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Auschwitz-I, Block 16, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

René Rigaud naît le 27 janvier 1914 à Paris 14e, fils de Jean Rigaud, 28 ans, livreur, et de Renée Marie Cochet, 22 ans, couturière, son épouse, domiciliés au 4 rue Réaumur (Paris 3e).

À partir de 1919, la famille habite au 14 bis rue du Colonel Oudot (Paris 12e).

De 1927 à 1928, René Rigaud est en apprentissage dans une imprimerie. En 1928, il travaille comme lithographe-margeur à la maison Robert et Compagnie, sise 22 rue Michel Lecomte.

Au printemps 1932, il postule à un emploi à l’Imprimerie Nationale. Début juin, la police remet un rapport favorable à son embauche.

René Rigaud est célibataire.

En dernier lieu, René Rigaud est infirmier à l’assistance publique, au chômage. Adhérent au syndicat de sa profession.

Avant guerre, il tient une « librairie communiste » installée au 7 rue du Docteur Émile Roux à Asnières.

Après son arrestation, la police indique comme domicile le 3, rue Charles-Robin – ou le 39, rue du Bac d’Asnières – ou en hôtel au 22 route d‘Asnières – à Clichy-la-Garenne [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

Le 30 août 1939, René Rigaud est arrêté, dans des circonstances restant à préciser.

Le 3 janvier 1940, la cour d’appel de Paris confirme une condamnation précédente à 15 mois de prison et 1000 francs d’amende pour détention de tracts. Il est libéré le 7 août suivant.

Le 23 octobre 1940, René Rigaud est arrêté par les agents du commissariat de police de la circonscription de Clichy pour détention de tracts. Lors de la perquisition effectuée à son domicile, les inspecteurs découvrent « une importante quantité de tracts, du papier gommé pour la composition de papillons, et des crayons et des morceaux de craie avec lesquels in effectuait des inscriptions ». Inculpé pour infraction aux « D.L. 24-8-39, 27-8-39 et 28-7-39 », « détention de tracts de propagande communiste non-visé par la censure », il est conduit au dépôt de la préfecture (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité).

Le 25 octobre, la 12e chambre le condamne à 13 mois de prison. Le jour même, il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 9 décembre 1940, la cour d’appel de Paris porte sa peine à 18 mois. Le 16 décembre, il est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes [1] (Seine / Val-de-Marne), puis à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 26 mars 1942, la préfecture de police ordonne son internement administratif. Pendant un temps, il est détenu au dépôt.

Le 16 avril, il fait partie d’un groupe de 60 détenus enregistrés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il reçoit le matricule n° 103.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai, il fait partie des 81 internés (dont 70 futurs “45000”) « remis aux mains des autorités d’occupation » à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

.Entre fin avril et fin juin 1942, René Rigaud est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, René Rigaud est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46058, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté René Rigaud.

Il meurt à Auschwitz le 22 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
On ne trouve aucune trace de lui dans les archives de Clichy (?).

Notes :

[1] Clichy-la-Garenne : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 419.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central, dossier statut).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
-  Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Parti communiste”, chemise “1939, liste des personnes arrêtées” (BA 2447) ; dossier individuel du cabinet du préfet (11w1361-72426).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1007 (32217/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 1-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.