Raymond, Victor, Moyen naît le 18 mai 1912 à Paris 20e, de Pierre Moyen et Marguerite Wilhem. Il a une sœur, Jeanne

En 1929 ou 1930, alors qu’il fréquente le Club athlétique sportif du 20e arrondissement, Raymond Moyen fait la connaissance de Juliette Zalkinow, sténo-dactylo, née le 28 septembre 1915 à Paris, sœur de Rachel et Fernand Zalkinow [1] (qui sera le second de Gilbert Brustlein, fils de Suzanne Momon).

Le 11 février 1936 à la mairie du 20e, ils se marient. Ils n’auront pas d’enfant.

Avant la guerre, Raymond Moyen appartient à l’association Les Amis de la Nature. Lors d’une fête donnée à Garches (la fête du journal L’Humanité ?), il est invité par la FSGT à participer à un défilé et reçoit comme récompense des organisateurs deux plaquettes de métal avec les effigies de Marcel Cachin et Paul Vaillant-Couturier.

Après avoir peut-être habité au 53, rue des Amandiers, le couple est domicilié au 12, rue Étienne-Dolet à Paris 20e (quartier de Ménilmontant) au moment de son arrestation.

Le 2 septembre 1939, Raymond est mobilisé au 47e régiment d’infanterie.

Le 30 décembre, les services de la préfecture de police mettent à la disposition du procureur de la République trois personnes arrêtées pour distribution de tracts ronéotypés émanant de l’ex-parti communiste, peut-être prises dans la même affaire : Juliette Moyen, de Paris 20e, Louis Boccard, de Boulogne-Billancourt, et Théophile Six, de Paris 19e.

En mai 1940, le tribunal militaire de Paris condamne Juliette Moyen à deux (ou trois) ans de prison avec sursis pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (détention de tracts communistes). Le juge lui adresse une sévère mise en garde au cas où elle récidiverait.

Raymond Moyen est démobilisé le 13 août 1940.

À partir d’avril 1941, il travaille comme tourneur mécanicien chez OPIC, un fabriquant de machines pour l’industrie de la chaussure, au 13 rue Pajol à Paris 18e. Juliette fait des remplacements comme sténo-dactylo, en dernier lieu à Saint-Denis.

Le 30 octobre, le frère de celle-ci, Fernand Zalnikow, 18 ans, est arrêté dans la planque  qu’il partage avec Gilbert Brustlein au 126, avenue Philippe-Auguste (Paris 20e), et trouvé en possession d’un pistolet automatique 6/35.

Le samedi matin 1er novembre 1941, dans la matinée, Juliette Moyen se rend au domicile de ses parents, rue des Amandiers. Par des voisins, elle apprend que son frère a été arrêté et leurs parents à la suite (sa sœur Rachel également ?). Raymond et elle pensent alors que ceux-ci vont être relâchés dans la journée.

Le dimanche matin, 2 novembre, Raymond se rend à son tour au domicile de ses beaux-parents. C’est alors qu’il est arrêté ; de son côté, son épouse est partie faire des courses dans le quartier. Dans l’après-midi, alors que les policiers procèdent à une perquisition à leur domicile avec son mari, elle n’est pas encore revenue.

Interrogé par le commissaire Veber, Raymond Moyen dément avoir eu la moindre connaissance des activités de résistance de son beau-frère.

Raymond est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

À une date restant à préciser, il passe dans le secteur “allemand” de la prison, administré par la Wehrmacht.

Le 12 février 1942, Juliette Moyen est arrêtée alors qu’elle se présente au domicile des époux Lefebvre, au 131 boulevard de la Villette, où elle a rendez-vous avec Simone Schloss, précédemment arrêtée (affaire Tisot). Le 27 février, Juliette est mise à la disposition des autorités d’occupation sur leur demande et écrouée dans le quartier allemand de la Maison d’arrêt de la Santé.

