
Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.
Olivier Souef naît le 26 juin 1921 à Paris 14e, fils d’Édouard Souef et d’Angèle Gaudefroy. Il a un frère plus jeune d’un an, Claude.
Leurs parents divorcent.
Au moment de son arrestation, Olivier Souef est encore domicilié chez sa mère, au 7, rue de Tournon (3e étage, porte gauche) à Paris 6e. Violoniste, celle-ci est alors chef du petit orchestre du cinéma l’Éden Palace.
En 1932, Olivier est admis au lycée Rollin, à Paris.
Il s’engage très jeune dans la vie politique, au lendemain du 6 février 1934, et plus activement au moment du Front Populaire et de la Guerre d’Espagne. D’abord responsable du comité des lycéens antifascistes dans son établissement, il est bientôt à la tête de ce comité pour tous les lycées parisiens. Ses amis – Claude Lalet, Claude Dreyfus, Edgard Nahoum (E. Morin), plus tard Tony Bloncourt et Karl Schönhaar – le surnomment Robespierre. Il affronte des membres des Croix de Feu, mouvement d’extrême droite.
Secrétaire du cercle des Jeunesses communistes au lycée Rollin [1], il devient le dirigeant des Lycéens communistes de Paris, puis le responsable national des Lycéens communistes.
Après la déclaration de guerre, par crainte des bombardements, les classes préparatoires aux grandes écoles des lycées parisiens sont évacués vers Rennes. Tout jeune bachelier, Olivier Souef s’y trouve avec Joseph Récanati et Pierre Daix, venant lui de la prépa du lycée Henri IV. Pour ses condisciples, l’Académie de Paris annule l’épreuve du baccalauréat en juin 1940, quand déferle l’offensive allemande.
Après l’armistice, au cours du mois de juillet, de nombreux étudiants rentrent à Paris avant la reprise des cours.
Olivier Souef est inscrit en Lettres à la Sorbonne. Il parle le russe presque couramment. Il obtiendra sa licence. En même temps, il travaille comme surveillant d’externat dans un lycée pour gagner sa vie.
À la Sorbonne, au côté de Claude Lalet, il assume des responsabilités au sein de l’UELC clandestine (Union des étudiants et lycéens communistes). Désigné au 1er bureau national de l’UELC, dont le secrétaire est Pierre Hervé, il est bientôt un des principaux animateurs du Mouvement.
Les Allemands veulent imposer leur présence, y compris en y organisant des conférences d’intellectuels collaborationnistes dans les lieux du savoir. Le 26 juillet 1940, le grand amphithéâtre de la Sorbonne s’apprête à accueillir Abel Bonnard, poète fasciste, et Georges Claude, chimiste, membre d’honneur du groupe collaboration. Une pluie de tracts signés de l’UELC tombe soudain depuis les hauteurs de la salle. Les deux lanceurs de tracts, étudiants en Sciences, Félix Kauer et Christian Rizo, sont rapidement arrêtées puis écroués à la Maison d’Arrêt de la Santé. Ils en sortiront sans jugement le 10 octobre.
Claude Lalet détient les clés de la petite bibliothèque de documentation historique de la Sorbonne, sous l’escalier C. Dans ce local minuscule, l’organisation des étudiants se structure et produit un petit journal ronéotypé baptisé La Relève. Olivier Souef et Tony Bloncourt en sont les meilleurs distributeurs, les remettant aux lycéens parisiens, à la sortie des bibliothèques, des cinémas, des piscines et des gymnases. Ils sèment aussi des papillons sur les quais du métro.
Le 30 octobre, la police allemande arrête le physicien et militant pacifiste Paul Langevin. Le 8 novembre, Olivier Souef, Pierre Daix, Tony Bloncourt, Christian Rizo et quelques dizaines d’étudiants manifestent dans la cour de la Sorbonne, puis devant le Collège de France et enfin sur le boulevard Saint-Michel aux cris de « Libérez Langevin ».
