Ambroise SORIN – (46108 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Ambroise, Marcel, Sorin naît le 23 septembre 1896 à Bois-Colombes [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine), chez ses parents, Joseph Sorin, 29 ans, jardinier, et Louise Thénardier, son épouse, 23 ans, cuisinière, domiciliés au 26 bis, rue de la Procession ; chez un employeur ?

Considérant son âge, il devrait avoir été mobilisé au cours de la guerre 1914-1918 (à vérifier…).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 25, rue Godillot à Saint-Ouen [1] (Seine / Seine-Saint-Denis).

Il est cafetier-hôtelier, selon Fernand Devaux (à la même adresse ? près de l’entreprise Fenwick ?).

Sous l’occupation, Ambroise Sorin est considéré par les Renseignements Généraux comme un « meneur communiste très actif ».

Le 27 juin 1941, il est appréhendé à son domicile dans le cadre d’une vague d’arrestations visant des militants ouvriers : le préfet de police de Paris a signé l’arrêté ordonnant son internement administratif. Ces opérations sont menées en concertation avec l’occupant. Ambroise Sorin est livré aux autorités d’occupation et transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il fait partie des militants qui inaugurent ce camp de police [2].

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Ambroise Sorin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Ambroise Sorin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46108, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Ambroise Sorin.

Il meurt à Auschwitz le 30 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Notes :

[1] Saint-Ouen et Bois-Colombes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968). Détachée de la commune de Colombe, celle de Bois-Colombe est créée le 13 mars 1896.

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme «  l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des «  ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 387 et 420.
- Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Bois-Colombes, année 1896 (E NUM BOC N1896), acte n° 99 (vue 28/44).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : carton “Occupation allemande” BA 2397 (liste des internés communistes, 1939-1941).
- Fernand Devaux, de Saint-Denis, 45472, rescapé, note.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1148 (31364/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-11-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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René SOLARD – (46107 ?)

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Droits réservés.

René, Constant, Solard naît le 9 janvier 1892 à Paris 15e (75), fils de Constant Solard, 35 ans, et de Hermence Vincent, son épouse, 28 ans, merciers, domiciliés au 105, rue Cambronne.

Au tournant du siècle, son père, Auguste, devient propriétaire au hameau de La Détourbe à Armentières-sur-Avre (Eure – 27), où il vient habiter avec sa famille tout en restant bonnetier.

Le 16 juin 1904, la mère de René, Hermence, âgée de 41 ans, décède au domicile familial. La déclaration est faite en mairie par deux amis du couple, un propriétaire agricole et un cafetier résidants sur la commune. René a alors 11 ans et demi.

Le 24 décembre 1904, à Armentières, Constant Solard, âgé de 48 ans, se remarie avec Gabrielle Renée Marie Brière, 32 ans, institutrice, divorcée depuis deux ans d’un premier mariage, duquel elle a eu trois fils restés avec elle : Gabriel Turquetil, né en 1896, Raymond, née en 1897, et Gérard, né en 1898, tous à Pont-Audemer (27).

En 1907, Constant et Gabrielle Solard ont un autre fils, Daniel Clément, né le 20 août à leur domicile.

En 1911, René Solard, âgé de 19 ans, a quitté le foyer paternel. Pendant un temps, il habite au 83, rue Fondary à Paris 15e, et commence à travailler comme mécanicien automobile.

Le 10 octobre 1913, appelé au service militaire, René Solard est incorporé comme sapeur de 2e classe au 1er régiment du Génie, cantonné à Versailles. Il est encore “sous les drapeaux” quand est promulgué le décret de mobilisation générale. Dès le 22 août 1914, il est porté disparu entre Ville-Houdlémont (Meurthe-et-Moselle), près de la frontière, et Baranzy, en Belgique. Cette journée de la Bataille des Frontières est considérée comme la plus meurtrière de l’histoire de l’armée française : 27 000 soldats sont tués sur 400 km de front, de la Belgique à la Lorraine. René Solard a été fait prisonnier de guerre. Il est d’abord admis à l’hôpital (Lazarett) de Grafenwöhr (Bavière), puis, le 26 janvier 1915, interné au camp de prisonniers voisin (Gefangenen Lager – Get. Lag.), 4e compagnie de prisonniers. Le 25 août 1915, il est transféré au camp de Puchheim, dans la grande banlieue ouest de Munich (Bavière), puis, le 16 janvier 1916, au camp de Landshut (Basse-Bavière). À plusieurs reprises, il est admis en hôpital militaire à Augsburg (Bavière) pour maladie. En mai 1918, il est transféré au camp de Lechfeld (Bavière). Libéré, puis rapatrié en France le 15 décembre 1918, René Solard se voit accorder une permission jusqu’au 21 février 1919, jour où il rejoint son dépôt. Le 25 mars suivant, il passe au 19e escadron du train des équipages. Le 24 août, il est mis en congé illimité de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire au 83, rue Fondary.

Il reprend son métier de mécanicien.

Le 2 octobre 1919 à Paris 15e, il se marie avec Germaine Gastel, née le 9 août 1895 à Paris 15e, domiciliée au 30, rue Bargue, lingère mais fille de bijoutier ; les témoins sont un typographe et un ouvrier métallurgiste. René et Germaine ont une fille, Marcelle, née le 10 août 1920 à Paris 14e ; à vérifier…

À partir de mars 1929 et jusqu’au moment de son arrestation, René Solard est domicilié avec sa famille au 63, rue du Théâtre, à Paris 15e, près de l’angle de la rue de Lourmel.

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Paris 15e. Perspective sur la rue de Lourmel vue depuis la rue du Théâtre dans les années 1910. Le bureau de poste au pied de l’immeuble du n° 64 existe encore en octobre 2020. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Paris 15e. Perspective sur la rue de Lourmel vue depuis la rue du Théâtre dans les années 1910.
À gauche, le bureau de poste au pied de l’immeuble du n° 64 existe encore en octobre 2020.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Il devient représentant de commerce, puis chauffeur-livreur. À la veille de son arrestation, il est employé par une maison sise au 152, boulevard de Grenelle (?).

En 1934, René Solard adhère à l’association des Amis de l’Union soviétique (A.U.S.) – dont le siège est au 20, rue du Mail, à Paris 2e -, vendant sur la voie publique des brochures et journaux édités par ce groupement.

Dans les années 1938-1939, participant le dimanche matin à des conférences et projections de films “documentaires” organisées par le Groupe d’études du cinéma soviétique avec l’A.U.S., René Solard y rencontre Claude Benjamin S., élève de rhétorique au lycée Buffon, né en Allemagne de parents juifs polonais naturalisés français, habitant chez ses parents, rue de Lourmel. Il obtient son adhésion à l’association.

Le soir du 17 avril 1941, deux inspecteurs de la brigade spéciale n° 1 (anticommuniste) de la préfecture de police se présentent au domicile de René Solard « à la suite de divers renseignements laissant supposer » qu’il est resté en relation avec l’A.U.S., clandestine depuis l’interdiction de celle-ci en septembre 1939. La perquisition effectuée simultanément amène la découverte, sur un petit meuble de la chambre à coucher, dans une pile de livres, de trois tracts différents enveloppés de papier journal : « Peuple de France », « Les conseillers de Pétain » et « Les camps de concentration ».
Alors que les policiers sont encore chez lui, Claude Benjamin S. se présente à l’entrée du logement. Surpris par la présence policière, le jeune homme déclare qu’il ne sait pas pourquoi il est venu chez René Solard, disant même ne pas le connaître. Le vieux militant cherche à justifier la présence de son visiteur en lui demandant : « Est-ce que la robe est prête ? »  (plus tard, il dira avoir fait allusion une robe réalisée pour sa propre fille par le père du garçon, qui est tailleur). Mais, quand les inspecteurs demandent au jeune homme de leur présenter ses papiers, ils constatent que celui-ci cherche à dissimuler une brochure, La politique communiste n° 3, de mars 1941, contenant un “papillon” ronéotypé, « La ruine du petit commerce ». Tous deux sont conduits pour interrogatoire dans les bureaux des RG, à la préfecture de police, rejoints plus tard par le père du jeune homme.

