Arsène TRÉVEL – 46157

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Arsène, Auguste, Trével naît le 29 décembre 1892 à Allemagne/Fleury-sur-Orne [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], à proximité de Caen (Calvados – 14), chez ses parents, Félix Trével, 44 ans, journalier, et Julia Marguerin, 42 ans, son épouse.

Le 10 octobre 1913, Arsène Trével est incorporé comme soldat de 2e classe au 1er régiment du Génie. Son service militaire est prolongé par le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Dès la publication de l’ordre de mobilisation générale, le 2 août 1914, il part « aux armées » (en zone de combat), au sein de la compagnie 4/5. Le 19 septembre suivant, il est évacué pour amygdalite aigüe et admis à l’hôpital de Tours, qu’il quitte le 24 octobre. Il rejoint son unité le 20 janvier 1915 et reste en zone de combat jusqu’à l’armistice du 11 novembre 1918. Le 28 août 1919, il est « mis en congé illimité de démobilisation », titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire à Fleury-sur-Orne.

Cependant, dès le 2 août 1919, à la mairie de Mondjoie(-Saint-Martin – Manche ?), Arsène Trével se marie avec Germaine Juliette Eugénie Fleury, née le 31 juillet 1900 à Champ-du-Boult (14).

Dès le 4 septembre 1919, l’armée classe Arsène Trével “affecté spécial” de l’administration des PTT (Poste, Téléphone et Télégraphe) comme agent des lignes à Caen, ce qui correspond à son emploi civil.

Arsène et Marguerite Trével ont une fille, Marguerite Georgette, née le 2 janvier 1920 à Fleury.

En 1921, ils habitent route de Caen à Fleury. En 1926, ils sont domiciliés rue Bouquet à Fleury (peut-être la même rue ayant changé de nom). Au moment de son arrestation, Arsène Trével est domicilié place (?) Bouquet à Fleury.

Sous l’occupation, il est actif dans la Résistance au sein du Réseau PTT des Forces françaises combattantes, selon une attestation ultérieure.

Le 7 mai 1942, Arsène Trével est arrêté à Caen par la police allemande, comme otage communiste lors de la deuxième vague d’arrestations qui a suivi le déraillement d’un train de permissionnaires allemands à Moult-Argences (Airan) [2]. Il est certainement parmi les détenus qui sont passés par le “petit lycée” de Caen avant d’être transférés le 9 mai au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; matricule 5676.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, Arsène Trével est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Arsène Trével est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45157 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Arsène Trével.

Il meurt à Auschwitz le 17 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher). Ce jour-là, 29 autres “45000” sont portés décédés ; probablement à la suite d’une séance de désinfection à Auschwitz (coups, manque de sommeil…).

Arsène Trével est homologué comme “Déporté politique”.

Le 26 août 1987, à Caen, est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi.

En 1991, une cellule du PCF de Fleury porte son nom (lettre de Didier Rossi, petit-fils d’André Félix, 6-03-1991).

Le nom d’Arsène Trevel est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen côté avenue Albert Sorel afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Notes :

[1] Allemagne : la commune est débaptisée et rebaptisée Fleury-sur-Orne en hommage à Fleury-devant-Douaumont, par le décret du 12 avril 1917.

[2] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen).

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Cardon-Hamet page 126.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 362 et 422.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 13X (n° XX) et 138.
- Archives départementales du Calvados, archives en ligne ; état civil de Fleury-sur-Orne 1877-1892, registre d’état civil N.M.D., année 1892, acte n° 21 (vue 643/675) ; registre matricule du recrutement militaire pour l’année 1912, bureau de Caen, n° 1001-1317, matricule 1256 (vues 412-413/506).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre d’appel avec la liste des détenus décédés (« Verstorbene Häftlinge).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1255 (21103/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 30-09-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Ernest TRÉSEUX – 46156

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Ernest, André, Tréseux naît le 9 juin 1906 à Rocquigny (Ardennes – 08), chez ses parents, Émile Ernest Tréseux, 26 ans, manouvrier, et Amanda Waltier, 25 ans, son épouse.

Le 17 mars 1908, le tribunal de Rethel (08) condamne son père à huit jours de prison pour « violence sur un enfant de moins de 15 ans, privation de soin et d’aliment à des enfants de moins de 15 ans au point de compromettre leur santé par leur père légitime ». Le 15 mai 1911, la Cour d’assises des Ardennes le condamne à huit ans de travaux forcés et dix ans d’interdiction de séjour pour homicide volontaire. “Exclu de l’armée”, comme réserviste, celui-ci est mis à disposition du ministre des des colonies. Il décède aux îles du Salut (Guyane française) le 27 novembre 1918.

Le 10 février 1930, à Létanne (08), Ernest Tréseux se marie avec Simone, Georgette Raignier.

Au moment de son arrestation, il est domicilié à Sedan-Torcy (08) ; son adresse reste à préciser.

Ouvrier, il est secrétaire de la cellule communiste de l’usine Saint-Denis (?).

Le 19 octobre 1941, il est arrêté par la Feldgendarmerie lors d’une vague d’arrestations contre des membres présumés du Parti communiste clandestin. Avec d’autres détenus, il est conduit à la Maison d’arrêt de Charleville et enfermé dans une cellule individuelle.

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Charleville, la place Carnot au début des années 1900. À fond, la Maison d’arrêt. Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Charleville, la place Carnot au début des années 1900. À fond, la Maison d’arrêt.
Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Le 22 octobre à l’aube, il est parmi les sept détenus – dont Julien Jurion, de Renwez – conduits à la gare pour monter dans un wagon réservé. Le jour-même à 12 heures, ils arrivent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué
par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Ernest Tréseux est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Ernest Tréseux est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46156 (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

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© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Ernest Tréseux est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Pendant un temps, il est assigné au Block 4.

Il meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 128 du 3-06-2001).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 360 et 422.
- P. Lecler, Le mémorial de Berthaucourt, martyrologe de la Résistance ardennaise, citant : une lettre de Jules Ruchot à Henri Manceau (11-01-1954) ; Archives départementales des Ardennes, Cabinet du préfet, dossiers des personnes arrêtées par les autorités allemandes (1W42-55).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1255 (38701/1942).
- Site du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, moteur de recherche.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

 

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Léon TOUSSAINT – (46154 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Léon, Adolphe, Fernand, Toussaint naît le 30 janvier 1896 à Houdelaucourt-sur-Othain [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Meuse), fils de Pierre, Émile, Toussaint, 37 ans, employé de chemin de fer, et de Julie Aubry, son épouse, 37 ans.

Léon Toussaint commence à travailler comme « conducteur », résidant alors à Saint-Hilaire (Gard).

Le 9 avril 1915, il est mobilisé comme soldat de 2e classe au 147e régiment d’infanterie de Saint-Nazaire. Le 5 décembre suivant, il passe au 85e R.I.  En avril 1918, après avoir été relevé à Verdun, le régiment arrive sur le plateau de Louvrechy (Somme) et tient les villages de Sourdon, Thory et le bois de Mongival. Le soir du 22 juillet suivant, le régiment vient de placer dans les tranchées de premières lignes et dans le chemin creux entre Thory et Sauvillers. Le lendemain à l’aube, « les vagues d’assaut s’élancent à la suite du barrage roulant » de l’artillerie. Le 1er bataillon « s’empare du bois des Arrachis et enlève ensuite, plus à l’Est, par une manœuvre hardie, une ligne de résistance garnie de mitrailleuses ». Le 14 août 1918, Léon Toussaint est cité à l’ordre de… (la division ?) : « mitrailleur d’une bravoure exceptionnelle et d’un très grand sang-froid, à l’attaque du 23 juillet, a contribué par son tir précis à la destruction d’un nid de mitrailleuses ennemies qui gênait la progression de son bataillon ». Il est décoré de la Croix de guerre avec étoile d’argent.

