Ferdinand THIAULT – 46138

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© Photo association Déville d’Hier.

Ferdinand, Marcel, Thiault naît le 12 janvier 1888 à Rueil [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine-et-Oise / Hauts-de-Seine), fils d’Urbain Thiault, 23 ans, jardinier, et de Marie Tissay, son épouse, 31 ans, cuisinière, domiciliés au 5, boulevard des Ormes.

En octobre 1889, ils sont domiciliés à Louveciennes (Seine-et-Oise / Yvelines). En avril 1890, Urbain et Marie Thiault sont domiciliés au 20 Quai National à Puteaux (Seine / Hauts-de-Seine – 92). Ils y sont recensés sans leur fils en 1891 (?) ; cette année-là, Urbain Thiault se déclare comme buraliste. En avril 1898, celui-ci est domicilié au 48 ou 98 rue, ou route, de Neuilly à Neuilly-sur-Seine (92). En janvier 1899, il déclare habiter au 64 rue des Arts à Levallois-Perret (92). Le 21 décembre 1902, il est domicilié au 2 avenue Thiers au Raincy (Seine-et-Oise / Seine-Saint-Denis). Début août 1904, il déclare habiter au 2-4 rue Saint-Germain à Sartrouville (Seine-et-Oise / Yvelines).

Pendant un temps, Ferdinand Thiault habite chez son père, veuf (depuis une date restant à préciser), au 2, rue de la Gare, à Sartrouville et commence à travailler comme cuisinier-pâtissier.

Le 28 février 1906, à la mairie de Rochefort (Charente-Inférieure / Charente-Maritime), âgé de 18 ans, Ferdinand Thiault devance l’appel au service militaire et s’engage pour cinq ans comme apprenti canonnier au 4e dépôt des équipages de la Flotte. Le 10 août suivant, il passe apprenti-marin. Le 14 avril 1907, il passe matelot de 3e classe. Le 13 décembre suivant, il passe au 11e régiment d’infanterie coloniale, cantonné à Saïgon (Cochinchine / Viêt Nam). Le 2 juin 1909, le conseil de guerre de Saïgon le condamne à deux ans de prison pour « outrages envers des supérieurs pendant le service et bris de clôture », jugement exécutoire le jour même, mais à compter du 11 mars précédent. Le 10 septembre 1910, il est gracié du restant de sa peine. Le 29 juillet 1911, il passe à la section spéciale de Saint-Florent du 163e régiment d’infanterie, à la base ouest du Cap Corse (Haute-Corse). Manquant à l’appel du 7 août suivant, il est déclaré déserteur une semaine plus tard. Le 23 août, il est arrêté par la gendarmerie de Cauro, dans la montagne 20 km à l’est d’Ajaccio (Corse du Sud) ; après un trajet d’au moins 160 km. Le 7 novembre, le conseil de guerre de la 15e région le condamne à trois ans de forteresse, à compter du 22 août précédent, pour « désertion à l’intérieur avec emport d’effets ». Le 22 juin 1912, le conseil de guerre de la division militaire d’Alger le condamne à cinq ans de travaux publics pour « outrages envers un supérieur, coups et blessures commis avec préméditation et guet-apens ». Le 19 octobre 1913, il passe à la section spéciale de répression du 173e régiment d’infanterie (Haute-Corse). Le 17 mai 1915, un décret le gracie du restant de sa peine avec effet immédiat. Deux jours plus tard, il passe à la section spéciale de répression du 6e régiment d’infanterie, sur la petite île Madame (Charente-Inférieure / Charente-Maritime). Le 31 octobre, le conseil de guerre de la 18e région le condamne à huit ans de travaux publics pour outrages envers un supérieur pendant le service, refus d’obéissance sur un territoire en état de guerre, exécutoire le 6 novembre pour compter du 17 septembre.
Le 6 avril 1916, étant détenu à l’atelier de travaux publics d’Orléansville – aujourd’hui Chlef, entre Alger et Oran – (au nord de l’Algérie), il est condamné par le 1er conseil de guerre permanent de la division militaire d’Oran à une peine de six ans de prison, pour « vol simple, disparition d’effets et rébellion envers les agents de la force publique dans l’exercice de leurs fonctions ». Le 10 février 1918, il passe à la section spéciale de Calvi (Corse) du 173e R.I., où il est incorporé le 17 mars. Le 9 décembre 1919, il est écroué au pénitencier militaire (bagne, “Biribi”) d’Aïn-Beïda, sur les hauts plateaux des Sebkhas (1000 m d’altitude), dans le département de Constantine (au nord-est de l’Algérie). Amnistié par la loi du 29 avril 1921, Ferdinand Thiault est “élargi” le 22 mai suivant et dirigé sur le 46e régiment d’infanterie, cantonnant à l’école militaire de Paris. Le 2 juin, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire au 4, rue des Grandes-Bordes à Corbeil [2] (Seine-et-Oise / Essonne) ; il a 33 ans…

Le 22 juillet 1922, à Sotteville-les-Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [3] – 76), Ferdinand Thiault se marie avec Laure Tassu, 21 ans, née en 1901 à Ry (76). Trois jours plus tard, le 25 juillet, il déclare habiter 7 rue des Fossés-Louis VIII à Rouen, chez Monsieur Moutier.

Ferdinand et Laure Thiault auront cinq enfants, parmi lesquels Jean, né en 1923 à Rouen, et dont le dernier naîtra en 1940.

À la mi janvier 1924, la famille habite au 117, rue Lafayette, quartier de Saint-Sever à Rouen.

En juillet 1925, ils demeurent au 646, rue de Dieppe, à Déville-les-Rouen, à l’ouest de l’agglomération de Rouen (76).

Ferdinand Thiault est devenu ouvrier métallurgiste. Le 1er octobre 1925, il entre à l’usine de la Compagnie Française des Métaux – CFM – à Déville-les-Rouen, où l’on fabrique des tubes d’acier sans soudure ; ancienne « usine à plomb » dite « Le Plomb ».

Déville-les-Rouen. L’usine de la Compagnie des Métaux de Déville. Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Déville-les-Rouen. L’usine de la Compagnie des Métaux
de Déville. Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

En janvier 1928 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée dans la cité de la CFM, au 5, avenue Fauquet, à Déville-les-Rouen (là où la Clérette se jette dans le Cailly).

Au moment de son arrestation, Ferdinand Thiault se déclare comme chauffeur : wattman, il conduit le petit train et ses wagonnets qui transportent les tubes produits par l’usine vers la gare de Maromme, commune limitrophe.

Maromme, la gare dans les années 1900. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Maromme, la gare dans les années 1900.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Membre de la direction du Syndicat CGT des Métaux de Rouen – dont Roger Bonnifet est secrétaire -, Ferdinand Thiault est également un militant communiste.

Selon la mémoire familiale, il parle sept langues et en écrit cinq. Ses enfants se souviennent de l’avoir vu cacher dans une lessiveuse les nombreux livres qu’il avait écrit, pour enfouir le tout ensuite dans son jardin.

Pendant la drôle de guerre, il est surveillé par la police qui le considère comme le remplaçant politique de Bonnifet, lui-même mobilisé.Le 29 février 1940, le chef d’état-major de la 3e région mobilisée écrit au commissaire spécial de police de Rouen, « chef de secteur de contre espionnage », pour lui signaler que des tracts communistes seraient distribués à la porte de la CFM de temps en temps le soir, à la sortie de 19 heures. Le commissaire spécial suspecte Ferdinand Thiault d’avoir pris une part active à cette distribution de tracts, « à des camarades sûrs, de la main à la main », dont la teneur est inconnue. Le 6 mars, le commissaire spécial écrit au général commandant la 3e région pour lui apporter quelques informations supplémentaires : la distribution a été effectuée à la rentrée des ouvriers à 13 h 30. « Des allées et venues de militants communistes ayant été remarquées au café Greverend, 211 route de Dieppe à Déville-les-Rouen, une discrète surveillance sera exercée afin de connaître si cet établissement est bien le lieu où se réunissent les militants de l’ex-parti communiste de cette dernière localité », ceci, dès la prochaine distribution de tracts ou de convocations. Dans la nuit du 16 au 17 mars, une diffusion de tracts a lieu sur le territoire de la commune. Le 20 mars, le commissaire spécial envoie un rapport au préfet de Seine-Inférieure préconisant de déplacer plusieurs suspects de la CFM vers une autre usine, dont Ferdinand Thiault. Trois jours plus tard, le préfet répond en lui signifiant « l’inopportunité de cette mesure ; les intéressés ne manqueraient pas en effet de poursuivre leur besogne néfaste dans l’établissement industriels où ils auraient été affectés. » Il propose que le commissaire spécial lui fasse, « le cas échéant, des propositions en vue de l’application à leur égard des dispositions du décret du 18 novembre 1939. »Ferdinand Thiault quitte (?) la CFM début août 1940.
Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans uncamp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Ferdinand Thiault, alors désigné comme bûcheron…Le 20 ou 21 octobre 1941, à 5 heures du matin, des gendarmes français l’arrêtent à son domicile « sur ordre des Allemands » – pour « motif politique », comme Roger Bonnifet, de Déville, selon P. Ruc – probablement lors de la grande vague d’arrestation des adhérents communistes et syndicalistes de l’agglomération rouennaise [3]. Il est conduit à la tour Jeanne-d’Arc de Rouen.

