Léon TARTASSE – 46130

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Léon, Eugène, Tartasse naît le 7 mai 1892 à Paris 7e, fils de Prosper Henri Tartasse, 33 ans, peintre en bâtiment, et de Jeanne Durand, son épouse, 32 ans, blanchisseuse, domiciliés au 196, rue de Grenelle (?) ; tous deux seront décédés au moment de son arrestation. Léon a – au moins – deux frères plus âgés : Prosper (comme leur père) Nicolas, né le 29 août 1883, et Georges, né le 15 septembre 1885, tous deux à Paris 7e.

Pendant un temps, leurs parents habitent au 12, rue Rosenwald (Paris 15e).

Lors de son passage devant le conseil de révision, Léon Tartasse habite chez ses parents au 33 rue Normande à Vanves (Seine / Hauts-de-Seine). Il est devenu peintre en bâtiment, comme son père.

À l’automne 1912, Léon Tartasse vit maritalement à cette adresse avec Philomène Grandguillot, née le 6 juin 1889 à Paris 15e, couturière. Le 2 octobre de cette année, celle-ci accouche à leur domicile de leur fille, Annette. La déclaration de naissance de celle-ci à la mairie de Vanves est également l’occasion pour Léon Tartasse, 20 ans, de reconnaître le premier enfant de sa compagne : Léon, Henri, né le 24 juillet 1911 à Paris 15e.

Le 10 octobre 1913, Léon Tartasse est incorporé au 45e régiment d’artillerie de campagne, à Orléans (Loiret), afin d’y accomplir son service militaire.

Puis la famille emménage au 10, rue des Panoramas au Kremlin-Bicêtre (Seine / Val-de-Marne – 94).

Le 2 mai 1914 à la mairie du Kremlin-Bicêtre, Léon Tartasse se marie avec Philomène Grandguillot, dont les deux parents sont décédés. Parmi les quatre témoins, Prosper Tartasse, frère de Léon, et Pierre Grandguillot, oncle de l’épouse. Ce mariage légitime la filiation de Léon Henri et d’Annette.

Le 30 mai 1914, Philomène accouche de leur troisième enfant, Eugène, au 177 boulevard de la Gare (Vincent-Auriol) à Paris 13e. Alors que le père est toujours “sous les drapeaux”, elle habite alors au 10, rue Jean-Nicot (Paris 7e).

La guerre est déclarée le 1er août 1914. Le 10 avril 1918, Léon Tartasse passe au 175e régiment d’artillerie. Le 16 août suivant, il passe au 209e R.A.C. Le 11 avril 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire au 18, rue Borromée à Paris 15e, où il habite avec sa famille pendant un temps.

Fin août 1925, la famille est installée au 16, villa des Gobelins (un lotissement) à Paray-Vieille-Poste [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine-et-Oise / Essonne – 91). Au printemps 1926, Léon Tartasse est ouvrier peintre pour la société Cornet et d’Orléans ; son fils Léon (15 ans) y est apprenti et sa fille Annette (14 ans) est apprentie chez Enger (?).

Le 8 avril 1933, à la mairie de Paray-Vieille-Poste, Annette Tartasse, âgée de 20 ans, épouse Alphonse Pinault.

En mai 1935, Léon Tartasse est élu conseiller municipal de Paray-Vieille-Poste sur la liste du Parti communiste, menée par Léon Bertrand. Selon la police, il fait alors office de « garde du corps » du maire.

Il est également secrétaire local du Secours populaire dans les années suivantes.

Au printemps 1936, les voies des lotissements ont reçu des noms : Léon, Philomène Tartasse et leur fils Eugène habitent désormais allée des Pervenches.

En 1937 et jusqu’au moment de son arrestation, Léon Tartasse est domicilié au 23, avenue Pierre-Curie (ou rue Pierre-et-Marie Curie) à Paray-Vieille-Poste.

Ses deux fils sont mobilisés en 1939-1940. Lors de la Bataille de France (15 mai-22 juin 1940), l’un d’eux sera fait prisonnier de guerre et conduit au Stalag 7A, en Allemagne.

Au début de 1940, Léon Tartasse est déchu de son mandat municipal.

Sous l’occupation, son métier l’amène à travailler au champ d’aviation d’Orly, réquisitionné par l’armée allemande (Lutwaffe).

Le 24 octobre 1940, le commissaire de police d’Athis-Mons complète une “Notice individuelle à remplir au moment de l’arrestation” concernant Léon Tartasse. Dans la rubrique des motifs, il indique : « A pris une part active aux diverses distributions de tracts qui ont eu lieu sur Paray-Vieille-Poste. Sa mise dans un camp de concentration [sic] ralentira considérablement ces distributions ».

Le 26 octobre (le même jour que Marcel Vaisse), Léon Tartasse est arrêté par la police française en application d’un arrêté du préfet de Seine-et-Oise. Le 2 novembre, il est interné administrativement au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Comme Auguste Taillade de Paray-Vieille-Poste, Léon Tartasse participe aux incidents contre les partisans de Gitton qui prêchent la “collaboration” à l’intérieur du camp.

Le 27 juin 1941, avec cinq autres Paraysiens, Léon Tartasse fait partie d’un groupe de 88 internés communistes de Seine-et-Oise – dont 32 futurs “45000” – remis aux “autorités d’occupation” et conduits à l’Hôtel Matignon, à Paris, – désigné comme siège de la Geheime Feldpolizei (?) – où ils rejoignent des hommes appréhendés le jour même dans les départements de la Seine-et-Oise et de la Seine par la police française en application d’arrêtés d’internement administratifs [2]. Tous sont ensuite menés au Fort de Romainville (sur la commune des Lilas, Seine /Seine-Saint-Denis), alors camp allemand, élément du Frontstalag 122. Considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp [3].

Sous l’Occupation, le bâtiment d’entrée du camp allemand était surmonté d’un mirador. Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive

Sous l’Occupation, le bâtiment d’entrée du camp allemand était surmonté d’un mirador.
Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive

Trois jours plus tard, les hommes rassemblés sont conduits à la gare du Bourget (93) et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Polizeihaftlager). Pendant la traversée de la ville, effectuée à pied entre la gare et le camp, la population les regarde passer « sans dire un mot, sans un geste. Tout à coup nous entonnons La Marseillaise et crions “Des Français vendus par Pétain” » [4]. Ils sont parmi les premiers détenus qui inaugurent ce camp créé pour les « ennemis actifs du Reich ».

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Le 3 février 1942, Madame Tartasse écrit à François de Brinon, ambassadeur de France, délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, 57 rue de Varenne à Paris, au nom de son propre son fils, prisonnier de guerre : « Mon fils me charge de vous supplier de gracier son père, je me joins à lui ». Interrogé sur cette demande le 25 mars, le préfet de Seine-et-Oise répond le 7 avril : « …doit être considéré comme un militant irréductible de base du Parti… ».

Le 25 mars, le préfet de Seine-et-Oise transmet au Conseiller supérieur d’administration de guerre [sic] de la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud une liste d’anciens internés d’Aincourt à la libération desquels il oppose un avis défavorable – « renseignements et avis formulés tant par [ses] services de police que par le directeur du centre de séjour surveillé » ; liste accompagnée de « notes » individuelles avec copie traduite en allemand, dont celle concernant Léon Tartasse qui indique : « Sincère dans ses convictions, il apporterait, libéré, dans la propagande de [son parti] toute sa foi et son activité ».

Début mai, Philomène Tartasse s’adresse cette fois-ci directement au maréchal Pétain, chef de l’État, pour solliciter la libération de son mari.

Timbre sur lequel le maréchal Pétain, chef de l’État français, remplace Marianne, symbole de la République.

Timbre sur lequel
le maréchal Pétain,
chef de l’État français,
remplace Marianne,
symbole de la République.

Le 30 juin, le sous-préfet de Seine-et-Oise répond au chef du secrétariat particulier du maréchal Pétain, 8 boulevard des Invalides à Paris 7e – qui l’a questionné le 18 mai -, en reprenant les termes déjà utilisés pour qualifier l’engagement politique de Léon Tartasse. Il ajoute qu’il a précisé toutefois aux autorités allemandes « que l’attitude actuelle au camp de Compiègne de l’intéressé pouvait être susceptible de motiver une révision de cette appréciation ».

Entre fin avril et fin juin 1942, Léon Tartasse a été sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Léon Tartasse est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46130 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [5]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Léon Tartasse.

Il meurt à Auschwitz le 10 août 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp ; un mois après l’arrivée de son convoi, le même jour que dix-neuf autres “45000”.

(aucun des cinq “45000” paraysiens n’est revenu)

Après la guerre, le Conseil municipal de Paray-Vieille-Poste a donné son nom à une rue de la commune. Celui-ci est également inscrit sur le monuments aux morts de Paray, situé dans le cimetière communal, comme résistant mort en déportation.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-10-1999).

