Simone Miternique photographiée au fort de Romainville en janvier 1924. DMPA. Droits réservés.

Simone Miternique
photographiée au fort de Romainville
en janvier 1924.
DMPA. Droits réservés.

Simone, Blanche, Julie, Brunet naît le 25 février 1906 à Senonches (Eure-et-Loir – 28), fille de Victor Auguste Brunet, 29 ans, charron-forgeron, et de Laure Broudin, 33 ans, son épouse (accouchée par une sage-femme), domiciliés rue de Launay. Artisan, son père emploie un ouvrier-charron. À sa naissance, Simone à un frère : Roger, Charles, Eugène, né le 5 mai 1902 à Senonches. Puis une sœur cadette, Fabienne, naît le 17 juillet 1907 à Senonches.
Ensuite, le père de famille déménage souvent avec les siens. Au début de l’été 1908, l’armée le recense à Fontaine-Simon (28), au lieu-dit Launay ; il est alors employé de son métier par la laiterie des Patis (Société Hauser Frères et Cie, dont le siège social est situé au 178 rue de Vaugirard, à Paris, disposant d’une chaine de magasins).
Fontaine-Simon, la Laiterie des Patis. Carte postale voyagée en 1916. Collection Mémoire Vive.

Fontaine-Simon, la Laiterie des Patis.
Carte postale voyagée en 1916. Collection Mémoire Vive.

À l’automne 1911, les Brunet sont au 2 rue du Château à La Loupe (28). À la fin de l’été 1913, ils sont domiciliés sur la petite commune de La Saucelle (28).
Le 3 août 1914, Victor Brunet est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale et rejoint le 4e escadron territorial du Train (des équipages). En octobre suivant, il est nommé brigadier maréchal ferrant. Du 8 janvier au 18 février, il est envoyé en Algérie avec le 18e escadron du Train. Le 19 février 1917, il part dans l’Armée d’Orient. Rapatrié le 12 décembre 1918, il reste mobilisé « à l’intérieur » jusqu’au 26 janvier 1919, puis rejoint La Saucelle (28).
Au printemps 1921, la famille habite au lieu-dit La Commanderie à La Saucelle. Victor y est cultivateur (“patron”), aidé par son fils Roger, 19 ans.
En novembre 1925, la famille habite au 15 rue Cavalotti à Paris 18e, où la mère est concierge ; le père étant de nouveau déclaré comme charron-forgeron. Au recensement de 1926, les parents y habiteront seuls !?!
Le 14 novembre 1925, à Levallois-Perret (Seine / Hauts-de-Seine), le frère de Simone, Roger, 23 ans, ajusteur mécanicien, se marie avec Ida Girardet, 18 ans, née le 6 septembre 1910 à Zurich (Suisse), domiciliée chez ses parents au 31 rue Fromont à Levallois, giletière. Le couple a d’abord deux fils : Jacques, né en 1927 à Paris 14e, et Hubert, né en 1930 à Paris 18e.
Puis Roger Brunet s’installe avec sa famille au hameau de Vaux à Sainte-Maure (Indre-et-Loire – 37) [1], où naissent Régine, le 17 mai 1932, Raymond, le 30 décembre 1933, et  Jean, le 30 décembre 1935.
Le 22 octobre 1932, à Paris 9e, la sœur de Simone, Fabienne, âgée de 25 ans et domiciliée 25 rue Notre-Dame-de-Lorette, se marie avec Gérard Sessa, un sergent aviateur de 20 ans, leurs parents respectifs étant absents.

En 1927, âgée de 21 ans, Simone a un fils, Serge Brunet (probablement Serge Pierre, né 16 août 1927 à Paris 18e…). En 1931, Victor Brunet est toujours forgeron, aux Forges de Vulcain.

En 1934, Simone habite encore chez ses parents ; son père est devenu “garçon de salle”.

