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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Roger, Alexandre, Desmonts naît le 8 novembre 1911 au village d’Ormes (Eure), fils d’Eugène Desmonts, 35 ans, et d’Angèle Sochomer, son épouse, 32 ans, tous deux “journaliers”, dans une famille qui compte déjà quatre enfants.

Pendant un temps, il est domicilié au 17, rue Édouard-Vaillant à Levallois-Perret [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

En 1935-1936, Roger Desmonts travaille comme décolleteur à l’entreprise Chenard et Walcker, sise au 40, rue du Moulin-de-la-Tour à Gennevilliers (92).

En 1936-1938, il est régleur à l’entreprise Samson, sise au 102, rue du Point-du-Jour à Boulogne-Billancourt, puis tourneur-décolleteur aux usines Renault de Billancourt [1] (92).

Pendant un temps, il est tourneur sur métaux aux établissements Salnepley, à Boulogne-Billancourt.

Le 6 janvier 1939, il est embauché comme décolleteur à l’usine de la Société des Moteurs Gnome et Rhône (SMGR), sise au 70, boulevard Kellerman (Paris 13e).

Le 10 juin suivant à Levallois-Perret, Roger Desmonts se marie avec Pierrette Petit ; leur fille, Josée, est née le 11 janvier précédent à Clichy.

En cours d’année, il emménage dans un appartement au 99 rue Danton à Levallois-Perret).

Lors de la mobilisation générale, Roger Desmonts est maintenu comme “affecté spécial” dans son entreprise, qui produit pour la Défense nationale.

Le 30 juin 1940, date de la fermeture de l’usine pour cause d’occupation militaire, il est porté « sorti » sur sa fiche d’employé, avec la mention « exode » (selon un rapport de police, tout le personnel est alors licencié).

Le 19 novembre, Roger Desmonts est réembauché comme manœuvre à l’usine du boulevard Kellerman. L’actionnaire majoritaire et patron de l’entreprise, Paul-Louis Weiller, ayant été déchu de la nationalité française par décret du gouvernement de Vichy le 29 octobre 1940 et remplacé par un administrateur provisoire, l’usine sera bientôt utilisée pour l’effort de guerre allemand en fabriquant des moteurs sous licence BMW, associée à l’entreprise d’outre-Rhin.

Le 21 février, Roger Desmonts, soupçonné d’activité de propagande, est arrêté par les services du commissariat de police de la circonscription de Puteaux parmi douze militants communistes, puis relâché faute de preuve.

Il reprend son travail.

Le 28 mars, les agents du commissariat de Levallois-Perret perquisitionnent son domicile, n’y trouvant à saisir que d’anciens documents relatifs à la guerre d’Espagne. Le 3 avril, les policiers du même commissariat effectuent des visites domiciliaires chez quatre militants communistes, dont Desmonts.

Le 28 avril 1942, vers 6 heures du matin, deux gendarmes allemands accompagnés de deux policiers français en civil se présentent à son domicile pour l’arrêter, mais il est déjà parti à son travail, chez Gnome-et-Rhône. Les quatre hommes vont l’y chercher et le ramènent à Levallois-Perret au cours de la matinée, afin de prendre une valise de linge. Roger Desmonts est conduit le jour même au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Roger Desmonts est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), sous le numéro 45520, selon les listes reconstituées et par comparaison de la photo du détenu d’Auschwitz portant ce matricule avec son portrait civil d’employé de la SMGR.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Roger Desmonts.

Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]).

Après la guerre, le nom de Roger Desmonts est inscrit sur le monument dédié aux 67 ouvriers de la Snecma « Morts pour que vive la France », alors installé à l’intérieur de l’usine du boulevard Kellerman, et déplacé dans la nouvelle usine de Corbeil après le déménagement de celle-ci en 1968 (nouvelle cérémonie d’inauguration le 8 novembre 1974). Avec lui figurent trois autres “45000” : Henri Bockel, Maurice Fontès et Ernest Rossignol (au bas du monument est inscrit : « Et à la mémoire de tous ceux dont les noms n’ont pas trouvé place sur cette plaque », comme Lucien Godard).

Roger Desmonts est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-09-1988).

Notes :

[1] Levallois-Perret et Boulogne-Billancourt : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 383 et 402.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2002), citant : Archives municipales de Levallois-Perret (listes électorales) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : fichier national, liste (incomplète) par matricules du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.
- Serge Boucheny, Gnome et Rhône 39-45, parcours de 67 salariés, Association d’Histoire Sociale CGT de la SNECMA, Paris 2018, pages 4, 9, 12, 28, 29, 91-90.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 627-18636).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 221 (31395/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 30-08-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.au Block 7 de ce camp.