François, René, Faure naît le 26 avril 1915 à Sussac (Haute-Vienne – 87), fils de Pierre Faure et Louise Dagrand, son épouse.

À une date restant à préciser, René Faure épouse Irène Eburderie, née le 1er avril 1918 à Paris 14e, dactylographe. Ils n’ont pas d’enfant.

Au moment de son arrestation, le couple est domicilié au 43, rue du Volga à Paris 20e (75), vers la rue des Maraîchers.

René Faure est cimentier.

Il est membre du Parti communiste « du début de novembre 1938 jusqu’à la dissolution ». En août 1939, il est secrétaire de la cellule n° 2049. Son épouse partage ses idées, mais sans adhérer ni militer.

Mobilisé dans la période 1939-1940, il revient chez lui en août 1940. Contacté par Paul Clément, il accepte de participer à la distribution de propagande clandestine.

René Faure participe également à des réunions au sein d’un groupe du Parti communiste clandestin du 20e arrondissement. Lesquelles se tiennent généralement le dimanche matin chez Gabriel Buyse, 109 rue des Grands-Champs (vers la rue du Volga), en présence de Pierre Bertolino, Paul Clément et Roger Houdard. À l’issue de ces rencontres, Gabriel Buyse remet à chacun une dizaine de tracts à diffuser dans leur voisinage et quelques “papillons” à coller bien à la vue des passants. René Faure est plus particulièrement chargé de percevoir les cotisations. Il recueille également les fonds provenant de la vente des brochures telles Les Cahiers du bolchevisme.

Le couple Faure stocke provisoirement des tracts sous le lit ou sous le buffet.

Début 1941, René Faure distribue des tracts sur un marché de Montreuil – commune située de l’autre côté des “Fortifs” – avec Pierre Bertolino, Paul Clément et Roger Houdard, de Paris 20e.

Le 17 janvier 1941, vers 13 heures, une perquisition de la brigade spéciale anticommuniste (BS1) des Renseignements généraux chez Raymond Luauté, ancien secrétaire de la section d’arrondissement, amène la découverte de documents relatifs à l’organisation du Parti dans le 20e, malgré une tentative de l’épouse de celui-ci pour les détruire ; plusieurs militants sont ensuite appréhendés.

Le soir même, 17 janvier, vers 20 heures, les mêmes inspecteurs de la BS1 se présentent au domicile de René Faure pour procéder à son arrestation. La perquisition alors opérée amène la découverte des 88 francs d’une collecte ainsi que d’un nombre important d’imprimés clandestins, reliquat du matériel qui lui a été remis pour diffusion : un lot de “papillons” « À bas le capitalisme, etc. », un projet manuscrit de papillons et plusieurs papillons vierges, un exemplaire du tract « Aux militants communistes », deux tracts « Au peuple de France », dix tracts « Lettre à un camarade emprisonné », un exemplaire de L’Humanité numéro spécial de novembre 1940, huit exemplaires de L’Humanité numéro spécial de décembre, un exemplaire de La Vie Ouvrière de fin décembre, deux exemplaires de La Tribune des Cheminots de décembre, une brochure ronéotypée « Recommandations aux militants », une autre « Conseils aux diffuseurs de matériel »,  quatre brochures imprimées « Rapport du camarade Molotoff »  et un exemplaire des Cahiers du Bolchevisme, numéro du 3e trimestre 1940.

René et Irène Faure sont aussitôt conduits dans les locaux des Renseignements généraux à la préfecture de police pour y être interrogés. René Faure désigne alors nommément les membres de sa cellule. Irène “reconnaîtra”, parlant de son mari,  « qu’elle n’ignorait pas son activité et qu’elle l’a aidé à cacher ces documents ».

Le lendemain, 18 janvier, au vu du rapport des inspecteurs et après les interrogatoires de Raymond Luauté, René Faure, Roger Houdard et René Gaymard (voir Paul Clément), considérant que leur activité « avait pour but la diffusion des mots d’ordre de la IIIe Internationale communiste ou d’organismes s’y rattachant, par la distribution et la détention en vue de [leur] distribution de papillons, tracts et brochures d’inspiration communiste », André Cougoule, commissaire des renseignements généraux, officier de police judiciaire, les inculpe conjointement d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 et les fait conduire au Dépôt (la Conciergerie, sous le Palais de Justice, dans l’île de la Cité) à disposition du procureur de la République. Irène Faure y est écrouée également, inculpée « de complicité par aide et assistance ».

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Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. 
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. 
(montage photographique)

Le 31 mars 1941, la 12e Chambre du Tribunal correctionnel de la Seine juge Raymond Luauté et les neufs personnes interpellées à la suite. René Faure est condamné à quinze mois de prison : probablement parce qu’il assume la fonction de trésorier, sa peine est plus lourde que celle infligée à Pierre Bertolino, Paul Clément et Roger Houdard (un an). Comme l’épouse de Raymond Luauté, Irène Faure est condamnée à quatre mois de prison avec sursis, mesure s’expliquant « par le peu d’importance du rôle des deux femmes poursuivies qui s’étaient bornées à essayer de dissimuler aux yeux des policiers divers papiers, mais n’avaient exercé aucune activité coupable bien déterminée. »

Le 3 juin, la 10e chambre de la Cour d’appel de Paris confirme la condamnation de René Faure (défendu par Maître Vianney) et de ses camarades et, le 16 octobre, la Cour de cassation rejette son pourvoi.

À l’expiration de sa peine, René Faure n’est pas libéré : le 26 décembre 1941, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif.

Le 3 janvier 1942, René Faure fait partie d’un groupe de 50 détenus – 38 internés politiques et 12 “indésirables” (droit commun) – extraits du du dépôt et transférés “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé (Vienne – 86). Ils sont conduits en car, sous escorte, jusqu’à la gare d’Austerlitz où les attend un wagon de voyageurs réservé (10 compartiments ; départ 7h55 – arrivée 18h51).

Le 18 mars 1942, René Faure est parmi les treize “jeunes” communistes « extraits par les autorités allemandes et transférés, pour des raisons qui n’ont pas été indiquées » au camp de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). ; tous sont de futurs “45000” sauf André Giraudon, de Bourges, fusillé au Mont-Valérien le 9 mai 1942.

Entre fin avril et fin juin 1942, René Faure est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Faure est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46324, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartisdans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire – au cours duquel René Faure se déclare sans religion (Glaubenslos) -, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté René Faure.

Il meurt à Auschwitz le 22 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp [2].

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 6-08-1989).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 374 et 403. 
- Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossiers de la BS1 (GB 53), n° 101, « affaire Luauté – Faure – Houdard – Gaymard », 18–01-1941. 
- Archives Nationales, cote BB18 7055, poursuites pour activités et propagande communiste conduites par le Parquet de la Seine, correspondance du 1er bureau de la Direction des Affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice, dossier 182-40-254R ; cotes 31 w 19, D1U6-3732. 
- Archives départementales de la Vienne, cote 109W75 (camp de Rouillé). 
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, t. 2, p. 895, I.100 (Raymond Luauté, né le 13-02-1905 à Paris, matr. 66590 au KL Sachsenhausen). 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 276 (37176/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 31-12-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Raymond Luauté est déporté le 8 mai 1943 vers le KL Sachsenhausen où il meurt le 15 février 1945).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France :

Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant René Faure, c’est le 30 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès.

Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.