Le 2 septembre 1919, après quatre ans et cinq mois sous les drapeaux, Léon Toussaint est mis en congé illimité de démobilisation et se retire à Blagny (Ardennes – 08), titulaire d’un certificat de bonne conduite.

En décembre suivant, embauché comme homme d’équipe à la Compagnie des Chemins de fer de l’Est [2], il est affecté à Lumes (08). Un an plus tard, il passe conducteur.

Le 9 octobre 1920 à Blagny, Léon Toussaint se marie avec Marie-Claire Dujardin, née le 17 août 1896 dans cette commune, fille d’un ouvrier d’usine.

En 1926, le couple habite au 63 Grande Rue à Audun-le-Roman, près de Thionville (Meurthe-et-Moselle – 54). Le 29 juin de cette année, naît leur fils, Pierre Henri Auguste

En 1928, Léon Toussaint est chef de train “au service de l’exploitation”. En 1931, ils habitent au 58 rue de la Gendarmerie à Audun.

Audun-le-Roman. La gare. Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Audun-le-Roman. La gare. Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

En octobre 1936, l’armée le « passe d’office en domicile à Seine Central » (?).

Au moment de son arrestation, Léon Toussaint est domicilié au 4, rue de la République, à Audun-le-Roman ; rue dans laquelle habitent beaucoup de familles cheminotes.

De 1926 à 1939, Léon Toussaint est syndiqué CGT à la Fédération des cheminots, au sein de laquelle il est délégué pendant un temps. Selon une liste manuscrite de quarante-quatre internés établie ultérieurement par le chef du centre de séjour surveillé d’Écrouves, Léon Toussaint “démissionne” de son syndicat à une date qui reste à préciser.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.  Collection Mémoire Vive.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.
Collection Mémoire Vive.

La police le présente comme un fervent militant communiste. Lors d’élections dont la date reste à préciser, il est élu conseiller municipal de sa commune.

Peut-être Léon Toussaint est-il révoqué de la SNCF pour ses engagements, car il exerce la profession de manœuvre-terrassier au moment de son arrestation ?

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Le 5 février 1942, Léon Toussaint est arrêté pour transport clandestin de fusils (et/ou de prisonniers de guerre évadés) dans son fourgon, et/ou comme otage à la suite du sabotage ; à vérifier…

Le 19 février, son nom est inscrit sur une liste de soixante suspects établie par la préfecture de Meurthe-et-Moselle pour être transmise à la Feldkommandantur de Briey.

Le 23 février, il fait partie des vingt-cinq otages transférés par la police allemande (Feldgendarmerie) au centre de séjour surveillé d’Écrouves, près de Toul (54), en attente « d’être dirigés sur un autre camp sous contrôle allemand en France ou en Allemagne » ; ils y rejoignent quatorze autres otages arrivés la veille.

Le 27 février, son nom est inscrit sur un état nominatif des otages transmis par le préfet Jean Schmidt à Fernand (de) Brinon à Vichy ; 15e sur la liste.

Le 5 mars,  Léon Toussaint est parmi les trente-neuf détenus transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), gardé et administré par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Léon Toussaint est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46154, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Léon Toussaint se déclare alors comme cheminot (Eisenbahner). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Léon Toussaint.

Il meurt à Auschwitz le 20 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique pour cause mensongère de sa mort « faiblesse cardiaque et circulatoire » (Herz und Kreislaufschwäche).

Léon Toussaint est homologué à titre posthume comme sous-lieutenant des Forces françaises combattantes, réseau Résistance-Fer pour prendre rang le 1/12/1943 (?) : « avait facilité et convoyé des prisonniers de guerre évadés dans le fourgon du train dont il assurait le service ».

Son nom est inscrit sur la plaque apposée dans la gare (désaffectée ?) d’Audun-le-Roman, sur le bâtiment voyageurs côté voies : « La SNCF à ses Morts – En mémoire des agents de la SNCF tués par faits de guerre ».

Enfin, à une date restant à préciser, le Conseil municipal d’Audun donne son nom à une rue longeant la mairie et la caserne de sapeurs-pompiers (la plaque précisant « … mort à Auschwitz en 1943 »).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 3-06-2001).

Notes :

[1] Houdelaucourt-sur-Othain : village situé dans le secteur de la bataille de Verdun. Depuis 1973, associé à quatre autres villages, il constitue la commune de Spincourt.

[2] La Compagnie des chemins de fer de l’Est, dite parfois Compagnie de l’Est ou l’Est, société anonyme créée en 1845 sous le nom de Compagnie du chemin de fer de Paris à Strasbourg, est l’une des six grandes compagnies françaises de chemins de fer nationalisées le 1er janvier 1938 pour former la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 367 et 421.
- Archives départementales de la Meuse, site internet, archives en ligne : registre d’état civil d’Houdelaucourt, année 1896 (2 E 257 (9)), acte n° 1 (vue 9/120).
- Hervé Barthélémy, association Rail et Mémoire.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : cote W1304/23 et WM 312 ; fiches du centre de séjour surveillé d’Écrouves (ordre 927 W) ; recherches de Daniel et Jean-Marie Dusselier.
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, pages 247, 346.
- Jean-Claude Magrinelli, Ouvriers de Lorraine (1936-1946), tome 2, Dans la résistance armée, éditions Kaïros / Histoire, Nancy, avril 2018, L’affaire d’Auboué, pages 199-227 (listes d’otages p. 205, 208-210).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1253 (36706/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; copie de l’acte de décès du camp.
- Site Mémorial GenWeb : Audun-le-Roman, gare SNCF, relevé de Martine Mangeolle (2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Jean TOUSSAINT – 46265

Jean, Maurice, François, Toussaint, né le 10 décembre 1922 à Soissons (Aisne), domicilié à Tergnier-Vouel (Aisne), mort à Auschwitz le 30 octobre 1942.

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jean, Maurice, François, Toussaint naît le 10 décembre 1922 à Soissons (Aisne – 02), fils de Maurice Toussaint et de Marie-Louise Pata, son épouse. Il a (au moins) un frère plus jeune, Marceau. Leur père décède avant l’arrestation de Jean.

Celui-ci fait partie de la promotion 1936-1939 des apprentis cheminots du Centre de formation de Tergnier (02), en même temps que Charles Lépine. À Auschwitz, il se déclarera chaudronnier (Kesselschmied).

Au moment de son arrestation, il est domicilié chez sa mère (?), au 73, rue Anatole France à Vouël [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (02). Il vit en concubinage (?) avec Fortuna Bao ; ils ont deux enfants.

Jean Toussaint est cheminot, ajusteur. Après l’interdiction du Parti communiste, à une date et dans des circonstances restant à préciser, il est licencié par la direction de la SNCF.

Il est manœuvre (dans quelle entreprise ?).

En septembre 1940, au retour de l’exode, trois militants de Tergnier – Paul Caille, Marcel Gouillard et Anselme Arsa – créent un “triangle” de direction pour réorganiser le PCF clandestin. En décembre, Anselme Arsa et Fernand Bouyssou recrutent Roger Debarre – qui n’est pas communiste – afin que celui-ci constitue des groupes de jeunes à Quessy-centre et, plus largement, dans le secteur de Tergnier.

