JPEG - 74.5 ko
IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

René, Pierre, Espargilière naît le 19 mars 1908 à Paris 13e, chez ses parents, Pierre Espargilière, 35 ans, employé au Métropolitain, et Marie Claoilier, 37 ans, son épouse, domiciliés au 11 rue de l’Industrie (quartier Maison Blanche). Pour la présentation du nouveau-né à l’état civil, les témoins sont deux autres employés du Métropolitain…

À sa naissance, René a déjà une sœur, Jeanne Marie, née le 23 août 1899 à Paris 13e, et un frère, Raymond, né en 1903 dans l’Oise.

Étant réserviste au 11e régiment territorial d’infanterie de Tulle depuis le printemps 1909, leur père – âgé de presque 42 ans – est rappelé à l’activité militaire le 8 décembre 1914. Le 14 septembre 1915, à Bully-Grenay, il est “tué à l’ennemi”. Trois jours plus tard, il est cité à l’ordre du régiment : « Téléphoniste très courageux, a, à de nombreuses reprises, fait preuve d’un mépris absolu du danger en réparant les lignes téléphoniques sous le feu de l’ennemi. A été tué au cours d’un bombardement. »

Le 10 avril 1919, René – 11 ans – est “adopté par la Nation” par déclaration du tribunal civil de la Seine.

Entre 1926 et 1940, la famille habite au 7 rue Bourgon à Paris 13e (toujours dans le quartier Maison Blanche). René travaille comme monteur téléphoniste.

Le 7 novembre 1940, à Sartrouville (Seine-et-Oise / Yvelines), René Espargilière se marie avec Geneviève Verger, 26 ans, née le 6 février 1914 à Paris 14e, sténo-dactylo, alors domiciliée au 8 place Nationale dans cette ville. Son frère Jean Espargilière, mécanicien, alors domicilié 38 rue Championnet à Paris, est témoin à leur mariage.

Au moment de son arrestation, René Espargilière est domicilié au 100, avenue d’Orléans [1] à Paris 14e. Il est père d’un enfant.

Il est alors monteur « au métro », le Chemin de fer Métropolitain de Paris (CMP), dans les services techniques.

Il est membre du Parti communiste.

Le 13 septembre 1941, Marie Dubois, agent de liaison entre la zone non-occupée, Bordeaux et Paris, est arrêtée pour vol à l’étalage dans les grands magasins de la Samaritaine, alors qu’elle est porteuse d’une « lettre suspecte », d’un carnet de rendez-vous et d’une forte somme d’argent (13 000 francs) dont elle ne peut justifier la provenance. Le larcin est classé sans suite par le commissaire de police du quartier Saint-Germain-l’Auxerrois, mais celui-ci avise ses collègues des Renseignements généraux (BS 1). Amenée à la Préfecture, Marie Dubois « observe un mutisme total et ne fournit aucun renseignement permettant d’orienter les recherches » [2]. Cependant, la perquisition effectuée à son domicile légal, boulevard de la Gare, amène la découverte de tracts communistes et, plus grave, de plusieurs biographies manuscrites de militants qui sont arrêtés au cours des jours suivants, dont Clément Toulza (fusillé comme otage le 31 mars 1942), Raoul Bertrand, Constant Le Maître, Maurice Coulin et René Espargilière.

Le 18 septembre 1941, celui-ci est arrêté et écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Il est considéré comme « militant communiste et propagandiste actif » ayant « participé à la reconstruction d’un groupement communiste clandestin ».

Le 7 février 1942, la préfecture de police ordonne son internement administratif. Pendant un temps, il est détenu au dépôt de la préfecture (sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité).

Le 16 avril 1942, il fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il est enregistré sous le matricule n° 86.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai 1942, René Espargilière fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Espargilière est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45522, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté René Espargilière.

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz  [3] ; probablement avant la mi-mars 1943.

Le 30 octobre 1946, en marge de son acte de naissance, est ajoutée la mention : « décédé à Auschwitz (Allemagne) le 30 septembre 1942 ».

Son nom est inscrit sur une plaque « À la mémoire de nos camarades (…) morts pour la France » apposée dans la station de métro Châtelet et sur une autre « À la mémoire des agents du Métropolitain… » apposée dans la station Denfert-Rochereau.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 6-08-1989).Sa sœur Jeanne, mariée à Paris 13e le 1er juillet 1950, décède à Boulogne-Billancourt au printemps 1983.

Notes :

[1] Avenue d’Orléans : devenue avenue du général Leclerc.

[2] Marie Dubois est condamnée à mort le 22 décembre 1941 par un tribunal militaire allemand (son dossier est remis à la justice française). Début janvier 1942, L’Humanité clandestine, dénonce le sort fait à la Santé à cette « patriote » « mère de deux enfants de quatre et six ans ». Déportée « NN » le 17 novembre 1942 vers l’Allemagne, elle est internée à Lubeck avant d’être conduite au KL Ravensbrück puis à Mauthausen où elle meurt le 8 avril 1945. Ses enfants seront élevés par l’orphelinat de la CGT, L’Avenir Social.

[3] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil… Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de René Espargillière, c’est le 30 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 381 et 419.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : carton “occupation allemande” (BA 1836) : dossiers divers et les Tourelles (quatre registres d’internés), (…) militants communistes internés aux Tourelles ; dossier individuel des RG de Constant Le Maître (77w50-100.267).
- Noël Gérôme, Le Deuil en hommage, monuments et plaques commémoratives de la RATP, Creaphis 1995, pages 72-73, 120-121, 137.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.