Notes :

[1] Paray-Vieille-Poste : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les 88 internés de Seine-et-Oise. Le 26 juin 1941, la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud transmet au préfet du département de Seine-et-Oise – « police d’État » -, cinq listes pour que celui-ci fasse procéder dès le lendemain à l’arrestation de ressortissants soviétiques ou de nationalité russe ancienne ou actuelle, dont 90 juifs, et de républicains espagnols en exil, soit 154 personnes. La sixième catégorie de personnes à arrêter doit être constituée de «  Différents communistes actifs que vous désignerez  » (aucune liste n’étant fournie). Tous doivent être remis à la Geheime Feldpolizei, à l’Hôtel Matignon, à Paris.

Si aucun autre document n’atteste du contraire, c’est donc bien la préfecture de Seine-et-Oise qui établit, de sa propre autorité, une liste de 88 militants communistes du département à extraire du camp d’Aincourt.

Le 27 juin, le commandant du camp écrit au préfet de Seine-Et-Oise pour lui « rendre compte que 70 internés[du département] ont été dirigés aujourd’hui dans la matinée sur le commissariat central de Versailles et que 18 autres internés ont été dirigés dans le courant de l’après-midi à l’Hôtel Matignon à la disposition des Autorités allemandes d’occupation. Le départ de ces internés s’est déroulé sans incident. » Les listes connues à ce jour ne distinguent pas les deux groupes et réunissent les 88 internés.

Le 29 juin, l’inspecteur de police nationale commandant l’escorte conduisant le contingent de 70 détenus à Versailles, rend compte que le commissaire divisionnaire lui a ordonné de poursuivre son convoyage « jusqu’à l’Hôtel Matignon, à Paris, siège de la Geheime Feldpolizei. En passant à Billancourt, quelques internés du premier car ont montré le poing et des ouvriers qui allaient prendre leur travail ont répondu par le même geste. J’ai immédiatement donné des ordres aux gardiens pour que les internés rentrent leurs bras.

À mon arrivée à Paris, je me suis trouvé en présence d’une quinzaine de cars remplis de prisonniers ayant la même destination que les internés d’Aincourt et j’ai dû prendre la suite.

Le formalités d’immatriculation étant assez longues, j’ai dû attendre mon tour ; l’opération a commencé à 18 heures et s’est terminée à 19h15 ; je n’ai pu faire la remise que de 38 internés sur 88 venus d’Aincourt. En raison de l’heure, le chef de bureau de la Feldpolizei m’a fait savoir qu’il recommencerait l’immatriculation le lendemain matin à 8h15, d’avoir à revenir à cette heure-là. J’ai rassemblé les 50 internés restant dans les deux cars et ai libéré les camionnettes et les gardiens disponibles.

Je me suis aussitôt mis en rapport avec la préfecture de Seine-et-Oise afin de savoir où je devais conduire, pour passer la nuit, les 50 internés. Une heure après, je recevais l’ordre de les conduire au Dépôt, 4 quai de l’Horloge, et de continuer ma mission le lendemain matin. Cette formalité étant remplie, j’ai renvoyé les cars et le personnel à Versailles.

Le 28 juin, à 7 heures, j’ai continué ma mission qui a pris fin à 11 heures. Cette escorte s’est déroulée sans autre incident. »

[3] Arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, témoignage d’Henri Rollin : «  Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention «  communiste  », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[4] De l’Hôtel Matignon au Frontstalag 122 : témoignage de Marcel Stiquel (déporté au KL Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Son récit fait état de 87 internés (la liste en comporte 88) et d’un départ d’Aincourt étalé sur deux jours : les 27 et 28 juin 1941 (voir note ci-dessus).

[5] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin “Après Auschwitz”, n°21 de mai-juin 1948).

 

Sources :

- Nadia Ténine-Michel, notice dans le Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, t. 42, p. 46.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 380 et 421.
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 7e arrondissement à la date du 11-05-1892 (V4E 5996, acte n° 651, vue 23/31).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1W76, 1W80 (relations avec les autorités allemandes), 1W277.
- Liste des 88 internés d’Aincourt (domiciliés dans l’ancien département de Seine-et-Oise) remis les 27 juin 1941 à la disposition des autorités d’occupation, et liste Internés de Seine-et-Oise à la suite d’une mesure prise par le préfet de ce département, ayant quitté le centre d’Aincourt, copies de documents des AD 78 communiquées par Fernand Devaux (03 et 11-2007).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1238 (19370/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre d’appel avec la liste des détenus décédés.
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
- Site Mémorial GenWeb, 91-Paray-Vieille-Poste, relevé de Bernard Tisserand (2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-06-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Jean TARNUS – 46129

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Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Jean (dit « Jeannot » ?), Louis, Tarnus, naît le 7 mai 1914 à Bouligny, 35 km au nord-est de Verdun (Meuse – 55).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au Café du Peuple, rue d’Éton, à Dommary-Baroncourt (55), à trois kilomètres de son lieu de naissance, à l’ouest du bassin minier (fer) de Landres qui se prolonge en Meurthe-et-Moselle. Jean Tarnus est marié et a plusieurs enfants.

Il est mineur de fer.

C’est un militant communiste.

Jean Tarnus est arrêté entre le 22 et le 24 juin 1941, dans le cadre de l’Aktion Theoderic [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], parmi 34 militants communistes de la Meuse dont neuf futurs “45000”, et interné dans les jours suivants au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), Frontstalag 122 – Polizeihaftlager (il s’y trouve le 31 décembre 1941).

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Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne,
futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Il fait partie des militants que Georges Cogniot, doyen du camp pour l’administration du camp – et dirigeant de l’organisation communiste clandestine -, fait affecter aux cuisines pour garantir une distribution équitable de la nourriture ; il est dans l’équipe chargée de convoyer le pain, la margarine et la viande.

En juin 1942, quand s’organise l’évasion collective par le tunnel [2], Louis Eudier, chargé de la sécurité du projet, demande à Jean Tarnus de différer l’évasion individuelle à laquelle celui-ci se prépare. Selon les témoignages, il est un des mineurs de fer qui participe au creusement du tunnel.

Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Tarnus est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Tarnus est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46129 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Jean Tarnus est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Affecté au grand Kommando de la serrurerie (Schlosserei), dans les ateliers du camp – comme un certain nombre de “45000”, dont Raymond Montégut, Robert Lambotte, Auguste Taillade, Lucien Penner… – Jean Tarnus a la chance d’être bien vu de son chef d’atelier (Vorarbeiter).

Plus tard, il est affecté à la buanderie avec Roger Demerseman, ce qui leur permet d’organiser une solidarité “vestimentaire”, notamment avec les femmes “31000”.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier concernant Jean Tarnus…).

À la mi-août 1943, celui-ci est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient
les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage
de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Jean Tarnus est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés auKL [3] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matr. 19881).

On ignore le trajet suivi ensuite par Jean Tarnus, mais il est libéré et rapatrié.

Fernand Devaux le retrouve régulièrement à la Fête de L’Humanité.

Après sa retraite (à vérifier…), Jean Tarnus s’installe en Ardèche.

Il décède le 14 août 1981.

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] Ce tunnel a permis l’évasion de 19 militants syndicalistes (dont Georges Cogniot et André Tollet) dans la nuit du 21 au 22 juin 1942, peu avant le départ du convoi d’otages du 6 juillet.

[3] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 182, 214, 346 à 348, 359, 369 et 421.
- Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon (cote 1630, article 252).
- Louis Eudier (45523), Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945, imprimerie Duboc, Le Havre, sans date, pages 84 et 85, 90.
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du CDJC ; doc. IV-198.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-02-2011)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Géraud TARDIEU – (46128 ?)

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Droits réservés.

Géraud, Justin, Jean, Tardieu naît le 10 février 1905 à Paris 14e, chez ses parents, Jean Marie Tardieu, 45 ans, boulanger, et  Marie Bonnafous, 36 ans, couturière, domiciliés au 34 rue Pierre-Larousse.

Pendant un temps, Géraud Tardieu habite chez ses parents, alors domiciliés sentier du Val-Robert, à Fontenay-aux-Roses (Seine / Hauts-de-Seine), et commence à travailler comme boulanger.

Le 10 mai 1925, il est incorporé au 61e régiment d’artillerie de campagne hippomobile. Mais, le 7 juillet suivant, la commission de réforme de Metz le réforme temporairement n° 2  pour « instabilité cardiaque avec accélération au moindre effort chez un obèse ». Il est aussitôt « renvoyé dans ses foyers ». En avril 1926, la 3e commission de réforme de la Seine le classe “service auxiliaire” pour « faiblesse légère du myocarde, obésité précoce ». Le 8 juillet suivant, il est rappelé à l’activité militaire à la 22e section de commis et ouvriers d’administration (COA). Mais, le 3 août, la même commission prononce de nouveau sa réforme temporaire pour les mêmes motifs de santé. En mai 1928, cette commission prononce une réforme « définitive »…

Géraud Tardieu devient ouvrier du Livre. Le 3 janvier 1937, il entre comme clicheur à l’imprimerie du Journal Officiel, 33, quai Voltaire à Paris 7e. Militant au Syndicat du Livre CGT, il y est élu délégué du personnel, la direction ne lui connaissant qu’une activité syndicale.

