Sèvres (AD 79), site du conseil général, archives en ligne : état civil de Genneton, registres des naissances 1897-1902 (2 MI 1448), année 1897, acte n° 7 (vue 3/38) ; registre des décès de l’année 1897, acte n°4 (même cote, vue 2-31) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau de Niort, classe 1917 (n° de 2001 à 2252), matricule 2095 (vue 136/362).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (cotes 1w71, 1w74, 1w76).
- Archives départementales de l’Eure, Évreux : archives du camp de Gaillon (cotes 89W4, 89W11 et 89W14), recherches de Ginette Petiot (message 08-2012).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), fonctionnaires communistes internés (BA 2114 ), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 1488-83107).
-Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Fernand Salmon (21 P 535.121), recherches de Ginette Petiot (message 10-2012).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Marcel SALLENAVE – 46092

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Ville d’Ivry-sur-Seine, archives communales.

Marcel, Jean, Sallenave naît le 7 mars 1905 à Paris 18e,  au 36 boulevard Barbès à Paris 18e (?), fils de Jacques Sallenave, 42 ans, forgeron, et de Marthe Desainsauflieux, 26 ans, son épouse, domiciliés au 10 rue Labat. Il a un frère, Armand Sallenave, né le 18 décembre 1900 à Paris 10e.

Le 9 janvier 1910, Marthe Sallenave, alors culottière, domiciliée au 4 rue du Mont-Cenis (Paris 18e), décède à l’hôpital Lariboisière (2 rue Ambroise-Paré, Paris 10e), âgée de 30 ans. Marcel est âgé de 4 ans et demi.

Le 4 juillet 1920, Jacques Sallenave, domicilié au 5 passage Dagorno à Paris 20e, décède à l’hôpital Saint-Antoine (184 rue du Faubourg Saint-Antoine, Paris 12e), âgé de 58 ans.

Pendant un temps, Marcel habite avec son frère Armand Sallenave, serrurier, au 5 passage Dagorno, et commence à travailler lui aussi comme serrurier.

Le 10 mai 1925, il est incorporé au 8e régime de Hussards afin d’accomplir son service militaire. Il est affecté dans les Pays Rhénans, en Allemagne. Le 29 octobre 1926, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et revient habiter passage Dagorno.

Le 20 octobre 1928, à la mairie du 8e arrondissement de Paris, Marcel Sallenave épouse (Marie) Catherine Péron, 26 ans, née le 10 octobre 1902 à Brennilis (Finistère). Lui se déclare comme serrurier, elle comme femme de chambre. Ils n’ont pas d’enfant.

À partir du 13 mars 1933, il exploite un débit de boissons dont il est le propriétaire au 63, rue Parmentier à Ivry-sur-Seine [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Val-de-Marne – 94). Ils sont alors locataires au n° 76 de la même rue, rez-de-chaussée côté cour.

Son établissement sert de siège à la cellule locale du Parti communiste. Il est notamment fréquenté par Lise London, qui est officiellement domiciliée avec ses parents dans la cité HBM voisine du 40, rue Marat.

Le 3 septembre 1939, Marcel Sallenave est mobilisé dans l’artillerie (23e R.A.C.).  Après avoir rejoint son affectation à Troyes, il est affecté à Jargny (Yonne), puis à Reuil (Seine). N’ayant pas été fait prisonnier, il est libéré de ses obligations militaires le 14 août 1940.Dans la période d’interdiction du Parti communiste (avant ou pendant l’occupation ?), la police sait que Marcel Sallenave entretient des relations par correspondance avec Louis Bourru (?), condamné à huit ans de travaux forcés pour activités communistes.

À partir de l’été 1940, après la débâcle et l’exode, Marcel Sallenave tente de reconstituer le Parti communiste à Ivry avec Marcel Boyer.

En juin 1941, il est dénoncé comme organisateur d’une manifestation de ménagères au marché d’Ivry-Port, au cours de laquelle a été crié le slogan « Vivent les Soviets ». La police sait que son café sert de lieu de rendez-vous et de boîte aux lettres pour la Résistance. Après que la radio ait annoncé le franchissement de la frontière soviétique par les troupes allemandes, plusieurs habitants des HBM s’y retrouvent pour trinquer à la victoire prochaine, dont Arthur (Gérard) et Lise London, Frédéric Ricol, son frère. En juillet, l’établissement est perquisitionné (“VD”) sans succès ; mais pas son domicile.

En octobre, Marcel Sallenave est peut-être arrêté une première fois par la police française. Il serait alors détenu à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), puis à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (94), avant d’être relâché.

Le 9 avril 1942, à 6 heures du matin, il est arrêté par la police française et conduit au dépôt de la préfecture de Paris (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité). Son café est fermé le 17 avril par arrêté préfectoral.