Rouen. La tour Jeanne d’Arc dans les années 1900. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Rouen. La tour Jeanne d’Arc dans les années 1900.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À une date restant à préciser, Ferdinand Thiault est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [4] (Oise), Frontstalag 122 – Polizeihaftlager.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne,
futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Ferdinand Thiault est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46138, selon les listes reconstituées. Sa photo d’immatriculation a été retrouvée.

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Ferdinand Thiault.

Il meurt à Auschwitz le 17 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; succombant à la dysenterie selon certains témoignages.

Le 2 avril 1947, le Conseil Municipal de Déville-lès-Rouen décide de dénommer rue Ferdinand Thiault une partie verticale de la rue Baron partant de la route de Dieppe entre les n° 410 et 412 et aboutissant entre les les n° 11 et 13 de la rue Baron.

Le nom de Ferdinand Thiault figure parmi les 218 militants inscrits sur plusieurs plaques apposées dans la cour du siège de la fédération du PCF, 33 place du Général-de-Gaulle à Rouen, avec l’extrait d’un poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) : « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’espoir et le désespoir. » et sous une statue en haut-relief dont l’auteur reste à préciser.

Une des six plaques dédiées aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre, au siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive.

Une des six plaques dédiées aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre, au siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 2-09-2000) ; avec une date erronée (« 29 juillet »).

Notes :

[1] Rueil prend le nom de Rueil-Malmaison – château de l’impératrice Joséphine – en 1928 par décret ministériel.

[2] Corbeil : en 1946, le préfet de Seine-et-Oise demande aux maires des communes voisines de Corbeil et d’Essonnes de réfléchir à un rapprochement, qui se concrétise le 9 août 1951 avec la création officielle de Corbeil-Essonnes. Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[4] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste). Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire “A“, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. En effet, tous les hommes appréhendés furent remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941. 44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.

(*) 150 selon “30 ans de luttes“, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime

[5] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transféré au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).

Sources :

- Marcel Boivin, notice dans le Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 42, page 131.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 375 et 421.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Seine-Maritime (2002), citant : Liste établie par la CGT, p. 10 – Lettre et notes de Philippe Ruc, citant le nom de sa fille, Jacqueline Blot, 23/4/1992.
- Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (1977 ?).
- Alain Alexandre et Stéphane Cauchois, Résistance(s), Rouen, sa région, la vallée du Cailly entre histoire et mémoire, 1940-1944, éditions L’écho des vagues, avril 2015, pages 14-28.
- Archives municipales de Rueil-Malmaison, site internet, archives en ligne : registre d’état civil de l’année 1888 (1E 071 01), acte n°5 du 13/01 (vue 4/449).
- Conseil départemental des Yvelines, site internet, archives départementales en ligne : registre des matricules militaires, bureau de Versailles, classe 1908, matricules de 1001 à 1500 (1R/RM 399), n° 1296 (vues 479-480/784).
- Philippe Ruc, rectification de la notice, envoi du portrait civil de Ferdinand Thiault (message 03-2012).
- Philippe Ruc, Déville-lès-Rouen, les déportés politiques, les résistants, les prisonniers et les requis, 1999, brochure, page 47.
- Alain Jourdaine et son épouse, Armelle Blot, petite-fille de Ferdinand Thiault, fille de Jacqueline Thiault et Maurice Blot, rectification de la notice (message 06-2013).
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département, cabinet du préfet 1940-1946 (cote à vérifier, 51 W …), recherches conduites avec Catherine Voranger.
- Archives nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine : Archives restituées par la Russie, commissariat spécial de Rouen 1920-1940 (20010223/2, doc. 96-112).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1245 (31190/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-11-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Isidore THIAIS – (46137 ?)

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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Isidore Thiais naît le 16 mai 1889 à Paris 1er – au 95 rue Saint-Honoré, peut-être chez une sage-femme -, fils d’Amélie Thiais, 30 ans, native de Bourges (Cher – 18), domestique, domiciliée au 60, rue de Turbigo, et de « père non dénommé ».

Pendant un temps, sa mère habite au 86 bis avenue de Wagram à Paris 17e.

Le 27 mai 1908, le tribunal correctionnel de la Seine condamne Isidore Thiais à six jours de prison et 16 francs d’amende pour outrages à agents.

Le 8 juillet 1909, à la mairie de Bourges, il s’engage volontairement pour trois ans comme soldat de 2e classe au 6e régiment de chasseurs. Du 11 juillet suivant au 20 mai 1911, il est affecté en Algérie, puis dans les confins algérois-marocains jusqu’au 17 juin suivant. Il reçoit la médaille commémorative du Maroc avec agrafe “Maroc”.

Entretemps, le 29 octobre 1910, à Bourges, sa mère, domiciliée 43 rue Bourbonnoux à Bourges, âgée de 51 ans, a épousé Marie Adrien Berthé, 50 ans, veuf, tourneur sur métaux, en présence de ses frères, Maurice Thiais, 47 ans, sellier, et Charles Sellier, 44 ans, mouleur, tous deux domiciliés à Bourges.

Dès le 2 août 1914, Isidore Thiais est « aux armées », mais d’abord dans son unité en Algérie. Le 3 août 1915, il passe au 7e régiment de marche de chasseurs d’Afrique. Le 31 mars 1917, il est aux armées en France. Le 17 mai 1918, il est blessé à la jambe droite par un coup de pied de cheval et évacué vers une ambulance. Le 30 mai, il est admis à l’hôpital auxiliaire 104 à Marseille. Le 5 juin, il est transféré à l’hôpital complémentaire 22 de Grasse. Le 19 juillet, il part en convalescence pour vingt jours, revenant aux armées le 15 août. Le 2 janvier 1919, il est cité à l’ordre de son régiment : « Très bon soldat au front depuis le début a fait partie de nombreuses reconnaissances où il s’est distingué par sa belle attitude et son sang froid ». Il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze. Le 26 juillet 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire chez sa mère et son beau-père au 60 bis rue de Mazières à Bourges. En 1921, il est manœuvre dans la manutention.

En 1931, il y vit seul avec sa mère (probablement veuve) au 60 bis. Il est manœuvre chez A.B.S (?).

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Isidore Thiais est domicilié au 26, rue de Mazières à Bourges.

Le 22 juin 1941 [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], lors de la grande rafle des communistes du Cher, il est arrêté et bientôt interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Isidore Thiais est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46137 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Isidore Thiais.

Il meurt à Auschwitz le 23 août 1942, d’après selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) : l’acte de décès de l’état civil français a enregistré la période de fin août-début septembre).

Son nom est inscrit sur la stèle commémorative « Honneur à nos morts tombés pour que vive la France », apposée sur un mur mitoyen de la section du PCF de Bourges, 45 rue Théophile-Lamy (149 noms).

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 362 et 421.
- Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris : liste de 44 otages FK 668, 24-10-1941.
- Archives départementales de Paris, site internet, archives en ligne : extrait du registre des naissances du 1er arrondissement à la date du 16-05-1889 (rV4E 5382), acte n° 427 (vue 15/31).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1245 (24629/1942).
- MémorialGenWeb, relevé n° 58355, par Claude Richard, 07-2011.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 17-10-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Eugène THÉPOT – 46136

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© Archives de l’Institut d’histoire sociale CGT de Seine-Maritime.

© Archives de l’Institut d’histoire sociale CGT de Seine-Maritime.

