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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Paul, Alphonse, Dumont naît le 24 octobre 1905 à l’Hôtel-Dieu de Laon (Aisne), fils de Paul Eugène Dumont, 29 ans, domestique de culture, et Alphonsine Michel, son épouse, 23 ans, manouvrière, domiciliés à Sémilly, faubourg de Laon ; les témoins pour l’inscription du nouveau-né à l’état civil sont un employé et un économe « des hospices ».

Le 28 avril 1928, à Laon, Paul Dumont se marie avec Félicie Valentine Bourgeon, née le 29 novembre 1907 à Mazirat (Allier). Ils auront un fils, Jean, né en 1928, dans l’Aisne.

À partir de 1931 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée (locataire) au 25, rue Diderot à Issy-les-Moulineaux [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

Paul Dumont est ouvrier du Bâtiment, plâtrier ; à la veille de son arrestation, il travaille chez Barde et Bouyer, 11 et 13, chemin de Fleury, à Meudon (Seine-et-Oise), commune voisine.La police le considère comme un syndicaliste révolutionnaire. Membre du rayon de Malakoff de la région Paris-Sud du Parti communiste, c’est un militant très actif.

En mai 1935, il est élu conseiller municipal d’Issy-les-Moulineaux sur la liste du PC.

Issy-les-Moulineaux. Place de la Mairie.  Carte postale écrite en août 1946. Coll. Mémoire Vive

Issy-les-Moulineaux. Place de la Mairie.
Carte postale écrite en août 1946. Coll. Mémoire Vive

Le 9 février 1940, il est déchu de son mandat par arrêté du Conseil de préfecture de la Seine.

Sous l’occupation, la police française note qu’il « (prend) une part importante dans le développement de la propagande clandestine ».

Le 3 mai 1941, boulevard Gambetta à Issy-les-Moulineaux, il est arrêté par les services du commissariat de police de la circonscription de Vanves avec Ernest Rossignol : ils sont pris en flagrant délit alors qu’ils reproduisent sur les murs, à l’aide d’un rouleau imprimeur en caoutchouc, la mention « Le Gouvernement du peuple fera la France Libre » (en rivalité avec la résistance gaulliste ?). Inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939, ils sont écroués le lendemain à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 10 mai, la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine les condamne tous deux à dix mois d’emprisonnement.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 4 juin, Paul Dumont est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 28 juillet, la 10e chambre de la Cour d’appel de Paris réduit la peine des deux hommes à six mois de prison.

Le 20 septembre, à l’expiration de leur peine, Ernest Rossignol et Paul Dumont ne sont pas libérés, mais conduits au dépôt de la préfecture de police de Paris (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité) : le même jour, préfet de police signe des arrêtés ordonnant leur internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939.

Le 9 octobre, les deux hommes sont parmi les 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, Paul Dumont et Ernest Rossignol font partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la  Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, ils sont sélectionnés avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Paul Dumont est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45503 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [2]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Paul Dumont est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

À une date restant à préciser, il est admis au Block 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.
Il meurt à Auschwitz le 11 août 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp.

Félicie Dumont, sa veuve, décède le 19 octobre 1952 à Neuilly-sur-Seine, âgée de 44 ans. En 1954, un ayant-cause – son enfant ? – habite toujours au 25, rue Diderot à Issy-les-Moulineaux

Une plaque à son nom a été apposée sur son lieu de domicile.

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Sur la façade du 25, rue Diderot à Issy-les-Moulineaux.
Cliché Mémoire Vive.

Son nom est également inscrit sur le monument « à la mémoire des combattants et de toutes les victimes de guerre » d’Issy-les-Moulineaux, place Bonaventure-Lecat, derrière la mairie.

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Sur une des stèles du monument d’Issy-les-Moulineaux,
les “45000” : Delbès Camille, Dumont Paul, Lacour Louis
et Rossignol Ernest. Cliché Mémoire Vive.

Notes :

[1] Issy-les-Moulineaux : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin “Après Auschwitz”, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Son nom et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 382 et 403.
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 28 mars au 5 juin 1941 (D1u6-5855).
- Archives Départementales du Val-de-Marne, Vréteil : Maison d’arrêt de Fresnes, dossier des détenus “libérés” du 1er au 30-09-1941 (511w22).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 1501-84082).
- Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris ; liste XLI-42, n° 74.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 246 (19452/1942).
- Association Mémoire et création numérique, site Les plaques commémoratives, sources de mémoire.
- Site Mémorial GenWeb, 92-Issy-les-Moulineaux, relevé de Jérôme Charraud (11-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.