Questionné le lendemain, René Solard déclare avoir trouvé dans la rue les tracts saisis à son domicile et n’en avoir jamais transmis à des amis. A contrario, l’étudiant déclare qu’il venait rendre à Solard la brochure que celui-ci lui avait prêtée quelques jours plus tôt. Il explique : « En 1938, la Russie d’Europe étant au programme de la classe de 3e, j’ai voulu à titre spécialement documentaire assister à un cours sur cette matière fait par un professeur de l’Université dans un local des “Amis de l’Union soviétique”, rue Lecourbe. C’est au cours de cette première séance que j’ai fait la connaissance Solard. Par la suite, nous avons assisté ensemble à d’autres séances – quatre au maximum. Pendant plus d’un an, j’ai perdu tout contact avec Solard du fait de ma présence à Cholet (Maine-et-Loire). À mon retour à Paris en novembre, j’ai revu Solard par hasard. Sur ma demande, (il) m’a fourni à plusieurs reprises divers exemplaires de tracts et brochures pour ma documentation personnelle. Jamais je n’ai fait lire un seul des documents qui ont pu me passer ainsi par les mains. Je n’ai jamais demandé à Solard de me dire comment il pouvait se procurer cette documentation. Lui-même ne m’a jamais fourni d’explications quant à la façon dont il se procurait le matériel clandestin dont il était détenteur. » Interrogé à nouveau, René Solard nie encore toute transmission de documents, ajoutant même qu’il a refusé en novembre précédent une sollicitation pour reprendre une activité clandestine au sein des A.U.S.

Lors de leur confrontation, si tous deux reconnaissent s’être rencontrés à plusieurs reprises pour des conversations sur « différents sujets politiques d’intérêt actuel », chacun reste sur sa position s’agissant de la circulation de documents

Le lendemain 18 avril, inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939, ils sont conduits au Dépôt, à la disposition du procureur de la République.

René Solard est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

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Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 7 mai 1941, les deux prévenus comparaissent devant la chambre des mineurs (15e) du tribunal correctionnel de la Seine (le père du garçon a été convoqué à l’audience comme civilement responsable). René Solard est condamné à 8 mois d’emprisonnement. Il fait appel auprès du procureur de la République. De son côté, le jeune militant est condamné à 3 mois de prison, qu’il purgera dans la section des mineurs de l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne) [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1].

Le 21 juin, René Solard est transféré à Fresnes.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 29 juillet, la 15e chambre de la Cour d’appel confirme sa peine de prison.

À une date restant à préciser, il est transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.  Carte postale. Collection Mémoire Vive

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive

Le 2 octobre, en « exécution de la note préfectorale » du 14 novembre 1940, le directeur de la prison transmet au bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise sept notices de détenus de la Seine devant être libérés à l’expiration de leur peine au cours du mois suivant. Le 10 octobre, le préfet de Seine-et-Oise transmet le dossier au préfet de police, à Paris, direction des services des Renseignements généraux.

Le 8 novembre, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant  l’internement administratif de René Solard. Deux jours plus tard, décision est prise de l’envoyer au camp de Rouillé, mais celle-ci ne prend pas effet immédiatement.

Le 3 janvier 1942, René Solard fait partie d’un groupe de 38 internés politiques (dont 16 futurs “45000”) et 12 “indésirables” (droit commun) extraits du dépôt et transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé (Vienne). Ils sont conduits en car, sous escorte, jusqu’à la gare d’Austerlitz où les attend un wagon de voyageurs réservé (10 compartiments ; départ 7 h 55 – arrivée 18 h 51).

Le 22 mai 1942, René Solard fait partie d’un groupe de 148 détenus (pour la plupart déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, René Solard est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Solard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46107, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté René Solard.

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943.

Germaine Solard décède le 2 novembre 1956 à son domicile, rue du Théâtre, âgée de 61 ans.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de René Solard (J.O. du 18-03-2003).

Notes :

[1] Claude Benjamin S. : À sa libération de Fresnes, ramené devant les policiers des R.G., le jeune étudiant doit signer un engagement sur l’honneur de renoncer à toute propagande clandestine. En août 1941, il quitte le domicile parental pour le département de l’Orne. En octobre ou novembre 1942, il franchit la ligne de démarcation pour passer en zone non occupée. Fin 1942, il est arrêté à Saragosse (Espagne) sous un faux nom, puis détenu dans la prison de la ville. Le 25 août 1943, libéré, il est incorporé au D 8 de l’Armée de l’Air de Blida (Algérie). En juin 1957, un décret de l’autorise à changer de patronyme.

[2] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Le 2 mai 1946, l’officier d’état civil du ministère des Anciens combattants et victimes de guerre dresse un acte de décès établissant que René Solard est « “mort pour la France” le 15 octobre 1942 à Reisco (Allemagne) » (sic) ; sans doute une déformation orthographique de Raïsko, un Kommando d’Auschwitz dont certains rescapés ont utilisé le toponyme pour désigner Birkenau). Cet acte est transcrit à la mairie du 15e arrondissement le 11 mai suivant. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[1] Claude Benjamin S. : À sa libération de Fresnes, ramené devant les policiers des R.G., le jeune étudiant doit signer un engagement sur l’honneur de renoncer à toute propagande clandestine. En août 1941, il quitte le domicile parental pour le département de l’Orne. En octobre ou novembre 1942, il franchit la ligne de démarcation pour passer en zone non occupée. Fin 1942, il est arrêté à Saragosse (Espagne) sous un faux nom, puis détenu dans la prison de la ville. Le 25 août 1943, libéré, il est incorporé au D 8 de l’Armée de l’Air de Blida. Un décret de juin 1957 l’autorise à changer de patronyme.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 373 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 15e arrondissement à la date du 11-01-1892 (V4E 7160, acte n° 76 (vue 20/31).
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 31 mai au 3 septembre 1941 (D1u6-5856).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; affaires traitées 1939-1941 par les renseignements généraux (GB 29) ; dossier de la BS1, Affaire Solard-D. (230).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : bureau politique du cabinet du préfet (1W69).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-10-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Stanislas SLOVINSKI – 46260

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Stanislas Slovinski ou Slowinski [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] naît le 11 mars 1901 à Mierzcice (Pologne), fils de Jean Slovinski et de Juliana Pavinlkik (?).

Le 26 octobre 1924 en Pologne, il se marie avec Marie Stemprick. Ils ont quatre enfants.

Au moment de son arrestation, il est domicilié rue de l’Argonne à Mancieulles (Meurthe-et-Moselle – 54).

Il est mineur de fer au puits de Saint-Pierremont à Mancieulles.

Mancieulles. Les deux puits, accumulateurs et stock de la Société anonyme des mines de fer de Saint-Pierremont. Prenant en compte l’importance des travailleurs immigrés, la légende est également rédigée en polonais et en italien. Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Mancieulles. Les deux puits, accumulateurs et stock de la Société anonyme des mines de fer de Saint-Pierremont.
Prenant en compte l’importance des travailleurs immigrés, la légende est également rédigée en polonais et en italien.
Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Stanislas Slovinski est syndiqué CGT à la Fédération du sous-sol de 1936 à 1939.

Militant communiste, il est responsable d’une cellule polonaise de la mine.

Sous l’occupation, la police française le considère comme « propagandiste ».

À une date restant à préciser, le préfet de Meurthe-et-Moselle signe un arrêté ordonnant son internement administratif à la Maison d’arrêt de Briey à la suite d’une distribution de tracts dans son secteur d’habitation (il y est gardé trente jours).

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Le nom de Stanislas « Flovinski » figure – n°33 – sur une « liste communiquée le 19 (février ?) au soir à la KK (Kreiskommandanturde Briey par le sous-préfet » pour préciser la nationalité de cinquante-trois hommes : il est désigné comme polonais.