Le 5 mai, il fait partie d’un groupe de 13 « communistes » détenus au dépôt conduits à la gare du Nord « à la disposition des autorités allemandes » et transférés au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont alors disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée (suivant un ordre de Hitler) en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée d’occupation.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Marcel Sallenave est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46092 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Sallenave est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 5 août 1942, il est admis au Block n° 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

Le 6 janvier 1943, il est inscrit sur une liste du Block de chirurgie (n° 21) de l’hôpital.

Marcel Sallenave meurt à Auschwitz le 17 janvier 1943 [2], selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique pour cause mensongère de sa mort « Hydropisie cardiaque » (Herzwassersucht).

(aucun des quatorze “45000” ivryens n’est revenu)

Le 27 mai 1945, Henri Matthiaud, de Clichy-la-Garenne, écrit à Marguerite Blais d’Ivry-sur-Seine pour lui annoncer la mort de son mari Robert et de son beau-frère Raymond ; il ajoute qu’il est également certain du décès de Marcel Sallenave.

Le 27 juillet 1945, le conseil municipal d’Ivry dénomme rue Marcel-Sallenave l’ancienne rue de la Marne.

L’Association nationale des amis des FTPF établit un certificat de Résistance, signé Henri Mantz dit “Sylvain” et précisant que Marcel Sallenave a été enrôlé sous son « contrôle » (9-9-1946). Il y est simultanément mentionné que le déporté serait mort des suites du typhus ET qu’il aurait été gazé.

L’Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance Française (ANACR) délivre une attestation selon laquelle Marcel Sallenave a servi sous les ordres de l’adjudant-chef Georges Jehenne, fusillé (22-12-1952).

Marcel Sallenave est homologué comme “Déporté politique” (1955).

La mention “Mort en déportation” est portée sur son acte de décès (arrêté du 10-12-1997, J.O. du 18-04-98).

Le 9 avril 1944, à Vincennes (Seine / Val-de-Marne), son frère Armand se marie. Il décède le 21 juillet 1969 à Paris 20e.

Catherine Sallenave, sa veuve, décède en mars 1981, âgée de 80 ans.

Notes :

[1] Ivry-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite au Journal Officiel : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir lesdocuments administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Marcel Sallenave, c’est le 31 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. La parution au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Ivry, fidèle à la classe ouvrière et à la France, supplément au Travailleur d’Ivry, édité par la section du PCF, à l’occasion du 25e anniversaire de la capitulation allemande ; pages 94 et 110.
- Archives municipales d’Ivry-sur-Seine : dossier individuel rassemblé par Michèle Rault, conservatrice, à partir de différentes sources, notamment policières.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 388 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, Éditions Graphein, Paris nov. 2000, liste page 529.
- Lise London, La mégère de la rue Daguerre, Souvenirs de Résistance, Seuil-Mémoire, avril 1995,  p. 125-126.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?).
- Musée de la Résistance Nationale, Champigny-sur-Marne : fichier du commissariat de circonscription d’Ivry-sur-Seine sur les militants communistes du secteur.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1060.
- Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registres des Block n° 20, 21 et 28 de l’hôpital d’Auschwitz ; acte de décès du camp (2751/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le le 2-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Camille SALESSE – 46091

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Camille, Édouard, Alexis, Salesse naît le 27 juin 1912 à Condat(-en-Féniers) (Cantal), dans la maison de ses parents, Jean-Baptiste Salesse, 38 ans, artisan menuisier, et Marie Papon, 36 ans, son épouse, alors domiciliés au lieu-dit les Moulins. Les témoins pour l’enregistrement du nouveau-né à l’état civil sont un directeur d’école et un garde-champêtre. Il est peut-être le benjamin de quatre autres enfants nés avant lui : Jean Noël, le 24 décembre 1898 au hameau du Vernet, Marguerite, le 7 mai 1902, Félix, le 4 mai 1904, et Alexis Antony, le 18 août 1908.

Camille Salesse arrive dans la région parisienne à l’âge de quatorze ans (vers 1926).

Le 28 mai 1932, à Argenteuil [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), – n’ayant pas vingt ans – il se marie avec Marcelle Le Bouquin.

Pendant un temps, il travaille comme monteur en pylônes.

Puis il devient cafetier.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 82, avenue d’Argenteuil à Colombes [2] (Seine / Hauts-de-Seine).

C’est un militant du Parti communiste.

Le 18 juillet 1941, il est arrêté à Colombes « pour détention d’armes ». Jugé à Paris le 11 août suivant par un tribunal allemand, il est condamné à trois mois de prison. Il est emprisonné successivement au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité), le 14 août 1941 à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), le 21 août à Villeneuve-Saint-Georges (Seine / Val-de-Marne – 94), puis à la Maison d’arrêt de Fresnes (94) à partir du 20 octobre.

La maison d’arrêt de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La maison d’arrêt de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À l’expiration de sa peine, le 31 octobre, il est libéré « sur intervention de M. Van Porten, ingénieur de la société France-Radio ».