À une date inconnue, Jean Toussaint rejoint un de ces groupe de jeunes, placé sous les ordres de Fernand Bouyssou.

Peu avant le 1er mai 1942, le groupe ternois, alors dirigé par Anselme Arsa, décide d’organiser une journée d’action en pavoisant les rues avec des oriflammes accrochés dans les lignes téléphoniques. Fernand Bouyssou et Roger Debarre seront simultanément chargés de diffuser des tracts.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, vers 23 heures, la brigade de gendarmerie de Tergnier est « alertée sur une distribution de tracts ». « Connaissant l’itinéraire habituel », une patrouille surprend Jean Toussaint et Charles Lépine, « porteurs de banderoles rouges ornées de la faucille et du marteau [ainsi que] de pots de peinture rouge. Les gendarmes récupèrent des tracts sur la voie publique et sept banderoles à Quessy et Fargniers. »

Interrogés le matin, Lépine et Toussaint refusent de « dénoncer d’autres coauteurs ».

En accord avec l’adjudant de gendarmerie, le commissaire de police décide alors de perquisitionner au domicile de Toussaint. Il recueille de nouveaux renseignements de la bouche de la concubine de celui-ci. Si bien qu’après un troisième interrogatoire, Toussaint et Lépine passent des aveux.

Roger Debarre, rescapé, relatera une autre version : au cours de la nuit de son arrestation, de minuit à 6 heures du matin, Charles Lépine est frappé par les gendarmes en présence de Robert Fraisse, commissaire de la police d’État à Tergnier, pour lui faire avouer les noms de ses complices.

Fernand Bouyssou et Roger Debarre sont également arrêtés et leurs domiciles perquisitionnés. Chez Debarre ne sont trouvés que deux numéros de La Vie Ouvrière interdite datés de septembre 1940.

Ainsi qu’en rend compte le commissaire de la ville, l’effort de propagande n’est pas resté sans effet : « Soirée animations inaccoutumées à Tergnier : vers 18 heures, de nombreuses personnes sont passées devant la mairie […] répondant ainsi à l’initiative de la radio anglaise et de tracts : 800 personnes en une heure de temps. Une délégation d’employés SNCF est reçue en mairie. À 18h30, un rassemblement d’une trentaine d’hommes est dispersé place de la mairie »… « les “durs” de la cité de Quessy ».

Le 2 mai, Jean Toussaint est écroué avec ses camarades à la Maison d’arrêt de Laon (02) et présenté au procureur de la République de la ville. Ils sont rapidement transférés à la Maison d’arrêt d’Amiens, route d’Albert.

. Le 6 mai, la Cour spéciale d’Amiens prononce un jugement condamnant Fernand Bouyssou à trois ans d’emprisonnement et à 1200 francs d’amende, et Jean Toussaint, Roger Debarre et Charles Lépine chacun à un an d’emprisonnement et à 1200 francs d’amende.

Remis aux autorités d’occupation à leur demande, Jean Toussaint est transféré au quartier allemand de la prison le 21 mai, comme Charles Lépine, puis aussitôt interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre le 6 mai et la fin juin 1942, Jean Toussaint est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Toussaint est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46265 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Jean Toussaint est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Au début d’octobre 1942, Roger Debarre, malade, est admis à l’infirmerie du camp, au Block 21. Ayant appris que d’autres Français s’y trouvent, il parcourt les chambrées jusqu’à retrouver son compagnon d’arrestation, Jean Toussaint. « Travaillant dans un très mauvais Kommando (canalisation), un drain lui tomba sur la jambe et la lui cassa en plusieurs endroits. Laissé sur le chantier jusqu’à la rentrée du Kommando dans le camp, il fut ensuite transporté à l’infirmerie où il resta encore quelque jours sans soins ; là, sa jambe empira et commença à pourrir ; c’est dans cet état que je le trouvais. Par la suite, son état empira encore et un jour, après une révision pour les chambres à gaz [2], je le vis partir en camion, en chemise, pour Birkenau. Ce départ équivalait à la mort. (…) Les derniers mots que j’ai pu entendre de mon camarade (…) sont : “Vive la France, au revoir les copains et courage.” (…) Je jure sur l’honneur que tous les faits, ici écrits, sont la parfaite vérité. ».

Jean Toussaint meurt à Auschwitz le 30 octobre 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp. Il n’a pas encore vingt ans. L’acte de décès indique pour cause mensongère de sa mort une « faiblesse cardiaque et circulatoire » (Hertz und Kreislaufschwäche).

Après la guerre, le Conseil municipal de Vouël donne le nom de Jean Toussaint – associé à celui de son frère Marceau – à la rue où ils habitaient. Il s’agit très probablement de Marceau, Michel, Toussaint, né le 27 juin 1926 à Guisny Cité (…ou Guise ?) (02), engagé après la libération jusqu’à la victoire, intégré comme soldat au 24e Bataillon de Marche de la première division française libre, mort pour la France le 11 janvier 1945 lors de la bataille d’Obenheim (Bas-Rhin) au cours de laquelle cette unité est anéantie en défendant Strasbourg d’une contre-offensive allemande.

Leurs deux noms sont inscrits sur le monument aux morts de Vouël : « A nos enfants morts pour la France 1914-1918 1939-1945 ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Jean Toussaint (J.O. du 3-01-2001).

Notes :

[1] Vouël : depuis le 1er janvier 1974, cette commune est intégrée à celle de Tergnier.

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 140, 360 et 421 ; citant notamment le témoignage de R. Debarre écrit à Quessy le 4 février 1946.
- Gérard Parramon, site Les apprentis du rail…
- Alain Nice, La guerre des partisans, Histoire des Francs-tireurs partisans français, Histoire de la Résistance ouvrière et populaire du département de l’Aisne, édition à compte d’auteur, janvier 2012, pages 18-19, 25, 48. (commande à adresser à Alain NICE – 9 rue de la Tour du Pin – 02250 BOSMONT-SERRE).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1253.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès du camp (n° 38147/1942).
- Site Mémorial GenWeb, Vouël-02, relevé de Didier Mahu et Stéphane Protois (09-2007).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Jean Toussaint (21 P 544 868), recherches de Ginette Petiot (message 01-2014).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1435-1436.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Lucien TOURTE – 46153

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Lucien Tourte naît le 8 janvier 1899 au lieu-dit la Terrade sur la commune de Saint-Pierre-Chérignat, entre Limoges et Guéret (Creuse), fils de Marie Tourte, 20 ans, cultivatrice, et de père inconnu (p.n.d.). C’est son oncle, Jean Tourte, 33 ans, cultivateur, qui présente l’enfant en mairie pour son inscription à l’état civil.

Plus tard, il habite avec sa mère dans l’avenue du Centre au Blanc-Mesnil (Seine / Seine-Saint-Denis – 93) [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1].

Il commence à travailler comme tourneur sur métaux.

Le 21 février 1920 au Blanc-Mesnil, Lucien Tourte se marie avec Denise Legrand, née le 4 octobre 1897 à Beaumont-les-Autels (Eure-et-Loir), également “tourneur”.

Le 18 mars 1920, afin d’effectuer son service militaire, il est incorporé comme deuxième canonnier servant au 87e régiment d’artillerie lourde. Le 1er septembre 1921, il passe au 20e bataillon d’ouvriers. Le 1er mars 1922, il est envoyé dans la disponibilité en attendant son passage dans la réserve de l’armée active, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Ensuite, les Tourte habitent au 65 rue du Faubourg-Saint-Antoine à Paris 11e, à l’angle de la rue de Charonne.