Le 9 juin 1934 à la mairie de Paris 18e, âgée de 28 ans, Simone Brunet se marie avec Joseph Miternique, 23 ans, né le 29 novembre 1910 à Hénin-Liétard (Pas-de-Calais), ayant une formation de coiffeur, mais alors maréchal des logis au 32e régiment d‘artillerie divisionnaire à Maisons-Alfort, domicilié chez ses parents au 20 rue Caulaincourt à Paris 20e ; un des deux témoins est la belle-sœur de Simone, Ida Brunet, “montée” de Touraine.En 1936, Joseph et Simone Miternique habitent dans une cité HBM au 288 avenue Jean-Jaurès à Maisons-Alfort (Seine / Val-de-Marne) ; escalier 33. Serge, le fils de Simone, a reçu le nom de Miternique…
Cette année-là, à Sainte-Maure, son frère Roger est garde-chasse de la Fédération de chasse d’Indre-et-Loire.
En 1938, son père, Victor Brunet, est inscrit sur les listes électorales de la Seine comme concierge, domicilié au 22 rue Taylor, dans le quartier de la Porte Saint-Martin (Paris 10e).
Lors de l’invasion allemande du printemps 1940, Joseph Miternique,  maréchal-des-logis-chef au 232e régiment d’artillerie divisionnaire (R.A.D.) est fait prisonnier de guerre. Plus tard, il déclarera une adresse chez un particulier (?) : « Johann Kaul, Berghaus post Endorf », en Haute-Bavière).
Au début de 1941, le frère de Simone, Roger Brunet, dit Hector, habitant à 25 km de la ligne de démarcation, monte un groupe spécialisé dans le passage en zone non-occupée de prisonniers de guerre, de Juifs et de résistants en fuite.
Simone Miternique et le père sont au départ de la chaîne, à Paris. Plusieurs fois par semaine, elle conduit à son frère des groupes comptant jusqu’à soixante individus. Roger Brunet les attend à la gare et les fait passer en zone sud.
En août 1942, Simone Miternique et son père sont arrêtés à Paris. Le 20 août, Roger Brunet est pris à son tour.
Serge, le fils de Simone Miternique, âgé de 15 ans, est recueilli par un oncle de sa mère.
Le 8 octobre 1942, Simone Miternique est transférée seule au camp du fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122, où elle est enregistrée sous le matricule n° 883.

L’entrée du fort de Romainville dans les années 1920. Sous l’occupation, un mirador surplombait le  portail depuis l’intérieur. l’administration militaire allemande était installée dans le bâtiment visible à droite. Carte postale, collection Mémoire Vive.

L’entrée du fort de Romainville dans les années 1920.
Sous l’occupation, un mirador surplombait le portail depuis l’intérieur.
l’administration militaire allemande était installée dans le bâtiment visible à droite.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 22 janvier 1943, Simone Miternique fait partie des cent premières femmes otages transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquant « 22,1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

TransportAquarelle

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes – dans lesquel est déporté son frère Roger – sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Le lendemain matin, après avoir été brutalement descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000” (accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…). © Gilbert Lazaroo, février 2005.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Il n’existe pas de certitude concernant le matricule sous lequel Simone Miternique a été enregistrée. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rang de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois quarts avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photo d’immatriculation de Simone Miternique n’a pas été retrouvée).

Auschwitz-I. Le Block 26, consacré à l’enregistrement des détenus et comportant le service photographique. © Mémoire Vive.

Auschwitz-I. Le Block 26, consacré à l’enregistrement des détenus et comportant le service photographique. © Mémoire Vive.

Selon le récit ultérieur de Charlotte Delbo, Simone Miternique, ayant les jambes très enflées, succomberait tout au début (avant la “course” du 10 février 1943) au Block 14. Cependant, sur l’acte officiel établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), son décès est enregistré deux mois plus tard, le 10 avril ; il est possible qu’ayant été rapidement admise au Revier de Birkenau elle ait précédemment disparu aux yeux de ses compagnes…

Le 17 janvier 1944 son père, Victor Brunet, est déporté dans un transport partant de Compiègne pour arriver deux jours plus tard au KL Buchenwald (matricule n° 40318). Il y succombe le 20 février 1945.
Le 2 mai 1945, son frère Roger, qui a été affecté au Kommando Heinkel dépendant du KL Sachsenhausen, est libéré.
Fin novembre 1943, alors qu’il est prisonnier en Allemagne, Joseph Miternique effectue une démarche auprès de la Croix-Rouge internationale afin de connaître le sort de son épouse (suite inconnue…).
À la libération des camps de prisonniers, Joseph Miternique est rapatrié après cinq ans d’internement. Le 26 mars 1946, étant alors domicilié au 89 rue de Rennes (Paris 6e) et souhaitant se remarier (sa nouvelle compagne étant enceinte de cinq mois), il écrit au « ministre des P.G. et déportés » pour que l’administration lui transmette rapidement l’acte de décès de son épouse. Le 25 mai 1946 à Paris 6e, il se marie en secondes noces avec une infirmière-masseuse de 30 ans.
Roger Brunet décède le 3 juin 1968 à Sainte-Maure-de-Touraine (37).
Notes :
[1] La commune de Sainte-Maure prend le nom de Sainte-Maure-de-Touraine en 1959.
Sources :
- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1995), page 203.
- Archives départementales d’Eure-et-Loir, archives en ligne.
- Archives départementales d’Indre-et-Loire, archives en ligne.
- Archives départementales des Hauts-de-Seine, archives en ligne.
- Archives de Paris, archives en ligne.
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- Thomas Fontaine, Les oubliés de Romainville, un camp allemand en France (1940-1944), avec le concours du Conseil général de Seine-Saint-Denis, éditions Tallandier, 2005, pages 74 à 86.
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, I.74, tome 1, page 602, et I.171, tome 2, page 1380.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 820 (18285/1943).
MÉMOIRE VIVE
(dernière modification, le 13-03-2022)
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