Stanislas Slovinski est arrêté comme otage dans la « rafle effectuée dans la nuit du 19 au 20 » février par les autorités allemandes (rapport du préfet de la région de Nancy).

Le jour même, il fait partie d’un groupe d’otages transférés par la police allemande au centre de séjour surveillé d’Écrouves, près de Toul (54), en attente « d’être dirigés sur un autre camp sous contrôle allemand en France ou en Allemagne ».

Le 27 février, son nom est inscrit sur un état nominatif des otages transmis par le préfet Jean Schmidt à Fernand (de) Brinon à Vichy ; 30e sur la liste.

Le 2 mars, Stanislas Slovinski est transféré à Nancy (pour interrogatoire ?) avant d’être dirigé sur le camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Stanislas Slovinski est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46260 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Stanislas Slovinski est probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

À une date restant à préciser, il est admis au Block 28 de l’hôpital d’Auschwitz-I
En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Stanislas Slovinski est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Stanislas Slovinski est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert (selon Claudine Cardon-Hamet).

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL [2] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matr. 19883). On ignore le trajet suivi ensuite par Stanislas Slovinski.

Il décède le 1er juin 1946, à 45 ans.

Notes :

[1] Stanislas Slovinski : il semble que deux autres Polonais vivants en France portent ces nom et prénom au cours de la guerre 1939-1945, dont un habitant d’Houdain (62) ; un autre – ou le même – d’abord détenu au camp du Vernet d’Ariège, est mort au cours de son évasion du « train fantôme » le 25 août 1944.

[2] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 367 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : cote WM 312 ; fiches du centre de séjour surveillé d’Écrouves (ordre 927 W) ; recherches de Daniel Dusselier.
- Jean-Claude Magrinelli, Ouvriers de Lorraine (1936-1946), tome 2, Dans la résistance armée, éditions Kaïros / Histoire, Nancy, avril 2018, L’affaire d’Auboué, pages 199-227 (listes d’otages p. 205, 208-210).

 

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Lucien SIOUVILLE – 46106

Fichier:Lucien siouville.jpg

(portrait de Lucien Siouville sur le site WikiManche)

Lucien  Léon Jacques Auguste Siouville naît le 16 décembre 1908 à Saint-Lô (Manche – 50), fils de Louis Siouville, 24 ans, et d’Albertine Angèle Mahaut, son épouse.

Son père est employé de l’administration des Postes de la Manche, facteur de ville à Saint-Lô.

Le 24 août 1914, rappelé à l’activité militaire, celui-ci rejoint le 1er régiment d’infanterie coloniale. Le 19 septembre suivant, il est nommé sergent. Le 14 juillet 1915, il est tué à l’ennemi devant Vienne-le-Château.

Le 27 février 1932, Lucien Siouville se marie avec Renée Madeleine Alice Defrance, née le 23 septembre 1907 à Cherbourg (50),  employée de commerce, gérante d’épicerie à Octeville. Ils auront une fille née vers 1937.

Avant-guerre, Lucien Siouville habite Cherbourg (50) où il travaille à l’Arsenal comme chaudronnier.

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Cherbourg. Le port militaire et les ateliers des forges de l’Arsenal  dans les années 1900. Carte Postale. Coll. Mémoire Vive.

Cherbourg. Le port militaire et les ateliers des forges de l’Arsenal
dans les années 1900. Carte Postale. Coll. Mémoire Vive.

Syndicaliste CGT, Lucien Siouville est élu délégué ouvrier à l’Arsenal.

Communiste connu, il est candidat aux municipales à Cherbourg.

Pendant la guerre, il est révoqué pour ses opinions politiques et mobilisé en avril 1940.

Après la défaite de l’été 1940, il s’évade du camp de prisonniers de guerre de Fourchambault (Nièvre). En février 1941, il retrouve le contact avec le Parti communiste clandestin grâce à André Defrance (frère de son épouse), qui organise le secteur et dont il devient l’agent de liaison. Il est membre du Front national (Résistance) à partir du mois de juillet 1941. Il trouve refuge au moulin de Gonneville près de Bricquebec (50), avec sa femme et son enfant, travaillant alors comme bûcheron et effectuant de petits travaux.

Il retrouve la liaison avec le Parti communiste clandestin grâce à André Defrance (frère de son épouse), qui organise le secteur et dont il devient l’agent de liaison.

Le 27 octobre 1941, Lucien Siouville est arrêté à son domicile par la police allemande (sa femme le sera deux jours après). Il est conduit à la prison maritime de Cherbourg, puis au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

[/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le 7 novembre suivant, Renée Siouville est internée au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique) sur un arrêté pris le 30 octobre par le sous-préfet de Cherbourg. Le 4 avril, elle est interrogée sur place par le chef de camp : « Résolution de l’intéressée à l’égard du gouvernement de la libération nationale en cas de libération. – Je continuerai comme par le passé. [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][…] Avis du chef de camp (mentionner lors de l’envoi du procès-verbal ) : Assez bonne conduite. Il a gardé un mutisme extraordinaire au cours de cette déclaration, il m’a fallu lui arracher les mots. » Le 12 mai 1942, elle est transféré au camp français d’Aincourt (C.I.A.) en Seine-et-Oise, alors vidé de ses internés masculins. Mais elle est libérée le 26 juin suivant par le préfet de Seine-et-Oise, en vertu d’une instruction ministérielle, après avoir dû s’engager « sur l’honneur à se rallier au nouvel ordre social, et à respecter l’œuvre et la personne du Maréchal de France, chef de l’État. » Cette libération est décidée au désagrément du commandant de ce camp – le commissaire spécial Andrey – qui note qu’elle « avait été particulièrement remarquée par son attitude franchement hostile envers les surveillantes. De plus, il est certain que Madame Siouville est restée foncièrement communiste et se trouvait toujours en compagnie des internées restées soumises aux directives du Parti communiste de la IIIe Internationale. Elle était même considérée comme une des détenues les plus attachées à ce parti. Je pense qu’il serait souhaitable que sa conduite soit surveillée… ». Elle se retire au 145 rue de la Polle à Cherbourg.

Entre fin avril et fin juin 1942, Lucien Siouville est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Lucien Siouville est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46106 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Lucien Siouville.

Il meurt à Auschwitz le 30 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Il est reconnu comme « Déporté-Résistant ».

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 366 et 420.
- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Cl. Cardon-Hamet, page 129.
- site Wikimanche.
- http://beaucoudray.free.fr/1940.htm
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1120 (38051/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-06-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

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Marcel SIMON – 46105

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marcel SIMON naît le 16 novembre 1921 à Saint-Ouen [1] (Seine-Saint-Denis – 93)

Au moment de son arrestation, il est domicilié à Saint-Ouen ; son adresse reste à préciser.

Il est tourneur sur métaux, selon Fernand Devaux.

À des dates et pour un motif restant à préciser, il est arrêté – peut-être écroué pendant un temps à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e) -, puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). (il ne passe pas par Rouillé…)

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

JPEG - 128.9 ko

Le 8 juillet 1942, Marcel Simon est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46105 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différentsKommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Marcel Simon.

Il meurt à Auschwitz le 1er décembre 1942, d’après les registres du camp. Il a 21 ans.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 22-02-2003).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 387 et 420. 
- Fernand Devaux, de Saint-Denis, 45472, rescapé, note. 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1117 (42477/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-06-2008)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Saint-Ouen : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Désiré SILLIEN – (46104 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Désiré, Pierre, Sillien naît le 7 juin 1904 à Saulnes, à l’est de l’agglomération de Longwy (Meurthe-et-Moselle – 54), à proximité des frontières du Luxembourg et de la Belgique, fils d’Auguste Sillien, 25 ans, ouvrier mineur, et de Françoise Keyser, 31 ans, son épouse. Les témoins sont deux ouvriers mineurs de Saulnes, dont un frère de la mère.

Le 18 février 1928 à Herserange, commune voisine de Saulnes (54), Désiré Sillien se marie avec Paulette Wagner. Ils auront un enfant (à vérifier…).

