Hilaire SEGUIN – 46099

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Hilaire, Eugène, Seguin naît le 14 août 1901 à Jaunay-Clan (Vienne), fils d’Auguste Seguin, 25 ans, employé de chemin de fer, et d’Aimée Plault, son épouse, 25 ans domiciliés à Saint-Benoît ; l’accouchement a lieu à la Payre, chez la mère de l’épouse.

Pendant un temps, Hilaire Seguin habite rue Couvrat-Desverges, quartier de La Fuye, à Tours (Indre-et-Loire – 37) et travaille comme tourneur.

Le 14 avril 1921, il rejoint le 505e régiment de chars de combat afin d’y commencer son service militaire. Le 15 août 1922, il passe au 512e R.C.C. Le 30 mai 1923, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un “certificat de bonne conduite”.

Le 10 juillet 1923, il entre à la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (P.O.) – qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] – comme ouvrier tourneur (sur métaux) aux ateliers de Tours.

Hilaire a un fils, Maurice, né le 25 février 1925 à Tours.

Le 20 mars 1926 à Tours, Hilaire Seguin, 24 ans, se marie avec Marie L., 15 ans, née le 30 avril 1910 à Tours, modiste, elle-même fille d’un employé du P.O.

Mais, le 8 février 1927, une ordonnance de non conciliation est prononcée. Un an plus tard, le 28 février 1928, leur mariage est dissous, à la requête et au profit de l’épouse, par jugement de divorce prononcé par le tribunal civil d’Indre-et-Loire. 

Plus tard, Hilaire Seguin habite au 6 bis rue Trousseau à Tours.

Le 9 février 1929 à Joué-lès-Tours (37), il épouse en secondes noces Marie, Anne, Thomasic, née le 24 mai 1899 à Saint-Thuriau (Morbihan). Ils ont une fille, Suzanne, née le 2 février 1931 à Joué.

Au moment de son arrestation, Hilaire Seguin est domicilié au 1 rue Parmentier à Joué-lès-Tours.

Il est alors ouvrier tourneur aux ateliers SNCF de Tours, où Gaston Letondu est chaudronnier.

Syndicaliste à la CGT, ses convictions communistes sont connues : en 1940, il est le principal responsable de la cellule clandestine des cheminots.

Sous l’occupation (décembre 1941), l’ingénieur-chef des ateliers exerce à son sujet « une surveillance particulière au cours de son service afin de déceler tous agissements tendant à une activité antinationale ». Hilaire Seguin est signalé comme semblant « avoir repris une action néfaste ».

Le 10 février 1942, à 6 heures du matin, il est arrêté en même temps que Gaston Letondu par des Feldgendarmes, pris comme otage en représailles de l’exécution d’une sentinelle allemande survenue dans la nuit du 5 au 6 février, rue du Sanitas. Pendant un temps, ils sont détenus au quartier Lassalle à Tours, ancienne caserne du 501e régiment de chars.

Les deux hommes sont rapidement transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Après son arrestation, son fils Maurice est placé au pair, à la campagne.

Entre fin avril et fin juin 1942, Hilaire Seguin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Il semble qu’Hilaire Seguin ait jeté sur la voie, près de Chalon-sur-Marne, un message transmis à sa famille et l’informant de sa déportation

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Hilaire Seguin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46099 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Hilaire Seguin est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Peu de temps avant sa mort, il est assigné au Block 16a.

Il meurt à Auschwitz le 6 novembre 1942, d’après des registres du Block 28 de l’hôpital du camp, et une copie du registre de la morgue relevée par la résistance polonaise (DMPA Caen, 26 P 850).

Le nom d’Hilaire Seguin est inscrit sur le monument aux morts de Joué-lès-Tours, ainsi que sur la stèle « À la mémoire des Jocondiens morts en déportation 1940-1945 » – « Résistants, politiques, juifs déportés au nom des lois de l’Allemagne nazie et de celles de de la France de Vichy », dévoilée le 9 mai 1911 dans le square de la Résistance, à l’angle de la rue des Martyrs et de l’avenue du Général de Gaulle, aux Moriers. Sur cette stèle sont également inscrits les noms de ses compagnons du convoi du 6 juillet 1942 : Roger Legendre et Gaston Letondu.

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

Sources : 
- Roger Arnould, article paru dans le journal de la FNDIRP, Le Patriote Résistant, n° 511, mai 1982.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 364 et 420.
- Archives départementales de la Vienne, archives en ligne : état civil de Jaunay, registre des naissances (5 MI 1191 1893-1902), année 1901, acte n°29 (vue 103/122).
- Base de données des archives historiques SNCF : région Sud-Ouest, agents arrêtés par les autorités allemandes (cote 0303LM0015-001, vue 361-428/449).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, page 1355.

- Site Mémorial GenWeb, 37-Joué-lès-Tours, relevé Thierry Montambaux (2002) et de Claude Richard (06-2011).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-10-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Adolphe SCHWARC – (46309 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Il naît le ? à ? (?).

Au moment de son arrestation, il est domicilié à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine – 92) ; son adresse reste à préciser. Sa profession reste à préciser.

À des dates et pour un motif restant à préciser, il est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 –Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Adolphe Schwarc est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46309 selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

On ignore la date de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943.

Sources :

Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 529 et 549.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-11-2007)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

Georges SCHOUMANN – 46117

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© Droits réservés.

© Droits réservés.

Georges, Julien, Camille, Schoumann naît le 29 août 1902 à Paris  11e, chez ses parents, Jean Schoumann, 32 ans, chaudronnier, et Hélène Augendre, 26 ans, couturière, son épouse, domiciliés au 12 rue de la Petite-Pierre.

En avril 1913, la famille emménage au 20 rue de Bagnolet à Paris 20e. Mais Hélène Augendre décède à son domicile le 10 juin suivant, âgée de 38 ans. Georges a 10 ans 1/2.

Au cours de son service militaire probablement, il se fait tatouer sur le bras gauche « Pas de chance », ainsi qu’un bracelet surmonté d’un demi soleil au poignet.

Du 9 août 1924 au 7 septembre 1934, il est monteur-chaudronnier chez Grimmeisen, 7 passage Piver (Paris 11e).

Au printemps 1925, il habite en hôtel au 5 rue Jules Verne.

Le 11 avril 1925, à Paris 11e, il se marie avec Georgette Racine, 21 ans, cartonnière. Ensemble, ils auraient eu un fils, Roger, né le 15 janvier 1924, et reconnu par Georges Schoumann le 9 avril 1925, deux jours avant leur mariage.

Au printemps 1926, ils sont domiciliés au 124 rue Saint-Maur (Paris 11e), au carrefour avec la rue d’Angoulême.

Le 18 septembre 1926, à l’hôpital Saint-Louis (40 rue Bichat, Paris 10e), Georgette accouche d’un enfant sans vie. Le 11 février 1928, elle décède à l’hôpital de la Pitié Salpétrière (47 boulevard de l’Hôpital, Paris 13e) ; la famille (?) étant alors domicilié 71 avenue d’Italie (“Maison Cognac-Jay, groupe Italie”, des “habitations à bon marché”).

Le 2 août 1929, à Paris 11e, Georges Schoumann reconnaît être le père de Jeanne Marthe, née deux jours plus tôt, le 31 juillet, fille de Georgette Boisgontier, 21 ans. Le 23 mars 1935, à Paris 11e, les deux parents se marient ; ils habitent alors au 85 rue d’Angoulême (renommée rue Jean-Pierre Timbaud après-guerre) à Paris 11e. Son père, Jean Schoumann, est témoin au mariage.

Du 25 juin au 31 août 1935, Georges Schoumann travaille chez Leroy-Pougin, au 33 rue Saint-Fargeau (20e).

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 8, rue des Montiboeufs à Paris 20e, vers la rue du capitaine Ferber, où son épouse est concierge.

Du 19 mai au 7 juillet 1936, il travaille pour la société Gaz et Chaleur, au 43 rue des Partants (20e).

Georges Schoumann adhère au Parti communiste en juin 1936, prenant part aux réunions organisées dans son quartier et soutenant la candidature du délégué communiste Fleury aux élections législatives. Il se manifeste « comme un des plus chauds partisans de l’accession de Thorez au pouvoir ». Il affiche « publiquement sa joie lors des occupations d’usines » et, à plusieurs occasions, il arbore à la fenêtre de sa (sic) loge les drapeau rouge et les insignes du Parti communiste. À tel point que « son activité pour le développement des théories syndicales et soviétiques » entraîne son renvoi de l’entreprise Gaz et Chaleur.

Il déclarera quitter l’organisation politique à la fin 1937, « n’étant plus d’accord avec la ligne… ». Cependant, certains voisins et ses deux derniers employeurs témoigneront qu’il manifeste sa sympathie en faveur du PCF jusqu’à l’été 1940.

Du 10 mars 1937 au 27 janvier 1939, il travaille pour la société Markt, au 86 rue Villiers-de-l’Isle-Adam (20e).

Le 4 juin 1939, il est embauché comme monteur chaudronnier aux Établissements Carimantrand, sis au 69, boulevard de la Liberté, aux Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis).  Au cours de la guerre, il y est mobilisé comme “affecté spécial”, jusqu’au 12 juin 1940.

Dans cette période, probablement, il est dénoncé à plusieurs reprises au commissariat de Saint-Fargeau par des habitants de son quartier comme propagandiste communiste et distributeur de tracts antimilitaristes, tels ceux – manuscrits – qui sont interceptés chez son employeur.

Suivant les dires de ses voisins, la police le soupçonne également d’être responsable de la distribution de tracts et de numéros clandestins de L’Humanité « glissés sous les portes et fenêtres des appartements de l’immeuble dont il a la surveillance (re-sic), ainsi que sous les portes cochères des autres maisons » du secteur.

En mars 1940, son domicile est perquisitionné par la police, sans résultat. Deux jours plus tard, il se rend spontanément au commissariat de son quartier, où le commissaire lui assure qu’il a été victime d’une dénonciation par lettre anonyme, « donc sans valeur ».