Le 18 juin 1922, le couple a une fille, Lucienne Angèle, née à la maternité de l’hôpital Saint-Antoine, 19 bis rue de Chaligny à Paris 12e.

Le 9 octobre 1925, les Tourte ont un fils, Robert, Denis, né à Paris 12e.

Fin juillet 1927, la famille habite avenue Victorine, Villa des Pensées, au Blanc-Mesnil.

En juin 1934 et jusqu’au moment de son arrestation, Lucien Tourte est domicilié au 6, rue Ernest-Renan à Maisons-Alfort [1] (Seine / Val-de-Marne – 94) ; une maison d’un étage sur rue à proximité de la Marne.

Lucien Tourte est mécanicien. En 1937, l’armée le classe “affecté spécial” comme fraiseur au titre de la Société des moteurs Gnome et Rhône, 70 boulevard Kellerman à Paris 13e.

L’usine Gnome et Rhône du boulevard Kellerman (Paris 13e). Carte postale colorisée des années 1920.

L’usine Gnome et Rhône du boulevard Kellerman (Paris 13e).
Carte postale colorisée des années 1920.

À la mobilisation d’août 1939, il est maintenu “affecté spécial”. Le 25 juin 1940, il est considéré comme démobilisé de fait.

La police le considère comme un « communiste notoire ».

Sous l’occupation, il met son garage à la disposition de militants clandestins qui y déposent du papier destiné à l’impression de tracts. Lui-même participe à leur transport.

Le 26 décembre 1940, Lucien Tourte est arrêté par la police française pour propagande communiste, en même temps que Félix Vinet. La perquisition effectuée à son domicile amène la découverte de deux opuscules « Notre jeunesse » et d’un cahier revendicatif des chômeurs d’Alfortville. Le 28 décembre, il est conduit au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité).

Vingt-deux personnes prises dans la même affaire sont inculpées d’infraction au décret-loi du 26-09-1939 (au cours de l’instruction, il y aura disjonction de l’affaire et Félix Vinet sera jugé séparément avec une autre personne). Lucien Tourte est écroué le 29 décembre 1940 à la Maison d’arrêt de la Santé, Paris 14e (écrou n° 304298).

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 29 avril 1941, il est parmi les vingt co-inculpés qui comparaissent devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine. Condamné à quinze mois d’emprisonnement, Lucien Tourte se pourvoit en appel auprès du procureur de la République.

Le 7 juin, il est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (94).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À l’expiration de celle-ci, le 29 septembre, il n’est pas libéré : le directeur de la prison de Fresnes le met à la disposition du préfet de police qui signe le jour même un arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Pendant un temps, Lucien Tourte est détenu au Dépôt.

Le 9 octobre, il est parmi les 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, Lucien Tourte fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.     L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 25 juin, sa fille Lucienne se marie avec René Léon Béthy à la mairie de Maisons-Alfort.

Entre fin avril et fin juin, Lucien Tourte est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le 8 juillet 1942, Lucien Tourte est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46153 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Lucien Tourte est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août, Lucien Tourte est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques, et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Lucien Tourte est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL [2] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matricule : 19906).

Le 29 octobre, Lucien Tourte est parmi les onze “45000” transféré à Wansleben (Kommando de Buchenwald), une usine de potasse (matricule : 93425).

Le 10 mars 1945, à Paris, son épouse et son fils Robert, 19 ans, sont auditionnés au sujet de l’arrestation de Lucien dans une procédure d’épuration concernant les dossiers Piget et Bizoire Lucien (commissaire de la 3e section des R.G.) ; ils sont alors domiciliés au 2 rue des Deux Moulins à Maisons-Alfort. Cinq jours après, tous deux sont entendus comme témoins dans une procédure concernant le dossier Buzeau René. Le 5 avril, Denise Tourte est entendue au cours d’une commission rogatoire relative à Flicourt Max. Le 15 avril, ils sont entendus comme témoins dans une procédure concernant le dossier Walpoth.

Le 12 avril, Lucien Tourte est dans une des colonnes de détenus évacués de Wansleben à marche forcée vers le nord de Halle. Il est libéré le 14 ou 15 avril 1945 entre les villages de Quellendorf et Hinsdorf, avec neuf autres “45000”.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945.
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

En 1946, il ne figure pas sur les listes de recensement de Maisons-Alfort.

Lucien Tourte décède à Draveil (Essonne) le 18 janvier 1965, dix jours après son 66e anniversaire.

Notes :

[1] Le Blanc-Mesnil et Maisons-Alfort : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

V Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 347, 359, 389 et 421.
V Archives départementales de la Creuse (AD 23), site internet du Conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Saint-Pierre-Chérignat, année 1899 (4E253/18), acte n° 1 (vue 32/51).
V Archives municipales de Maisons-Alfort, recherches de Madame Loubrieu.
V Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 31 mai au 3 septembre 1941 (D1u6-5856).
V Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 177.
V Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
V Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cartons “Occupation allemande, ”liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 39-101391).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le  12-05-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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André TOURET – (46152 ?)

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

André, Marcel, Touret naît le 15 décembre 1907 à Clichy(-la-Garenne) [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine), chez ses parents, Louis Touret, 27 ans, chauffeur, et Émilie Benoit, son épouse, 21 ans, domiciliés au 15, rue Curton. Un des deux témoins pour l’enregistrement du nouveau-né à l’état civil est Albert Vauclard, directeur d’usine, domicilié à la même adresse.

Le 3 janvier 1911, la 1re commission spéciale de réforme de la Seine réforme n° 2 son père pour « impotence fonctionnelle presque complète de la main gauche [par] suite de traumatisme ». Le 30 décembre 1914, le conseil de révision de la Seine le maintien dans ce statut. Enfin, le 22 mars 1917, la commission de la Seine le maintien dans sa position.

Le 15 septembre 1925, André Touret entre à l’usine de la société Fusion des gaz à Esbly (Seine-et-Marne – 77) comme encaisseur et releveur de compteurs, emploi qu’il ne quittera plus.

De la classe 1927, il est appelé pour effectuer son service militaire au 106e régiment d’infanterie à Chalons-sur-Marne, mais est déclaré « réformé n° 2 » pour tuberculeuse osseuse.

Le 22 août 1931, à Torcy (77), il se marie avec Régine Lucienne Aussude, née le 8 décembre 1907 à Torcy. Ils auront deux enfants : Michelle, née en 1932 à Torcy, et un·e autre, âgé·e d’un an en novembre 1941.

Au moment de son arrestation, André Touret est domicilié au 26, rue du Chemin de Fer à Esbly.

Il est membre du Parti communiste de 1936 à 1939. Pendant un temps, il est trésorier de la cellule d’Esbly.

Lors de la déclaration de guerre, son statut de réformé militaire lui évite d’être mobilisé.

Le dimanche 19 octobre 1941, André Touret est appréhendé par la Feldgendarmerie dans le cadre d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – meules, hangars – ayant eu lieu dans le département. En tout, sept habitants d’Esbly sont arrêtés, dont André Bichot, Alexandre Douchet et Marcel Vincent.

Ils sont rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (46 d’entre eux seront des “45000”). Immatriculé sous le n° 1789, André Touret est assigné au bâtiment A3.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 28 novembre, la Feldkommandantur 680 de Melun adresse au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-[en-Laye] une liste de 79 otages communistes seine-et-marnais pouvant être proposés pour une exécution de représailles, parmi lesquels André Touret.

En novembre, sa tuberculose osseuse conduit la direction du camp à le transférer à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris, où il reste jusqu’en février 1942.