Au moment de son arrestation, Désiré Sillien est domicilié au 113, rue du Bois de Châ à Herserange.

Il est ouvrier-mécanicien (machiniste).

Membre du Parti communiste, la police française le qualifie de « militant d’extrême gauche ».

Pendant la mobilisation de 1939-1940, il est affecté spécial à Thionville.

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Le 21 février 1942, Désiré Sillien est arrêté comme otage par la Feldgendarmerie.

Le 23 février, il fait partie d’un groupe de vingt-cinq otages transférés par la police allemande au centre de séjour surveillé d’Écrouves, près de Toul (54), en attente « d’être dirigés sur un autre camp sous contrôle allemand en France ou en Allemagne » ; ils y rejoignent quatorze autres otages arrivés la veille.

Et, effectivement, le 5 mars, Désiré Sillien est parmi les trente-neuf détenus transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Désiré Sillien est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46104 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

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Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Désiré Sillien.

Il meurt à Auschwitz le 20 février 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; peut-être à Birkenau selon la mention portée sur son acte de naissance (Magrinelli).

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts d’Herserange.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 367 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, site internet, archives en ligne : registre des naissance de Saulnes, année 1904 (Mi-EC 492/R3), acte n° 62, vue 332/379.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : cote W1304/23 et WM 312 ; fiches du centre de séjour surveillé d’Écrouves (ordre 927 W) ; recherches de Daniel et Jean-Marie Dusselier.
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, page 246, 345.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1116 (9334/1943).
- Site Mémorial GenWeb, relevé de Stéphane Protois (09-2007).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

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Maurice SIGOGNE – 46103

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Maurice, André, Sigogne naît le 17 avril 1900 à Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire – 49), fils de Jean Sigogne, 38 ans, cordonnier, et de Marie Jamain, son épouse, 23 ans (tous deux seront décédés au moment de son arrestation).

Pendant un temps, André Sigogne travaille comme agriculteur.

Le conseil de révision le classe dans la 5e partie de la liste du canton de Montreuil-Bellay en 1918, ajourné pour « faiblesse ». En mai 1920, le conseil de révision le déclare bon pour le service armé. Le 1er octobre suivant, il est incorporé au 1er régiment de zouaves. Mis en route le 26 octobre, il rejoint son unité au Maroc le 30. Le 16 février 1921, il est nommé soldat de 1re classe. Le 4 mars, il passe au 13e régiment de tirailleurs algériens, et est nommé caporal trois jours plus tard. Le 1er juillet suivant, sur sa demande, il est remis soldat de 1re classe. Sa campagne au Maroc se termine le 7 juillet 1922. Le 26 septembre, il est envoyé dans la disponibilité, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

En décembre 1923, Maurice Sigogne habite au 35, rue Saint-Laud, à Angers (49). En mars de l’année suivante, il demeure chez M. Goullier, au Puy-Notre-Dame, à Cholet (49). En février 1925, on le retrouve au 13, rue Saint-Samson, à Angers.

Trois semaines plus tard, en mars, il est domicilié chez M. Fayola, au 2, rue des Platanes, à Épinay-sur-Seine [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93) .

Le 2 mai suivant, à la mairie de cette commune, Maurice Sigogne se marie avec Marcelle Fayola. Ils auront une fille, Thérèse, née vers 1927.

En août 1925, le couple (?) habite chez M. Vivet, place René Maçon, à Rambouillet (Seine-et-Oise / Yvelines – 78). En mai 1927 – et au moins jusqu’en avril 1930 -, ils sont domiciliés au 22, rue Jules Ferry, à Montmagny (78).

Au début des années 1930, la famille revient habiter à Épinay-sur-Seine, au 28, rue de Paris.

Maurice Sigogne travaille comme couvreur fumiste pour la maison Zell, rue du Delta à Paris 9e (dans certains documents, il sera désigné comme fumiste industriel ou plombier-couvreur).

Adhérent au Parti communiste en 1934, Maurice Sigogne devient secrétaire de la cellule 964 de la Région Paris-Nord.

Le 12 mai 1935, il est élu conseiller municipal communiste d’Épinay-sur-Seine sur la liste conduite par Joanny Berlioz.

L’hôtel de ville d’Épinay-sur-Seine dans les années 1910 , ancien château seigneurial construit en 1760. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel de ville d’Épinay-sur-Seine dans les années 1910 , ancien château seigneurial construit en 1760.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 19 octobre 1937, la 10e chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à une petite amende pour coups et blessures ; s’agit-il d’une altercation politique ? (à vérifier…)

À partir du 4 octobre 1938, il travaille en qualité de compagnon-couvreur à la maison Defontaine, 60 rue Saint-André-des-Arts (Paris 6e). Il quitte cette place le 10 janvier 1939, sans que la police sache ensuite quelles sont ses activités.

En 1938, à la suite d’une grève (celle du 30 novembre ?), il est entendu au commissariat de Saint-Denis pour « entrave à la liberté du travail avec violences » ; affaire sans suite judiciaire.

Le 26 août 1939, dans le cadre du décret de mobilisation générale, âgé de 39 ans, il est affecté au 215e régiment régional, 22e compagnie de GVC (gardes voies de communication), cantonnée à Ablon (Seine-et-Oise).

Le 29 février 1940, Maurice Sigogne est déchu de son mandat par le conseil de préfecture de la Seine

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L’Œuvre, édition du 18 mars 1940.
Archives de la préfecture de police. Paris.

En avril 1940, alors que sa compagnie est cantonnée au Coudray-Montceaux (Seine-et-Oise), la censure militaire apprend par l’ouverture de son courrier qu’il est en relation avec « plusieurs indésirables astreints à résider au centre de séjour surveillé de Baillet ». Le chef d’état-major du gouverneur militaire de Paris s’informe à son sujet auprès du préfet de police, tout en indiquant que « ce militaire va faire l’objet d’une surveillance ». Maurice Sigogne est démobilisé au mois d’août et retrouve du travail aussitôt.

À son retour et pendant deux mois, sous l’occupation, il reste actif au sein du Parti communiste clandestin comme « agent de liaison du groupement local », diffusant tracts et journaux interdits. La police le considère effectivement comme un « agent actif de la propagande clandestine », ajoutant : « dangereux ».

Le samedi 5 octobre 1940, à 6 heures du matin, Maurice Sigogne est appréhendé à son domicile lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain à l’encontre des responsables communistes de la région parisienne avant-guerre (élus, cadres du PC et de la CGT), en application des décrets des 18 novembre 1939 et 3 septembre 1940 ; action menée avec l’accord de l’occupant. La perquisition effectuée à cette occasion chez Maurice Sigogne n’amène la découverte d’aucun document ou objet compromettant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 hommes sont rapidement placés en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940. Arch. dép. des Yvelines, (1W71).

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte
montrant les points d’impact après le bombardement
par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines, (1W71).

Le 15 octobre, son épouse écrit au directeur de la police judiciaire, sollicitant qu’on lui fasse savoir où il se trouve et l’autorisation de lui procurer le linge et les vêtements chauds qu’il n’a pu emporter.

Le 5 février 1941, le ministère de l’Intérieur demande au préfet de Seine-et-Oise, d’établir « confidentiellement » une liste de 250 internés du centre d’Aincourt, classés selon quatre catégories : « 1° Les agitateurs professionnels susceptibles de provoquer des actes de rébellion. 2° Les extrémistes qui se livreraient, à l’intérieur des camps, sous une forme ou sous une autre, à la propagande révolutionnaire. [etc.] » Maurice Sigogne est classé parmi les neuf hommes retenus dans la première catégorie, avec Édouard Beaulieu, de Montreuil-sous-Bois.

Le 7 mars, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Maurice Sigogne, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, n’émet aucun avis, se contentant du constat que cet interné est « violent dans ses lettres, le serait dans ses actes – communiste sûr, homme de confiance du parti », ajoutant en ce qui concerne son comportement à l’intérieur du camp : « communiste dangereux ».