Le 28 avril 1942, il est de nouveau arrêté à son domicile lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine – avec le concours de la police française – et visant majoritairement des militants du Parti communiste. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Camille Salesse est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46091 (ce matricule sera tatoué sur son bras gauche quelques mois plus tard).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Camille Salesse est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 24 octobre, il est admis au Block 20 (contagieux) de l’hôpital du camp [2], en provenance du Block 28 (convalescents).

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août, Camille Salesse est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur des femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur
des femmes détenues – et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Camille Salesse est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés à Flossenburg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque), un Kommando de Buchenwald, et enregistrés dans ce camp le 31 août (matr. 19898).

En janvier 1945, il est envoyé au Kommando de Leitmeritz, avec Georges Hanse et Étienne Pessot.

Libéré le 8 mai 1945, il regagne la France, via Longuyon, le 22 mai.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945.
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

Dix ans plus tard environ, Camille Salesse se met en ménage avec Monique Bidault, née le 10 janvier 1932 à Avallon (Yonne), déjà mère d’une fille, Marie-Josée, née le 12 novembre 1954 à Migennes ou Varenne (Yonne). Ensemble, ils ont une deuxième enfant, Monique, née le 16 décembre 1958, à Paris 14e.

Le 17 mars 1970, le couple se marie à la mairie du 17e arrondissement. Par ce mariage, le nouvel époux reconnaît Marie-Josée comme sa fille, après le lui avoir proposé.

Moins d’un an plus tard, le 23 février 1971, Camille Salesse décède à Paris 17e ; il a 58 ans.

À une date restant à préciser, sa fille Mireille rencontre chez lui Fernand Devaux, rescapé du convoi.

Fin août 2017, elle se rend pour la première fois à Auschwitz avec son mari, Jean-Marie Castor, et accompagnée de cousins, afin de répondre à un vœu formulé par son père. Elle a choisi ce voyage en petit comité afin de pouvoir se recueillir isolément sur les lieux.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 346 et 347, 359, 382 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel – fichier central) – Carnets de Roger Abada (45157), de Moulins (Allier) – Témoignage de René Aondetto (45175), de Paris 20e – État civil de la mairie de Condat.
- Archives départementales du Cantal (AD15), site internet du Conseil départemental, archives en ligne ; registres des naissances de Condat 1907-1932 (5 Mi 695/4), année 1912, acte n° 19 (vue 98/355).
- Mireille Castor, courriel (août 2017), et conversation téléphonique (septembre 2017).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-09-2017)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Argenteuil : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise.[2] Colombes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3]  L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus, réparti dans différents bâtiments. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Mais les “31000” et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme “Revier” : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

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René SALÉ – 46090

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Droits Réservés.

René, Maxime, Salé naît le 11 juillet 1917 à Wissous [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine-et-Oise / Essonne), fils de Maxime Germain Augustin Salé, 28 ans, charretier (puis chauffeur de taxi), et de Léa Eugénie Gallier, 20 ans, couturière, son épouse, domiciliés au 8 rue Neuve. Après René, naissent trois autres garçons : Germain, en 1919, Robert, en 1923, et Roger, en 1928.

En 1929, la famille habite au 6 boulevard Brune (Paris 14e).

Le 26 février 1934, René Salé – âgé de 16 ans 1/2 – est embauché comme monteur-ajusteur aux établissements Sanders, au 48-50, rue Benoît-Malon à Gentilly [2] (Seine / Val-de-Marne) ; usine qui fabrique des «  machines comptables » (caisses enregistreuses) sous licence américaine.

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Gentilly. La station de la « ligne de Sceaux » (R.E.R. ligne B).. L’usine Sanders occupait le bâtiment visible à droite et qui existe encore aujourd’hui (2023). La fille de Marceau Baudu se souvient que son père lui faisait parfois signe par une lucarne quand elle prenait le train pour Paris sur le quai situé à gauche en contrebas. Carte postale oblitérée en 1935. Collection Mémoire Vive

Gentilly. La station de la « ligne de Sceaux » (R.E.R. ligne B).
L’usine Sanders occupait le bâtiment visible à droite et qui existe encore aujourd’hui (2023).
La fille de Marceau Baudu se souvient que son père lui faisait parfois signe par une lucarne
quand elle prenait le train pour Paris sur le quai situé à gauche en contrebas.
Carte postale oblitérée en 1935. Collection Mémoire Vive

En 1936, il habite chez ses parents au 10 boulevard Brune (Paris 14e).La police française désigne René Salé comme adhérent au Syndicat des Métaux et sympathisant communiste.

La section syndicale CGT Sanders réunie à Paris, fin des années 1930. Parmi eux, plusieurs futurs déportés :  Georges Abramovici, Joseph Daniel, Marceau Baudu, René Salé, Francis Joly…  Collection Jacqueline Lefebvre. Droits réservés.

La section syndicale CGT Sanders réunie à Paris, fin des années 1930.
Parmi eux, plusieurs futurs déportés : Georges Abramovici, Joseph Daniel, Marceau Baudu, René Salé, Francis Joly…
Collection Jacqueline Lefebvre. Droits réservés.