Entre fin avril et fin juin 1942, André Touret est néanmoins sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Touret est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46152 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté André Touret.

Il meurt à Auschwitz le 20 octobre 1942, l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 3-01-2001).

Notes :

[1] Clichy(-la-Garenne) : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Concernant la différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant André Touret, c’est le 1er août 1942 qui a été retenu pour certifier son décès.
Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

-Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73,127 et 128, 378 et 421.
-Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Clichy, année 1907 (E NUM CLI N1907), acte n° 885 (vue 151/163).
-Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrit, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1253 (36705/1942).

MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 11-06-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]

Joseph TORTORA – 46151

[fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »]

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Joseph Tortora naît le 20 mars 1896 à La Calle (El Kala), près de Constantine (Algérie, alors département français), fils de Luigi, Vincent, Tortora, 33 ans, natif de Gaeta (Italie), jardinier, et de Marie Farella, son épouse, 27 ans, native de Resina (Italie). Joseph a – au moins – une sœur plus âgée : Costanza, née le 16 février 1891.

Considérant son âge, Joseph Tortora devrait avoir été mobilisé au cours de la guerre 1914-1918 (à vérifier…).

En 1932, il est inscrit sur les listes électorales de Clichy-la-Garenne [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (Seine / Hauts-de-Seine), domicilié au 5 bis rue des Écoles en 1933. En 1934 et 1936 (liste électorale), il habite au 20, rue Villeneuve. En 1939 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 27, villa Émile. Il vit maritalement avec Lucie K.

Joseph Tortora est ouvrier du Bâtiment, charpentier-tôlier, charpentier-mécanicien chez Mareuil.

C’est un militant communiste.

Le 21 décembre 1939, comme celui de trois autres militants de Clichy, son domicile fait l’objet d’une perquisition conduite par les services du commissariat de police de la circonscription, au cours laquelle sont saisis « un lot de livres, brochures et papiers du Parti communiste », datant probablement d’avant l’interdiction du 26 septembre puisqu’il n’est pas arrêté.

Le 30 novembre 1940 à 21 h 30, Joseph Tortora est arrêté à Clichy, par les services du commissariat de Clichy en flagrant délit de collage de tracts et de “papillons” « à tendance communiste, en compagnie d’un autre individu qui a pris la fuite et n’a pu être identifié ». Lui-même était porteur d’un pot de colle et d’un pinceau, et 25 tracts décollés ou abandonnés sur la voie publique sont saisis. La perquisition opérée à son domicile amène la découverte de brochures communistes. Inculpé le lendemain d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (« reconstitution de ligue dissoute », distribution de tracts), Joseph Tortora est mis à la disposition du Parquet et  au dépôt « près la préfecture de police » le 2 décembre.

Le lendemain, 3 décembre, il comparaît – seul – devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine qui le condamne à six mois d’emprisonnement. Il est d’abord écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Le 16 décembre, il est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes [1] (Seine / Val-de-Marne).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 27 décembre, Joseph Tortora est transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À l’expiration de sa peine, étant considéré par les Renseignements généraux comme un « meneur des plus actifs », il n’est pas libéré.

Le 16 mai, le préfet de Seine-et-Oise écrit au secrétaire général pour la police (police d’État) afin de l’avertir que six détenus de Poissy sont prochainement libérables, lui demandant d’« inviter [ses] services à assurer leur transfert à Aincourt le jour de leur sortie de la Maison Centrale, en leur notifiant la mesure qui les frappe. »

Le 23 mai 1941, jour de la libération de Joseph Tortora, le préfet de police (de Paris) signe l’arrêté ordonnant son internement administratif (renouvelé le 22 septembre ?), en application du décret du 18 novembre 1939. Joseph Tortora est conduit le jour-même au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Sanatorium d’Aincourt. Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante

Sanatorium d’Aincourt. Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante

Le 26 avril 1942, il fait partie d’un groupe de 93 détenus enregistrés au camp français (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il est inscrit sous le matricule n° 260.

Le 10 mai 1942, il est parmi les 81 internés (dont 70 futurs “45000”) « remis aux mains des autorités d’occupation » à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; matricule 5718.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, Joseph Tortora est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le 8 juillet 1942, Joseph Tortora est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46151 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Joseph Tortora est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 15.

Le 29 octobre, il y est admis au Block 20 de l’hôpital des détenus, réservé aux “contagieux”.

Joseph Tortora meurt à Auschwitz le 20 novembre 1942, selon une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée par la résistance polonaise interne du camp et où est inscrit le matricule n° 46151.

Déclaré “Mort pour la France” (25-05-1948), Joseph Tortora est homologué comme “Déporté politique” (30-06-1959). La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n°2 du 3-01-2001).

Après la guerre, une cellule du PCF de Clichy a pris son nom, associé à celui de son frère Raymond.

Notes :

[1] Clichy-la-Garenne et Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 421.
- Cl. Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : témoignage de René Petitjean, de Clichy.
- Archives nationales d’Outre-mer, site internet : registre des naissances de La Calle, département de Constantine, année 1896, acte de naissance n° 32 du 21 mars.
- Archives de Paris : (D1u6-5852).
- Archives nationales : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes (BB18 7035,  2BL 2062).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : registre de main courante du commissariat de Clichy (C B 84 34) ; dossier individuel des RG (77 W 1484-27757) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 632-20824) ; cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
- Archives départementales du Val-de-Marne (AD 94), Créteil : établissement pénitentiaire de Fresnes (2742w16).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (1W76), dossier individuel du bureau politique (1W156), notice individuelle (1W80).
- Comité du souvenir du camp de Voves : liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives communales de Clichy, fiche de la section locale de la FNDIRP.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : registre de la morgue d’Auschwitz-I, Leichenhalle (26 P 850), 20/XI 42, n° 40.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-03-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Gabriel TORRALBA – 46264

Gabriel (Julino ?), Édgard, Torralba y Vendrelle naît le 2 janvier 1916 à Tarbes (Hautes-Pyrénées). Il a – au moins – deux frères : Angel et Marc.

En 1923, la famille emménage dans une maison lui appartenant au 9, rue Victor Hugo, dans le quartier nouvellement créé de Chambéry, à Villenave-d’Ornon, au sud de l’agglomération de Bordeaux (Gironde).

Au moment de son arrestation, Gabriel Torralba est célibataire.

Gabriel Torralba est sympathisant ou militant du Parti communiste, comme son père et ses frères. Il milite notamment avec Marcel Delattre, du quartier du Pont-de-la-Maye, à Villenave-d’Ornon.

En 1936, il doit accomplir son service militaire au 14e régiment d’infanterie, cantonné à Toulouse.

Mais, pendant la guerre d’Espagne, il combat dans les rangs espagnols pour défendre la République contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini.

Fin janvier-début février 1939, lors de la Retirada, il traverse la frontière de Cerdagne par Bourg-Madame (Pyrénées-Orientales), où les autorités françaises ont créé un centre de regroupement. Trois semaines plus tard, est interné au camp de Septfonds (Tarn-et-Garonne), ouvert le 27 février ; en mars, on y compte jusqu’à 16 000 Espagnols.

Gabriel Torralba est mobilisé au cours de la “Drôle de guerre”.

Sous l’occupation, il est employé dans la fabrique de carrelage U. Genevère, sise au 29 rue Ferbos à Bordeaux.

En septembre 1940, Jean Bonnardel, un voisin, le contacte pour lui demander de reprendre une activité au sein du Parti communiste clandestin. En contact avec Eliodoro Manzano, terrassier espagnol habitant son quartier, Gabriel Torralba participe à la diffusion de tracts dans son secteur d’habitation et son entreprise.