À partir du 16 juillet 1941, un nommé Sigogne est envoyé dans la journée chez le docteur Armandon, d’Aincourt, pour y effectuer des travaux agricoles : est-ce lui ?

Le 6 septembre 1941, Maurice Sigogne est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Dix jours après leur arrivée, Clément His, d’Épinay, envoie une carte postale à un camarade resté à Aincourt pour donner des « nouvelles » de lui et de Sigogne : « … cela va bien dans notre nouveau camp, nous sommes libres toute la journée et nous voyons passer les trains, car nous sommes à 5 mètres de la gare et les gens du village viennent nous voir de l’autre côté des fils de fer barbelés. Enfin, on est bien comme on doit être dans un camp, et ce vieux Sigogne rigole bien le soir dans la baraque. Pour le moment, je suis à l’hôpital de Poitiers avec [six autres internés] Bonjour à tous les copains d’Épinay ». Le service de censure de l’administration d’Aincourt intercepte cette correspondance à l’arrivée. Le 20 septembre, le commandant du camp communique ces courriers et leurs transcriptions au cabinet du préfet de Seine-et-Oise pour suggérer le laxisme avec lequel est géré cet autre camp : «  la population parvient à communiquer avec les détenus », « 7 internés ont déjà quitté le camp de Rouillé pour l’hôpital de Poitiers. Même lorsque l’effectif du Centre d’Aincourt était de 700 internés, jamais le nombre d’hospitalisés n’a dépassé le chiffre de 3 ».

Le 9 février, Maurice Sigogne est parmi les 52 « communistes » (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 –Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Sigogne est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Maurice Sigogne est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46103 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Maurice Sigogne.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]).

En 1953, le directeur interdépartemental des anciens combattants et victimes de guerre écrit à la direction des renseignements généraux pour lui demander des informations permettant à la commission départementale des internés et déportés de la Résistance de statuer.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 357, 385 et 420.
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, édition CD-rom 1990-1997 : citant : Arch. dép. Seine, DM3 ; vers. 10451/76/1 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Archives départementales de Maine-et-Loire (AD 41), site internet, archives en ligne : état civil de Montreuil-Bellay, registre des naissances de l’année 1900, acte 36 (vue 67/186) ; registres matricules du recensement militaire, bureau de Cholet, classe 1920, 3e volume, n° 1275 (vue 326/405).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) ; cartons “occupation allemande” : camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; cabinet du préfet, dossier individuel de Sigogne Maurice (1 W 1544-87591).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (1w71, 1w74), révision trimestrielle (1w76), notice individuelle (1w153).
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1113 (31889/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-02-2017)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Épinay-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

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André SEVENS – 46102

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.  Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,  Oświęcim, Pologne.  Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

André, Lucien, Jules, Sévens naît dans la soirée du 28 décembre 1910 à Paris 14e, chez ses parents, Jean Louis Victor Sevens, 27 ans, comptable, et Henriette Exiga, trente ans, son épouse, domiciliés au 52, avenue d’Orléans. André est l’aîné de quatre enfants – dont Maurice, né le 26 juillet 1913 à Rosny-sous-Bois (Seine / Seine-Saint-Denis), et René – élevés par une mère veuve ; une enfance difficile lui donne très tôt le sens des responsabilités.

N’ayant pas les moyens de poursuivre ses études, André Sévens parvient à obtenir le diplôme d’expert comptable en suivant des cours du soir.

En 1928, il entre comme comptable-correspondancier au siège de la compagnie Mazda (Compagnie des Lampes), 25 rue de Lisbonne dans le 8e, où il devient délégué syndical.

Le 7 septembre 1929, à Champigny-sur-Marne (Seine / Val-de-Marne), André Sévens se marie avec Isis Hortense Chatillon. Ils auront deux enfants : Huguette et Jean.

À partir de 1937, la famille emménage au 71, rue de Grenelle à Paris 7e.

Adhérent à la cellule du Gros Caillou, André Sévens vend L’Humanité et autres périodiques sur la voie publique (il est titulaire d’un permis de colporteur) et participe régulièrement aux réunions et manifestations organisées par le Parti communiste.

Ardent défenseur des libertés, il contribue à la solidarité avec les familles espagnoles durant la guerre d’Espagne. La famille héberge notamment pendant six mois une petite orpheline espagnole.

Un de ses grands amis d’alors est Jacques Khan, qui participera au gouvernement du général de Gaulle.

De la classe 1930, recrutement de la Seine, 1er bureau, André Sévens est rappelé le 2 octobre 1939 au centre mobilisateur 211 à Coulommiers (selon sa famille, il est engagé volontaire). Démobilisé le 25 juillet 1940, et ayant de la famille en zone libre, il reste quelques semaines à Carpentras. Mais, ne pouvant demeurer inactif, il décide de remonter à Paris. Son frère René est prisonnier en Allemagne.À partir du 4 juin 1941, André Sévens s’engage dans la Résistance au sein du Front national [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], où il est plus particulièrement chargé de missions de transport et de diffusion de tracts, de journaux et de diverses publications.

Le 4 septembre 1941, à la suite d’une filature organisée par la police française sur la personne qui lui apportait les tracts, il est arrêté à son domicile en présence de sa femme et de ses deux enfants : Huguette, 11 ans, et Jean, 8 ans. La perquisition effectuée amène la découverte de « manuscrits reproduisant les textes d’émissions radiophoniques de Londres et de Moscou, destinés à être utilisés pour la confection de tracts ». Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, André Sevens est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Son frère, Maurice Sevens, porteur de journaux, alors domicilié chez leur mère, à Colombes, est arrêté dans la même affaire, le même jour, ainsi que deux autres militants.

André Sevens avait gagné le respect de son employeur qui vient témoigner en sa faveur à son procès. Et, au cours de son interrogatoire, il nie tous les faits qui lui sont reprochés. Bien que bénéficiant d’une ordonnance de non-lieu prononcée par le juge d’instruction faute de preuves suffisantes, il n’est pas libéré : le 25 novembre, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, en application du décret du 18 novembre 1939.

Son frère Maurice est condamné par la Cour spéciale à quatre ans d’emprisonnement et cent francs d’amende pour détention et diffusion de tracts, brochures et papillons communistes (avant le 7 janvier 1942).

Le 3 janvier 1942, André Sevens fait partie d’un groupe de 38 internés politiques (parmi eux, 16 futurs “45000”) et 12 “indésirables” (droit commun) extraits du du dépôt et transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne – 86). Ils sont conduits en car, sous escorte, jusqu’à la gare d’Austerlitz où les attend un wagon de voyageurs réservé (10 compartiments ; départ 7h55 – arrivée 18h51). À Rouillé, il devient un proche de Roger Pélissou, de Bagnolet.

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Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”,
vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne),
Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

En février 1942, Madame Sevens écrit à une autorité pour solliciter la libération de son mari.

Le 19 mai 1942, les services du chef du gouvernement, ministre secrétaire d’État à l’Intérieur écrivent à la préfecture de police. Leur attention ayant « été attirée sur le nommé » André Sevens, ils demandent à ce qu’on leur fasse « connaître, d’urgence, les raisons de la décision prise à l’encontre de l’intéressé, ainsi que [l’avis du préfet] sur l’opportunité d’une mesure de clémence à son égard ».
Le 22 mai 1942, André Sevens fait partie d’un groupe de 148 détenus (pour la plupart déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, André Sevens est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Sevens est enregistré au camp-souche Auschwitz sous le numéro 46102 (sa photo d’immatriculation a été identifiée par sa fille).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

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Portail du sous-camp de Birkenau, secteur B-Ia, semblable
à celui du secteur B-Ib par lequel sont passés tous les “45000”.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – André Sevens est dans la moitié du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” ; un contexte plus meurtrier (témoignage de R. Pélissou).

Il meurt à Birkenau le 10 mars 1943, selon les registres du camp ; peut-être du typhus (témoignage de R. Pélissou).