Lorsque les étudiants et les lycéens communistes se rallient à l’idée d’une manifestation le 11 novembre 1940 devant l’Arc de triomphe à l’Étoile – événement, où s’affirme déjà la volonté de résistance d’une partie de la jeunesse -, Olivier Souef participe à l’organisation de celle-ci pour ce qui concerne les étudiants communistes. Son frère Claude l’accompagne.
Le lendemain de la manifestation, pas un mot dans la presse collaborationniste. Mais le recteur Gustave Roussy, jugé trop laxiste, est remplacé par Jérôme Carcopino. Le 15 novembre, la Sorbonne est fermée, les étudiants parisiens sont astreints à se présenter chaque joue au commissariat.
Le 18 novembre 1940, l’administrateur de la Bibliothèque Nationale signe un courrier dactylographié sur un papier à en-tête de son institution et adressé à Monsieur Langeron, préfet de police : « Mon cher Préfet. L’escalier de la Bibliothèque Mazarine (bibliothèque qui dépend de la Bibliothèque Nationale) est, en ce moment, régulièrement arrosé de brochures communistes et gaullistes. Pour des raisons évidentes, nos gardiens ne peuvent effectuer cette surveillance. Puis-je vous demander d’envoyer, le plus tôt possible, un homme sûr se présenter à M. Lailler, conservateur de la Bibliothèque Mazarine, qui y habite, afin que l’on découvre le ou les initiateurs de cette propagande. J’ai donné des ordres pour que rien ne soit fait, afin que vos services puissent poursuivre les coupables, sans que ceux-ci aient été alertés précédemment. Agréez je vous prie, mon cher Préfet, l’assurance de mon cordial dévouement. »
Deux jours plus tard, le 20 novembre, à 12 h 15, deux inspecteurs de la brigade spéciale des Renseignements généraux, appréhendent Gisèle V., 20 ans, sans profession, alors qu’elle vient de déposer sur une table un tract intitulé « Soutenez les étudiants dans leur lutte ». Dans son sac à main sont découverts cinq autres exemplaires de ce tract et des papillons gommés portant les slogans : « L’Oeuvre paraît mais L’Humanité reste interdite » et « Signal paraît mais L’Humanité reste interdite ». Elle reconnaît être responsable des dépôts précédents de tract, dont celui de la veille, mais affirme d’abord « être entrée en possession des écrits par le truchement de la poste et ignorer tout de l’expéditeur ».
Interrogée, elle déclare qu’elle vit avec Jean Commère, 20 ans lui aussi, étudiant aux Beaux-Arts, sculpteur, dont elle a une fillette de dix-huit mois, reconnue par lui. Elle tente de le mettre hors de cause en indiquant : « Mon ami […] m’avait déconseillé de procéder à cette diffusion, craignant des ennuis et n’admettant pas que les idées anarchistes puissent se servir des méthodes communistes » [sic].
Les inspecteurs escortent Gisèle V. jusqu’au domicile de la mère de son ami, où tous deux habitent. Celui-ci est interpellé au moment où tous arrivent dans l’immeuble. Surpris, il admet aussitôt avoir distribué des tracts clandestins et remet un paquet de ceux dont il est porteur. La perquisition de l’appartement amène la découverte d’une machine à polycopier, d’une facture d’achat de cette machine et de papier, d’une feuille de stencil vierge, d’un paquet de tracts ronéotypés intitulés « Vive la liberté », « Soutenez les opinions des étudiants dans leur lutte » – qu’il avait également sur lui – et « C’en est assez ». Les deux jeunes gens sont ramenés à la préfecture de police pour y être interrogés. Le lendemain, 21 novembre, ils sont inculpés d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 et conduits au dépôt à disposition du procureur de la République.