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Extrait du portrait de groupe ci-dessus : René Salé brandit
sa casquette ; à droite, Francis Joly, portant chapeau.

Conscrit de la classe 1938, il est matelot de 1re classe lorsqu’il est démobilisé le 21 septembre 1940.

Le 17 mai 1941, René Salé épouse Marguerite Coquelin, née le 25 février 1920 à Gentilly, ouvrière, domiciliée au 4, avenue de la République à Gentilly (devant l’église). Il vient habiter chez elle.

Sous l’occupation, l’usine Sanders – filiale d’un groupe franco-allemand (La Nationale Groupe) – travaille en partie pour la production de guerre de l’occupant (fabrication de compteurs).

Malgré les premières exécutions massives d’otages d’octobre 1941 – parmi lesquels nombre de militants ouvriers – le noyau clandestin de l’usine poursuit la résistance sous sa forme syndicale.

Le 9 février 1942, plusieurs militants déclenchent un arrêt de travail pour protester contre le rejet du cahier de revendications qu’ils ont fait déposer par le délégué officiel du personnel quelques jours plus tôt. Ce mouvement ne dure qu’un quart d’heure. Mais le directeur et son adjoint décident de prévenir le commissariat de police de la circonscription, implanté à Gentilly, et dressent une liste de treize meneurs supposés.

Alertée, c’est la première section des Renseignements généraux (RG) qui prend en charge la répression et procède aux arrestations à l’aube du 11 février.

Deux militants, chez qui ont été trouvés divers documents liés à leur activité militante avant l’occupation, seront interrogés le lendemain par l’inspecteur David, puis jugés, condamnés et passeront le reste de la guerre en prison et en camp (échappant ainsi paradoxalement à la mort). Deux autres sont libérés parce qu’inconnus jusque-là des RG.

Suspects d’infraction au décret du 18 novembre 1939, les neuf restants – Georges Abramovici [3], Marceau Baudu, Fernand Boussuge, Joseph Daniel, Louis Gaillanne, André Girard, Francis Joly, Frédéric Rancez et René Salé – sont écroués à 19h45 au dépôt de la préfecture de police comme “consignés administratifs”.

Le Palais de Justice de Paris vu depuis la place Dauphine. Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive. Selon certains témoignages, les soupiraux situés près des statues de lions  éclairaient les sous-sols du dépôt.

Le Palais de Justice de Paris vu depuis la place Dauphine.
Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.
Selon certains témoignages, les soupiraux situés près des statues de lions éclairaient les sous-sols du dépôt.

Gros plan de l’image ci-dessus : deux soupiraux à gauche du lion.

Gros plan de l’image ci-dessus : deux soupiraux à gauche du lion.

Le 16 avril à 7 h 30 – après être restés deux mois à la Conciergerie -, ils sont transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir).

René Salé est donc arrêté à son domicile ou à l’usine le matin du 11 février et conduit à la préfecture de police pour interrogatoire. À Voves, il est enregistré sous le matricule n° 72.

Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Entre fin avril et fin juin, René Salé est sélectionné – avec les sept autres ouvriers de la Sanders – parmi plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, René Salé est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46090 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Salé est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 22.

Le 12 août, il est admis à l’hôpital des détenus d’Auschwitz (Block 20) pour dysenterie (Durchfall : diarrhée), en même temps que Maurice Guerrier, de Trouville (Calvados).

René Salé meurt à Auschwitz-I le 15 août 1942, cinq semaines après l’arrivée de son convoi, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp. La cause inscrite sur l’acte de décès est « arrêt du cœur par entérite » (diarrhée) ; « Herzschwäche bei Darmkatarrh ».

Peu de temps après la libération – et sans connaître le sort des disparus – le Comité d’épuration de l’usine Sanders de Gentilly est à l’initiative d’un procès qui aboutira devant la Cour de Justice de la Seine.

Dans une lettre datée du 8 mai 1945 et envoyée du camp de Dachau où il vient d’être libéré, Francis Joly – unique rescapé du groupe – informe son épouse du sort de ses collègues. Rapatrié en France au cours de la procédure, il témoigne devant le tribunal le 19 mai 1945.

La Vie Nouvelle, hebdomadaire communiste du canton, datée du 2 juin 1945. Le sort de Georges Abramovici, séparé de ses camarades au camp de Voves, n’est alors pas connu. Le journal s’inquiète également pour trois conseillers municipaux de Gentilly également déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Archives communales de Gentilly.

La Vie Nouvelle, hebdomadaire communiste du canton, datée du 2 juin 1945.
Le sort de Georges Abramovici, séparé de ses camarades au camp de Voves, n’est alors pas connu.
Le journal s’inquiète également pour trois conseillers municipaux de Gentilly
également déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
Archives communales de Gentilly.

