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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Pierre, Joseph, Élie, Colombier naît le 13 mai 1891 dans le petit village de Molain (Aisne), chez ses parents, Pierre Colombier, 47 ans, couvreur en chaume, et Marie Legrand, 36 ans, tisseuse, son épouse. Son père, âgé de 59 ans, décède à son domicile un soir de novembre 1902 ; Pierre a 11 ans.

Pendant un temps, Pierre Colombier travaille comme tisseur, puis ouvrier agricole.

Le 31 octobre 1910 à Molain, il se marie avec Aimée Leblond, 21 ans, journalière, née et domiciliée à Bazuel (Nord). Les témoins du marié sont un oncle, Léopold Gueunier, 65 ans, courtier en grains, et un frère (?), Gaston Legrand, 30 ans, journalier, domicilié à Saint-Souple.

Pierre Colombier acquiert une formation d’électricien.

Le 9 octobre 1912, il est incorporé au 87e régiment d’infanterie afin d’y accomplir son service militaire. Le 5 août 1914, il part « en campagne » avec son régiment. Le 22 août, il est blessé et évacué. Il rejoint son unité le 7 décembre. Le 1er juillet 1916, il passe à la 10e compagnie du 45e bataillon de chasseurs mitrailleurs (?).

Mitrailleurs à l’exercice, en manœuvre à l’arrière du front. Carte postale non datée. Coll. Mémoire Vive.

Mitrailleurs à l’exercice, en manœuvre à l’arrière
du front. Carte postale non datée. Coll. Mémoire Vive.

Le 7 mai 1917, il est de nouveau blessé, mais peut rentrer à la compagnie dix jours plus tard. Le 15 novembre, il rentre au dépôt de Quimper. Le 26 février et le 29 octobre 1918, il est cité à l’ordre de son régiment. Titulaire de quatre citations en tout, il est décoré de la Croix de Guerre et recevra la Médaille militaire en 1934. Le 12 mars 1919, il passe à la 9e compagnie. Le 27 juillet suivant, il est envoyé en congé illimité de démobilisation, et se retire au 31, rue Corbeau (devenue la rue Jacques-Louvel-Tessier), à Paris 10e, titulaire d’un certificat de bonne conduite. Il habite encore à cette adresse en octobre 1920.

Le 31 décembre 1924, la première commission de réforme de la Seine lui accorde une pension temporaire de 15 % pour : « séquelle d’une plaie transfixiante de la face, avec fracture des deux branches montantes du maxillaire inférieur, orifice d’entrée joue gauche, orifice de sortie joue droite, petite perte de substance de la branche montante doits, écart interdentaire de 3 cm, perte de 8 dents avec forte abrasion du rebut [?], déformation des deux régions angulaires n’atteignant pas le 1er degré du barème de la défiguration. Petite cicatrice région lombaire ». Plus tard, la sixième commission de réforme de la Seine le propose pour une pension temporaire de 30 % indiquant que la balle qui l’a blessé a également traversé sa langue, entraînant des « troubles de la mastication et une atteinte de la phonation ».

Pierre Colombier entre à la Compagnie parisienne de distribution d’électricité (CPDE) ; en février 1936, l’armée le classe affecté spécial au titre de cette société.

Marié, il a un fils, Maurice, né le 29 février 1924.

En mai 1930, Pierre Colombier est domicilié au 8, route de la Villette-aux-Aulnes, à Mitry-Mory (Seine-et-Marne – 77). Au moment de son arrestation, il habite au 41, rue de la Villette-aux-Aulnes, dans un pavillon dont il est propriétaire et dans lequel il héberge sa mère.

Carte militaire éditée en 1920 (reprise d’une édition antérieure), avant le développement des lotissements. Collection Mémoire Vive.

Carte militaire éditée en 1920 (reprise d’une édition antérieure), avant le développement des lotissements. Collection Mémoire Vive.

Pierre Colombier est élu Conseiller municipal de Mitry-Mory.

Mitry-Mory après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Mitry-Mory après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au moment de son arrestation, il est considéré comme retraité de la CDPE.

Le 20 octobre 1941, Pierre Colombier est appréhendé lors d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – incendies de meules et de hangars – ayant eu lieu dans le département..

Pierre Colombier est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 1825, parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (42 d’entre eux seront des “45000”).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Pierre Colombier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45388 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [1]).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Pierre Colombier est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Il est rapidement admis au Block 28 (médecine interne) de l’hôpital d’Auschwitz [2].

Pierre Colombier meurt à Auschwitz le 12 août 1942, d’après les registres du camp ; un mois après l’arrivée du convoi.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Mitry-Mory, dans le cimetière. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 26-02-1988).

Sources :

- Son nom et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 355, 378 et 399.
- Archives départementales de l’Aisne (AD 02), site internet du conseil général, archives en ligne ; registre d’état civil de Molain, année 1891, acte n° 10 (vue 29) ; registre des matricules militaires, classe 1911, bureau de recrutement de Saint-Quentin, vol. 1501-2000 (21R 188), matricule 1699 (vues 170-171/462).
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys ; cabinet du préfet arrestations collectives d’octobre 1941 (M11409).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 184 (19884/1942) ; arrestations allemandes, dossier individuel, une fiche (SC51227).
- Site Mémorial GenWeb, 77-Mitry-Mory, relevé de Gilles Gaudou (2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 29-12-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

[2] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Mais les « 31000 » et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme « Revier » : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.