Robert TIRADON – 46149

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Robert, Célestin, Tiradon naît le 27 juillet 1908 à Pierrefitte-sur-Seine [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Seine-Saint-Denis), chez ses parents, Gustave Tiradon, 30 ans, maçon, et Célestine Dupil, son épouse, 24 ans, journalière, domiciliés au 22, rue de Paris. Robert a – au moins – un frère aîné, Marcel, né le 3 juin 1906 à Sarcelles (Seine-et-Oise / Val-d’Oise) – commune mitoyenne au Nord -, et deux sœurs, nées tardivement, Odette en 1913 et Léone en 1920, toutes deux à Pierrefitte.

Le 21 janvier 1928, à la mairie de Sarcelles, son frère Marcel se marie avec Césarine Brunet, née le 16 janvier 1907 à Paris 18e.

Le 21 juin 1930 à Sarcelles, Robert Tiradon se marie avec la sœur de Césarine, Germaine Brunet, née le 25 février 1906 à Paris 6e. Robert et Germaine auront deux enfants : Jacques, né en 1930, et Claude, né en 1932, tous deux à Pierrefitte.

En 1931, la famille est domiciliée au 7, sentier des Rosaires à Pierrefitte-sur-Seine, en retrait de la route nationale n° 1 (boulevard Jean-Mermoz). Il est possible que son père, Gustave Tiradon, ait acheté à cette adresse un terrain où lui et ses deux fils – tous trois maçons de métier – ont pu construire chacun un petit pavillon, ou ajouter un bâtiment supplémentaire à côté d’une maison existante. Quoi qu’il en soit, les parents, leurs enfants et les familles de ceux-ci déclarent tous la même adresse. Ainsi, son frère Marcel y vit avec son épouse Césarine et leurs quatre enfants : Marcel, né le 15 mai 1927 à Sarcelles, Ginette, née le 22 janvier 1929, Simone, née le 27 mars 1930, et Micheline, née le 11 décembre 1931, toutes trois à Pierrefitte. Cette “cohabitation” familiale va parfois amener les services de police à confondre les deux frères dans certains paragraphes de leurs notices biographiques respectives.

Marcel est inscrit au fonds de secours de la mairie de Pierrefitte pour la première fois le 20 août 1932.

De son côté, Robert Tiradon est manœuvre maçon pour diverses entreprises du Bâtiment. Mais il est souvent au chômage.

Réformé définitif, il n’est pas mobilisé au cours des « hostilités 1939-1940 ».

Le 12 novembre 1939, Marcel entre à la SNCF en qualité de manœuvre auxiliaire, mais est licencié en juin 1940. Le 3 juillet, il est inscrit de nouveau au fonds de chômage.

Sous l’Occupation, le 2 octobre, Marcel, en compagnie de Camille Watremez, de Pierrefitte, dépose à la mairie un cahier de revendications des chômeurs de la commune, action menée ailleurs en banlieue nord. Selon la police, ils ont été désignés pour cette démarche par un comité populaire clandestin se réunissant chez deux militants connus de la commune.

De son côté, Robert Tiradon recommanderait aux chômeurs de ne pas effectuer le travail qui leur est prescrit, ce qui lui vaut d’être signalé par le maire qui le présente comme un « militant irréductible ».

Le 14 octobre, Marcel fait l’objet d’un rapport de la direction des Renseignements généraux de la préfecture de police rappelant de dépôt du cahier de revendications et le représentant comme un militant communiste actif se livrant parfois à des distributions de tracts.

Le 26 octobre, son nom est inscrit sur une liste de cinquante militants du département de la Seine – dont Camille Watremez – visés par un arrêté d’internement administratif collectif signé par le préfet de police en application du décret de 18 novembre 1930 et de la loi du 3 septembre 1940, et devant être conduits au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé trois semaines plus tôt dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Cependant, plusieurs rapports de police ultérieurs indiquent la date du 9 novembre pour l’arrestation de Marcel Tiradon.

Le 6 décembre suivant, Robert Tiradon est pris à son tour par des agents du commissariat de la circonscription de Saint-Denis lors d’une nouvelle vague d’arrestations visant 69 “communistes” de la Seine dont 61 sont finalement appréhendés. D’abord rassemblés à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, ils sont  conduits le jour même dans plusieurs  cars au camp d’Aincourt, où Robert Tiradon – assigné à la chambre n° 32 – retrouve son frère Marcel.

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940. Arch. dép. des Yvelines (1W71).

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte
montrant les points d’impact après le bombardement
par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines (1W71).

Le 10 décembre, Césarine, épouse de son frère Marcel, écrit au préfet de la Seine pour solliciter la libération de son mari, expliquant que – « alitée depuis près de trois ans » – elle est dans l’impossibilité de travailler et doit faire appel à la charité de ses voisins pour subvenir aux besoins de leurs enfants, situation qui « ne peut durer ».

Le 17 janvier 1941, Robert Tiradon écrit au préfet de la Seine (voulait-il s’adresser au préfet de police ?) pour récuser toute appartenance passée au Parti communiste ou à aucun autre, préconisant qu’une enquête soit menée à ce sujet. Il ajoute qu’il a subi récemment une grave opération nécessitant « un régime un peu sévère » inaccessible dans un centre de séjour surveillé. Il renverra la même lettre le 29 janvier…

Le 20 janvier, son frère Marcel sollicite une allocation de secours pour son épouse et leurs enfants, ou – à défaut – l’enquête qui amènera sa propre libération : « Vous ne voudriez pas, Monsieur le Préfet, avoir le remord de les laisser mourir tous les cinq de froid et de faim ? ».

Le même jour (!), Césarine décède, âgée de seulement 34 ans. Le 23 janvier, une demande d’autorisation présentée par son mari pour se rendre à ses obsèques, et transmise par le commandant du camp d’Aincourt, est refusée par le préfet de police parce qu’arrivée trop tard. Le 1er février, le maire de Pierrefitte place les quatre orphelins à l’hôpital des Enfants assistés, au 14, rue Denfert-Rochereau (Paris 14e). Le 11 février, Marcel Tiradon se voit accorder une permission de sortie, escorté d’un gardien de la Paix, afin de leur rendre visite. Avant de rentrer au camp, il passe à son domicile, puis au cimetière où repose son épouse. Le 26 février finalement, le préfet de Seine-et-Oise prend un arrêté rapportant la mesure d’internement de Marcel Tiradon, lequel est sans doute libéré afin de pouvoir prendre en charge ses enfants. Dans sa rédaction initiale, l’arrêté intervertit encore les prénoms des deux frères, mais l’administration corrige rapidement son erreur.

Le 13 mars, Germaine Tiradon écrit au préfet de Seine-et-Oise afin de lui présenter une requête concernant son mari dont le contenu reste à préciser. Le 18 avril, la préfecture départementale renvoie cette demande au préfet de police de Paris – direction des Renseignements généraux – qui a ordonné l’internement du détenu (la suite donnée est inconnue…).

Le 20 juin, son épouse écrit au préfet de la Seine pour solliciter la libération de son mari, indiquant qu’il n’a jamais appartenu à aucun parti.

Le 21 février 1942, elle écrit au préfet de police en formulant la même demande.

Le 9 mai 1942, Robert Tiradon est parmi les quinze internés d’Aincourt remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise ), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Robert Tiradon est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46149 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Robert Tiradon est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est admis au Block 20 (maladies contagieuses) de l’hôpital d’Auschwitz [2]. Peu avant sa mort, il y est admis au Block 21a (chirurgie) de cet hôpital.

Auschwitz-I, l’entrée du Block 21 en 2017. © Mémoire Vive.

Auschwitz-I, l’entrée du Block 21 en 2017. © Mémoire Vive.

Robert Tiradon meurt à Auschwitz le 6 décembre 1942, selon une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, et où est inscrit le matricule n° 46149 (19e de la liste à cette date) ; le local en question est situé au sous-sol du Block 28.

 Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Pierrefitte-sur-Seine, situé dans le cimetière communal.La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 2-01-2001).