Le 10 mai 1946, la procédure judiciaire engagée contre les deux membres de la direction responsables de la délation se termine par leur acquittement.

Le 17 mai suivant, son décès est transcrit sur le registre d’état civil de la Mairie, fixant la date au 15 septembre 1942.

Après la guerre (projet datant de février 1946), le personnel de l’usine dédie une plaque commémorative à ses camarades morts en déportation.

En 1961, devenus “La Nationale”, les établissements Sanders déménagent pour le siège de Massy (91) sous l’intitulé N.C.R. (National Cash Register). La plaque suit le transfert de l’entreprise pour être apposée dans le hall d’entrée du restaurant du personnel. Elle y est honorée chaque année.

Pour la remplacer à Gentilly, la municipalité a apposé une nouvelle plaque à l’entrée de la rue Benoît-Malon, où était située l’usine.

Plaque apposée au carrefour de la rue Benoît-Malon  et de la rue Paul-Vaillant-Couturier. Le quatrième inscrit,  Roger Chaize, sans doute ouvrier de la Sanders et mort  en France, est inscrit par erreur. Photo Mémoire Vive.

Plaque apposée au carrefour de la rue Benoît-Malon
et de la rue Paul-Vaillant-Couturier. Le quatrième inscrit,
Roger Chaize, sans doute ouvrier de la Sanders et mort
en France, est inscrit par erreur. Photo Mémoire Vive.

Les déportés de la Sanders ont également leurs noms gravés sur le monument de la Déportation situé dans le carré militaire du cimetière de Gentilly.

Carré militaire (1939-1945 et après) du cimetière de Gentilly.  Monument aux Résistant déportés « tous combattants  de la liberté ». Photo Mémoire Vive.

Carré militaire (1939-1945 et après) du cimetière de Gentilly.
Monument aux Résistant déportés « tous combattants
de la liberté ». Photo Mémoire Vive.

La veuve de René Salé (26 ans) se remarie à Châtillon le 17 mai 1946.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de René Salé (J.O. du 18-04-1998).

Notes :

[1] Wissous : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Gentilly : jusqu’à la loi de juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert effectif en janvier 1968).

[3] Georges Abramovici, né le 15 août 1914 à Paris, demeurant au 11, rue du Chaperon Vert à Gentilly, entré à la Sanders le 19 avril 1938, est un militant syndical très actif. Mais d’abord considéré comme Juif, il sera envoyé au camp de Drancy le 20 octobre, puis déporté dans un convoi du génocide le 4 novembre 1942 (transport n° 40, dont seulement un tiers des détenus entre dans le camp).

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 64, 388 et 420.
- Recherches de Renée Joly aux Archives nationales.
- Archives communales de Gentilly, recherches menées par Chantal Rannou (2007).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Frédéric Couderc, Les RG sous l’occupation : quand la police française traquait les résistants, Olivier Orban, Paris 1992, pages 39 à 43.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : registre d’écrou du dépôt (n° 510) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 617-22385).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registres des Blocks 28 et 20 ; registre de la morgue relevé par la Résistance (matr. 46090) ; registre d’appel avec la liste des détenus décédés (Verstorben Häftlinge) ; acte de décès du camp (20908/1942).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1060.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 22-03-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Justin SALAMITE – 46089

Justin, Louis, Salamite (dit “Jacob”) naît le 10 avril 1908 à Cassis (Bouches-du-Rhône).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 12, rue Sainte-Isaure à Paris 18e, ou au 37, rue de Belfort à Clichy (Seine / Hauts-de-Seine). Il est cuisinier.

Le 19 octobre 1938, il commet un acte en infraction aux lois sur les « substances vénéneuses » (« opium ») et il fait l’objet d’un rapport de police le 19 décembre. Il n’a pas jusque-là de casier judiciaire.

Le 30 juin 1939, le Procureur de la République prononce son inculpation. Le 26 septembre, un juge d’instruction du Tribunal de première instance de la Seine ordonne son arrestation et sa conduite à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e (mandat d’arrêt).

Le 5 février 1941, Justin Salamite est arrêté place de Clichy par la police française et écroué le jour-même à la Santé. Une note indique alors qu’il aurait été arrêté « pour activité communiste ».

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Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 27 février, la 10e Chambre du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à quinze mois de prison, 1000 F d’amende et cinq ans d’interdiction de séjour pour “stupéfiants” (usage, détention, trafic ?).

Le 24 juin, la Cour d’appel de Paris confirme le premier jugement. Entre temps, le 3 avril 1941, il a été transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Val-de-Marne – 94).

Il est libérable le 12 janvier 1942 : a-t-il été interné administrativement ?

Le 5 mai 1942, Justin Salamite fait partie des 14 internés administratifs de la police judiciaire (dont au moins onze futurs “45000”) qui sont conduits avec 37 communistes à la gare du Nord, « à la disposition des autorités allemandes et dirigés sur Compiègne par le train de 5h50 » pour être internés au camp de Royallieu (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Jean Salamite fait partie des quelques hommes du convoi déportés comme “associaux”.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Justin Salamite est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46089 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Justin Salamite.