Eugène Thépot naît le 26 mai 1895 à Lambezellec, alors commune limitrophe de Brest (Finistère), chez ses parents, Édouard Marie Thépôt, 43 ans (19 septembre 1851), quartier-maître mécanicien retraité, et Anne Marie Rousseau, 26 ans, son épouse, domiciliés au 76, rue de Paris. Parmi les deux témoins pour la présentation du nouveau-né à l’état civil, signe Eugène Rousseau, 22 ans, matelot timonier, cousin de la mariée, domicilié à Saint-Pierre-Quilbignon (commune fusionnée avec celle de Brest le 28 avril 1945).
Pendant un temps, Eugène Thépot habite au 1, rue du Moulin-à-Poudre, à Brest, travaillant peut-être comme marin.
Peu avant ses vingt ans, le 17 mai 1913, il s’engage volontairement à la mairie de Brest pour cinq ans comme apprenti-marin aux équipages de la Flotte (matr. 106791). Le 1er avril 1914, il passe matelot de 2e classe, infirmier. Le 2 août suivant, à la déclaration de guerre, il est affecté au 5e dépôt des équipages à Toulon. Du 2 août au 17 décembre 1915, il embarque sur le Ceylan, un paquebot mixte réquisitionné et armé comme navire-hôpital navigant entre Salonique/Moudros et Toulon avec escales à Bizerte. Après un passage au 5e dépôt, Eugène Thépot est de nouveau en mer sur le Bretagne, premier cuirassier de type Dreadnought de la Marine Nationale, du 27 février au 4 juin 1916. Il revient au 5e dépôt jusqu’au 15 juillet suivant, puis passe au 2e dépôt, à Brest. En lien probable avec une condamnation avec sursis par le conseil de guerre maritime, il est réduit à l’emploi d’apprenti-marin le 9 janvier 1918. Le 28 janvier, il embarque sur la Foudre, ancien contre-torpilleur transformé en porte-hydravions, puis devenu bâtiment de commandement. Le 10 juillet 1919, Eugène Thépot rejoint le 2e dépôt des équipages – se rapprochant de chez lui -, jusqu’au 26 août suivant. Le lendemain, il est renvoyé dans ses foyers et se retire chez Madame Marc au Moulin-à-Poudre. En juin 1926, la commission de réforme du Havre lui reconnaîtra un taux d’invalidité inférieur à 10 % pour« sclérose légère du sommet droit et bronchite (imputable) » au service.
Le 7 octobre 1919, à Brest-Recouvrance, Eugène Thépot, devenu ouvrier-mécanicien, se marie avec Caroline Marie Cleirec, 20 ans, née le 14 janvier 1899 dans ce quartier, fille d’un ouvrier à l’Arsenal. Le 26 septembre 1920, met au monde leur première enfant, Caroline, Anne Alexandrine, enregistrée à la mairie annexe de Recouvrance.
En juin 1921, la famille habite au 146, boulevard d’Harfleur au Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] – 76). En mars 1924, ils demeurent au 26, rue d’Arcole dans la même ville.Le 7 juin 1925, leur deuxième enfant, Eugène Édouard, naît au Havre.
À partir de 1926 et jusqu’à l’arrestation du chef de famille, celle-ci habite au 33, rue Berthelot, au Havre.
Eugène Thépot est ouvrier métallurgiste (ajusteur) aux chantiers navals Augustin Normand, quartier du Perrey [2].
Délégué syndical particulièrement actif d’octobre 1935 à septembre 1938, Eugène Thépot devient membre de la commission exécutive du Syndicat des Métaux du Havre, dirigée par Louis Eudier.
La police française ne lui connaît pas d’engagement politique.Le 24 février 1939, à la mairie du Havre, sa fille Caroline contracte le premier de ses trois mariages successifs.
Eugène Thépot tente de reconstituer le syndicat après sa dissolution en 1940 et entre, dès l’occupation, dans la résistance communiste : combattant de l’Organisation Spéciale qui sera à l’origine des FTP [3], il prend part à des actions contre l’occupant.
À la veille de son arrestation, il est ajusteur à l’usine Lesauvage, Fenestre et Compagnie, 63, rue François-Mazeline, au Havre, petite entreprise fabricant des treuils et des cabestans (qui traitera 40 % d’affaires allemandes en 1943 et 1944).Le 23 février 1942, les autorités allemandes l’arrêtent à son domicile, sur dénonciation anonyme selon son épouse. Il est écroué à la prison Bonne-Nouvelle, à Rouen.

Rouen, la prison Bonne-Nouvelle. Carte postale des années 1900.

Rouen, la prison Bonne-Nouvelle. Carte postale des années 1900.

Eugène Thépot est rapidement transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne [4] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 8 juillet 1942, Eugène Thépot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46136 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée, faisant probablement partie des innombrables documents qui ont été détruit sous la surveillance des gardiens SS lors de l’évacuation générale du camp à la mi-janvier 1945).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Eugène Thépot meurt au Revier d’Auschwitz (témoignage ? quel sous-camp ?), le 8 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès individuel établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), ainsi qu’une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, sur laquelle est “listé” le matricule n° 46136 (ce local de regroupement temporaire des cadavres avant inhumation ou incinération est situé au sous-sol du Block 28).

Eugène Thépot est déclaré “Mort pour la France”.

Le 9 juillet 1956, le Conseil Municipal du Havre donne son nom à une rue de la ville.

Son nom est également parmi ceux des 218 militant.e.s inscrit.e.s sur plusieurs plaques apposées dans la cour du siège de la fédération du PCF, 33 place du Général-de-Gaulle à Rouen, avec un extrait d’un poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) : « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’espoir et le désespoir. » et sous une statue en haut-relief dont l’auteur reste à préciser.

Monument dédié aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre dans la cour du siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive (2014).

Monument dédié aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre dans la cour du siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive (2014).

    Une des six plaques dédiées aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre, au siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive.

Une des six plaques dédiées aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre, au siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive.

Son épouse Caroline Marie décède au Havre le 12 novembre 1965. Leur fils Eugène Édouard décède au Havre le 14 octobre 2002. Leur fille Caroline décède à Montivilliers (76) le 7 mars 2015.

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Chantiers navals Augustin Normand : les plus anciens du Havre (fondés en 1816), spécialisés pour l’essentiel dans la fabrication de navires militaires : torpilleurs, contre-torpilleurs, sous-marins (fermés en 1963 ; la Résidence de France a été édifiée depuis à leur emplacement).

[3] FTP : Francs Tireurs et Partisans, appellation des groupes de combat du PCF, ouverts à tous les volontaires, après une réorganisation en avril 1942 (aussi désignés FTPF : … “de France”).

[4] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller.

À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 421.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie, réalisée à Rouen 2000, citant : Livre de Louis Eudier (45523), Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945, Le Havre, 1977, p. 70 et 82 – Liste établie par la CGT, p. 10 – Archives municipales du Havre (Madame S. Barot, Conservateur) : état-civil, listes électorales – Note biographique d’Eugène Kerbaul.
- Archives municipales de Brest, site internet, archives en ligne : registre des naissances de Lambézellec pour l’année 1895 (1E/L103), acte n°289 (vue 74/179).
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département : cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Rob à Z (51 W 421), recherches conduites avec Catherine Voranger.
- Claude Malon, Occupation, épuration, reconstruction : Le monde de l’entreprise au Havre, 1940-1950, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2013, page 105.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 : relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1245 (18792/1942).
- Message avec complément d’informations familiales reçu de Frédéric Michel ; résultat des ses recherches dans les archives en ligne (12-2024).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-12-2024)

Cette notice biographique doit- être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Eugène THÉDÉ – (46135 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Eugène, Aimable, Thédé naît le 7 décembre 1901 à Argenteuil (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), fils de Charles Thédé et Louise Launay.

Plus tard, la famille emménage au Mans (Sarthe). Pendant un temps, ils habitent au Vieux Chemin d’Ar [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][?].

De la classe 1921, Eugène Thédé est du bureau de recrutement du Mans. Mais son appel au service militaire est ajourné pour « faiblesse » en 1921 et 1922. En 1923, l’armée le classe dans la 2e partie de la liste, au service auxiliaire, pour tachycardie. Le 12 mai 1923, il est incorporé à l’école d’artillerie de Fontainebleau. Le 1er octobre suivant, il passe au petit état-major de l’École militaire d’artillerie de Poitiers. Il est renvoyé dans ses foyers le 7 mai 1924, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

À une date restant à préciser, Eugène Thédé se marie avec Léa Noir ou Nois. Ils ont un fils, né vers 1926. Mais son épouse décède prématurément. Par la suite, il vivra maritalement avec Juliette Boissonnade, née le 12 juillet 1904 à Condom-d’Aubrac (Aveyron), “fille de salle” (agent d’entretien/aide-soignante dans un hôpital).