Notes :

[1] Pierrefitte-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Mais les « 31000 » et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme “i” : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 386 et 421.
- Archives départementales de Seine-Saint-Denis, site internet, archives en ligne : registre des naissances de Pierrefitte 1908-1911 (PSS 1E2-38), année 1908, acte n° 42 (vue 12/94).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; dossier individuel de son frère Marcel Tiradon aux RG (77 W 1460-18301) ; dossier commun des deux frères au cabinet du préfet (1 W 189-53441).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, cotes 1w74, 1w76, 1w80, 1w156 (dossier individuel) ; recherches parallèles de Claude Delesque.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, DMPA, Caen : registre de la morgue d’Auschwitz-1, Leichenhalle (26 P 850).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Pierrefitte-sur-Seine, relevé d’Alain Claudeville (10-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Fernand TILLIET – 46148

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Fernand André Tilliet naît le 18 août 1907 à Villevaudé (Seine-et-Marne – 77), fils de Joseph François Tilliet, 24 ans, manouvrier, et d’Isabelle Léontine Doublet, 20 ans, son épouse ; ils se sont mariés neuf jours plus tôt !

Pendant un temps, Fernand Tilliet est pris en charge par l’Assistance publique. De santé fragile, il sera admis à deux reprises dans un préventorium à Berck-sur-Mer pour « maladie des os ».

Fernand Tilliet est peintre-décorateur (chez Petit en 1931).

Le 3 novembre 1934 à Vanves [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine), il se marie avec Renée Lucie Durand, née en 1908 à Neuvy(-Boin, Deux-Sèvres ?).

Au printemps 1936, le couple habite au 80 rue de Paris à Vanves.

Ils ont deux enfants, dont Jean, né le 16 mars 1936.

À une date restant à préciser, Fernand Tilliet perd son emploi.

Militant communiste, il vend L’Humanité et d’autres publications sur la voie publique.

D’octobre 1936 à novembre 1937, pendant la guerre d’Espagne, il s’engage dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini.

Lui-même et son épouse déclarent chacun qu’il a été ensuite exclu du Parti communiste…

Sous l’occupation, et jusqu’au moment de son arrestation, il est habite au 14, rue de la Vieille-Forge à Vanves. Son domicile est perquisitionné plusieurs fois par la police française, qui ne trouve aucun motif d’inculpation…

Le 13 juillet 1941, un voisin locataire de 48 ans est interrogé par des policiers de Vanves, auxquels il répond : « Je ne peux dire que Tilliet soit pour quelque chose dans la distribution des tracts répandus aux abord de l’immeuble. Je n’ai jamais vu Tilliet lancer des tracts par sa fenêtre. »

Le 24 décembre 1941, peu après 6 heures du matin, Fernand Tilliet est arrêté à son domicile par des agents du commissariat de Vanves (comme André Steff), dans le cadre d’une vague d’arrestations organisées par la police française contre 33 anciens membres des brigades internationales (dont Jean Cazorla, Maurice Fontès…) ; le préfet de police de la Seine a signé les arrêtés d’internement ordonnant ces arrestations en application du décret du 18 novembre 1939. Ils sont conduits à la caserne désaffectée des Tourelles, boulevard Mortier, Paris 20e, “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police de Paris.

La caserne des Tourelles, vers la Porte des Lilas, entre l’avenue Gambetta, à gauche, et le boulevard Mortier. Le bâtiment A est parallèle au “stade nautique”, dont on aperçoit les gradins au deuxième plan. Carte postale d’après guerre. Coll. Mémoire Vive.

La caserne des Tourelles, vers la Porte des Lilas, entre l’avenue Gambetta, à gauche, et le boulevard Mortier.
Le bâtiment A est parallèle au “stade nautique”, dont on aperçoit les gradins au deuxième plan.
Carte postale d’après guerre. Coll. Mémoire Vive.

Deux jours plus tard, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif de Fernand Tilliet.

Le 13 janvier 1942, le cabinet du préfet de police prévient l’administration militaire allemande du Grand-Paris qu’il a interné le suspect, « considéré comme dangereux pour la sécurité publique ».

Au cours de cet hiver, Fernand Tilliet est admis dans un hôpital pour y être opéré d’une oreille.

Le 31 janvier, son épouse écrit au  préfet de police : « Je vous en prie, faites le relâcher le plus tôt possible, étant seule pour élever mon enfant, payer mon loyer, etc., avec la modique somme de 23 fr. par jour que je gagne en faisant un ménage. » Le 6 février, le cabinet du 1er bureau de la préfecture écrit au commissaire de police de la circonscription de Vanves pour le prier « de bien vouloir faire connaître à l’intéressée que sa demande ne peut être favorablement accueillie dans les circonstances actuelles » : une formulation floue et stéréotypée…

Le 5 mai 1942 à 4 heures du matin, Fernand Tilliet fait partie des 24 internés des Tourelles, pour la plupart anciens Brigadistes, extraits de ce centre « par ordre de la Felgendarmerie » et conduits à la Gare du Nord où ils sont remis aux autorités d’occupation. Là, on les fait monter dans le train de 5 h 50 à destination de Compiègne (Oise), puis, de la gare, on les conduit au camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

En conséquence, le 22 mai, le cabinet du 1er bureau de la préfecture écrit de nouveau au commissaire de police de Vanves pour lui demander d’informer Madame Tilliet « que son mari est actuellement interné à Compiègne, à la disposition de Autorités allemandes, et que les Autorités françaises ne sont pas compétentes, dans ces conditions, pour envisager sa libération ». Quatre jours plus tard, elle signe ce courrier sous le tampon « reçu communication ».

Entre fin avril et fin juin 1942, Fernand Tilliet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises.

TransportAquarelle
Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.Le 8 juillet, Fernand Tilliet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46148 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.Le 13 juillet, après l’appel du soir,  Fernand Tilliet est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 9 octobre, il est admis au Block 28, puis transféré au Block 21, chambrée 1, de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I [2].

Fernand Tilliet meurt dans la chambrée 5 (Stube) du Block 21 le 15 décembre 1942, selon le registre de la morgue  (Leichenhalle) transcrit clandestinement par la résistance polonaise intérieure du camp.

Son nom est inscrit sur le Monument élevé « en mémoire des victimes vanvéennes du nazisme » dans le square de la place de l’Insurrection.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 2-01-2001).

Notes :

[1] Vanves : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’hôpital d’Auschwitz-I : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”. Mais les « 31000 » et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme “Revier” : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 384 et 421.
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (4060).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis)  cartons “occupation allemande”, internés dans différents camps… (BA 1837) ; cartons “Parti communiste”, chemise “1941, perquisitions particuliers” (BA 2447) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 682-27737) ; registre de main courante du commissariat de Vanves de mars à novembre 1941 (C B 102-29).
- Site Mémorial GenWeb, 92-Vanves, relevé de Véronique Canova (04-2006).
- Archives municipales de Vanves, listes électorales.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) : registre du Block 28, page 405 ; registre de la morgue (Leichenhalle).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-06-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Édouard (Jean) TIL – 46147

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Edouard Til

Édouard, Jean, Til naît à Paris 20e le 5 décembre 1887, chez ses parents, Victor Til, 22 ans, polisseur, et Jeanne Magnaudet, 20 ans, journalière, domiciliés au 78 boulevard de Belleville.

Il reçoit une formation d’ouvrier orfèvre, mais il exercera plusieurs professions.

Pendant un temps, il habite au 42, rue Beaubourg (Paris 3e). Son père, veuf, habite alors au 199, rue de Paris à Montreuil-sous-Bois (Seine / Seine-Saint-Denis).

Le 8 octobre 1908, il est incorporé comme 2e canonnier au 32e régiment d’artillerie afin d’y accomplir son service militaire. Le 25 septembre 1910, il est envoyé dans la disponibilité de l’armée active, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Pendant un temps, Édouard Til habite au 39, rue Rambuteau (Paris 3e).
Dans sa jeunesse, il pratique la lutte et la boxe, s’entraînant dans la même équipe que Georges Carpentier qui, en 1911, à 17 ans, devient champion de France des poids walters (mi-moyens) en dépossédant de son titre son frère Paul Til (G. Carpentier sera champion du monde des mi-lourds en 1920).

