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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Yvonne Pateau naît le 14 septembre 1901 à Angles (Vendée – 85), dans une famille paysanne de quatre enfants. Elle va à l’école jusqu’au certificat d’études, puis aide ses parents dans leur ferme.

En 1919, elle se marie avec son cousin germain, Alexandre Pateau, né le 18 août 1895 à Marans (Charente-Maritime [1] – 17) ; elle ne change pas de nom…

Les Pateau exploitent ensuite une petite ferme se composant de trois pièces d’habitation, une écurie avec deux vaches et un cheval, quelques hectares, dans un hameau de trois maisons – Chez Bajot – à un kilomètre du bourg de Saint-André-de-Cognac (Charente – 16), à la limite ouest du département.

Vers le début 1938, à une date restant à préciser, ils ont un fils, Stéphane, Marx.

Le deuxième prénom de leur enfant vient de ce que les Pateau sont militants du Parti communiste.

Alexandre Pateau est un homme très réservé. Mais justement très estimé, ainsi que sa famille, pour cette réserve qui lui vaut la confiance des habitants de Saint-André.

L’entrée de leur maison tournant le dos aux deux autres fermes, celle-ci est appropriée pour des activités secrètes dans la période de clandestinité du Parti communiste et sous l’occupation.

L’exploitation agricole des Pateau appartient alors au réseau des fermes charentaises où les Francs-tireurs et partisans (FTP) cachent des armes, volées aux Allemands dans la carrière de Jonzac ou récupérées de différentes manières (v. Aminthe Guillon). À la veille d’un coup de main, des résistants viennent prendre les munitions dont ils ont besoin et couchent à la ferme.

Le 27 juillet 1942, une note émanant des renseignements généraux indique : « M. Poinsot part ce soir à 23 heures pour les Charentes avec les autorités allemandes et six inspecteurs avec chiens. Ils se proposent d’effectuer une action simultanée à La Rochelle, Saintes, Cognac et d’autres localités, en vue d’arrêter des groupes terroristes. »

Le lendemain 28 juillet, à 4 heures du matin, Monsieur Cessac, maire de Saint-André-de-Cognac, est réveillé brusquement. Il enfile son pantalon sur sa chemise de nuit pour ouvrir avant qu’on enfonce la porte. Deux officiers allemands le poussent dans une voiture. Sa femme lui jette ses pantoufles par la fenêtre et le voit partir entre les deux hommes. Des camions attendaient plus loin, bondés de soldats allemands. Les officiers ont sommé M. Cessac de les conduire chez les Pateau. Arrivés là, les soldats, armés de mitraillettes, sautent des camions et cernent le hameau.

Réveillé par les coups à la porte, Alexandre Pateau ouvre. Camille Perdriau [2], un jeune résistant résistant du Maine-et-Loire venu se procurer du matériel à la ferme avant d’effectuer un sabotage, bondit, un revolver à la main. Il n’a pas le temps de faire feu. En un instant il est ligoté. Dans le même moment, les Allemands arrêtent les Vaujour, des voisins amis des Pateau.

Exactement au même instant, une deuxième escouade de soldats allemands encercle la ferme des Guillon, Les Violettes, sur la commune de Sainte-Sévère, où elle trouve aussi les Dupeyron, de Bègles (Gironde – 33) venus y chercher des armes.

Simultanément, des policiers assistés de Feldgendarmes se rendent chez les Vallina à Cognac et emmènent toute la famille.

Enfin, un dernier groupe effectue une perquisition dans le café d’Anne Épaud à La Rochelle en espérant y arrêter Yves Tasset. Celui-ci ne s’y trouve pas, mais ils tombent sur Ferdinand Vincent [3] et un jeune résistant communiste, Lucien Dufès, qui est abattu par les Allemands en essayant de s’enfuir.

Dans la ferme de Saint-André, Yvonne Pateau habille rapidement son fils, Stéphane, âgé de quatre ans et demi, et tous sont jetés dans un fourgon qui file vers la gendarmerie de Cognac. La voiture où est M. Cessac suit. En arrivant, Monsieur Cessac voit sur le trottoir, devant la gendarmerie, les Vaujour et le petit Stéphane qui pleure. « Prenez vite un taxi, ne restez pas là, allez chez les Bajot », leur souffle-t-il. Les Bajot sont des amis.