En janvier 1928, Eugène Thédé habite au 7 avenue d’Hill, à Joinville-le-Pont (Seine / Val-de-Marne). En mai 1931, on le trouve au 29 rue Duris, à Paris 20e. En mars 1936, il demeure au 27 avenue de la Plage, à Joinville-Le-Pont.

Eugène Thédé est cuisinier, souvent inscrit au fonds de chômage à partir de 1931.

Adhérant du Parti communiste à partir de 1936. Il est connu de la police pour vendre L’Humanité dans son quartier. Il reçoit L’Éveil du XXe, organe mensuel d’informations locales édité par la section communiste.

Le 2 avril 1939, il est interpellé avec sa compagne pour quête sur le voie publique au profit des blessés de l’Espagne républicaine. Conduits au commissariat de police du 11e arrondissement, ils sont relaxé après les vérifications d’usage. Ils habitent alors eu 12 rue des Partants, à Paris 20e. En novembre de cette année, Eugène Thédé déclare être domicilié au 148, rue Gasnier-Guy, à Paris 8e.

Le 10 janvier 1940, Eugène Thédé est rappelé à l’activité militaire dans le cadre de la mobilisation générale  et rejoint le dépôt d’artillerie n° 4. Le 8 mai, il passe au 84e régiment régional, « dépôt d’Artillerie Coloniale 28 à Joigny » (Yonne). Le 24 août 1940, il est démobilisé.

À partir d’octobre 1940 et jusqu’à son arrestation, Eugène Thédé est domicilié au 14, rue des Partants, à l’angle de la rue des Pruniers ; un “garni” où il occupe la chambre n° 7.

Le 2 février 1941, vers 16 h 15, Eugène Thédé est repéré dans le secteur du Marché aux Puces, à Paris 20e, par un brigadier du poste de police de Charonne  « au moment où il installe dans les arbres de l’avenue Girardot une banderole aux effigies des Lénine, Staline et Thorez et portant l’inscription “Le communisme sauvera la France” ». Un camarade qui l’accompagnait et « jetait des poignées de tracts dans la foule » s’esquive. Le brigadier, dont c’est le jour de repos, est en civil et accompagné de ses enfants, n’attirant ainsi pas l’attention. Il suit Eugène Thédé jusqu’au moment où, croisant deux gardiens en civil, il peut procéder à son arrestation. Les trois agents conduisent le militant au poste de police, où la banderole est ramenée, puis au commissariat. La perquisition opérée au domicile d’Eugène Thédé par le commissaire n’amène la découverte d’aucun document ayant trait au Parti communiste clandestin. Par contre, les policiers présents sur place appréhendent Albert Carayon, opticien de 30 ans et voisin habitant le même immeuble depuis 7 août 1937, venu lui rendre visite. Dans le logement de celui-ci, les policiers trouvent un unique document « ayant trait à la recherche d’un camarade pour la distribution de matériel dans le Père Lachaise » sur lequel il ne peut pas donner d’information.

Le 3 février, inculpé d’infraction à l’ordonnance allemande du 20 juin 1940 et au décret du 26 septembre 1939, Eugène Thédé est dirigé sur le dépôt de la préfecture de police, à la disposition du procureur de la République, puis écroué à la  Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 6 février, un numéro clandestin de L’Éveil du XXe fait allusion à cette arrestation ; un exemplaire est envoyé sous enveloppe au commissaire de quartier du Père Lachaise avec la mention au crayon bleu « Malgré toi, L’Éveil paraît toujours ».

Le 2 avril 1941, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine condamne Eugène Thédé à six mois d’emprisonnement. Il est successivement écroué à la Maison d’arrêt de Fresnes (Seine / Val-de-Marne), puis à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

Le 5 juillet, à l’expiration de sa peine, considéré comme un « militant notoire et meneur actif », Eugène Thédé n’est pas libéré : le jour-même, le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Faute de place au centre de séjour surveillé d’Aincourt, alors saturé, Eugène Thédé est maintenu en détention à Poissy sous un statut d’interné. Sous la matricule n° 1134, il est affecté à l’atelier “seccotine”.

Le 15 septembre, sa compagne écrit au préfet de police pour lui faire part de sa surprise qu’on retienne son « mari » à la centrale de Poissy, « sa peine étant terminée depuis deux mois et demi ».

Le 28 novembre, Eugène Thédé fait partie d’un groupe de neuf internés transférés de Poissy au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne). Parmi eux, quatre autres futurs “45000” : Alfred Chapat, Raymond Langlois, Pierre Marin et Marcel Nouvian. Ils sont conduits en voiture de police jusqu’à la gare de Paris-Austerlitz où ils prennent le train sous escorte.

Le 22 mai 1942, Eugène Thédé fait partie d’un groupe de 148 détenus (pour la plupart déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduit au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Eugène Thédé est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Eugène Thédé est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46135, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Eugène Thédé.

Il meurt à Auschwitz le 28 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Il est homologué comme “Déporté politique”.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 24-06-2000).

Une plaque a été apposée sur l’immeuble où il habitait.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 374 et 421.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central, liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz) – Témoignage d’Henri Marti.
- Archives départementales de la Sarthe (AD 72), site internet du Conseil départemental, archives en ligne ; registres matricules du recrutement militaire, bureau du Mans, classe 1921, matricules de 501 à 1000 (1 R 1326), n° 592, orthographié « Thidé » (vue 112/601).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), APPo, site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “occupation allemande”, liste des internés communistes (BA 2397) ; dossiers individuels du cabinet du préfet (1w0037), dossier de Jean Lannoy (24459) ; archives des renseignement généraux (77W1549), dossier d’Eugène Thédé (47538).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjours surveillé d’Aincourt (1W77).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 174.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1245 (n° 24153/1942).
- Site Les plaques commémoratives, sources de mémoire (aujourd’hui désactivé – nov. 2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-07-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

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Georges TEULON – 46134

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Georges Teulon naît le 28 février 1911 à Paris 12e, chez ses parents, Auguste Teulon, 24 ans, découpeur, et Jeanne Jouanne, 20 ans, couturière, son épouse, domiciliés au 66, avenue Daumesnil à Paris 12e.

En 1917, la famille emménage quelques pas de porte plus loin, au 93, avenue Daumesnil.

Au moment de son arrestation, Georges Teulon habite toujours avec ses parents. Il est célibataire.

En 1930, livreur aux Grands Magasins du Louvre, il en est licencié après quelques mois pour détérioration de marchandises avant leur livraison.

Le 25 octobre 1933, il entre comme ouvrier mouleur aux Établissements Kalker, Manufacture générale de caoutchouc et d’ébonite [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], sis 52, rue des Bruyères et 8, rue de Paris aux Lilas. Militant syndical CGT, il est élu délégué suppléant du personnel ouvrier de son entreprise en 1937.

Le 2 septembre 1939, Georges Teulon est mobilisé. Le 26 décembre, il est classé dans l’ “affectation spéciale” au sein de son usine, considérée comme produisant pour la Défense nationale. Lors de la réouverture des ateliers après l’exode, considéré comme un bon élément et un ouvrier sérieux, Georges Teulon est l’un des premiers ouvriers convoqués pour reprendre le travail.

Pourtant, en août 1941, la direction constaterait que son équipe de travail a un rendement inférieur aux autres, lui imputant ce freinage dans la production, ainsi que le bris d’outils et de moules, bien qu’« aucun fait positif » ne puisse être relevé contre lui. Le 23 août, M. Schmitt, directeur de l’entreprise se rend au commissariat de police de la circonscription des Lilas pour demander l’internement de son employé. Le commissaire signale alors celui-ci comme « susceptible d’avoir été » membre du Parti communiste et d’avoir encore la confiance des ex-leaders de ce parti. Dès lors, Georges Teulon est « considéré comme suspect au point de vue national ».

Le 10 octobre 1941, il est arrêté à son domicile par deux policiers en civil ; l’appartement n’est pas perquisitionné. Le jour même, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939 (probablement à l’origine de cette interpellation). Il est conduit au dépôt de la préfecture de police (sous le Palais de Justice, île de la Cité), en attendant son transfert dans un camp.