Le 1er juillet suivant, Georges Schoumann s’inscrit au fonds de chômage du 20e arrondissement. Il s’occupe alors à de menus travaux, « fait des corvées pour des gens de son quartier et effectue de temps à autre des encaissements ou des versements de fonds pour le compte de la Maison Cornet, 12 rue des Montibœufs ».

Le 18 décembre 1940, le général d’armée Charles Huntziger, signataire de l’armistice avec le Reich, commandant en chef des forces terrestres, ministre secrétaire d’État à la Guerre, écrit à la direction générale de la Sûreté nationale, sous couvert du ministre secrétaire d’État à l’Intérieur : « … mon attention a été attirée, de très bonne source, sur le commissaire de police de la rue du Surmelin à Paris qui tolère que le militant communiste Schumann, demeurent 8, rue des Montibœufs, Paris 20e, distribue des tracts communistes. (…) Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir faire procéder à l’internement de Schumann (…) et d’examiner l’opportunité de prononcer la révocation du commissaire de police de la rue du Surmelin » (Saint-Fargeau ?). Le 28 décembre, le ministre transmet ce courrier au préfet de police en le priant de faire procéder à une enquête approfondie au sujet des faits signalés et de prendre toutes les mesures qui lui paraîtront utiles.

Le 7 janvier 1941, les Renseignements généraux de la préfecture de police rendent compte : « Au cours de l’enquête (effectuée récemment), il n’a pas été possible de recueillir de témoignage affirmatif permettant d’établir que Schoumann se livre actuellement à la propagande moscoutaire. Mais les soupçons qui pèsent sur lui, ainsi que les suspicions dont il a été l’objet au début de 1940, laissent présumer qu’il n’a pas abandonné ses sentiments révolutionnaires, ni diminué son empressement à propager les théories communistes. »

Deux jours plus tard, le 9 janvier, à 7 heures du matin, Georges Schoumann est arrêté à son domicile. Le même jour, le 1er bureau du cabinet du préfet rédige une courte note : « (Schoumann] n’a pu jusqu’ici être pris en flagrant délit de propagande communiste. Étant donné la lettre communiquée, il vient d’être interné administrativement en application du décret du 18 novembre 1939 ». Après être passé par la « sureté générale » [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][sic] – plutôt les Renseignements Généraux – où il est « gardé pendant trois heures et demi, sans le moindre interrogatoire, même pas d’identité », Georges Schoumann est conduit au dépôt de la préfecture (la Conciergerie, sous le Palais de Justice, île de la Cité) où il reste neuf jours.

Le 17 janvier, il est parmi les 24 militants communistes conduits au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 21 janvier, le préfet de police Roger Langeron écrit à son supérieur hiérarchique, le ministre secrétaire d’État à l’Intérieur, pour se justifier. « Schoumann est connu au commissariat de son quartier comme un élément de base du Parti communiste d’avant-guerre, n’ayant occupé, ni dans l’ex-parti, ni dans les organisations communistes actuelles, aucun poste de dirigeant ou de responsable, même local. Communiste, il a fait à ce titre l’objet d’une surveillance spéciale de la part du commissariat qui a opéré une perquisition à son domicile. Cette perquisition ayant été infructueuse, la surveillance a été continuée pendant quelques temps en vue de préciser les fréquentations de Schoumann. Puis son arrestation a été décidée et effectuée. Aucun retard n’a été apporté à cette affaire.
L’arrestation n’aurait pu être réalisée plus tôt qu’au dépens d’autres arrestations plus importantes, car, ainsi que je l’ai signalé depuis plusieurs semaines, la préfecture de police ne dispose plus de place dans le camp de concentration d’Aincourt, où elle a déjà envoyé 436 militants, et qui se trouve rempli depuis les opérations d’ensemble effectuées en octobre et novembre, et qui ont naturellement porté sur les militants les plus dangereux.
J’ai même été obligé de faire des internements provisoires dans certaines prisons, ce qui a provoqué une lettre de protestation du directeur de l’Administration pénitentiaire au ministère de la Justice.
À ma demande, la Délégation générale du gouvernement français a donc fait les diligences nécessaires pour qu’un nouveau camp puisse être organisé dans un des départements de la zone occupée et mis à ma disposition. L’ouverture de ce centre complémentaire a soulevé, du fait de l’occupation, un certain nombre de difficultés qui viennent d’être résolues, et un nouveau contingent d’indésirables pourra être interné dès lundi.
Puisque l’occasion m’en est offerte, je tiens à signaler à nouveau l’intérêt pressant qu’il y a à ce que les possibilités d’internement les plus larges soient ménagées à mes services, qui pourraient ainsi étendre le champ d’application des mesures d’épuration qu’ils n’ont cessé de prendre depuis septembre 1939 et user plus largement encore, à l’égard des indésirables – même d’importance très moyenne comme Schoumann – des armes procurées par le décret du 18 novembre 1939.
Je rappelle à ce sujet que mes Services traquent sans arrêt les éléments communistes et dépistent chaque jour leurs activités clandestines. Depuis le début de la guerre, des milliers de militants ont fait l’objet d’enquêtes, de perquisitions et d’arrestations. Depuis le 1er juillet 1940, ces mesures, qui à aucun moment n’ont été relâchées, ont abouti dans le ressort de la Préfecture à près de 1400 arrestations.
La lutte se poursuit sans répit et mes rapports hebdomadaires vous tiennent au courant des résultats acquis. (…) »

À deux reprises, le 6 février, puis le 22 juin, Georges Schoumann écrit au préfet de police pour solliciter sa libération, proposant dans son deuxième courrier qu’une enquête soit menée à son sujet, « étant père d’une fillette de 13 ans ».

La formulation utilisée dans une courte notice (RG ?) datée d’octobre 1941 transforme les soupçons en certitudes : « Militant très actif de l’ex-Parti communiste, Schoumann continuait, depuis la dissolution des organisations communistes, à mener une intense propagande en faveur de la IIIe Internationale. » Ce document précise aussi les responsabilités : « À la demande du général d’armée Huntziger, commandant en chef des forces terrestres, ministre secrétaire d’État à la Guerre, en date du 18 décembre 1940, il a été interné administrativement par arrêté de M. Le Préfet de Police en date du 9 janvier 1941… »

Le 26 avril 1942, Georges Schoumann fait partie d’un groupe de détenus transférés au camp français (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il est enregistré sous le matricule n° 254.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai, il est parmi les 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Georges Schoumann est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Georges Schoumann est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46117 (sa photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Georges Schoumann.

On ignore la date exacte de son décès à Auschwitz, très probablement avant la mi-mars 1943.

Le 16 juillet 1942, Georgette Schoumann a reçu de l’administration militaire allemande la carte-formulaire adressée à de nombreuses familles : « (…) le détenu (…) a été transféré dans un autre camp pour travailler. Le lieu de destination ne nous est pas connu, de sorte que vous devez attendre des nouvelles ultérieures… » ; puis, plus aucune nouvelle. En octobre suivant, elle aurait reçu ses effets personnels…

Le 20 septembre 1945, Madame Schoumann écrit au Directeur des recherches des déportés politiques afin d’obtenir des renseignements sur son mari : « J’ai écrit deux fois à la Croix-Rouge, je n’ai jamais eu aucune réponse. J’ai attendu en vain avec le retour des prisonniers et déportés. Je garde par devers moi une carte qui me fut adressée par les autorités allemandes, seule pièce sanctionnant son départ de France […] Je vous signale que je n’ai jamais eu aucune nouvelle de mon mari depuis son départ en Allemagne. »

Le 19 octobre 1945, Madame Schoumann remplit un formulaire de demande de recherche pour déporté établi par la direction de la captivité au sein du ministère des prisonniers, déportés et réfugiés.

Le 25 février 1947, un acte de disparition est établi au nom de Georges Schoumann par le 2e bureau du ministère des Anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) : « déporté en juillet 1942, destination inconnue ».

Le 28 décembre 1946, Georgette Schoumann complète et signe un formulaire du ministère des anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) pour demander la régularisation de l’état civil d’un “non-rentré”.

Le 10 mars 1950, le directeur du contentieux, de l’état civil et des recherches du ministère répond à Georgette Schoumann : « … mes services, dans le but de vous renseigner exactement sur le sort de Monsieur Camille [sic] Schoumann […], ont adressé une demande de recherche au S.I.R. (Service international de recherches), organisme international chargé d’exploiter les archives des camps de concentration qui ont pu être recueillies et de poursuivre la recherche des disparus. Or, le S.I.R. vient de m’informer du résultat négatif de ses investigations, malgré l’ampleur des moyens dont il dispose. Bien que cette information n’apporte, hélas, aucun élément de nature à mettre fin à votre anxiété, j’ai cru devoir vous la communiquer car elle est la somme de tout ce qu’il a été possible d’entreprendre dans le domaine de la recherche. Cependant, ’ai demandé à cet organisme de maintenir Monsieur Schoumann sur la liste des personnes à rechercher et de me communiquer tout renseignement qui pourrait lui parvenir sur ce disparu. Dans une telle éventualité, mes services ne manqueraient pas de vous en aviser aussitôt. »

Le 10 décembre 1961, sa veuve remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté politique à titre posthume ; la carte n° 1175 16240, lui est attribuée le 8 avril 1963.

Le 1er juillet 1969, le tribunal de grande instance de Compiègne – « lieu du dernier domicile en France » – rend enfin un jugement déclaratif de décès, fixant la date de celui-ci au 31 juillet 1942 pour l’état civil.

Le 16 août 1972, le ministère des ACVG décide l’inscription de la mention “Mort pour la France” sur l’acte de décès.