Mais Commère a livré aux policiers un rendez-vous fixé le 25 novembre à 14 heures à la station de métro Odéon, au cœur du quartier latin, au cours duquel il devait recevoir un nouveau paquet de tracts. Les inspecteurs y tendent une souricière et interpellent Claude Lalet, son épouse, Eugénie, et Maurice D., 19 ans, ex-auxiliaire des PTT, alors employé temporaire à la mairie du 3e arrondissement. Claude Lalet déclare qu’il est « entré en relations avec Commère par le truchement d’un camarade du nom de Jean connu en classe au lycée Rollin ». Il précise : « J’ai rencontré Jean à la gare du Luxembourg trois fois. À chacune des (illisible) il m’a remis des tracts imprimés ronéotypés. Le nombre à ce jour est de 400 environ. Tous les exemplaires ont été remis par mes soins à Commère Jean qui se chargeait de la diffusion. Le paquet trouvé ce jour sur moi (illisible) été remis vendredi dernier par Jean. Je devais revoir Jean vendredi 29 novembre à la gare du Luxembourg pour recevoir de nouveaux des tracts. J’ai appartenu à l’organisation anti-fasciste du lycée Rollin de 1935 à 1936. J’ai fréquenté les Auberges de la Jeunesse de 1937 à 1939. Je n’ai jamais fréquenté les étudiants communistes. Je n’ai jamais été inscrit au PC. Si je m’occupe de la diffusion des tracts, c’est par esprit de solidarité ».
Interrogé, Maurice D. déclare : « J’ai reçu, à trois ou quatre reprises, des paquets de 250 tracts environ, d’un nommé Jean, étudiant en médecine, que j’avais connu pendant l’exode. J’avais pour mission d’entreposer ce matériel à mon domicile, à l’insu de mes parents, et de le redonner à Jean quand il me le demandait. À plusieurs reprises, j’ai copié des notes manuscrites et des listes de noms pour le compte de Jean. » Sur une nouvelle interpellation des inspecteurs, il corrige : « En réalité, les paquets de tracts que j’ai reçus m’étaient remis par un individu que je ne connais que sous le nom de “Mimile” et qui me les remettait de la part de Jean. J’en prélevais quelques-uns que je remettais directement à Jean. Quand au reste, il m’était repris quelque temps après par Mimile qui me disait les remettre à Jean également. Quand aux travaux à la machine que j’exécutais, ils m’ont toujours été demandés par Mimile, qui me les reprenait une fois terminés. Dans mon esprit, j’ai toujours cru que ce travail était demandé à Mimile par Jean. […] Je tiens à préciser que le nommé Mimile […] m’a proposé, à plusieurs reprises, de militer activement… »
Le 26 novembre, avec Jean Rozynoer, 20 ans, étudiant en médecine, arrêté à 7 h 30 ce jour-là, ils sont à leur tour inculpés d’infraction au décret du 29 septembre 1939. Sept inspecteurs alors sont chargés par André Baillet, commissaire principal, chef de la brigade spéciale des Renseignements généraux, 1ère section, « de procéder à toutes investigations utiles en vue d’identifier et d’appréhender les auteurs de la propagande clandestine communiste sévissant dans les milieux universitaires de la capitale, et plus particulièrement au Quartier Latin, au moyen de tracts, papillons et brochures à tendances communistes ».
Le même jour, 26 novembre, « à la suite d’enquêtes et de surveillances qui ont permis d’établir avec certitude leur sympathie agissante vis-à-vis des doctrines communistes et des membres de l’ex-parti communiste », sont arrêtés Jean-Claude Lévy, 17 ans, Othman ben Aleya 24 ans, Olivier Souef, 19 ans, Jean Gros, 18 ans (déporté lui aussi dans le convoi du 6 juillet 1942), Pierre Daix, 18 ans (appréhendé à 20 h 15, aux abords du pavillon de ses parents), Raymond Guglielmo, 17 ans (appréhendé vers 18 h 15, au domicile de ses parents), et Jeanne Brunschwig, 19 ans.
La perquisition opérée par les inspecteurs au domicile d’Olivier Souef n’amène la découverte d’aucun document ou matériel compromettant.
« Interpellés [interrogés], Lévy, Ben Alaya et Souef nient toute participation à la propagande clandestine. Gros, Daix, Guglielmo et la demoiselle Brunschwig reconnaissent, par contre, participer activement à la propagande clandestine effectuée actuellement dans les milieux universitaires ».