Le 30 juin 1945, Roger Pélissou adresse une lettre de réponse à ses proches pour confirmer son décès.

Arrêté le même jour que son frère, Maurice Sevens, est déporté depuis Compiègne le 22 mars 1944, dans un transport (1218 hommes) arrivé au KL Mauthausen le 25 mars. Il fait partie des 120 détenus transférés vers le Kommando de Wiener-Neudorf où lui-même est libéré le 22 avril 1945. Il décède en décembre 2004, à 91 ans.

Déclaré “Mort pour la France”, André Sevens est homologué comme “Déporté résistant”, n°1001.33571 (28-06-1962). Considéré comme sergent dans la Résistance intérieure française (certificat du 28-06-1950), il est cité à l’ordre de l’armée le 30 octobre 1963, distinction comportant l’attribution de la Croix de guerre 1939-1945 avec palme. Par arrêté du secrétaire d’Etat aux anciens combattants en date du 18 septembre 2002, la mention « Mort en déportation » est apposée sur l’acte de décès (J.O. 253, 29-10-2002).

En 1945, devenus orphelins et faute de moyens, les enfants Sevens ne purent continuer leurs études, comme l’aurait tant souhaité leur père. La famille est séparée.

En 1950, Huguette, sa fille, fait à 17 ans un premier mariage avec Henri Mathey, un cheminot. Fait prisonnier comme soldat en 1940, il s’est évadé en 1942 du camp disciplinaire de Rawa-Ruska en Galicie (Ukraine) et a obtenu de faux papiers à Lyon, par un réseau de la France Libre.

En 1958, veuve, Huguette contracte un second mariage avec Armand Touitou. Lui-même issu d’une famille juive, il passa son enfance dans un établissement recueillant les enfants juifs, où il put, malgré tout, poursuivre ses études.

Sources :

- Témoignage et documents de Huguette Touitou, sa fille (oct.-novembre 2006).
- Attestations de décès par Jean Marti (24-1-1946) et Roger Pélissou (24-1-1946).
- Attestation d’appartenance à la Résistance dans les rangs du PCF établi par la fédération de la Seine (20-03-1948).
- Attestation de André Hocdé, qui a lutté avec lui dans la résistance (25-11-1961).
- Attestation du liquidateur du Front national, n° 41783 (12-12-1961).
- FMD, Livre-Mémorial, tome II, page 313 (I.191).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 371 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : état civil du 14e arrondissement, registre des naissances, année 1910 (14N 457), acte n° 10425 (vue 3/6).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 0693-25155).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 169.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 13-09-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972 !).

[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]

Céleste SERREAU – 46101

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Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Céleste Serreau naît le 9 mars 1912 à Monthou-sur-Cher (Loir-et-Cher – 41), fils de Maurice Serreau et de Joséphine, née Barrault, son épouse. Il a trois sœurs, dont une née le 8 janvier 1919, et un frère, Romain.

À une date restant à préciser, Céleste Serreau se marie avec Andrée Vitel ; ils n’ont pas d’enfant.

Au moment de son arrestation, est domicilié rue Nationale [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] à Thésée (41), village voisin de Monthou, dans la région des cépages de Touraine.

Thésée : de gauche à adroite, la rue Nationale, la voie ferrée et le Cher.  Carte postale années 1950-1960. Collection Mémoire Vive.

Thésée : de gauche à adroite, la rue Nationale, la voie ferrée et le Cher.
Carte postale années 1950-1960. Collection Mémoire Vive.

Il est bourrelier (profession qu’il déclarera à Auschwitz : « Sattler »).

Après l’invasion allemande, le Cher matérialise la ligne de démarcation entre la zone Nord, occupée, et la zone Sud, dite “libre”.

Le 30 avril 1942, à Romorantin (41), cinq résistants communistes sont découverts par des soldats allemands alors qu’ils distribuent des tracts. Armés, ils ne se laissent pas arrêter et blessent les soldats dont un sous-officier qui succombe à ses blessures. Les mesures de représailles prévoient l’exécution immédiate de dix communistes, Juifs et de proches des auteurs présumés. Vingt autres personnes doivent être exécutées si au bout de huit jours les « malfaiteurs » ne sont pas arrêtés.

Des rafles sont opérées dans la ville et dans le département afin de pouvoir « transférer d’autres personnes vers l’Est, dans les camps de travaux forcés. »

Le lendemain, 1er mai, Céleste Serreau est arrêté comme otage avec d’autres habitants de Thésée (tel Camille Impérial, connu de la famille).

D’abord détenus à Orléans, ils sont transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Céleste Serreau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Comme la plupart de ses camarades, Céleste Serreau jette depuis le convoi un message qui parviendra à ses proches, indiquant qu’il part pour « une destination inconnue ».

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Céleste Serreau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46101 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Céleste Serreau.

Il meurt à Auschwitz le 17 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS (Sterbebücher) qui indique « Freitod durch Erhängen » : suicide par pendaison [2]. Cette cause “non naturelle” est très probable, car on imagine mal pourquoi les SS l’auraient inventée… Mais fut-elle volontaire – par désespoir – ou organisée par des kapos comme représailles contre un détenu, ou pour se “débarrasser” de lui ?

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Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne.
Droits réservés.

Déclaré “Mort pour la France”, Céleste Serreau est homologué comme “Déporté politique”.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Thésée, situé dans le cimetière communal, sur une plaque mentionnant quatre déportés dont trois “45000” (avec Camille Impérial et Serge Marteau) [3].

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Le monument aux morts de Thésée.
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Derrière les médaillons de Poilus,
une plaque avec les quatre déportés de Thésée
(à droite).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 19-10-2002).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 365 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, message à Dominique Mouteau, sa nièce (03-2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Archives départementales du Loir-et-Cher : fiche d’arrestation de Céleste Serreau, dossier 889 (1375 W 64) ; fichier alphabétique des déportés du CRSGM (56 J 5).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : XLIII-89 (télégramme non daté du Militärbefehlshaber in Frankreich (MbF), signé par Carl Heinrich vonStülpnagel.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 1 (Reports), page 226 ; tome 3, page 1106.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Bureau d’information sur les prisonniers : acte de décès au camp de Céleste Serreau (36349/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 41-Thésée, relevé de Sandrine Fleur-Curtil (2005).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Rue Nationale : rue principale du village, D. 176.

[2] Suicide par pendaison : sur les 68 864 hommes et femmes dont la mort au camp a été enregistrée entre fin juillet 1941 et fin décembre 1943, 119 suicides ont été notifiés, par pendaison ou électrocution sur les barbelés de l’enceinte (Freitod durch Erhängen / durch elektrischen Strom).

[3] Le quatrième déporté de Thésée est Désiré Marteau, né à Amboise (Indre-et-Loire) le 27 décembre 1897, déporté dans le transport de 1583 hommes parti de Compiègne le 27 janvier 1944 et arrivé au KLBuchenwald le 29 janvier (mat. 44354), affecté à Dora, au Kommando d’Ellrich où il succombe le 28 janvier 1945. C’est le convoi de Jorge Semprun (Le Grand Voyage, Gallimard, Paris 1963), de David Rousset et de Paul Rassinier… André Sellier, Livre Mémorial de la FMD, I. 173, tome 2, pages 94-95, 137.

 

[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]

André SEIGNEUR – 46100

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Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

André, Paul, Seigneur naît le 15 janvier 1909 à Saint-Augustin, près de Coulommiers (Seine-et-Marne), fils d’Albert Seigneur, charcutier, et de Cécile Hervillard, son épouse.

Titulaire du baccalauréat, il est secrétaire sténo-dactylographe.

En 1927, il s’engage pour quatre ans dans l’Infanterie coloniale, qu’il quitte avec le grade de sergent.

En 1931, il adhère au Parti communiste.Le 5 septembre 1932, un tribunal parisien le condamne à deux mois de prison pour violence à agents (il est cassé de son grade militaire).Le 13 février 1937,  à Paris 18e, il épouse Madeleine, Marie – dite Lily – Dutilleul, née le 8 septembre 1918 à Paris 10e, sténo-dactylo, fille d’Émile Dutilleul, membre de la direction du PCF, député d’Asnières (déchu en 1939), qui sera trésorier du Parti communiste, « officiellement » puis dans la clandestinité sous le nom de Meunier. Leur couple n’aura pas d’enfant.