Le 10 novembre, Georges Teulon fait partie des 58 militants communistes transférés du Dépôt au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; il est assigné à la baraque n° 11.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

La position de la direction de son entreprise évolue à son égard, sans doute en raison d’une forme de remord : elle lui fait parvenir des subsides à plusieurs reprises et lui envoie des étrennes à la fin de l’année 1941, se déclarant prêt à le reprendre s’il bénéficie d’une mesure de libération.

Le 27 février 1942, Georges Teulon écrit au préfet de la Seine afin de solliciter sa libération, la justifiant ainsi : « Je n’ai jamais eu aucune activité politique, n’ayant jamais appartenu ni au Parti communiste, ni au Parti socialiste. […] mon attitude auprès de mes employeurs fut toujours […] de conciliation, voulant éviter tout conflit […] Depuis la Révolution Nationale, je fus toujours un chaud défenseur de l’Ordre Nouveau et de la politique du Maréchal, que je considère comme la seule pouvant assurer l’avenir de la France ». Sa lettre est transmise à la préfecture de police le 7 mars.

Le 4 mai, le cabinet de police répond à la délégation du ministère de l’Intérieur dans les territoires occupés : « J’estime inopportune dans les circonstances actuelles la libération de ce militant qui peut être considéré comme suspect au point de vue national. »

Le 22 mai 1942, Georges Teulon fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; matricule 5959.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Georges Teulon est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46134 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Le même jour, Bussière, préfet de police, écrit au commandant allemand du département de la Seine, état-major d’administration : « Je soumets à votre appréciation le cas du nommé Teulon Georges […] D’une nouvelle enquête effectuée par mes services, il ressort que l’intéressé a surtout déployé une activité syndicaliste. Représenté comme ayant été sympathisant communiste, aucun fait positif n’a toutefois pu être relevé à son encontre. […] Dans ces conditions, je vous serais obligé de vouloir bien envisager la mise en liberté de l’intéressé et me tenir informé de votre décision. » Le 15 juillet, le commandant de la police de sûreté et du SD (Befehlshaber der Sicherheitspolizei und des SD) lui répondra : « La libération de Teulon ne peut avoir lieu pour le moment. »

À Auschwitz, après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Georges Teulon se déclare alors sans religion (« Glaubenslos »). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Georges Teulon.

Il meurt à Auschwitz le 5 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; moins d’un mois après l’arrivée de son convoi.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 2-09-2000) ; avec une date de principe (« le 11 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) et non le 6 juillet 1942 à Compiègne (Oise) »).

Notes :

[1] Les établissements Kalker ont été créés en 1896 par Édouard Kalker, aux Lilas.

Sources :

- Son nom (orthographié « FOULON ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 372 et 421.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : état civil du 12e arrondissement, registre des naissances, année 1911 (12N 245), acte n° 753 (vue 7/21).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 337-24569).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 173.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1244 (18433/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Georges TERRIER – (46262 ?)

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Georges Terrier naît le 13 août 1906 à Bois-Guillaume, commune limitrophe au nord de Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] – 76)

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 47, rue Saint-Vivien à Rouen.

Georges Terrier est docker sur le port.

Secrétaire du Syndicat CGT des dockers, c’est également un militant communiste.

Le 18 juillet 1940 , il est arrêté (L.A. 3340).

Avant le 29 octobre, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), selon une liste d’otages établie par la Feldkommantantur 517 de Rouen.

Là, Georges Cogniot, dirigeant du parti communiste clandestin, mais également premier interlocuteur de la direction allemande du camp, le fait désigner aux cuisines avec d’autres militants de Seine-Maritime pour garantir une distribution équitable de la nourriture.

Après l’ultime tri opéré par une commission d’officiers allemands, faisant partie du deuxième contingent sélectionné pour la déportation, Georges Terrier dit à Louis Eudier et aux autres Normands : « Je suis content d’avoir été désigné (…) car vous auriez pu douter de moi si j’étais resté. »

Il est définitivement sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Georges Terrier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46262, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Georges Terrier est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Il meurt à Birkenau le 6 janvier 1943, « assassiné par un SS alors qu’il ne pouvait plus travailler ».

Il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 2-01-2001).

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp C est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 377 et 421.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Seine-Maritime réalisée à Rouen en 2000, citant : Témoignages de Louis Jouvin, du Grand-Quevilly.
- Marcel Boivin, notice in Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 42, p. 87.
- Louis Eudier (45523), Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945, au Havre, page 84, listes à la fin de son livre.
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; doc. XLIII-66, liste d’otages.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1244 (902/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-06-2008)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]

Roger TESSIER – (46263 ?)

Roger, Georges, Fernand, Tessier naît le 2 juillet 1918 à Malesherbes (Loiret – 45), fils de Gaston Tessier, 42 ans, employé de commerce (?), et Léocadie Laure Sellier, 45 ans, son épouse, tous deux natifs de la Somme.

Le 14 août 1914, peu après le début début de la Première Guerre mondiale, son père – mobilisé au 64e régiment territorial d’infanterie – a été réformé n° 2 par la Commission de réforme de Nevers pour emphysème pulmonaire généralisé, puis maintenu réformé le 9 avril 1915 par la Commission de réforme de la Seine.

En 1935, la famille habite dans un immeuble, alors récent, au 19 rue des Deux-Communes à Montreuil-sous-Bois [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), voie séparant Montreuil et Vincennes.

Le père décède à leur domicile le 16 juin 1935.

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Roger Tessier habite toujours avec sa mère, alors au 47 rue des Deux-Communes. Il est célibataire.

Encarteur ou ouvrier photographe, il est au chômage au moment de son arrestation.

Il est membre des Jeunesses communistes.

Sous l’Occupation, il reste actif dans la clandestinité. Disposant d’une presse et d’accessoires à polycopier, il les utilise pour imprimer « des affiches, placards illustrés et papillons de propagande révolutionnaires » diffusés dans Montreuil « par les soins de plusieurs militants auxquels il [transmet] des directives » en tant qu’agent de liaison.

Le 20 octobre 1940, plusieurs membres de son groupe – dont Georges Guinchan – participent à une manifestation devant la mairie de Montreuil, réclamant le rétablissement de la municipalité destituée en février 1940. Les Allemands interviennent et font évacuer la place de la Mairie sous la menace de deux mitrailleuses.

L’hôtel de ville de Montreuil après-guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel de ville de Montreuil après-guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 9 novembre suivant, Roger Tessier est arrêté à la suite d’une perquisition effectuée à son domicile au cours de laquelle la police française trouve « plusieurs documents communistes dont un croquis » de l’organisation clandestine des Jeunesses communistes de Montreuil, qu’il a eu l’imprudence de conserver. Le lendemain, inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, il est placé sous mandat de dépôt et écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e, ainsi que huit autres membres de son groupe. Arrêtée en même temps que lui et également inculpée, sa mère est laissée en liberté provisoire.

En janvier, Léocadie Tessier tente de faire circuler parmi les personnes attendant leur admission au parloir des familles une pétition pour obtenir l’autorisation d’apporter des vivres aux détenus.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 5 avril 1941, Roger Tessier comparaît, avec treize autres prévenus dont Georges Guinchan, devant la chambre des mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine ; les parents de cinq accusés ont été convoqués comme civilement responsables. Roger Tessier est condamné à 18 mois d’emprisonnement et 100 fr d’amende. Lui et Guinchan se pourvoient en appel auprès du procureur de la République.

Le 6 mai, Roger Tessier est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 16 juin, la 10e chambre de la Cour d’appel de Paris confirme la première condamnation.

À l’expiration de sa peine, le 25 décembre, le directeur des prisons de Fresnes écrit à la direction des Renseignements généraux afin de lui faire connaître que Roger Tessier « est mis ce jour à (sa) disposition ». Au paragraphe suivant, ce fonctionnaire de l’administration pénitentiaire signale « à ce sujet que, par note Az: V ju a21.1728/41-Edestab Ie 3386/41 du 19 septembre 1941, le Commandant des forces militaires allemandes en France a ordonné que la libération des français du sexe masculin arrêté pour activité communiste ou anarchistes ne pourra âtre possible sans son accord ».

Effectivement, Roger Tessier n’est pas libéré : le jour même, le préfet de police signe un arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939.

