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© Collection Gérald Bloncourt.

Renée, Andrée, Mathilde, Henriette Raquet naît le 8 mars 1914, à Amiens (Somme), fille d’André Raquet, 23 ans, sapeur-pompier de Paris, et de Louise Lefebvre, son épouse. Renée ne connaît pas son père, mobilisé comme soldat de 2e classe au 151e régiment d’infanterie dès le 2 août 1914. Engagé dans la première bataille d’Ypres, en Belgique, au début de la guerre de tranchées, il est tué « à l’ennemi » le 10 novembre 1914, lors d’une offensive allemande dans le secteur de Bixschote, au hameau de Lizerne (Steenstraat ?), près du canal de l’Yser (?), au Nord du “saillant” d’Ypres. Ce jour-là, le bataillon compte 1073 “pertes” : tués, blessés ou disparus.

Restée veuve, Madame Raquet élève sa fille unique – pupille de la Nation – en faisant de la confection.

Le 1er mai 1933, à Amiens, Renée – alors âgée de 19 ans – se marie avec Jules, Gaston, Cossin, né le 24 décembre 1906 à Dompain (Vosges), employé municipal d’Amiens. Ils ont deux filles, Josiane, née le 9 octobre 1932, et Josette, née le 25 août 1937.

La famille est domiciliée au 115, rue du Bois, à Amiens.

Mobilisé en 1939, le père de famille est fait prisonnier en juin 1940.

La Résistance

Communiste, Renée Cossin entre dans l’organisation clandestine dès septembre 1940.

En 1940 et 1941, elle franchit plus de vingt fois la ligne de démarcation pour faire la liaison entre les deux zones.

Puis elle est chargée de la propagande parmi les femmes en Picardie : pétitions aux autorités d’occupation pour réclamer l’adresse des prisonniers, droit de leur envoyer des colis, des nouvelles…

Le 11 novembre 1941, c’est Renée Cossin qui porte au monument aux morts, place du Maréchal-Foch à Amiens, une gerbe dédiée à Jean Catelas, député communiste de la Somme qui a été guillotiné au mois de septembre précédent après avoir été condamné à mort par la Cour spéciale instituée par le gouvernement de collaboration.

Début 1942, par mesure de sécurité, Renée Cossin part pour le Nord, laissant ses filles (neuf ans et quatre ans) à la garde de sa mère. Là aussi, elle anime la résistance des femmes : pétitions, protestations, mouvements des femmes se succèdent. Des ménagères du Pas-de-Calais attaquent un train de denrées alimentaires destinées à l’Allemagne. Selon une attestation ultérieure, elle est agent de liaison de René Camphin pour l’interrégion du Nord. Selon un autre document, elle est sous les ordres de Robert Colléate.

L’arrestation

ancien camarade d’Amiens, Armand Duvivier, qu’elle sait alors en mission à Bordeaux et dont elle détient la clé ; planque située au 5, rue Jose-Marie-de-Heredia (Paris 7e). Mais son contact a été arrêté par le commissariat spécial de Bordeaux, qui a découvert l’identité et l’adresse parisienne de ce clandestin. Le lendemain, 12 juillet, les inspecteurs des brigades spéciales s’y rendent pour une perquisition et trouvent Renée Cossin. Dans son sac à main, ils trouvent une note manuscrite dans laquelle il est réclamé des stencils, trois feuillets manuscrits avec quelques noms et adresses qu’elle tente d’arracher des mains des inspecteurs, et une enveloppe marquée « assurances sociales » et contenant 50 000 francs en billets. Chez la concierge de l’immeuble est trouvée une lettre de sa main, expédiée de Caudry (Nord) le 6 juillet et adressée à Armand Dusselier (sous son pseudonyme) pour le prévenir de sa venue.

Conduite dans les locaux des Renseignements généraux à la préfecture de police et interrogée par le commissaire Fernand David sur une fausse carte d’identité avec sa photo également trouvée sur elle, elle déclare d’abord qu’elle fait du trafic clandestin de beurre. Pressée de questions sur les documents trouvés sur elle, elle refuse de répondre. Lors de sa confrontation avec Armand Duvivier à propos de la somme d’argent, celui-ci déclarera qu’elle lui appartient. Le 20 juillet, inculpée d’infraction au décret du 26 septembre 1939, Renée Cossin est conduite au Dépôt, mise à disposition du Parquet.

Mais la Gestapo s’en mêle et l’interroge à son tour. Elle est finalement emprisonnée à la Maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne).

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La maison d’arrêt de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 20 décembre 1942, Renée Cossin est transférée – seule – au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas (Seine-Saint-Denis – 93), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122. Elle y est enregistrée sous le matricule n° 1355.

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L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).

Le lendemain, Renée Cossin fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur “C” du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

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En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

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Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Renée Cossin y est enregistrée sous le matricule 31830. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie de la police judiciaire allemande : vues de trois-quart avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photo de Renée Cossin fait partie de celles qui ont échappé à la destruction par les SS lors de l’évacuation du camp).

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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes

Atteinte d’œdème et de dysenterie, Renée Cossin meurt au Revier [1] de Birkenau le 29 avril 1943, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, qui indique pour cause de sa mort « septicémie par/avec phlegmon » (Sepsis bei Phlegmone).

Sa mère, ses enfants et son mari – revenu du Stalag -, apprennent sa mort au retour des rescapées.

À une date restant à préciser, le Conseil municipal d’Amiens donne son nom à une portion de l’ancienne rue du Bois (ou à la rue du Pont de Longueau).

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 73-74.
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pages 197, 218.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrit, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué) ; 120 actes retrouvés pour les « 31000 » ; tome 2, page 186.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; copie de l’acte de décès du camp (19218/1943).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Renée Cossin (cote 21 P 438 647), recherches de Ginette Petiot (message 03-2014).

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 20-05-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] Revier , selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.