Le soir même, Yvonne et Alexandre Pateau, ainsi que le résistant qu’ils hébergeaient, sont emmenés au fort du Hâ, à Bordeaux. Charlotte Delbo relate que « le résistant, un jeune homme du Maine-et-Loire, qui ne cesse d’injurier les Allemands et de leur cracher à la figure, est abattu d’un coup de revolver en cours de route ». Peut-être a-t-il seulement été assommé, voire blessé. Toujours est-il que Camille Perdriau ira au poteau d’exécution deux mois plus tard.

Monsieur Cessac est consigné dans sa commune pendant un mois. Il demande et obtient un laissez-passer pour se rendre à la ferme des Pateau, laissée à l’abandon et mise à sac.

Le 12 août 1942, la Gestapo arrête le frère d’Alexandre Pateau et sa femme qui, à leur tour, sont emprisonnés au fort du Hâ. La famille d’Yvonne Pateau – son frère, Célestin, la femme de celui-ci et ses deux sœurs -, est arrêtée aussi et internée au camp français de Mérignac, dans la banlieue ouest de Bordeaux. Comme ils n’habitent pas dans le voisinage mais en Charente-Maritime, on suppose que le voisin qui a dénoncé les Pateau a donné aussi leur adresse à la Gestapo.

Le 21 septembre 1942, Alexandre Pateau est un des soixante-dix otages fusillés au camp militaire de Souge, commune de Martignas-sur-Jalle, avec Camille Perdriau, Marcel Blateau, Prosper et Jean Guillon, Albert Dupeyron, Lucien Vallina et d’autres époux de futurs “31000”, arrêtés dans d’autres circonstances. Ces représailles massives touchent Bordeaux bien que les actions de la résistance armée qui les déclenchent aient essentiellement été menées à Paris ; comme la dernière, frappant le grand cinéma Rex réservé aux troupes d’occupation (Deutsches Soldatenkino) le 17 septembre à 21h55 et faisant deux morts et dix-neuf blessés. [4]

Les sœurs et belles-sœurs d’Yvonne sont relâchées après huit jours de détention. Le frère et le beau-frère d’Alexandre Pateau sont libérés le 12 octobre suivant, après cinquante-six jours d’internement.

Le 16 octobre 1942, Yvonne est parmi les 70 hommes et femmes – dont 33 futures “31000” (les “Bordelaises” et les Charentaises) – transférés depuis le Fort du Hâ et la caserne Boudet de Bordeaux au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas* (Seine-Saint-Denis – 93), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122. Yvonne Pateau y est enregistrée sous le matricule n° 950. Pendant trois semaines, les nouveaux arrivants sont isolés, sans avoir le droit d’écrire, puis ils rejoignent les autres internés (hommes et femmes étant séparés mais trouvant le moyen de communiquer). Début janvier 1943, Annette Épaud parvient à faire sortir clandestinement une lettre adressée à sa famille dans laquelle elle signale que les “Charentaises » ignorent ce que sont devenus leurs hommes, arrêtés avec elles.

De Romainville, Yvonne Pateau écrit à Monsieur Cessac pour le prier de confier son fils Stéphane à des cousins, les Guérineau, qui l’élèveront comme leur enfant, Monsieur Cessac étant son tuteur.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).

Le lendemain, Yvonne Pateau fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Mais Betty Jégouzo confirme ce départ en deux convois séparés, partis un jour après l’autre du Fort de Romainville. Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

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En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir.

Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

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Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Yvonne Pateau y est enregistrée sous le matricule 31728. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie de la police judiciaire allemande : vues de trois-quart avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photo d’immatriculation de Yvonne Pateau a été retrouvée, puis identifiée par des rescapées à l’été 1947).

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Yvonne Pateau est bientôt atteinte de néphrite aiguë.

Elle meurt à Birkenau le 9 mars 1943, selon l’acte de décès du camp (Ch. Delbo a indiqué une autre date : « au début de février 1943 »).

Un avis officiel daté du 13 mai 1943 est envoyé à la mairie de Saint-André-de-Cognac, indiquant qu’elle est morte à Auschwitz « Kasernenstrasse » (rue de la caserne !).