Il meurt à Auschwitz le 26 août 1942 [2]. Sa date de décès est la même que celle du matricule 45089 (?), ce qui correspond à l’ordre alphabétique de la liste du convoi reconstituée par Claudine Cardon-Hamet.

Il n’a pas été reconnu comme “Déporté politique” (1957). La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 14-07-1998).

Notes :

[1] Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans lesannées qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Justin Salamite, c’est « le 17 mai 1942 à Auschwitz (Pologne) et non le 12 mai 1942 à Compiègne (Oise) » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 373 et 419.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel, rapport d’enquête de 1948 – fichier central) – Témoignage de Jean Pollo, rescapé du convoi.
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA 1837 (internés aux camps de Vaujours… – Tourelles).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1059 (25326/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-06-2008)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Raymond SAINT-LARY – 46088

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Raymond, Émile, Saint-Lary naît le 13 novembre 1920 à Montrouge [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine), de Jean Saint-Lary, né le 13 octobre 1887 à Nîmes, garagiste (ajusteur-mécanicien), et d’Alix Dubras, son épouse, sans profession au moment du mariage, mais qui travaillera aux Compteurs de Montrouge. Raymond a cinq frère et sœurs, dont Henri, Huguette…

Au moment de son arrestation, il est domicilié chez ses parents au 24, rue Albert-Thomas à Fresnes [1] (Seine / Val-de-Marne – 94).

Raymond Saint-Lary est mécanicien.

Il milite aux Jeunesses communistes.

Au cours de l’exode, il part en direction d’Étampes jusqu’à Châteauroux.

Le 6 septembre 1940, Raymond Saint-Lary est arrêté pour distribution de tracts et relaxé après acquittement par le tribunal militaire allemand.

Le 5 octobre, son père est arrêté, comme onze autres anciens élus et trois membres du PC de Fresnes, lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Le 29 mars 1941, quinze épouses d’internés Fresnois – dont Madame Saint-Lary – adressent une lettre commune au préfet de la Seine afin d’être autorisées à leur rendre visite avec leurs enfants ; «  attendu que les prisonniers de droit commun (criminels, voleurs) ont droit à des visites, nous ne pouvons comprendre que nos maris et pères, étant des hommes honnêtes, n’y ont pas droit. » Le 11 avril, le chef de cabinet du préfet demande au commissaire de police de la circonscription de Choisy-le-Roi d’ « avertir les pétitionnaires, en la personne de Mme Soupion » (probablement à l’origine de la lettre) que « le règlement intérieur du camp (interdit) les visites aux détenus. »

Le 22 novembre 1941, Raymond Saint-Lary est arrêté pour un motif restant à préciser, puis relaxé.

Le 28 avril 1942, il est arrêté à son domicile (à Cachan ?), comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par «  les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin, Raymond Saint-Lary est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

JPEG - 128.9 ko

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Raymond Saint-Lary est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46088 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit. Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans lesBlocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire au cours duquel Raymond Saint-Lary se dit mécanicien, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Raymond Saint-Lary est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Assigné au Block 22, il est pendant un temps affecté au garage avec deux autres Français : Clément Pellerin, de Suresnes, et Jacques Marteaux, de Boulogne (?).

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement les quelques 135 à 140 survivants des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Le 12 décembre, à la suite de la visite du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

À la fin de l’été 1944, il est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres sont transférés vers d’autres camps. En novembre, il facilite l’affectation de René Besse, alors contraint de quitter l’imprimerie du camp, au Kommando du garage.

En janvier 1945, il est parmi les vingt “45000” incorporés dans les colonnes de détenus évacuées vers le KL [2] Mauthausen. Il y reste quatre mois, affecté dans une usine souterraine. Devant l’avancée des troupes américaines, il est évacué vers Linz où il est – semble-t-il – libéré.

Raymond Saint-Lary est rapatrié en train le 18 mai 1945. Il pèse 38 kg (contre 61 kg à son départ).

Il quitte seul l’hôtel Lutétia pour rentrer par le métro chez ses parents qui n’ont pas été prévenus de son retour.

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L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945.
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

Il annonce les décès de Henri Soupion et Louis Villeminot, ex-conseillers de Fresnes, comme son père.

Celui-ci a été transféré le 5 mai 1942 depuis Aincourt au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), matricule 463, puis, le 18 novembre 1943, au camp de Pithiviers (Loiret). Il décède le 25 avril 1972 à Fresnes.

En août 1945, pour l’Amicale d’Auschwitz, Raymond Saint-Lary établit une attestation de décès au nom d’Adrien Raynal, de Choisy-le-Roi. Le neveu de celui-ci vient lui rendre visite pour en obtenir confirmation.

Le 15 février 1946, Raymond Saint-Lary signe le formulaire de la FNDIRP certifiant le décès à Auschwitz d’Édouard Til, de Vitry-sur-Seine.

