IDENTIFICATION INCERTAINE… Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne. Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Roger, Gustave, Guy naît le 23 août 1909 à la clinique d’accouchement Tarnier (hôpital Cochin), 89 rue d’Assas à Paris 6e, fils de Gustave Séraphin Guy, 36 ans, électricien, et d’Élise Gaillot, son épouse, 26 ans, couturière, domiciliés au 102, rue de L’Ourcq, Paris 19e.

Roger Guy poursuit des études jusqu’au brevet élémentaire.

Pendant un temps, il habite chez ses parents, alors domiciliés place Philibert-Pompée à Ivry-Sur-Seine (Seine / Val-de-Marne – 94). Il commence à travailler comme employé de commerce.

Le 23 avril 1930, Roger Guy est incorporé au 20e bataillon de chasseurs afin d’accomplir son service militaire. Le 16 octobre suivant, il est nommé caporal. Le 11 avril 1931, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Pendant un temps, Roger Guy est déclaré comme « représentant textilaire » ; il cotise au Syndicat des voyageurs-représentants. En dernier lieu, il est sans doute employé de commerce chez Haymann (?), au 2, rue d’Uzès à Paris.

En avril 1931, il habite au 38, avenue de l’île à Joinville-le-Pont [1] (94). En janvier 1933, il demeure au 19 bis, avenue des Familles, dans un secteur pavillonnaire de cette commune, voie au milieu de laquelle s’ouvre le cimetière.

Du 17 juillet au 6 août 1933, il effectue une période de réserve au 31e BCS.

À Joinville, il fait partie du club de natation local (CAJ) et des Auberges de la Jeunesse.

Ancien adhérent des Jeunes communistes, il est secrétaire pendant un temps de la cellule Joinville-Polangis du PCF.

Le 2 juillet 1938 son père, Gustave Guy, décède à Joinville-le-Pont. C’est peut-être alors que – toujours célibataire – il s’installe avec sa mère infirme au 55, avenue des Familles, qui sera son domicile au moment de son arrestation.

Le 4 septembre 1939, Roger Guy est mobilisé au 235e régiment d’infanterie. Durant la Campagne de France, il participe aux combats dans les secteurs de Villers-Cotteret, Lézignan, de la Marne et de la Loire. Il est démobilisé en août 1940.

Sous l’occupation, il reste actif au sein du Parti communiste clandestin. Selon la police, il « s’emploie à la reconstitution des anciennes cellules de Joinville et participe à la propagande clandestine. » Il réunit chez lui des militants locaux dont un nommé Thomas qui sera interné.

Le 5 octobre 1940, Roger Guy est arrêté à son domicile, en application du décret du 18 novembre 1939, lors de la grande vague d’arrestations ciblées organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain à l’encontre des responsables communistes de la région parisienne avant guerre (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant.

Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Dès le 19 octobre, Roger Guy écrit au préfet de police afin de demander une contre-enquête sur son cas, ne voyant pas dans son passé des actes préjudiciables à la sûreté du pays ; son arrestation et son internement résulteraient d’une erreur de l’administration. Le 25 octobre, son courrier est transmis aux RG pour avis.

Le 11 janvier 1941, Roger Guy écrit au préfet de la Seine pour protester contre le sort fait à sa propre mère. Non seulement l’allocation de secours qui lui est versée est insuffisante pour vivre, mais l’administration l’astreint à « des prestations en nature, c’est-à-dire qu’on la convoque à sept heures du matin à un restaurant situé à plus d’un kilomètre de son domicile pour l’épluchage de légumes destinés à la soupe populaire de Joinville. Ma mère ne refuse pas d’effectuer un travail en rapport avec ses capacités physiques (elle est couturière), mais elle est presque impotente, ayant une jambe paralysée. En outre, son âge (60 ans), la température ainsi que la neige et le verglas ne lui permettent pas d’effectuer des trajets supplémentaires. Déjà, ceux imposés par le pointage lui demandent un effort considérable ». Roger Guy demande que lui soit accordée une allocation semblable à celle qu’elle touchait lorsque lui-même était mobilisé et de l’autoriser à effectuer les (prestations ?) obligatoires à son domicile.

Le 17 février, sa mère, Élise Guy, écrit au préfet de la Seine pour solliciter sa libération, argumentant que, restant à la maison pour la soigner après son travail, « il n’avait pas le temps de faire de politique ». Le 26, sa lettre est transmise aux RG pour « enquête et avis ».

Le 25 février, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Roger Guy, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, préconise « en raison de son attitude au Centre, serait à libérer », ajoutant à sa décharge : « attitude correcte » et rapportant son intervention lors du bombardement (paragraphe ci-dessous).

Le 15 mars 1942, le directeur du camp transmet au préfet de Seine-et-Oise trente-sept notices sur des détenus devant être exclus des listes d’otages. Roger Guy est du nombre au motif qu’il « s’est porté rapidement au secours d’un gendarme blessé le soir du bombardement du centre le 9 décembre 1940 et, de sa propre initiative, a rapidement éteint les feux imprudemment allumés. »

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940. Arch. dép. des Yvelines, (1W71).

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact après le bombardement
par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940. Arch. dép. des Yvelines, (1W71).

Le directeur du camp poursuit : « Lui ayant confié la direction des jeunes âgés de moins de 25 ans (50 internés), s’est toujours acquitté avec conscience de sa tâche et m’a beaucoup aidé dans l’application du règlement du camp ». Selon le témoignage de Fernand Devaux – un de ces jeunes -, Roger Guy, assigné à leur “dortoir”, n’a fait aucun excès de zèle en terme de discipline, restant un camarade très estimé. Dans un autre courrier, le directeur ajoute : « [Roger Guy] a, d’autre part, sa mère âgée de 60 ans à sa charge. »

Sanatorium de la Bucaille à Aincourt. Une salle de réfectoire. Peut-être celle du bâtiment où se trouvent les communistes internés et qui - vidé de ses tables - deviendra le dortoir des jeunes. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Sanatorium de la Bucaille à Aincourt. Une salle de réfectoire. Peut-être celle du bâtiment où se trouvent les communistes internés
et qui – vidé de ses tables – deviendra le dortoir des jeunes.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 5 mai 1942 – après vingt mois d’internement à Aincourt -, Roger Guy fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 401, il n’y reste que cinq jours.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai, Roger Guy est parmi les 81 internés remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.     L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, Roger Guy est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Roger Guy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45648, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Roger Guy.

Il meurt à Auschwitz le 30 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Joinville-le-Pont, situé dans le cimetière communal… ouvrant sur le 25 rue des Familles !

À la mi-1954, sa mère, qui habite alors au 18, rue Fauvet à Paris 18e, dépose une demande d’attribution du titre de déporté politique.

Notes :

[1] Joinville-le-Pont : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 388 et 407.
– Archives de Paris : registre des naissances du 6e arrondissement, année 1906 (6N 253), acte n° 2163 (vue 26/31) ; registres matricules du recrutement militaire, classe 1929, 3e bureau de la Seine (D4R1 2913), n° 6767.
– Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande” ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1448-15992) ; deux dossiers individuels du cabinet du préfet de police (1 W 732-28951 et 1 W 878-38342).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w73, 1w74 (révision trimestrielle), 1w76, 1w121 (dossier individuel).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 415 (33801/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 94-Joinville-le-Pont, relevé de Bernard Laudet (2000-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-04-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.