Deux jours plus tard, Léocadie Tessier écrit au préfet de police pour le prier « de rendre un bon fils à sa mère ». En effet, celui-ci est son seul soutien : elle a été expulsée de leur domicile de Montreuil et se trouve dans un centre d’hébergement à l’annexe de Charenton, au 5 bis, rue Pasteur, raison pour laquelle la mairie de Montreuil ne lui verse plus aucun secours. Une note de police du 20 janvier indique « avis défavorable RG, Libération impossible ». Le lendemain, Le chef du 1er bureau de la préfecture de police écrit au commissaire de police de la circonscription de Charenton pour lui demander de « faire connaître à l’intéressée que sa demande ne peut être favorablement accueillie dans les circonstances actuelles ». Convoquée au commissariat, Madame Veuve Tessier a communication du rejet de sa demande une semaine plus tard, étant partie à Poitiers quelques jours, peut-être pour essayer de voir son fils.

En effet, entre temps, le 3 janvier 1942, Roger Tessier a fait partie d’un groupe de 38 internés politiques (dont 16 futurs “45000”) et 12 “indésirables” (droit commun) extraits du dépôt et transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé (Vienne). Ils ont été conduits en car, sous escorte, jusqu’à la gare d’Austerlitz où les attendait un wagon de voyageurs réservé (10 compartiments ; départ 7h55 – arrivée 18h51).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 18 mars 1942, Roger Tessier est parmi les treize “jeunes” communistes « extraits par les autorités allemandes et transférés, pour des raisons qui n’ont pas été indiquées » au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; tous sont de futurs “45000” sauf André Giraudon, de Bourges, fusillé au Mont-Valérien le 9 mai 1942. Roger Tessier est enregistré à Royallieu sous le matricule n° 3797.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roger Tessier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46263 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Roger Tessier est probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au Block 28 de l’hôpital des détenus.

Il meurt à Auschwitz le 18 mars 1943, selon une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, et où est inscrit le matricule n° 46263 (ce local de stockage des cadavres est situé au sous-sol du Block 28) ; il a tenu huit mois.

Le 14 novembre 1949, le préfet de la Seine, pour la direction interdépartementale des Anciens combattants et Victimes de la guerre, écrit au directeur des Renseignements généraux de la préfecture de police pour lui demander des renseignements au sujet de Roger Tessier afin de statuer sur le droit à l’inscription de la mention « Mort pour la France » sur son acte de décès. La mère de celui-ci habiterait alors au 23, rue du Château à Asnières.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Roger Tessier (J.O. du 23-06-2000).

Notes :

[1] Montreuil-sous-Bois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 385 et 421.
- Cl. Cardon-Hamet, notice in 60e anniversaire du départ du convoi des 45000, brochure répertoriant les “45000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, page 30 et 31, citant : Daniel Tamanini, de la FNDIRP de Montreuil (lettre du 23-4-1989) – Témoignage de Georges Guinchan, de Montreuil (rescapé) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 28 mars au 5 juin 1941 (D1u6-5855) ; jugement du 5 avril 1941 (D1u6-3744).
- Archives Départementales du Val-de-Marne, Créteil : Maison d’arrêt de Fresnes, dossiers individuels des détenus “libérés” du 20 au 31 octobre 1941, mandat de dépôt/ordre d’écrou ; extrait des minutes du greffe (511w28).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” : camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 988-48806) ; archives des Renseignements généraux, registre des affaires traitées et des personnes arrêtées (GB 29).
- Archives départementales de la Vienne, Poitiers : camp de Rouillé (109W75).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 17-03-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Théophile TENAILLE – (46133 ?)

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En 1936.
© RATP/Archives définitives.

Théophile, Gilbert, Tenaille naît le 27 novembre 1906 au faubourg du Clos à Guéret (Creuse), fils de Marie Tenaille, 19 ans, cultivatrice, alors domiciliée chez sa mère au village de Semenadisse sur la commune de Rimondeix, et de père inconnu (l’officier d’état civil n’a pas alors enregistré l’orthographe « Thenaille » qui était jusqu’ici celle du nom de la famille).

De la classe 1926, Théophile Tenaille s’engage volontairement dans la Marine nationale à Cherbourg (Manche), de 1924 à 1929.

Arrivé dans la banlieue de Paris, il habite d’abord à Aubervilliers [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

En 1930, il habite avec sa mère, ouvrière d’usine, au 6, allée des Violettes à Paris 14e, entre la porte d’Orléans et la Cité Universitaire (dans un vestige de la “Zone” aujourd’hui occupé par des installations sportives). Lui-même est monteur mécanicien.

Le 16 août 1930 à la mairie du 14e, Théophile Tenaille se marie avec Hélène Louise d’Herdt, née le 11 mai 1908 à Saint-Denis, ouvrière d’usine. Ils n’auront pas d’enfant. En août 1931, le couple emménage au 3, rue Victor-Hugo à Bois-Colombe [1] (92).

En octobre 1933, ils s’installent à Gennevilliers, d’abord au 142, rue de Paris.

À partir de juillet 1934 et jusqu’au moment de son arrestation, Théophile Tenaille est domicilié au 21 ter, rue Georges-Thoretton, puis (?) au 13, rue Henri-Vuillemin [2] (ancienne rue de l’Espérance prolongée) à Gennevilliers [1] (92) ; un site à caractère industriel totalement modifié.

Le 5 mai 1931, Théophile Tenaille entre à la STCRP (Société des transports en commun de la région parisienne, réseau de surface intégré à la RATP après la Libération [3]), comme machiniste d’autobus au dépôt de Saint-Mandé. Muté au dépôt de Levallois après sa formation, il sera successivement affecté aux dépôts de Clichy (11-05-1936), puis d’Asnières (28-12-1936). Le 11 février 1933, à Clichy, sur la ligne A.W., son véhicule est entré en collision avec une voiture cellulaire de la préfecture de police, mais sans que l’affaire ait de suite.

Il est responsable de la section syndicale CGT du dépôt d’Asnières.

Secrétaire de la section communiste d’Asnières, Théophile Tenaille est élu conseiller municipal de Gennevilliers aux élections partielles de 1934 et réélu le 5 mai 1935. Parallèlement, il est secrétaire du député communiste Émile Dutilleul.

En 1939, au cinquième jour de la mobilisation, il est rappelé au 11e régiment du Génie, à Versailles (Seine-et-Oise / Yvelines), affecté à la compagnie 390/13 d’électro-mécaniciens.

Le 9 février 1940, le conseil de préfecture de la Seine le déchoit de son mandat municipal.

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Le Populaire, quotidien édité par la SFIO,
édition du 17 février 1940.
Archives de la préfecture de police, Paris.

ThéophRendu à la vie civile le 26 juillet 1940, au centre de démobilisation de Verdun-sur-Garonne (Tarn-et-Garonne), Théophile Tenaille rejoint son domicile le 30 juillet. Le 8 août, il est affecté au groupe Nord de la STCRP.

Il reprend son action syndicale et politique dans la clandestinité.

Sous l’occupation, les Renseignements généraux n’oublient pas qu’il a été « l’ancien secrétaire du député Dutilleul » et le considèrent comme « un agent actif de la propagande clandestine ».

Le 5 octobre 1940, il est appréhendé à son domicile par la police française lors de la grande vague d’arrestations ciblées organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain à l’encontre des responsables communistes de la région parisienne avant guerre (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant. Le préfet de police a signé l’arrêté ordonnant ces internements administratifs en application des décrets du 18 novembre 1939 et du 3 septembre 1940. Après avoir été regroupés en différents lieux, les 214 hommes arrêtés sont rapidement conduits au “centre de séjour surveillé” d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Par décision de la direction de la STCRP prise le 19 octobre, en application de la circulaire du Ministère de l’Intérieur du 19-01-1940, Théophile Tenaille est révoqué à la date du jour suivant son internement (6 octobre).

Dès le 24 novembre, il demande au préfet de Seine-et-Oise d’intervenir auprès de la Société afin que lui soit appliquée une « mise en disponibilité spéciale ».

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,  le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.  Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Le 7 mars 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Théophile Tenaille, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp d’Aincourt, émet un avis défavorable en s’appuyant sur le constat que cet interné « suit les directives du Parti communiste » et malgré qu’il lui reconnaisse une « attitude correcte » et qu’il « travaille régulièrement ».