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Géraud Tardieu au travail, nettoyant un cliché “plomb” de
rotative. Coupure d’un journal édité à la fin novembre 1938.
Collection José Martin.

Adhérent au PCF en 1936, Géraud Tardieu aurait effectué un voyage en URSS, selon une note de Roger Arnould. Il participe aux activités pour la défense de l’Espagne républicaine contre la rébellion du général Franco.

À partir de 1938 et jusqu’au moment de son arrestation, Géraud Tardieu est domicilié au 23, rue Roger-Salengro à Montrouge [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine).

Le 16 janvier 1940, la 3e commission de réforme de la Seine le classe bon pour le service armé en raison de son « bon état général » ; il est peut-être rappelé à la 22e COA…

Le 22 février 1941, à la mairie de Montrouge, il épouse Charlotte Héloïse Pompon, née le 19 avril 1903 à Paris 14e, coupeuse en chaussures, divorcée sans enfant ; eux-mêmes n‘en auront pas.

Le 7 mai 1941, Géraud Tardieu est surpris sur la voie publique par les agents du commissariat de police de la circonscription de Montrouge, en flagrant délit de distribution de tracts communistes. Il oppose « une résistance énergique » à cette interpellation, jetant ses imprimés à la face des policiers : vingt exemplaires de L’Humanité clandestine titrant « Vive le 1er mai », un numéro de La Vie Ouvrière et deux tracts intitulés « La vérité sur l’Union des Républiques socialistes soviétiques ».

Puis les policiers se rendent à son domicile pour y effectuer une perquisition au cours de laquelle sont découverts plusieurs tracts, journaux et brochures « de même nature » : dix-huit exemplaires du numéro spécial de La Vie Ouvrière de mars 1941, huit tracts intitulés Pour le salut du peuple de France, une brochure Jeunesse de France, deux brochures Le parti communiste a 25 ans, un Cahier du bolchévisme du 1er trimestre 1941, six brochures Histoire du parti communiste de l’URSS, diverses brochures intitulées Révolution et contre-révolution au 20e siècle, Vers la réalisation du communisme (cours n° 3), Staline, « le tout enveloppé dans un imperméable [que Charlotte Tardieu] avait tenté de soustraire aux recherches des policiers en le cachant sur le rebord extérieur de la fenêtre des WC ».

Celle-ci est également arrêtée et le couple est « mis à la disposition » de la brigade anticommuniste du commissariat. Le 8 mai, inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (propagande communiste), les époux Tardieu sont conduits au dépôt de la préfecture de police, à la disposition du procureur de la république. Après leur passage devant celui-ci, Géraud est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 5 juillet, trois prévenus comparaissent devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine, lequel condamne Géraud Tardieu à 8 mois d’emprisonnement. Son épouse est condamnée à 4 mois de prison avec sursis.

Géraud Tardieu est successivement transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne), puis à la Maison centrale de Clairvaux (Aube).

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 13 février 1942, le préfet de l’Aube reçoit des autorités d’occupation l’ordre le faire transférer avec cinq autres détenus – tous futurs “45000” – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ce transfèrement a probablement lieu le 23 février, comme pour Roger Le Bras.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Après sa propre libération, Monique Tardieu est entrée dans la clandestinité, devenant agent de liaison du PCF et vivant dans une planque du 13e arrondissement.

Elle sort clandestinement du camp de Compiègne beaucoup de messages confiés par des camarades de son mari, notamment ceux d’Angel Martin, de Vitry-Sur-Seine, dans la famille duquel elle va dîner.

Entre fin avril et fin juin 1942, Géraud Tardieu est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 5 juillet, Géraud Tardieu écrit une dernière lettre qui parviendra à ses proches.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Géraud Tardieu est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46128, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Géraud Tardieu se déclare également sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Géraud Tardieu.

Il meurt à Auschwitz le 27 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Son nom est inscrit (ses prénoms étant réduits aux initiales) sur une des plaques dédiées « aux Montrougiens morts pour la France… », situées dans le hall de la mairie.

Fin 1950, sa veuve complète et signe un formulaire du ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre (ACVG) pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant à son mari.

Vers novembre 1953, certainement déboutée de sa demande initiale, sa veuve complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté politique. Le 20 octobre 1954, la carte DP n° 11750 3436 lui est attribuée. Le 13 juin 1960, lui est délivré la carte de Combattant volontaire de la Résistance (n° 1018769).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-10-1999).

Notes :

[1] Montrouge : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 383 et 421.
- Informations réunies par José Martin, frère d’Angel Martin, de Vitry-sur-Seine, pour Roger Arnould (voir dédicace ci-dessous).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissance du 14e arrondissement, année 1905 (14N 368), acte n° 1276 (vue 18/31) ; registres matricules du recrutement militaire, classe 1925, 3e bureau de la Seine (D4R1 2559), n° 1373.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 741-28157) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1509-77981).
- Archives de Paris : registre du greffe du Tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 5 juin au 22 septembre 1941 (D1u6-5857).
- Archives départementales de l’Aube, site internet : (310W114).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1237 (37561/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 92-Montrouge, relevé de Claude Richard (08-2006).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Stanislaw TAMOWSKI – 46127

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Stanislaw Tamowski (« Tachek ») naît le 9 mars 1899 à Lodz (Pologne), « de nationalité russe », fils de Vicenty Tamowski et de Maryana Bentyn, son épouse.

En août 1924, il arrive en France, sans doute avec son frère aîné Vladyslaw, né en 1896 à Lodz, venu avec son épouse Régina et sa fille Barbara, née en 1923 à Lodz. La deuxième fille de ce couple, Jeny, naît en 1925 à Tours (Indre-et-Loire – 37).

Les deux frères seront employés par la Compagnie Générale de construction et d’entretien du matériel de chemin de fer (CGCEM), entreprise privée, à Saint-Pierre-des-Corps (37), commune implantée entre le Cher et la Loire. Ils peuvent avoir été embauchés par l’entreprise après le licenciement de deux mille employés en répression des grèves revendicatives menées par le personnel en janvier, février et avril 1920 afin d’obtenir une nationalisation des ateliers.

Ébéniste de profession, comme son frère, Stanislaw Tamowski travaille comme menuisier à la CGCEM.

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Saint-Pierre-des-Corps, vue générale des ateliers de la CGCEM. Carte postale “voyagée” en 1935, collection Mémoire Vive.

Saint-Pierre-des-Corps, vue générale des ateliers de la CGCEM.
Carte postale “voyagée” en 1935, collection Mémoire Vive.

Pendant un temps, il est domicilié avec son frère et la famille de celui-ci au 24 rue de l’Ouest, dans la cité CGCEM de Saint-Pierre-des-Corps.

Le 25 octobre 1926, à Saint-Pierre-des-Corps, Stanislaw se marie avec Alice, Jeanne, Coadou, née le 17 mai 1899 au Havre, fille d’un marin, elle-même mécanicienne et domiciliée au 204 rue de la Noue.

Stanislaw et Alice auront deux fils : Jean Vincent, né le 30 mai 1927 à Tours, et Michel Stanislaw, né le 7 avril 1934 à Saint-Pierre-des-Corps.

En 1936, les familles Tamowski sont voisines dans l’impasse de la Grande Cour à Saint-Pierre-des-Corps.

Cette même année 1936, la CGCEM devient la Compagnie Industrielle de Matériel de Transport (CIMT).

Sous l’occupation, Stanislaw Tamowski est actif dans la Résistance, membre du réseau Touraine (groupe d’André Chartier ?) sous le pseudonyme de “Charles”. Dans son atelier d’usine, il diffuse des tracts et des papillons invitant les ouvriers à ralentir la production et à saboter les pièces en fabrication. Lui-même détériore volontairement les tuyauteries en caoutchouc canalisant l’air comprimé. En allant reconnaître les lieux au préalable, il participe également à la préparation de sabotages sur les voies ferrée de Saint-Pierre-des-Corps (ligne de Bordeaux ?).

Le 29 juin 1941, le préfet d’Indre-et-Loire, « vu les renseignements portés à [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][sa] connaissance, desquels il résulte présomption du délit de propagande communiste à l’encontre » de 18 individus – dont les frères Tamowski -, requiert le commandant de gendarmerie et le commissaire de police  « de rechercher, tant par fouille au corps des sus-nommés que par perquisition en leur domicile, tous imprimés, documents ou objets de propagande communiste ».

Son frère Vladislaw est arrêté par la police française pour « menées communistes », puis interné administrativement au camp de Rouillé (Vienne).

Début février 1942, une sentinelle allemande en faction rue du Sanitas à Tours est “exécutée” par un résistant armé (Marcel Jeulin, 21 ans). Les autorités d’occupation font insérer dans le journal local, La Dépêche du Centre, un avis selon lequel des arrestations auront lieu, suivies d’exécutions et de déportations vers l’Est, si les coupables ne sont pas découverts.

