Simone Pichon à 16 ou 17 ans. © Collection Sylvie Gouguenheim.

Simone Pichon à 16 ou 17 ans.
© Collection Sylvie Gouguenheim.

Simone, Victorine, Pinchon naît le 2 juillet 1897 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Elle est fille unique. Son père, d’origine luxembourgeoise, est représentant général des Cristalleries de Baccarat pour la Hollande et la Belgique. Sa mère, Jeanne Laborde, est couturière.Simone Pichon passe son enfance à Amsterdam, puis à Bruxelles et enfin à Paris. Pendant un temps, elle travaille comme esthéticienne chez Lancôme.

Elle se marie une première fois avec un Luxembourgeois, nommé Joseph Damgé, de qui elle a une fille, Micheline.

En 1922, elle rencontre Adrien Gouguenheim, né le 29 avril 1889 à Metz, juif non pratiquant d’origine alsacienne, marié à une cousine, de qui il a un fils : Paul. Capitaine de cavalerie au cours de la guerre 1914-1918, militaire émérite, Adrien Gouguenheim est fait Chevalier de la Légion d’honneur le 8 juin 1924. Associé à la société Bernheim frères et fils, de Paris, et à la tête de plusieurs entreprises à Nantes, Limoges et Chalon-sur-Saône, c’est un homme d’affaires reconnu.

Adrien Gouguenheim fait le choix de quitter son épouse pour vivre avec Simone, qui a repris son nom de jeune fille, Pichon. Mais Judith Gouguenheim-Khan, sa mère, pose comme condition à l’acceptation du divorce de son fils que celui-ci ne se remarie jamais, surtout avec une catholique. Afin de légaliser la séparation d’avec son épouse, Adrien Gouguenheim accepte de prêter ce serment.

Simone Pichon et Adrien vivent maritalement et s’installent à Nantes (Loire-Atlantique) avec Jean et Micheline. Paul les rejoint souvent. La demi-sœur, les deux demi-frères deviendront très proches, jusqu’à ce que la folie frappe Paul à 16 ans (il sera interné jusqu’à son décès.) Le couple aura trois autres garçons, Yvon, Robert et Daniel, reconnus par leur père.

Vers 1935, Simon Pichon quitte Adrien pour des raisons personnelles. Ses deux premiers enfants, Micheline et Jean, partent vivre avec elle, ses trois autres fils restant avec leur père.

Sentant que les “juifs“ seront la proie d’Adolph Hitler, Adrien Gouguenheim fait le choix de porter, et de faire porter à ses enfants, le nom de Garnier.

Le 26 novembre 1940, à Toulon (Var), Simone Pichon se marie avec Raoul Brugal, boulanger à Nice, né le 15 décembre 1904 à Saint-Sauveur de Cruzières (Gard). Ils vivent peut-être pendant un temps à Aix-en-Provence. Ils se séparent (en 1942 ?).

Vers décembre 1941, arrivant de Marseille, Simone Bugal vient habiter chez sa mère au 78, rue d’Hauteville (Paris 10e). Elle travaille alors comme couturière à domicile. Avant (?), pendant une période inconnue, elle est démonstratrice-vendeuse des produits de parfumerie Lancôme au Touquet. Du 13 décembre décembre 1941 au 24 mars 1942, elle loge au 9, rue des Messageries (Paris 10e).

Son arrestation

Le 11 ou le 15 mai 1942, Simone Brugal est arrêtée en sortant de chez sa mère, 78, rue d’Hauteville (Paris 10e), alors qu’elle s’engage à bicyclette dans la rue des Messageries : la Gestapo l’attendait au coin de la rue.

Simone Brugal est emprisonnée à la Maison d’arrêt de Santé (Paris 14e) ou à la Maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne) – probablement dans le quartier allemand de l’une ou l’autre prison – jusqu’au 2 octobre 1942, jour où elle est transférée au fort de Romainville.

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L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

Elle reste à l’écart des autres détenues, qui ignorent le motif de son arrestation.
Le 22 janvier 1943, Simone Brugal fait partie des cent premières femmes otages transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 21.1 »). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris).

Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le lendemain matin, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille.

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Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

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Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Simone Brugal y est enregistrée sous le matricule 31705. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie de la police allemande : vues de trois-quart coiffée d’un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photo d’immatriculation de Simone Brugal a été retrouvée).

Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943, selon les trois vues anthropométriques de la police allemande. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943,
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où se trouvent des compagnes prises à la “course” du 10 février. Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Simone Brugal meurt au camp de femmes de Birkenau le 17 mars 1943 selon l’acte de décès du camp, établi par l’administration SS (d’après les rescapées, elle succombe au début de février).

À l’automne 1941, Adrien Gougenheim (toujours sous le nom de Garnier) était à Limoges, en zone non-occupée, alors que le siège parisien de sa société était soumis à l’aryanisation. Le 10 avril 1943, devant ses bureaux, il a été arrêté par la Gestapo pour actes de Résistance, puis écroué à la Maison d’arrêt de Limoges. Le 22 juillet suivant, il a été envoyé au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise). Mais c’est du camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis) – on avait découvert qu’il était juif (matricule n° 4261) – qu’il a été lui aussi déporté à Auschwitz-Birkenau, le 2 septembre 1943 par le convoi n° 59 (314e sur la liste), et gazé à la descente du wagon. Adrien et Simone n’ont jamais su qu’ils étaient réunis dans la mort à Auschwitz.

Au cimetière de Saint-Denis, sur le tombeau familial Pichon-Laborde, son fils Jean a fait graver l’inscription suivante : « Simone Pichon assassinée par les nazis le 17 mars 1943 ».

A ce jour (février 2015), ses fils Robert et Yvon sont décédés. Son fils Daniel vit à Villefranche-sur-Mer (Alpes-Maritimes).

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 5.
- Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cote 77w3650.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 138 (15489/1943).
- Sylvie Gougenheim, petite-fille de Simone Pichon-Brugal (messages 02-2015)

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-04-2015)

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