Le 21 novembre 1998, Madame veuve Tillée Jeanne, 69 ans, domiciliée à Roissy-en-Brie (Seine-et-Marne), écrit à la direction interdépartementale des Anciens combattants de l’Île-de-France : « Je souhaitais obtenir des renseignements au sujet de mon père, Monsieur Georges Schoumann, déporté en Allemagne en 1942, auprès de la mairie de Compiègne, puisque c’est de là qu’il a quitté la France dans les derniers [sic] trains de déportés. Malheureusement, la mairie de Compiègne n’a pu m’obtenir le lieu de son décès en Allemagne et elle me demande de m’adresser à vous. Il faut vous dire que je suis une personne plus très jeune et ayant une maladie grave. Pour cela j’aurais voulu, avant de quitter ce monde, pouvoir me rendre en Allemagne pour prier sur sa tombe s’il en existe une. »

Le 15 juillet 2001, le ministère de la Défense, sous-direction des archives et des bibliothèques, bureau des mentions, décide l’inscription de la mention “Mort en déportation” sur l’acte de décès, toujours avec la date du 31 juillet 1942 « (sans autre renseignement) ».
Sources :
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 419 ; notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances de 1911 (V4E 9316), acte n° 3663 (vue 11/33).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel – orthographié « Schumann » – au cabinet du préfet (1 W 553-14573).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74, 1w76, 1w80, 1w153 (chemise vide…).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Georges Schoumann (21 p 537 132).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-03-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

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Joseph SCHNEIDER – 46258

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Vers 1936 (?), extrait de la photo ci-dessous.
© Collection Serge Schneider.

Joseph, Georges, Schneider naît le 23 avril 1898 à Villerupt (Meurthe-et-Moselle – 54), fils de Michel Schneider, 35 ans, journalier, et de Barbe Feldmann, 32 ans, son épouse, tous deux décédés au moment de son arrestation.

Il est engagé volontaire à la fin de la guerre 1914-1918.

Le 1er octobre 1922, à Rombas (Moselle – 57), Joseph Schneider épouse Marie-Jeanne Reyard, née le 10 janvier 1910 à Nilvange (57). Ils ont trois enfants : Gisèle, née le 7 février 1922 à Rombas (Moselle), Serge né le 25 juillet 1924 à Montais-la-Montagne (57) et Jean né le 18 février 1927 à Auboué (Meurthe-et-Moselle – 54). Pendant un temps, la famille a demeuré à Moineville (54).

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Gisèle, Marie-Jeanne, Joseph et Jean Schneider.
© Collection Serge Schneider.

Durant les années 1930, Joseph Schneider est chef d’équipe à l’usine métallurgique d’Auboué (Société anonyme des hauts fourneaux et fonderies de Pont-à-Mousson). Il est possible qu’il soit conducteur de locomotive dans l’enceinte de l’usine, car c’est la profession qu’il déclarera lors de son enregistrement à Auschwitz (Lokomotivführer).

Vers 1932, Marie-Jeanne Schneider est victime d’un accident qui lui provoque d’abord une paralysie de la jambe avant de s’étendre progressivement.

Syndiqué à la CGTU, Joseph Schneider devient responsable du syndicat CGT réunifié des métaux d’Auboué (54) début 1937.

Le 1er août 1938, son fils Serge entre en apprentissage dans l’usine comme mécano électricien (il avait de très bons résultats scolaires et aurait souhaité devenir médecin).

Le 15 novembre, avec Charles Jacquet et Julien Rebourg, père de Marceau Rebourg, Joseph Schneider est l’un des six délégués de la fédération des Métaux de Meurthe-et-Moselle au congrès de la CGT réuni à Nantes (Loire-Atlantique) à la suite des décrets-lois promulgués par le président du Conseil, Édouard Daladier. Celui-ci a obtenu les pleins pouvoirs et ces décrets-lois sont une attaque directe contre les acquis du Front populaire.

Après l’échec de la grève nationale du 30 novembre 1938, Joseph Schneider est licencié par la société Pont-à-Mousson avec tout les membres du conseil syndical.

En avril 1939, après plusieurs mois de « petits boulots », il devient « gérant de café » (« mécanicien-cafetier »), tenant le Café du Centre (ex-Café International), un café-dancing-restaurant au 1, place de la Poste à Auboué, près du pont sur l’Orne. La famille habite à l’étage, disposant de cinq pièces.

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Le « Café International » en 1924, lors d’une inondation.
(reproduction transmise par Serge Schneider).

En juillet 1939, le contrat d’apprentissage de Serge n’est pas renouvelé, ce qui l’empêche de poursuivre sa formation jusqu’au C.A.P. En mars 1940, il trouve de l’embauche dans une brasserie d’Homécourt, commune limitrophe.

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Serge Schneider en 1940. © coll. S. Schneider.

Après la dissolution et l’interdiction du PCF, des réunions du Parti devenu clandestin se tiennent dans l’établissement de Joseph Schneider.

Le 20 avril 1940, sa fille Gisèle se marie avec Charles Dô, mineur de fer, alors mobilisé.

Lors de la débâcle, en juin 1940, puis de l’annexion de l’Alsace et la Lorraine, les Schneider restent à Auboué, dans la zone rouge, à quelques kilomètres de la nouvelle frontière. Fait prisonnier de guerre, Charles Dô est conduit dans un Stalag en Allemagne.

De l’autre côté de la frontière, les premiers prisonniers de guerre évadés passent par le Café du Centre, où il reçoivent nourriture et habits. Mais les modestes moyens de la famille Schneider n’y suffisent pas. Aussi, lorsque les habitants d’Auboué rentrent de l’Exode, Joseph Schneider contacte un boulanger, Monsieur Adam, qui accepte de les aider en fournissant pain et vêtements.

En avril ou mai 1941, son fils Serge est recruté par Roger Henry, monteur en charpente métallique, en charge d’organiser des groupes de jeunes dans le secteur pour des actions clandestines consistant d’abord à distribuer des tracts.

En juin 1941, Marie-Jeanne Schneider succombe à la maladie, séquelle probable de son accident à la jambe.

Dans la nuit du 13 au 14 juillet 1941, le groupe de Serge organise sa première action contre l’occupant en lançant sur les lignes électriques de petits drapeaux tricolores confectionnés par d’autres personnes. Ensuite sont constitués des groupes de trois, dont toutes les réunions se tiennent dans le café. Serge est désigné comme chef de groupe.

Un soir après le couvre-feu, son équipe qui glisse des tracts sous les portes est surprise par une patrouille de gendarmes français qui commence à les poursuivre. Les trois garçons leur échappent en dévalant un ravin descendant vers la rivière. Les gendarmes tirent plusieurs coups de feu dans leur direction sans les atteindre.

Une fois, avec Jean Pacci, leur responsable de secteur, Serge va à Jarny (à 12 km) à bicyclette, pour y chercher des armes. À leur retour devant le café, alors que des gendarmes leur demandent ce qu’il ont dans leurs paniers, Pacci répond « Du beurre » et les gendarmes les laissent passer, pensant certainement a une blague (à moins qu’ils aient été de connivence ?).

Selon les frères Magrinelli, c’est dans l’établissement de Joseph Schneider que le groupe des “voltigeurs” du Haut-Pays se réunit en décembre 1941 et en janvier 1942 pour mettre au point un sabotage qui visera finalement le transformateur électrique de l’usine d’Auboué, lequel alimente également 17 mines de ferdu Pays de Briey. Effectuée avec un relatif succès dans la nuit du 4 au 5 février 1942, cette opération touchant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande déclenche plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles dans le département, qui finiront par désigner des dizaines de futurs “45000”.

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Avis allemand promulgué par le chef de la région militaire
“C” (nord-est ; basée à Dijon) le 24 février 1942.
(doc. extrait du livre des frères Magrinelli ; voir Sources)

Après que la brasserie où il travaillait ait dû fermer, Serge Schneider a fini par trouver du travail dans l’usine voisine d’Homécourt et vient précisément d’achever sa première journée de travail ce 5 février. À 17 heures, en rentrant au café paternel, il retrouve René Favro et Maurice Froment qui lui apprennent le sabotage du transformateur de l’usine d’Auboué. À peine ont-ils discuté quelques minutes que la maison est cernée par la gendarmerie française et des inspecteurs de police. Ceux-ci envahissent le café : personne ne doit bouger (Serge et ses deux camarades restent attablés). S’ensuit une perquisition dans toutes les pièces. Dans la chambre de Serge est trouvé un paquet de tracts qu’un camarade aurait dû venir chercher deux jours auparavant. Les trois garçons sont conduits à la prison de la gendarmerie d’Auboué, puis transférés le lendemain à la Maison d’arrêt de Briey.

Compte-rendu de l’administration française : « Une perquisition effectuée chez le jeune Schneider Serge a amené la découverte d’un paquet de tracts. Les policiers ayant estimé qu’une perquisition chez le père de ce jeune homme, propriétaire d’un débit, pouvait être fructueuse, s’y rendirent et y trouvèrent quatre sympathisants communistes dont les noms correspondaient aux initiales trouvées sur une liste de distribution dressée par le jeune Schneider. Le sous-préfet ajoute que les perquisitions et les recherches continuent. » Le directeur du cabinet du préfet de Meurthe-et-Moselle propose à son supérieur « de donner aux Allemands la liste des six communistes » arrêtés dans cette affaire : Serge et Joseph Schneider, René Favro, Maurice Froment et deux femmes, Emma P. et Elide C.

Le 7 février au matin, Joseph Schneider est arrêté puis inculpé de « menées communistes » par la 15e brigade régionale la police judiciaire venue de Nancy. Mais l’affaire échappe à la police française. Le jour même, un car attend 19 détenus à la porte de la prison de Briey. Une douzaine de Feldgendarmes les encadrent pour les conduire à la Maison d’arrêt Charles III, à Nancy. Joseph Schneider est mis directement au secret, le reste du groupe étant séparé pour occuper deux cellules.

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Nancy. La prison Charles III. Carte postale écrite en août 1915.
Collection Mémoire Vive.

