
Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.
Roger, Charles, Mercier naît le 12 novembre 1923 à Reims (Marne – 51).
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 26, rue Alphonse-Karr à Paris 19e (75) ; comme son frère Marcel, Eugène, Mercier, né le 21 octobre 1922 à Paris 13e, et probablement chez leurs parents. Roger est célibataire (il n’a pas 18 ans quand il est arrêté…).
Roger Mercier est emballeur ou frigoriste.
Sous l’occupation, il est actif dans un groupe de jeunes dirigé par Camille Bouvinet [1] et Ventura, et diffusant de la propagande communiste clandestine dans le 19e arrondissement.
Le 22 octobre 1940, Roger Mercier participe à une action de collage. Le lendemain, à 5 h 30 du matin, il est arrêté (sur dénonciation) à son domicile par des policiers français en même temps que son frère Marcel. Sont également arrêtés « les camarades (René) Millet, Durand, Mario (Ripa – 46060), François du groupe des HBM 52 rue de l’Ourcq », écroués le jour même au dépôt de la préfecture, puis à la Maisond’arrêt de la Santé (Paris 14e) : tous sont inculpés d’ « infraction au décret du 26 septembre 1939 ».

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)
Le 21 décembre 1940, ils comparaissent devant la chambre des mineurs (15e) du tribunal correctionnelde la Seine, où ont été convoqués les pères Mercier et Varlet, civilement responsables. Alors que son frère Marcel et Mario Ripa sont jugés et condamnés avec sursis, puis internés au CSS d’Aincourt, Roger Mercier semble avoir été relâché (au bénéfice de l’âge ? il vient d’avoir 17 ans).
Le 28 avril 1942, il est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par laWehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Roger Mercier y est enregistré sous le matricule 4118.
Entre fin avril et fin juin 1942, Roger Mercier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Roger Mercier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46252, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire – au cours duquel Roger Mercier se déclare protestant (« Evangelisch ») -, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Roger Mercier.
Il meurt à Auschwitz, le 17 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp [2] ; il n’a pas 19 ans.
Il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-07-1995).
Selon Mario Ripa, son frère Marcel, interné au CSS d’Aincourt, est mort au cours de la guerre. Cependant, il semble ne pas figurer sur les listes des convois du Livre-Mémorial de la Fondation pour la mémoire de la Déportation (FMD) ; il peut avoir été fusillé ou avoir succombé aux mauvaises conditions de la détention en France ; à vérifier…
Une plaque commémorative est apposé à l’entrée de l’immeuble où Roger Mercier a vécu.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 374 et 413.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
Archives de Paris, archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 15 novembre 1940 au 20 janvier 1941, cote D1u6-5851.
Archives de la préfecture de police de Paris ; cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
1940-1945, La Résistance dans le 19e arrondissement de Paris, ANACR, éditions Le temps des cerises, Pantin septembre 2005, pages 10, 102 et 103 (témoignage de Camille Bouvinet).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 801 (acte n° 36382/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 25-10-2010)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Camille Bouvinet, cantonnier de la Ville de Paris domicilié au 26 rue Alphonse-Karr, est arrêté le 21 novembre 1941 sur son lieu de travail, place Gaillon, et interné en France jusqu’à la Libération. René Millet meurt à la Santé quelques jours après son incarcération (à vérifier…).
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.
Concernant Roger Mercier, c’est « le 11 juillet 1942 en Allemagne et non le 6 juillet 1942 à Compiègne (Oise) » qui a été retenu pour certifier son décès.
Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.