Plus précisément, lors de son interrogatoire par les policiers, Olivier Souef se défend en déclarant : « Je n’ai jamais appartenu au Parti communiste ni à aucun autre parti politique. J’ai fait partie, avant les hostilités, des Auberges de la Jeunesse et j’ai adhéré au Club des Lycéens, étudiants Ajistes en septembre dernier. J’affirme n’avoir jamais milité en aucune manière ni avoir participé à aucune manifestation ou distribution quelconque. Je ne suis pas au courant de l’activité clandestine de Lévy, Ben Aleya, Gros, Daix, Guglielmo et de la demoiselle Brunschwig. Je ne connais Ben Aleya que de vue ; j’ai connu Daix à Rennes où nous faisions nos études ». Pierre Daix est alors secrétaire du Club des Lycéens et étudiants ajistes (une cinquantaine de jeunes se réunissant « à peu près toutes les semaines pour y discuter de questions sportives (camping) etc. », sans demander d’autorisation).
Selon une note des inspecteurs accompagnant sa mise à disposition, Olivier Souef était chef de groupe dans l’organisation de propagande dirigée par Maurice Delon.
Le lendemain, 18 janvier, au vu du rapport des inspecteurs et après les interrogatoires des sept étudiants arrêtés dans la même « affaire », considérant que leur activité « avait pour but la diffusion des mots d’ordre de la IIIe Internationale communiste ou des organismes s’y rattachant, par la distribution et la détention en vue de la distribution de tracts et brochures à caractère communiste », le commissaire principal André Baillet, chef de la brigade spéciale, officier de police judiciaire, les inculpe conjointement d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 et les fait conduire au Dépôt (la Conciergerie, sous le Palais de Justice, dans l’île de la Cité) à disposition du procureur de la République.
Le jour suivant, Olivier Souef est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e.
- Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)
Le procès dure tout le mois de février en quatre séances. Le 1er mars 1941, Olivier Souef comparaît avec ses camarades devant la chambre des mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine. Celle-ci le relaxe le lendemain, probablement parce qu’il a nié toute implication et qu’aucune preuve à charge n’existe contre lui. Olivier Souef sort avec Pierre Kast et Pierre Daix, lequel a purgé en détention préventive les trois mois d’emprisonnement auxquels il a été condamné. Leur parents doivent aller les chercher dans les bureaux des Renseignements généraux, car ils sont mineurs (la majorité est alors fixées à 21 ans). Claude Lalet, lui, est condamné à 10 mois de détention et rejoint Guy Môquet au quartier des mineurs de l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine : Val-de-Marne). À l’expiration de leur peine, ils seront tous deux internés administrativement au centre de séjour surveillé de Choisel à Châteaubriant (Loire-Atlantique).
Olivier Souef souhaite reprendre aussitôt ses activités clandestines. Mais sa libération sans la moindre condamnation le fait considérer comme suspect par la hiérarchie du PCF clandestin. De son côté, Pierre Daix est chargé par le nouveau responsable des Étudiants, Léon Lavallée, d’assurer la liaison entre les groupes de choc des Étudiants communistes et ceux des Jeunesses communistes ; en fait, ceux du 11e arrondissement qui vont devenir la base de l’organisation spéciale (l’O.S. [2]), laquelle aura pour tâche la protection des manifestations suivantes contre l’occupant. En mai, un dirigeant clandestin des Étudiants, convoque Pierre Daix pour lui intimer l’ordre de cesser tout contact avec lui et de faire appliquer cette décision par leurs autres camarades.
Le 14 juillet, Pierre Daix associe Olivier Souef à la manifestation qui se déroule au Quartier latin et sur les Grands boulevards, réunissant les Jeunesses communistes avec les étudiants et lycéens de l’UELC et des gaullistes. L’action se déroule sans anicroche et le journal collaborationniste Je suis partout en rend compte. Le dimanche 26 juillet, une centaine de jeunes remontent le quartier populaire du Faubourg du Temple.