Une semaine après, Serge Schneider est conduit à la Kommandantur de Nancy pour y subir un interrogatoire musclé : les militaires allemands veulent savoir à qui était destiné le paquet de tracts trouvé dans sa chambre. Serge ne lâche aucune information. Il est ramené dans leur cellule collective avec le visage en sang. Maurice Favro, qui l’a pris sous son aile, le soigne à plusieurs reprises.

Le 3 mars 1942, les 19 détenus sont conduits à la gare de Nancy sous les crachats d’une foule faisant la haie et les traitant de terroristes. Serge retrouve son père. Leur escorte allemande leur dit que si les saboteurs du transformateur ne sont pas trouvés, ils seront fusillés.

Ils arrivent à la gare de Compiègne (Oise) dans la soirée et sont conduits au camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Trois jours plus tard, à l’appel du soir, ils assistent au départ de trois otages devant être fusillés – Corentin Cariou, Jean Baptiste Réchaussière et Pierre Rigaud – et participent à La Marseillaise collective lancée par l’organisation clandestine des détenus.

Dès leur arrivée, ils ont été pris en charge par celle-ci, plus particulièrement Serge qui – n’ayant pas 18 ans – reçoit de la solidarité une soupe et une ration de pain supplémentaires qu’il partage avec son père et ses camarades.

Dans le courant d’avril, Serge est appelé au bureau du chef de camp. Un peu étonné, il s’y rend accompagné de son père, qui doit rester devant la porte. À l’intérieur, un officier allemand l’interroge de nouveau sur le paquet de tracts trouvé dans sa chambre et il répond encore qu’il ne connaissait pas la personne devant venir le chercher. À la fin de l’interrogatoire, l’officier lui demande pourquoi il se prénomme Serge : « Serge, c’est un nom russe ! » À peine le garçon a-t-il répondu qu’il l’ignore que l’Allemand lui assène un violent coup de poing sur le nez, assez fort pour le faire saigner. Joseph Schneider, qui a tout vu à travers la vitre, veut intervenir, mais le soldat placé devant la porte l’en empêche en pointant sa baïonnette.

La vie au camp reprend, puis, le 5 mai, à l’appel du soir, Serge Schneider est invité à prendre ses affaires pour partir vers une destination inconnue. Le “doyen” des détenus, Georges Cogniot le rejoint alors dans sa chambrée. Pendant qu’il prépare sa valise, il lui demande pourquoi il a été arrêté, quelle était l’activité de son père. Après les explications de Serge, il lui souhaite beaucoup de courage et lui donne un paquet de cigarettes, que le jeune homme remet ensuite à son père, lequel est particulièrement inquiet du sort réservé à son fils. À la fin de l’appel, deux soldats allemands viennent chercher Serge pour le conduiredans une baraque proche de la sortie du camp. Seul dans la pièce, Serge découvre, gravé sur les parois de celle-ci, des noms et des inscriptions comme « mort à Hitler », « Pétain collabo » et « Nous allons mourir demain pour la liberté ». Il ne peut trouver le sommeil de toute la nuit, appréhendant d’être le prochain fusillé.

Le lendemain matin, avant que le jour se lève, un Feldgendarme vient le chercher, lui met les menottes et ils passent dans un bureau de l’administration d camp : Serge est rayé des effectifs. Puis ils partent à pied jusqu’à la gare de Compiègne pour y prendre le train. Arrivé à Amiens, Serge est conduit devant un tribunal militaire composé d’officiers allemands. Le jugement dure un quart d’heure et Serge se voit annoncer une condamnation à trois mois de prison. Par l’intermédiaire d’un interprète, le président demande alors à Serge s’il a quelque chose à ajouter. Celui-ci ayant répondu que c’était beaucoup, l’officier réduit la condamnation à six semaines, tout en riant et en disant que c’était « Ganz egal » (ça ne change pas grand-chose…). Le soir même de ce 6 mai, Serge est ramené au camp de Royallieu. Mais le soldat qui l’escorte ne le fait pas passer par les bureaux administratifs : il n’est donc pas réintégré dans l’effectif…

Entre fin avril et fin juin 1942, Joseph Schneider est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Rayé des listes, son fils Serge échappe au transport qui se prépare.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Joseph Schneider est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46258 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Joseph Schneider est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

À une date inconnue, il est admis au Revier de Birkenau (Block n° 8 – en brique – du secteur BIb). Le 24 novembre, alors qu’il se trouve dans la chambrée (Stube) n° 3 en même temps que Fressineau, il reçoit six gouttes d’anisine, un bactéricide. Le lendemain, on donne à chacun d’eux 15 grains de « Bol blanc » (bolus alba – du kaolin), une terre argileuse qui adoucit les acidités d’estomac. Même traitement le 27 et, enfin, deux tablettes de charbon (Kohle) le 28 ; le tout semblant indiquer qu’on le soigne pour dysenterie. Dans ce dispensaire, le SS-Rottenführer Franz Schulz exécute des détenus avec une injection mortelle dans le cœur…

Joseph Schneider meurt le 29 novembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, qui indique pour cause de sa mort une « pneumonie » (« Lungenentzündung »).

Serge

Resté au camp de Royallieu, Serge Schneider a été pris en charge par les détenus de Meurthe-et-Moselle n’ayant pas été déportés le 6 juillet et qui le font venir dans leur bâtiment, le n° A4.

Après qu’une tante habitant près de Dijon soit venue déposer un paquet au camp à son nom, Serge apprend qu’il ne plus partie des effectifs par des camarades travaillant « aux colis ». Il se fait alors reconnaître en effectuant une démarche auprès du nouveau chef de camp, signant une déclaration sur l’honneur selon laquelle il y est bien interné.

Début décembre 1942, officiellement réintégré au camp, il est conduit à la Maison d’arrêt de Compiègne pour y purger sa peine de six semaines d’emprisonnement.

Le 24 janvier 1943, quelques jours après son retour au Frontstalag, Serge est déporté dans le convoi dirigé vers le KL Sachsenhausen, où il est enregistré sous le matricule n° 59374.

Après discussion parmi les nouveaux arrivants, un groupe décide de ne pas travailler en usine. Ils se déclarent travailleurs du bâtiment. À l’issue de la période de quarantaine (aux Blocks 37 et 38), ils sont affectés dans des Kommandos devant creuser des tranchées. Au cours des deux mois suivants, plusieurs d’entre eux meurent sous les coups.

Puis, les autorités du camp affectent tous les anciens ouvriers d’usine déportés depuis la France auKommando de l’usine d’aviation Heinkel, hall n° 3. Serge travaille à la colonne 5, un atelier de soudure (poste n° 54). Un de ses amis, Raymond Fétiveau, qui a travaillé à Bordeaux dans une usine d’aviation et connaît le métier, lui en apprend la technique. Toute la journée, en semaines alternées jour/nuit, Serge Schneider fixe quatre œillets sur des tubes entrant dans la fabrication des ailes d’avion. En septembre 1943, il est convoqué par le commandant SS qui l’accuse de sabotage. Bien qu’il ait expliqué sa maladresse du fait qu’il n’était pas soudeur de profession, la sanction tombe : deux semaines de Kommandodisciplinaire au cours desquelles, chaque soir après l’appel, il lui faut en plus marcher jusqu’à épuisement avec 15 kilos sur le dos. À cet effet, les SS ont fait aménager un parcours spécial autour de la place d’appel : 10 mètres de cailloux, 10 mètres de boue, 10 mètres de sable et ainsi de suite. Chaque jour, on lui donne une paire de chaussures différente destinée aux soldats allemands partant pour le front : il s’agit d’assouplir ces chaussures neuves, d’en “casser le cuir”, afin que les soldats n’aient pas les pieds blessés. Seule la solidarité de ses camarades permet à Serge de tenir le coup : régulièrement, il reçoit une ration de soupe ou un morceau de pain supplémentaire. Puis, il est de nouveau affecté à l’usine.

Fin janvier 1945, Charles Désirat, responsable du groupe français de la Résistance dans le camp, lui apprend la disparition de son père à Auschwitz, information probablement transmise par un des trente “45000” rescapés [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] transférés depuis d’Auschwitz le 29 août 1944 ?).

En janvier 1945, Serge Schneider est transféré au hall n° 8, affecté à la fabrication de cylindres pour « gazogènes » permettant de faire rouler des camions au charbon de bois. Le 17 janvier, cherchant un calibre au milieu des empilements de tôles, un de ceux-ci-ci tombe sur sa jambe droite. Il est emmené à l’infirmerie du Kommando, puis à l’hôpital du KL. Plusieurs jours après, le médecin détenu français qui le soigne, le Docteur Coudert, lui annonce qu’il a la rotule fracturée et que le traitement sera long. Serge se voit d’abord poser un plâtre sur toute la jambe, puis un second qui lui tient uniquement le genou. Le docteur essaye de faire durer sa convalescence le plus longtemps possible afin de lui permettre de se retaper, car le jeune homme ne pèse plus que 35 kilos.

Le 12 ou le 13 avril, Serge doit retourner travailler et il est intégré dans le Kommando de l’entreprise Klinker [2]. L’usine est bombardée par l’aviation anglaise (RAF) dès son arrivée : plus de mille détenus succombent.

Le camp est évacué le 21 avril 1945 : les SS encadrent les colonnes de détenus dans une marche forcée. Charles Désirat et un autre camarade soutiennent chacun par un bras le jeune garçon, qui boite fortement, lui permettant de tenir jusqu’au soir. Au cours de la nuit, une partie (?) de la colonne dort sur une place sous la pluie. Le lendemain, Serge est dans un groupe de cinq détenus dans l’incapacité de marcher. Les gardiens SS les font entrer dans une grange voisine. Ils y attendent dans l’inquiétude, sachant que la veille plusieurs camarades ne pouvant plus suivre avaient été assassinés d’une balle dans la tête. Après le départ de la colonne, un soldat allemand entre dans la grange. C’est Hans, un ancien détenu du camp qui a travaillé avec Serge à la colonne 5. Les deux anciens compagnons se serrent la main et le soldat annonce tout de suite : « Vous cinq pas fusillés ; prison ». Ils sont conduits à la Maison d’arrêt de Neuruppin, où le directeur leur déclare qu’ils seront bien nourris. Effectivement, ils auront suffisamment à manger dans les jours suivants.