Non seulement Monsieur Cessac se charge de toutes les démarches auprès du ministère des anciens combattants, mais il va chercher le corps d’Alexandre Pateau à Bordeaux après la guerre et le fait inhumer à Saint-André-de-Cognac.

Yvonne Pateau est chevalier de la Légion d’honneur.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 223-224.
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- La commission d’Histoire du Comité du Souvenir des Fusillés de Souge.
- Serge Klarsfeld, Le livre des otages, Les éditeurs français réunis, Paris 1979, Les otages de Bordeaux (20.9.1942), pages 174 à 179, et 233 à 246, fiche allemande, pages 238 et 240.
- Claude Épaud, fils d’Annette : messages (pièces jointes, 05-2010).
- Guy Hontarrède, historien de la Seconde Guerre mondiale en pays charentais, Ami entends-tu ?, édition de l’Université populaire de Ruelle, 1987.- Liste des photos d’Auschwitz « identifiées de camarades non rentrées », Après Auschwitz, bulletin de l’Amicale, n°17 septembre-octobre 1947, page 3.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 908 (14294/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 8-06-2010)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] Charente-Maritime : département dénommé “Charente-Inférieure” jusqu’en septembre 1941.

[2] Camille, Jean, Perdriau, né le 30 septembre 1922 à Ponts-de-Cé (Maine-et-Loire – 49), demeurant rue Lamartine à Sorges. Très jeune, il adhère aux Jeunesses communistes. Étant ardoisier à Trélazé (49), il récupère de la dynamite dans les carrières avec un groupe de jeunes. Des explosifs et du matériel provenant de la poudrière de Montreuil-Belfroy alimentent un des premiers groupes de FTP qui réalise de nombreux sabotages importants dans la région d’Angers, faisant notamment dérailler un train de soldats partant pour le front de l’Est sur la ligne Nantes-Paris en causant de nombreux morts et blessés. En quête de l’origine de la poudre, la police dirige ses investigations vers la carrière : il faut prendre le large. Camille est dirigé sur la Charente-Maritime où il rejoint un groupe de FTP. Il a certainement des contacts avec un responsable régional. Avant d’effectuer un sabotage, Camille est venu se ravitailler à la ferme des Pateau. Arrêté avec eux le 28 juillet 1942, il est affreusement torturé. Enfermé dans la même cellule que Camille au Fort du Hâ, le traître Giret révélera au commissaire Poinsot dans son quatrième interrogatoire : « Je vous signale que le 14 août 1942, l’individu qui est avec moi en cellule (Perdriau) m’a parlé d’un nommé Jacques et je sais qu’Annie (la femme de Giret) connaît très bien ce dernier puisqu’elle parlait à Lucien de lui, de sa femme et de son enfant et qu’elle sait où il descend à Bordeaux ».

[3] Selon Charlotte Delbo, Annette Épaud d’un côté, les Vallina, les Pateau et le groupe auquel ils appartiennent de l’autre ont tous été dénoncés par Ferdinand Vincent. Ce militant, ancien brigadiste, se sentant menacé, plonge dans la clandestinité en mai 1942 pour participer aussitôt à la résistance armée. Pendant une dizaine de jours, il est hébergé par Margot et Lucien Vallina. Les deux hommes se trouvent peut-être des affinités comme anciens combattants d’Espagne. Dans cette période, René Michel (alias André), responsable interrégional politique de l’organisation clandestine conduit Vincent chez Marc Blateau, électricien à Matha, pour aller réceptionner en soirée un parachutage d’armes qui n’a finalement pas lieu. Une autre fois, avec Albert Dupeyron (alias Bébert), il s’agit de cambrioler un ferme ; opération qui échoue encore. Fin juin, chargé de réorganiser les FTP du secteur de Jonzac, Ferdinand Vincent (alias Georges) entre en contact avec Roger Peltan, membre du réseau Kléber et chef des groupes FTP de la région, duquel il obtient les coordonnées de certains militants. Début juillet, Vincent, Michel et Dupeyron effectuent un sabotage de voie ferrée près de Saintes.