Le 9 février, Stanislaw Tamowski est arrêté comme otage de représailles par des « agents de la Gestapo » et conduit au centre d’internement installé dans la caserne de l’ex-501e régiment de chars de combat. Quelques jours après, il est transféré à la Maison d’arrêt de Tours. Il n’est alors interrogé qu’une seule fois, de façon routinière. Ils sont dix soupçonnés d’activité communiste clandestine à subir le même sort, dont les jeunes André Marteau et Jacques Mazein, de Saint-Pierre-des-Corps…

Début avril, Stanislaw Tamowski est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Le 4 juin 1942, son frère Vladislaw est libéré. Il sera arrêté et emprisonné par les autorités allemandes de 19 août suivant (motif et suite restant à préciser…).

Entre fin avril et fin juin 1942, Stanislaw Tamowski est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Stanislaw Tamowski est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46127 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différentsKommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Stanislaw Tamowski est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).

Le 13 novembre, il est présent à l’infirmerie (Revier), où son nom est inscrit sur un registre. Le 17 novembre, dans la chambrée (Stube) n° 5 du “Revier” – où se trouve également Alexandre Varoteau -, il reçoit deux comprimé de Pyramidon (antinévralgique et antifébrile) et 40 gouttes de Cardiazol (stimulant circulatoire et respiratoire). Le 27 novembre, il reçoit encore deux comprimé de Pyramidon et 60 gouttes de Cardiazol.

Le 17 ou 18 mars 1943, il fait partie des dix-sept “45000” rescapés de Birkenau conduits à Auschwitz-I (en tout, 24 survivants sur 600 !).

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Stanislaw Tamowski est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Stanislaw Tamowski est alors affecté à la DAW (Deutsche AusrüstungsWerke, société SS, usine d’armement entre autres) où il est témoin du sabotage organisé par les détenus qui faussent les matrices des caisses de munitions (probablement y participe-t-il).

Le 3 août 1944, Stanislas Tamowski est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL [1] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août.

Le 29 octobre, il est parmi les onze “45000” transféré à Wansleben (Kommando de Buchenwald), une usine de potasse (matricule 93413).

Le 12 avril 1945, il est dans une des colonnes de détenus évacués de ce camp à marche forcée vers le nord de Halle. Il est libéré le 14 ou 15 avril 1945 entre les villages de Quellendorf et Hinsdorf, avec neuf autres “45000”.

Après son retour, Stanislaw Tamowski reprend « la propagande communiste » auprès de la colonie polonaise d’Indre-et-Loire comme animateur de deux associations, le Conseil national polonais et l’Organisation polonaise d’aide à la Patrie. En 1949, son frère Wladislaw retourne en Pologne.

Stanislaw Tamowski adhère à la FNDIRP avant octobre 1951.

Le 16 avril 1952, interrogé par la police, il témoigne de la disparition du jeune Jacques Mazein à Auschwitz.

Alice Tamowski décède le 4 juin 1976 à Sainte-Maure-de-Touraine (37).

Stanislaw Tamowski décède le 3 septembre 1978.

Notes :

[1] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 89, 283, 290, 359, 364 et 421.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, liste page 530.
- Archives départementales d’Indre-et-Loire, Tours : dossiers de la commission départementale des déportés et internés résistants, de Q à Z (50 W 35), dossier de Stanislaw Tamowski ; dossiers de M à Q (50 W 34), dossier de Jacques Mazein ; dossier résistance du Parti communiste clandestin (1877 W 3).
- Registre de l’infirmerie de Birkenau sur lequel sont inscrits les médicaments distribués aux détenus, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-12-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Dino TAMANI – (46… ?)

Dino Tamani naît le 9 avril 1914 à Joeuf (Meurthe-et-Moselle – 54), fils de François Tamani et de Marie Paganelli.

De 1934 à 1935, il effectue son service militaire dans une section d’infirmerie à Tunis.

Il est coiffeur dans la cité ouvrière de la Petite-Fin.

En 1936, il est syndiqué à la Fédération des coiffeurs. Selon une liste manuscrite de quarante-quatre internés établie ultérieurement par le chef du centre de séjour surveillé d’Écrouves, Dino Tamani “démissionne” de son syndicat à une date qui reste à préciser.

Pendant un temps, il est secrétaire des Jeunesses communistes d’Homécourt.

Le 25 juillet 1938 à Homécourt, il se marie avec Vanda Fojud. Ils ont un enfant.

Au moment de son arrestation, il est domicilié rue Victor-Hugo ou au 2, rue Pasteur à Homécourt (54).

Mobilisé le 26 août 1939, il est fait prisonnier le 4 juin 1940 à Dunkerque, mais libéré en raison d’une affection cardiaque.

Le 15 avril 1941, le préfet de Meurthe-et-Moselle signe un arrêté ordonnant son internement administratif à la suite d’une distribution de tracts communistes sur la commune d’Homécourt. Il est interné trente jours à la Maison d’arrêt de Briey. Il prend alors l’engagement de cesser toute activité politique et semble effectivement se tenir en retrait.

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Le nom de Dino Tamani figure – n°19 – sur une « liste communiquée le 19 (février ?) au soir à la KK (Kreiskommandantur) de Briey par le sous-préfet » pour préciser la nationalité de cinquante-trois hommes.

Il est arrêté comme otage dans la « rafle effectuée dans la nuit du 19 au 20 » février (rapport du préfet de la région de Nancy).

Mais c’est seulement le 5 mars que la police allemande le fait conduire au camp français d’Écrouves, près de Toul (54) pour l’intégrer au groupe des trente-neuf détenus transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Aussitôt, le sous-préfet de Briey intervient auprès du préfet de Meurthe-et-Moselle pour qu’au moins sept d’entre eux, dont Dino Tamani, ne soient pas considérés comme otages.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Le voyage dure deux jours. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Dino Tamani est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I)…

On ignore la date de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943.

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Homécourt (avec la date de l’état civil français « 15-01-1943 » [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1]).

Des treize déportés “45000” de la commune, seul Jacques Jung est revenu.

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :
– Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 368 et 421.
– Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
– Raymond Falsetti, amicale des familles de déportés de Homécourt (exposition et dossier).
– association Mémoire du Pays de l’Orne, bulletin Pagus Orniensis n°10, page 26.
– Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : cotes W1304/23 et WM 312 ; fiches du centre de séjour surveillé d’Écrouves (ordre 927 W) ; recherches de Daniel et Jean-Marie Dusselier.
– Site Mémorial GenWeb, relevé de Philippe Dezerville (01-2005).

MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 6-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]

René TALBOT – 46125

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René, Pierre, Talbot naît le 5 novembre 1905 au hameau de Sainte-Gertrude à Maulévrier (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] – 76), fils de Pierre-Albert Talbot, 25 ans, et de Françoise Lanée, son épouse, 25 ans, tous deux domestiques demeurant ensemble à Tourny (Eure). René a – au moins – un frère, Robert, né le 19 avril 1910.

Le 20 février 1917, le père – précédemment réformé n° 2 pour tuberculose pulmonaire – est dispensé de la visite du conseil de révision comme père de cinq enfants

Le 5 novembre 1927, à Barentin (76), René Talbot, alors contremaître d’usine, se marie avec Léonne Marie Alphonsine Duschesne, née le 2 janvier 1904 à Autretot, ouvrière d’usine. Tous deux sont alors domiciliés au 10, rue du Jute, chez les parents de Léone. Ils ont deux enfants : un garçon né vers 1926  et une fille née vers 1935 (respectivement âgés de 15 et de 6 ans en décembre 1941).

Au moment de son arrestation, René Talbot est domicilié rue du Maréchal Galliéni, au Trait (76), en bord de Seine, 25 km à l’ouest de Rouen (un document indique rue Petites-Nantes).

René Talbot est ouvrier métallurgiste, ajusteur aux Ateliers et chantiers de la Seine-Maritime (ACSM), chantier naval du Trait, comme son frère Robert. Et, comme celui-ci, René Talbot est membre de la CGT et du Parti communiste avant 1939. Néanmoins, il n’a aucune activité de propagande et quitte peut être l’organisation avant la déclaration de guerre.

Mobilisé comme sergent en septembre 1939, il est fait prisonnier de guerre et envoyé en Allemagne. Mais il est libéré le 5 avril 1941 à la demande de la direction du chantier naval, où il reprend son emploi.

Le 20 ou 21 octobre 1941, en pleine nuit, René Talbot est arrêté par la police française à son domicile, très brutalement ; comme otage selon la mairie du Trait, ou pour distribution de tracts anti-allemands selon sa fille.

À une date restant à préciser, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Enregistré sous le matricule n° 2041, il est assigné pendant un temps au bâtiment A 2 (ou 12 ?).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 11 mars 1942, son frère Robert est arrêté à son domicile par la Feldgendarmerie pour possession d’un fusil de chasse caché dans sa cave et conduit au Palais de Justice de Rouen ; il aurait été dénoncé, les soldats allemands ayant fouillé directement à l’endroit où se trouvait l’arme (aucune munition n’est trouvée lors de la perquisition…).