André Seigneur exerce de nombreuses activités comme permanent (« fonctionnaire ») au sein du Parti communiste : membre de la cellule du 9e arrondissement, rédacteur aux Cahiers du Communisme, dirigeant de l’association touristique populaire Partir et participant à sa revue, animateur permanent du Secours Rouge International – qui devient le Secours Populaire au milieu des années 1930 -, secrétaire du Comité Thaëlmann et des antifascistes emprisonnés [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], jusqu’en 1935, puis du Comité Bilbao, créé pour venir en aide à l’Espagne républicaine. Sans être membre du comité central, il assiste à plusieurs de ses réunions.

À partir de janvier 1939, il n’exerce plus aucune responsabilité, ni au Parti, ni dans les organisations ou entreprises que celui-ci pourrait contrôler (dans une déclaration ultérieure à la police, son épouse déclarera que c’est pour désaccord avec la ligne politique). Durant un trimestre, André Seigneur est hébergé par son beau-père, puis par son propre frère René, domicilié au 25 bis, rue Érard, à Paris 12e.

Le 2 septembre 1939, André Seigneur est mobilisé suite à la déclaration de guerre. Le 18 septembre, il est affecté comme soldat de deuxième classe au 484e régiment de pionniers coloniaux. Après la signature du pacte germano-soviétique, il rompt officiellement avec le Parti communiste. Il est démobilisé le 10 août 1940 avec le grade de caporal et rentre à Paris deux jours plus tard.

Il rejoint alors son épouse dans un logement qu’elle a loué depuis janvier au 10, rue Félix-Faure, à Asnières. Plus tard, ils emménagent en hôtel au 31, rue Godot-de-Mauroy (Paris 9e), envisageant de louer un appartement. À partir du 1er décembre 1940, André Seigneur est inscrit au registre du Commerce de la Seine comme marchand-forain, propriétaire-gérant et rédacteur en chef du mensuel L’Informateur forain.

Puis il se lance officiellement comme négociant en gros de pâtes alimentaires, en relations d’affaires avec la Société des Pâtes Fermières, sise 39, rue de Paris, à Clichy. Pour cette activité, il loue un bureau au 87, rue Taitbout (Paris 9e), où il emploi officiellement comme secrétaire Robert Ligneul, ancien militant des jeunesses communistes. Pour d’autres tâches, il emploie comme deuxième secrétaire Jean-Jacques Y., ami d’enfance de Lily, ex-représentant en parfums.

Le 21 juin 1941, il loue – d’abord sous son propre nom – un « somptueux appartement » au 71, avenue Paul-Doumer à Paris 16e (75), à l’angle de la rue Nicolo, qu’il fait mettre ensuite au nom de Madame L., Henriette, masseuse à l’institut de beauté Élisabeth Arden, place Vendôme, épouse d’André L., directeur commercial d’une firme de confection de vêtements. Le deuxième secrétaire d’André Seigneur, Jean-Jacques Y., vient souvent dans cet appartement pour y suivre des travaux d’aménagement. André Seigneur loue également une chambre de bonne au 8e étage du même immeuble, qui lui sert de bureau, aménagée avec un divan deux places et une bibliothèque contenant des classeurs. Entre temps, au cours des mois de juillet et d’août, il est hébergé au 20, rue Chauchat (Paris 9e) par une amie d’Henriette L., Marie V., vendeuse aux Galeries Lafayette, dont le mari est prisonnier en Allemagne, et à laquelle il confie une serviette en cuir contenant des documents relatifs à son activité politique antérieure aux hostilités.

Vers septembre, Lily Seigneur passe un mois chez une tante à Nevers, « en raison de son état de santé ».

Le 12 octobre suivant, Lily Seigneur revient à Paris  avec Suzanne T., une jeune cousine de Nevers venue visiter la capitale avec elle. Quelques jours plus tard, elles s’installent dans une chambre de l’hôtel Excelsior, au 4, rue de Lancry (Paris 10e), Lily empruntant le nom de famille de la jeune fille afin d’éviter une éventuelle recherche de police. Son père, Émile Dutilleul lui a formellement interdit de militer au sein de l’organisation clandestine. Elle et son mari continuent à se rencontrer dans de nombreux cafés et restaurants parisiens. André Seigneur subvient toujours à ses besoins ainsi qu’à ceux de sa famille.

Vers le 16 octobre, une « information » parvient au service de la brigade spéciale des Renseignements généraux de la préfecture de police, signalant qu’André Seigneur aurait repris de l’activité au sein du parti communiste clandestin, en tenant des « conciliabules » dans un petit café à l’angle de la rue de Penthièvre, « près du cercle militaire » (Paris 8e), et également dans à la brasserie La Pépinière, située à l’angle de la rue de la Pépinière (n° 28) et de la place Saint-Augustin. Le 20 octobre au soir, des inspecteurs l’identifient dans cet établissement et entament une série de « surveillances et de filatures » à son égard et à celui des personnes avec lesquelles il est en relation. Les rapports de police montrent qu’il a de nombreux contacts et de multiples rendez-vous, parmi lesquels trois individus possédant chacun une automobile ; intense activité suspectée d’être une “couverture” pour un rôle d’agent de liaison entre différents centres communistes.

Quand André Seigneur apprend l’arrestation de son beau-père, Émile Dutilleul, il fait part à Robert Ligneul de sa crainte d’avoir des ennuis.

Le 30 octobre ou le 1er novembre 1941, le commissaire David et trois inspecteurs se rendent à son domicile officiel du 10, rue Félix-Faure, à Asnières.

Finalement, ils l’appréhendent avenue Paul-Doumer. Sont également arrêtés son épouse, la cousine de celle-ci, Robert Ligneul, Jean-Jacques Y., André et Henriette L., ainsi que Marie V. Tous sont mis à la disposition du commissaire de police principal des renseignements généraux (les propriétaires des automobiles, pourtant identifiés, ne semblent pas avoir été interrogés).

Au cours de son interrogatoire, André Seigneur affirme ne pas avoir participé à l’activité communiste clandestine depuis sa démobilisation, ou avoir été sollicité pour ce faire. Arrêté en possession d’une somme de 106 5000 francs, il explique qu’elle le fruit de ses activités de marchand forain et de négociant de pâtes Il ajoute qu’il détient également 450 000 francs confiés au titre d’avance sur marchandises au propriétaire de la Société des Pâtes fermières.

Les quelques documents saisis au cours des perquisitions opérées et les déclarations des personnes interpellées ne permettent pas aux inspecteurs d’établir la preuve d’une activité communiste clandestine. À la suite des auditions, six personnes sont relaxées : son épouse, la cousine de celle-ci, les époux L., Marie V. et son deuxième secrétaire. Sur la somme qui lui a été restituée, André Seigneur transmet 100 000 francs à Lily.

Les quelques documents saisis lors des perquisitions et les déclarations des personnes interpellées ne permettent pas aux inspecteurs d’établir la preuve d’une activité communiste clandestine. Six personnes sont relaxées, dont Lily Seigneur.

Le 2 novembre, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif d’André Seigneur et Robert Ligneul, « son secrétaire », à la demande de la B.S., certainement à cause de leur passé de militants communistes. Ils sont conduits au dépôt de la préfecture de police

Le 10 novembre 1941, André Seigneur et Robert Ligneul font partie d’un groupe de 58 militants communistes transféré au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne – 86).

Suite à sa relaxe, les inspecteurs continuent à surveiller Lily Seigneur, qui est alors hébergée « par intermittence » (dès avant le 22 octobre) par Émilienne Vonet, domicilié au 144, rue d’Avron (Paris 20e), épouse de Robert Vonet, arrêté le 19 janvier 1941 – avec Albert Bertolino – et condamné pour propagande communiste à 15 mois d’emprisonnement effectués à Fresnes. Selon la police, Lily Seigneur disposerait de fonds importants, se disant prête à acquérir une villa pour 2 à 300 000 francs, afin de se reposer.

