Pierre, Jean, Ange, Jeusset naît le 19 juillet 1919 à Brest (Finistère – 29), fils d’Ange Jeusset, 28 ans, coiffeur, et de Marie Abjean, son épouse, 30 ans. Pierre a un frère, Albert, qui habitera Clermond-Ferrand après la guerre (nov. 1962).

Pierre Jeusset est adopté par la Nation suivant jugement du tribunal civil de 1ère instance de la Seine du 7 octobre 1923.

Sympathisant communiste, Pierre Jeusset s’engage à 17 ans dans les Brigades internationales pendant la guerre civile Espagnole pour défendre la République contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini. Il est en Espagne de septembre 1936 à mai 1937.

Au moment de son arrestation, Pierre Jeusset habite chez sa mère au 108, rue de Bagneux, à Montrouge [1] (Hauts-de-Seine – 92) ; voie qui – sous l’occupation – a été renommée avenue du Maréchal Pétain.

Manœuvre (à la SNCF ?), il travaille à la gare Montparnasse.

Le 24 décembre 1941, peu après 6 heures du matin, Pierre Jeusset est arrêté à son domicile par le commissaire de Montrouge sur arrêté du préfet de police « en application du décret du 18 novembre 1939 ». Le jour même, il est interné administrativement au camp de la caserne des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, dans le cadre d’une vague d’arrestations organisée par la police française contre 33 anciens membres des brigades internationales.

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La caserne des Tourelles, vers la Porte des Lilas,
entre l’avenue Gambetta, à gauche, et le boulevard Mortier.
Carte postale d’après guerre.

Le 5 mai 1942, Pierre Jeusset fait partie des 24 internés des Tourelles, dont beaucoup d’anciens Brigadistes, que viennent « prendre des gendarmes allemands » afin de les escorter à la gare de l’Est où ils rejoignent d’autres détenus avant d’être conduits en train au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il y est enregistré sous le matricule n° 5287.

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La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers
bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan, sur l’autre rive de l’Oise,
l’usine qui fut la cible de plusieurs bombardements
avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Pierre Jeusset est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Pierre Jeusset est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45686, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différentsKommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Pierre Jeusset.

Il meurt à Auschwitz le 23 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp. Il a 23 ans.

Le 28 mars 1943, sa mère écrit à l’Association nationale des amis des travailleurs français en Allemagne, car elle est sans nouvelle de son fils qui, après avoir été interné à Compiègne « aurait été transféré dans un autre camp en Allemagne le 16 juillet 1942 » (elle a probablement reçu la carte pré-imprimée envoyée à cette date à beaucoup de familles par la direction du camp). L’association lance une recherche et c’est le Service de la main-d’œuvre française en Allemagne qui écrit au camp de Compiègne. Le 13 avril suivant, la Kommandantur de celui-ci répond : « Nous vous retournons votre lettre (…) en vous informant que le prisonnier Pierre Jeusset n°5287 a été au camp de la prison de police de Compiègne jusqu’au 6 juillet 1942. À cette date, il a été emmené pour travailler dans un camp allemand sur ordre du Befehlshaber de la Police de Sureté et des SD de Paris. Nous ignorons où il se trouve actuellement. »

Le 23 avril suivant, le service de la main-d’œuvre transmet le dossier à la Croix-Rouge allemande, avenue Kléber à Paris qui répond le 15 mai : « Le chargé d’affaire de la Croix-Rouge en France regrette de vous dire qu’on n’a pu avoir aucun autre renseignement sur cet ouvrier ».

Un acte de disparition est établi le 16 novembre 1946.

En 1951, le décès de Pierre Jeusset est noté sur le registre d’état civil de la mairie de Montrouge à la date du 6 juillet 1942 à Compiègne. La mention Mort pour la France est inscrite en marge de son acte de décès le 5 mars 1958.

Le 16 octobre 1956, il obtient le titre de “Déporté politique” à titre posthume (IP en 55), avec mention : « déporté en Allemagne le 6 juillet 1942, disparu depuis cette date ». La date du décès est corrigée, “selon la règle”, avec un ajout de cinq jours : soit «  le 11 juillet 1942, en Allemagne » (carte n° 1102 21 942, délivrée à sa mère).

Le nom de Pierre Jeusset est inscrit (ses prénoms étant réduits aux initiales) sur une des plaques dédiées « aux Montrougiens morts pour la France… », situées dans le hall de la mairie.

Sa mère, Marie, Madame Veuve Jeusset, décède le 29 novembre 1961 à son domicile (là où a été arrêté son fils).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 515.
- Site Mémorial GenWeb, 92-Montrouge, relevé de Claude Richard (08-2006).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Pierre Jeusset, cote 21.p.465.790, recherches de Ginette Petiot (message 12-2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 17-12-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Montrouge : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).