Entre fin avril et fin juin 1942, René Talbot est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Talbot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46125, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Talbot est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 4.

Il meurt le 4 août 1942 à Auschwitz, d’après plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp ; quatre semaines après l’arrivée de son convoi. Malade, il aurait été achevé à coups de crosse dans un caniveau, selon un rescapé.

René Talbot est déclaré “Mort pour la France” en 1963. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-10-1999).

Son frère, Robert Talbot, condamné pour détention d’arme par un tribunal militaire allemand siégeant en zone occupée, a été envoyé, sur ordre du Commandement militaire de Paris, purger sa peine de détention sur le territoire du Reich. Le 19 avril 1943, il a été déporté vers la prison (Gefängnis) de Kaiserslautern, transféré ensuite à celle de Bayreuth, puis vers les travaux forcés (Zuchthaus) de Rheinbach et de Siegburg. Il a été libéré dans cette dernière prison le 10 avril 1945.

Un des beaux-frères de René Talbot semble avoir été aussi victime de la répression.

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Le camp de Royallieu, sous contrôle militaire allemand, a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 421.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Seine-Maritime, réalisée à Rouen en 2000, citant : Témoignage de son épouse, 3/5/1992 – Questionnaire rempli par sa fille, Madame Sauzereau, 6/6/1992 – Témoignage d René Demerseman, du Trait, 9/1990 – Mairie du Trait (26/5/1992).
- Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (1977 ?).
- Archives départementales de Seine-Maritime, site internet, archives en ligne : registre d’état civil de Maulévrier-Sainte-Gertrude, année 1905 (4E 16287), acte n° 30 (vue 18/30).
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département : cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Rob à Z (51 W 421), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1236 (18740/1942).
- Concernant Robert Talbot : Thomas Fontaine, Laurent Thiery, in Livre-Mémorial de la FMD, tome 1, pages 845 et 846, 850, I.96. Les départs des prisons de zone occupée vers celles du Reich, en avril 1943.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-05-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Auguste, Pierre, TAILLADE – 46124

Auguste, Pierre, Taillade, dit « Pierrot », naît le 17 janvier 1905 à Tassin-la-Demi-Lune, agglomération de Lyon (Rhône), fils de Pierre Taillade, 40 ans, terrassier, et d’Élisabeth, née Charlat, 39 ans, son épouse, domiciliés route de Saint-Bel.

Le 24 mai 1924 à Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne), Auguste, Pierre, Taillade se marie avec Philomène, Fanchon, Péjoux, née le 30 octobre 1902 au lieu dit L’Hôpital à Ydes (Cantal), fille d’un mineur de charbon. Ils ont deux filles : Pierrette, née en 1924 à Vitry, et Renée, née en 1929 à Draveil.

Pendant un temps, le couple est hébergé par les parents de Philomène au 137, rue Faidherbe à Vitry ; le père de celle-ci, Jean Péjoux, est devenu maçon, comme l’est Auguste en 1926.

En 1927, la famille s’installe au 74, rue Eugène-Delacroix à Draveil-Champrosay [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine-et-Oise / Essonne). En 1931, la situation s’est inversée : c’est au tour d’Auguste et Philomène d’héberger les parents de celle-ci, ainsi qu’un de ses neveux, Louis Péjoux, né en 1924 à Albert (Somme). Cette année-là, Auguste Taille est forgeron chez Pelosi.

Serrurier de formation, Auguste Taillade devient cantonnier municipal, puis contremaître sapeur-pompier.

Militant communiste, il est secrétaire de la cellule “Danton” de Draveil, secrétaire adjoint de la section locale du PCF, « très écouté par la population laborieuse » de la ville, selon la police.

À une date restant à préciser, il est élu conseiller municipal de Draveil.

Quand le Parti communiste est interdit à l’automne 1939, il conserve sa carte d’adhérent. Refusant de rendre publique une rupture politique, il est probablement déchu de son mandat électoral.

Le 30 décembre 1939, à la suite d’une distribution de tracts, il est arrêté par des agents du commissariat de Montgeron pour reconstitution du Parti communiste. Un gendarme de la brigade de Draveil ou de Vigneux est venu l’en avertir la veille, mais il refuse de s’enfuir, craignant des représailles sur sa famille. Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e) en attendant de comparaître devant le 1er tribunal militaire de Paris. Devant le capitaine chargé de l’instruction, il aurait «  juré sur tout ce qu’il avait de plus cher qu’il n’était plus communiste et qu’il était même anticommuniste ».

Après un signalement transmis le 2 février 1940 par un inspecteur de police spécial (RG ?) au préfet de Seine-et-Oise, Auguste taillade est suspendu de son emploi municipal.

En mai-juin 1940, au cours de la Débâcle, les prisons parisiennes sont évacuées vers le Sud, en convoi. Au cours d’un bombardement sur la Loire, Auguste Taillade réussit « à prendre le large » [dixit l’administration] et revient à Draveil. Il y reprend son métier de serrurier.

Le 25 juillet, il est surpris en plein jour sur la place de la mairie à Draveil distribuant des tracts communistes, L’Humanité clandestine. Mais la procédure judiciaire ne peut être engagée, car aucun tract n’a été retrouvé pour servir de preuve (égaré par l’administrateur provisoire de la commune de Draveil…).

Le 26 octobre, le commissaire de police de Montgeron remplit le formulaire de “Notice individuelle à établir au moment de l’arrestation”. À la fin de la rubrique “résumé des motifs” le fonctionnaire conclue : « Sujet incorrigible, dangereux pour l’ordre public ».

Le 24 novembre 1940, le préfet de Seine-et-Oise signe un arrêté ordonnant l’assignation à résidence sur le territoire de leur commune de domicile de 1097 « individus dangereux pour la Défense nationale et la sécurité publique », selon les termes du décret du 18 novembre 1939 ; parmi ceux-ci, Auguste Taillade. Le même jour, le commissaire de police de Montgeron remplit un nouveau formulaire de “Notice individuelle…”, sur lequel est ajouté aux “motifs” : « Sera appréhendé et conduit au camp d’Aincourt à la suite de distribution de tracts communistes sur le territoire de la commune de Draveil (application des prescriptions de l’arrêté préfectoral du 19/10/1940) » [2].

Le 6 décembre suivant, Auguste Taillade est de nouveau arrêté par des policiers du commissariat de Montgeron. Le 8 décembre, le préfet de Seine-et-Oise signe l’arrêté ordonnant son internement administratif.

Auguste Taillade est conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.

Sanatorium d’Aincourt. Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante

Sanatorium d’Aincourt. Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy-Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante

Le 23 février, Philomène Taillade écrit au préfet de Seine-et-Oise pour lui « soumettre certains faits odieux » « pour qu’ils cessent ». En effet, la police d’État vient de perquisitionner son domicile au cours de l’après-midi « ce qui fait la cinquième fois depuis novembre ».

À Aincourt, comme Léon Tartasse, de Paray-Vieille-Poste, plusieurs incidents opposent Auguste Taillade aux “gittonistes” qui ont constitué un groupe Ouvrier et Paysan collaborationniste à l’intérieur du camp, avec l’appui du directeur qui souhaite briser l’organisation communiste clandestine.

Ainsi, le 3 juin 1941, Pierre Taillade préside « une sorte de tribunal » ayant convoqué un ancien militant de Draveil pour lui faire « connaître que s’il adhérait au mouvement gittoniste (ce qu’il a fait du reste) il serait jeté à l’eau à son arrivée à Draveil ». Cet interné rapporte la menace au commandement du camp. Lequel adresse un procès-verbal au « procureur de la République de Mantes concernant l’incident survenu entre les internés [H.] Marcel et Taillade ».

La correspondance d’Auguste Taillade est censurée à plusieurs reprises, ce qui permet à la direction du camp de relever dans un de ses courriers : « Travail, famille, patrie… En fait de famille, on la détruit en jetant les pères de famille en prison ou dans les camps. C’est ce qui s’appelle aussi l’union de la Nation… ».

Le 27 juin 1941, Auguste Taillade fait partie d’un groupe de 88 internés communistes de Seine-et-Oise – dont 32 futurs “45000” – remis aux “autorités d’occupation” et conduits à l’Hôtel Matignon, à Paris, – alors siège de la Geheime Feldpolizei – où ils sont rejoints par d’autres détenus, arrêtés le même jour et les jours suivants dans le département de la Seine [3]. Tous sont ensuite menés au Fort de Romainville (sur la commune des Lilas, Seine / Seine-Saint-Denis – 93), élément du Frontstalag 122. Considérés comme étant en transit, ils ne sont pas inscrits sur les registres du camp [4].

Trois jours plus tard, les hommes rassemblés sont conduits à pied à la gare du Bourget (93) et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Polizeihaftlager). Pendant la traversée de la ville, effectuée à pied entre la gare et le camp, la population les regarde passer « sans dire un mot, sans un geste. Tout à coup nous entonnons La Marseillaise et crions “Des Français vendus par Pétain” » [5]. Ils sont parmi les premiers détenus qui inaugurent ce camp créé pour les « ennemis actifs du Reich ».