Le 22 novembre 1940, il est arrêté par la police française qui vient l’appréhender dans son atelier. Avec son père et deux de ses frères, ils sont appréhendés dans une vague de perquisitions et d’arrestations de communistes lancée par le préfet en accord avec les autorités d’occupation : 148 personnes sont rassemblées au Foyer (ou Hôtel) des Émigrants, au 24 quai de Bacalan, sur la Garonne, un immeuble utilisé avant-guerre pour l’hébergement des émigrés en instance de départ vers les colonies et dès lors transformé en Centre de séjour surveillé. Les suspects y sont interrogés – sans violence – par le commissaire de police spéciale Pierre Poinsot et son équipe de la Section des affaires politiques (SAP).

En janvier 1941, Gabriel Torralba est transféré au camp français de Mérignac, sur le site de Beaudésert, où un projet de construction de cité olympique dans les années 1920 n’avait pas abouti. Le 22 octobre 1941, des détenus du camp, désignés comme otages de représailles, sont fusillés par l’armée allemande à Souge et à Bordeaux, parmi lesquels Jean Bonnardel et Marcel Delattre.

Début 1942, les trois Torralba figurent encore sur un état des internés à Mérignac « dont les sentiments et activité communistes ne font pas de doute ».

En avril, Gabriel Torralba est transféré au quartier allemand du Fort du Hâ, ancienne forteresse de Bordeaux utilisée comme Maison d’arrêt. Le plus jeune de ses frères, Marc, 18 ans, y est également détenu.

Fin avril, début mai, Gabriel Torralba est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le 5 mai, dans la chambrée 3 du bâtiment A1 (la sienne ?), il participe à un « repas fraternel » organisé par le « groupe de solidarité alimentaire » dont le menu porte trente-quatre signatures, parmi lesquelles celles de plusieurs futurs “45000” : les « Bordelais » Jean Beudou, de Talence, et Gabriel Eustache, de Pessac, ainsi qu’Édouard et René Beaulieu, de Rosny-sous-Bois, Jean Berthout, de Paris 20e, Eugène Clément, de Villeneuve-Saint-Georges, André Doucet, de Nanterre, Louis Gouffé, de Romainville, Alexandre Guillou, de Bonneuil-sur-Marne, Auguste Monjauvis, de Paris 13e, Félix Néel, de Romainville, et Armand Nicolazzo, d’Argenteuil. En tête de ces signatures, on reconnait celle d’André Tollet, qui s’évadera par un tunnel quelques semaines plus tard [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1].

Entre fin avril et fin juin 1942, Gabriel Torralba est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelleligne frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gabriel Torralba est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46264 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Gabriel Torralba est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Gabriel Torralba est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Gabriel Torralba est peut-être le Bordelais d’un groupe de quatre “45000” du Block 11 qui sont enfermés ensemble dans une Stehzelle (cellule à rester debout, cachot étroit) du sous-sol de la prison (Bunker) pour avoir essayé d’ “organiser” du pain pour leurs camarades de la blanchisserie. Probablement condamnés à y mourir de faim, ils sont libérés en réparation d’une faute administrative, leurs noms n’avaient pas été consignés sur le registre du Bunker.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Gabriel Torralba est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL [2] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matr. 19900).

En avril 1945, il est évacué au cours d’une des tristement célèbres marches de la mort. Après trois jours de marche, sans nourriture ni eau, il est libéré par les troupes américaines près de la ville bavaroise de Cham.

Gabriel Torralba décède le 1er juin 1989.

Le 19 juin 2008, l’Equipo Nizkor présente la première plainte déposée en Espagne en faveur des victimes espagnoles des camps d’extermination nationaux-socialistes de la Seconde Guerre Mondiale, plainte jugée recevable par le Tribunal central d’instruction numéro 2 de la Audiencia Nacional le 17 juillet 2008. Le 30 juin, Conception Ramirez Naranjo, veuve de Gabriel Torralba, est la troisième des parties civiles à demander au gouvernement espagnol de demander l’extradition des États-Unis des membres de la SS-Totenkopf (Tête de mort) : Sturmbann Johann Leprich, Anton Tittjung, Josias Kumpf et Iwan (John) Demjanjuk.

Notes :

[1] Ce tunnel – creusé à l’insu de la plupart des internés – a permis l’évasion de 19 militants syndicalistes (dont Georges Cogniot et André Tollet) dans la nuit du 21 au 22 juin 1942, peu avant la déportation du millier d’otages communistes, le 6 juillet.

[1] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 259 à 261, 359, 364 et 421.
- Site Equipo Nizkor, organisation internationale travaillant pour le respect et la promotion des droits de l’homme dans plusieurs pays et dans des domaines divers, notamment la lutte contre l’impunité.
- Commission d’Histoire du Comité du Souvenir des Fusillés de Souge, site.
- Pôle des archives des victimes des conflits contemporains (PAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier individuel de Torralba Gabriel  (21 P 683 199), recherches de Ginette Petiot (message 04-2017).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-04-2017)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Zéphirin “Marcel” TOILLON – 46150

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Zéphirin, André, “Marcel”, Toillon naît le 24 mai 1898 à Chaux (Territoire de Belfort), chez ses parents, Joseph Toillon, 35 ans, journalier, et Stéphanie Rémy, son épouse, 31 ans. Les témoins pour l’inscription du nouveau-né à l’état civil sont deux cultivateurs.

Par la suite, la famille s’installe à Lure (Haute-Saône – 70). Marcel Toillon commence à travailler comme employé de chemin de fer.

Le 14 avril 1917, à Vesoul (70), il s’engage volontairement pour quatre ans au 121e régiment d’artillerie lourde comme 2e canonnier. Le 15 avril 1918, il passe au 109e R.A.L. Le 10 janvier 1920, il passe au 1er groupe d’aérostation à Angers. Mais, le 23 mars suivant, la commission de réforme d’Angers l’ajourne pour « anémie et faiblesse générale ». Le 21 octobre, la même commission le classe “service auxiliaire” avec invalidité inférieure à 10 % pour « anémie et troubles digestifs semblant de rattacher à de l’hyperchlorydrie » (excès d’acidité dans l’estomac). Deux jours plus tard, il est renvoyé dans ses foyers et se retire à Lure, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 21 juin 1921, l’armée le classe dans l’affectation spéciale comme employé permanent de la Compagnie des chemins de fer de l’Est ; pointeur-releveur à la gare de Gray, située sur la commune d’Arc-lès-Gray (70), et au centre d’un petit réseau régional en étoile partagé entre le réseau de l’Est et celui de la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM).

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La gare de Gray indiquée sur une carte du réseau PLM ; les gares situées dans les prolongements sur le réseau de l’Est ne sont pas indiquées…

La gare de Gray indiquée sur une carte du réseau PLM ;
les gares situées dans les prolongements sur le réseau de l’Est ne sont pas indiquées…

Le 18 février 1926, à Arc-lès-Gray, commune au bord de la Saône, Zéphirin, Marcel, Toillon se marie avec Jeanne, Marie, Paule, Truchot.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 42, Grande-Rue (ou rue Grande ?) à Gray (70), commune limitrophe de la précédente sur la rive opposée de la rivière.

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    Gray. Le pont suspendu sur la Saône et, de l’autre côté, la gare. Carte postale non datée. Coll. Mémoire Vive.

Gray. Le pont suspendu sur la Saône et, de l’autre côté, la gare située à Arc-lès-Gray.
Carte postale non datée. Coll. Mémoire Vive.