Le 8 avril, Hélène Tenaille écrit au préfet [de Seine-et-Oise ?] afin de solliciter l’autorisation de rendre visite à son mari (la suite donnée est inconnue…).

Le 27 mai, Théophile Tenaille bénéficie d’une autorisation de sortie exceptionnelle pour se rendre aux obsèques de sa belle-mère qui ont lieu à 14 h 30 à l’hôpital de Saint-Denis (93). Sous la surveillance d’un gardien de la Paix, il se rend d’abord à son domicile de Gennevilliers pour s’y habiller correctement. Comme il n’est pas possible de trouver un moyen de transport pour rentrer au camp « vu l’heure tardive », le retour est remis au jour suivant. Le lendemain, Théophile Tenaille en profite pour rendre visite à sa propre mère. Puis, lui et son escorte gagnent Versailles où ils prennent « la voiture à 16 heures pour regagner le Centre ».

Le 4 août, c’est Hélène Tenaille qui subit une intervention chirurgicale à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris 13e. Le 7 août, son mari est autorisé à se rendre à son chevet à l’hôpital, sous la surveillance d’un autre gardien de la Paix.

Le 6 septembre, après onze mois à Aincourt, Théophile Tenaille fait partie d’un groupe de 150 détenus (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 22 mai 1942, Théophile Tenaille fait partie d’un groupe de 148 détenus (pour la plupart déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny,  et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Théophile Tenaille est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 46133, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Théophile Tenaille se déclare comme conducteur (Kraftwagenführer). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Théophile Tenaille.

Il meurt à Auschwitz le 2 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique « infection des reins » (Nierenentzündung) pour cause mensongère de sa mort.

Le nom de Théophile Tenaille a été donné à une cité de Gennevilliers, inaugurée en 1963. Il est également inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux Conseillers municipaux morts pour la France (hall de la Mairie de Gennevilliers) et sur la plaque « À la mémoire des agents du dépôt d’Asnières morts pour la France » (centre bus : « Tenaille T. »).

En mai 1947, sa veuve habite au 21 ter, rue Georges-Thoretton (anciennement rue de l’Avenir), toujours à Gennevilliers.

Aucun “45000” de Gennevilliers n’est revenu, c’est pourquoi la mémoire locale a appelé le convoi du 6 juillet 1942 le « convoi maudit ».

Notes :

[1] AubervilliersBois-ColombeGennevilliers : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Henri Vuillemin, jeune ouvrier du bâtiment et militant communiste parisien mortellement blessé par un agent de police le 24 février 1934 à Ménilmontant, rue des Pyrénées (Paris) lors d’une manifestation antifasciste.

[3] STCRP-CMP-RATP : Le 1er janvier 1942, le Conseil des Transports Parisiens, émanation du gouvernement de Vichy, impose la gestion par la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (CMP) du réseau de surface – les bus – précédemment exploité par la Société des transports en commun de la région parisienne (STCRP), fusion de fait d’entreprises privées qui prélude la gestion des transports parisiens par un exploitant unique.

La loi du 21 mars 1948 crée l’Office Régional des Transports Parisiens, nouvelle autorité de tutelle du réseau, et la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP), établissement public à caractère industriel et commercial, qui se voit chargée de l’exploitation des réseaux de transport publics souterrains et de surface de Paris et de sa banlieue. (source Wikipedia)

Sources :

- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 42, pages 74-75.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 357, 382 et 421.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel – fichier central) – Archives de Gennevilliers (liste de déportés, noms de rues).
- Jean-Marie Dubois, Malka Marcovich, Les bus de la honte, éditions Tallandier, 2016, pages 144, 145, 146 et 189.
- Archives de la RATP, Paris : dossier individuel.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cartons “occupation allemande”, communistes fonctionnaires internés… (BA 2214) ; camps d’internement… (BA 2374).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, révision trimestrielle (1w74), (1w76), dossier individuel (1w155) ; police française, manifestations et mises en résidence forcée (300w48).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1242 (26868/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de S à Z (26 p 843), acte n° 26868/1942.
- (photo dans le livre de Patrick Liber sur Gennevilliers : Rue de la Résistance).
- Noël Gérôme, Le Deuil en hommage, monuments et plaques commémoratives de la RATP, Creaphis 1995, page 96.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 17-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Marceau TELLIER – 46132

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marceau, Gaston, Tellier naît le 18 mai 1903 à Compiègne (Oise).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 8, passage d’Enfer à Paris 14e.  Le 10 avril 1937, il se marie en secondes noces avec Suzanne Rousseau, née le 31 mai 1903 à Paris 14e, sans enfant.

Il travaille comme plombier sanitaire pour une entreprise située rue Jules-Chaplain, à proximité de son domicile mais dans le 6e arrondissement.

Avant la guerre, il est adhérent au Syndicat Unitaire des Plombiers (CGT), milite au parti communiste et est adhérent de l’Association des Amis de l’URSS.

Il poursuit ses activités militantes dans la clandestinité.

Sous l’Occupation, il est au chômage.

Le 30 juillet 1941, à 7 h 45, deux gardiens cyclistes du commissariat de police du 13e arrondissement patrouillent en direction des usines Gnome et Rhône près de la poterne des Peupliers (Paris 13e). Les agents aperçoivent un groupe compact d’ouvriers se former devant la porte principale du 70, boulevard Kellermann.  En s’approchant, ils voient par deux fois des tracts lancés en l’air au milieu du groupe, puis constatent la fuite de plusieurs individus dans différentes directions. Les “hirondelles” prennent l’un d’eux en chasse et, après une poursuite d’environ 400 mètres, coincent Marceau Tellier. Celui-ci est reconnu par les deux portiers de l’usine comme étant un des distributeurs de tracts et porte encore sur lui un lot d’imprimés : c’est un « flagrant délit ». Conduit au poste de Maison-Blanche dans un car de police-secours, il est mis à la disposition du commissaire d’arrondissement.

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L’usine Gnome et Rhône du boulevard Kellerman (Paris 13e). Carte postale colorisée des années 1920.

L’usine Gnome et Rhône du boulevard Kellerman (Paris 13e).
Carte postale colorisée des années 1920.

Marceau Tellier est conduit au dépôt de la préfecture de police puis à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, Marceau Tellier est conduit au dépôt de la préfecture de police à la disposition du procureur de la République, puis écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Le lendemain, la 14e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à six mois de prison. Il est transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

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Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À l’expiration de sa peine, Marceau Tellier n’est pas libéré : le 13 février 1942, il est parmi les 24 « militants communistes » – composé pour moitié de futurs “45000” – transférés au dépôt de la préfecture de police (au sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité). Le 26 mars, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, officialisant la situation.

Selon une note des Renseignements généraux datée du 16 avril, Marceau Tellier, qui avait accepté de faire quelques travaux de plomberie pendant son séjour à la centrale de Poissy, « est accusé d’avoir trahi le Parti en préférant, à l’honneur de lui rester fidèle, servir l’administration aux ordres des nazis ».

Le 16 avril, Marceau Tellier fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il est enregistré sous le matricule n° 109.

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Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai 1942, il est parmi les 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Du train, Marceau Tellier jette une lettre postée par des cheminots où il annonce son départ pour l’Allemagne.

TransportAquarelle

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marceau Tellier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46132 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Marceau Tellier est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Là, il est d’abord assigné au Block 15. Puis, pendant un temps, au Block 16 A.

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

A la fin de l’été 1944, Marceau Tellier est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres survivants sont transférés vers d’autres camps..

Marceau Tellier meurt le 18 janvier 1945, pendant l’évacuation d’Auschwitz, dans une colonne de détenus transportée sur des wagons-plateforme (découverts) en plein hiver.

Déclaré “Mort pour la France”, il est homologué dans la Résistance intérieure Française (RIF). Une plaque rappelle son souvenir à Morangis (Essonne) où résidait sa mère.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-10-1999).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 305, 372 et 411.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : – Témoignages de plusieurs rescapés : André Montagne, Eugène Garnier – Questionnaire rempli par sa veuve (10 octobre 1987) – Article de M. Cottard, Revue d’Histoire du 14e, n° 29, p. 71 (fév. 1989).
- Serge Boucheny et Dominique Guyot, Gnome et Rhône 39-45, parcours de 67 salariés, Association d’Histoire Sociale CGT de la SNECMA, Paris 2018, pages 19.
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : carton  Occupation allemande – camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 56-25932).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Henri TAULEIGNE – (46131 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Henri, Régis, Justin, Félix Tauleigne naît le 2 mars 1904 à Paris 13e, fils de Pierre, Régis Tauleigne, 41 ans, cantonnier, et d’Henriette Caumont, 40 ans, son épouse, domiciliés au 36, rue des Cinq-Diamants.