Le 13 mars, Raymond Moyen fait partie d’un groupe de quatorze hommes et femmes de la même affaire « mis à la disposition » de la préfecture de police (renseignements généraux) sur ordre des autorités d’occupation : trois sont libérés, les onze autres sont internés administrativement (mis en séjour surveillé), en urgence sur prescription des autorités allemandes, en application du décret du 18 novembre 1939, parmi lesquels Raymond Moyen, Henri Chlevitsky et Yvan Hanlet (fils).

Les trois mêmes sont dans le groupe de cinq détenus écroués au dépôt de la préfecture de police de Paris (sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité) en attendant leur transfert dans un camp, tandis que deux hommes de nationalité étrangère sont envoyés à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier (Paris 20e). Les quatre femmes (dont Suzanne Momon et Rachel Zalkinow) sont internées à la prison de la Petite-Roquette. Transférées ensuite à la caserne des Tourelles, elles seront de nouveau remises aux Allemands le 7 août 1942.

Le 27 avril, le préfet de police signe – à la demande des autorités allemandes et en urgence – un arrêté ordonnant l’internement administratif de Juliette Moyen au camp de la caserne des Tourelles.

Le 29 avril, l’interne de service de l’infirmerie spéciale de la préfecture de police prescrit l’envoi à l’Hôtel-Dieu de Raymond Moyen où celui-ci doit suivre « un traitement que nécessite son état ». Le détenu y est escorté par des inspecteurs de la préfecture.

Le 5 mai 1942, Raymond Moyen fait partie d’un groupe de treize « communistes » conduits à la gare du Nord pour y être remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, avec vingt-quatre communistes extraits de la caserne des Tourelles et quatorze « internés administratifs de la police judiciaire ». Par le train de 5 h 50, tous sont transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Raymond Moyen y est enregistré sous le matricule 5161.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Raymond Moyen est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Raymond Moyen est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45914, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Raymond Moyen.

Il meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Juliette Moyen, née Zalnikow, désignée à plusieurs reprises comme israélite dans les documents de police, est déportée le 25 mars 1943 dans le convoi du génocide n° 53, qui part de Drancy en direction de Sobibor, à l’est de la Pologne occupée (« gouvernement général »), un centre de mise à mort immédiate des populations juives ; sur 1008 personnes déportées, 970 sont gazées (cinq survivants à la libération des camps).

En 1957, Jeanne, épouse Huard, sœur de Raymond Moyen, remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté-résistant au nom de son frère.

Déclaré “Mort pour la France”, Raymond Moyen est homologué comme “Déporté politique”.

Sources :

[1] Fernand Zalkinow. Le 4 mars 1942 s’ouvre au Palais Bourbon le procès de sept jeunes communistes âgés de 17 à 27 ans, comparaissant pour 17 attentats et sabotages contre l’armée d’occupation. Après trois jours d’une parodie de procès, Roger Hanlet, Acher Semahya, Roger Peltier, Christian Rizo, Tony Bloncourt, Pierre Milan et Fernand Zalkinow sont condamnés à mort et fusillés au Mont-Valérien le 9 mars. Rachel Zalkinow, née le 16 juin 1918 à Tours, est déportée le 22 juin 1942, dans le convoi n°3 parti de Drancy pour Auschwitz ; considéré comme convoi d’otages (pas de sélection à l’arrivée), il est le premier convoi de Juifs partis de France dans lequel se trouve des femmes.


Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 374 et 415.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz.
- Boris Dänzer-Kantof, message (avril 2005).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “occupation allemande” (BA ?) ; dossiers de la BS1 (GB 49), « affaire Brulstein – Peltier… » ; cabinet du préfet (1w76), dossier commun de Boccard Louis, Moyen Raymond, Moyen-Zalnikow Juliette, Six Théophile (30776).
- Site internet du Mémorial de la Shoah, Paris, moteur de recherche, liste du convoi, page  40, n° 663.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 834 (38794/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.