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A l’entraînement

Le 2 septembre 1911, à la maire d’Arcueil-Cachan, Édouard Til épouse Marcelle Cordier, 21 ans, ménagère. Ils ont bientôt deux enfants : Jeanne, née en 1912, Georges, né en 1914.

En octobre 1911, la famille demeure au 5, rue Simon Le Franc (Paris 4e).

En mai 1912, la famille est installée à Cachan [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Val-de-Marne – 94), au 14 rue Blanche.

Du 7 au 29 novembre 1913, Édouard Til  participe comme réserviste à une période d’exercice dans le 32e R.A..

Rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale, Édouard Til rejoint le 32e régiment d’artillerie de campagne, à Orléans, le 3 août 1914. Il participe aux combat dans les armées du Nord.
Le 30 juin 1917, il est cité à l’ordre du régiment : « Canonnier courageux, a donné, le 3 juin 1917, l’exemple d’un beau dévouement en soignant, sous un violent bombardement, ses camarades blessés à ses côtés » ; action pour laquelle il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze.
Le 16 février 1918, il est nommé 1er canonnier. Le 9 décembre 1918, il conduit le carrosse du Président du Conseil, Raymond Poincaré, en visite officielle à Strasbourg. Le 25 mars 1919, Édouard Til est mis en congé illimité de démobilisation.

En avril suivant, la famille Til habite de nouveau à Paris, au 6, passage Vignon (probablement l’impasse Vignon débouchant dans la rue Balard, dans le 15e arrondissement). En 1922, Marcelle Til met au monde leur deuxième fils, Albert, mais celui-ci décèdera prématurément en avril 1932

En juillet 1925, la famille est définitivement installée au 17, rue du Rû-Grand à Vitry-sur-Seine [1] (94).

Pendant un temps, Édouard Til est manutentionnaire aux Halles de Paris (« employé alimentation ») et, pendant une autre période, aide serrurier.

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Aux halles de Paris

En février 1932, sur sa demande, la 4e commission militaire de réforme de la Seine, le déclare réformé définitif n°2 pour « néphrectomie gauche » (ablation d’un rein).

Édouard Til adhérent au Parti communiste français (PCF). En mai 1935, il est élu conseiller municipal de Vitry sur la liste du Parti communiste et adjoint au maire, Charles Rigaud.

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Vitry-sur-Seine. La mairie en 1913.
Carte postale. Collection mémoire Vive.
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Édouard Til (1er à droite) devant la mairie de Vitry-sur-Seine.

Le 4 octobre 1939, le Président de la République – Albert Lebrun -, par décret et « sur la proposition du ministre de l’intérieur, suspend jusqu’à cessation des hostilités les Conseils municipaux » de 27 communes de la banlieue parisienne à majorité communiste, dont celui de Vitry-sur-Seine, et les remplace par des Délégations spéciales composées de notables désignés (le maire suspendu, Charles Rigaud, répudie officiellement son appartenance au PCF en décembre 1939).

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L’Œuvre, édition du 18 mars 1940.
Archives de la préfecture de police. Paris.

Pendant la guerre, Édouard Til est chef d’îlot pour la défense passive, ce qui l’autorise à circuler malgré les alertes et le couvre-feu : il en profite pour mener son action clandestine. Il trouve du travail comme ouvrier spécialisé aux Forges d’Ivry (Établissements Lemoine) du 23 novembre 1939 au 12 juin 1940, date à laquelle cet établissement ferme (évacuation par ordre au moment de l’exode).

Édouard Til traverse ensuite une période de chômage, puis retrouve du travail en février 1941, dans la même entreprise (selon le DBMOF-Maitron), où il distribue des tracts contre l’occupant.

Mobilisé, son fils Georges (26 ans en juin 1940) est fait prisonnier de guerre puis est détenu au Stalag III-b, à Francfort-sur-Oder.

Le 15 novembre 1940 , Édouard Til est signalé par le commissaire divisionnaire de la Gare du Nord (sic) comme étant un des dirigeants de l’activité communiste à Vitry avec trois autres Vitriots : Henri et René Lavalette, et Justin Delbos. Le 5 décembre 1940, ils font l’objet d’un(e ?) A.S. (?) et une notice est réalisée sur chacun d’eux à partir de renseignements recueillis.

Une attestation du Front national [2] indique qu’Édouard Til rejoint ce mouvement de résistance le 1er mai 1941. D’après la mémoire familiale, se sachant surveillé, il évite de rentrer chez lui et prévoit même de passer en zone non-occupée.

Il est considéré par les Renseignements Généraux (RG) « comme un meneur particulièrement actif ».

Le 26 juin 1941, Édouard Til est arrêté à son domicile vers 7 heures du matin par le commissaire d’Ivry-sur-Seine, en même temps qu’un autre élu vitriot, Jules Lagaisse [3], dans le cadre d’une vague d’arrestations visant 92 militants ouvriers de Paris et de la “petite couronne”. Le préfet de police de Paris a signé les arrêtés ordonnant leur internement administratif, mais les opérations sont menées en concertation avec l’occupant. En effet, pendant quelques jours, les hommes arrêtés dans ces conditions sont conduits à l’hôtel Matignon, puis aussitôt livrés aux « autorités d’occupation » qui les rassemblent au Fort de Romainville (HL 122), sur la commune des Lilas (Seine-Saint-Denis). Considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp.

Dans les jours qui suivent (le 27 juin, le 1er juillet…) ils sont conduits à la gare du Bourget où des trains les transportent à Compiègne (Oise) [4]. Édouard Til a probablement suivi le parcours de ces hommes finalement internés au camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) [5].

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Édouard Til est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46147 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire – au cours duquel Édouard Til se déclare sans religion (Glaubenslos) -, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de dire dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Édouard Til.

Il meurt à Auschwitz le 18 août 1942, selon les registres du camp [6] ; il a 55 ans.

(aucun des treize “45000” de Vitry n’est revenu)

Rentré en France le 4 décembre 1942 par le biais d’un rapatriement sanitaire, son fils Georges est facteur à Pothières (Côte-d’Or) à partir de décembre 1943. Après la Libération, il mène des démarches pour savoir ce qu’est devenu son père.

Le 15 février 1946, Raymond Saint-Lary, de Fresnes, signe le formulaire de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) certifiant le décès d’Édouard Til à Auschwitz.

Le 1er mai 1947, le ministre de l’Intérieur lui délivre à titre posthume la Médaille d’honneur départementale et communale (d’argent) « en récompense de ses bons services et du dévouement dont il a fait preuve dans l’exercice de ses fonctions ».

À l’automne 1954, Marcelle, son épouse, tente – vainement semble-t-il – d’obtenir pour lui le titre de “Déporté Résistant”.

Après la guerre, le conseil municipal de Vitry-sur-Seine donne le nom d’Édouard Til à la rue du Rû-Grand, où il habitait (l’arrêt de bus RATP proche prend aussi ce nom). Une plaque commémorative est également apposée sur l’immeuble où il était domicilié.

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À l’angle de la rue Édouard Til et de la rue des Papelots.

Son nom est inscrit sur le monument « À la mémoire de Vitriotes et des Vitriots exterminés dans les camps nazis » situé place des Martyrs de la Déportation à Vitry (dernier sur la liste dans l’ordre alphabétique).

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Une plaque dédiée aux “45000” vitriots a été apposée
au dos du monument. Elle est parfois masquée par la végétation.
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La plaque apposée pour le 50e anniversaire de la libération
des camps (avril 1995).

Son nom est également sur la plaque située dans le hall de la Mairie et rappelant que trois élus municipaux sont morts en déportation « pour que vive la France » : Paul Froment, Édouard Til et Jules Lagaisse.