Il se marie une première fois le 31 décembre 1947, à Créteil (94), puis une deuxième fois le 27 septembre 1997 à Maisse (91).

Raymond Saint-Lary décède le 22 février 2001, à Corbeil-Essonne. Il n’est jamais retourné à Auschwitz.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 359, 388 et 419.
- Françoise Wasserman, Juliette Spire et Henri Israël, 1939-1944, Fresnes dans la tourmente, ouvrage édité par l’Écomusée de Fresnes à la suite de l’exposition présentée du 18-10-1994 au 8-05-1995, pages 50, 120.
- Raymond Saint-Lary, témoignage vidéo pour Mémoire Vive (28-04-1999).
- Nelly Mathieu, petite-nièce d’Adrien Raynal, correspondance familiale (avril 2009).
- Archives communales de Fresnes (listes de déportés…), recherches conduites par Dominique Couderc (3-2007).
- René Besse : conférences du 27 janvier 2006 à Limoges (lycée Maryse Bastié et Médiathèque), entretien téléphonique et réponses à questionnaire (janvier 2007).
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA ? (…).
- Actes de naissance et de mariage, communiqués par l’Amicale du souvenir du camp de Voves (11-2007).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour : 02-06-2010)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Montrouge et Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

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Lucien SAINTIVE – (46087 ?)

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Lucien Saintive au camp de Rouillé, 1941-1942. (extrait de la photo ci-dessous) Droits réservés.

Lucien Saintive
au camp de Rouillé, 1941-1942.
(extrait de la photo ci-dessous)
Droits réservés.

Lucien Saintive naît le 18 novembre 1910 à Paris 5e, au 1, rue Lacépède, fils de Charles Saintive, 29 ans, employé des omnibus, et Céline Buignet, 33 ans, son épouse, domiciliés au 31, rue de la Harpe.

Le 26 novembre 1932, à Paris 13e, Lucien Saintive se marie avec Adrienne Mignot, née le 8 juin 1914 à Gentilly (Seine / Val-de-Marne). Ils auront un fils, Serge, né le 26 septembre 1933 à Paris 6e.

Au moment de son arrestation, Lucien Saintive est domicilié au 98 bis, rue Bobillot à Paris 13e, vers la place de Rungis (à la place de son lieu d’habitation se trouve un immeuble plus récent).

Il est ouvrier métallurgiste, perceur aléseur. Vers 1936, il est embauché à l’Omnium Industrielle Métallurgique, sise au 34 ou 53, rue Auguste-Lançon, à Paris 13e, à proximité de son domicile (l’entreprise a depuis été remplacée par un immeuble d’habitation). Pendant un temps, il semble qu’il travaille dans l’entreprise Chaise, rue Brillat-Savarin, également près de la place de Rungis (adresse à préciser).

Adhérent au Parti communiste, il milite dans son arrondissement.

Le 24 août 1939, une semaine avant l’invasion de la Pologne par l’armée du Reich nazi, Lucien Saintive est mobilisé. Le 25 octobre, il est renvoyé travailler comme « affecté spécial » dans son entreprise qui produit probablement pour l’industrie de guerre.

Le 31 août 1940, il est arrêté par des gardiens de la paix du commissariat de police du quartier Maison-Blanche pour distribution de L’Humanité clandestine dans la rue Auguste-Lançon. Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, il écroué au dépôt de la préfecture de police, puis à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Soit la peine d’emprisonnement prononcée par un tribunal est courte (deux mois…), soit l’inculpation est abandonnée. Il est libéré le 20 octobre suivant.

En effet, le 9 novembre 1940, à 5 heures 30 du matin, il est de nouveau appréhendé, à son domicile des agents du commissariat de Maison-Blanche. Le jour même, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939 organisant, en situation d’état de siège, « les mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la défense nationale ou pour la sécurité publique ». Lucien Saintive est aussitôt conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Il y est enregistré parmi 66 suspects d’activité communiste de la Seine.

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Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Il est assigné au dortoir des jeunes (DJ).

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Sanatorium de la Bucaille à Aincourt. Une salle de réfectoire. Peut-être celle du bâtiment où se trouvent les communistes internés et qui - vidé de ses tables - deviendra le dortoir des jeunes. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Sanatorium de la Bucaille à Aincourt. Une salle de réfectoire. Peut-être celle du bâtiment où se trouvent les communistes internés
et qui – vidé de ses tables – deviendra le dortoir des jeunes.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 6 mars 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Lucien Saintive, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, donne un avis défavorable en s’appuyant sur le simple constat que cet interné « suit les directives du parti communiste », et malgré qu’il lui reconnaisse une « attitude correcte ».