Le 9 avril 1940, le général commandant la 7e Région le raye de l’affectation spéciale par mesure disciplinaire, probablement au motif de son engagement politique antérieur. Le 9 avril 1940, il est affecté au dépôt d’infanterie n° 74.

Le 22 juin 1941, Marcel Toillon est arrêté à l’initiative des autorités d’occupation, parmi vingt-trois militants communistes et syndicalistes de la Haute-Saône [/fusion_builder_column][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1] (dont les sept futurs “45000” du département et Georges Cogniot) ; n° 21 sur la liste, son nom étant orthographié « Tollion ». Il est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Toillon est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Marcel Toillon est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46150 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcel Toillon.

Il meurt à Auschwitz le 25 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Après-guerre, le nom de Marcel Toillon est inscrit sur une plaque apposée sur une façade de la gare d’Arc-lès-Gray, laquelle semble avoir disparu après que la gare ait été fermée au trafic ferroviaire des voyageurs en 1970, et bien que le bâtiment conservé serve encore de point d’arrêt pour un service d’autocars régionaux.

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total (bilan au 31 juillet), 1300 hommes environ y seront internés à la suite de cette action. Effectuant un tri a posteriori, les Allemands en libéreront plusieurs dizaines. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 370 et 421.
- Archives départementales du territoire de Belfort (AD 90), site internet du conseil général, archives en ligne : registre d’état civil NMD de Chaux 1870-1900 (1 E 23), naissances de l’année 1898, acte n° 6 (vue 276/502).
- État civil de la mairie de Chaux (90).
- Archives départementales de Côte-d’Or : cote 1630 W, article 252 : « arrestations par les autorités allemandes, correspondances ».
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1248 (24870/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 17-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Georges THOREZ – (46326 ?)

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Collection de la famille de G. Thorez.
Droits réservés.

Georges Thorez naît le 18 novembre 1905 aux Attaques (Pas-de-Calais), fils d’Édgard Thorez, 33 ans, batelier, et de Marie Éléonore Triquet, 23 ans, batelière, son épouse.La commune est traversée par plusieurs petits canaux rejoignant le canal de Calais qui se jette dans la mer (Manche/mer du Nord).

Pendant plusieurs années, Georges Thorez  est lui-même batelier sur le Montcalm.

À une date restant à préciser, il se met en ménage avec Josephana Vlemincks, née le 8 mars 1910 à Termonde (Belgique), une Flamande parlant difficilement le français. Ils auront cinq filles : Muguette, née le 14 juillet 1932 à Vieux-Condé (Nord – 59), Marcelle, née le 16 mars 1934 à Denain (59) [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][1], Jeanne, née le 5 octobre 1935 Maizières-le-Vic (57), Astrid, née le 8 février 1938 à Crève-Cœur (59), et Georgette, née le 22 août 1942 à Varangeville (Meurthe-et-Moselle – 54), née après la déportation de son père [2].

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Collection de la famille de G. Thorez.
Droits réservés.

Georges Thorez n’est pas connu comme militant ou adhérent du Parti communiste, mais il en partage les idées.

Pendant la drôle de guerre, il s’absente parfois en disant à ses proches qu’il va « garder la ligne Maginot ». On peut supposer qu’il s’agit de participer à une activité clandestine sur laquelle il n’existe aucune information.

Sous l’occupation, il vit avec sa famille sur la péniche qu’il pilote (le Saint-Gobain II), attachée au port fluvial de Dombasle-sur-Meurthe (Meurthe-et-Moselle – 54) où ses parents sont également domiciliés.

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Collection de la famille de G. Thorez.
Droits réservés.
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Dombasle, le port fluvial, les usines.
Carte postale éditée après-guerre. Collection Mémoire Vive.

En 1941, transportant du charbon pour les usines Saint-Gobain (soudières de Varangéville ?), son bateau traverse très souvent la nouvelle frontière de la Lorraine annexée au Reich (département de la Moselle – 57), pour aller charger ce combustible ; il emprunte le canal de la Marne au Rhin, puis le canal des Houillères de la Sarre (bifurcation à l’étang de Gondrexange) et enfin la Sarre canalisée.

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Domasle, le port fluvial et le canal de la Marne au Rhin,
en direction de l’Est
(où Georges Thorez embarqua des prisonniers évadés).
Carte poste écrite en 1972. Collection Mémoire Vive.

Entre la cloison en bois de son logement de marinier et la paroi métallique de la cale à charbon, Georges Thorez aménage une cache permettant de dissimuler plusieurs hommes debout : comme beaucoup d’autres mariniers, il appartient à une filière de passeurs (non identifiée).

Le 20 ou 21 décembre 1941 en fin de journée, vers Remelfing, au sud de Sarreguemines (57), de l’autre côté de la frontière, Georges Thorez stationne son bateau sous un talus boisé en pleine campagne. Il demande à deux de ses deux filles, Marcelle et Jeanne, d’y monter et celles-ci lui rapportent la présence de cinq hommes cachés au milieu des arbres. La nuit venue, Georges Thorez siffle depuis le pont du bateauet les hommes les rejoignent dans la cabine. Ce sont des prisonniers de guerre évadés : l’un d’eux est domicilié à Frouard (54), les autres sont de la région parisienne (tous « célibataires » ?).

Les évadés passent plusieurs jours sur le bateau, le temps que celui-ci regagne la zone occupée en passantpar des canaux gelés dont il faut briser la glace pour avancer. Dans la journée, ils se cachent de l’autre côté de la cloison « pas plus large que l’épaisseur d’un homme » située derrière la cuisinière. Le soir, ils rejoignent le marinier et sa famille dans leur cabine, prenant les enfants sur leurs genoux. Aux écluses, les Allemands visitent le bateau. Au passage de la frontière, au niveau l’écluse n ° 12 de Lagarde, ils sondent le chargement de charbon au moyen de grandes barres de fer, sans rien trouver.

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Lagarde, l’écluse n° 12 sur le canal de la Marne au Rhin.
Carte postale éditée après guerre. Collection Mémoire Vive.

Une fois en France, à Einville-au-Jard (54), les évadés passent la nuit de Noël avec le marinier et sa famille.

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Einville, le deux ponts.
Carte postale envoyée en… 1917. Collection Mémoire vive.

Le lendemain, ils quittent le bord, et la péniche reprend sa navigation en direction de Dombasle.

Dans la soirée du 27 décembre, le bateau est amarré avant l’écluse de la patte d’oie de Dombasle, afin de franchir celle-ci au plus tôt le lendemain. La péniche est alors seule à stationner à cet endroit.

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L’écluse de Dombasle. Carte postale envoyée en 1916.
Collection Mémoire Vive.

Deux gendarmes français s’en approchent et discutent avec Georges Thorez depuis le chemin de halage, ce qui effraie un neveu monté à bord et ayant déjà eu des ennuis avec la police. Celui-ci conseille à son oncle de s’enfuir ; mais où aller ?

Le soir-même, comme à son habitude, Georges Thorez se rend au Café du Port [3] où il discute avec d’autres mariniers. Mais le lieu est aussi fréquenté par des indicateurs ; on a soupçonné le patron du café lui-même et un autre marinier, qui semblait moins souffrir des restrictions que les autres et dont le bateau était moins contrôlé.

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Le pont sur le Sânon et le Café du Port.
Carte postale envoyée en 1919. Collection Mémoire Vive.