Jeanne, sa fille, décède vers 1955. Marcelle, son épouse, décède le 1er juin 1960.

Notes :

[1] Cachan et Vitry-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN” et toujours existante).

[3] Jules Lagaisse, déporté au KL Sachsenhausen le 24 janvier 1943, il y meurt le 17 mars suivant, à 63 ans.

[4] Arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, trois témoignages :

Jean Lyraud (déporté au KL Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Le 26 juin, à 5 heures du matin, il est réveillé par des policiers français : « Veuillez nous suivre au poste avec une couverture et deux jours de vivres. » Un autobus le prend bientôt avec trois autres personnes arrêtées. Le véhicule fait le tour des commissariats de Montreuil et du XIe arrondissement. Un crochet à l’hôtel Matignon, qui abrite alors la police de Pétain, puis c’est le transport jusqu’aux portes du Fort de Romainville où les prisonniers sont remis aux autorités allemandes. Avec ses compagnons, jean Lyraud passe la nuit dans les casemates transformées en cachots. « Le lendemain 27 juin dans l’après-midi, nous embarquons en gare du Bourget dans des wagons spéciaux pour Compiègne. Nos gardes ont le revolver au poing et le fusil chargé, prêts à faire feu. Dans la soirée nous arrivons au camp. Quelques jours après, d’autres contingents de la région parisienne nous rejoignent. »

Henri Pasdeloup (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943), cheminot de Saint-Mihiel (Meuse), est arrêté le 23 juin 1941 par la Gestapo qui le conduit à la prison de la ville. Le 27 juin, avec d’autres détenus emmenés à bord de deux cars Citroën, il arrive devant le camp de Royallieu vers 16 h 30 : « À l’arrivée face au camp, nos gardiens nous font descendre. Alignement sur la route, comptages et recomptages. En rangs par trois nous passons les barbelés… À 19 heures, environ 400 prisonniers en provenance de la région parisienne entrent en chantant L’Internationale… Le lendemain 28 juin, réveil à 7 heures : contrôle d’identité, toise, matricule. J’ai le numéro 556. Pour notre groupe de la Meuse, cela va de 542 à 564. Ceux de la région parisienne, bien qu’arrivés après nous, sont immatriculés avant… »

Henri Rollin : «  Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention «  communiste  », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

[5] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive ». Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[6] Date de décès inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, pris entre l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès pour les déportés et la nécessité d’établir les documents nécessaires aux familles, les services français d’état civil ou des Anciens combattants et victimes de guerre (pensions) ont souvent fixé des dates fictives, sur la base du témoignage généralement approximatif des rescapés. Ainsi a été établie la période de décembre 1942 pour Édouard Til.

Sources :

- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Editions Ouvrières, CD-rom 1990-1997.
- Témoignage de Georges Til, son fils, et de ses petits-enfants (documents familiaux).
- Informations collectées par José Martin (frère d’Angel Martin) pour Roger Arnould (FNDIRP), 1973.
- 1939-1945, La Résistance à Vitry, Ville de Vitry-sur-Seine, 1992, page 21.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 357, 390 et 421.
- Archives de Paris, archives en ligne ; registre des naissances du 20e arrondissement, année 1887 (V4E 7876), acte n° 4643.
- Archives de Paris ; registres des matricules du recrutement militaire, classe 1907, 4e bureau de la Seine, volume 4001-4500 (D4R1 1435), n° 4294.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) ; cartons « occupation allemande »,  liste des internés communistes (BA 2397), chemise « Internés administratifs du 2e trimestre 1941 » ; Versement des RG, « Parti communiste », carton n° 7, chemise « Activités communistes depuis le début de la guerre ».
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; extrait du registre d’appel avec la liste des détenus décédés (Verstorben Häftlinge).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).
- Livre-Mémorial, FMD (Fondation pour la mémoire de la déportation), tome I, page 624, matr. 58956 (J. Lagaisse).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-11-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Yves, dit Guy, THOMAS – 46145

Yves, dit Guy, THOMAS, né le 5 ou le 9 janvier 1910 à Thonnance-lès-Joinville (Haute-Marne), domicilié à Saint-Dizier (Haute-Marne), mort à Auschwitz le 19 septembre 1942.

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Yves, dit Guy, THOMAS naît le 5 janvier 1910 à Thonnance-lès-Joinville (Haute-Marne – 52), fils d’Eugène Thomas, 41 ans, haleur, et de Marie Clément, 35 ans, son épouse.

En 1906, la famille habite Grande-Rue à Thonnance, n° 89, côté droit en montant, et compte déjà trois autres enfants : Thomas, né le 11 avril 1900, Fernande, née le 5 avril 1902, Combes (sic), né le 6 février 1905, tous nés à Thonnance

À une date restant à préciser, Yves Thomas se marie avec Jeanne Méon.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 81, rue des Alliés à Saint-Dizier (52).

Cheminot, il est homme d’équipe à l’Exploitation, travaillant probablement avec Georges Fontaine et Henri Quéruel.

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Saint-Dizier, la gare dans les années 1900. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Saint-Dizier, la gare dans les années 1900.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Lors des élections cantonales d’octobre 1937, le Parti communiste le présente comme candidat au Conseil général de la Haute-Marne pour la circonscription de la Haye-Descartes.

Le 22 juin 1941, “Guy” Thomas est arrêté à Saint-Dizier, parmi une soixantaine de militants communistes et syndicalistes interpellés en quelques jours dans la Haute-Marne (dont 15 futurs “45000”). D’abord détenu à la prison de Chaumont, il est transféré le 27 juin au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1].

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, “Guy” Thomas est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Yves Thomas est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46145.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Yves Thomas est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au Block 20 (“contagieux”) de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique pour cause – très probablement mensongère – de sa mort « entérite stomacale aigüe » (Akuter Magendarmkatarrh) [2], alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [3]).

Son nom est inscrit sur la plaque dédiée « aux déportés politiques, aux déportés du travail et aux victimes civiles de la guerre 1939-1945 » apposée dans le hall de l’Hôtel de Ville de Saint-Dizier. Il figure également sur la stèle commémorative du quai de la gare de Saint-Dizier dédiée « à la mémoire des agents de la SNCF tués par faits de guerre ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 1-09-2000).

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant “Guy” Thomas, c’est le 30 août 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 127 et 128, 150 et 153, 367 et 421.
- Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France : L’Humanité n° 14025 du 12 mai 1937, page 4, “première liste…”.
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1424-1425.
- Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 51.
- Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon : cote 1630 W, article 252.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) : copie de l’acte de décès du camp.
- Site internet Mémorial GenWeb, Raymond Jacquot (relevé n° 20488) et Henri Dropsy (relevé n° 22087), 2004.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Jean THOMAS – 46144

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Droits réservés.

Jean, Émmanuel, THOMAS naît le 21 juin 1920 au Mans (Sarthe), fils de Jean, Marie, Thomas, 27 ans, facteur aux écritures aux Chemins de fer de l’État, et de Catherine Rosalie, 29 ans, tous deux natifs de Plélan-le-Grand (Ille-et-Vilaine). Jean a un frère cadet, Alain.

Appelé à effectuer son service militaire au 70e régiment d’Infanterie de Vitré en octobre 1913, leur futur père est parti au front dès le 4 août 1914. Deux semaines plus tard, à Tamines, en Belgique, alors que l’armée allemande, qui avançait vers Charleroi pour contrôler le sud de la Belgique, s’opposait violemment à l’armée française, retranchée en rive droite de Sambre, il a été grièvement blessé à la jambe droite par balle. Le 21 octobre suivant, il a été compté disparu à Ransart, au sud-ouest d’Arras (Pas-de-Calais), fait prisonnier de guerre par les Allemands, qui l’ont libéré le 2 décembre 1915 (il a été hospitalisé le 7 décembre). Le 4 octobre 1916, il a été cité à l’ordre de son régiment, recevant la Croix de guerre avec étoile de bronze. Le 25 janvier 1917, il a été classé au service auxiliaire par la commission de réforme de Rennes, pour paralysie sciatique de la jambe droite et du pied. Le 11 août suivant, il a été transféré au 10e escadron du train des équipages, puis le 18 mars 1918, au 14e escadron du train. Il a été démobilisé en septembre 1919.