Le 14 novembre, un journal collaborationniste fait paraître un article qui désigne nommément André Seigneur comme ayant eu entre les mains d’importants fonds du PCF, lorsque son beau-père, Émile Dutilleul, était trésorier de l’organisation.

Le 13 décembre, les services allemands de Sûreté aux armées demandent à la Délégation de la police nationale qu’André Seigneur soit provisoirement ramené à la Santé, afin de l’entendre sur des révélations utiles concernant des ressortissants de l’armée d’occupation et des civils français inculpés de trafics de marché noir (il est possible qu’aucune suite n’ait été donnée…).

Le 22 mai 1942 – avec 148 autres internés de la Seine qui seront pour la plupart déportés avec lui – il est remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduit au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Dans ce camp, il est tenu en suspicion par ses camarades en raison de sa rupture officielle avec le parti communiste.

Entre fin avril et fin juin 1942, André Seigneur est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, il est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46100 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard). Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartisdans les Blocks 19 et 20.

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Portail du sous-camp de Birkenau, secteur B-Ia, semblable
à celui du secteur B-Ib par lequel sont passés tous les “45000”.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – André Seigneur est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier). Là, il est interrogé au bureau de la Gestapodu camp (Politische Abteilung). Il est affecté à l’infirmerie comme aide-soignant.

Le 17 ou 18 mars 1943, il fait partie des dix-sept “45000” rescapés de Birkenau conduits à Auschwitz-I (en tout, 24 survivants sur 600 !).

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres
partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Fernand Devaux, rescapé, se rappelle qu’André Seigneur avait « des problèmes » avec Roger Abada, animateur du groupe français de résistance clandestine.
Le 12 décembre 1943, à la suite de l’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine. André Seigneur est de nouveau affecté comme aide-soignant, mais au sein du camp principal.

Le 3 août 1944, il est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert (selon Cl. Cardon-Hamet).

Le 28 août 1944, André Seigneur est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL [2] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés le 31 août (matricule 19892). Malgré l’évacuation de ce camp le 19 avril 1945, il y reste – avec Louis Faure et Léon Thibert – jusqu’à la libération de celui-ci, le 23 avril.

Le 31 mai 1945, André Seigneur regagne la France via le centre de rapatriement de Longuyon (Meurthe-et-Mozelle – 54). L’examan médical constate : pleurésie, broncho-pneumonie, furonculose, douleurs rhumatismales.

Le 6 juin 1952, se déclarant alors comme secrétaire, André Seigneur dépose une demande du titre de Déporté politique, indiquant comme motif de son arrestation : « reconstitution d’organisation dissoute, organisation d’un groupe clandestin dans le 9e arrondissement de Paris, d’action “mettant en cause la sécurité de l’occupant” » Parmi les documents fournis figure une attestation de la section « Épuration » de la préfecture de police datée du 21 octobre 1948 mentionnant son arrestation « pour activité patriotique clandestine ». André Seigneur semble envisager de présenter une attestation du secrétaire du Front national des fêtes foraines, mais cette mention est biffée. La commission départementale d’attribution de la Seine rend un avis favorable dès le 24 juin suivant. Le 15 décembre 1952, André Seigneur est homologué comme “Déporté politique” (carte n° 1101 03569).

Le 31 mars 1957, l’officier liquidateur du mouvement La France au Combat, agent n°1374 des services spéciaux de renseignements, BCRA, réseau Mithridate, certifie sur l’honneur qu’André Seigneur appartenait à ce mouvement à partir de juillet 1941 « en qualité d’agent de renseignements, de diffusion, propagande et liaison, chargé pour son secteur de procurer des faux papiers au soldats alliés évadés, à des Israélites pourchassés par la Gestapo et à des jeunes gens. Il avait contacté quelques jours avant son arrestation deux résistants actifs, MM. Ligneul et Mendelsohn, arrêtés et morts en déportation, auxquels il avait remis un paquet de journaux clandestins ainsi que cinq cent tracts ». Un autre ex-membre du mouvement certifie qu’André Ligneul a travaillé à ses côtés dans l’édition et le diffusion de tracts anti-allemand, imprimés à l’établissement Jean A., 18, rue Léopold-Bellan à Paris 2e (l’imprimeur lui-même le confirme). Un troisième membre de ce réseau certifie qu’André Ligneul a été arrêté le jour même où « il devait prendre livraison […] d’un important paquet de journaux clandestins et de tracts ».

Le 12 décembre 1958, André Seigneur, qui se déclare alors chargé de mission au Conseil municipal de Paris, dépose une demande du titre de Déporté Résistant, en s’appuyant sur les dépositions ci-dessus. La commission départementale d’attribution de la Seine rend un avis favorable le 11 juin 1959. Mais la commission nationale émet un avis contraire le 2 octobre 1954 : une demande d’information auprès des services de police ayant amené la découverte d’une demande de mise en liberté adressée au préfet de la Vienne, avec copie à la direction des Renseignement généraux de la préfecture de police, six mois après son internement au camp de Rouillé et contenant des « déclarations contraires à l’esprit de la Résistance » (note du 9 juillet 1949). Le 13 novembre 1959, André Seigneur dépose un recours gracieux contre cette décision auprès du ministre des Anciens combattants et victimes de guerre, niant avoir jamais écrit le document retenu contre lui et ajoutant qu’une demande de libération transmise par son épouse le 22 juin 1942 et enregistrée dans les archives de Brinon n’a pu être formulée « qu’à son insu ». Le 26 juillet 1960, le bureau du contentieux du ministère répond qu’il lui paraît impossible de revenir sur la décision de rejet, mentionnant, entre autres, que « les services rendus par André Seigneur n’ont pas été homologués par l’autorité militaire compétente au titre des F.F.C. des F.F.I. ou de la R.I.F. » Le 9 décembre suivant, Jacques Dominati, Conseiller général de la Seine, Rapporteur général de la Ville de Paris, intervient auprès du sous-Directeur des Statuts du ministère. Le 5 juin 1961, un examen de l’original manuscrit de la demande de libération est demandé à préfecture de la Vienne. Finalement, une note datée du 18 septembre 1962 conclut : « En l’état actuel du dossier, il serait vain d’espérer forcer la conviction de la Commission nationale […] et toute tentative en ce sens serait vouée à un échec certain ».

André Seigneur décède le 12 novembre 1987 à Paris 20e.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 90, 359, 373 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier statut) – Témoignages de rescapés du convoi : Gabriel Lejard (cassette et lettre), Victor Louarn, Henri Peiffer, Georges Marin, André Montagne – Attestation de M. Lesoeur : tracts imprimés 18, rue Léopold-Bellan à Paris 2e – État civil de la Mairie de Saint-Augustin.
- Jean Maitron, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, tome 41, p.211.
- Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dissolution du PC (BA 2447) ; dossiers de la BS1 (GB 51), dossier n° 447, « affaire Seigneur- Ligneul et autres », 23 octobre 1941.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier d’André Seigneur, n° 27.648, recherches de Ginette Petiot (message 05-2015).

- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 168.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-05-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Comité international pour la libération de Thaelmann (et des antifascistes emprisonnés), dit Comité Thaëlmann : créé à Paris en mars 1934 pour demander le libération du dirigeant communiste allemand Ernst Thälmann, arrêté le 3 mars 1933. Celui-ci sera exécuté au camp de concentration de Buchenwald le 18 août 1944 sur ordre d’Adolf Hitler. Avant guerre, le Comité Thaëlmann participe à la dénonciation des camps de concentration du Reich, préparant sur ce sujet en 1938 une exposition qui sera interdite par le gouvernement français. La même année, il édite une version abrégée et commentée du Mein Kampf (Mon combat) de Hitler afin d’informer sur les projets nazis.

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

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