Le 18 mars 1941, Adrienne Saintive écrit à François de Brinon pour solliciter la libération de son mari. Mettant en avant la situation faite à son enfant âgé de sept ans, élevé par son père dans le respect et la droiture. Elle s’appuie sur des propos du maréchal Pétain qui a « indiqué à différentes reprises qu’il ne pouvait s’agir en aucun cas de vengeance politique et que la réconciliation des Français était nécessaire dans la France présente et future ». Le 25 mars, le préfet délégué du ministère de l’Intérieur écrit au préfet de police pour lui demander de lui faire connaître les raisons de la mesure prise à l’encontre de l’intéressé. Le 5 avril, le 1er bureau de la Sureté générale au cabinet du préfet de police émet une note indiquant que : « Militant communiste déjà arrêté pour distribution de tracts, il continuait à prendre une part importante dans le développement de la propagande clandestine. Pour ces raisons, la libération de Saintive ne semble pas opportune. » Le 21 avril, le chef du 1er bureau de la Sureté générale au cabinet du préfet de police écrit au commissaire de police du quartier de la Maison Blanche pour lui demander de faire savoir à Madame Saintive que « sa demande ne peut être favorablement accueillie dans les circonstances actuelles ». Probablement convoquée au commissariat, celle-ci reconnait en avoir pris connaissance le 6 mai.

Le 4 avril, puis le 31 mai, Adrienne Saintive écrit au préfet de Seine-et-Oise afin de solliciter une autorisation de visite pour elle et son fils.

Le 1er juin, Adrienne Saintive écrit au préfet de police pour solliciter une révision du dossier de son mari, affirmant que celui-ci « n’a jamais eu aucune activité politique ni fait partie d’organisation ; il ne voit pas le but de son arrestation et voudrait en connaître le sujet ». Le 20 juin, le 1er bureau de la Sureté générale émet une nouvelle note négative : « Sa libération ne paraît  pas devoir être envisagée dans les circonstances actuelles ».

Le 6 septembre 1941, Lucien Saintive fait partie des 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

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Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Sur le cliché ci-dessous, il est le troisième à l’arrière plan en partant de la droite.

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Groupe d’internés du camp de Rouillé. Parmi eux, plusieurs futurs “45000”. Droits réservés.

Groupe d’internés du camp de Rouillé. Parmi eux, plusieurs futurs “45000”. Droits réservés.

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 148 internés de Rouillé (pour la plupart déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Lucien Saintive est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Lucien Saintive est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46087, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule n’a pas été retrouvée).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

près les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

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Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Lucien Saintive est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943. Il est pris dans une sélection des « inaptes au travail ». Georges Dudal, rescapé du convoi, ayant fait partie du groupe resté à Birkenau, témoigne l’avoir vu partir pour la chambre à gaz [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1].

Chargement des morts et mourants pour les Krematoriums de Birkenau. Dessin de François Reisz, extrait de Témoignages sur Auschwitz, édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz au 4e trimestre 1946.

Chargement des morts et mourants pour les Krematoriums de Birkenau.
Dessin de François Reisz, extrait de Témoignages sur Auschwitz,
édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz au 4e trimestre 1946.

En juin 1948, Adrienne Saintive dépose auprès de la direction départementale des Anciens combattants et Victimes de guerre de la Seine une demande de pension de victime civile en raison du décès en déportation de son mari. En juillet 1953, elle dépose une demande d’attribution du titre de déporté résistant ou de déporté politique.

Lucien Saintive est homologué comme “Déporté politique”.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-04-1998).

M. Cottard, historien du 13e arrondissement avait recensée une plaque commémorative portant le nom de Saintive, apposée au 113, rue Nationale (à l’entrée de la place Nationale) et disparue lors de la rénovation du quartier (pourtant, ce n’était pas, semble-t-il, son secteur d’habitation ou de travail…).

Une autre plaque avait été apposée sur l’entreprise Chaise, rue Brillat-Savarin (adresse à préciser ; l’entreprise a peut-être été remplacée par un ensemble d’immeubles d’habitation).

En juin 1948, Adrienne Saintive dépose auprès de la direction départementale des Anciens combattants et Victimes de guerre de la Seine une demande de pension de victime civile en raison du décès en déportation de son mari. En juillet 1953, elle dépose une demande d’attribution du titre de déporté résistant ou de déporté politique.

Notes :

[é] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme « inaptes au travail » (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 372 et 419.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – M. Cottard, Revue d’Histoire du 14e, n°29 de février 1989, p.71 – Mairie du 14e – Témoignage de Georges Dudal.
- Louis Chaput, Auguste et Lucien Monjauvis (entre autres), Le 13e arrondissement de Paris, du Front Populaire à la Libération, les éditeurs français réunis, Paris 1977, page 225.
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : état civil du 5e arrondissement, registre des naissances, année 1910 (5N 238), acte n° 2631 (vue 20/31).
- Comité du 13e arrondissement de l’ANACR, La résistance dans le treizième arrondissement de Paris, imprimé par l’École Estienne en 1977, page 85.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1W0510-13411).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; révision trimestrielle (1w74-1w76),  dossier individuel (1w152).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 166.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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