Dix mois plus tard, le 5 mai, le préfet de Seine-et-Oise transmet au Conseiller supérieur d’administration de guerre [sic] de la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud une liste d’anciens internés d’Aincourt à la libération desquels il oppose un avis défavorable – « renseignements et avis formulés tant par [ses] services de police que par le directeur du centre de séjour surveillé » ; liste accompagnée de « notes » individuelles avec copie traduite en allemand, dont celle concernant Auguste Taillade, sur laquelle est mentionné un « avis très défavorable ».

Entre fin avril et fin juin 1942, Auguste Taillade est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

À la veille du départ, à 19 heures, alors que les internés sélectionnés sont entassés dans un bâtiment isolé (« Il y a autour de moi un bruit intenable »), il rédige une lettre pleine d’affection pour son épouse, qui sera postée le lendemain à la gare de Compiègne et parviendra à destination. Il y précise que les partants ont été « pris » le matin, qu’il part avec André Rousseau, de Draveil, alors que Huido et Ruppé (?) restent au camp.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Auguste Taillade est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46124 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un interrogatoire individualisé, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Auguste Taillade est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Affecté au grand Kommando de la serrurerie (Schlosserei), dans les ateliers du camp – comme un certain nombre de “45000”, dont Raymond Montégut, Robert Lambotte, Lucien Penner, Jean Tarnus… – il est bien vu de l’Oberkapo pour avoir « magistralement forgé un éléphant » et est mieux nourri que ses camarades.

Le 15 avril 1943, il est toujours inscrit comme forgeron sur la liste de la Schlosserei. Mais, étant tuberculeux depuis son internement dans les camps français et perdant le moral, il est emporté par la maladie après avoir été admis au Block 20 – celui des contagieux – de l’hôpital d’Auschwitz.

Auguste Taillade meurt à Auschwitz le 27 avril 1943, selon plusieurs registres du camp.

Le 20 septembre 1951, un jugement du tribunal civil de Corbeil (Seine-et-Oise), le déclare décédé « vers le 15 avril 1943 » à Auschwitz.

Auguste Taillade est homologué dans la Résistance Intérieure française (RIF) au titre du Front national [6] avec le grade fictif de sergent, ses services étant reconnus à partir de 1940.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-10-1999).

Philomène Taillade décède à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) le 20 janvier 1985.

Notes :

[1] Draveil : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’arrêté préfectoral du 19 octobre 1940 :


CABINET du PRÉFET de SEINE-et-OISE

Versailles, le 19 octobre 1940

Le PRÉFET de SEINE-et-OISE, OFFICIER de la LÉGION d’HONNEUR,

Vu le décret-loi du 26 septembre 1939 ;

Vu la loi du 3 septembre 1940 ;

Considérant que la diffusion de tracts est interdite par les ordonnances des autorités d’occupation et par les lois françaises et qu’elle est, à ce double titre, illégale ;

Considérant que ces tracts sont d’inspiration communiste et que leur diffusion ne peut avoir lieu qu’avec la complicité de militants du parti, ainsi que l’ont prouvé de nombreuses perquisitions domiciliaires ;

ARRÊTE :

Article 1er. – Toute découverte de tracts à caractère communiste sur le territoire d’une commune du département de Seine-et-Oise entraînera l’internement administratif immédiat d’un ou de plusieurs militants communistes notoirement connus résidant sur le territoire de cette commune, sans préjudice des poursuites judiciaires dûment engagées.

Article 1er. – MM. le Secrétaire Général de la Préfecture pour la Police, les Sous-Préfets, le Directeur de la Police d’État, le Chef d’Escadron, Commandant la Compagnie de Gendarmerie de Seine-et-Oise, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté.

Fait à Versailles, le 19 octobre 1940.

Le PRÉFET de SEINE-et-OISE, signé : Marc CHEVALIER

Pour ampliation, Le Sous-Préfet, Directeur du Cabinet.


[3] Les 88 internés de Seine-et-Oise. Le 26 juin 1941, la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud transmet au préfet du département de Seine-et-Oise – « police d’État » -, cinq listes pour que celui-ci fasse procéder le lendemain à l’arrestation de ressortissants soviétiques ou de nationalité russe ancienne ou actuelle, dont 90 juifs, et de républicains espagnols en exil, soit 154 personnes. La sixième catégorie de personnes à arrêter doit être constituée de «  Différents communistes actifs que vous désignerez  » (aucune liste n’étant fournie). Tous doivent être remis à la Geheime Feldpolizei, à l’Hôtel Matignon, à Paris.

Si aucun autre document n’atteste du contraire, c’est donc bien la préfecture de Seine-et-Oise qui établit, de sa propre autorité, une liste de 88 militants communistes du département à extraire du camp d’Aincourt.

Le 27 juin, le commandant du camp écrit au préfet de Seine-Et-Oise pour lui « rendre compte que 70 internés[du département] ont été dirigés aujourd’hui dans la matinée sur le commissariat central de Versailles et que 18 autres internés ont été dirigés dans le courant de l’après-midi à l’Hôtel Matignon à la disposition des Autorités allemandes d’occupation. Le départ de ces internés s’est déroulé sans incident. » Les listes connues à ce jour ne distinguent pas les deux groupes et réunissent les 88 internés.

Le 29 juin, l’inspecteur de police nationale commandant l’escorte conduisant le contingent de 70 détenus à Versailles, rend compte que le commissaire divisionnaire lui a ordonné de poursuivre son convoyage « jusqu’à l’Hôtel Matignon, à Paris, siège de la Geheime Feldpolizei. En passant à Billancourt, quelques internés du premier car ont montré le poing et des ouvriers qui allaient prendre leur travail ont répondu par le même geste. J’ai immédiatement donné des ordres aux gardiens pour que les internés rentrent leurs bras.

À mon arrivée à Paris, je me suis trouvé en présence d’une quinzaine de cars remplis de prisonniers ayant la même destination que les internés d’Aincourt et j’ai dû prendre la suite.

Le formalités d’immatriculation étant assez longues, j’ai dû attendre mon tour ; l’opération a commencé à 18 heures et s’est terminée à 19h15 ; je n’ai pu faire la remise que de 38 internés sur 88 venus d’Aincourt. En raison de l’heure, le chef de bureau de la Feldpolizei m’a fait savoir qu’il recommencerait l’immatriculation le lendemain matin à 8h15, d’avoir à revenir à cette heure-là. J’ai rassemblé les 50 internés restant dans les deux cars et ai libéré les camionnettes et les gardiens disponibles.

Je me suis aussitôt mis en rapport avec la préfecture de Seine-et-Oise afin de savoir où je devais conduire, pour passer la nuit, les 50 internés. Une heure après, je recevais l’ordre de les conduire au Dépôt, 4 quai de l’Horloge, et de continuer ma mission le lendemain matin. Cette formalité étant remplie, j’ai renvoyé les cars et le personnel à Versailles.

Le 28 juin, à 7 heures, j’ai continué ma mission qui a pris fin à 11 heures. Cette escorte s’est déroulée sans autre incident. »

[4] Arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, témoignage d’Henri Rollin : «  Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention «  communiste  », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[5] De l’Hôtel Matignon au Frontstalag 122 : témoignage de Marcel Stiquel (déporté au KL Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Son récit fait état de 87 internés (la liste en comporte 88) et d’un départ d’Aincourt étalé sur deux jours : les 27 et 28 juin 1941.

[6] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972 et toujours existante).

Sources :

- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Les Editions de l’Atelier/Les Editions Ouvrières, CD-rom 1990-1997.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 182, 380 et 421.
- Georges Lanoue, Henri Rossignol, Martine Garcin : site internet Caractères draveillois.
- Sachso, Amicale d’Orianenburg-Sachsenhausen, Au cœur du système concentrationnaire nazi, Collection Terre Humaine, Minuit/Plon, réédition Pocket, mai 2005, page 36 (sur le transfert depuis Aincourt des 88 de Seine-et-Oise, fin juin 1941).
- Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
- Christophe Bernet, son arrière-petit-fils, petit-fils de Pierrette Taillade, fille d’Auguste Taillade, message téléphonique (06-2009), documents numérisés transmis par messagerie.
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt :  bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise (1W69, 1W76, 1W77, 1W80) ; relations avec les autorités allemandes (1W155), notice individuelle (1W277).
- Liste des 88 internés d’Aincourt (domiciliés dans l’ancien département de Seine-et-Oise) remis les 27 juin 1941 à la disposition des autorités d’occupation, et liste Internés de Seine-et-Oise à la suite d’une mesure prise par le préfet de ce département, ayant quitté le centre d’Aincourt, copies de documents des AD 78 communiquées par Fernand Devaux (03 et 11-2007).
- Archives nationales : correspondance de la Chancellerie (BB18 7047, 2B2 3260).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1235 (19152/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-10-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Antoine SUE – 46261

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Prisonnier de guerre à l’été 1940.  © BAVCC, Caen.

Prisonnier de guerre à l’été 1940.
© BAVCC, Caen.