Le 30 avril à midi, le directeur les libère en leur disant que la guerre est finie et leur indique plusieurs directions pour rejoindre les alliés. Lorsqu’ils arrivent au village suivant, la nuit est tombée, Ils se posent dans le premier coin abrité pour y dormir. Quand ils se réveillent le lendemain, ils sont étourdis, saouls d’alcool : ils viennent de dormir dans une distillerie. Des soldats soviétiques occupent effectivement le petit village. C’est le 1er mai 1945. Les Russes leur font comprendre qu’ils ne peuvent pas s’occuper d’eux et ils restent quelques jours dans un camp de prisonniers. Après le 8 mai, ils sont évacués en zone britannique. Il leur faut alors chercher de la nourriture dans les maisons détruites de Magdeburg. Pour leur rapatriement en France, ils refusent catégoriquement de monter dans des wagons à bestiaux, obtenant finalement de voyager dans des voitures de troisième classe. Ils passent par la Hollande et la Belgique, sont démobilisés à Hirson, puis Paris où Serge dort chez son camarade Pierre Gouffaut. Le lendemain, il prend le train à la Gare de l’Est, décidant de voyager en première classe. Mais il fait le voyage dans le couloir : bien qu’il porte encore sa tenue rayée de concentrationnaire et qu’il ne pèse guère plus de 40 kg, aucun passager ne songe à lui céder sa place. Arrivé à Briey, il achève son périple en marchant six kilomètres jusqu’à Auboué malgré son boitillement.

Après son retour, Serge Schneider passe dix-huit mois en sanatorium, pour une tuberculose contractée au camp. Il ne peut reprendre une vie professionnelle qu’en 1952.

Gisèle

Gisèle Schneider, épouse Dô, également engagée dans la Résistance, est déportée au KL Ravensbrück dans un convoi de 143 femmes qui part de Paris le 29 août 1943 et arrive à destination le 2 septembre (matricule n° 22360). Ces détenues sont ensuite transférées – surtout en octobre 1943 – au Kommando de Neubrandenbourg, situé dans le Mecklembourg, à une soixantaine de kilomètres de la Baltique, pour travailler dans une usine d’aviation. Le Kommando est abandonné à la fin du mois d’avril 1945 et Gisèle survit à cette évacuation.

Jean

Pendant cette période, Jean, le plus jeune des enfants Schneider, est pris en charge par Monsieur et Madame Dô, les parents de son beau-frère.

…Joseph

Joseph Schneider est déclaré Mort pour la France.

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Collection Denis Martin – ARMREL.

Serge Schneider, son fils, décède à son domicile, entouré de ses proches, le 10 novembre 2013, des suites d’une mauvaise chute et des séquelles de sa tuberculose contractée au camp de Sachsenhausen.

Notes :

[1] Les trente d’Auschwitz vers Sachso (ordre des matricules, noms de G à P) : Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Legal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).

[2] Klinker : ce Kommando est créé le 28 avril 1941 juste à côté du KL Sachsenhausen pour y installer une briqueterie. Mais celle-ci n’occupe que le quart de l’immense rectangle de 850 mètres sur 500 tracé à l’origine. Par ailleurs, dès 1942, une moitié de l’usine est affectée à la fabrication des grenades dePanzerfaust. Le 10 avril 1945, un bombardement allié détruit entièrement l’usine et le Kommando. Source :Livre-Mémorial de la FMD.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 367 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117, liste page 529.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy, cotes W1277/60 et WM 312 (recherches de Daniel Dusselier).
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, pages 101, 122, 242, 246, 345.
- Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, site internet, archives en ligne, registre des naissance de Villerupt, année 1898, cote 2 Mi-EC 579/R2, acte n° 96, vue 672/916.
- Serge Schneider (messages 09 et 10-2013) ; témoignages sur le site du collège Berty Albrecht de Sainte-Maxime (Var) et sur le site Civis memoria« Vous l’avez vécu : racontez-le ». Message de Guillaume Nicolas, petit-fils de Serge par sa fille Michelle (11-2013).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1086.
- Acte de décès à Auschwitz (42136/1942) et registre de délivrance de médicaments de l’infirmerie de Birkenau, Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (Archiwum Państwowego Muzeum Auschwitz-Birkenau – APMAB), Oświęcim, Pologne ; Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach).
- Irena Strzelecka, Les hôpitaux dans le camp de concentration d’Auschwitz, in Auschwitz 1940-1945, tome 2, Les détenus – La vie et le travail, chap. 9, p. 364-365, éditions du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, 2011.
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004 : concernant Serge Schneider, son fils, I.74, tome 1, pages 202, 577 et 579, 645 ; concernant Gisèle Dô, sa fille, I.126, tome 2, pages 1033 et 1035.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-01-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Georges SCHIRINSKY-SCHIKHMATOFF – 46116

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Georges Alexeïvitch Schirinsky-Schikhmatoff, naît le 30 août (correspondant au 12 septembre, « ancien style ») 1890 à Saint-Petersbourg (Russie), fils du prince Aleksej (Alexis) Alexandrovitch Schirinsky-Schikmatoff, 27 ans, qui sera ministre du tsar Nicolas II, et de Leokadia Petrovna Mezenkova, son épouse. Descendant de Gengis Khan, la famille appartient à la très ancienne noblesse russe, catholique orthodoxe. Youri a deux frères, les princes Kyril (Cyrille) et Alexandre.

À une date restant à préciser, Youri Schirinsky-Schikhmatoff se marie avec Olga Vlovna de Witt. Ils n’auront pas d’enfant.

Il est officier de cavalerie au sein des Chevaliers-gardes, unité de la Garde Impériale russe, escorte du tsar formée uniquement de nobles.

En 1914, il est mobilisé avec son frère au sein de l’armée russe.

Selon les Renseignements généraux, Georges (Youri) Schirinsky-Schikhmatoff rejoint le front français au cours de la Première guerre mondiale comme pilote aviateur (commandant ?) et reçoit la Légion d’honneur. Jusqu’en 1939, il est membre de l’Union générale des associations des Anciens combattants de France.

Il est considéré comme entré régulièrement en France en 1920. Ayant fuit la révolution bolchévique, sa famille proche – parents et frères -, passée par Prague, s’installe à Sèvres. Ils conservent leur nationalité, mais leurs prénoms sont francisés.

Pendant un temps, Georges Schirinsky-Schikhmatoff habite au 29, rue Barbès, à Issy-les-Moulineaux.

Pendant un temps et jusqu’à la guerre – comme de nombreux « Russes blancs » -, Georges il est chauffeur de taxi, employé de la Compagnie française des automobiles, dont le siège est au 2, place Collange, à Levallois, et/ou à la Compagnie française des voitures de place, rue Frémicourt.

Les Renseignements généraux le connaissent comme membre du Groupe National-maximaliste en France et de l’Union des jeunes Russes (dissoute par son président en mai 1940) dans laquelle il ne joue aucun rôle important. Désigné également comme journaliste, collaborant à la revue Affirmation, organe philosophique et littéraire de la jeunesse russe post-révolutionnaire, il est membre de l’Association syndicale de la presse étrangère à Paris.

Le 4 avril 1931, à Meudon, veuf de son premier mariage, Georges Schirinsky-Schikhmatoff se marie avec Eugenia (ou Eugénie) Silberberg, née le 26 février 1885 à Elisabethgrad (Russie), elle-même veuve de Boris Viktorovitch Savinkov, « suicidé » dans la prison de la Loubïanka, à Moscou, le 17 mars 1925, et déjà mère d’un fils, Léon, né le 15 août 1912 à Niss (Russie). Elle a 46 ans : ils n’auront pas d’enfant. Elle travaille comme garde-malade et infirmière.

Selon la mémoire familiale, et aux dires des Allemands, Georges Schirinsky-Schikhmatoff a des idées « socialistes pro-communistes ».

Selon son employeur, il adhère au Parti communiste et serait même dirigeant d’une cellule, « sa femme [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][étant] elle-même une militante acharnée ».

À l’automne 1939, Georges Schirinsky-Schikhmatoff habite au 22, rue Bois-le-Vent, à Paris 16e.

Le 20 novembre 1939, le commissaire de police de la circonscription de Levallois-Perret écrit au directeur des Renseignements généraux pour lui signaler le nommé Schirinsky, réfugié russe (« dangereux »), « comme pouvant tomber sous le coup du décret du 18 novembre 1939 ». En effet, le directeur de la société de taxis, « dont les services de renseignement sont très bien organisés », vient de lui signaler que Georges Schirinsky-Schikhmatoff « n’aurait rien abandonné de ses anciennes sympathies pour la IIIe Internationale ».

À partir du 11 novembre 1940 et jusqu’au moment de son arrestation, le couple est domicilié au 17, rue Marbeau, à Paris 16e [1], ayant la garde d’un appartement appartenant à Georges Batault (1887-1963), citoyen suisse, ancien collaborateur du quotidien Le Temps et correspondant du Nouveau Temps, « connu pour ses opinions antisémites », dont l’épouse est russe, réfugié depuis juin 1940 dans les Alpes-Maritimes. Georges Schirinsky-Schikhmatoff est alors employé comme charretier à bras par la Maison Lebreton, sise au 50, rue des Petites-Écuries, à Paris 10e.

Dans une note manuscrite du 14 août 1941, les RG indiquent qu’Eugenia Schirinsky est en traitement  pour un cancer à l’hôpital de la Salpêtrière, ayant été déjà opérée trois fois et n’étant plus opérable. Elle décède probablement peu après, lui-même étant désigné comme « veuf » en décembre 1942.

Pressentant ou informé qu’il va être arrêté, Georges Schirinsky-Schikhmatoff en informe sa belle-sœur – qui ne sait rien de son activité politique. Lors d’une rencontre organisée peu de jours avant son arrestation, il lui signifie ce qu’elle devra dire aux autres membres de la famille.