Le 8 juillet 1942, plusieurs clandestins ont rendez-vous à la gare de Jonzac pour aller déménager des armes, dont Albert Dupeyron. Mais l’un d’eux – responsable national des FTP pour le sud de la France – a été arrêté la veille. Le commissaire Pierre Poinsot, avec quelques inspecteurs et des gestapistes guettent les résistants devant la gare. Un des participants, Gérard Blot, est maîtrisé par Poinsot lui-même (il sera conduit au Fort du Hâ, torturé puis fusillé comme otage). Pour se dégager et s’enfuir, Ferdinand Vincent n’hésite pas à tirer sur un allemand en civil qui se trouve être Dhose, chef de la Gestapo de Bordeaux participant à l’opération. Certains ont considéré qu’il s’agissait là d’une mise en scène pour déjouer les soupçons et permettre à Vincent de mener un travail d’infiltration. Mais celui-ci est réellement arrêté chez Anne Épaud, de manière inopinée, le 28 juillet, c’est-à-dire en même temps que certains membres du réseau de caches d’armes, dont les Vallina. L’historien Guy Hontarrède suggère que Vincent pourrait alors travailler pour la Gestapo à l’insu de la police française.

Les archives témoignent que, dès les premiers interrogatoires des 31 juillet et 1er août – le deuxième étant directement conduit par le commissaire Poinsot – Ferdinand Vincent livre des noms, des rendez-vous et les adresses des dépôts d’armes : il est directement responsable de l’arrestation d’Alice Cailbaut, de René et Hélène Antoine, de Marc et Claudine Blateau. Et, bien sûr, il “charge” ceux qui ont été pris en même temps que lui : les Vallina, les Dupeyron et les Guillon.

[4] La fusillade du 21 septembre 1942. Le 16 septembre, la Sipo-Sd, qui a pris en charge la politique des otages initiée par le haut commandement militaire, décide d’organiser des fusillades massives en représailles de plusieurs attentats organisés par la résistance armée contre les forces d’occupation depuis le 11 août précédent, date des dernières exécutions. Au moment de la décision, le nombre de « victimes expiatoires » (Sühnepersonen) est fixé à quatre-vingt-quatre selon un barème multipliant par deux le nombre des militaires allemands tués ou blessés lors de ces actions. La région parisienne ne disposant pas d’autant d’otages fusillables, il est décidé de prendre des hommes détenus à Bordeaux (deuxième grande ville de la zone occupée) soit pour les conduire au Fort de Romainville, camp d’otages, soit pour les exécuter au camp de Souge ; c’est la deuxième solution qui sera retenue pour des raisons de “sécurité”. Avant même les exécutions, le Docteur Horst Laube, responsable de la section II-Ju de la Sipo-SD en France, considère qu’il « ne serait pas recommandé de fusiller tout de suite tous les otages disponibles à Paris, afin qu’à l’avenir dans les cas imprévus, on puisse trouver à Paris des otages à tout moment ». Dans la mesure où le principe en avait déjà été fixé, la fusillade de Souge n’est pas une conséquence directe de l’attentat du Rex, mais celui-ci augmente le nombre d’otages désignés et c’est surtout à Bordeaux qu’est trouvé le “complément”. Le 18 septembre, Karl Oberg, chef supérieur des SS et de la police allemande en France depuis mai 1942, entérine les propositions : « J’ordonne en représailles l’exécution de 116 Français dont 70 à Bordeaux et 46 à Paris. » L’avis affiché précise : « …lesquels ont été trouvés coupables d’activités anti-allemandes ou communistes ».

Fiches allemandes :

23. PATHAU Alexandre, 13.8.1895, Saint-André.

P. est un vieux communiste, a hébergé dans sa ferme de nombreux terroristes importants recherchés et a camouflé armement et explosifs.

7. PERDRIAU Camille, 30.9.1922, Pont-de-Cé

P. est un vieux communiste, a avoué être l’auteur de l’attentat commis le 5.7.1942 à Bussac, destruction par explosifs d’un pylône d’une ligne à haute tension à Puibareau commis le 30.4.42 et un autre attentat ferroviaire commis le 16.5.42.

Selon la terminologie allemande, il est évident que « vieux communiste » veut dire « communiste de longue date ».