Antoine, Jean-Baptiste, Sue (peut-être orthographié Süe) naît le 17 février 1902 à Anor (Nord – 59) à proximité de Fourmies et à la limite Sud-Est du département avec celui de l’Aisne, fils d’Antoine Sue et d’Élisabeth Baudin. Antoine Sue a (au moins) deux sœurs plus âgées.

Pendant un temps, il habite dans le quartier de la Verrerie (au n° 5 ?), à Hirson (Aisne), à 8 km de son village de naissance.

Le 29 octobre 1921, à Hirson, Antoine Sue se marie avec Marthe Desmasures, née le 23 janvier 1902 dans cette ville. Leur fils, Pierre Antoine, est né le 11 octobre 1921.

Le 1er janvier 1922, Antoine Sue adhère à la CGT.

Le 6 décembre 1923, il entre à la Compagnie des Chemins de fer du Nord (qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF). Il est ouvrier ajusteur au dépôt d’Hirson.

En mai 1924, il adhère au Parti communiste. Il habite alors un baraquement du quartier Godon (Alfred Godon, maire d’Hirson en 1891 et 1892).

En mai 1926, Antoine Sue est délégué syndical de son entreprise au titre de la CGT. Il est domicilié dans le baraquement 39 de la rue Legros prolongée.

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Hirson. Dépôt des machines de la SNCF. En haut à droite,  de l’autre côté des voies, la cité des Champs-Élysées.  Carte postale éditée après guerre (la rotonde a été achevée en 1958). Collection Mémoire Vive. D.R.

Hirson. Dépôt des machines de la SNCF. En haut à droite,
de l’autre côté des voies, la cité des Champs-Élysées.
Carte postale éditée après guerre (la rotonde a été achevée en 1948). Collection Mémoire Vive. D.R.

Marthe, sa première épouse, décède le 22 juin 1927.

Le 30 août 1930, à Hirson, Antoine Sue épouse en secondes noces Simone Marchandise, née le 11 mai 1905 à l’hôpital Brisset, déjà mère de Jacques (Marchandise), né le 16 avril 1927.

À partir de 1936 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée dans un petit pavillon au 125, boulevard de Metz à Hirson (Aisne – 02), dans la cité cheminote des Champs-Élysées, jouxtant la gare de triage et construite par la Compagnie des chemins de fer de l’Est.

En mai 1927, Antoine Sue devient secrétaire adjoint de la section d’Hirson du Parti communiste. Avant-guerre, il en est secrétaire et membre du Comité fédéral de l’Aisne. Il est candidat du PCF à plusieurs élections locales.

Lors de l’interdiction du parti communiste en septembre 1939, il cache les documents de la section.

À la même époque, il déclare mettre fin à son engagement communiste (selon sa réponse aux Allemands), mais continue d’être délégué syndical.

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Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.  Collection Mémoire Vive.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.
Collection Mémoire Vive.

Le 28 septembre, le commissaire de police d’Hirson procède à une perquisition à son domicile qui amène la découverte d’« une boîte nécessaire à imprimer et de timbres en caoutchouc », déposés ensuite au greffe du tribunal de Vervins

Mobilisé entre septembre 1939 et juin 1940, Antoine Sue est fait prisonnier de guerre et détenu dans un camp du Stalag IV (C, à Wistritz bei Teplitz, à 46 km au sud de Dresde, installé en centre ville, dans une ancienne usine de porcelaine ?). Mais son statut de cheminot permet sa libération et il est rapatrié en mai 1941 (circonstance à vérifier…).

Convoqué par la police française après son retour, il est informé qu’il est tenu responsable de toute diffusion de propagande communiste à Hirson. « La menace était claire : Sue allait vivre alors en otage de la police. C’était simple, le marché consistait à échanger sa liberté contre le silence des communistes. » (Gazette de la Thiérache n° 3861).

Sous l’Occupation, Hirson se trouve à l’intérieur de la “zone interdite”.

Après son retour d’Allemagne, Antoine Sue reçoit de Paul Doloy, cheminot de Tergnier et agent de liaison sur le département, une valise de tracts : L’Appel de Maurice Thorez et Jacques Duclos, daté du 10 juillet 1940. Il en commence la diffusion dans les jours suivants avec quatre camarades d’Hirson, bientôt rejoints par d’autres, d’abord en ville, puis dans les cités SNCF de Batavia, des Champs-Élysées (quartiers d’Hirson) et de Buire (commune voisine).

Dans la nuit du 29 au 30 août a lieu à Hirson, particulièrement dans la cité des cheminots des Champs Élysées et de Buire, ainsi que dans les lavabos des ateliers et sur les voies du dépôt SNCF, une importante distribution de tracts et d’un numéro spécial de L’Humanité intitulé « Hitler a attaqué l’Union Soviétique ». Dès le lendemain, la section de gendarmerie française de Vervins, brigade d’Hirson, aidée de la Feldgendarmerie, mène une enquête restée sans résultat, puis perquisitionne chez deux militants communistes connus. Au domicile d’Antoine Sue, les gendarmes découvrent deux tampons en caoutchouc – un pour le secrétariat du Syndicat unitaire des travailleurs des chemins de fer d’Hirson, un autre pour le secrétariat du 4e rayon d’Hirson de la SFIC, portant faucille et marteau -, une pâte à polycopier avec deux flacons d’encre, non déclarés, diverses brochures du PCF datées d’avant guerre, des listes du personnel de divers dépôts SNCF, une lettre écrite le 2 mai 1941 par Armand Dumange, cheminot de Busigny, pour inciter Antoine Sue à faire distribuer les tracts qu’il vient de lui adresser. Ce dernier est gardé à vue. Bien que le commandant de gendarmerie constate qu’« aucun fait de propagande ouverte ne peut lui être imputé », le préfet de l’Aisne prévoit de prendre une mesure d’internement en exécution de son arrêté du 16 décembre 1940 « portant réglementation de la vente par les fabricants-marchands, grossistes ou détaillants, de tout matériel ou objets pouvant être employés à la confection de circulaires et tracts ronéotypés. »

Le 5 septembre suivant, Antoine Sue est officiellement arrêté par la Feldgendarmerie sur ordre du tribunal de la Feldkommandantur 602 de Laon (02) « pour non-remise de tracts communistes ». Il est conduit au quartier allemand de la Maison d’arrêt de Saint-Quentin (à vérifier…).

Le 20 septembre, le commissaire principal du commissariat spécial des renseignement généraux de Laon écrit au préfet de l’Aisne pour lui transmettre une liste des « communistes notoires actuellement présents » dans plusieurs localités « et qui semblent continuer leurs agissements antinationaux ». Suivent 104 noms, dont 29 pour Hirson, 27 pour l’agglomération de Chauny/Tergnier/La Fère/Beautor, 19 pour Soissons et 12 pour Château-Thierry, ce qui désigne ainsi les bastions communistes du département. Antoine Sue est inscrit parmi les militants d’Hirson, avec la mention de son arrestation.

Le 25 novembre, sur demande du secrétaire d’État aux communications, le préfet de l’Aisne signe un arrêté prononçant le licenciement d’Antoine Sue de la SNCF en application de la loi du 14 (ou 24) octobre 1941.

Entre temps, le tribunal de la Feldkommandantur transfère son dossier à la juridiction pénale de Laon ; c’est probablement alors qu’il est écroué à la Maison d’arrêt de la ville. Mais le tribunal le relaxe, car les documents saisis à son domicile ne présentent pas un motif de poursuite suffisant. Néanmoins, il n’est pas libéré : le 26 décembre, le préfet de l’Aisne signe un arrêté ordonnant qu’Antoine Sue soit interné administrativement au camp français d’Écrouves près de Toul (Meurthe-et-Moselle – 54) ; mesure effective le 2 janvier 1942 (?).

Le 6 janvier 1942, Antoine Sue figure sur une liste de six otages – avec Charles Del Nero et Marcel Gouillard – pour lesquels la Feldkommandantur de Laon transmet des informations au chef du district militaire A, installé à Saint-Germain-en-Laye.

Le 28 mai, Antoine Sue est transféré à la Maison d’arrêt de Nancy (à vérifier…).

Vers le 19 juin, la Feldkommandantur 591 de Nancy (54) demande le transfert au camp de Compiègne de l’otage Antoine Sue, considéré comme un « communiste notoire » (expression généralement utilisée par la police française).

À une date restant à préciser (début juillet ?), le cheminot est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Antoine Sue a été sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Antoine Sue est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46261 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

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Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Antoine Sue est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.En effet, le 25 octobre – en même temps que celui de René Deslandes -, son nom est inscrit sur le registre des malades admis au Block 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I avec la mention « K.L. Birkenau ». Il est assigné à la chambrée (Stube) n° 2.

[/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Antoine Sue meurt à Auschwitz le 8 novembre 1942, selon une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, et où est inscrit le matricule n° 46261, précisant qu’il arrive du Block 20 (ce local de regroupement temporaire des cadavres est situé au sous-sol du Block 28), précisant qu’il arrive du Block 20.