Jean, Marie, et Catherine se sont mariés le 14 janvier 1920 à Rennes (Ille-et-Vilaine).

À partir de 1923, Jean Thomas père est domicilié au 23, rue de Docteur-Heulin (ancienne rue Trézel), à Paris 17e ; son épouse et ses enfants résidant en province.

En juin 1929, la famille emménage au premier étage d’un immeuble au 8, rue des Tilleuls à Boulogne-Billancourt [1] (Hauts-de-Seine – 92).

Jean Thomas fils fréquente l’école communale de la rue Fessard, à Boulogne, jusqu’à l’obtention de son certificat d’études primaires, à 14 ans.

Puis il entre en apprentissage aux ateliers SNCF de la Folie à Nanterre (92), où il travaille comme chaudronnier jusqu’à son arrestation.

Il habite alors chez ses parents et prend le train quotidiennement pour se rendre à son travail. Célibataire (il a 20 ans), il est fiancé à Georgette.

Militant communiste, son père est membre de la cellule 108 du 7e rayon de la région Paris-ville, et adhérent au syndicat CGTU des cheminots de Paris rive-droite (il fait l’objet d’une note de police dès octobre 1928). Jean est membre des Jeunesses communistes et de la CGT, il est le secrétaire des Amis de l’URSS pour son atelier. Le 25 novembre 1938, à la gare Saint-Lazare, il est appréhendé pour avoir crié : « Daladier démission. Thorez au pouvoir. »

Le 10 avril 1940, la direction de la SNCF signale le père – alors commis de 1re classe à la gare Saint-Lazare – et le fils comme militants communistes, alors que le PCF a été interdit en septembre 1939.

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Paris. Le dépôt SNCF des Batignolles (réseau Ouest) en 1965.
Une loco 040 TA en manœuvre. Photo © Siegenthaler.
Collection Mémoire Vive.

Avec son père, il reste actif au sein du Parti communiste clandestin, distribuant des tracts, aidant ses amis à trouver du travail et leur fournissant de fausses identités.

Le 30 novembre 1940, dans l’après-midi, cherchant une machine à ronéotyper, les policiers en civil du commissariat de circonscription de Boulogne-Billancourt interpellent toute la famille Thomas à son domicile, y compris la fiancée de Jean qui y était de passage. Tous sont conduits à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e. Fautes de charge, les deux femmes sont relaxées le lendemain. Lors de l’arrestation, de nombreux tracts ayant été trouvés sur Jean, à son domicile et dans le vestiaire de son atelier, celui-ci est Interrogé sur leur origine, mais refuse de fournir aucune indication. Les deux hommes sont mis à disposition du procureur de la République, inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (interdiction de l’activité et de la propagande en lien avec la IIIe Internationale). Le père de famille, Jean, Marie, Thomas, est officiellement arrêté le 3 décembre (et, probablement, Jean, Emmanuel, aussi).

Le 7 décembre, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine les condamne chacun à six mois d’emprisonnement. Le 27 janvier 1941, la cour d’appel de Paris confirme la condamnation du père, qui reste écroué à la Santé, et relaxe le fils. Mais, dès le lendemain 28 janvier, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif de Jean Thomas, qui est « gardé par la Préfecture », restant écroué à la Santé, 3e division, cellule 69. Le 25 février, il écrit au préfet de la Seine [sic] pour solliciter sa « mise en liberté immédiate », protestant « contre ce crime de séquestration illégale ».

Deux jours plus tard, le 27 février, il fait partie d’un groupe de 48 internés administratifs – dont Guy Môquet, Maurice Ténine et seize futurs “45000” – transférés à la Maison centrale de Clairvaux (Aube – 10) où ils en rejoignent d’autres : 187 détenus politiques s’y trouvent alors rassemblés.

Révoqué de la SNCF depuis le 6 mars, son père fait retraite au lieu-dit La Rivière à Plélan-le-Grand après sa libération, entre août et novembre 1941. Le 17 avril, il a signé un engagement sur l’honneur de ne plus se livrer à une activité communiste illégale. Il trouve ensuite un emploi à la société Marce, comme chef d’équipe pour la surveillance des wagons en cours de chargement à la gare des Batignolles.

Le 23 septembre, J.-P. Ingrand, préfet délégué du ministre de l’Intérieur dans les Territoires occupés (à Paris), demande au préfet de l’Aube de retirer de Clairvaux les internés administratifs qui y sont « hébergés » (sic !) ; ordre rapidement exécuté.

Le 26 septembre 1941, Jean Thomas est parmi la centaine d’internés de Clairvaux (Aude – 10) transférés – en train, via Paris – au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne – 86).

Le 15 janvier 1942, la SNCF le licencie pour « menées antinationales ».
Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 148 détenus (pour la plupart déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Thomas est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46144 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Jean Thomas est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Là, il est affecté à la Schlosserei (serrurerie) – le 15 avril 1943, il est inscrit comme chaudronnier sur la liste des détenus de ce Kommando -, puis à la DAW (Deutsche AusrüstungsWerke, société SS, usine d’armement entre autres).

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), Jean Thomas reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage duBlock 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres
partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Au Block 11, Jean Thomas a l’idée « d’orner » le matricule tatoué sur son bras et celui de ses camarades, entourant les chiffres de motifs fleuris.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, les “politiques” français sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Jean Thomas se retrouve au Kommando “béton-colonne”, où il est gravement blessé à la main.

Le 27 février 1944 Jean Thomas est, avec Armand Saglier, dans un petit groupe de 11 détenus transférés au KL Sachsenhausen. Ils sont affectés au Kommando de Lieberose, puis à celui de Falkenhager : « un vieux théâtre désaffecté » et une usine souterraine. Jean Thomas y sabote sa production.

L’évacuation de Sachsenhausen débute le 21 avril 1945. Après une longue marche en direction de la baie de Lübeck, Jean Thomas et Armand Saglier sont libérés à Schwerin par les Américains. Jean Thomas est rapatrié le 25 mai.

Après une période de convalescence, il est réintégré à la SNCF.

Militant de la FNDIRP, il mène un combat constant pour la défense des droits de ses camarades et pérenniser la mémoire de la Déportation.

Il décède le 26 décembre 1998, demandant à être incinéré.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 359, 381 et 421.
- Bulletin de Mémoire Vive, n° 10, novembre 1999, page 8.
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 175.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cabinet du préfet de police, dossier individuel (1w0121) ; cartons “occupation allemande” : camps d’internement… (BA 2374) : liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-06-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Boulogne-Billancourt : créée sous le nom de Boulogne-sur-Seine en 1790, la commune prend le nom de Boulogne-Billancourt en 1926, le rattachement de Billancourt datant de 1859. Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Adrien THOMAS – 46143

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Adrien Thomas naît le 5 novembre 1908 au 4, rue Belgrand (? – près de l’hôpital Tenon), à Paris 20e, fils d’Étienne Thomas, 25 ans, serrurier, et de Jeanne Berthe Poupet, 19 ans, son épouse, domiciliés au 25, rue du Borrégo.

En 1928, habitant chez ses parents au 8, passage Saint-Pierre-Amelot à Paris 20e, Adrien Thomas commence à travailler comme métreur vérificateur. Il est titulaire d’un permis de conduire.

Le 21 octobre 1929, il est incorporé au 155e régiment d’artillerie portée (groupement de DCA) afin d’y accomplir son service militaire. Quinze jours plus tard, le 5 novembre, la commission de réforme de Strasbourg le classe “service auxiliaire” pour taille insuffisante (1,51 m). Le 12 octobre 1930, il est “renvoyé dans ses foyers”, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 25 juillet 1931 à Paris 19e, Adrien Thomas épouse Marie Quetlas, née le 6 juin 1913 à Paris 14e, employée de bureau, habitant chez sa mère, veuve, au 6, rue de la Solidarité.

