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Détenue au fort de Romainville.

Sophie Schaub naît le 11 juin 1905 à Welferdingen (Moselle). Son père occupe un poste assez élevé aux Chemins de fer de l’Est.

Elle épouse un industriel de Thionville, Edgard Licht ; le couple a une fille, Denise, en 1932, et un fils, Jean-Paul en 1938.

En mai 1940, Thionville est évacué. Les Licht se réfugient à Onzain, dans le Loir-et-Cher.

L’arrestation

Sophie et son mari sont arrêtés le 10 octobre 1942, chez eux, à Onzain, par les gendarmes du pays qui agissent, disent-ils, sur ordre des autorités d’occupation d’Orléans.

Pourquoi vient-on ainsi tout à coup chercher Sophie Licht, son mari, qui est juif, leurs deux enfants, et les parents d’Edgard Licht qui vivent avec eux ? Aujourd’hui nul ne peut le dire ; on a parlé de « contacts avec la BBC »… sans plus de précision.

Sophie Licht est enfermée pendant trois jours à la prison de Blois, d’où elle est retirée par la Feldgendarmerie, mise au secret à la prison d’Orléans du 13 octobre au 13 novembre 1942, transférée à Romainville à cette dernière date.

Sophie ne sait ce que devient sa famille.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Mais Betty Jégouzo confirme ce départ en deux convois séparés, partis un jour après l’autre du Fort de Romainville. Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

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En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

Sophie Licht y est enregistrée sous le matricule 31803. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois-quart, de face et de profil (la photo d’immatriculation de Sophie Licht a été retrouvée, puis identifiée par des rescapées à l’été 1947).

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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Sophie tient aux marais et aux appels pendant trois mois.

Comme elle sait l’allemand, elle traduit les ordres à ses camarades.

Elle meurt du typhus, au revier [1], le 16 avril 1943, selon l’acte de décès du camp.

Une nièce, seule survivante de la famille, apprend la mort de Sophie Licht par l’Amicale d’Auschwitz, au cours de l’été 1945.

Une famille juive décimée

Edgard Licht, son mari, a quitté Drancy le 2 septembre 1943. En arrivant à Auschwitz, il a été immatriculé à Birkenau. De là il a été transféré à Sachsenhausen, puis à Buchenwald. Il a été fusillé à Ohrdruf le 3 avril 1945, par un SS qui a jugé qu’il n’était pas en état de marcher au moment de l’évacuation du camp.

Les enfants, Denise, dix ans, et Jean-Paul, quatre ans sont aussi partis de Drancy pour Auschwitz le 3 septembre 1943. Ils ont été gazés à la descente du train. De même les parents d’Edgard Licht.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 181-182.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 724 (18679/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 15-05-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] Revier , selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.