René, Mary, Élie, Balayn naît le 22 août 1900 à Saint-Peray (Ardèche – 07), fils de Rémy Balayn, 27 ans, employé à Paris, et d’Octavie, Marie, Fourquet, son épouse, 25 ans. Le nouveau-né est présenté à l’état civil par Émile Maninet, propriétaire âgé de 42 ans, « cousin germain, présent à l’accouchement ». Un des deux témoins est Antonin Vincent, mécanicien de 46 ans, demeurant à Montauban, cousin de l’enfant.
Titulaire du Certificat d’études primaires, René Balayn débute dans la vie professionnelle comme tourneur.
Selon une déclaration ultérieure, il devance l’appel et s’engage volontairement vers la fin de la guerre de 1914-1918.
Le 24 août 1921, il entre comme buandier (blanchisseur) à l’Asile d’aliénés de Villejuif [1] (Seine / Val-de-Marne – 94), 54 avenue de la République (titularisé le 1er janvier 1929).
En 1922, il habite au 32 Grande Rue à Villejuif.
Le 14 avril 1923 à Villejuif, René Balayn se marie avec Jeanne Desbait, née le 29 mai 1900 à Chambord (Loir-et-Cher), infirmière à l’hospice de vieillards (hôpital Paul-Brousse) de Villejuif.
Ils habitent au 8, rue de Verdun à Villejuif, dans un pavillon leur appartenant. Ils ont deux enfants, Jean, né le 2 janvier 1924, et Roland, né le 16 février 1925. L’aîné sera monteur, le cadet ajusteur.
René Balayn adhère au Parti communiste en 1925.
En mai 1929, il est élu conseiller municipal de Villejuif sur la liste du Bloc ouvrier et paysan dirigée par Paul Vaillant-Couturier. En 1932, il est élu trésorier de la Caisse des écoles. Il est réélu conseiller municipal en mai 1935, sur la liste dirigée par Paul Vaillant-Couturier, maire sortant.

Villejuif. Le monument aux morts et la mairie.
Carte postale des années 1950. Collection Mémoire Vive.
Le 4 octobre 1939, le Président de la République – Albert Lebrun -, par décret et « sur la proposition du ministre de l’intérieur, suspend jusqu’à cessation des hostilités les Conseils municipaux » de 27 communes de la banlieue parisienne à majorité communiste, dont celui de Villejuif, et les remplace par des Délégations spéciales composées de notables désignés.
Le 31 décembre, le président de la Délégation spéciale de Villejuif, Léon Bley, destitue René Balayn de sa fonction de trésorier de la Caisse des écoles.
Le 12 janvier 1940, celui-ci écrit au préfet de la Seine pour condamner le pacte germano-soviétique et annoncer sa rupture avec le Parti communiste (« je n’avais plus rien de commun avec le Parti dissous ») et donne sa démission du conseil municipal. Sans tenir compte de cette déclaration, le conseil de préfecture de la Seine le déchoit de son mandat municipal le 29 février.
Le 20 janvier, la police perquisitionne sans résultat à son domicile.
Le 19 février 1940, il serait rappelé à l’activité militaire ; suite inconnue…
Malgré le retrait politique apparent de René Balayn, un rapport de police du 5 novembre 1940 indique « lors du récent retour à Villejuif de Le Bigot, ex-maire communiste de cette localité, [René Balayn] a repris contact avec ce dernier et, de nouveau a attiré l’attention par son attitude et son action révolutionnaire, notamment auprès du personnel de l’asile d’aliénés où il est employé ».
La police française le considère finalement comme un « meneur très actif ».
Le 15 novembre 1940, René Balayn fait partie des soixante employés de l’hôpital révoqués simultanément pour motifs politiques.
Le 6 décembre, il est appréhendé par des agents du commissariat de la circonscription de Gentilly de Gentilly lors d’une vague d’arrestations collectives visant 69 hommes dans le département de la Seine, dont plusieurs autres employés de l’asile : Henri Bourg, Roger Gallois, René Herz, et Auguste Lazard, Gaston Pelletier qui seront déportés avec lui. Dominique Ghelfi, employé municipal à Villejuif, est du nombre. D’abord conduits à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, ils sont internés administrativement – le jour même – au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé deux mois plus tôt dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.
Le 4 mars 1941, son épouse envoie un télégramme pour solliciter une permission afin que René Balayn assiste à l’enterrement de sa grand-mère à Chambord (Loir-et-Cher).
Le 4 avril, elle écrit au préfet de Seine-et-Oise pour demander la libération de son mari en considération de sa situation de famille (les deux fils sont encore au foyer).
Le 11 février 1942, René Balayn fait partie des 21 militants communistes que les “autorités d’occupations” « extraient » d’Aincourt sans en indiquer les motifs ni la destination au chef de centre. Tous sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Le 23 mars 1942, René Balayn transmet à la direction du Frontstalag une demande de mise en liberté dans laquelle il déclare condamner « les crimes contre l’armée d’occupation et qui ne nuisent qu’aux intérêts de la France ». Le 17 avril, la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud sollicite l’avis du préfet de Seine-et-Oise. Le 1er mai, celui-ci renvoie la question à la direction des renseignements généraux, à la préfecture de police de Paris, en demandant à ce service de répondre, considérant c’est lui qui a pris l’arrêté d’internement.
Entre fin avril et fin juin 1942, René Balayn est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, René Balayn est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45193 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Balayn est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Pendant un temps, il est assigné au Block 4.
René Balayn meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]). La cause mensongère indiquée pour sa mort est « septicémie avec angine ».
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-06-1987).
Sources :
Claude Pennetier, notice dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 1990-1997, CD-rom (citant : Arch. Dép. Seine, DM3, Versement 10451/76/1 et Versement 10441/64/2 n° 19 et 25 – Arch. PPo. 88 et 101 – Arch. Secrétariat d’État aux Anciens combattants et victimes de guerre – « Villejuif à ses martyrs de la barbarie fasciste », Musée de la Résistance, 12 B 34).
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 355, 389 et 394.
Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
Archives départementales de l’Ardèche, site internet, archives en ligne : registre des naissances de Saint-Péray, année 1900, acte n° 38 (vue 20/28).
Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA 2214 (communistes fonctionnaires internés…), liste des fonctionnaires internés administrativement le 6 décembre 1940, par application de la loi du 3-09-1940 ; BA 2397 (liste des internés communistes).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, cotes 1w73, 1w77, 1w87 (dossier individuel), 1w80.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 43 (31739/1942).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009).
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : liste de détenus français morts au camp de concentration d’Auschwitz relevée par le S.I.R. d’Arlosen (26 P 821 – Auch. 1/7).
Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des familles.
Carlos Escoda et MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 22-09-2012)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Villejuif : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.