Le 18 mars ou en avril 1942, il est arrêté par les autorités allemandes et écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Un document mentionne la rue des Saussaie, siège de la Police de Sûreté Allemande, dont la section IV (Gestapo) : y aurait-il été convoqué ?

À une date restant à préciser, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Georges Schirinsky-Schikmatoff est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46116 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Georges Schirinsky-Schikmatoff se déclare alors comme « Handelsvertreter », représentant de commerce. Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Georges Schirinsky-Schikmatoff est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I, selon Daniel Nagliouck, rescapé.

Il meurt le 17 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch), après avoir été admis à l’infirmerie de Birkenau selon un témoin. Ce jour-là, vingt-six autres “45000” sont portés décédés ; probablement à la suite d’une séance de désinfection (coups, manque de sommeil…). Selon un témoignage apporté à sa famille, il aurait effectivement été battu à mort. L’acte de décès mentionne « Sepitsche Angina » : une angine infectieuse ?Le 24 juin 1944, Cyrille Schirinsky-Schikmatoff engage une démarche afin de savoir ce qu’est devenu son frère. Il peut préciser que celui-ci a probablement été déporté « vers Auschwitz ou Birkenau ».

Le 26 septembre 1946, le nom et le matricule de Georges Schirinsky-Schikmatoff figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre.

Le 17 juin 1947, le Central tracing bureau de l’US Army transmet au Bureau national des recherches le résultat de son enquête sur une personne disparue en confirmant la date portée sur l’acte de décès à Auschwitz et le matricule (fiche de recherche datée du 12 juin).

Dès le 7 août 1947, le bureau d’état civil du Ministère des anciens combattants peut établir un acte de décès avec la date exacte.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 24-09-1998).

Note :

[1] L’adresse du 7, avenue Léon-Heuzey – portée sur certains documents – semble être celle de son frère Cyrille.

Sources :
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel des Renseignements généraux (77w114), n° 96.924.
- Message d’Irina Schirinsky-Schikhmatoff, sa nièce (27-4-2006).
- Message de Vannina Schirinsky-Schikhmatoff, sa petite-nièce (12-2012).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1079 (21444/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; message et pièces jointes 07-2010.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Georges Schirinsky-Schikmatoff (21 P 536 424), recherches de Ginette Petiot (message 01-2012).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, 30-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

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Maurice SCHARF – 46308

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Moritz (Maurice) Scharf naît le 13 août 1909 à Cernuty (Roumanie), fils de Kalman Scharf et de Tile Rostholder, son épouse.

Il arrive en France en 1929.

Après des études à l’Institut de Chimie de Normandie, il devient ingénieur en génie civil.

Le 11 mars 1937, il est naturalisé français par décret. Le 10 avril suivant, à Caen, Maurice (Moritz) Scharf épouse Denise Rosa Jeanne Hermerel, née le 25 mai 1914 à Paris 17e, employée des Postes, une française catholique domiciliée avec sa mère – veuve d’un ingénieur mortellement blessé au combat en septembre 1914 -, au 67, rue de Geôle à Caen, et chez lesquelles il semble s’être installé. Les témoins sont une employée des Postes et Mandel Kronenfeld, alors commerçant, 7 rue de Vaucelles, au mariage duquel Maurice Scharf sera témoin à son tour un an plus tard.

Au moment de son arrestation, Maurice Scharf est domicilié au 41, impasse Écuyère à Caen (Calvados).

Le 27 février 1942, son nom figure sur une liste de 34 Juifs domiciliés dans la région du Calvados et de la Manche transmise par le SS-Hauptsturmführer Müller au SS-Obersturmführer Dannecker, à Paris. La note accompagnant cette liste précise qu’il est prévu d’arrêter 100 hommes juifs âgés entre 18 et 65 ans aux alentours de Caen afin de les interner, sans que la la date d’arrestation ni le camp d’internement ne soient mentionnés.

Dans la nuit du 1er au 2 mai 1942, Maurice Scharf est arrêté par la police française : il figure comme Juif sur une liste d’arrestations demandées par la Feldkommandantur 723 de Caen à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1].

Au soir du 3 mai, il est détenu à la Maison centrale de la Maladrerie à Caen.

Caen, la maison centrale de la Maladrerie dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Caen, la maison centrale de la Maladrerie dans les années 1900.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, remis aux autorités d’occupation, il est emmené au “petit lycée” où sont rassemblés les otages du Calvados. Le soir même, il fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandises de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le 5 mai, en soirée.

Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Scharf est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Maurice Scharf est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46308 ; les cinquante otages déportés comme Juifs ont reçu les matricules de 46267 à 46316 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le n° 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Maurice Scharf se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Maurice Scharf.

Il meurt à Auschwitz le 31 juillet 1942, selon plusieurs registres du camp ; trois semaines après l’arrivée de son convoi [2].

Le 4 novembre 1942, Madame Scharf dépose, avec Madame Doktor, une demande d’envoi de colis, que la Direction régionale des questions juives de Rouen transmet aux autorités allemande. Celles-ci répondent ignorer où se trouve son mari et lui demandent de s’adresser « à M. le directeur du camp de Compiègne. » Elle n’en saura pas plus.

Le 14 mai 1949, à Caen, sa veuve se remarie avec Raymond Albert Leluan. Elle décèdera à Vire (14) le 10 juillet 2009.

Le 26 août 1987, à Caen, suite aux démarches de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

Le nom de Maurice Scharf est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au fort du Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[2] La surmortalité des détenus juifs ayant intégré le complexe d’Auschwitz-Birkenau : Quarante jours après l’arrivée des “45000” – soit le 18 août 1942 au matin – sur les cinquante déportés juifs enregistrés comme tels dans le camp, 34 ont perdu la vie, soit 68 % de leur groupe. À la même date, les 142 déportés décédés appartenant aux autres catégories d’otages du convoi représentent 13 % de leur effectif. Cette disproportion statistique rend compte de la persécution antisémite interne au camp, notamment sous forme de violences ciblées perpétrées par des cadres détenus polonais ou allemands (kapos, sur les chantiers, chefs de Block).

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, page 54 ; notice par Claudine Cardon-Hamet page 125.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 145 et 146, 361 et 420.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004 ; liste page 137.
- Yves Lecouturier, Shoah en Normandie, 1940-1944, éditions Cheminements, Le-Coudray-Macouard (Maine-et-Loire), mai 2004, pages 115-118, p. 148, liste p. 247.
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, résultat obtenu avec le moteur de recherche : document Gestapo LXV-9a.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1073 (17693/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-09-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Henri SCHALL – 46115

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Henri Schall naît le 4 mars 1902 à Épernay (Marne), fils (?) d’Henri Schall, né le 1er mai 1880 à Mulhouse (Bas-Rhin), ajusteur à la Compagnie des chemins de fer de l’Est, et de Marie Deschamps, née en 1877 à Paris (à vérifier…).

Le 26 août 1922, à Autrèches (Oise), Henri Schall fils se marie avec Marguerite Lydie Lesueur, née le 26 mars 1903 dans cette commune. Ils ont – au moins – trois fils : Joseph, né en 1921 à Autrèches, Henri, né en 1923 à Queilly (Marne), et Albert, né en 1926 à Vaucrennes (Marne).

Au printemps 1931, la famille habite au 148 rue de Silly, à Boulogne-Billancourt [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), et Henri Schall fils travaille comme manœuvre.

En 1936, et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée dans la cité HBM (habitations à bon marché) du 34 avenue des Moulineaux (aujourd’hui av. Pierre Grenier), à Boulogne-Billancourt ; escalier 63.

Billancourt, les HBM au 34 rue des Moulineaux. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Billancourt, les HBM au 34 rue des Moulineaux.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Billancourt, avenue des Moulineaux, intérieur des H.B.M. Carte postale “voyagée” en 1930. Collection Mémoire Vive.

Billancourt, avenue des Moulineaux, intérieur des H.B.M.
Carte postale “voyagée” en 1930. Collection Mémoire Vive.

En 1936, ils hébergent également le frère d’Henri, Julien, né en 1905 dans la Marne, charpentier en bois chez Soulat à Boulogne, et la fille de celui-ci, Yolande, née en 1934. Henri est alors cantonnier chargeur, employé par la Ville de Boulogne.

Le 26 juin 1941, « signalé par les services du commissariat de circonscription de Boulogne comme meneur particulièrement actif poursuivant clandestinement son activité », Henri Schall est appréhendé à son domicile au prétexte de son internement administratif. Il est conduit le jour même à l’hôtel Matignon où tous les militants arrêtés comme lui sont « mis à la disposition des autorités allemandes ». Après une nuit passée au camp allemand du fort de Romainville, sur la commune des Lilas, les détenus sont transférés le lendemain au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) [2].

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Schall est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises.

TransportAquarelle

Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.Le 8 juillet 1942, Henri Schall est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46115 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Henri Schall est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est admis au Block 18 de l’hôpital des détenus du camp [3].

Henri Schall meurt à Auschwitz le 23 septembre 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp.

Après son arrestation, son épouse se réfugie peut-être à Berny-Rivière, par Vic-sur-Aisne, à 15 km de Soissons (Aisne) ; à vérifier….

En 1948, elle est domiciliée au 14, rue Saint-Paul, à Paris 4e.

Marguerite Schall décède à Soissons (Aisne) le 26 août 1984.