Après la Libération, la SNCF réintègre Antoine Sue (« repris en compte le 20 décembre 1941 ») avec rappel de solde à la date de son arrestation ; il est possible que salaire et primes aient été versés à sa veuve.

Le nom d’Antoine Sue est inscrit sur le monument aux morts d’Hirson, ainsi que sur la plaque dédiée aux « Agents SNCF tués par faits de guerre (1939-1945) » apposée dans la gare d’Hirson, et sur une stèle au dépôt d’Hirson, situé sur la commune de Buire (02).

Par sa délibération du 2 novembre 1945, modifiée le 27 février 1961, le Conseil municipal d’Hirson donne le nom d’Antoine Sue à une nouvelle rue montant vers l’ancienne basilique Saint-Thérèse. Elle est inaugurée, avec d’autres, le 21 mai 1961.

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© Michel Briset, IHS CGT 02.

© Michel Briset, IHS CGT 02.

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© Michel Briset, IHS CGT 02.

© Michel Briset, IHS CGT 02.

Construite en 1927 en lisière du stade des Champs-Elysées et initialement baptisée « Eldorado », la salle des fêtes d’Hirson est rebaptisée salle Antoine Sue en 1949. Le bâtiment, désaffecté pour des raisons de sécurité, est détruit en 2008.

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Le stade des Champs-Élysees et la salle de fêtes. Carte postale. Collection archives municipales d’Hirson.

Le stade des Champs-Élysees et la salle de fêtes. Carte postale. Collection archives municipales d’Hirson.

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La salle Antoine Sue, un jour d’activité. © Archives municipales d’Hirson.

La salle Antoine Sue, un jour d’activité. © Archives municipales d’Hirson.

Antoine Sue est titulaire de la Croix de combattant volontaire de la Résistance à titre posthume.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 7-01-2004).

Simone Sue décède à Hirson le 22 octobre 1963, âgée de 58 ans.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 360 et 421.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000 : reproduction et traduction de la fiche d’otage d’Antoine Sue (CDJC, XLIV-2), cahier d’illustrations entre les pages 128 et 129.
- Alain Nice, La guerre des partisans, Histoire des Francs-tireurs partisans français, Histoire de la Résistance ouvrière et populaire du département de l’Aisne, édition à compte d’auteur, janvier 2012, pages 23, 27-29, 35-36, 109. (commande à adresser à Alain NICE – 9 rue de la Tour du Pin – 02250 BOSMONT-SERRE).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), doc. XLIV-17 et XLIV-18.
- Archives départementales de l’Aisne (AD 02), Laon, dossiers du commissariat régional aux Renseignements généraux, surveillance des communistes (SC11276).
- Archives de la SNCF, « renseignements sur des agents sanctionnés pour communisme ou activité anti-nationale, licenciés par application des lois du 18 septembre, 23 octobre 1940 et 20 mars 1941 », relevé par Hervé Barthélémy, de l’association Rail & Mémoire (message 01-2014).
- Archives du personnel de la SNCF, Béziers, dossier de retraite, recherches de Thomas Fontaine (message 02-2014).
- Ville d’Hirson, archives municipales, délibération municipale et autres documents, recherches de Brigitte Gille, transmises à Michel Briset, de l’IHS CGT 02.
- Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (Archiwum Państwowego Muzeum Auschwitz-Birkenau – APMAB), Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), pages 150 et 152 du registre du Block 20 de l’hôpital, page 9 du registre de la morgue.
- Site Mémorial GenWeb, 02-Hirson, relevés de Bernard Roucoulet (2001), de Didier Mahu (09-2012) ; Buire-02, relevé de Jacques Seynaeve (09/2005).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

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Moses STURM – 46310

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Moses, Israël, Sturm naît le 21 octobre 1899 à Storozynetz (Ukraine).

Naturalisé français, il est domicilié à Bruxelles ou à Anvers – en néerlandais : Antwerpen – en Flandre (Belgique) ; à vérifier…

Il est monteur-électricien.

Sous l’occupation, il est arrêté en tentant de quitter la France et interné au camp de Savigny, en Haute-Savoie (74).

Il s’en évade avec Hartwig Goldschmidt, d’Anvers, et tente avec lui de retourner en Belgique. Sans papiers, tous deux sont pris dans le train Dijon-Lille en gare de Joinville (Haute-Marne – 52). Le 19 mars 1942, ils sont jugés par le tribunal allemand de Chaumont (52) puis écroués dans la prison de la ville.

À une date restant à préciser, les deux hommes sont internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Moses Sturm est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Il est sur la liste des hommes déportés comme otages juifs.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Moses Sturm est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46310 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

[/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Moses Sturm.

Il meurt à Auschwitz le 1er août 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp ; trois semaines après l’arrivée de son convoi.

JPEG - 140.7 ko
Le Mémorial de la Shoah, au 17 rue Geoffroy-l’Asnier à Paris 4e.
À gauche, panneau du Mur des noms pour les déportés
de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés
depuis l’achèvement du mur
 » (janvier 2005).
De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942
y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.
JPEG - 43.7 ko
Inscrit sur le Mur des noms…

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 66, 390 et 421.
- Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 49.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrit, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1193 (17829/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, moteur de recherche du site internet.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]

Albert STOLTZ – (46123 ?)

Albert, Charles, Stoltz naît le 11 novembre 1905 à Mulhouse-Dornach (Haut-Rhin), fils d’Albert Stoltz, ouvrier d’usine, et de Caroline Scleich, son épouse.

Le 22 septembre 1928, à Belfort (Territoire de Belfort), Albert Stoltz fils se marie avec Marcelle, Julie, Grime, née le 22 septembre 1903, ouvrière d’usine. Ils ont un fils, né le 10 juillet 1931.

Au moment de son arrestation, Albert Stoltz est domicilié au 15, rue de la Poissonnerie à Belfort (Territoire de Belfort).

Il est ajusteur à l’usine Alsthom de Belfort.

Il est adhérent du Parti communiste.

Sous l’occupation, il reste actif dans la clandestinité, faisant partie du groupe de Charles Grosperrin et diffusant des tracts et des journaux à l’intérieur de son entreprise. Son épouse ignore le détail de ses activités.

Fin avril, un jeune membre du groupe est arrêté en flagrant délit de distribution de tracts au café Espagnol, faubourg des Vosges à Belfort. Au cours de son interrogatoire, il met en cause Albert Stoltz.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1941, celui-ci fait le guet pour des camarades traçant une (ou plusieurs) inscription(s) sur la chaussée.

Le lendemain, il est arrêté dans son jardin, à Pérouse, 3 km à l’est de Belfort, par la police municipale de Belfort. Charles Grosperrin est arrêté le même jour. Le 24 juillet suivant, le tribunal correctionnel de Belfort condamne Albert Stoltz à un an d’emprisonnement et 100 francs d’amende, et Charles Grosperrin, par contumace (?) [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], à trois ans de prison et 300 francs d’amende « pour reconstitution d’association politique ». Albert Stoltz est aussitôt écroué à la maison d’arrêt de Belfort, puis transféré le 16 octobre à la maison d’arrêt d’Épinal. Début mai 1942, à l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré, mais remis sur leur demande aux autorités allemandes qui l’internent au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il y est enregistré sous le matricule n° 5306.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Albert Stoltz est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Albert Stoltz est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46123 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Albert Stoltz est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I., selon le témoignage de camarades rescapés.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

À la mi-juillet, son épouse reçoit la carte-formulaire envoyée aux familles par l’administration militaire du Frontstalag 122 – rédigée en allemand – pour les informer que leur parent détenu « a été transféré dans un autre camp pour travailler. Le lieu de destination ne nous est pas connu, de sorte que vous devez attendre des nouvelles ultérieures… ».

On ignore la date de la mort d’Albert Stoltz à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943 [2].

Il est le seul déporté “45000” du Territoire de Belfort.

Le 12 février 1947, le tribunal de Belfort prononce, pour l’état civil, un jugement déclarant qu’Albert Stoltz est décédé en Allemagne en juillet 1942 « date de la déportation ».

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Belfort, situé dans le square du Souvenir.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 29-11-2003).

Notes :
[1] Charles Grosperrin, né en 1904 à Bonnétage (Doubs), peintre en bâtiment, ayant habité en région parisienne au cours des années 1930, peut-être démissionnaire du PCF en 1937, puis revenu à Belfort. Il s’est évadé de prison le 26 juin 1941 (avant son procès ?). Après Marseille, le Var, Dijon, Troyes (interrégional pour l’Aube, la Marne, la Haute-Marne et l’Yonne), il est arrêté à Aubervilliers le 19 octobre 1942. Condamné à mort le 16 février 1943 par le tribunal allemand du Gross Paris,  il est fusillé le 26 février 1943 au Mont-Valérien (source : Jean-Pierre Besse, site du Maitron en ligne).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.


Sources :

– Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 380 et 420.
– Site Mémorial GenWeb, 90-Belfort, relevé de Philippe Tovena (2000-2002).

MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 29-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]

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