Danielle Casanova, Camille Baynac, André Leroy, Lucien Dorland, Pierre Georges et Albert Ozoulias, cadres dirigeants des Jeunesses communistes, décident d’une manifestation gare Saint-Lazare, à 18 heures 30, période de grande affluence, le 13 août 1941.
Avertie, la direction parisienne des Jeunesses communistes informe les militants. Vers 18 heures, de toutes les rues du quartier Saint-Lazare et autour du square de la Trinité, les partisans se dirigent vers la gare. Mais sur les lieux, il y a plus de policiers que d’habitude. Des fuites, sans doute… Les militants se passent alors la consigne : « Tous à la Porte Saint-Denis ! ».
Chaque petit groupe prend alors le métro, direction la station Strasbourg-Saint-Denis.
À 19 heures, Pierre Daix est au point de rendez-vous avec Olivier Souef. Les drapeaux tricolores roulés sur leurs manches de bois sont arrivés, mais pas les garçons désignés pour les porter. Chacun en prend un et le déploie.
C’est le signal. La Marseillaise éclate ; les cris fusent : « À bas Hitler ! », « Vive la France ! », « Vive l’Union soviétique ! », « Vive l’Angleterre ! ». Les manifestants, sur le trottoir de droite du boulevard Saint-Martin, se dirigent vers la place de la République. À l’angle du boulevard Sébastopol, un cordon de policiers français ne parvient pas à les empêcher de continuer leur marche.
- Sur le boulevard Saint-Denis, entre la Porte Saint-Denis, au fond, et la Porte Saint-Martin, au premier plan, là où la manifestation des Jeunesses communistes se déploya
le 13 août 1941 avant d’être dispersée par l’armée allemande.
Carte postale d’après guerre. Collection Mémoire Vive.
Mais, après la rue du Faubourg-Saint-Martin, le détachement allemand motorisé cantonné au Conservatoire des Arts et métiers, surgit. Des militants fuient par les ruelles, poursuivis par des side-cars. Certains commerçants ouvrent leurs portes aux fugitifs… la porte se referme.
Boulevard Saint-Martin, des jeunes communistes sont coincés contre les grilles qui se trouvent là, à cette hauteur du boulevard. Un sous-officier s’élance vers Pierre Daix et Olivier Souef, repérés avec leurs drapeaux. L’allemand veut tirer et vise. Mais Henri Gautherot, jeune métallurgiste chargé des groupes de protection de la manifestation, s’élance, l’abat d’un coup de poing formidable. Olivier Souef et Pierre Daix peuvent ainsi s’échapper, chacun de leur côté [3]. Pierre Daix sera rabroué pour s’être rendu trop visible en tant que membre de l’organisation. Ce fait d’arme d’Olivier Souef ne permet pas toujours pas sa réintégration au sein de l’organisation clandestine.
Après le 22 octobre, sitôt publiée la liste des otages fusillés à Châteaubriand, Christian Rizo – membre de l’O.S. et second de Gilbert Brustlein – Pierre Daix et Olivier Souef se retrouvent et décident qu’il faut continuer plus que jamais la Résistance armée. Les deux premiers demandent au troisième, qui n’a toujours reçu aucune affectation, de noter les allées et venues du président de la Cour spéciale nommée par le gouvernement Pétain à la demande des autorités d’occupation et qui a fait guillotiner Catelas et autres militants. Ils proposent à la direction de l’O.S. un « règlement de compte entre Français » ne devant pas entraîner d’exécution d’otages, mais l’idée n’est pas retenue.
Le 28 avril 1942, des policiers allemands assistés d’un inspecteur français arrêtent Olivier Souef, ainsi que son frère Claude, Jean Gros et nombre de ses camarades ; lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine et visant majoritairement des militants du Parti communiste ayant eut affaire avec la Justice. Du commissariat du 7e arrondissement, les captifs sont conduits à l’École Militaire, puis à la Gare du Nord, par autobus.