En août suivant, le couple est domicilié à Paris 11e (au 15, rue Popincourt ?). Il aura trois enfants, âgés respectivement de 6, 4 et 3 ans en mai 1941.

À partir de juin 1932 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée dans les HBM (habitations à bon marché) du 7, rue de l’Égalité à Joinville-le-Pont [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Val-de-Marne).

Joinville-le-Pont, rue de l’Egalité. Carte postale oblitérée en 1934, coll. Mémoire Vive.

Joinville-le-Pont, rue de l’Égalité. Carte postale oblitérée en 1934, coll. Mémoire Vive.

Avant-guerre, Adrien Thomas est devenu agent hospitalier à l’hôpital Tenon, à Paris 20e.

Entrée de l’Hôpital Tenon, vue depuis le square E. Vaillant. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Entrée de l’Hôpital Tenon, vue depuis le square E. Vaillant.
Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Pendant un temps, il est adhérent du parti communiste.

Du 29 septembre au 7 octobre 1938, il effectue une période de réserve au 401e DCA.

Le 24 août 1939, à la veille de la guerre, il est mobilisé au 407e RADCA, puis passe au 40e groupe d’artillerie mobile. Le 23 novembre, il est renvoyé dans ses foyers.

Sous l’occupation, la police le considère comme un « communiste notoire, agent actif de la propagande clandestine ».

Le 5 octobre 1940, Adrien Thomas est appréhendé (détenteur de tracts ?) par la police française lors de la grande rafle organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain à l’encontre des responsables communistes de la région parisienne avant guerre (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant.

Après avoir été regroupés en différents lieux, ceux-ci sont rapidement placés en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 22 octobre, Adrien Thomas écrit au président de la Commission de vérification, à Paris (conformément à l’article 3 du décret du 29 novembre 1939).

Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.

Le 9 janvier 1941, Adrien Thomas écrit au préfet de la Seine (voulait-il s’adresser au préfet de police ?) afin de solliciter un secours pour son épouse « qui est sans travail et, d’après la mairie de Joinville-le-Pont, n’a droit ni au chômage ni à aucune allocation ». Il se demande « avec angoisse ce qu’ils vont devenir » si elle et leurs enfants « ne peuvent plus se procurer à manger ». Si aucune aide ne peut leur être apportée, il propose sa propre libération, « auquel cas je pourrais reprendre immédiatement mon travail qui me permettrait d’assurer leur existence. »

Le 6 mars, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » d’Adrien Thomas, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, émet un avis défavorable en s’appuyant sur le constat que cet interné est un « communiste certain dont l’internement n’a modifié en rien les opinions », ajoutant à sa charge : « lettres censurées », c’est-à-dire courriers entrants ou sortants qui n’ont pas été transmis à leur destinataire par l’administration du CSS à cause de leur contenu politique.

Le 7 mai, Marie Thomas écrit au préfet de Seine-et-Oise afin de solliciter une autorisation de rendre visite à son mari. Elle souhaite « ce bon de visite pour un dimanche, car la personne pouvant [lui garder ses]enfants travaille toute la semaine et n’a donc que son dimanche de libre ». Le 12 mai, la préfecture départementale renvoie cette demande au préfet de police de Paris – direction des Renseignements généraux – qui a ordonné l’internement du détenu (la suite donnée est inconnue…).

Le 6 septembre, Adrien Thomas fait partie d’un groupe de 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 20 septembre arrive au camp pour Adrien Thomas un colis très détérioré que Marie, son épouse a posté à Joinville-le-Pont le 9 septembre à destination d’Aincourt.

Le 9 février 1942, Adrien Thomas est parmi les 52 « communistes » (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet , Adrien Thomas est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46143 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Adrien Thomas est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 23.

Le 23 juillet, Adrien Thomas est admis au Block 20 de l’hôpital d’Auschwitz. Il en sort le 1er août.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après les registres du camp, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]).

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Joinville-le-Pont, situé dans le cimetière communal.

À l’hôpital Tenon, une plaque collective rend hommage à sept agents de l’établissement disparus au cours de la guerre. Parmi les “Morts en déportation” : « Thomas Adrien, agent hospitalier » (ainsi qu’« Alonso Marie, infirmière de 3e classe », déportée le 24 janvier 1943 au KL Auschwitz (31778), morte au sous-camp pour femmes de Birkenau le 27 février suivant).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 1-09-2000).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 388 et 421.
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : état civil du 20e arrondissement, registre des naissances, année 1908 (20N 266), acte n° 3879 (vue 4/15) ; état civil du 19e, registre des mariages, année 1931 (19M 332), acte n° 1132 (vue 21/31).
- Archives de Paris : registres matricules du recrutement militaire, classe 1928, 4e bureau de la Seine (D4R1 2831), n° 4521.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 1483-82774).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, révision trimestrielle (1 W 74), 1w76, dossier individuel (1w156).
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109 W 75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1245 (31837/1972).
- Service d’information sur les anciens détenus, Biuro Informacji o Byłych Więźniach, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, copie de la page 271 d’un registre du Block 20.
- Site Mémorial GenWeb, 94-Joinville-le-Pont, relevé de Bernard Laudet (2000-2002) ; hôpital Tenon, plaque commémorative 1939-1945, relevé n° 45695 effectué par Danièle Robbe (†), mis en ligne le 12/07/2009.
- Blog de Benoît Willot.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-05-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Joinville-le-Pont : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail”. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés montent dans des camions qui les conduisent à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

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Marius THIROUARD – 46142

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Marius, Gaston, Eugène, Thirouard naît le 23 août 1905 à La Croix-du-Perche (Eure-et-Loir – 28), fils de Gaston Thirouard, 29 ans, aide de culture sur l’exploitation de son père, et de Julienne Phillipe, 23 ans, son épouse, domiciliés à la ferme du château au lieu-dit le Cormier, sur la commune de Frazé (28). L’enfant naît chez ses grands-parents, domiciliés au lieu-dit Les Écoles. En 1911, il vit avec sa mère chez son grand-père. Le 17 juillet 1915, sa mère se remarie avec Victor Louis Désiré Leduc, 46 ans, journalier. En 1926, la mère de famille vit seule avec Marius, alors âgé de 21 ans et couvreur « chez Doucet », et ses deux autres enfants : Désiré Leduc, né en 1915, et Marine Leduc, née en 1918, tous deux à la Croix-du-Perche.

Le 22 juin 1929, à Frétigny (28), Marius Thirouard se marie avec Olga Berthe Béjon, née le 13 octobre 1910 au hameau de La Perrière dans cette commune. Ils auront plusieurs enfants, dont peut-être Madeleine, née en 1930.

En 1939, et jusqu’au moment de son arrestation, Marius Thirouard est domicilié à Jallans, commune limitrophe de Châteaudun (28) ; son adresse reste à préciser..

Marius Thirouard est charpentier de profession, mais déclaré comme terrassier après son arrestation.

Il est connu comme étant sympathisant communiste. Sous l’occupation, la police locale le soupçonne de placarder des tracts en même temps que deux militants de Châteaudun.

Le 25 septembre 1941, en réponse à un courrier du ministère de l’Intérieur du gouvernement de collaboration datée du 24 juin « demandant quelles mesures avaient été prises dans le département contre les communistes français et étrangers par les autorités d’occupation », le commissaire spécial de Chartres transmet au préfet d’Eure-et-Loir « la liste complète des communistes arrêtés par les autorités allemandes » à cette date – soit trente-trois hommes – sur laquelle est inscrit Marius Thirouard. Le 27 octobre, le préfet d’Eure-et-Loir précise au préfet délégué du ministère de l’Intérieur dans les territoires occupés que les six hommes inculpés dans l’affaire Berton sont les seules personnes de son département arrêtés par la police française pour activité communiste. Dans un brouillon de cette lettre, la mention que « les éléments suspects au point de vue politique ou national ont été arrêtés préventivement par les soins des autorités d’occupation » est biffée.