Notes :

[1] Boulogne-Billancourt : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et imptoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total (bilan au 31 juillet), 1300 hommes environ y seront internés à la suite de cette action. Effectuant un tri a posteriori, les Allemands en libéreront plusieurs dizaines. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Trois témoignages en lien avec les arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine :
Jean Lyraud (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Le 26 juin, à 5 heures du matin, il est réveillé par des policiers français : « Veuillez nous suivre au poste avec une couverture et deux jours de vivres. » Un autobus le prend bientôt avec trois autres personnes arrêtées. Le véhicule fait le tour des commissariats de Montreuil et du 11e arrondissement. Un crochet à l’hôtel Matignon, qui abrite alors la police de Pétain, puis c’est le transport jusqu’aux portes du Fort de Romainville où les prisonniers sont remis aux autorités allemandes. Avec ses compagnons, jean Lyraud passe la nuit dans les casemates transformées en cachots. « Le lendemain 27 juin dans l’après-midi, nous embarquons en gare du Bourget dans des wagons spéciaux pour Compiègne. Nos gardes ont le revolver au poing et le fusil chargé, prêts à faire feu. Dans la soirée nous arrivons au camp. Quelques jours après, d’autres contingents de la région parisienne nous rejoignent. »
Henri Pasdeloup (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943), cheminot de Saint-Mihiel (Meuse), est arrêté le 23 juin 1941 par la Gestapo qui le conduit à la prison de la ville. Le 27 juin, avec d’autres détenus emmenés à bord de deux cars Citroën, il arrive devant le camp de Royallieu vers 16 h 30 : « À l’arrivée face au camp, nos gardiens nous font descendre. Alignement sur la route, comptages et recomptages. En rangs par trois nous passons les barbelés… À 19 heures, environ 400 prisonniers en provenance de la région parisienne entrent en chantant L’Internationale… Le lendemain 28 juin, réveil à 7 heures : contrôle d’identité, toise, matricule. J’ai le numéro 556. Pour notre groupe de la Meuse, cela va de 542 à 564. Ceux de la région parisienne, bien qu’arrivés après nous, sont immatriculés avant… »
Henri Rollin : « Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention « communiste », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[3] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Mais les « 31000 » et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme “Revier” : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 381 et 420.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 709-26252) ; dossier individuel des Renseignements Généraux (77 W 32-89814).
- Sachso, Au cœur du système concentrationnaire nazi, Amicale d’Orianenburg-Sachsenhausen, collection Terre Humaine, Minuit/Plon, réédition Pocket, mai 2005, page 36 (sur les arrestations du 26 juin 1941).
- Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
- Death Books from Auschwitz, Remnants
, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1072 (32400/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, moteur de recherche du site internet.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Lucien SCHAEFER – (46114 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Lucien, Raymond, Schaefer naît le 12 mars 1913 à Paris 6e, fils de François Schaefer et de Clémence Escaf, son épouse (plus tard, ceux-ci habiteront Saint-Souplet, dans le Nord ou dans la Marne ?). La famille serait de religion protestante.

À une date restant à préciser, Lucien Schaefer se marie avec Émilienne Kuchta, dite Mila (?). Celle-ci travaille comme femme de ménage pendant un certain temps. Ils ont deux enfants : André, né en 1936, et Alain, né en 1940.

Au moment de son arrestation, la famille est domiciliée au 46, rue Bénard, à Paris 14e.

Lucien Schaefer est imprimeur.

Le 17 janvier 1942, il est arrêté à Paris – probablement par la police française – pour un motif restant à préciser.

Le 5 mai 1942, il fait partie des quatorze internés administratifs de la police judiciaire (dont au moins onze futurs “45000”) qui sont conduits avec trente-sept communistes à la gare du Nord, « à la disposition des autorités allemandes et dirigés sur Compiègne par le train de 5h50 » pour être internés au camp de Royallieu (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Lucien Schaefer est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Lucien Schaefer fait probablement partie des quelques hommes du convoi déportés comme “associaux”.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Lucien Schaefer est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46114, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée). Interrogé sur sa profession, il se déclare comme ouvrier agricole (« Landarbeiter »).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Lucien Schaefer.

Il meurt à Auschwitz le 30 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique pour cause probablement mensongère de sa mort une “double pneumonie” (« Beiderseitige Lungenentzündung ».

Il est homologué comme déporté de droit commun.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 372 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, internés aux camps de Vaujours… – Tourelles (BA 1837).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1071.
- Acte de décès au KL (33717/1942), Bureau d’information sur les anciens prisonniers, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.
- Loanna, arrière-petite-fille de Lucien Schaefer (message 18-02-2011).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-03-2011)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

Fernand SAVOYE – 46098

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Fernand Ernest Savoye naît le 12 décembre 1903 à Ozoir-la-Ferrière (Seine-et-Marne), fils d’Arthur Savoye, 35 ans, charretier, et d’Henriette, Bellonie, Renvier, 35 ans, son épouse, domiciliés au 92 rue des Marais à Paris 10e. La naissance a eu lieu chez son grand-père maternel, Édouard Augustin Renvier, 62 ans, commis de culture. Il semble que Fernand Savoye soit fils unique (à vérifier…).

À la mi-septembre 1907, la famille habite au 55 rue Amelot (Paris 11e). Début août 1909, ils sont au 38 boulevard de la République à Noisy-le-Sec (Seine / Seine-Saint-Denis – 93). En janvier 1913, ils sont installés au 4 rue de la Madeleine dans la même commune.

Le 2 août 1914, le père de famille, 46 ans, réserviste au 35e régiment territorial d’infanterie, est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale. Mais, le 6 février 1915, il est « renvoyé provisoirement dans ses foyers (…), maintenu à la disposition du ministère de la Guerre pendant la durée des hostilités ».

En 1924, Arthur Savoye est inscrit dans les pages “retranchements” de la liste électorale de Romainville [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (93), comme « cocher » domicilié au 63, rue Jean-Jaurès, avec la mention « interdit » (?) dans la colonne “Observations”.

Au printemps 1926, Fernand Savoye habite chez ses parents au 69, rue Jean-Jaurès à Romainville, probablement dans un pavillon. Son père est toujours charretier et lui-même est électricien.

Le 8 mai 1926 au Pré-Saint-Gervais (93), Fernand Savoye épouse Charlotte Louise Wagner, née le 27 novembre 1904 à Paris 19e. Ils ont une première fille : Jeannine, née le 15 juillet 1929 à Romainville.

En 1931, tous trois habitent avec les parents de Fernand, à Romainville. Son père est alors charretier pour la société Maggi à Paris.

La deuxième fille de Fernand et Henriette, Ginette, naît le 31 mars 1935.

En 1936, le patriarche est camionneur pour la société Maggi et Fernand est employé au Comptoir d’Escompte à Paris.

En juin 1941, le commissaire de police de la circonscription des Lilas l’inscrit sur une liste de suspects à interner en le désignant comme un « élément particulièrement actif de la propagande communiste clandestine ».

Le 26 juin 1941, Fernand Savoye est arrêté à son domicile par deux inspecteur de la préfecture de police. Le préfet de police a signé l’arrêté ordonnant son internement administratif « en application du décret du 18 novembre 1939 ». Mais, en réalité, il est pris dans le cadre d’une vaste opération menée en concertation avec l’occupant. En effet, pendant quelques jours, plusieurs dizaines de militants de Paris et de la “petite couronne” arrêtés dans les mêmes conditions sont aussitôt conduits dans la cour de l’Hôtel (de) Matignon [2], alors désigné comme siège de la Geheime Feldpolizei (GFP), pour y être “mis à la disposition des autorités d’occupation” [3]. Tous sont ensuite regroupés au Fort de Romainville, sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément du Frontstalag 122 ; considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp. Le lendemain, ils sont conduits à la gare du Bourget et un train les transporte à Compiègne (Oise), où ils sont les premiers internés du camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Polizeihaftlager – extension du Frontstalag 122) [4]. Fernand Savoye y sera interné plus d’un an.

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Début juillet 1941, Charlotte Savoye écrit au préfet de police : « Mon mari ayant été arrêté par mesure administrative le 26 juin 1941, j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir me délivrer un certificat mentionnant cette arrestation ; ceci pour me permettre de demander à Monsieur le Maire de Romainville mon admission, ainsi que celle de mes enfants âgées respectivement de12 ans et 6 ans, aux secours alloués aux familles des internés administratifs. » Le 3 août, le chef du 1er bureau de la préfecture de police écrit au commissaire de la circonscription des Lilas pour le prier de « vouloir bien faire informer la pétitionnaire qu’il n’appartient pas à la préfecture de police de délivrer un certificat de cette nature et que, pour bénéficier de secours, elle devra adresser sa requête à Monsieur le préfet de la Seine (direction des affaires économiques et sociales) ».Le 17 juillet, la 1re section des Renseignements généraux déclarait dans une note : « Le lieu de son internement n’est pas connu » !Entre fin avril et fin juin 1942, Fernand Savoye est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commue de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Fernand Savoye est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46098 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Fernand Savoye.

Il meurt à Auschwitz le 1er novembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Son père, Arthur Savoye, décède à Romainville le 14 avril 1945, avant le retour des déportés.Le nom de Fernand Savoye est inscrit sur une des plaques commémoratives (« mort dans la résistance ») apposées dans le hall de la mairie de Romainville.En octobre 1950, Charlotte Savoye dépose un dossier de demande pension à la direction interdépartementale des anciens combattants et victimes de la guerre de Paris.Le 10 août 1951, le ministère des anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) délivre un acte de disparition.

Au printemps 1952, habitant alors au 79 rue de la Fraternité à Romainville, Charlotte Savoye demande la reconnaissance du titre d’appartenance à la Résistance intérieure française (R.I.F.) de son mari.

Le 32 juillet suivant, l’acte de décès de celui-ci est transcrit sur les registres de l’état civil de la mairie de Romainville.

Début 1954, Charlotte Savoye dépose au ministère des ACVG un dossier de demande d’attribution du titre de déporté résistant à son mari.

Charlotte Savoye décède à Bagnolet (93) le 21 juin 1990.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Fernand Savoye (J.O. du 14-07-1998).

Notes :

[1] Romainville : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’hôtel Matignon, 57 rue de Varenne (Paris 7e) : le 8 septembre 1940, les Renseignements généraux de la préfecture de police constatent la réquisition de l’hôtel pour le bureau de cantonnement des hommes de la police militaire secrète : Geheime Feldpolizei – Dienstelle – Männer-Unterkunft (source : Cécile Desprairies, Paris dans la Collaboration, éditions du Seuil, mars 2009, page 268).