Le jour même, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Olivier Souef entre dans l’organisation clandestine du camp : il est choisi par la direction de celle-ci pour être responsable politique au sein du nouveau triangle mis en place après l’évasion réussie de Georges Cogniot, André Tollet et de 19 autres communistes, le 22 juin 1942.
Entre fin avril et fin juin 1942, Olivier Souef est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
- Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Olivier Souef est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46109 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Il meurt à Auschwitz le 9 août 1942, parmi les premiers “45000”, un mois après l’arrivée du convoi. Il a 21 ans.
Déclaré « Mort pour la France”, son homologation comme “Déporté Résistant” est refusée malgré un certificat d’appartenance à la RIF (18 juin 1948) et il est désigné comme “Déporté politique”. Il est décrit comme « un jeune homme blond, les yeux bleus, grand (1m 83), l’air décidé ». Ses amis le surnommait Robespierre.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 10-08-2003).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 88, 371 et 420.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Lettre de son frère, Claude Souef (décembre 1988) – Lettres de Marie-Elisa Cohen (mai 1882) et de Francis Cohen (1er mai 1982) – Article de Francis Cohen : Les étudiants communistes , le 11 novembre 1940 – Albert Ouzoulias, lettres (avril-mai 1982) et mention dans son ouvrage Les Bataillons de la Jeunesse, p. 60 – Témoignages de “45000” : Georges Brumm et Henri Mathiaud.
Jean Maitron, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, tome 41, page 375.
Boris Dänzer-Kantof, historien, message (12-04-2005).
Pierre Daix, Dénis de mémoire, Témoins Gallimard, août 2008.
Pierre Daix, Les combattants de l’impossible, La tragédie occultée des premiers résistants communistes, Robert Laffont, novembre 2013.
Emmanuel Lemieux, Tony, 1942, Un procès oublié sous l’Occupation, François Bourin éditeur, mars 2012, pages 48 à 108.
Anne Thoraval, Des résistants à Paris, Chemins d’Histoire dans la capitale occupée, 14 juin 1940 – 19 août 1944, éditions SPE-Barthélémy, Paris, octobre 2001, page 234, “Métro Strasbourg-Saint-Denis”.
Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande”, liste arrestations 1946-1947, attestation de Firmin Vieillard (BA 1798) ; dossiers de la BS1 (GB 52), n° 42, « affaire Lévy – Ben Aleya – Souef – Gros – Daix – Guglielmo et Brunschwig », 27–11-1940.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 29-03-2015)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Le lycée Rollin, avenue Trudaine, est le seul établissement parisien à avoir changé de nom après la Libération pour prendre celui de Jacques Decour – Daniel Decourdemanche -, professeur d’allemand au lycée à partir de 1937, créateur dans la clandestinité de L’Université Libre et de La Pensée Libre, responsable du Comité National des Écrivains, arrêté par la police française le 17 février 1942, livré à l’occupant et fusillé au Mont-Valérien le 30 mai 1942.
[2] O.S. : organisation spéciale armée du Parti communiste clandestin, créée à l’origine pour protéger les militant(e)s prenant la parole en public et les distributeurs de tracts.
[3] Henri Gautherot tombe à son tour, se relève. Mais l’ennemi aussi. Il tire sur Henri et l’atteint grièvement aux jambes. Arrêté, le résistant est transporté à l’Hôtel-Dieu, sous surveillance. Le 17 août 1941, Henri Gautherot est fusillé avec Maurice Tyzelmann. Pierre Daix, né le 24 mai 1922 à Ivry-sur-Seine, est déporté de Compiègne dans le convoi de 1218 hommes qui part le 22 mars 1944 et arrive au KL Mauthausen trois jours plus tard (matricule n° 59807). Il est parmi les sept détenus libéré à Mauthausen par la Croix-Rouge suisse le 23 avril 1945. (source : Guillaume Quesnée, Livre-mémorial de la FMD, tome 3, page 268-269, 283, I.191)