Au cours de l’été, Marius Thirouard a donc été arrêté par la police allemande puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marius Thirouard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46142 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marius Thirouard est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Il meurt à Auschwitz le 9 septembre 1942, d’après une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée par la résistance polonaise à l’intérieur du camp.

Olga, sa veuve, se remarie à Donnemain en août 1948.

Le nom de Marius Thirouard est inscrit sur le Monument aux morts de Jallans, devant l’église ; de même que celui du jeune Maurice Graffin, dont la famille habite depuis longtemps le village.

Sources :
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 363 et 421.
- Jean-Luc Boissonnet-Thirouard, son neveu, message (11-2005).
- Étienne Égret (message 03-2013) ; recherches dans les archives départementales d’Eure-et-Loir, Chartres (cotes 14w38, 14w39, 14w40, 14w52, 14w54).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, DMPA, Caen : registre de la morgue d’Auschwitz-I, Leichenhalle (26 P 850).
- Site Mémorial GenWeb, 28 – Eure-et-Loir, Jallans, relevé de Stéphane Protois (06-2006).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 29-03-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Louis THIÉRY – 46141

Louis Thiéry naît le 24 mai 1908 à Noncourt-sur-le-Rongeant (Haute-Marne – 52), fils d’Isidore Thiéry, vigneron, 45 ans, et d’Henriette Ancina, 21 ans, sa deuxième épouse, domiciliés rue Basse. Son père, veuf depuis 1901, a déjà eu cinq filles de son premier mariage. Louis a quatre frères et sœurs du “deuxième lit” : Germaine, née le 13 janvier 1911, Marcel, né le 2 août 1913, Madeleine, née le 12 décembre 1917, et René, né le 5 octobre 1923, tou.te.s à Noncourt.

En 1926, habitant toujours chez ses parents, Louis Thiéry est ouvrier à la fonderie Ferry-Capitain de Bussy, commune de Vecqueville (52).

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Vecqueville près de Joinville. L’usine de Bussy  dans un méandre de la Marne.  Carte postale éditée après guerre. Coll. Mémoire Vive.

Vecqueville près de Joinville. L’usine de Bussy
dans un méandre de la Marne.
Carte postale éditée après guerre. Coll. Mémoire Vive.

Le 13 août 1932, à Donjeux (52), Louis Thiéry épouse Élisabeth Haulet, née en 1913 dans ce village, couturière, qui vit chez son grand-père maternel, Charles Dumontier, 78 ans, ancien patron ferblantier, avec sa propre mère, Jeanne-Charlotte, 44 ans, veuve de son père, Louis Eugène Haulet, fantassin tué dès le 25 août 1914 au combat de Courbesseaux (Meurthe-et-Moselle).

Après ce mariage et jusqu’à l’arrestation de Louis Thiéry, la famille s’installe chez le grand-père d’Élisabeth, à Donjeux, route de Doulaincourt (départementale n° 67) ; en 1936, sa mère, Jeanne-Charlotte, vit toujours avec eux.

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Donjeux. Carte postale des années 1950. Coll. Mémoire Vive.

Donjeux. Carte postale des années 1950. Coll. Mémoire Vive.

Louis et Élisabeth Thiéry ont deux enfants : Josette, née le 22 juin 1933 à Donjeux, et Max, né le 20 août 1938.

Louis Thiéry est alors mouleur à la fonderie de Bussy ; usine dans laquelle travaillent également Louis Bedet, Georges Collin, Edmond Gentil et Bernard Hacquin. Il est possible qu’Alfred Dufays, de Joinville, y travaille également pendant une période, car Louis Thiéry le connaît.

Son lieu de travail étant distant de 14 kilomètres, il s’y rend sur sa moto, une 500 culbutée Magnat-Debon (Terrot).

JPEG - 75.8 ko
…peut-être ce modèle, vu dans le catalogue M.-Debon de 1932.
(emprunt au site http://terrot.dijon.free.fr)

Louis Thiéry est adhérent à la CGT.

Militant communiste, il est membre du bureau de la cellule du PCF de Joinville.

Dans son entreprise, il participe activement à la grève nationale de novembre 1938, lancée pour défendre les acquis du Front populaire.

Le 8 avril 1940, Louis Thiéry est arrêté sur son lieu de travail par la police française ; peut-être dénoncé par le directeur de la fonderie.

Le 8 mai, lors de la “débâcle”, il est transféré à la citadelle de Besançon (Doubs).

Le 3 octobre, Louis Thiéry s’évade et franchit la ligne de démarcation près de Dôle (Jura). Il reste deux jours à Lons-le-Saunier.

Dans la matinée du 10 octobre, il traverse à pied un bras de la Marne passant dans le village, pour rejoindre son domicile à Donjeux. Mais il est repéré et dénoncé par une voisine dont la maison a été réquisitionnée pour y installer le siège de la Kommandantur. Le jour-même, vers 12 h 30, Louis Thiéry est arrêté à son domicile par la police allemande. Quelque temps plus tard, des soldats allemands viennent détruire sa moto, qui a été signalée par le maire de la commune.

Conduit à la Maison d’arrêt de Chaumont, Louis Thiéry est jugé vers le 18 novembre 1941 et condamné à deux mois de prison. À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré (son statut de détenu dans cette période reste à préciser…).

Le 27 juin – avec une soixantaine de militants communistes et syndicalistes interpellés les jours précédents dans la Haute-Marne [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (dont 15 futurs “45000”) et rassemblés à Chaumont – il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule 635.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne,
futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

La dernière lettre (Kriegsgefangenenpost) que son épouse lui poste le 4 juillet 1942, alors qu’il se trouve au bâtiment A8, infirmerie F (française ?), revient avec la mention « retour à l’envoyeur ». Ses proches n’auront plus de nouvelles, ne sauront pas où il se trouve…

Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Thiéry est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Louis Thiéry est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46141 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée par comparaison avec un portrait civil).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Louis Thiéry.

Il meurt à Auschwitz le 20 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2], qui indique « angine avec faiblesse corporelle générale » (Darmkatarrh bei Körperschwäche) pour cause mensongère de sa mort.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Donjeux.

Mesdames Thiéry et Dufays, veuves, continueront à se fréquenter après la guerre.

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Louis Thiéry, c’est le 15 octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 127 et 128, 366 et 421.
- Max Thiéry, son fils, membre du bureau de la section de Haute-Marne de l’Association des Orphelins de Déportés, Fusillés, Massacrés, victimes de la barbarie nazie : lettre et réponse à un questionnaire, 2-02-2008.
- Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 51.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1245.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de S à Z (26 p 843), acte n° 22913/1942.
- Raymond Jacquot, site internet Mémorial GenWeb, 2002.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Léon, Casimir (dit Casi) THIBERT – 46140

JPEG - 49 ko
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Léon, Casimir (« Casi »), Thibert naît le 29 janvier 1912 à Ratte, 6 km à l’est de Louhans (Saône-et-Loire), fils de Jules Félix Thibert, 28 ans (8 février 1884), agriculteur, et de Marie Valentine Curau, 23 ans, son épouse. Léon a un frère plus âgé, Roger, né en 1910.

Après avoir effectué son service militaire de l’automne 1905 à l’automne 1907 (passé soldat de 1re classe), son père est rappelé à l’activité militaire le 4 août 1914 au régiment d’Infanterie d’Auxonne (10e RI ?). Le 8 mars 1915, dans le bois de la Louvières (Meuse), Jules Thibert est blessé par une balle qui lui occasionne une plaie en séton à l’avant-bras droit, au voisinage du coude. Après avoir été soigné, il retourne « aux armées » du 25 décembre suivant au 11 mars 1916, restant ensuite mobilisé « à l’intérieur ». Jules Thibert est mis en congé illimité de démobilisation le 11 mars 1919 : Léon a sept ans.

En 1926, ses parents (âgés de 42 et 37 ans) lui donneront un deuxième frère, René.