Le 8 avril 1922 à Tigeaux (Seine-et-Marne), Henri Tauleigne, âgé de 18 ans, se marie avec Rolande Angélique Hugues. Mais le couple divorce en 1926 sans avoir eu d’enfant (à vérifier…).

Pendant un temps, Henri Tauleigne habite chez ses parents, retraités, au 8, rue de la Butte-aux-Caille (Paris 13e), et travaille comme galochier.

Le 18 mars 1927, la 3e commission militaire ad hoc de la Seine le réforme.

Pendant quelques années, Henri Tauleigne habite au 137, 138 ou 140, avenue Pasteur à Bagnolet [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93).

Il est alors employé comme garçon livreur dans une maison d’alimentation de la capitale. Il est adhérent au Syndicat unitaire de l’Alimentation de la région parisienne, et membre du rayon de Bagnolet de la région Paris-Est du Parti communiste.

Le 12 mai 1935, Henri Tauleigne est élu Conseiller municipal de Bagnolet, sur la liste communiste sortante dirigée par Paul Coudert.

En janvier 1936, il s’installe à Bondy (93), dans un logement d’un immeuble d’habitations à bon marché (HBM) au 8, place Albert-Thomas, qui ouvre sur l’avenue de la République.

Bondy. Entrée des HBM, place Albert-Thomas. Carte postale des années 1930-1940, collection Mémoire Vive.

Bondy. Entrée des HBM, place Albert-Thomas.
Carte postale des années 1930-1940, collection Mémoire Vive.

Le 15 février suivant, il est nommé régisseur du dispensaire municipal de la commune, qui vient de se doter d’une municipalité antifasciste conduite par Henri Varagnat.

Henri Tauleigne adhère à la cellule des employés communaux de la section de Bondy du Parti communiste. Il est membre dirigeant de l’Amicale des locataires des HBM de Bondy.

Le 4 octobre 1939, le conseil municipal de Bondy est suspendu et une délégation spéciale est nommée pour administrer la commune.

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L’Œuvre, édition du 18 mars 1940.
Archives de la préfecture de police. Paris.

Le 15 octobre, Henri Tauleigne s’installe avec sa mère au 64, avenue de Belfort, toujours à Bondy.

En novembre, la police perquisitionne le local utilisé par la cellule des communaux.

Invité à désavouer le pacte germano-soviétique « par des éléments modérés du Syndicat des Communaux » de Bondy, Henri Tauleigne s’y refuse. Le 19 janvier 1940, la 3e commission de réforme de la Seine le classe dans le service armé, sans qu’il soit mobilisé. Le 25 janvier, il fait l’objet d’une dénonciation par une sage-femme entrée au service du dispensaire municipal pendant seulement une semaine en octobre 1939 et manifestement « hostile au communisme ».

Le 15 février, il est déchu de son mandat municipal (à Bagnolet).

Le 2 avril, le général d’armée Héring, gouverneur militaire de Paris, écrit à la direction des Renseignements généraux de la préfecture de police pour demander une mesure d’appel sous les drapeaux d’Henri Tauleigne, qu’il considère comme nettement dangereux pour la sécurité nationale.

Le 15 avril, la délégation spéciale le licencie de son poste de régisseur du dispensaire municipal. Il s’inscrit alors au fonds de chômage de Bondy.

Le 24 avril, une note de police rappelle qu’Henri Tauleigne est « à la disposition de l’autorité militaire » qui, seule, a qualité pour l’appeler sous les drapeaux. Le 2 mai, le préfet de police rappelle cette disposition au gouverneur militaire de Paris.

Le 3 mars (1941 ?), les services de police du commissariat de la circonscription de Noisy-le-Sec (93) effectuent une perquisition à son domicile au cours de laquelle ils trouvent un exemplaire du tract communiste intitulé « Nous accusons… » Ils l’arrêtent pour infraction au décret du 26 septembre 1939, mais le laissent en liberté « en raison du grand âge de sa mère (77 ans), dont il est le seul soutien ».

Le 26 juin 1941, au petit jour, Henri Tauleigne est appréhendé à son domicile dans le cadre d’une vague d’arrestations visant 92 militants ouvriers du département de la Seine ; il a été désigné par le commissaire de police de la circonscription de Noisy-le-Sec, et le préfet de police a signé l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Mais ces opérations sont menées en concertation avec l’occupant. En effet, pendant quelques jours, des militants de Paris et de la “petite couronne” arrêtés dans ces conditions sont conduits dans la cour de l’hôtel Matignon, où ils sont livrés aux « autorités d’occupation » qui les rassemblent au camp allemand du fort de Romainville (HL 122), sur la commune des Lilas (93).

Dans les jours qui suivent (le 27 juin, le 1er juillet…), ils sont conduits à la gare du Bourget (93) où des trains les transportent à Compiègne (Oise) [2]. Henri Tauleigne fait partie de ces hommes transférés au camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) [3].

Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Tauleigne est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Henri Tauleigne est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46131, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Henri Tauleigne se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Henri Tauleigne.

Il meurt à Auschwitz le 27 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

À la Libération, ignorant son sort, le conseil municipal provisoire (de Bagnolet) le compte parmi ses membres.

À Bondy, au 38 avenue de la République, un centre municipal de santé porte son nom (probablement l’établissement qu’il a géré).

Son nom est inscrit sur une des plaques du monument aux morts de Bondy, place de Gaulle.

Notes :

[1] Bondy : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, trois témoignages :

Jean Lyraud (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Le 26 juin, à 5 heures du matin, il est réveillé par des policiers français : « Veuillez nous suivre au poste avec une couverture et deux jours de vivres. » Un autobus le prend bientôt avec trois autres personnes arrêtées. Le véhicule fait le tour des commissariats de Montreuil et du XIe arrondissement. Un crochet à l’hôtel Matignon, qui abrite alors la police de Pétain, puis c’est le transport jusqu’aux portes du Fort de Romainville où les prisonniers sont remis aux autorités allemandes. Avec ses compagnons, jean Lyraud passe la nuit dans les casemates transformées en cachots. « Le lendemain 27 juin dans l’après-midi, nous embarquons en gare du Bourget dans des wagons spéciaux pour Compiègne. Nos gardes ont le revolver au poing et le fusil chargé, prêts à faire feu. Dans la soirée nous arrivons au camp. Quelques jours après, d’autres contingents de la région parisienne nous rejoignent. »

Henri Pasdeloup (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943), cheminot de Saint-Mihiel (Meuse), est arrêté le 23 juin 1941 par la Gestapo qui le conduit à la prison de la ville. Le 27 juin, avec d’autres détenus emmenés à bord de deux cars Citroën, il arrive devant le camp de Royallieu vers 16 h 30 : « À l’arrivée face au camp, nos gardiens nous font descendre. Alignement sur la route, comptages et recomptages. En rangs par trois nous passons les barbelés… À 19 heures, environ 400 prisonniers en provenance de la région parisienne entrent en chantant L’Internationale… Le lendemain 28 juin, réveil à 7 heures : contrôle d’identité, toise, matricule. J’ai le numéro 556. Pour notre groupe de la Meuse, cela va de 542 à 564. Ceux de la région parisienne, bien qu’arrivés après nous, sont immatriculés avant… »

Henri Rollin : « Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention «  communiste  », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[3] L’ “ Aktion Theoderich ” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich,plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue, une histoire, Les éditions de l’Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004, page 48.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 384 et 421.
- Claude Pennetier, notice dans Le Maitron en ligne, dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social : https://maitron.fr/spip.php?article132072
- Jean-Pierre Gast, Bagnolet 1939-1940, éd. Folies d’encre, août 2004, page 289.
- Sachso, Amicale d’Orianenburg-Sachsenhausen, Au cœur du système concentrationnaire nazi,Collection Terre Humaine, Minuit/Plon, réédition Pocket, mai 2005, page 36 (sur les arrestations du 26 juin 1941).
- Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 1244-64109) ; cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1240 (37424/1942).
- Site MémorialGenWeb : Bondy, relevé n° 51698 effectué par Christian Dusaussoy (01-2011).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-05-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.ous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

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