[3] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – arrestations et perquisitions à leur domicile – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht, réservé à la détention des “ennemis actifs du Reich” et qui ouvre en tant que camp de police. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[4] Les arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, trois témoignages :
Jean Lyraud (déporté au KL Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Le 26 juin, à 5 heures du matin, il est réveillé par des policiers français : « Veuillez nous suivre au poste avec une couverture et deux jours de vivres. » Un autobus le prend bientôt avec trois autres personnes arrêtées. Le véhicule fait le tour des commissariats de Montreuil et du 11e arrondissement. Après un crochet à l’hôtel Matignon où les “internés administratifs” sont livrés à l’armée d’occupation, c’est le transport jusqu’au Fort de Romainville où ils passent la nuit dans les casemates transformées en cachots. « Le lendemain 27 juin dans l’après-midi, nous embarquons en gare du Bourget dans des wagons spéciaux pour Compiègne. Nos gardes ont le revolver au poing et le fusil chargé, prêts à faire feu. Dans la soirée nous arrivons au camp. Quelques jours après, d’autres contingents de la région parisienne nous rejoignent. »
Henri Pasdeloup (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943), cheminot de Saint-Mihiel (Meuse), est arrêté le 23 juin 1941 par la Gestapo qui le conduit à la prison de la ville. Le 27 juin, avec d’autres détenus emmenés à bord de deux cars Citroën, il arrive devant le camp de Royallieu vers 16 h 30 : « À l’arrivée face au camp, nos gardiens nous font descendre. Alignement sur la route, comptages et recomptages. En rangs par trois nous passons les barbelés… À 19 heures, environ 400 prisonniers en provenance de la région parisienne entrent en chantant L’Internationale… Le lendemain 28 juin, réveil à 7 heures : contrôle d’identité, toise, matricule. J’ai le numéro 556. Pour notre groupe de la Meuse, cela va de 542 à 564. Ceux de la région parisienne, bien qu’arrivés après nous, sont immatriculés avant… »
Henri Rollin : « Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention “communiste”, soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 386 et 420.
- Sachso, Amicale d’Orianenburg-Sachsenhausen, Au cœur du système concentrationnaire nazi, Collection Terre Humaine, Minuit/Plon, réédition Pocket, mai 2005, page 36 (sur les arrestations du 26 juin 1941).
- Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, liste des internés communistes (BA 2397) ; dossier individuel des R.G. (1 W 719-26558) ; dossier individuel au cabinet du préfet (77 W 1690-89812).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1069 (38495/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Romainville, relevé de Christiane Level-Debray (06-2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-06-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Hilaire SARTORIO – (46097 ?)

JPEG - 78.9 ko
IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Hilaire Sartorio naît le 2 janvier 1899 à Paris 19e arrondissement, chez ses parents, Emmanuel Sartorio, 41 ans, fumiste, et Victorine Clotilde Marie Morel, 37 ans, blanchisseuse, domiciliés au 13, rue Riquet. Tous deux seront décédés au moment de son arrestation.

Le 10 février 1907, son père, devenu chaudronnier, âgé de 49 ans, décède au domicile familial, alors au 5, rue Riquet.

Resté auprès de sa mère, Hilaire Sartorio commence à travailler comme chaudronnier en fer.

À partir du 19 avril 1918, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 10e régiment d’infanterie. Le 30 juillet 1919, il passe au 16e régiment de chasseurs à cheval. Le 9 juin 1920, il est nommé cavalier de 1ère classe. Le 9 juin 1920, il passe au 85e régiment d’artillerie lourde. Le 21 mars 1921, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Au printemps 1922, Hilaire Sartorio vit toujours rue Riquet avec sa mère et son frère ou son oncle (?) Henri, lui aussi chaudronnier.

Le 24 juin 1922 à la mairie du 19e arrondissement, Hilaire Sartorio se marie avec Sylvie Françoise Hortense Thienpont, née le 7 février 1904 à Paris 19e. Ils ont un fils, Georges, né le 22 mars 1923, à Paris 19e.

La famille s’installe au 6, rue de Thionville, à Paris 19e ; au moins jusqu’au printemps 1936.

Le 1er février 1925 en soirée, la mère d’Hilaire décède à son domicile.

Hilaire Sartorio est chaudronnier à la Compagnie du Gaz de Paris, dans une usine sise 222, rue d’Aubervilliers à Paris. Il est adhérent au Syndicat général unitaire du personnel de la Société du Gaz de Paris.

Le 8 août 1927, place du Combat (colonel Fabien), lors d’une ample manifestation pour sauver Sacco et Vanzetti de la chaise électrique [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], Hilaire Sartorio est arrêté par des gardiens de la Paix du commissariat de police de l’hôpital Saint-Louis avec trois autres ouvriers – dont deux de la Compagnie du Gaz – « pour violences et outrages, […] entraves à la liberté du travail » ; Hilaire Sartorio aurait frappé un agent de coups de poing au visage. Il est conduit au dépôt de la préfecture de police, sous le Palais de Justice. Deux jours plus tard, le 10 août, la 11e chambre du tribunal de police correctionnelle de la Seine le condamne à 25 jours de prison avec sursis pour rébellion à agents (ce qui entraîne sa rétrogradation au titre de soldat de 2e classe dans l’année de réserve).

Le 15 décembre 1932, lors d’une tentative de manifestation des employés des services publics place de l’Opéra, il est de nouveau appréhendé, mais sans aucune suite judiciaire.

À un date restant à préciser, il adhère au Parti communiste comme membre du rayon du 20e arrondissement de la région de Paris-Ville.

Au moment de son arrestation, Hilaire Sartorio habite au 28, rue du Poitou au Vert-Galant, quartier de lotissement de Tremblay-lès-Gonesse, devenu Tremblay-en-France [2] (Seine / Seine-Saint-Denis).
Sous l’occupation, la police française le désigne comme un « ami intime de l’ex-conseiller municipal [de Paris 19e, quartier du Pont de Flandre] Corentin Cariou ; meneur très actif, principal animateur de la propagande communiste auprès du personnel de la Société du Gaz » « (diffuse) des tracts à l’usine (…) et (fait) des collectes au profit des emprisonnés politiques – (est) chargé de recueillir les fonds des ex-membres de la cellule des Goudrons ».

Le 6 décembre 1940, Hilaire Sartorio est appréhendé sur son lieu de travail – alors à l’usine des goudrons au 15, rue de Cambrai, à Paris 19e – par des agents du commissariat de quartier du Pont de Flandre lors d’une vague d’arrestations visant 69 hommes dans le département de la Seine. Les arrêtés d’internement ont été pris par le préfet de police.

D’abord rassemblés à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, les hommes appréhendés sont – le jour même – internés administrativement au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé deux mois plus tôt dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre. Un autre gazier et futur “45000”, Maurice Rat, est arrêté et interné le même jour.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,  le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.  Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

À une date qui reste à préciser, le préfet de Seine-et-Oise écrit au préfet de police à Paris afin de « régulariser » la situation de six internés du camp d’Aincourt précédemment domiciliés dans son département, dont Hilaire Sartorio. Il lui propose de « prendre des arrêtés d’élargissement, qui resteraient théoriques, n’étant suivis d’aucun effet, et [qu’il compléterait] immédiatement à la même date par des arrêtés d’internement » qu’il signerait lui-même.

Le 6 septembre 1941, Hilaire Sartorio fait partie d’un groupe de 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 22 mai 1942, Hilaire Sartorio est parmi les 155 internés – qui seront pour la plupart déportés avec lui – remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet , Hilaire Sartorio est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46097, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Hilaire Sartorio se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Hilaire Sartorio.

Il meurt à Auschwitz le 2 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Selon la société d’études historiques de Tremblay (SEHT), un couple, Georges et Sylvie Sartorio, membres du groupe FTPF du commandant Fernand Dive (alias Gourget, grièvement blessé le 27 août 1944), du quartier du Vert-Galant à Tremblay, cachent deux aviateurs alliés.

Avant avril 1955, Sylvie Sartorio emménage au 49, avenue Louise au Blanc-Mesnil (93).

Le 22 décembre 1957, elle se remarie avec Gabriel Lajugie. Elle décède le 9 décembre 1974.

Le nom d’Hilaire Sartorio est inscrit sur le Monument aux morts de Tremblay-en-France, situé dans le cimetière communal.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 19-05-1998).

Notes :

[1] Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti, militants anarchistes d’origine italienne vivant aux États-Unis, inculpés de hold-up à main armée et de meurtres commis en 1919 et 1920 malgré des preuves insuffisantes, condamnés à mort en juillet 1921. Quand ce jugement est confirmé le 12 mai 1926, une mobilisation internationale est lancée afin de les sauver, notamment relayée par la section française du Secours rouge international. Les deux hommes sont exécutés sur la chaise électrique dans la nuit du 22 au 23 août 1927 à la prison de Charlestown, dans la banlieue de Boston.

[2] Tremblay-en-France : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 387 et 420.
- Archives départementales de Paris, site internet, archives en ligne ; registre des naissances du 19e arrondissement à la date du 5-01-1899 (V4E 10591), acte n° 46 (vue 12/24).
- Archives de Paris : registres des matricules du recrutement militaire, classe 1919, 1er bureau de recrutement de la Seine, volume 1501-2000 (D4R1 2094), n° 2094.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”,  communistes fonctionnaires internés… (BA 2214), liste des fonctionnaires internés administrativement le 6 décembre 1940, par application de la loi du 3-09-1940,  liste des internés communistes (BA 2397) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 766-30377) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1487-24964).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (1w74, 1w76), dossier individuel (1w152).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : liste XLI-42, n° 166.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1067 (34023/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Tremblay-en-France, relevé d’Alain Claudeville (11-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-05-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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