Au moment de son arrestation, Léon Thibert est domicilié à Chalon-sur-Saône (71) ; son adresse reste à préciser.

Il est cuisinier.

Le 26 février 1942, le même jour que Lucien Rosier, il est arrêté à Louhans (71) à la suite d’un attentat contre l’hôpital allemand de Chalon-sur-Saône (voir Pierre Vendroux), puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 –Polizeihaftlager).

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La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Léon Thibert est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Léon Thibert est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46140 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

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Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Léon Thibert est dans la moitié des membres du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, les autres étant ramenés à Auschwitz-I. Il est affecté à un Kommando d’entretien des miradors.

À la mi-août 1943, il est l’un des cinq derniers “45000” rescapés de Birkenau conduits à Auschwitz-I (en tout, 24 survivants sur 600 !) ; dix-sept autres ont été ramenés à la mi-mars.

Il rejoint les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur des femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur
des femmes détenues – et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Léon Thibert est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matr. 198934). Léon Thibert y reste – avec Louis Faure et André Seigneur – jusqu’à sa libération, le 23 avril 1945, par la 3e armée américaine.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945.
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

Le 6 juillet 1945 probablement ou dans les quelques années qui suivent (car il date sa lettre par mégarde de 1942), Léon Thibert écrit depuis Saint-Martin-du-Mont (71) au frère de Georges Varenne pour témoigner du décès de celui-ci, qui était avec lui à Birkenau.

Léon Thibert décède le 15 juin 1994.

Notes :

[1] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 225, 346 à 348, 359, 370 et 421.
- Cl. Cardon-Hamet, message de correction, suite à une formulation fautive dans l’édition de l’ouvrage cité ci-dessus, pages 347 et 348 (02-2019).
- André Jeannet, Mémorial de la Résistance en Saône-et-Loire : biographies des résistants, Éditions JPM, Cluny 2005, page 369, citant : Enquête sur la déportation (?).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) de Champigny-sur-Marne (94) : fonds Georges Varenne (photocopies).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-02-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Marcel THIBAULT – 46139

JPEG - 76.6 ko
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Marcel, Francis, Eugène, Thibault naît le 22 novembre 1898 à Rochefort-sur-Loire (Maine-et-Loire), fils de Louis Thibault, 35 ans, tonnelier, et de Marie Bourgeois, son épouse, 28 ans. Marcel a – au moins – un frère, Ernest, né le 8 mars 1900, et une sœur, Carmen, née le 10 novembre 1902, tous deux à Rochefort-sur-Loire.

Alors qu’il vit encore chez ses parents, il commence à travailler comme cordonnier.

Le 12 février 1917 à Angers, Marcel Thibault s’engage volontairement pour quatre ans comme soldat de 2e classe au 118e régiment d’artillerie lourde hippomobile. Le 24 juin suivant, il « part aux armées » (8e corps) avec le 1er groupe de “105 L.” (canons de moyen calibre), en position au bois de Thuisy, en Champagne (Marne).

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Artillerie lourde française, mise en batterie d’une pièce de 155 long. Carte postale, collection mémoire Vive.

Artillerie lourde française, mise en batterie d’une pièce de 155 long.
Carte postale, collection mémoire Vive.

Le 28 octobre 1919, il passe au 25e régiment d’artillerie (de campagne ?). Le 1er janvier 1920, il est évacué sur l’hôpital de Mourmelon-le-Grand (Marne), entouré d’un grand camp militaire. Le 12 février 1921, il est démobilisé, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Début juillet 1921, il habite chez Madame Galais, au 63 rue Deslandes à Tours (Indre-et-Loire).

Le 10 septembre 1921 à Rochefort-sur-Loire, Marcel Thibault se marie avec Yvonne Henriette Venon, laquelle décède prématurément le 14 décembre 1923.

À la mi 1925, domicilié au 31 rue Bouilly à Tours, dans le quartier de la Fuye entre la Loire et le Cher, Marcel Thibault travaille comme ouvrier des Postes, Télégraphes et Téléphone.

Le 2 juillet de cette année, à Richelieu (Indre-et-Loire), il épouse en secondes noces Albertine Marie Honoré, 20 ans, née le 5 janvier 1905 dans cette ville. Son épouse vient habiter avec lui. Ils ont un fils, Jacques, né en 1922 à Tours.

Début janvier 1928, la famille s’installe au 29 rue Roquet-de-Patience – une impasse montant derrière le jardin des Cordeliers – à Laval (Mayenne).

Marcel Thibault est agent des lignes (monteur ?) aux PTT.

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Laval. À gauche, la Poste sur la place de la mairie. Carte postale envoyée en 1949. Collection Mémoire Vive.

Laval. À gauche, la Poste sur la place de la mairie.
Carte postale envoyée en 1949. Collection Mémoire Vive.

C’est un militant syndical et communiste.

En 1934, Marcel Thibault est secrétaire de la commission exécutive du comité antifasciste de Laval (Mayenne), créé à la suite du meeting commun du 12 février et regroupant les organisations de gauche et les syndicats.

Le 5 mai 1935, il est candidat aux élections municipales de Laval sur la liste du Parti communiste (564 voix sur 5668 suffrages exprimés).

Il milite activement pour l’unité d’action contre les décrets-lois. En 1936, il succède à Albert Brossaud au secrétariat de la section mayennaise de la Fédération postale. En avril, il est candidat sans succès aux élections législatives dans la première circonscription de Mayenne (seulement 86 voix sur 13 906 inscrits).

En 1936 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 38, rue Saint-Jean à Laval. En 1936, elle compte également Félix Honoré, père d’Albertine, 58 ans, boulanger chez Besnard.

En 1937, il est secrétaire de la section communiste locale. À partir de mars, il s’occupe activement du Comité d’accueil aux enfants d’Espagne. Le 10 octobre 1937, il est candidat sans succès au Conseil général dans le canton de Laval-Ouest.

Le 21 février 1941, pour un motif restant à préciser, Marcel Thibault est arrêté à Laval par la police française, suspendu de ses fonctions aux P.T.T. dès le lendemain, puis libéré le 17 mai suivant (est-il ensuite réintégré ?).

Le 24 juin 1941, il est arrêté de nouveau pour distribution de tracts communistes et anti-allemands, de nouveau (?) suspendu de ses fonctions aux P.T.T., interrogé sur place durant 16 jours, puis est transféré à la prison de Rennes (le 10 juillet).

Il est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Thibault est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46139 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Thibault est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Marcel Thibault est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Marcel Thibault est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (M. Thibault : matricule n° 19889).

Le 25 octobre suivant, il est transférés au KL Mauthausen (matricule n° 108785). Le 26 janvier 1945, Roger Pélissou et Marcel Thibault sont transférés à Gusen-II, Kommando de Mauthausen pour l’aménagement d’une usine souterraine d’armement, où ils arrivent le 1er février.

Marcel Thibault meurt d’épuisement le 15 mai 1945 (avant son rapatriement, dans le camp libéré, selon Cl. Cardon-Hamet ; à son retour en France selon le Maitron). Cette année-là, le 14e congrès de l’Union départementale CGT de Mayenne le nomme « membre d’honneur ».

Marcel Thibault est le seul “45000” domicilié en Mayenne lors de son arrestation.

Son nom est inscrit sur la plaque commémorative apposée sur la façade de la Poste, place Mendes-France, « 1939-1945, hommage du personnel des PTT à ses morts ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 2-09-2000).

Notes :

[1] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

 

Sources :

- Jacques Omnès, notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières 1990-1997, CD-rom version 3.61, citant : Arch. Dép. Mayenne, 1 W 467, 2758, 2922, 3 M 2810, 2826 – La Mayenne laïque, mai 1934 – Le Travailleur unitaire, juin 1934 – La Vigie postale de l’Ouest, mai 1936 – Les Nouvelles mayennaises, 21 mars 1937, 29 juillet 1945.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 310 et 311, 346 à 348, 367 et 421.
- Site MémorialGenWeb, relevé n° 51723 par Claude Richard (01/2011).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-10-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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