Le lendemain 28 décembre au matin, Georges Thorez monte sur le pont pour casser, avec une perche, la glace du canal qui enserre son bateau. Il attend également le passage du brise-glace. Vers 9 heures, deux gendarmes de la brigade de Saint-Nicolas-de-Port arrivent sur la berge et l’interpellent en lui demandant de venir avec eux pour un renseignement au sujet de son épouse. Georges Thorez retourne dans la cabine prendre une veste et enfiler des chaussures. Assis sur une chaise pour nouer ses lacets, il dit à sa famille : « Ne pleurez pas : je reviendrai. » Sa famille monte à l’entrée de la cabine pour le voir partir dans lavoiture de gendarmerie, « une sorte de 4 L bleue ».

L’épouse de Georges Thorez se retrouve avec une péniche chargée qu’elle n’a pas le droit de piloter elle-même. Elle téléphone depuis le bâtiment de service de l’écluse au chef de marine de Saint-Gobain, domicilié à Varangéville. Il arrive le lendemain 29 décembre avec le père de Georges Thorez, Edgard, lui-même marinier. Ayant à rédiger un rapport pour la direction de son entreprise, le chef de marine de Saint-Gobain interroge Madame Thorez sur les circonstances dans lesquelles son mari a été arrêté. Elle lui révèle alors le transport clandestin des évadés. Puis le bateau passe l’écluse, piloté par Edgard Thorez, et est vidé de son chargement au port d’attache, à Dombasle.

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Quai de déchargement du port fluvial de Dombasle.
Carte postale envoyée en 1918. Collection Mémoire Vive.

Le lendemain 30 décembre au matin, quatre soldats allemands venus au port en camion montent à bord. Ils fouillent le bateau pendant deux heures, sans manifester aucune violence à l’égard de la femme et des filles de Georges Thorez, restées assises dans la cabine. Finalement, ils trouvent la cache, vide de tout indice de son utilisation (pas même un mégot de cigarette, car les passagers clandestins s’y seraient étouffés ; ils fumaient le soir dans la cabine…). Josephana Thorez échange quelques mots avec les soldats, grâce à la proximité linguistique entre le flamand et l’allemand.

Dans l’après-midi, Madame Thorez téléphone au chef de marine de Saint-Gobain pour l’informer de la fouille du bateau. Celui-ci la rassure en lui disant : « Vous ne risquez rien. Ils n’ont rien trouvé. Il n’y a pas de preuve. »

Après avoir été conduit à la brigade de gendarmerie de Saint-Nicolas-de-Port, Georges Thorez est donc rapidement pris en charge par les « autorités allemandes » : les évadés ont été embarqués sur le territoire allemand et la frontière allemande a été violée (de leur côté, les gendarmes français ont toujours affirmé qu’ils ne savaient pas pourquoi on leur avait demandé d’arrêter le batelier…). Les Allemands interrogent rapidement le chef de marine de Saint-Gobain, qui voit partir Georges Thorez pour la Maison d’arrêt Charles III de Nancy le jour même.

Nancy. La prison Charles III. Carte postale écrite en août 1915. Collection Mémoire Vive.

Nancy. La prison Charles III. Carte postale écrite en août 1915. Collection Mémoire Vive.

Georges Thorez est torturé pour lui faire donner les noms des ses complices. Son épouse, autorisée à lui rendre visite en prison, a témoigné qu’il avait des dents cassées et des doigts écrasés : l’occupant veut démanteler les filières de passeurs. Mais Georges Thorez ne parle pas et personne n’a été arrêté à sa suite.

À une date restant à préciser, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Il envoie plusieurs courriers à sa famille depuis ce camp, sans revenir sur les circonstances de son arrestation.

Entre fin avril et fin juin 1942, Georges Thorez est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Georges Thorez parvient à transmettre un message – posté à Bar-le-Duc – annonçant à sa famille qu’il part « pour l’Allemagne ».

Le voyage dure deux jours. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Georges Thorez est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46326 selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Georges Thorez.

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz [4] ; probablement à l’automne 1942.

Après l’arrestation puis la déportation de son mari, Josephana Thorez travaille aux usines de Pompey (54). Elle met ses trois filles en nourrice à Crévic (54). En 1943, ayant perdu son travail, elle ne paye plus les frais de pension ; Marcelle, Georgette et Jeanne sont alors placées à l’assistance publique.

Josephana Thorez finit par abandonner ses enfants, et disparaît en retournant en Belgique courant 1944/1945.

Après son retour de déportation, Clément Coudert, de Neuves-Maisons (54), témoigne de la disparition de Georges Thorez, qu’il estime avoir eu lieu fin septembre 1942.

Le père de Georges Thorez décède le 7 novembre 1947 et sa mère le 28 janvier 1951.

Le 24 février 1954, l’Office départemental des anciens combattants de Meurthe-et-Moselle est désigné comme tuteur des orphelines.

Déclaré “mort pour la France” (22-03-1956), Georges Thorez reçoit la Croix de guerre et la Médaille militaire à titre posthume. Mais le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre ne lui attribue que la carte de Déporté politique, et pas celle de Déporté résistant (17-09-1955).

Le nom de Georges Thorez est inscrit sur une plaque du Monument aux morts de Dombasle-sur-Meurthe, ainsi que sur le Mémorial aux déportés et aux internés, square du groupe Lorraine 42.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 1-09-2000).

À partir du 20 février 1957, sa fille Jeanne engage des démarches afin de connaître les circonstances exactes de sa mort ; elle vient de découvrir la date et le lieu inscrits à l’état civil au cours des démarches administratives nécessaires à son propre mariage. Quarante-cinq ans après, le 23 août 2002, ayant rejoint l’Amicale des familles de déportés de Chaumont, elle est enfin autorisée à prendre directement connaissance du dossier individuel de son père aux Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen ; elle y découvre l’attestation de Clément Coudert, seul témoignage enregistré d’un rescapé sur la mort de son père.

Sa sœur Muguette, devenue épouse Bodren, deviendra marinière à son tour, passant régulièrement par les endroits où s’est joué le destin de leur père.

Notes :

[1] Marcelle, ayant rencontré un soldat américain, John Meadows, sur la base de Toul-Rosières où elle travaillait, l’a suivi en Allemagne où ils se sont mariés en 1959 et n’a plus jamais donné de nouvelles à ses sœurs.

[2] Georgette n’a pas pu être reconnue directement par son père (comme ses sœurs), puisque Georges Thorez avait déjà été déporté. Elle obtient de porter son nom, par décision de justice ou administrative, en 1964. Elle décède prématurément vers 1972-1973.

[3] Le Café du Port (“Au rendez-vous des mariniers”) : au n° 1, rue Gabriel-Péri (anciennement rue Nationale), entre la rivière Sânon et la rue du colonel-Driant, près du port du canal.

[4] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Georges Thorez, c’est le 21 octobre 1942 qui a été retenu par le Tribunal de grande instance de Nancy pour certifier son décès (jugement du 9-10-1950, inscrit à l’état civil le 26-10-1950). Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Jeanne Peinoit, fille de Georges Thorez, et le fils de celle-ci, Pascal, message et documents (28-01-2011).
- Jeanne Peinoit, courrier adressé à Fernand Devaux (16-11-2004), contenant trois témoignages ; le sien et celui de…
- Arthur Régnier, marinier, témoignage manuscrit (5-03-1993).
- Muguette Bodren, fille de Georges Thorez, témoignage manuscrit (9-09-2003).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 127 et 128, 367 et 421.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Site Mémorial GenWeb, Dombasle-sur-Meurthe, relevé de Patrice Arnold et Martine Mangeolle (6-2004 / 5-2010).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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